Piété et convivialité à Mâcon à la fin du Moyen Age
p. 841-851
Texte intégral
1Enclave royale depuis 1239, définitivement rattaché à la couronne en 1477 après les vicissitudes de la guerre de Cent Ans, le Mâconnais regarde pourtant à plus d'un titre vers des horizons méridionaux. L'affirmation n'est plus à démontrer dans de nombreux domaines ; une nouvelle preuve en est donnée par les formes que prend le mouvement confraternel dans la cité de Mâcon, au XVe siècle. En 1484, les « modernes confrères » du Saint-Esprit font rédiger les statuts de leur compagnie, dont l'existence est attestée dès 1383 par un titre de propriété1. Le roi Charles VIII, « jeune seigneur », débute sa première année de règne... L'heure est propice à une mise en ordre.
2La titulature et la teneur du document rattachent la compagnie mâconnaise au monde des confréries du Saint-Esprit, si vivant dans les régions alpestre et provençale voisines2, mais totalement absent, en revanche, de la Bourgogne du Nord, à Dijon par exemple3. Les articles successifs rappellent les traditionnelles activités cultuelles, centrées sur la fête de la Pentecôte et la prière pour les défunts ; ils requièrent également une prière personnelle régulière quotidienne des confrères, les uns pour les autres, ce qui n'est pas si courant dans les confréries du Nord. L'absence de toute autorisation de l'évêque — c'est alors, depuis 1473, le cardinal Philibert Hugonnet — inclinerait à penser que, comme en Provence, la société conserve une certaine distance vis-à-vis de l'institution ecclésiale4. Ce sont plutôt des liens privilégiés avec l'échevinage de la ville, propres à ce type de confrérie, qui se laissent deviner, malgré la difficulté d'identifier les quelques membres dont le nom est connu. Ainsi, Jehan Ayguet, échevin en 1485, fonde une messe hebdomadaire dans la chapelle du Saint-Esprit de l'église Saint-Pierre, lieu d'implantation de la confrérie5. Enfin, et surtout, son activité principale réside dans l'organisation, lors de la fête de la Pentecôte, d'un repas annuel6 qui est également l'occasion de distributions : d'une part, treize pauvres sont nourris « en l'honneur et remembrance de Dieu notre Créateur et de ses douze apôtres », auxquels se joint, le cas échéant, un pauvre par confrère absent ; d'autre part, de façon plus vague, les restes du banquet vont « aux pauvres», après que les serviteurs en aient eu leur part. Voilà pourquoi, dans ces circonstances, les rations sont en général largement prévues ! La réunion n'inclut donc pas la totalité de la communauté d'habitants, voire un quartier de la ville, ce qui constitue une différence notable avec les autres confréries du Saint-Esprit. Mais, peut-être, faut-il tenir compte à son sujet de la date tardive des statuts, contemporains d'un temps où toutes les confréries du Saint-Esprit commencent à perdre leur spécificité. Le repas n'en conserve pas moins une place centrale au sein de leurs préoccupations, ce qui est le cas, plus globalement, de l'ensemble du mouvement confraternel à la fin du Moyen Age. « Pas de confrérie sans banquet », a dit G. Le Bras, ce qu'illustre à merveille, entre autres, les statuts d'une confrérie limousine particulièrement attentive à la question7 ! Mais, l'enjeu dépasse certainement le strict domaine alimentaire. Aussi, à la faveur de la présentation de ce document, on aimerait proposer quelques remarques sur la fonction de ces repas, alors que les confréries sont déjà stigmatisées comme lieu de gloutonnerie, un cliché promis à longue fortune :
« Les Loups mangent gloutonnement.
Un Loup donc étant de frairie »...,
3dit encore au XVIIe siècle Monsieur de La Fontaine8 !
4A suivre l'exemple mâconnais, le repas confraternel annuel, lieu privilégié de rencontre où se ravivent les liens du groupe, semble associer étroitement, dans son déroulement, piété et convivialité.
5On serait tenté de trouver une première preuve de cet état d'esprit dans le lieu même prévu pour la tenue du repas. Il s'agit ici de l’église Saint-Nizier, construite sur le territoire de la paroisse Saint-Pierre où la confrérie se trouve implantée et se rend pour les offices et les prières du jour de fête. Saint-Pierre est, avec Saint-Vincent — la cathédrale — et Saint-Etienne — près de la rive droite de la Saône, au Nord —, l'une des trois paroisses de Mâcon, et, de loin, la plus importante9. Elle couvre les neuf dixième de la surface de la ville, notamment la partie commerçante dite le « Bourgneuf ». Le nombre important de ses fidèles a rendu nécessaire la présence d'une église succursale, située au cœur du quartier, alors que Saint-Pierre se trouve plus à l'Ouest, adossée à la muraille10. La chapelle Saint-Nizier, citée dans une charte de Cluny de 887, fit l'affaire. A la fin du Moyen Age, elle est régulièrement utilisée pour le culte, comme l'indique la célébration de la messe hebdomadaire de la confrérie ou l'obligation faite aux chapelains attachés à Saint-Pierre d'y assurer l'une des treize messes quotidiennes de la paroisse, au milieu du XVe siècle11. Mais elle est également connue pour remplir d'autres fonctions : en 1380, on y établit un dépôt d'armes ; en 1412, s'y installe la Chambre pour le Conseil des échevins de la ville, jusqu'en 1449, date à laquelle se crée une « Maison de la Ville »12, nouvel indice des liens entre la paroisse Saint-Pierre, l'échevinage, voire la confrérie. Il n'est donc pas étonnant de constater qu'elle a été retenue pour abriter le repas confraternel. Sans doute, faut-il voir dans ce choix une manière d'inclure durant la fête les deux sanctuaires de la paroisse. Notons que la tenue du repas confraternel à l'intérieur d'un lieu de culte ne semble pas scandaleux à l'époque ; est-ce pour autant le signe qu'une dimension religieuse lui est accordée ? L'argument ne tient guère devant les autres vocations « profanes » du bâtiment, au même moment. Et l'on sait que tel est le destin de nombreux édifices cultuels au Moyen Age, avant que ne prévale, à leur propos, une conception plus « sacralisée », après le Concile de Trente13. Aussi, plus que le lieu, c'est davantage le déroulement même du repas qui atteste qu'il n'est pas conçu par les confrères comme une simple occasion de réjouissance.
6Selon la coutume de toutes les confréries, il est précédé d'une messe solennelle et sans doute suivi le lendemain, comme « tous les lundis de l'an », d'une messe de Requiem à l'intention de l'ensemble des défunts du groupe. Mais, il y a plus. Juste avant de commencer, les confrères récitent quelques Pater et Ave « en genoux bien et dévotement » et, après la fin du dîner, vont « rendre grâce au benoît saint Esprit ». Ces usages sont d'autant plus intéressants à relever qu'ils ne sont pas systématiquement présents dans les statuts des confréries du Saint-Esprit, et encore moins dans ceux des confréries du Nord du royaume. Ils se rapprochent plutôt de ce que l'on observe en Rouergue, où certains repas sont également suivis d'actions de grâce à l'église voisine, quand ils ne se déroulent pas en silence, alors qu'un clerc donne lecture de la vie du saint patron ou d'un autre texte édifiant, selon le modèle monastique14. Dans une telle perspective, il apparaît bien que le temps de la prière et celui de la convivialité ne sont pas totalement dissociés.
7Précédé d'une célébration eucharistique, voire directement ponctué de prières communes, le repas confraternel s'inscrit donc comme un temps privilégié, complémentaire des cérémonies liturgiques, où se cimente la cohésion du groupe. Les statuts peuvent alors en toute logique le présenter comme une obligation pour chaque confrère conscient de son engagement. Sa présence ne souffre qu'« excusation raisonnable » (maladie ou absence « motivée » de la paroisse à cette date ?...), et encore, en ce cas, doit-il se faire en quelque sorte représenter par un pauvre qui bénéficie de sa part de nourriture. La valeur salvatrice des gestes de secours envers les pauvres15 demeure toujours présente pour certaines confréries, alors qu'elle aurait tendance à s'estomper dans d'autres régions16. La perspective de faire bonne chair en agréable compagnie ne constituerait donc pas un gage suffisant de participation à la réunion, au point qu'il faille prévoir des amendes assez lourdes (les frais personnels du repas plus une livre de cire) pour ceux qui feraient faux bond. C'est dire que l'on tient à une représentation du groupe aussi complète que possible en la circonstance, au cours de laquelle la communauté tente d'expérimenter une véritable rencontre fraternelle, anticipant sur la vie future que décrivent les premiers versets du psaume 133, fréquemment cités à cet égard :
« Voyez, qu'il est bon, qu'il est doux
d’habiter en frères tous ensemble ! ».
8Le confrère doit donc s'y présenter sous son meilleur jour et faire preuve d'« honnêteté », ce bon comportement, garant de la paix interne. Les membres dont on requiert le conseil lors de l’élection des responsables et pour une nouvelle admission, ne sont-ils pas qualifiés de manière significative des « plus apaisants confrères » ?
9La « réunion de famille » maintes fois évoquée à propos de ces fêtes confraternelles prend ainsi tout son sens, d'autant plus que le repas devient également l'occasion d'évoquer la mémoire des disparus. Les statuts mâconnais sont à cet égard sélectifs, puisqu'ils ne retiennent que celle des membres qui se sont montrés particulièrement actifs ou généreux envers leur société, quitte à ajouter leurs noms au fur et à mesure sur le document, comme il en va pour Jean de La Rochette17. Le même souci préside à des dispositions comparables, imaginées par les confrères de Saint-Denis implantés auprès de l’abbaye parisienne. Leurs statuts prévoient que la part des absents sera reversée aux pauvres, sauf s'ils sont malades, auquel cas elle leur sera portée à domicile ; enfin, les défunts de l'année « seront servis en cuve devant les frères comme si vivants et présents y estoient et nommés par nom et surnom, le tout donné et distribué aux pauvres»18. Ceux qui laissent des rentes en conséquence le seront chaque année, après leur trépas. La convivialité entre vivants se double du souvenir des défunts, pour matérialiser, par la citation nominale ou l'aumône personnelle, les liens qui se perpétuent entre ces deux mondes au nom du dogme de la Communion de Saints.
10Que le repas du jour de fête puisse être le lieu de réjouissances, voire de divers débordements préjudiciables à une bonne image de la vie fraternelle, nul ne saurait en douter et beaucoup l'ont déjà dit, dès l'époque médiévale. Par delà les aspects anecdotiques les plus visibles, l'exemple mâconnais, dans la mesure où il n'est pas isolé, invite à donner à cette rencontre une autre dimension. Elle permet de concrétiser, à l'occasion de la fête du saint patron, ce qui constitue l'essence même du lien confraternel qui rassemble vivants et morts, soit, selon les concepts ecclésiologiques du temps, l'Église triomphante, souffrante et militante. Était-ce véritablement clair à l'esprit de tous ? On ne le saura jamais, et peu importe. Mais, n'est-ce pas dans cette perspective qu'il convient de situer tous les efforts déployés par ces sociétés pour organiser de telles rencontres et tenter de les perpétuer, alors qu’elles commencent à devenir suspectes aux yeux des autorités civiles comme ecclésiastiques, sans doute en partie parce qu'elles ne sont plus comprises ?
11Il est de fait que les confréries médiévales se sont en général donné les moyens d'assurer au mieux leur réunion annuelle. En ce domaine, à nouveau, la confrérie du Saint-Esprit de Mâcon constitue un bon exemple. Le premier article des statuts concerne la coupe et demie de froment due annuellement par chaque confrère pour fabriquer le pain des distributions et du repas. Notons au passage qu'il s'agit de froment et non de céréales plus « rustiques », preuve d'un certain niveau atteint par la consommation urbaine à la fin du Moyen Age. L'habitude de rassembler sur leur propres ressources les provisions nécessaires aux activités confraternelles se retrouve dans la confrérie limousine évoquée précédemment. Il s'agit là du vin du banquet que chaque confrère est tenu de prélever sur sa récolte et d'apporter aux responsables, dès l'époque des vendanges, à charge pour ces derniers de le conserver jusqu'à la Sainte-Catherine, jour du rassemblement ; et les confrères sont invités à venir goûter le dit vin la veille de la fête... sans doute pour vérifier qu'il ait bien vieilli !19 Les cotisations en nature sont complétées par des revenus annexes : ainsi, d'après le dossier de titres conservés — en nombre certainement en-deçà de la réalité —, la confrérie du Saint-Esprit de Mâcon reçoit chaque année plusieurs coupes de froment qui proviennent de rentes assises sur des maisons ou des terres voisines de la ville. C’est pourquoi Jean de La Rochette, qui « a aidé à recouvrer le barreau de vin dû par ceux de Chevaignie-la-Chevrière»20, a bien mérité la reconnaissance de la société !
12Si les archives de la compagnie mâconnaise ne permettent pas de connaître le montant des dépenses entraînées par le repas et les distributions, en revanche, elles fournissent une indication probable sur le nombre des convives. Elles conservent en effet un inventaire de la vaisselle qui appartient à la confrérie, dressé en 1542, alors que « la dite confrérie ne se fait plus » et que les responsables, qui possédaient cette vaisselle en dépôt, décident de la vendre au plus offrant, au profit de la ville, nouveau signe des liens tissés entre la société et les autorités urbaines21. Le fruit de l'opération se monte à la coquette somme de 102 livres tournois, pour tout un ensemble de plats, brocs, aiguières, salières et autres « pochons » en étain. Les six douzaines et demie d'écuelles laissent imaginer des réunions d'au moins 78 personnes, voire davantage, car les usages de table ne sont pas encore à l'époque ceux du couvert individuel... et s'accommodent du partage avec son voisin ! Le chiffre n'a rien d'étonnant ; il rejoint les estimations proposées d'après des registres de membres pour les confréries urbaines médiévales.
13Lieux de piété et convivialité tout à la fois : c'est sous ce double aspect qu’il convient de rendre justice aux repas des confréries médiévales et aux efforts déployés par leurs responsables pour en assurer le bon déroulement. La commensalité scelle toutes formes de liens à l'époque, y compris les plus sacrés, tels ceux de la Communion des Saints. L'usage, décrit ici à propos de petites collectivités confraternelles, était également pratiqué à titre individuel, par tel donateur qui organise un repas pour des pauvres en échange d'une prière salvatrice à sa mémoire22. Mais il ne pourra survivre à l'évolution qui va dans le sens d'une intériorisation toujours davantage accentuée de la piété. C'est ainsi que, dès le XVIe siècle, l'absence du repas devient un des critères qui distingue les nouvelles confréries de dévotion modernes des anciennes confréries médiévales d'intercession.
***
Statuts de la confrérie du Saint-Esprit de l'église Saint-Pierre de Mâcon, 1484
Le document figure dans un petit registre d'une écriture fin XVe début XVIe, qui comporte également une liste non datée de confrères ainsi qu'un ensemble de titres dont les plus anciens remontent à 1383. Archives départementales de Saône-et-Loire : GG 116, no 17, fo 2 et 3.
14« C'est l'ordonnance que les confrères de la confrérie fondée anciennement en cette ville de Mâcon à l'honneur, louange et gloire du benoît saint Esprit, ont accoutumé de observer au fait de la dite confrérie. Laquelle ordonnance a été rédigée par écrit du consentement des modernes confrères d'icelle confrérie, nommés et écrits cy après, en l'an de grâce mil quatre cent octante quatre, régnant très excellent et très puissant roy pacifique en tout son royaume de France, Charles le Ville, au premier an de son règne, jeune seigneur en l'âge de quinze ans ou environ.
15Ce sont les ordonnances de la confrérie du Saint-Esprit de Mâcon.
161- Premièrement est tenu un chacun confrère bailler tous les ans aux recteurs et maîtres de la dite confrérie, tant pour faire l'aumône que l'on a accoustumé de faire ès ales23 du dit Mâcon la veille de la fête de Pentecôte en pain à tous venans, que pour le dyner d'iceux confrères, lequel pareillement l'on a accoustumé faire tous les ans en l'église Saint-Nizier le jour de la dite fête, une coupe et demie de froment à savoir quinze jours avant icelle fête.
172- Item, sont tenus tous les confrères de la dite confrérie être en personne, bien et dévotement, le jour de la dite fête de Pentecôte, à la messe, laquelle on a accoustumé faire célébrer et chanter solennellement du benoît saint Esprit en l'église paroissiale de saint Pierre du dit Mâcon, après la messe ordinaire de la dite paroisse, par huit chapelains étant de la dite confrérie. Et, d'illec, avec la croix et iceulx chapelains, venir en procession de la dite église paroissiale jusqu'à la dite église de saint Nizier. Et là, dyner et prendre réfection tous ensembles. Si n'y avoir excusation légitime pour laquelle celui qui fauldroit peut etre excuse, et ce sous peine d'une livre de cire d'avoir appliquer au luminaire de la dite confrérie, et de paier comme les autres confrères qui sont au dyner. Et si ainsi est qu'il n’y puisse être, il peut envoyer et mettre en son lieu un pauvre, avec les treize pauvres auxquels on a accoustumé donner à dyner en l'honneur et remembrance de Dieu notre benoît Créateur et de ses douze apôtres.
183- Item, et pour ce que plusieurs confrères trépassés comme honorables personnes, Etienne des Rippes, Pierre Champaigne et autres, ont fait plusieurs biens en la dite confrérie, est accoustumé avant que l'on entre à table au dyner que, un chacun confrère là étant, dit, en genoux bien et dévotement, pour les âmes des dits trépassés, un Pater et une Ave Maria.
Un Pater et une Ave Maria pour la prospérité de honorable homme Jean de La Rochette, clerc, notaire royal et citoyen de Mâcon, lequel a aidé à recouvrer le barreaul de vin dû par ceux de Chevaignie-La Chevrière24.
194- Item, après le dyner sont tenus les dits confrères en personne et en procession, avec la croix et les dits chapelains, sy tirer des la dite église de saint Nizier à la dite église paroissiale. Illec, rendre grâce au benoît saint Esprit de tous les biens qu’il nous donne et donnera s'il lui plaît par sa grâce cy après.
205- Item, on a accoustumé donner aux pauvres tout le reliqua du dit dyner, pour l'amour de Dieu, excepté ce qui est nécessaire pour la vie des serviteurs qui aident au dit dyner.
216- Item ont accoustumé les dits confrères, de toute ancienneté, faire dire et célébrer tous les lundis de l'an, une messe de Requiem en la dite église de saint Nizier pour les âmes de tous les confrères trépassés ; laquelle messe, encoure, se dira par les dits huit chapelains ; c’est assavoir par un chacun d’eux à son tour. Et sont et seront tenus, au partir de l’aulte25 et devant celui autel, dire un De Profundis avec l'oraison Deus venit largiter, et avec aspersion d'eau bénite, bien et dévotement, comme est accoustumé. Et auront les dits chapelains, pour une chacune messe, ung sol parisis, lequel leur sera payé par les dits recteurs tous les jours qu'ils chanteront. Et ne pourront prendre chacun iceulx chapelains de dire autre messe le jour qu'ils chanteront la dite messe.
227- Item, sera tenu un chacun des dits confrères comme est accoustumé, quand aucun d'iceux ira de vie à trépas, bailler aux recteurs de la dite confrérie ou à aucun d’eux, cinq deniers tournois pour faire dire des messes pour l’âme de celui qui sera trépassé. Et à être à son enterrement, si faire se peut.
238- Item, le jour de Pentecôte, au matin avant le dyner, sera vu et advisé par cinq ou six des plus apaisants26 confrères de la dite confrérie, experts en tel cas, avec les dits recteurs, comme est accoustumé, tout ce que iceulx recteurs auront reçus et miseront touchant le fait de la dite confrérie, afin de imposer à un chacun confrère sa quote part en pourcion de ce que sera décheu aux dits recteurs. Laquelle quote et pourcion se payera à iceulx recteurs par un chacun confrère royaullement au dyner, comme est accoustumé de faire sans rien mettre à créance.
249- Item, tous les confrères de la dite confrérie qui sont et seront cy après, sont et seront tenus prier le benoît saint Esprit pour le salut, prospérité et santé l’un des autres et pour les âmes de tous les confrères trépassés dire tous les jours bien et dévotement ung Pater et une Ave Maria.
2510- Item, si aucun débat ou question advenoit entre les dits confrères mêmement en matière d’injures que Dieu ne veuille, iceulx confrères seront tenus soy charitablement employer et donner peine de les concorder et pacifier afin que, moyennant le benoît saint Esprit, bonne paix et vray soit et puisse être à toujours entre iceulx confrères et autres habitants de la dite ville de Mâcon.
2611- Item, ce jour de fête de Pentecôte, au dyner, seront élus par le conseil, consentement de tous les confrères là étant, trois des dits confrères ydoines et suffisants pour être recteurs et maîtres de la dite confrérie. Et dorénavant, tous les ans, on en changera un. Lesquels recteurs auront toute la charge et puissance de faire observer toutes les choses contenues en ces présentes articles et ordonnances. Et ne pourront recevoir, comme on souloît faire, aucune personne pour confrère sans appeler l’advis de cinq ou six des plus apaisants de la dite confrérie, et seront tenus ceux qui seront reçus nouveaux confrères, donner quelque chose au profit de la dite confrérie, comme l’on avait accoustumé anciennement. Et, si aucun des dits confrères se veut départir de la dite confrérie, il le pourra faire, prime payant ses arrérages, si paier en doit, sus une livre de cire au profit de la dite confrérie.
2712- Item, les dits recteurs seront tenus prendre par inventaire la vaisselle, linge et autres meubles de la dite confrérie, afin d'en rendre compte et reliqua à ceux qui à ce seront commis, toutes fois que requis en seront.
2813- Item, afin que iceulx recteurs puissent mieux et plus facilement tenir leur compte, tous les ouvrages qu'ils feront faire tant en la vigne, maison, censive que autres biens de la dite confrérie, ils les feront faire à la taiche et après fait par escrit, comme appartient en tel cas.
2914- Item, afin que le benoît saint Esprit veuille tous les dits confrères qui sont et seront, avoir à toujours en sa benoîte protection et sauve garde en ce présent monde et à la fin recueillir en son benoît royaume de paradis, l'on requiert iceulx confrères quand au lit de leur mort seront, ils auront souvenance de faire aucun bien à cette noble confrérie ».
Notes de bas de page
1 A.D.S.L. : GG 116, no 17.
2 Entre autres, P. Duparc, « Confréries du Saint-Esprit et communautés d'habitants au Moyen Age », dans Revue historique de droit français et étranger, 1958, p. 349-367 et 555-585 ; J. Chiffoleau, « Entre le religieux et le politique : les confréries du Saint-Esprit en Provence et en Comtat Venaissin à la fin du Moyen Age », dans Le mouvement confraternel au Moyen Age, Rome, École Française de Rome, 1987, p. 9-40.
3 C'est ce que montre l’enquête de D. Viaux, La vie paroissiale à Dijon à la fin du Moyen Age, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 1988, p. 157-164, alors que l’on en connaît notamment deux pour le diocèse de Chalon : à Saint-Désert (Saône-et-Loire, arr. Chalon-sur-Saône, cant. Givry ; A.D.S.L. : E 1471) et Sassenay (Saône-et-Loire, arr. et cant. de Chalon-sur-Saône. A. Bailly, « La confrérie du Saint-Esprit et messe des trépassés à Sassenay, 1457-1457-1802», dans Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Chalon-sur-Saône, 52, 1982-1983, p. 75-82).
4 J. Chiffoleau, op. cit., p. 11 et 32.
5 Abbé B. Rameau, Notice historique sur la paroisse et l'église Saint-Pierre de Mâcon, Mâcon, 1892, p. 18.
6 Six des quatorze articles lui sont consacrés.
7 G. Le Bras, « Les confréries chrétiennes... », dans Études de sociologie religieuse, Paris, 1956, E. 442, n. 7. « Statuts et règlements : statuts de la confrérie de la Conception Notre-Dame à Limoges, XVe siècle », éd. par A. Leroux, Choix de documents historiques sur le Limousin, Limoges, 1891, p. 66-79 : les articles s’attardent avec un luxe de détails sur les menus, notamment...
8 « Le Loup et la Cigogne », Fables, Livre III, Fable IX, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 105.
9 L. Lex, A travers Mâcon, Mâcon, 1911, p. 54.
10 J.M. Grosset, Tableau historique de la ville de Mâcon, Mâcon, 1847, p. 46.
11 Abbé B. Rameau, op. cit., p. 11.
12 B. Rebuffet, Les grandes heures des églises de Mâcon, Mâcon, 1974, p. 110.
13 G. Le Bras, L'église et le village, Paris, Flammarion, 1976, p. 63-64.
14 N. Lemaitre, Le Rouergue flamboyant, Paris, Le Cerf, 1988, p. 373-374.
15 M. Mollat dir., Études sur l'histoire de la pauvreté (Moyen Age-XVIe siècle), Paris, 1974.
16 C'est notamment le cas en Normandie : C. Vincent, Des charités bien ordonnées..., Paris, 1988, p. 168-171.
17 Jean de La Rochette, « clerc, notaire royal et citoyen de Mâcon » dit le document, ne doit pas être confondu avec Jean de La Roche, seigneur de Chabannes, chevalier, conseiller et chambellan du roi, bailli et juge royal qui fut bailli de Mâcon de 1483 à 1506.
18 Statuts de la confrérie de Saint-Denis, en l'abbaye de Saint-Denis-en-France, sans date (sans doute du XIIIe) ; Bibliothèque nationale : ms fr. 17723, f. 50 r.-58 r. notamment articles 24 et 25, f. 56 v. et 57 r. La cuve dont il est question, désigne le récipient où sont recueillis les mets destinés aux pauvres. Voir aussi A. Lombard-Jourdan, « La confrérie de Saint-Denis des origines à 1785 », dans Bibliothèque de l'École des Chartes, 1983, t. 141, p. 37-68.
19 « Statuts de la confrérie de la Conception Notre Dame à Limoges (XVe siècle) », op. cit., articles 31 et 56.
20 Bourg voisin ; Saône-et-Loire, arr. et cant. Mâcon. Le versement de la redevance en vin, au moment de la fête de la Pentecôte, donc du repas annuel, apparaît dans un livret de comptes daté de 1487-1488 : la confrérie a touché au total 48 pots de vin, de contenance non précisée.
21 L'acte de vente porte la mention suivante : « Six cens pesant de vaisselle d'étain, a raison de 17 livres le cent, revenant le tout a la somme de 102 livres tournois ; laquelle vaisselle est provenue de la confrérie du Saint Esprit laquelle l’on souloit faire en l'église saint Nizier au dit Mâcon. Laquelle vaisselle parce que présentement la dite confrérie ne se fait plus, avoit été mise partie ès mains et puissance dudit Philippe Chastellain et partie ès mains du dit Jean Gratus ». Jean Gratus est échevin de Mâcon et Philippe Chastellain, recteur de la confrérie en 1542 ; c’est lui qui acquiert la vaisselle, dans l'espoir qu'elle puisse continuer à servir en des temps meilleurs ?... ; l'inventaire de ce qui lui est remis est daté du 11 juillet 1542 (A.D.S.L. : GG 117, no 22 et 29).
22 Le cartulaire de Clermont-en-Beauvaisis conserve une charte rédigée pour la suppression, en 1347, d’un repas anniversaire à destination des pauvres clercs de la région, fondé dans l'église du château par la dame d'Angivilliers (aucune date n'est donnée pour cette fondation). Il est remplacé, pour cause de désordres, par une messe anniversaire. Bibliothèque nationale : ms fr. 4663, f. 116 v. Angivilliers : Oise, arr. Clermont, Con. Saint-Just-en-Chaussée. Voir un exemple analogue cité par A. Lallemand, Histoire de la charité, Paris, 1903, t. III, p. 326-327 : le juriste Jean de Macon nourrit dix pauvres pendant chaque Carême, en échange de prières ; l'œuvre débute de son vivant puis se poursuit après son décès.
23 Halles.
24 Passage ajouté d'une écriture plus fine.
25 Autel.
26 Garants de la paix du groupe ; la « plus saine partie » citée dans d'autres statuts. Egalement employe à l'article 11.
Auteur
Université Paris I
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