L'implantation monastique en Forez antérieurement à l'an mil*
p. 473-483
Texte intégral
1Les monastères n'ont joué dans la création des paroisses qu’un rôle modeste. En revanche, leur action sur le plan de l'évangélisation a été certainement efficace. En plaçant sous leur contrôle nombre d’églises qui leur furent données, ils créèrent des réseaux de propagation de la foi dans les campagnes et bien que les témoignages manquent, on ne saurait douter de l’importance de ce rôle. Mais antérieurement à l'an mil, le Forez n'a eu qu'un petit nombre de monastères.
I. L'ABBAYE D'AMBIERLE ET LES FILIALES DE CLUNY
2Dans la partie occidentale du diocèse de Lyon, il n'existait qu'une seule abbaye, celle d'Ambierle. On ignore quand et par qui elle fut fondée. La « tradition », inventée par La Mure, attribue la fondation de ce monastère à la reine Clotilde en 505 ou bien à cette même Clotilde, après son veuvage, donc entre 511 et 5451. Plus modestement, Jacques Guillien affirmait que les fondateurs étaient Gérard de Roussillon et sa femme Berthe d’Aquitaine2. Tout cela est évidemment du roman.
3Le plus ancien document qui mentionne Ambierle est du 11 novembre 902. C'est un diplôme de l'empereur Louis de Provence par lequel, à la prière de Guillaume, duc et marquis [son beau-frère], il donne à ses fidèles Thibert et Bernard [les revenus de] l'abbaye Saint-Martin d'Ambierle au comté de Lyonnais et au pagus de Roannais, avec ses dépendances, trente manses et les esclaves de l'un et l'autre sexe3. L'abbaye a probablement été fondée vers 870 ou 880 (Cf. l'abbaye de Charlieu fondée vers 875 dans le Mâconnais voisin).
4Ambierle a été rattachée ultérieurement à Cluny. A quelle date ? 938 dit La Mure4, mais sans référence. Un précepte de Louis d'Outre-Mer du 20 juin 939 confirme à Cluny la possession de divers biens, tant en Méconnais qu'en Lyonnais et nommément in eodem pago [Lugdunensi] Amberta quant Bernardus a Ludovico imperatore per preceptum adquisivit5. Les autres biens confirmés avaient été donnés à Cluny en 931 et en 9346. S'ils ont été énumérés dans un ordre chronologique, la date du rattachement à Cluny se situerait entre 934 et 939, ce qui n'est pas en contradiction avec le renseignement donné par La Mure.
5Ambierle ne paraît pas avoir eu au Xe siècle une grande importance. Son patrimoine ne s'est accru que de l'église de Saint-Haon[-leVieux] donnée par un certain Artaud avant 9497.
6D'autres donations complétèrent l'implantation clunisienne dans l'Ouest du diocèse. Les actes du concile d'Anse 994/996) (énumèrent les possessions de Cluny en Forez : Pouilly [les Feurs], Arthun et la « celle » d'Ambierle8. Un diplôme de Rodolfe II antérieur au 10 octobre 998 confirme : Forensis quoque in comitatu, Sancii Victoris basilicam, Artedunum villam et Polliacum cum super constructis sibi aecclesiis9. Un autre diplôme du même souverain de 998 précise : in episcopatu Lugdunensi... Amberta, Poliacum et Artedunum10. Enfin, en 999, le pape Grégoire V confirme à son tour les possessions de Cluny dont in episcopatu Lugdunensi... cellam Poliacum, cellulam Artedunum, cellam quoque Ambertensem...11.
7Ambierle reçut en 966 quelques biens à Villerest dans Lager de Marcenet. Vers le même temps, l'église de Saint-Priest [de Villerest] fut donnée à Cluny, donation complétée à la fin du siècle par une pêcherie en Loire et par d'autres biens au siècle suivant, de sorte que Villerest ne fut pas une dépendance d'Ambierle, mais de Cluny qui en fit au début du XIIe siècle une dépendance du prieuré de Marcigny12.
8Pouilly [-les-Feurs] : la donation à Cluny en 966 par Anchy de sa curtis... que vocatur Poliacus cum ecclesia... in honore beati Desidera avec ses dépendances et ses esclaves, complétée la même année par celle d'un manse par le prêtre Pons, fut à l'origine d'un prieuré dont l'existence est attestée à la fin du Xe siècle et auquel furent rattachées ultérieurement les églises de Néronde, Balbigny, Saint-Paul-d'Epercieux, outre la paroissiale Saint-Pierre de Pouilly13.
9Arthun : en 943, l'évêque de Mâcon Maymbodus concède en précaire une terre de Saint-Vincent de Mâcon située in pago Forensi, in villa que Artidunus dicitur à quidam vir nobilis Aycardus, sa vie durant, celle de sa femme Arembour et de son neveu Adroldus. Quarante ans plus tard, Itier, archiprêtre, Ermengisius, prêtre, exécuteurs testamentaires d'Arluinus (descendant d'Adroldus ?) donnent à Cluny une église N.-D. in villa Arteuno sita avec la villa (elle n'avait donc pas fait retour à Saint-Vincent de Mâcon) avec toutes ses dépendances et des landes (silve increpitum) jouxte le Puits, le tout in comitatu Forensi. Enfin, en 996/997, le diacre Etienne donne, sous réserve d'usufruit viager, un courtil et une vigne au finage d'Arthun. L'ensemble des biens donnés n’était pas suffisant pour y installer un prieuré. Arthun ne fut qu'une simple cellula dépendant du prieuré de Pouilly14.
10Pommiers : ce prieuré releva aussi de Cluny, mais par l'intermédiaire de l'abbaye de Nantua à laquelle il avait été rattaché en 891. La « celle » de Pommiers devint le prieuré clunisien le plus actif du Forez. Au début du XIIIe, huit églises — données ou fondées ? — dépendaient de Pommiers : Saint-Julien de Pommiers (paroissiale), Bussy, Baroille, Gré zolles, Juré (siège d'un prieuré fondé par Pommiers au XIIe ou XIIIe siècle), Saint-Marcel-d'Urfé, Nollieux et Saint-Germain-Laval15.
II. LES FILIALES DE SAVIGNY
11Probablement fondée au début du IXe siècle16, sous l'autorité des archevêques de Lyon17 dont plusieurs furent apparentés au Xe siècle aux rois de Bourgogne18 qui favorisèrent son essor, l'abbaye de Saint-Martin de Savigny était plus proche du Forez19 que ne l'étaient l'Ile-Barbe et Ainay. De ce fait, elle y eut un bien plus grand rayonnement que celles-ci. A la fin du Xe siècle, elle y possédait quatre prieurés (Mornant, Randans, Montrottier et Noailly) desquels dépendaient vingt-deux églises paroissiales. Ce réseau allait se compléter au début du siècle suivant par la fondation du prieuré de Salt-en-Donzy.
12Mornant. C'est sans doute à l'extrême fin du IXe siècle que, dans des circonstances ignorées, l’église de Momant devint possession de Savigny. Au cours d’un concile provincial tenu en 906, Autcarius, presbiter atque canonicus... ecclesie [Mornantis] se plaignit que les dîmes de son presbyteratus étaient détournées. Le concile décida que les dîmes de dix villages nommément désignés seraient désormais affectées à l'église Saint-Pierre de Momant. Cinquante ans plus tard, à la demande de l'abbé Gausmar, l'archevêque Amblard excommunia plusieurs paroissiens qui négligeaient de payer la dîme et qui la percevaient à leur profit. Cet acte est suivi de la liste des cinq églises paroissiales dépendant de « l'obédience » de Momant : Saint-Maurice [sur-Dargoire], Chassagny, Duerne, Saint-Martin de Comas — ces quatre églises pourvues d'un presbyteratus — et Saint-Nazaire (église disparue et non localisée). En 906, il n'était pas question d'un prieuré. C'est probablement vers 950 qu'il fut créé, car à partir de cette époque se multiplient les donations en sa faveur. Saint-Pierre de Momant, toujours mentionné comme église, était bien un prieuré : des moines y sont cités en 1033, mais ce n'est qu'à la fin du XIe siècle qu'est mentionné son prévôt Hugues Charpinel20.
13Randans. Vers 950, un manse est localisé entre le vicus de Feurs et le castrum de Randans. Ce village, déjà fortifié, disposait d'une église paroissiale sous le vocable de Saint-Pierre. Vers la fin du Xe siècle, on note des donations Sancto Martino ad Randanus et Sancto Martino de Randanis. Etait-ce une église différente de Saint-Pierre, les donateurs adressant leur don à Saint-Martin [de Savigny] pour Randans ? On trouve ultérieurement une église Saint-Jean-Baptiste et Saint-Michel, siège d'un monastère dépendant de Savigny dont on connaît au XIe siècle quelques prévôts ou prieurs : Hugues [Crassus] avant 1046, Ismidon en 1066-1097, Agnon [Calvi] en 1081-109021.
14Montrottier. Du temps de l'abbé Badin (937-955), le prêtre Sylvestre reçut en précaire l'église Saint-Martin dans la villa Periculis et une église Saint-Clément. Vers la fin du Xe siècle, l'abbé Hugues fit construire un château dans la paroisse de Saint-Martin de Periculis pour protéger les moines qui y habitaient. De ce monastère, dépendaient douze églises paroissiales. Quant à Saint-Martin de Periculis c'est aujourd'hui le hameau de Saint-Martin à 800 m au N.-N.O. du clocher de Montrottier. Selon Aug. Bernard, ce nom serait « emprunté soit à la route du Forez que le château était chargé de surveiller (d'où Mons Roterius), soit à la rivière qui passe dans la commune et que la carte de Cassini indique encore sous le nom de Rotier. On l'appelle aujourd'hui rivière de Cone »22.
15Noailly. Le point de départ de ce prieuré est la donation à Savigny le 15 octobre 959 par Hugues et Emmène [de Chamelet] de l'église Saint-Pierre de Noailly, au comté de Lyonnais et au pagus de Roanne, avec la paroisse et le presbyteratus avec toutes ses dépendances, les donateurs se réservant l'usufruit viager. Un précepte du roi Lothaire du 10 décembre 961 confirma cette donation23. Les donateurs s'étant réservé l’usufruit viager, les moines de Savigny ne purent disposer de Noailly qu'après la mort de Hugues et d'Emmène certainement antérieure à 984-98724. Ce n'est donc que vers 980 — après cette date — que le prieuré de Noailly aurait pu être installé. Dans le cartulaire de Savigny, on ne relève aucune donation en sa faveur. La « Pancharte du droit de cire et d'encens dû à l'église de Lyon » mentionne dans le ministerium de Roanne, l'église de Noailliaco. En 1187, la terre des « moines » de Noailly est citée dans une lettre de l'archevêque de Lyon (...usque ad terram monachorum Niviliacensis...). Le prieur de Noailly est mentionné en 1200. Le pouillé de 1225 dit : ecclesia de Nuailleu (prioratus). Patronus : Prior loci. De ces mentions tardives, il semble que le prieuré de Noailly n'ait été fondé que vers la fin du Xe siècle. Y eut-il une église paroissiale différente du prieuré ? Le pouillé de 1225 semble l'établir, cependant on n'en connaît pas le vocable25.
III. LES FILIALES DE L'ILE-BARBE
16L'abbaye de Saint-Martin de L'Ile-Barbe aurait été fondée vers 435 dans l'observance de Lérins26 dans une île de la Saône à une dizaine de kilomètres au Nord de Lyon. L'un de ses abbés, Amboise, est attesté en 515. Détruite par les Sarrasins au Ville siècle, ravagée par les Hongrois vers 935, elle semble s'être rapidement relevée. Le diplôme que lui accorda Conrad le 20 août 97127 fait état des possessions de l'Ile-Barbe : 16 églises dans le diocèse, 5 ou 6 dans les régions méridionales. Elle avait en Forez trois monastères où devaient résider quelques moines : La Celle, « Occiacus » et Saint-Martin de Firminy outre trois églises (Cleppé, Saint-André, Cottance), une chapelle (Saint-Côme) et un domaine (Novellis).
17La Celle Saint-Martin, appelée La Celle de l'Orme, n'existe plus, ni le village qui l'entourait. Ce petit monastère, dont l'origine est ignorée, a probablement disparu lorsqu'un prieuré a été installé à Cleppé. Dans une bulle de Lucius III du 3 mai 1183 qui confirme les possessions de l'Ile-Barbe est mentionnée l'ecclesia de Cella, ce qui n'est pas une preuve de la suppression de monastère, car toutes les dépendances de l'Ile-Barbe sont uniformément appelées ecclesia. En revanche, le pouillé de 1225 cite l'ecclesia de la Cella dont le patron est précisément le prieur de Cleppé. Abandonnée par les moines, La Celle est restée un lieu de culte et était considérée comme paroissiale encore au XIVe siècle : un testament de 1376 mentionne le cimetière paroissial de l'église de La Celle28.
18Cleppé. Simple ecclesia Sancti Boriiti en 97129 — sans doute acquisition récente de l'Ile-Barbe — elle est devenue le siège d'un prieuré qui s'est substitué à La Celle à une date inconnue bien avant 1225. Une paroissiale sous le vocable de Saint-Martin a été construite à proximité pour les fidèles du lieu30.
19Occiacum (Saint-Rambert). Cette cella a pris de bonne heure le nom de Saint-Rambert sous le vocable duquel elle était placée et dont elle devait posséder une relique, authentique ou supposée31. C'est une erreur de croire que l'église Saint-André était l'église des moines. On remarquera que les autres cellae énumérées ne sont pas accompagnées d'une église et, surtout, la cella de Occiaco est citée avec (cum) l'église Saint-André, laquelle jouxte la chapelle Saint-Côme dont la localisation est connue. C’est donc en contradiction avec le diplôme de Conrad que J.-E. Dufour écrit : « Saint-Rambert est appelé Occiacus en 971 et possédait à cette date un prieuré sous le vocable de Saint-André... Ce prieuré reçut, au XIe siècle, les reliques de saint Rambert et porta dès lors le nom de ce saint »32. Le responsable de cette légende tenace est Le Laboureur qui a écrit en 1665 : « ... en cette charte [de Conrad], il ne se parle point de la ville de Saint-Rambert, ni de son prieuré, mais seulement du Monastère de Saint-André, où le corps de Saint-Rambert fut transféré depuis... Or ce monastère estant situé au lieu dit Occiacum, il est indubitable que ce petit lieu aujourd'hui inconnu, doit être la ville de S. Rembert, qui a reçut ce nom de la translation des reliques de ce saint et de S. Domitien en l'église S. André, ce qui arriva au temps du comte Gillinus ou Videlinus »33.
20Or le diplôme de Conrad dit simplement cella quoque de Occiaco cum ecclesia Sancti-Andreae laquelle est dite jouxte la chapelle Saint-Côme, située à environ un kilomètre de la celle d'Occiacus. Le monastère de Saint-André est le produit de l'imagination de Cl. Le Laboureur, né d'une interprétation erronée du diplôme de Conrad.
21Quant au transfert du corps de saint Rambert, c'est une forgerie du XVe siècle, destinée à justifier le changement de vocable du prétendu monastère de Saint-André, ce qui va, on le sait, à l'encontre de la tradition suivant laquelle le vocable d'une église est immuable. La légende de saint Rambert publiée par Le Laboureur34 a été reproduite et traduite d'après le Bréviaire des chanoines de Saint-Rambert (le prieuré a été sécularisé en 1549) dans L'Ancien Forez35. En voici le résumé. Un individu ayant volé au monastère S. Rambert [-en-Bugey] — sur l'injonction du saint qui lui avait ordonné dans un songe de porter ses ossements et ceux de saint Domitien ad Sancti Andreae monasterium in comitatu Forensem — s'était mis en chemin. Arrivé au château d’Yzeron, il s'arrêta pour se reposer. Le comte Gilin [il s'agirait du comte Guillaume, tué à la Croisade lors du siège de Nicée en 1097] chassait dans le secteur. Le lièvre et les chiens qui le poursuivaient s'arrêtèrent brusquement près du dormeur qui n'avait pas abandonné son précieux fardeau. On raconta le fait au comte qui interrogea le porteur de reliques. Bientôt un grand concours de peuple arriva qui se forma en procession et se dirigea vers la Loire. A peine les saintes reliques étaient-elles arrivées « au bord du fleuve que les eaux se divisèrent et cessèrent de couler ». Lorsque tout le peuple eût passé à pied sec avec les reliques des saints, les eaux ne reprirent pas immédiatement leur cours, car elles attendaient une vieille femme boiteuse fort en retard. Lorsqu'elle eut atteint l'autre rive, le fleuve recommença à couler. On se dirigea alors vers le monastère Saint-André où l’on déposa avec tous les honneurs possibles les reliques des SS. Rambert et Domitien.
22Il s'agit d'une légende fabriquée au XVe siècle dont Guichenon contestait la valeur déjà au XVIIe siècle : « Ceux du prieuré de Saint-Rambert en Forest disent qu'ils ont les corps de S. Domitien et de S. Rambert, et se fondent sur une légende de la translation de ces corps, laquelle se lit au Bréviaire de leur église, mais les titres de notre monastère de Joux [auj. en Bugey] y résistent »36.
23Nous ignorons pour quelle raison Occiacus prit le nom de Saint-Rambert. Son premier prieur connu paraît en 1166 et le monasterium Sancti Ragneberti est cité en 118237.
24Saint-André. Cette église, dépendance de la cella de Occiaco, a disparu sans laisser de traces. Nous savons toutefois qu'elle était proche de la capella Sancti Cosmae. Elle est omise de la bulle de 1183.
25Chapelle Saint-Cosme. Le privilège de 971 précise : ... ecclesie Sancti Andreae capellamque juxta earn in honore sancti Cosmae dicatam. La bulle de 1183 cite l'ecclesia Sanctorum Cosmae et Damiani. Elle existe encore, ruinée. Elle est située à environ un kilomètre au Nord de Saint-Rambert, sur la route de Bonson. Elle n'a jamais été paroissiale. C'était une chapelle de pèlerinage où l'on invoquait les SS. Côme et Damien contre les épidémies38.
26Novellis. C'est apparemment la villa sur laquelle étaient établies la celle d’Occiacus, l'église Saint-André et la chapelle Saint-Côme. Le souvenir de ce domaine est conservé dans la bulle de 1183 qui mentionne l'ecclesia Sancti Reneberti de Novellis qui semble faire double emploi avec le monasterium Sancti Ragneberti39. On n'en trouve plus ultérieurement aucune mention.
27Firminy. En 971, la cella...Sancti Martini de Firminiaco est notée au nombre des dépendances de l'Ile-Barbe. La bulle de Lucius III ne cite que l'ecclesia Sancti Petri de Firminiaco sans qu'il soit fait mention de Saint-Martin. C'est pourquoi tous les auteurs contemporains parlent du « prieuré Saint-Pierre »40. Pourtant, le 14 juillet 1614, le secrétaire de l'archevêque de Lyon écrit : « ...sommes allez visiter l'église parrochiale St-Pierre et St-Firmin de Firmigny... le prieur de Firmigny... présente... ladite cure »41. Ainsi Saint-Pierre est bien paroissiale. Mais je n'ai trouvé aucune autre mention d'une église Saint-Martin qui serait celle du prieuré. La liste des prieurs de Firminy dressée par l'abbé Merle42 n'apporte aucune solution à ce problème.
28Cottance. L'ecclesia Sanctae Mariae de Constantia est indiquée dans le diplôme de Conrad au nombre des possessions de l'Ile-Barbe et dans la bulle de Lucius de 118343. En 1225, cette église était à la collation du prieur de Cleppé44.
IV. LES FILIALES D'AINAY
29L'abbaye lyonnaise de Saint-Martin d'Ainay fondée vers 430 sous l'influence de Lérins45 a essaimé en Forez, mais on ignore à quelles dates et dans quelles circonstances. On n'a aucun renseignement pour le Xe siècle : le Petit cartulaire d'Ainay publié par A. Bernard à la suite du Cartulaire de Savigny46 contient 200 actes s'échelonnant de 967 à 1056, mais aucun ne concerne le Forez. Quant au Grand cartulaire47, il ne fait état que de textes postérieurs à 1106.
30La seule liste, qui nous soit parvenue, des possessions d'Ainay est une bulle d'Eugène III du 26 février 115348 qui énumère 29 églises foréziennes alors que le pouillé de 1225 fait état de 11 églises supplémentaires. Le problème, qui se pose, est de déterminer parmi ces 29 églises celles antérieures à l'an mil. Ce n'est pas chose aisée.
31Dans la « Pancharte du droit... dû à l'Eglise de Lyon » seules figurent 14 d'entre les 29 de 1153. Elles semblent pour la plupart de la première moitié du XIe siècle sauf Veauche qui paraît plus ancienne, peut-être de la fin du Xe siècle.
32Saint-Romain-le-Puy. De toutes les dépendances d'Ainay en Forez, la plus importante est sans contestation Saint-Romain-le-Puy. Au sommet du puy qui domine au Sud la route de Moingt à Occiacum se trouve une petite église du Xe siècle49 construite par un riche propriétaire dans son domaine qu'il donna à Ainay50. C'est la tradition que rapporte Révérend du Mesnil d'après une sorte de chronique rédigée par le prieur Jacques de Bouthéon : le donateur serait un certain Boschilateus miles, qui aurait remis cette église à l'abbé Astier et Ainay y aurait un prieuré en 101751. L'abbé Astier a gouverné Ainay de 983 à 986 date qui paraît acceptable eu égard à l'église au sommet du pic. Mais quel crédit accorder au récit de Jacques de Bouthéon qui rapporte la donation de Boschilateus regnante Conrado rege francorum (sic) qui regnum regebat anno incarnatione millesimo decimo septimo (Conrad, roi de Bourgogne, est mort en 993). Tout cela est très suspect. Aucun texte authentique ne confirme ces faits. Il semble toutefois assuré que l'acquisition de Saint-Romain-le-Puy se situe probablement vers la fin du Xe siècle. De toute façon, l'ecclesia de Sancto Romano [le prieuré] et Sancto Martino de Podio [la paroissiale] figurent dans la « Pancharte du droit de cire et d'encens dû à l'église de Lyon »52. Avant l'an mil, Ainay ne paraît pas avoir eu d'autre filiale en Forez.
33De cet inventaire, il ressort qu'au Xe siècle le Forez n’avait qu'un petit nombre d'établissements monastiques au faible rayonnement : Pommiers, Montrottier, Saint-Rambert et peut-être Saint-Romain paraissent avoir été les plus actifs si l'on en juge par les dépendances qu’ils acquirent ultérieurement. Ils s'attachèrent non à construire mais à placer sous leur domination les églises bâties par les communautés ou les particuliers. Sans doute ont-ils contribué à répandre et affermir la foi des populations au milieu desquelles ils étaient implantés.
34De ce vide monastique — relatif — vont profiter des abbayes extérieures au Forez : Manglieu, La Chaise-Dieu en Auvergne et en Livradois, voire San Michele della Chiusa en Piémont et Conques en Rouergue, sans compter les fondations cisterciennes et celles des Hospitaliers, outre les instituts féminins qui consolidèrent à partir du XIe siècle les acquis du christianisme.
Notes de bas de page
1 La Mure, Hist. eccl. dioc. Lyon, Lyon, 1674, p. 133-157, 294. Cette assertion a été reprise par nombre d'auteurs locaux.
2 Recherches hist. sur le Roannais, Roanne, 1863.
3 C 78.
4 La Mure, op. cit., p. 137 et 295.
5 C 490 ; Bibl. Ctun., col. 265 ; RHF, IX, p. 580.
6 C 396 et 417.
7 C 734. — Bull. Clun., p. 4-5.
8 C 2255.
9 C 2465.
10 C 2466.
11 Bull. Clun, p. 10-11.
12 C 1213,1180, 2083,2859, 2860. — M 170 et n. 3 — C 3828.
13 C 1206,1210. — Bull. Clun, p. 10-11. — Pouillé de 1225, p. 5.
14 C 1578, 2309.
15 Mabillon, Ann. ord. sti Bened..., III, p. 699, no XXXIII.
16 P.-R. Gaussin, Les cohortes du Christ, Rennes, 1988, p. 184.
17 Diplômes royaux : S 960 ; RHF IX, p. 412 ; S, I, p. LXXIIII.
18 S 38 ; S 127.
19 Située à une vingtaine de km à l'Ouest de Lyon, l'abbaye a donné naissance à un village auj. com. du cant. de L'Arbresle (Rhône). Son influence n'a pas dépassé la Saône et le Rhône.
20 S 30, 129, 343, 342, 360, 361, 356, 340, 344, 335, 341, 335, 359, 365, 128, 338, 358, 853.
21 S 71, 74, 75, 79, 122, 107, 103, 748, 765, 829.
22 S 39, 430, 933. Pouillés Prov. de Lyon, p. 6, 7 ; S, II, p. 1132.
23 S 130 et 131.
24 S 461.
25 S., II, p. 1057,1ère moitié du XIe siècle. — F 1294. - CL, I, p. 104. — Pouilles de la Prov. de Lyon, p. 12.
26 P.-R. Gaussin, op. cit., p. 126.
27 Gaussin, loc. cit.
28 Original dans Le Laboureur, Les masures de l’Ile-Barbe, I, p. 64-66, vidimus de Charles VIII dans Guigue, Grande Pancarte, I, p. 224.
29 Le Laboureur, Les Masures..., I, p. 117. ; Pouilles de la Prov. de Lyon, p. 6. ; Bull. Diana, VII, 1893-1894, p. 116.
30 Visite pastorale de 1614, p. 398.
31 Ibid., p. 465.
32 J.-E. Dufour, Did. topog...Loire, Mâcon, 1946, col. 910.
33 Les Masures..., I, p. 56.
34 Les Masures..., I, p. 76-80.
35 L’Ancien Forez, II, 1883-1884, p. 164-170 et 194-201.
36 Histoire de la Bresse et du Bugey, Lyon, 1650, continuation de la seconde partie, p. 97.
37 Les Masures... I, p. 111 et 117. J. Beyssac, « Les prieurs de Saint-Rambert... » dans Bull. Diana, XXXII 1924-1926, p. 422-446.
38 Les Masures... I, p. 117. Dufour, Dict. topo., col. 857.
39 Les Masures... I, p. 117.
40 Bull. Diana, XXXIII, 1927-1930, p. 131.
41 Visite de 1614, p. 464.
42 Bull. Diana, XXIV, 1931-1934, p. 389-426.
43 Les Masures..., I, p. 65 et 117.
44 Fouillés de la prov. de Lyon, p. 7.
45 Gaussin, Les cohortes..., p. 135.
46 D'après l'original, Bibl. nat., lat. 10 034.
47 Publ. par Charpin-Feugerolles et Guigue, 2 vol., Lyon, 1885.
48 Grand Cartulaire d'Ainay, II, p. 49-53.
49 Bull. Diana, XXII, 1922-1926, p. 453-457.
50 Bull. Diana, I, 1876-1881, p. 347-352.
51 Date retenue par dom Estiennot, Mabillon et la Gallia Christ.
52 S. II, p. 1050.
Notes de fin
* Abréviations utilisées :
Bibl. Clun. = Bibliotheca Cluniacensis (Marrier et Du Chesne) Paris, 1614.
Bull. Clun. = Bullarium Sacri Ordinis Cluniacensis..., Lyon, 1680.
C = Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny (Bernard et Bruel), Paris, 6 vol., 1876-1903.
F = Chartes du Forez antérieures au XIVe siècle, Mâcon, 24 vol., 1933-1986.
M = Cartulaire de Marcigny (éd. Richard), Dijon, 1957.
RHF = Recueil des Historiens des Gaules et de la France (dom Bouquet et continuateurs),
Paris, 1738-1904, 24 vol.
S = Cart. Savigny (éd. Bernard) Paris, 2 vol., 1853.
Auteur
Université de Saint-Etienne
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Sacralité et littérature
Jean-Claude Vallecalle (dir.)
2011
Lyon vu/e d’ailleurs (1245-1800)
Échanges, compétitions et perceptions
Jean-Louis Gaulin et Susanne Rau (dir.)
2009
Papauté, monachisme et théories politiques. Volume I
Le pouvoir et l'institution ecclésiale
Pierre Guichard, Marie-Thérèse Lorcin, Jean-Michel Poisson et al. (dir.)
1994
Papauté, monachisme et théories politiques. Volume II
Les Églises locales
Pierre Guichard, Marie-Thérèse Lorcin, Jean-Michel Poisson et al. (dir.)
1994
Le Sol et l'immeuble
Les formes dissociées de propriété immobilière dans les villes de France et d'Italie (xiie-xixe siècle)
Oliver Faron et Étienne Hubert (dir.)
1995