Les Gibelins du royaume d'Arles
Notes sur les réalités impériales en Provence dans les deux premiers tiers du xiiie siècle1
p. 669-695
Texte intégral
1Des fresques étonnantes ornent encore le second étage d'une tour, dans une petite ville du Midi provençal, Pernes-les-Fontaines, à quelques lieues d'Avignon. On y voit saint Christophe, la Vierge, un épisode célèbre d'une chanson de gestes (le combat de Guillaume d'Orange contre le géant Ysoré) mais aussi le pape Clément IV confirmant à Charles d'Anjou l'investiture du Royaume de Naples, une scène de remise de fief par le même Charles d'Anjou à un vassal difficilement identifiable, une bataille où s'affrontent de puissants cavaliers, un homme à cheval tirant le cadavre de son ennemi, un roi enchaîné, à genoux, courbant la tête. Les inscriptions, les blasons, tout porte à croire que sont ici représentés le combat de Bénévent et les événements qui suivirent Tagliacozzo. Ces fresques sont difficiles à dater, mais on pense en général qu'elles ont été réalisées une ou deux décennies seulement après les faits, vers 1280, peut-être un peu plus tard, en tous cas avant 12901.
2Que viennent donc faire en plein Comtat Venaissin des batailles si importantes pour l'histoire italienne ? Les érudits imaginent que c'est un vassal de Charles d’Anjou, peut-être un membre de la puissante famille des Baux d'Orange, qui était le commanditaire de l'œuvre. Si la tour, comme le croient aussi certains érudits, appartenait aux chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, peut-être était-il dignitaire de cet ordre. Mais il est plus probable encore qu'il ait possédé quelques droits et quelques biens — dont cette tour — à Pernes. Il avait en tous cas combattu, comme beaucoup d'autres Provençaux, avec Charles en Italie. Et comme beaucoup d'autres familles provençales aussi, la sienne avait reçu en récompense des fiefs et des charges dans le Royaume de Naples.
3Charles d'Anjou, bien qu'il fut aussi comte de Provence, n'était pourtant pas à cette date le seigneur de Pernes et de tout le pays alentour. Depuis quelques années, c'était le pape qui dominait cette petite région, que l'on appelait le marquisat de Provence et qui lui avait été remise bien plus tôt par le comte de Toulouse. Dès 1229 en effet, Raimond VII avait été contraint d'aliéner sa principauté sous la pression des clercs et des croisés septentrionaux. Jusqu'à sa mort, en 1249, il avait cherché à la récupérer, par tous les moyens, et pendant les vingt années qui suivirent la garde du pays avait été confiée à l'autre frère de saint Louis, Alphonse de Poitiers. Il fallut donc attendre 1273 pour voir les officiers de la Sainte Église Romaine remplacer définitivement les Français, mais il faut se rappeler que certains pontifes connaissaient déjà fort bien le Venaissin, avant même qu'il fut en leur possession : Innocent IV, par exemple, y était passé en revenant de Lyon et Clément IV y avait été chargé d'enquêter pour le frère du roi, alors qu'il n'était qu'un éminent juriste de Montpellier.
4Les fresques de Pernes célèbrent donc clairement les liens des capétiens et des Angevins de Naples avec les papes. Mais si elles exaltent avec une telle ostentation, et dans ce lieu particulier, la vieille alliance des princes français et des pontifes romains, c’est sans doute aussi parce qu'il fallait célébrer en cet endroit précis une victoire chèrement acquise, qu'il fallait affirmer haut et fort cette domination nouvelle du pape et du comte sur un pays qui leur avait été, quelques décennies plus tôt, nous allons le voir, fort peu favorable, pour ne pas dire constamment rétif et rebelle. En réalité, les fresques de Pernes nous rappellent indirectement, à nous autres Français, que ces terres ne se donnèrent pas sans résister aux papes et aux capétiens, elles nous permettent de mieux comprendre pourquoi le roi Manfred fut aussi pleuré en langue provençale2...
5Si l'on excepte le livre de Paul Fournier sur le Royaume d'Arles3, paru en 1891, il faut bien reconnaître en effet que l'érudition française a presque toujours négligé cette histoire et peu de choses ont changé depuis le moment où Huillard-Bréholles constatait lui-même que « l'influence politique de l'empereur Frédéric II sur le Royaume d'Arles » était un sujet « obscur »4. Obsédée par l'affaire albigeoise, l'historiographie française a concentré son attention sur le Languedoc et les progrès récents des études sur la Catalogne, en insistant sur l'origine des comtes de Provence, ont sans doute encore un peu détourné les chercheurs d'une réflexion sur les terres impériales du Rhône et des Alpes5. Le Royaume d'Arles au temps de Frédéric II semble avoir aussi peu intéressé les historiens allemands, peut-être parce que, à l'inverse de son grand père, l'empereur n'est jamais venu se faire couronner à Saint-Trophime. Quant à l'historiographie italienne, si elle est depuis longtemps très sensible au rôle de la langue provençale et des troubadours à la cour de Paierme ou de Foggia6, elle s'est surtout focalisée sur les Angevins de Naples, puis sur l'exil avignonnais des papes, par conséquent sur les suites de la lutte contre le Hohenstauffen7.
6Il est vrai que les sources traditionnelles sont beaucoup moins abondantes dans notre région qu'en Italie : on ne possède pratiquement aucun récit, aucune chronique locale8; seulement un peu plus de 100 diplômes issus de la chancellerie impériale concernent le Royaume d'Arles, les lettres pontificales étant à peu près trois fois plus nombreuses. Une bonne centaine de sirventès composés par des troubadours provençaux nous permettent toutefois d'aborder les problèmes d'idéologie et d'adhésion aux thèses gibelines ; ils viennent d'être étudiés par M. Aureli9. Des recherches récentes dans les chartriers et les cartulaires locaux éclairent cependant assez bien le contexte social et la chronologie des événements. Ces documents de la pratique fournissent même souvent des renseignements précieux sur les liens des Provençaux avec les papes ou la cour impériale10. Les versions connues des constitutions anti-hérétiques de Vérone et de Crémone ne proviennent-elles pas, par exemple, des archives d'Arles et de Carpentras ? Et le premier cartulaire d'Avignon n'a-t-il pas été compilé à la demande de Perceval Doria, le podestat gibelin11 ?
7L'examen de ces sources locales, qui mériterait d'être beaucoup plus approfondi, montre en tous cas qu'il faut envisager l'histoire de cette région en synchronie complète avec celle de la péninsule italienne. Non seulement apparaissent en effet les liens concrets entre l'Italie et la Provence, au plan économique, culturel et politique, mais se révèle aussi une grande homologie de structures entre les deux pays, qui pourrait nous aider à comprendre l'un par l'autre. Certes la présence des princes catalans12, le voisinage des Français, le rôle encore essentiel de barons turbulents (les Baux, les Poitiers, les Adémar, les Sabran-Forcalquier) singularisent notre région. Mais l'évolution des pouvoirs depuis le Xe siècle, leur inscription même dans le paysage rural, le rôle des seigneuries épiscopales, le développement et l'émancipation des villes, la présence supposée de l'hérésie, la circulation des hommes de loi rapprochent beaucoup les terres provençales et comtadines de celles, par exemple, de l'Italie centrale13.
8Bien plus, le développement des interventions pontificales sur des terres d'Empire, dès le début du XIIIe siècle, fait de cette région, notamment du Marquisat de Provence, un enjeu théologico-politique essentiel, exactement comme le sont, pour des raisons historiques bien plus anciennes, les territoires mathildiens ou certaines cités postées aux limites du Patrimoine. L'histoire de la Provence dans la première moitié du XIIIe siècle n'apporte peut-être pas d'éclairages très neufs sur la politique frédéricienne à l'égard des villes. Elle s'impose pourtant aux historiens français toujours trop tournés vers la construction providentielle de l'État capétien. Mais il est possible aussi qu’elle nous donne quelques clefs pour comprendre les conditions concrètes de l'expansion angevine en Italie et l'arrivée, soixante ans plus tard, des papes sur les bords du Rhône. Invoquer, pour expliquer cet exil, la seule puissance capétienne, transformer ce long séjour en une « captivité babylonienne », comme on le fait régulièrement depuis Pétrarque et Catherine de Sienne, c'est en effet oublier ces luttes farouches qui opposèrent, ici aussi, dans les années 1230-1250, les partisans de l’empereur à ceux du pape.
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9Pour comprendre les enjeux du premier XIIIe siècle, c'est évidemment toute l'histoire politique de cette région, depuis au moins la Réforme Grégorienne, qu'il faudrait rappeler, en soulignant ses parallélismes étroits avec l'histoire de l'Italie centrale dès lors qu'il s'agit par exemple de l'incastellamento, des principales phases de la construction des seigneuries d'Église ou bien des débuts du mouvement communal, dans les années 1130-1160. On ne peut que renvoyer sur ce point aux travaux de J.-P. Poly14. Pour la seconde moitié du XIIe siècle, il faut toutefois souligner trois traits importants, qui ont été trop négligés jusqu'ici par l’historiographie française : 1) le lent retour de l'influence impériale dans le Royaume d’Arles à partir du règne de Conrad III. 2) l'importance nouvelle de la référence romaine dans la vie culturelle, juridique et politique de la région. 3) les troubles des années 1190-1210 qui font de ce pays un enjeu essentiel dans les relations entre la papauté et l'Empire, au même titre, encore une fois, que les territoires mathildiens ou les cités d'Ombrie.
10Certes, les rappels périodiques par les souverains germaniques de l'obligation du service armé restent, dans le Royaume d'Arles, sans application concrète jusqu'au règne de Frédéric II15, mais la présence des grands aux diètes, la multiplication des privilèges et des bulles d'or, l'appel au jugement du tribunal de l'empereur (voyez, en 1162, la fameuse affaire qui oppose à la Diète de Turin, le comte de Provence à Hugues de Baux16) sont les signes les plus évidents de ce retour de l'influence impériale dans seconde moitié du XIIe siècle. Sans entrer dans le détail du règne de Barberousse, il suffit de rappeler l'itinéraire d'Alexandre III, qui évite soigneusement la vallée du Rhône lorsqu'il se rend de Montpellier à la cour du roi de France, et bien sur, en sens inverse, la descente de l'empereur et son couronnement en Arles au mois de juillet 1178, pour en avoir une confirmation éclatante. Les registres de la chancellerie impériale révèlent alors une politique classique d'alliance entre le souverain et les évêques, soucieux de freiner ou de contrôler un mouvement d'émancipation communale qui s'accélère dans les années 1170-119017.
11Bien des églises provençales, construites entre 1140 et 1180, témoignent, au plan architectural et iconographique, de la force nouvelle de la référence romaine à la même époque, et l'étude de la sculpture locale révèle les liens culturels très vivants de la Provence avec certaines cités italiennes, notamment avec Pise18. Les portails d'Arles ou d'Avignon, les absides de Vaison ou de Cavaillon pratiquent alors à grande échelle l'imitatio des monuments romains locaux et, à la fin du siècle, il n'est pas sans importance que les sceaux des évêques commencent à arborer systématiquement les insignes impériaux19. A la même époque, entre Valence, Montpellier et Marseille, le développement de ces savantes écoles de droit que les recherches patientes d'André Gouron nous ont fait découvrir, contribue sans doute encore bien davantage à réactiver les liens avec l'Empire, avec un certain type de référence et de garantie politique20. Lo Codi, les Exceptiones Petri, la Summa Trecensis, la Stimma Justiniani in hoc opere, exaltent à l'évidence la loi, la loi impériale, même si nos juristes se disent souvent brouillés avec l'empereur lui-même et si l'on dénote chez eux d'indéniables influences martiniennes. Les troubles nombreux des années 1190-1250 expliquent peut-être ensuite la quasi disparition, pendant près de quatre-vingts ans, de ces écoles et des glossateurs locaux, mais nous savons que les Provençaux vont alors en masse apprendre le droit de l'autre côté des Alpes (pas seulement à Bologne, on les trouve aussi à Verceil, à Vicence, à Modène, etc.)21. L'arrivée des podestats et des juges italiens sous le règne de Frédéric II maintient et renforce, comme nous allons le voir, cette présence du droit romain dans la région, jusqu'à ce que de nouveaux centres d’études réapparaissent, dans les armées 1280-130022.
12De multiples signes de tensions se manifestent en effet dans les dernières années du XIIe siècle : résistances de la petite noblesse devant le développement de l'appareil étatique princier (sous la régence de Sanche en comté de Provence par exemple)23, heurts « post-grégoriens » entre les grands et les évêques à propos des episcopatus ou des biens monastiques (voyez Raimond de Toulouse face à l'évêque de Vaison, face à l'abbaye de Saint-Gilles, Guillaume de Sabran face à l'abbaye de Montmajour, etc.)24, luttes urbaines plus vives (les commîmes cherchent alors à se débarrasser complètement de la tutelle des seigneuries épiscopales « à l’ombre desquelles», pourtant, elles étaient nées)25, et surtout peut-être développement d'un anticléricalisme diffus devant les pressions accrues, notamment économiques, des clercs et des moines26. C'est à cette époque qu'apparaissent d'ailleurs, dans les lettres pontificales, les premiers soupçons d'hérésie27, des soupçons encore très vagues, qui ne vont jamais jusqu'à définir la nature exacte de cette « dépravation », ni à donner la moindre preuve d'une présence hérétique effective28.
13À côté de son intérêt pour les affaires montpelliéraines29, c'est peut-être cette agitation diffuse, souvent tournée contre les prélats et les clercs, qui conduit Innocent III à regarder de beaucoup plus près ce qui se passe dans la région ; le meurtre de Pierre de Castelnau ne fait, bien entendu, que renforcer sa détermination. Son pontificat est essentiel dans l’histoire géopolitique de la Provence comme il l'est pour l'histoire du Languedoc voisin, mais pour d'autres raisons. Il inaugure en effet, on ne l'a jamais assez souligné, une politique d'empiétements systématiques sur les terres d'Empire, notamment dans le Marquisat de Provence tenu par Raimond de Toulouse. Une politique interventionniste qui va faire de cette région un objet de discorde continuelle entre le pape et l'empereur, au même titre, encore une fois, que bien des territoires d'Italie centrale, même si, dans ce cas, ce sont seulement des vassaux de l'empereur, le marquis de Provence avec Arles, Avignon et Marseille, qui sont les ennemis immédiats de l'Église romaine30.
14Entre 1209 et 1215, il est évident que les légats et les prélats locaux exercent des pressions constantes sur le pape pour justifier ces incursions31. Le schisme impérial lui-même laisse les mains libres au pontife (en 1209 par exemple, l’Église s’empare de castra en Venaissin et se fait prêter serment de fidélité par les Avignonnais, alors qu'Othon n'est guère en position de répliquer ; Frédéric lui-même ne peut guère protester, au début de 1215, lorsque le pape prétend faire garder le Marquisat par son légat jusqu'à ce que le concile ait statué sur le sort du comte de Toulouse)32. Mais il ne faudrait pas en déduire que le pape s'est fait forcer la main par ses légats et les prélats du cru, comme certaines analyses, subtilement apologétiques, continuent de le faire croire. Si l'on peut trouver dans ses décisions une vraie volonté de ménager le comte de Toulouse et d'agir avec équité, en respectant les dominations locales et le droit canonique, il n'est pas sans intérêt non plus de remarquer que, dès 1200, le pontife fait parvenir à son légat en Narbonnaise une copie de la fameuse décrétale Vergentis in senium33. Assimilant l'hérésie au crime de Majesté, justifiant les confiscations et les exhérédations, cette lettre, quoiqu'on dise, est un manifeste et une arme pour la théocratie et son envoi dans cette région me paraît être de nature à justifier par avance toutes les interventions pontificales ou princières sur des terres qui ne dépendaient pourtant pas directement des papes34.
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15La première partie du règne de Frédéric se caractérise par une apparente et remarquable continuité : continuité des empiétements pontificaux, fort difficiles à repousser, continuité des liens avec les prélats de la région, fermeté à l’égard des villes, dans la ligne de la politique de Barberousse. Mais les suites de la croisade albigeoise et surtout les tensions sociales très fortes qui se manifestent en ville comme à la campagne menacent constamment les équilibres locaux et régionaux. L'apparition des podestats, le développement de l'anticléricalisme, s'accompagnent aussi de références de plus en plus fréquentes à l'Empire, d'appels de plus en plus pressants à l’empereur, aussi bien dans la petite noblesse que dans certaines couches urbaines.
16Les incursions des légats pontificaux, ou des croisés français en terres impériales (Simon de Montfort est à Valence en 1213, il est de nouveau en Valentinois en 1217, etc.) se font toujours au nom de la défense de la foi, sous la pression des prélats locaux. Mais, comme l'avait bien noté de Vergottini dans son étude sur la législation impériale de 1220, Frédéric II, en semblant alors admettre que le pape puisse occuper une terre d’Empire dont l'un de ses vassaux aurait négligé de purger l'hérésie, donnait au pontife une justification à toutes les occupations, passées ou à venir35. Pour cette raison, cette septième loi de novembre 1220, qui s’appuyait sur le canon 3 du concile de Latran, ne fut d'ailleurs pas entièrement intégrée au Corpus par les glossateurs gibelins36. Comme le remarquait encore de Vergottini, c'était dans le Royaume d'Arles que cette mesure était, à terme, la plus inquiétante pour le pouvoir impérial puisque le premier suspect de laxisme à l'égard de l’hérésie était bien entendu Raimond de Toulouse, le marquis de Provence37.
17Frédéric II a beau, en 1225, défendre au même Raimond VII ou à l'archevêque d'Arles d’aliéner la moindre parcelle de terres d'Empire38, cela ne retient nullement les croisés de Louis VIII de prendre Avignon en 1226, et le pape de forcer le comte de Toulouse, au traité de Paris, en 1229, à « abandonner pour toujours dans les mains du seigneur légat » les possessions qu’il tenait de l'empereur. Bien entendu, les Français comme le pape protestent que cela se fait « salvo jure domini principalis », mais il est significatif que ces deux incursions, aux conséquences capitales, aient eut lieu aussi au moment même où l'empereur ne pouvait guère réagir. En 1226, il était aux prises avec les Lombards ; en 1229, il était excommunié et fort loin du Rhône, il pèlerinait, plus qu'il ne combattait, en Terre Sainte !
18Jusqu'à la fin des années 1230, ces empiétements pontificaux n'empêchent pas l'empereur de manifester de la bienveillance à l'Église du royaume d'Arles, de paraître accepter la coopération avec l'autre pouvoir, de jouer son rôle traditionnel de pacificateur en s'appuyant sur des prélats fort attachés à l'Empire. L'activité de la chancellerie révèle en effet au même moment une grande continuité dans l'attitude à l'égard des évêques et des principaux vassaux de Provence et du Bas-Rhône. Lors des diètes ou des rassemblements solennels, ceux-ci viennent logiquement se faire confirmer leurs privilèges ou en demander de nouveaux (c'est le cas à Bâle en 121539, à Haguenau en 1215 et en 123540, et même encore à Turin, à Pavie et à Brescia en 1238 où paraissent de très nombreux prélats de la région41). Mais ils n'hésitent pas non plus à se rendre individuellement auprès de l'empereur, souvent pour régler un différend avec leurs administrés : on voit ainsi l'évêque de Marseille à Cosenza 1222, à Païenne en 1223, celui d'Avignon à Crémone en 1224, l'archevêque d'Arles à Ceprano en 123042, etc. Il s'agit toujours de privilèges, de luttes contre les péages et les tonlieux abusifs, dans la ligne des décisions conciliaires, et, nous y reviendrons, de soutien apporté aux évêques contre leurs communes trop virulentes. Sur la centaine de diplômes impériaux conservés pour le Royaume d'Arles, plus de la moitié ont été donnés entre 1214 et 1232, et pratiquement les trois quarts avant 123843.
19Cette modeste statistique nous indique aussi, paradoxalement, à quel point la présence impériale reste alors, dans ces terres rhodaniennes, tout à fait traditionnelle et, pour tout dire, assez lointaine. L'empereur ne semble même pas y avoir eu, pendant cette période, de représentant officiel, efficace, direct. Guillaume de Baux a prétendu avoir reçu la couronne d'Arles des mains de Frédéric. C'est ce qu'indique la copie tardive d'un diplôme de 121544. Avec Winkelmann, il faut émettre les plus grandes réserves sur l'authenticité de ce document45. On ne voit pas que Guillaume se soit fait appeler roi ailleurs, une lettre du pape du mois suivant suggère qu'il s'est emparé de son propre chef du Marquisat et le fait que les troubadours n'hésitent pas à l'appeler « le demi-roi » plaide davantage pour une usurpation que pour une concession réelle46. Si l'on en croit Fournier, Eudes de Bourgogne aurait peut-être été vicaire impérial en 1216 et l'on est certain que Guillaume de Montferrat s'est vu confier le Royaume en 122047. Mais dans les trois cas, l’efficacité de la médiation est nulle : Guillaume de Baux s'allie tout de suite avec les Français, Eudes de Bourgogne ne descend sans doute pas au sud de Vienne et Guillaume de Montferrat, qui meurt en Orient en 1223, ne doit sa nomination qu'à l'appui efficace d'Honorius III, peu de temps après le couronnement impérial de 122048.
20Or, les troubles urbains deviennent endémiques dans les premières décennies du XIIIe siècle : à Marseille, en Arles et Avignon, ils se sont réveillés dès les années 119049, mais on garde aussi la trace d'émeutes et de soulèvements à Romans en 120850, en 1209-1215 à Tarascon51, en Avignon derechef en 121552, en Arles de nouveau et à Die en 121753, en 1222 à Saint-Paul-Trois-Châteaux54. La même année l’évêque de Die est assassiné55. Trois ans plus tard, c’est le tour de celui de Glandèves56. En 1223-1224, les troubles reprennent à Marseille57 de même qu'en Avignon, en 1225-26, un peu avant le siège58. Des émeutes ont encore lieu en 1229 à Marseille et à Valence59, en 1231 à Tarascon60, en 1232 en Avignon, etc61. A chaque fois, c’est le pouvoir de l'évêque et des notables anciens qui est mis en cause très rudement, parfois sous la pression nouvelle des métiers, et c'est autour d’une confrérie que s’organise la contestation. L'attitude de Frédéric reste, dans ce cas aussi, très traditionnelle : il appuie les évêques, limite ou interdit les confréries, supprime les statuts les plus novateurs, et pour les plus turbulents — c'est le cas des Marseillais pendant au moins trois ans — n'hésite pas à les mettre au ban de l'Empire62.
21Un point cependant mérite d'être souligné, qui nuance l'analyse très rapide que nous venons de faire de l'attitude impériale : c'est aussi au cours de ces troubles qu'apparaissent les podestats, d'abord en Arles en 1220, puis à Marseille en 1221, en Avignon en 1225, et dans un certain nombre d'autres petites villes au cours des années suivantes. Pour les cités les plus importantes, il s'agit en général de podestats italiens, originaires de Milan, de Pavie ou de Gênes, qui arrivent flanqués de juges et de quelques chevaliers, eux aussi ultramontains63. Il faut espérer que la confrontation des listes provençales avec celles qu’a dressées l'équipe de J.-Cl. Maire Vigueur pour l'Italie apportera sur leurs biographies des données supplémentaires, mais il ne fait pas doute qu'un bon nombre d'entre eux sont des gibelins patentés (par exemple Torello da Strada, Spino de Soresina, Perceval Doria, Supramonte Lupo, Nicolino Spinola) ; on en retrouve d'ailleurs certains dans notre région avec des charges de vicaire impérial au plus fort de la lutte contre le pape, à partir des années 1235-1238. Ce n'est donc sans doute pas un hasard si, à peu près à la même époque, l'aigle vient remplacer les gerfauts sur le sceau de la commune d'Avignon...64
22Quelques-uns de mes prédécesseurs ont contesté que l’apparition des podestats dans nos villes ait pu marquer une avancée de l'influence impériale sous prétexte qu'au même moment, l'empereur lui-même n'hésitait pas à brimer les mouvements de contestation citadine. Mais je ferai remarquer que l'apparition du podestat, derrière la volonté de paix et d'équilibre que cette magistrature revendique toujours explicitement, révèle presque toujours aussi un glissement politique important qui s'appuie sur la référence impériale, sinon sur la bienveillance de l'empereur, pour justifier une liberté plus grande, l'Empire agissant toujours comme une sorte de garant de l'autonomie urbaine, une garantie d’autant plus souhaitée qu’elle est plus lointaine, et sur laquelle se fonde, me semble-t-il, tout un nouveau système de liens politiques65. Au fond, la demande de podestat répond peut-être moins au besoin d'arbitrage, comme les historiens l'ont si souvent prétendu, qu'à la nécessité, pour les citoyens, de s'appuyer sur une référence extérieure dès lors qu'ils veulent justement sortir du règne des arbitrages, des compromis, et développer une véritable construction institutionnelle, imposant la respublica.
23La présence des podestats, même si tous ne sont pas explicitement gibelins (un certain nombre sont issus de la noblesse locale et Raymond de Toulouse lui-même accepte cette charge en 124066), me paraît donc marquer une étape nouvelle dans l'affermissement de ce qu'il faut bien appeler, en Provence comme ailleurs, le gibelinisme. Si toutefois le gibelinisme se caractérise bien par ce fait essentiel : l'appel à ce garant extérieur — l'empereur — qui autorise en réalité la construction d'une majestas civitatis67. Dans ce cas, il faut d’ailleurs reconnaître que le gibelinisme, en tant qu'il veut absorber ou urbaniser, ou, si l'on veut, naturaliser la majesté, est à l'évidence un mouvement qui, de façon paradoxale, menace autant le pouvoir de l'empereur que le guelfisme le plus virulent. Il est probable que la plupart des gibelins eux-mêmes n'en étaient pas conscients et Frédéric II a pu s'y tromper en imaginant qu'il réussirait à s'imposer toujours comme la source de toute souveraineté. L'intérêt nouveau qu’il semble porter à notre région, qui se marque aussi bien par la reprise, en 1231 du titre de roi d'Arles68, que par l'envoi de Caille de Gurzan (Galeazo de Gorzano) pour tenter d'établir la paix entre le comte et le marquis de Provence, exiger l'aide militaire des vassaux (en 1232)69 et garantir le pouvoir de ces représentants, renforce cette interprétation.
24Malgré les actes d'autorité de Frédéric, parfois un peu rudes pour les citadins révoltés ou trop contraignants pour les prélats et les grands lorsqu'il s'agit de l'aide militaire (les demandes de Caille de Gurzan sont pratiquement restées lettre morte70), l’attachement à l'Empire se marque aussi au même moment de multiples manières ; il est activé d'une part par la présence honnie des Français et les souvenirs cuisants des croisades de 1209 et 1226, d'autre part — mais c'est lié — à l'anticléricalisme de plus en plus virulent qui s'exprime aussi bien chez les petits nobles déclassés que dans les couches urbaines les plus favorisées. Le témoignage des troubadours est ici capital : qu'ils soient nobles et guerriers comme Gui de Cavaillon, citadins comme Tomier et Palazzi, qu’ils soient restés dans leur pays d’oc comme Peire Duran ou qu’ils aient fréquenté la cour de l'empereur, comme Foulque de Romans, Blacas, ou Guillelm Figueira, aucun ne veut pardonner aux Français et au pape le siège d'Avignon ou la prise du Venaissin, aucun ne supporte le pouvoir et la richesse des églises, tous voient dans la référence à l’Empire le levier qui leur permettra de soulever cette oppression trop lourde71. Les valeurs, les aspirations, les intérêts sont de natures très variées, mais la volonté d'autonomie, la haine des clercs, la menace que représente toujours l'accusation d'hérésie — une accusation qui s'étend de plus en plus au-delà du cercle des croyants patentés — finissent par pousser une partie des Provençaux dans le gibelinisme, avant même que la lutte ouverte entre Frédéric et le pape n’ait vraiment commencé.
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25Dans le Royaume d'Arles comme dans le reste de l'Empire, les années 1235-1238 marquent un véritable tournant dans la politique de l'empereur. Celle-ci s'appuie désormais sur l'intervention directe d'envoyés permanents et non plus sur les évêques ; elle refuse beaucoup plus fermement les empiétements de l'église romaine et entre en concurrence directe avec la politique pontificale, par exemple dans le domaine de la lutte contre les hérétiques. Toutefois, jusqu'aux lendemains du siège de Brescia, les ponts ne sont pas rompus, ce qui explique peut-être l’attitude ambiguë d'un certain nombre de prélats de notre région, tandis qu'une partie des citadins et les nobles proches du comte de Toulouse prennent des positions de plus en plus nettement gibelines.
26Passé 1235, si les lettres et les diplômes se raréfient, c'est donc d’abord, paradoxalement, parce que les ordres de l'empereur transitent désormais directement par ses vicaires, présents dans notre région jusqu'en 1243 au moins. Après que Raimond VII ait été solennellement réinvesti du Venaissin par Frédéric, c'est par exemple Torello di Strada, flanqué de Barrai de Baux, qui est chargé de récupérer manu militari les terres confisquées par le pape. Ils sont l'un et l'autre excommuniés dès le début de l’année 1236 (sans pourtant, semble-t-il, que l'empereur soit mis en cause directement, le pontife désirant sans doute continuer à justifier sa mainmise sur le Venaissin en s'attaquant au seul Raimond de Toulouse et à ses alliés)72.
27Plus tard, les vicaires impériaux Enrico da Rivello, Nicolino Spinola, Berardo de Loretta, Gualterio de Manupello animent aussi, pas toujours efficacement, la résistance au clan pontifical73. Ils sont au cœur de toutes les luttes qui se mènent dans les cités rhodaniennes, réalisant ainsi une alliance nouvelle entre ces citadins autrefois rebelles à l’Empire et les intérêts de Frédéric. Dès 1235 par exemple, lorsque Torello di Strada et Barrai de Baux reprennent le Marquisat, une violente insurrection chasse d'Arles l'archevêque ; les biens de l'Église sont pillés, les clercs agressés, des nombreuses mesures anticléricales adoptées, une sorte de pataria se développe pendant plusieurs années, qui ressurgit périodiquement jusqu'au milieu du siècle74. Immédiatement, le soupçon de valdéisme s'étend, bien entendu, sur la capitale du royaume, comme il avait déjà justifié, aux yeux du légat, le siège d'Avignon en 122675. Durant les deux années suivantes, les Arlésiens comme les Marseillais peuvent compter sur l'appui constant du vicaire Enrico da Rivello, tandis que les Avignonnais, décidés, malgré le pape, à relever leurs remparts, choisissent pour podestat Torello di Strada, au grand plaisir de l'empereur !76 Cette politique nouvelle conduit bientôt Frédéric à donner de nouveaux privilèges aux communes (des péages, un monnayage à Avignon par exemple77), et même à reconnaître les consulats et l'immédiateté de certaines cités (Apt et Embrun par exemple78) tout en ménageant les rares évêques qui lui sont encore utiles (Guillaume de Savoie à Valence)79.
28En proie à la contestation des confréries, les prélats de la région gardent d’abord une attitude ambiguë à l'égard de l'empereur. Malgré les excommunications qu'ils sont obligés de lancer sans arrêt contre les envahisseurs de biens d'Église, ils leur est difficile de prendre clairement une attitude anti-impériale et de se couper d'une partie de leurs fidèles. L'attitude de Jean de Bernin, archevêque de Vienne, et même légat pontifical entre 1233 et 1238, mériterait à cet égard d'être étudiée de plus près80. L'évêque d'Avignon de son côté paraît ne pas avoir réagi à l'élection comme podestat de Torello di Strada, qu'il avait pourtant excommunié quelque temps plus tôt81. Celui d'Orange n'hésite pas à paraître à la cour du prince toulousain dans les années 1236-123982, mais en 1234 déjà le pape lui reprochait de mal gérer son diocèse, d'être simoniaque, de ne pas respecter les censures ecclésiastiques83. Enfin, l'évêque de Carpentras, qui avait théoriquement reçu la garde du Venaissin au nom du pape, voit lui aussi une information judiciaire lancée contre lui par la Curie romaine pour avoir trop mollement défendu la nouvelle possession pontificale84. Ces accusations montrent que l'entourage pontifical n'hésitait pas à intervenir judiciairement contre les tièdes, au besoin peut-être en lançant des accusations mal fondées, mais elles en disent long aussi sur les hésitations, et peut-être le double jeu de certains prélats. Si quelques-uns d'entre eux sont effectivement chassés de leurs villes dès les années 1235-36 (à Marseille par exemple), si d'autres apparaissent bientôt comme des évêques de combat au service de la papauté (Zoen Tencarari est nommé en Avignon à la fin de 1240), d'autres encore évitent soigneusement de paraître à ces conciles « de guerre » organisés par les légats qui les mettraient trop nettement dans le camp des ennemis de l'empereur85. Comment d'ailleurs se couper entièrement du souverain alors qu'il promulgue des statuts aussi rigoureux contre les hérétiques ? Si l'on retrouve les constitutions de Crémone et de Vérone dans les archives des prélats d'Arles ou de Carpentras86, approuvées et diffusées par tous les évêques locaux, c'est bien que des liens existent encore entre l'empereur et son Église impériale, même si, le pape, lui, peut se montrer irrité de voir ainsi Frédéric se charger seul de la défense de la Majesté divine87.
29Le nombre des évêques et des vassaux du Royaume, qui, au début de 1238, se rendent à la diète de Turin88, l'arrivée, pour la première fois, de contingents provençaux et dauphinois lors du siège de Brescia témoignent clairement du progrès de la présence impériale sur les bords du Rhône. Certes, tous ne se distinguent pas comme l'évêque de Valence, Guillaume de Savoie, en courant sus aux Lombards à la tête de ses chevaliers alors qu'il vient à peine d'arriver sous les murs de la ville89. Le comte de Provence, par exemple, semble avoir traîné les pieds et, au total, le nombre des cavaliers envoyés en renfort, impossible à évaluer précisément, n'a sans doute pas dépassé quelques centaines. Mais les archives locales en révélant les difficultés de certains à faire rentrer les subsides nécessaires (à Embrun par exemple90), l'endettement des autres (tel évêque n'a pas encore remboursé sa dette en 124091, tel chevalier de Tarascon a fait appel à l’abbé de Montmajour, etc.92), montrent tout de même l'ampleur tout à fait nouvelle de cette mobilisation, qui peut passer pour un symptôme de l'attachement plus efficace des Provençaux aux intérêts de l'Empire.
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30À partir de 1238 cependant, en Provence comme ailleurs, la lutte devient permanente, et elle dure plus de dix ans. Autant que la force des interventions des frères de saint Louis, le retournement des princes locaux ou l'habileté des légats, c'est, me semble-t-il, la fragilité politique et économique des cités rhodaniennes, la résistance aussi d'un parti clérical pro-français et peut-être les capacités d'adaptation de l'église provençale elle-même, qui expliquent l’échec rapide des gibelins du royaume d'Arles, dès lors qu'ils ne peuvent plus s'appuyer sur le garant impérial ; cet évanouissement très rapide de la garantie impériale, c'est-à-dire de l'Empire comme référence organisatrice du lien politique, pose évidemment problème.
31Dans les villes les violences anticléricales ne se sont jamais vraiment arrêtées. En Avignon comme en Arles, dès 1237, mais surtout dans les années 1239-40, les troubles « patariniques »93 recommencent, souvent très violents, chassant les clercs, interdisant les oblations et parfois même les offices, libérant les « hérétiques » tombés au mains des inquisiteurs94. Des troubles très proches de ceux décrits autrefois par G. Volpe lorsqu'il évoquait la situation de l'Italie centrale au milieu du XIIIe siècle95. L'excommunication de Frédéric, l'activisme des vicaires impériaux attisent le feu, qui s'étend même aux petites cités épiscopales des Alpes du sud : à Die, l'évêque est mis à la porte de sa ville ; à Gap, ce sont les bourgeois qui traitent désormais directement avec l'empereur, en passant par dessus l'autorité de leur prélat96.
32Une seconde vague de révoltes importantes se déclenche après la déposition lyonnaise de juillet 1245. Mais c'est sans doute autant la perspective de l'arrivée de Charles d'Anjou en comté de Provence que la déposition impériale qui remet alors le feu aux poudres dans toute la région du Bas-Rhône jusqu'à la mort de l'empereur. Ces insurrections, comme celles des années précédentes, mériteraient une étude précise qui établirait, notamment grâce à la prosopographie, les liens de solidarité et les clivages sociaux. La relative rareté des sources rendrait sans aucun doute ce travail difficile, mais il ne paraît pas pour autant impossible. Il a d'ailleurs été esquissé pour Marseille, mieux pourvu en documents de la pratique, et semble montrer que le plan des oppositions traverse tous les milieux sociaux97. A défaut, il faut au moins insister sur les deux caractères fondamentaux de ces mouvements : l'anticléricalisme et l'effondrement très rapide du parti gibelin.
33Ce qui frappe d’abord en effet, à chaque fois, c'est le caractère puissamment anticlérical de ces révoltes. Les confréries sont reconstituées (en Avignon par exemple98), les armes spirituelles retournées contre ceux-là même qui s’en servent ordinairement (on excommunie l'archevêque d'Arles99), les biens des clercs sont saisis et leurs droits usurpés, tandis que les villages font la grève de la dîme et brûlent les récoltes100. P. Fournier avait donc raison d’écrire que « le mouvement qui se fait sentir si rudement en Provence est favorable à l'empereur parce qu'il est hostile au clergé »101. Mais il faut bien dire que le ressort profond de cet anticléricalisme reste à étudier dans le détail. Seule une véritable « économie de l'institution ecclésiale », une histoire des échanges entre les clercs et les laïcs devrait pouvoir fournir l'éclairage nécessaire, en s'attachant non seulement aux problèmes classiques de pouvoir épiscopal dans cette région mais aussi à toutes ces difficultés qui semblent naître, vers 1180-1220, de la simple perception de la dîme, du versement des oblations, des droits de mortalages etc. Des échanges derrière lesquels se profilent des enjeux théologico-politiques essentiels102. Sous les innombrables conflits dont j'ai pu, par ailleurs, retrouver la trace dans les archives locales à propos des droits paroissiaux par exemple, se cache en effet, le plus souvent, un refus viscéral du partage des pouvoirs et des tâches que la réforme grégorienne avait voulu instaurer, un refus du monopole que l'institution ecclésiale prétendait détenir sur tous les échanges entre les puissances invisibles et les hommes. Cela ne veut pas dire, comme le prétendent les légats et les inquisiteurs, que bien des Provençaux sont alors vaudois, ou, de façon plus floue, hérétiques, mais seulement qu'une bonne part d'entre eux n'acceptent pas ce nouvel équilibre des pouvoirs qui réduit leur liberté et contrôle jusqu'à leurs liens avec l'autre monde.
34Ce qui frappe en second lieu, c'est la rapidité avec laquelle les gibelins s'effondrent. Dès la fin de l'année 1240, des renversements de situation ont lieu en Arles et en Avignon103. L'habileté et la détermination des légats (Jacques de Préneste rencontre le comte de Provence à Aix dès novembre 1239104, Zoen Tencarari organise, sur les marges du territoire révolté, des conciles vengeurs — Viviers en 1240, Béziers, Romans et Manosque en 1244105) y sont pour beaucoup. La force de ces réseaux, que je n’ose appeler « guelfes » puisqu'ils sont avant tout liés au comte de Provence et aux intérêts cléricaux locaux, me paraît pourtant essentielle. La persistance, dans chaque cité, malgré les expulsions, d’un fort parti, que je dirai donc anti-impérial plus que guelfe, composé essentiellement du réseau des vieilles familles proches de l'évêque et surtout, en comté de Provence, des ministériaux princiers, explique en partie l'échec de ces soulèvements. Entre 1242 et 1245, les gibelins provençaux sont presque partout mis en échec.
35Mais l'éloignement des officiers impériaux joue aussi un rôle. Frédéric II, accaparé par d'autres problèmes, ne paraît d'ailleurs plus leur avoir envoyé de représentant régulier. A partir de cette date, la chancellerie, pour le Royaume d'Arles, ne délivre plus de diplômes qu'aux vassaux savoyards dans l'espoir qu'ils favorisent le passage de l'empereur vers Lyon. On sait que la révolte de Parme fait abandonner ce projet. Dans ce contexte, on s’explique d'ailleurs fort bien le choix de Lyon par Innocent IV : la cité est impériale mais elle a oublié l'empereur depuis longtemps ; elle est proche du roi mais aussi tout près de cette région qui est devenue, depuis Innocent III, un véritable enjeu pour la théocratie, et où les gibelins sont temporairement réduits au silence. La dernière grande explosion anticléricale des années 1246-1250 se termine de façon plus rapide encore que les précédentes. Si Marseille, après plusieurs révoltes, ne reconnaît sa défaite qu'en 1262, Arles et Avignon capitulent devant les frères de saint Louis cinq mois à peine après la mort du Hohenstaufen.
36Il faut s'interroger sur les raisons de cet échec rapide. Il me semble que l'on peut au moins en donner trois principales :
371) En premier lieu, la relative faiblesse des villes elles-mêmes, qui sont alors très loin d'avoir la puissance et même, tout simplement, l'importance démographique des cités d'Italie à la même époque. Malgré quelques tentatives dès la fin du XIIe siècle, on ne peut guère parler non plus de la constitution de véritables contadi et il faut attendre mars 1247 pour voir les trois cités les plus importantes former une véritable ligue défensive et offensive106. Il faut de même, par comparaison avec les villes italiennes, invoquer le caractère tardif de l'apparition des podestats et, en définitive, le temps très court pendant lequel nos cités ont fait l'expérience de ce type de gouvernement. Institutionnellement, les commîmes provençales semblent bien plus faibles que leurs sœurs aînées italiennes.
382) Il est évident aussi — c'est la deuxième raison — qu'un certain nombre de ralliements à la cause princière ont joué un rôle important. Le comte de Toulouse par exemple, après avoir épousé pendant longtemps le parti de son suzerain impérial, l'a bel et bien trahi à partir de 1242 dans l’espoir de faire échapper l'héritage toulousain des mains d’Alphonse de Poitiers ; c'est en partie ce ralliement qui explique le retour au pouvoir du parti clérical avant le concile de Lyon. De même que c'est le ralliement de Barrai de Baux aux capétiens, et en particulier à Charles d'Anjou, qui est responsable, dans une large mesure de l'effondrement des villes gibelines au début de l'année 1251107. Il ne fait aucun doute que les puissances d'origine féodale jouent encore, dans le Bas-Rhône, et pour encore peu de temps, un rôle majeur et qui pèse lourdement sur les destinées des républiques urbaines, plus lourdement et autrement sans doute qu'en Italie.
39Une partie de la noblesse locale est d'ailleurs très tôt gagnée à Raimond Bérenger puis à Charles d'Anjou et elle s'efforce de trouver auprès de lui les charges et les ressources qui lui manquent. Comme Sordello di Goito, qui sert Charles d'Anjou après avoir servi Raimond Bérenger, le troubadour et ministérial Bertrand de Lamanon en est un très bon exemple. Il termine sa vie en fonctionnaire dévoué de l’état angevin tandis que ses parents et ses amis vont tenter leur chance, comme beaucoup d'autres, dans l'armée et l'administration du Royaume de Naples108. Ce petit chevalier avait été pourtant l'un des plus farouches anticléricaux des années 1240, apostrophant l'archevêque d'Arles dans des sirventes d'une violence inouïe où il accusait le prélat de tous les péchés capitaux109. Il était pratiquement impossible, pour les gibelins provençaux, de mener une politique autonome, affranchie des intérêts des princes et des grands.
403) Mais ces ralliements rapides posent à leur tour le problème de la concurrence d'autres références politiques dans la région. Le jeu ne se fait pas ici entre le pape, l'empereur et les villes, mais entre ces trois partenaires et le prince. Le comte de Provence, a très vite manifesté une large indépendance à l'égard de l'empereur. Au temps de Frédéric II, c'était déjà une vieille tradition puisqu'Alphonse Ier, qui était, rappelons-le, roi d'Aragon en même temps que comte de Provence, en confiant le comté à son frère, lui avait demandé de ne faire hommage à l'empereur que « ductum necessitate » !110 Vers 1240, avant même l'arrivée de Charles d'Anjou — ce qui exclut que l'on accorde un rôle déterminant à la force et au charisme capétiens — le prince commence à disposer en Provence, grâce aux enquêtes administratives, au système fiscal et judiciaire, d'une souveraineté, on pourrait presque dire d'une majestas, territorialisée, efficace, capable de réduire (ou de séduire) bien des rebelles, même les plus rétifs des Marseillais, des Avignonnais ou des Arlésiens. A côté des soumissions de ces cités, rien ne révèle mieux ce changement de la référence organisatrice du lien politique que l'attitude des descendants de Guillaume de Baux qui, lorsqu'ils reconnaissent enfin la domination de Charles d'Anjou, se démettent solennellement de leur prétendu titre de roi d'Arles.
41Mais, s'il est vrai que ce fut à ce moment-là aussi que les Baux inventent ou au moins embellissent ce passé prestigieux, pour tenter de rester malgré tout sur les hauteurs où ils ont cru s’élever, cette invention même reste bien le signe que la référence impériale n'est pas encore tout à fait morte, pour eux comme pour Charles d'Anjou, et malgré l'interrègne. Soixante ans plus tard c'est encore cette référence à l'Empire qui permet à Henri VII d'accuser Robert d’Anjou de lèse-majesté : c'est d'ailleurs le comte de Provence et non point le roi de Naples qu'il met alors en cause, donnant l'occasion aux juristes de disputer farouchement des droits de l'Empire dans le vieux Royaume d'Arles111.
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42La force et l’efficacité de l’administration princière, la réorganisation complète de l'Église locale, où s’illustrent de très grands prélats (je pense notamment à Henri de Suse) expliquent alors assez bien le retour rapide au calme, perturbé seulement par des conflits toujours nombreux à propos de dîmes, des oblations, des biens du clergé112. Les procès contre les vaudois se multiplient dans les années 1250-1260 tandis que les synodes et les conciles répètent inlassablement l'interdiction des confréries113.
43Les derniers gibelins provençaux se réfugient à Marseille, puis, après l'échec de la conspiration de Manduel (1264), chez Pierre III d'Aragon114. Ce sont d'abord eux qui font survivre les idéaux anciens. Le troubadour Peire Cardenal, par exemple, qui avait exalté magnifiquement le Royaume d'Arles et la dynastie toulousaine (« Que Marseille, Arles et Avignon tiennent là-bas bonne route et que Carpentras, Valence et Die, Vienne et le Mont Pipet et le Donjon prennent pour roi le plus excellent qui d'ici en Turquie porte bonnes chausses ni éperons ») vit sans doute dans la capitale phocéenne entre 1249 et 1257, puis se réfugie à Montpellier115. Raimon de Tors, dans les années 1257, compose un poème sur la succession impériale et manifeste en 1264 des sympathies marquées à l'égard de Manfred116. Paulet, qui se réfugie auprès de Pierre III, défend aussi le fils de Frédéric117, comme Bertrand Carbonel, qui semble bien, lui, être resté à Marseille dans les années 1250-1270118.
44Le milieu des faydits, et ses ramifications en Provence même, n'est sans doute pas le seul conservatoire des idées gibelines. Il faudrait examiner avec soin par exemple — mais on peut craindre que les sources ne le permettent guère — le rôle de certains ordres religieux dans la survie des revendications et des solidarités anciennes. Malgré l'incendie de leur commanderie d'Arles pendant les troubles anticléricaux, il est fort possible, par exemple, que les Hospitaliers, si nombreux dans cette région, comblés de privilèges par Frédéric, qui n'avaient pas hésité à accueillir le corps de l'excommunié Raimond VI et avaient, semble-t-il, continué à entretenir de bonnes relations avec les cités sous interdit, aient gardé quelques sympathies pour les partisans de l'Empire119.
45Le rôle des ordres mendiants, assez clair pendant le règne de Frédéric lui-même120, s’obscurcit, au moins dans le cas de franciscains provençaux, après sa mort (les dominicains restent très nettement du côté du pape et des Angevins121). Certes, en Provence et dans la Vallée du Rhône, les Frères Mineurs sont en général bien accueillis par les prélats (Jean de Bernin à Vienne, Benoît d'Alignan à Marseille) ; comment ne pas remarquer cependant qu'en Marquisat, ils ne s'installent jamais dans les cités épiscopales proprement dites mais toujours dans des agglomérations voisines, en général plus dynamiques sur le plan économique (à L'Ile et non à Cavaillon, à Monteux et non à Carpentras, à Valréas et non à Vaison). Des villes qui étaient aussi des repères de gibelins au temps de l'empereur, et qui sont désormais des nids de vaudois traqués par les inquisiteurs. Cette proximité des franciscains provençaux et des couches urbaines contestataires122, leurs prédications enflammées contre les dîmes dans les années 1250, leurs heurts fréquents avec les séculiers, leur attirance pour les thèmes eschatologiques, non seulement les placent à l'évidence très tôt dans le courant spirituel, mais les font aussi parfois soupçonner d'être plus proches des partisans de Manfred que des défenseurs de la papauté romaine. En 1264 par exemple, une affaire très compliquée de faux témoins révèle à Marseille d'étranges soupçons de collusion entre les franciscains et les gibelins italiens ou catalans123. Comme la circulation des chansons, ou celle des prophéties124, les prédications sur la pauvreté contribuent donc peut-être à maintenir vivantes les vieilles aspirations...125
46Voilà pourquoi en 1274 encore, on pouvait chanter par cœur, au grand dam des inquisiteurs, « Rome la tricheuse » de Guillelm Figueira126. Voilà pourquoi, lors d'une bagarre entre les gens de Lamanon et ceux de Salon-de-Provence, en 1278, les seconds n'hésitaient pas à crier comme autrefois : « A mort, A mort, Dieu le veut ; Allemagne, Allemagne ! Vive l'empereur ! »127. Voilà pourquoi on décida, à Pernes, quelques années plus tard, de commémorer Bénevent et Tagliacozzo en même temps que Charles d'Anjou et Clément IV.
47Voilà pourquoi enfin, trente ans plus tard, en venant s'installer en Comtat Venaissin, Clément V, ne se comporta pas seulement en otage du roi français, comme on l'a trop répété, mais se souvint sans doute que la théocratie pontificale était ici chez elle, comme à Viterbe ou à Orvieto, puisqu'elle y avait vaincu, plus nettement encore qu'en Italie, la référence impériale.
Notes de bas de page
1 M. Roques, Les peintures murales du Sud-Est de la France, Paris, 1961 ; P. Deschamps, « Les peintures murales de la Tour Ferrande à Pernes » dans Congrès archéologique de France, Paris, 1963 et L. Jequier, « L'héraldique des peintures murales de la Tour Ferrande à Pernes » dans Archivum Heraldicum, 1977.
2 G. Bertoni, « Il « pianto » provenzale in morte di Re Manfredi » dans Romania, XLIII, 1914, p. 167-176.
3 P. Fournier, Le Royaume d'Arles et de Vienne (1138-1378) ; étude sur la formation territoriale de la France dans l'Est et le Sud-Est, Paris, 1891. Son parti-pris en faveur des thèses pontificales et capétiennes est constant cf., par exemple, ce cri du cœur, p. 188 « enfin, la politique de saint Louis l'emporte, et c’est justice » !
4 J.-L.-A. Huillard-Breholles, Historia Diplomatica Friderici secundi, Préface et Introduction, Paris, 1859, p. CCLI.
5 Les problèmes liés au rattachement de la Provence à l'Empire sont pratiquement ignorés par exemple par A.R. LEWIS dans son très intéressant article « The formation of territorial states in Southern France and Catalonia (1050-1270 A.D.) », dans Mélanges Aubenas (Recueil de mémoires et travaux... droit écrit), Montpellier, 1974, p. 505-516. Sur les Catalans de Provence cf. en dernier lieu, M. Aurell, « L'expansion catalane en Provence au XIIe siècle » dans La formacio i l'expansio del feudalisme català, Gérone, 1986, p. 175-197.
6 Cf. le livre classique de V. De Bartholomeis, Poesie provenzali storiche relative all'Italia, Rome, 1931 et le bel article de A. Frugoni, « Manfrediper Dante : lettura del Canto III del Purgatorio » repris dans Incontri nel Medioevo, Bologne, 1979, p. 389-409
7 Cf. le livre classique de G. Tabacco, La casa di Francia nell'azione politica di Papa Giovanni XXII, Rome, 1953 et son article, « Un presunto disegno domenicano-angioino per l'unificazione politica dell'Italia » dans Rivista Storica Italiana, LXI, 1949, p. 489-525. Seul, peut-être, G. de Vergottini, dans ses Studi sulla legislazione imperiale di Federico II in Italia, Milan, 1952, reste attentif, comme on le verra, aux enjeux théologico-politiques de ces régions du Bas-Rhône.
8 Pour l'équipée de Guillaume de Savoie en Lombardie il faut faire appel par exemple à la chronique rimée de H. Mousquet (je n'ai pu consulter que l'édition Bousquet, XXII, p. 68) ou à l'anonyme de Plaisance (Chronicon Placentinum, éd. Huillard-Breholles, Paris, 1856, p. 174-175) ; cf. à ce sujet, J. Chevalier, « Quarante années de l'histoire des évêques de Valence au Moyen Age » dans Bull. d'hist. eccl. du dioc. de Valence, 1888-1889 (tiré-à-part, p. 26 et suivantes).
9 M. Aurell, La vielle et l'épée. Troubadours et politique en Provence au XIIIe siècle, Paris, Aubier Montaigne, 1989.
10 Cf. les recherches récentes de M. Aurell, Une famille de la noblesse provençale au Moyen Age : les Porcelets, Avignon, 1986 ; sur la situation de l'Église locale et les problème de l'hérésie je me permets de renvoyer à mes deux esquisses, J. Chiffoleau, « Vie et mort de l'hérésie en Provence et dans la vallée du Rhône du début du XIIIe siècle au début du XIVe siècle » dans Cahiers de Fanjeaux no 20 (Effacement du catharisme au XIIIe et XIVe siècle ?), Toulouse, 1985, p. 73-99 et « Sur l’économie paroissiale en Provence et Comtat Venaissin du XIIIe au XVe siècle » dans La paroisse en Languedoc (XIIIe-XIVe siècles), Cahiers de Fanjeaux no 25, Toulouse, 1990, p. 85-110.
11 Bibl. Mun. Avignon, ms 2833 (Stein no 314).
12 Leur double domination, en Catalogne-Aragon et en Provence, la couronne royale qu'ils ont su acquérir leur permettent sans doute d'échapper aux problèmes de légitimité qui brident les ambitions de la Maison de Toulouse. Il ne font hommage à l'empereur, comme on le rappellera bientôt, que « ductum necessitate ». Fournier, Royaume d'Arles, op. cit. p. 58 note 2. Les chartes de Saint-Victor de Marseille datent parfois des deux règnes, par exemple sous la forme « regnante Federico imperatore, et Ildefonso, Aragonesi rege » (éd. Guerard, no 982).
13 Telle que la décrit, par exemple, J.-C. Maire Vigueur dans Comuni e signorie in Umbria, Marche e Lazio dans Storia d'Italia, Utet, vol. VII, parte II, 1988.
14 J.-P. Poly, La Provence et la société féodale (879-1166). Contribution à l'étude des structures dites féodales dans le Midi, Paris, 1976.
15 Cf. par exemple les récriminations de Lothaire III, en 1136, devant la mauvaise volonté de l'archevêque d'Arles (dans Gallia Christiania Novissima, Arles no 531).
16 Qui avaient pris comme conseillers Bulgarus et Rogerius ; l'anecdote est rapportée par Azon : « Dominus Bulgarus in contrarium allegabat dicens quia propter infidelitatem commissam et crimen Majestatis non erant bona restituanda (...) Dominus Rogerius qui in causa pro eis orabat induxit legem istam pro se, dicens interim dun de causa cognoscitur non debere eos cerere possessione bonorum », cité par G. Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit. L’exemple de la Provence et du Dauphiné (XIIe-début XIVe siècle), Rome-Paris, 1988, p. 59-61. Sur cette dispute cf. aussi J.-P. Poly, La Provence, op. cit., p. 353-354.
17 P. Fournier, Royaume d’Arles, op. cit. p. 62 et suivantes.
18 Cf. les deux études classiques de V. Lassalle, L’influence antique dans l’art roman provençal, Paris, 1970 et de A. Borg, Architectural sculpture in romanesque Provence, Oxford, 1972 ; pour un exemple précis cf. J. Thirion, « Le décor sculpté du cloître de la cathédrale d'Avignon » dans Monuments et Mémoires de la Fondation Eugène Piot, tome 61, Paris, 1977, p. 86-164, qui insiste sur les modèles antiques et les influences pisanes.
19 Sur la sigillographie des évêques cf. par exemple les remarques de L.-H. Labande dans l'annexe de son livre Avignon au XIIIe siècle ; l’évêque Zoen Tencarari et les avignonais, Paris, 1908, p. 277 et suivantes. Je ne partage pas cependant ses idées sur l'absence de signification du retour des aigles sur les bulles et les sceaux de cette époque. Cf. aussi les remarques de M. Aurell, « Autour de l'identité héraldique de la noblesse provençale au XIIIe siècle » dans Médiévales, 19,1990, p. 17-27, spécialement p. 22 et suivantes.
20 Cf. ses articles rassemblés dans deux, et bientôt trois, volumes des Variorum reprints : La science du droit dans le Midi de la France au Moyen Age, Londres, 1984 et Etudes sur la diffusion des doctrines juridiques médiévales, Londres, 1987 ; cf. aussi la thèse de G. Giordanengo, Le droit féodal dans les pays de droit écrit ; l'exemple de la Provence et du Dauphiné (XIIe-début XIVe siècle), Biblio. des écoles française d'Athènes et de Rome no 276, Rome, 1988.
21 Cf. à ce sujet les remarques de G. Giordanengo dans son excellente mise au point « Les droits savants au Moyen Age : textes et doctrines ; la recherche en France depuis 1968 » dans Bibliothèque de l'École des chartes, tome 148,1990, p. 439-476, spécialement p. 445.
22 Il y aurait lieu, à cet égard, de poursuivre l'enquête commencée par M.-Th. Carlin sur le développement du notariat. Notons que certains notaires, dans les années 1240, se disent très clairement « notarius publicus in regno Arelatensi et Viennensi » (G.C.N., Aix, instr. XII, col. 136, à la date de 1248).
23 M. Aurell, La vielle et l'épée, op. cit. p. 33 et suivantes.
24 On trouve un rapide rappel de ses affaires dans J. Chiffoleau, « Sur l’économie paroissiale en Provence et Comtat Venaissin », op. cit. A propos de Montmajour cf. le diplôme de protection donné par Frédéric II en 1223 et les mesures prises contre les Sabran : Huillard-Breholles, II, 369,430 et 464.
25 J.-P. Poly, La Provence et la société féodale, op. cit. p. 310 et suivantes.
26 J. Chiffoleau, « Sur l'économie paroissiale en Provence et Comtat Venaissin », op. cit.
27 Voyez par exemple, en 1194, les félicitations de Célestin III à l'archevêque d'Arles « per virtutem predicationis tue a Provincia tua et civitate Avinionensi fugatam esse audivimus hereticam pravitatem qui ibi consueverat specialiter pullulare... » dans Gallia Christiana Novissima, Arles, no 696 ; sur cette question cf. aussi Chiffoleau, « Vie et mort de l'hérésie en Provence et dans la vallée du Rhône du début du XIIIe siècle au début du XIVe siècle », op. cit.
28 M. Zerner, « Question sur la naissance de l'affaire albigeoise » à paraître.
29 Cf., entre autres, J. Baumel, Histoire d'une seigneurie du Midi de la France. Naissance de Montpellier (985-1213), Montpellier, 1969, et, surtout, les conclusions du chapitre sur les seigneurs de Montpellier dans la thèse en préparation de CL. Duhamel-Amado.
30 Pour plus de précisions je me permets de renvoyer à mon article « La Vallée du Rhône au XIIIe siècle : un laboratoire pour la théocratie » à paraître.
31 Voyez la lettre du 20 février 1213 expédiée à Innocent III par l'archevêque d'Arles et les évêques d'Avignon, de Carpentras, d'Orange, de Vaison et de Cavaillon pour lui faire comprendre le danger qu’il y aurait à remettre Raimond VI dans ses possessions (Hist. de la France, XIX, 570)
32 P. Fournier, Royaume d'Arles, op. cit. p. 104.
33 Cf. par exemple les interprétations de O. Capitani, dans « Legislazione antiereticale e strumento di costruzione politica nelle decisioni normative di Innocenzo III » dans Boll. de la società di studi valdesi, 1976, p. 31-53. Sur cette décrétale fameuse cf. aussi les articles plus anciens de O. Hageneder, « Studien zur Decretale « Vergentis » (X, V, 7,10) » dans Zeitschrift der Savigny Stiftung für Rechtgeschichte (Kan. Abteilung), 1963, p. 138-173. ainsi que W. Ullmann, « The significance of Innocent III's Decretal « Vegentis » » dans Mélanges G. Le Bras, Paris, 1965, tome II, p. 931-942. On trouvera une analyse détaillée de l'importance de cette lettre dans le développement des souverainetés pontificale et princières dans le livre que je prépare avec Y. Thomas sur L'histoire du crime de lèse-majesté.
34 Datée du 12 juillet 1200, cette lettre n'est pas adressée à Guilhem VIII mais au cardinal-légat. Avec quelques raccourcis, elle reprend textuellement Vergentis in Senium. Il n'est pas sans intérêt de noter que les auteurs du cartulaire jugèrent bon de la recopier ; M. Zerner (article cité note 29) y voit l'intervention des savants juristes montpellierains, mais la légation du cardinal s’étend bien au-delà de Montpellier et élargit d'autant la sphère d'application possible de la décrétale.
35 G. De Vergottini, Studi sulla legislazione imperiale di Federico II in Italia, Milan, 1952, notamment p. 91 et suivantes.
36 Cf. encore les excellentes remarques de De Vergottini sur cette question, op. cit. p. 112-113.'
37 Ibidem, p. 114.
38 Huillard-Breholles, II, 476 et 477 (diplômes datés de Foggia, du 31 mars et du mois d'avril 1225).
39 Huillard-Breholles, I, 325-338
40 Huillard-Breholles, I, 371, 441 et IV, 800.
41 Huillard-Breholles, V, 158, 160, 179, 184, 189, 193, 198, etc.
42 L'évêque d'Antibes est envoyé à l'empereur dès 1215 (Cart. Saint-Victor de Marseille, éd. Guerard, II, no 37). Les évêques de Marseille et d'Orange, l'archidiacre d'Arles à Paierme en 1223 : Gallia Christiana Novissima, Marseille no 223, P. Fournier, Le Royaume d'Arles, op. cit. ; p. 119. L'évêque d'Avignon à Crémone en 1224 : Gallia Christiana Novissima, Avignon no 412 et 415. L'archevêque d'Arles à Ceprano en 1230 : P. Fournier, Royaume d'Arles, op. cit. p. 130, etc.
43 Le renouvellement des bulles d'or de Frédéric Barberousse, la concession de regalia ou de diplômes de protection sont logiquement très nombreux pendant les premières années du règne. 1214 : Vienne, Die, Viviers, Saint-Paul-Trois-Châteaux, Arles, Aymar de Poitiers (Huillard-Breholles, I, 328, 330, 329, 337, 334, 333). 1215 : Montmajour, Hospitaliers, Templiers (Huillard-Breholles, I, 470, 441). 1222 : Marseille (Huillard-Breholles, II, 249). 1223 : Saint-Césaire d'Arles et Montmajour (Huillard-Breholles, II, 367, 369). 1225 : Orange, Arles, Marseille (Huillard-Breholles, II, 472, 473, 483), etc.
44 Publié d’après une copie de 1343 par L. Blancard, « Privilège de Frédéric II concédant le Royaume de Vienne et d’Arles à Guillaume de Baux, etc. » dans la Revue des sociétés savantes des départements, année 1875, tome II, 6e série, p. 436-440.
45 Winkelmann, Otto IV, Leipzig, 1878, p. 384 et, du même, K. Friedrich II, p. 119 note 1. Cf. aussi les remarques de P. Fournier, Le Royaume d'Arles, op. cit. p. 113.
46 M. Aurell, La vielle et l'épée, op. cit. p. 254, dans une tenson qui oppose justement Guy de Cavaillon à Guillaume de Baux : « Nostre mieitz-princes s'es clamatz/reis de Viena coronatz... ». La lettre du pape qui enjoint Guillaume de restituer le Venaissin se trouve dans Teulet, I, no 1099 ; elle a été l'objet d'une interprétation erronée par Barthelemy dans son Inventaire des chartes de la maison des Baux, Marseille, 1882, no 169. Bien des arguments peuvent être avancés contre l'authenticité de cette concession de la part de Frédéric II ; ils seront repris ultérieurement dans le détail. On ferait volontiers l'hypothèse que le document parvenu jusqu'à nous a été forgé au moment où les héritiers de la famille des Baux ont renoncé à cette soi-disant royauté en faveur de Charles d'Anjou (cf. mes remarques à ce sujet dans la dernière partie du présent article).
47 P. Fournier, Le Royaume d'Arles, op. cit. p. 115.
48 P. Fournier, Le Royaume d'Arles, op. cit. p. 116.
49 L'ensemble du dossier de ces révoltes sera repris dans un ouvrage en préparation sur l'économie ecclésiale et les troubles politico-religieux dans la Basse Vallée du Rhône de la fin du XIIe au début du XIVe siècle. En attendant cf. mes remarques dans « Vie et mort de l'hérésie en Provence et dans la vallée du Rhône du début du XIIIe siècle au début du XIVe siècle » dans Cahiers de Fanjeaux no 20 (Effacement du catharisme au XIIIe et XIVe siècle ?), Toulouse, 1985, p. 73-99. Sur les troubles des années 1190-1200 cf. par exemple les lettres de Célestin III à l'archevêque d'Arles qui dressent un tableau assez noir de la situation dans la région (Gallia Christiana Novissima, no 681,689). Il est significatif que P. Zerbi, dans son livre classique, Papato, Impero et respublica Christiana del 1187 al 1198, Milan, 1955 (=Pubblicazioni dell'Università del Sacro Cuore, nuova serie, vol. LV) ne parie pratiquement jamais des affaires provençales.
50 Giraud, Essai historique sur l'abbaye de Saint-Barnard et sur la ville de Romans, Lyon, 1866, IV, p. 95. L’analyse de B. Galland, « Mouvements urbains dans la vallée du Rhône, fin XIIe-milieu XIVe siècle. Vienne, Lyon, Romans » dans Violence et contestation au Moyen Age. Actes du 114e Congrès national des Soc. savantes (Paris, 1989), Paris, 1990, p. 185-206, notamment p. 190, reste très rapide et tient peu compte de la situation théologico-politique du moment.
51 G. Fredet-Delebecque, « Le consultat de Tarascon. Les dernières luttes pour l'indépendance (1229-1256) » dans Mélanges Raoul Busquet (numéro spécial de Provence Historique), 1957, p. 137-147.
52 L.-H. Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit., 20-21.
53 Gallia Christiana Novissima, Arles, no 842. J. Chevalier, Essai historique sur l'Église et la Ville de Die, Montélimar, 1888, I, p. 294.
54 Cf. abbé Fillet, « Documents inédits sur les droits régaliens des évêques de Saint-Paul-Trois-Châteaux » dans Bull. Hist. et Philolo. du Comité des travaux hist., année 1891, Paris, 1891, p. 336-338
55 J. Chevalier, Essai historique sur l'Église et la Ville de Die, I, p. 306.
56 Cf. la lettre d'Honorius III du 20 mars 1225 qui évoque ce crime (Potthast, no 7384).
57 V.-L. Bourrilly, Essai sur l'histoire politique de la commune de Marseille des origines à la victoire de Charles d'Anjou (1264), Aix, 1925, p. 70-73,90-101.
58 L.-H. Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit. p. 24.
59 Pour Marseille, cf. V.-L. Bourrilly, Essai, on. cit. et R. Busquet, « La date de la destruction du Tolonée. Un épisode dramatique de l'histoire de Marseille au XIIIe siècle », dans Provincia, tome I, 1921, p. 7-15. Pour Valence, cf. J. Chevalier, « Quarante années de l'histoire des évêques de Valence au Moyen Age », op. cit. p. 15-17.
60 G. Fredet-Delebecque, Le consulat de Tarascon, op. cit.
61 L.-H. Labande, Avignon au XIIIe siècle, note 5 p. 43 et 163.
62 Cf. la lettre à Frédéric sur la levée du ban dans Gallia Christiana Novissima, Marseille, no 1713
63 Cette prosopographie peut être esquissée à partir des listes et des noms fournis par Labande (Avignon au XIIIe siècle, op. at. p. 255-275), Bourrilly (Essai, p. 81-85 et 177) et Fournier (Le Royaume d'Arles op. at.). Il faut citer parmi les Milanais : Carlevaire d'Ozano ( ?) (Marseille 1221), Spino de Sorresina (Marseille 1225, Avignon 1226), Roberto de Concorezo (Marseille 1227), Tommaso de Solerio et Lantelmo de Prealon (Marseille 1251 et 1252). Parmi les Bolonais : Ugolino Domne Damne ( ?) (Marseille, 1227). Parmi les Pavesane : Marrazo de Sancto Nazario (de Sannazar) (Marseille 1229), Orlando Giorgio ( ?) (Arles, 1228-1230), B. Rollandum Rubeum (Arles, 1234), Torello da Strada (Arles 1222-24, Avignon 1236). Parmi les Génois : Perceval Doria (Arles, 1231, Avignon, 1232-34), Nicolino Spinola (Avignon, 1238).
64 L.-H. Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit. p. 36.
65 Mon analyse rejoint ici les remarques de J.-C. Maire Vigueur dans Comuni e signorie, op. cit. p. 421-422.
66 En 1240 en Avignon, cf. L.-H. Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit. p. 66-67.
67 Cette analyse m'est suggérée par des recherches récentes, que j'ai entreprises en collaboration avec Y. Thomas, sur la notion de lèse-majesté et qui devraient faire bientôt l'objet d'une publication.
68 Dans le préambule des Constitutions de Melfi, P. Fournier, Le Royaume d'Arles, op. cit. p. 42.
69 Septembre 1232, Huillard-Breholles, IV, 386.
70 Novembre 1232, Huillard-Breholles, IV, 403, ou de nouveaux ordres de mobilisation font planer un doute sur l'efficacité des premiers.
71 M. Aurell, La vielle et l'épée, op. cit. notamment p. 209 et suivantes. Sur Foulque de Romans on peut maintenant utiliser l'édition de R. Arveiller et G. Gouiran, L’œuvre poétique de Falquet de Romans, troubadour de Provence, Aix-en-Provence, 1987.
72 Le pape n'intervient d'ailleurs pas directement, alors qu'il avait lui même excommunié Raimond VII le 3 août sous prétexte d'une usurpation au Mas-d'Agenais (Auvray, Les registres de Grégoire IX, no 2737), il laisse Jean de Bernin et tous les prélats de sa légation excommunier Torello da Strada et Barrai de Baux (Gallia Christiana Novissima, Arles no 1010). Les affaires du Royaume d'Arles ne sont d'ailleurs que très rarement évoquées dans les mesures qui sont lancées ensuite contre Frédéric (excommunication de 1239 et la déposition de 1245). Cela ne veut pas dire pourtant que l'intérêt stratégique et théologico-politique du dit Royaume échappe à la papauté.
73 L.-H. Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit. p. 39 et suivantes.
74 Calila Christiana Novissima, Arles no 1013 et 1014 ; pour l'arrière-plan social arlésien on peut toujours consulter E. Englemann, Zur stadtischen Volksbewegung in Südfrankreich. Kommunefreiheit und Gesellschft. Arles (1200-1250), Berlin, 1959 bien que son analyse du mouvement de contestation reste très sommaire et schématique (cf. à ce sujet les remarques de L. Stouff sur ce même livre dans « La commune d'Arles au XIIIe siècle ; à propos d'un livre récent » dans Provence Historique, 1961, p. 293-316).
75 Il est significatif qu'une consultation juridique sur la nature et les contours de l'hérésie ait lieu en Avignon au moment même où se développe la pataria artésienne cf. G. Giordanengo, « Hérétiques et juristes : une consultation des juristes d'Avignon » dans Avignon au Moyen Age. Textes et documents, Avignon, 1988, p. 53-58 ; sur le siège cf., dans le même livre, M. Zerner, « Le siège d'Avignon par Louis VIII », p. 43-52.
76 Cf. les remerciements de Frédéric II en janvier 1238, Huillard-Breholles, V, 160 et L.-H. Labande, Avignon au XlIIe siècle, op. cit., p. 57.
77 Péages : Huillard-Breholles, V, 158 ; monnayage : Huillard-Breholles, V, 543.
78 Embrun : 1238, Huillard-Breholles, V, 210 ; Apt : Huillard-Breholles, V, 340 « dixerint quod consulatus dignitatem immediate a solo imperio et a nobis habeant... »
79 Huillard-Breholles, V, 265 (renouvellement de l'interdiction de confrérie !).
80 Sur lequel on ne possède que la vieille étude de U. Chevalier, « Jean de Bernin, archevêque de Vienne (1218-1266) » dans Revue d'histoire de l'Église de France, 1910, p. 15-33 et 1911 p. 129-146.
81 Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit. p. 58.
82 Gallia Christiana Novissima, Orange, no 165, 166, 167.
83 Gallia Christiana Novissima, Orange, no 162. En 1241, une enquête ayant été ordonnée, il est suspendu temporairement, mais on le retrouve à la tête de son diocèse jusqu'en 1247 (Gallia Christiana Novissima, Orange, no 172).
84 L'information ouverte sans doute vers 1235-36, n'est abandonnée que le 30 avril 1244 (Registres d'innocent IV, tome I, no 604). Sur ce prélat cf. l'article documenté de H. Chobaut, « Notes sur Guillaume Béroard, évêque de Carpentras (1231-1262) » dans Annales d'Avignon et du Comtat Venaissin, 1914, p. 97-112.
85 Conciles de Viviers en 1240, de Béziers, Romans et Manosque en 1244. Cf. Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit., p. 103-104.
86 M.G.H. Legum, IV, Constitutiones, tome II, p. 281-285 ; Cf. Biblio. Municipale de Carpentras, ms no 560 pièce 29. C'est d'ailleurs à ce manuscrit que se réfère la publication de Huillard-Breholles, V, 201 ; idem pour les Constitutions de Vérone, que l'on a retrouvées dans les archives de l'archevêque d'Arles, ibidem, V, 215
87 Rappelons que ces Constitutions reprennent les titres I, 1 des Constitutions de Melfi, une partie des lois de 1220 concernant les hérétiques et les constitutions de Ravenne de 1232 ; H. Maisonneuve dans ses Etudes sur les origines de l'inquisition, Paris, 1960, p. 256, a très bien vu l'importance de cette prise en charge par l'empereur de la poursuite des hérétiques.
88 A la Diète de Turin en 1238, on trouve encore le Dauphin, l'archevêque de Vienne, l'archevêque d'Embrun, les évêques de Grenoble et de Gap, cf. P. Fournier, Royaume d'Arles, op. cit. p. 149 ; en septembre 1238 les Arlésiens prêtent serment à l’empereur (Gallia Christ. Novissima, Arles no 1030) tandis que leur archevêque, Jean Baussan, est à Brescia le même mois.
89 Cf. la Chronique rimée de H. Mousquet (édition Bousquet, XXII, p. 68) ou le Chronicon Placentinum (ed. Huillard-Breholles, Paris, 1856, p. 174-175) et J. Chevalier, « Quarante années de l'histoire des évêques de Valence au Moyen Age » op. cit. (tiré-à-part, p. 26 et suivantes).
90 Cf. Reg. Dauphinois, 2, no 7684 ; P. Fournier, Royaume d'Arles, p. 149-150 et G. Giordanengo, Droit féodal, op. cit., p. 205.
91 L'évêque d'Avignon parle encore de ses dettes pour le service de l'empereur en 1240 (Gallia Christ. Novissima Avignon no 476).
92 Alfantet de Tarascon reconnaît devant l'archevêque d’Arles avoir reçu 3 000 sous de l'abbaye de Montmajour pour son voyage et son service à la cour impériale, 10 juin 1238, Gallia Christ. Novissima, Arles no 1028 (Chanclou, Histoire de Montmajour, p. 323).
93 Je n'emploie évidement le mot « patarin » et « pataria » ici que façon analogique ; sur le concept cf. l'article fondamental de G. Cracco, « Pataria, opus e nome » dans Rivista della Storia della Chiesa in Italia, 1979, p. 357-385.
94 Avignon : 1237-1238, troubles avant l'arrivée de Torello de Strada comme podestat (Fournier, Royaume d'Arles, op. cit. p. 49 et suivantes) ; 1239-40 : révolte très violente des Avignonnais, Winkelmann, op. cit. % no 665. Arles : 1237, lettre de reproches du pape à Henri de Revello vicaire impérial qui moleste l'archevêque d'Arles (Huillard-Breholles, V, 108 Gallia Christiana Novissima, Arles, no 1020). En 1238, la confrérie reprend l'initiative.
95 G. Volpe, Movimenti religiosi e sette ereticali nella società italiana, Florence, rééd. 1961, p. 138 et suiv.
96 .1238 : Die, les troubles recommencent pour paiement du subside de 8 000 s. viennois de la campagne de Frédéric. Chevalier, Essai sur l'Église...Die, op. cit. I, 322 ; 1239, nouveaux désordres armés à Die (J. Chevalier, ibidem, I, 326) ; excommunication des habitants, l'évêque quitte sa ville. 1240 : les bourgeois de Gap s'engagent auprès du vicaire impérial à donner à l’empereur les services féodaux que l’Église lui devait, en échange l'empereur reconnaît leur consulat (cf. P. Fournier, Le Royaume d'Arles, op. cit. p. 162-163.
97 Dans V.-L. Bourrilly, Essai sur l'histoire politique, op. cit..
98 .1246 : au printemps (octave de Pâques) début des désordres en Avignon ; reconstitution des confréries qui chassent l'évêque, les troubles se poursuivent pendant trois ans (L.-H. Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit. p. 115, 125.
99 1249 : les heurts anticléricaux se poursuivent, l'archevêque est « excommunié » (Gallia Christiana Novissima, Arles no 1127). Problèmes aussi avec les habitants de Salon, cf. Brun, La ville de Salon au Moyen Age, Aix, 1924, p. 100-101.
100 Cf. le récit de Labande, op. cit. p. 125 et suivantes qui s'appuie sur la description des dégâts faite par Zoen au concile de Viviers et publiée par E. Winkelmann, Acta Imperii Inedita seculi XIII, Innsbruck, 1880, tome I, no 665 p. 530
101 P. Fournier, Le Royaume d'Arles op. cit. p. 184.
102 Esquisse dans J. Chiffoleau, « Sur l'économie paroissiale en Provence et Comtat Venaissin du XIIIe au XVe siècle » dans La paroisse en Languedoc (XIIIe-XIVe siècles), Cahiers de Fanjeaux no 25, Toulouse, 1990, p. 85-110. Comme il a été indiqué plus haut, j’espère pouvoir reprendre ce problème important dans un essai général sur « l'économie de Finstitution ecclésiale en Provence du XIIe au XVe siècle ».
103 Dès le mois de décembre 1240, en Avignon, Isnard Audegier podestat, annonce le retour du parti clérical et la fin de l'influence du vicaire impérial, le comte de Manupello (cf. Labande, op. cit. p. 83). En 1241 les Avignonnais semblent même abandonner la cause de Frédéric II et se rallient au comte de Provence (Labande, op. cit. p. 90,315).
104 P. Fournier, Le Royaume d'Arles, op. cit. p. 159.
105 L.-H. Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit. p. 103-104.
106 En avril 1247 une ligue unissant Marseille, Avignon, Arles et Barrai est enfin constituée (P. Fournier, Le Royaume d'Arles, op. cit. p. 181).
107 Sur ces ralliements cf. encore Labande, op. cit. p. 111-113 et 140-142.
108 M. Aurell, La vielle et l'épée, op. cit. p. 114-115.
109 M. Aurell, « Le troubadour Bertran de Lamanon (c. 1210-1270) et les luttes de son temps » dans Boletin de la real Academia de Buenas Letras de Barcelona, XLI, 1987-1988, p. 121-162, spécialement p. 137 et suivantes.
110 P. Fournier, Le Royaume d'Arles, op. cit. p. 58, note 2.
111 Cf. W. M. Bowsky, Henry VII in Italy ; the conflict of Empire and city state, 1310-1313, Lincoln-Nebraska, 1960 ; sur le problème juridique cf. E. Betti, « La dottrina costruita da Bartolo sulla Constitutio ad reprimandum » dans Bartolo di Sassoferrato, studi e documenti per il VI centenario, Milano, 1962, tome II, p. 37-48 et M. Sbriccoli, Crimen laesae Majestatis ; il problema del reato politico alla soglie della scienza penalistica moderna, Milano, 1974 p. 225.
112 J. Chiffoleau, « Sur l'économie paroissiale », op. cit..
113 J. Chiffoleau, « Vie et mort de l'hérésie en Provence et dans la vallée du Rhône du début du XIIIe siècle au début du XIVe » siècle dans Cahiers de Fanjeaux no 20 (Effacement du catharisme au XIIIe et XIVe siècle ?), Toulouse, 1985, p. 73-99.
114 Cf. l’article classique de H. Wieruszowski, « La corte di Pietro d'Aragona e i precedenti dell'impresa siciliana » dans Archivio Storico Italiano, 1938, p. 141-162, 141-162, 200-217, repris dans Politics and culture in medieval Spain and Italy, Rome, 1971. En 1261 les Marseillais s'abouchent avec Pierre d’Aragon, fils de Jacques et cousin de Raymond Bérenger. Sur ces derniers moments de la « république marseillaise » cf. V.-L. Bourrilly, Essai sur l'histoire politique, op. cit. et J. Chiffoleau, « Les mendiants, le prince et l'hérésie à Marseille vers 1260 » dans Provence Historique, fasc. 143,1986, p. 3-19.
115 M. AurelL, La vielle et l'épée, op. cit. p. 132.
116 M. Aurell, La vielle et l'épée, op. cit. p. 164.
117 M. Aurell, La vielle et l'épée, op. cit. p. 165.
118 G.-F. Contini, « Sept poésies lyriques du troubadour B. Carbonel de Marseille » dans Annales du Midi, 1937, p. 5-41,113-152, 225-240, spécialement p. 117 et 121 pour ses poèmes anticléricaux.
119 J. Prawer, « Military Orders and Crusader Politics in the second half of the 13th Century » in Die geistlichen Ritterdorden Europa sous la direct. de J. Fleckenstein et M. Hellmann, dans Vortäge und Forschungen, XXVI, Sigmaringen, 1980, spécialement p. 222-223 ; cf. aussi les remarques de A. Demurger, Vie et mort de l'Ordre du Temple, Paris, 1985, p. 223. Rappelons la sauvegarde donnée aux hospitaliers du Royaume d'Arles par Frédéric II en 1240 (Huillard-Breholles, V, 324 et P. Fournier, Royaume d'Arles, op. cit. p. 160. Labande observe aussi leur relative neutralité, voire leur attitude relativement favorable, pendant les troubles des années 1246-1251 : ils continuent d’entretenir des rapports tout à fait constants, notamment d’affaires, avec les excommuniés (L.-H. Labande, Avignon au XIIIe siècle, op. cit., p. 233).
120 G. Barone, « Federico II di Svevia e gli ordini Mendicanti » dans Mélanges de l'Ecole française de Rome, Moyen Age/Temps Modernes 90,1978/2, p. 607-626, et D. Berg, « Staufische Herrschaftideologie und Mendikantenspiritualität. Studien zum Verhältnis Kaiser Friedrich II zu den Bettelorden », dans Wissenchaft und Weisheit, 1988, 51, no 1, p. 26-51.
121 G. Tabacco, « Un presunto disegno domenicano-angoino per l'unificazione politica dell'Italia » dans Rivista Storica Italiana, LXI, 1949, p. 489-525.
122 J. Chiffoleau, « Vie et mort de l'hérésie », op. cit..
123 J. Chiffoleau, « Les mendiants, le prince et l'hérésie », op. cit.
124 R.E. Lerner, « Frederic II, Alive, Aloft and Allayed in Franciscan Joachimit Eschatology » dans The Use and Abuse of Eschatology in the Middle Ages, Leuwen, 1988, p. 359-380.
125 Sur la circulation des prophéties anti angevines cf. A. Barbero, p. 77-79, 110, etc. et, pour une période encore postérieure, M. Aurell, « Prophétie et messianisme politique ; la péninsule ibérique au miroir du Liber Ostensor de J. De Roquetaillade » dans Mélanges de l'École française de Rome, Moyen Age, 1990/2, p. 317-361.
126 M. Aurell, la vielle et l'épée, op. cit. p. 230.
127 Gallia Christiana Novissima, Arles no 1294.
Notes de fin
1 Cette étude a fait l'objet d'une communication lors du colloque Frederick the Second and the Italian Cities (Erice 22-29 septembre 1991) ; on en trouvera un résumé en italien dans les actes du colloque qui paraîtront chez Sellerio à Palerme.
Auteur
Université Lumière-Lyon 2
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