Patronage et revenu ecclésiastique en Normandie au xiiie siècle
p. 461-471
Texte intégral
1Les pouillés du diocèse de Coutances, l'un du dernier quart du XIIIe siècle, l’autre sans doute de 13321 sont des documents particulièrement explicites en ce qui concerne le patronage des églises paroissiales et la répartition du revenu ecclésiastique dans chaque paroisse. On évoquera d'abord quelques aspects du patronage avant d’interroger le pouillé du XIIIe siècle sur le montant et les divers éléments du revenu des paroisses.
I. LE PATRONAGE LAIQUE ET SES LIMITES
2C'est un fait bien connu que la survivance en Normandie, à une époque tardive, d'une proportion considérable de patrons laïques des églises paroissiales2. Le diocèse de Coutances ne fait pas exception : les 192 patronages laïques qu'on y peut dénombrer dans le pouillé du XIIIe siècle représentent 38,4 % des 500 paroisses de ce diocèse. Cette situation venait pourtant après un bon siècle d'efforts des moines aidés par les évêques de Coutances pour amener les laïcs à céder leurs patronages : Toustain de Billy a relevé, entre 1176 et 1293, quelque 48 transferts de patronages de laïcs à des clercs — surtout des moines, évidemment —3.
3Selon les archidiaconés, la proportion des patronages restés en mains laïques était la suivante :
Archidiaconés | Paroisses | Dont patronage laïque |
Coutances (sans la cité) | 102 | 52 (51 %) |
Val de Vire | 119 | 57 (48 %) |
Bauptois (avec les îles) | 109 | 27 (25 %) |
Cotentin | 170 | 56 (33 %) |
4Ils étaient donc particulièrement présents dans les doyennés proches de Coutances, ainsi que dans les régions de défrichement récent, celles des forêts de Gavray et de Saint-Sever. Leur moindre importance au centre et au nord de la presqu'île pourrait être liée à une plus grande implantation des moines et chanoines réguliers dans cette région (abbayes de Saint-Lô, Montebourg, Cherbourg, Saint-Sauveur, Blanchelande et Lessay).
5D'autre part, on note que les patronages laïques se rencontrent, pour une large part, dans des pays de forte densité humaine : plaine littorale au sud de Coutances, zones transversales de Coutances à Saint-Lô et de Barneville à Carentan, pays de Valognes, Plain. Mais ce n'est nullement une règle générale : il y avait également beaucoup de patronages laïques dans les régions faiblement occupées du sud-est du diocèse. Dans le premier cas, le patronage laïque pourrait être lié à l'ancienneté du peuplement ; dans le second, à la part prise par l'aristocratie locale dans les défrichements.
6Ainsi, moins de la moitié des paroisses « laïques » dans la moitié des paroisses la moins densément peuplée, plus de la moitié de ces mêmes paroisses dans la moitié la plus densément peuplée.
7On doit aussi se demander si les laïcs n'avaient pas conservé de préférence les paroisses les plus peuplées en abandonnant les moins peuplées au patronage monastique :
Population moyenne (en feux) de l'ensemble des paroisses et des paroisses sous patronage laïque (sans les îles, dont le nombre de feux n'est pas connu)
Archidiaconés | Ensemble de paroisses | Paroisses « laïques » |
Coutances | 127 | 112,2 |
Val de Vire | 102,6 | 83,9 |
Bauptois | 124 | 121 |
Cotentin | 105,8 | 94,15 |
8Dans seize doyennés sur vingt-deux, la population moyenne des paroisses ayant conservé un patron laïque était inférieure à la population moyenne de toutes les paroisses. Les seules exceptions étaient les doyennés de Cérences et Cenilly, à proximité de Coutances, Montbray au sud-est, Le Hommet et Carentan dans la partie centrale, Orglandes dans la presqu'île.
9Par ailleurs les pouillés, et particulièrement celui de la fin du XIIIe siècle, apportent de précieux renseignements sur le revenu imposable des bénéfices paroissiaux, paroisses ou portions. Il s'agit notamment du revenu taxable (à la décime) du desservant, introduit par le verbe valet suivi d'une somme en livres tournois : ce revenu imposable est donc ce qui sera appelé un peu plus tard taxatio et déjà, dans le pouillé du XIIIe siècle, pour le doyenné de Percy, on rencontre l'expression valet ad decimam ou valet ad taxationem decimae5. Dans le pouillé de 1332, la formulation est devenue : Ecclesia... taxata est ad...6. Il s’agit donc du revenu ecclésiastique revenant au desservant — rector, persona, vicarius — déduction faite de frais professionnels probablement forfaitaires, d'où aussi la formule valet pro persona ou valet pro vicario. Dans une partie des cures, ce valor constitue à lui seul la totalité du revenu ecclésiastique du bénéfice ; dans d'autres, une partie seulement.
10On doit donc se demander si le valor des bénéfices sous patronage laïque était significativement différent de celui de l'ensemble des paroisses du diocèse :
11Ainsi, dans les quatre archidiaconés, le valor des bénéfices sous patronage laïque était-il nettement supérieur à celui de l'ensemble des paroisses. Les patrons laïques laissaient, en moyenne, un bien plus grand revenu aux desservants que les patrons ecclésiastiques :
Valores des paroisses sous patronage ecclésiastique
Archidiaconés | Nombre | Total | Moyenne |
Coutances | 60 | 1990 | 33,2 |
Val de Vire | 58 | 1995 | 34,4 |
Bauptois | 61 | 2367 | 38,8 |
Cotentin | 120 | 4674 | 38,9 |
Total | 299 | 11026 | 36,9 |
12Cela était dû, pour une part, au fait que les patrons ecclésiastiques faisaient parfois desservir par un vicaire faiblement rémunéré. Mais ce cas, nullement général, ne rend pas compte à lui seul du phénomène. Il faut bien admettre que, dans l'ensemble, les desservants des paroisses « laïques » étaient mieux pourvus que ceux des paroisses « ecclésiastiques ».
13D’autre part, il convient de s’interroger sur la part que les laïcs patrons prenaient éventuellement dans le revenu ecclésiastique des paroisses. Quatre cas doivent être ici envisagés :
Le patron laïque laisse la totalité des revenus du bénéfice au desservant qui percipit omnia. 122 cures ou portions étaient dans ce cas. Le valor moyen de ces bénéfices était de 50,33 l. t.
Le patron est laïque, il ne perçoit rien du revenu de la cure qui est partagé : c'était le cas de 48 bénéfices.
Le patron, laïque, perçoit une partie du revenu ecclésiastique : 23 cures ou paroisses seulement étaient dans ce cas.
On peut ajouter les bénéfices à patronage laïque dont le partage des revenus n'est pas connu : 19 bénéfices.
14Ainsi, le patronage laïque ne s'accompagnait-il d'aucun prélèvement du patron sur le revenu de la cure dans 170 cas, soit 88 % des cas connus. Dans ces conditions, on peut s'interroger sur l'utilité, pour les laïques, de conserver ces patronages, comme ils le faisaient en Normandie. Mais, d'une part, il ne peut être exclu que des patrons aient tiré un revenu occulte de leur droit. D'autre part, l'exercice du droit de présentation permettait d'installer dans les cures des parents ou des amis : à Servigny au doyenné de Contances, le recteur était le neveu du patron laïque ; même situation à la Vendelée, paroisse voisine, où le recteur était le fils de dame Laurence, la patronne. A Hyenville, au doyenné de Cérences, le recteur est le frère du patron7. Les cas de ce genre ne devaient pas être rares. Enfin, le droit de présenter le recteur comportait un élément de prestige et de puissance qui sans doute n'était pas négligeable sur le plan local, la plupart des patrons étant de petits seigneurs.
15Les patrons ecclésiastiques, et notamment monastiques, avaient la main beaucoup plus lourde que les laïques : sur l'ensemble des cures dont ils avaient le patronage, soit environ 320, seulement 58 laissaient la totalité du revenu au desservant.
II. LE REVENU DES PAROISSES : LE REVENU TAXABLE
16Il convient de distinguer très soigneusement le revenu taxable du desservant ou valor, et le revenu ecclésiastique global du bénéfice. Ils pouvaient se confondre, lorsque le recteur ou le vicaire « percevaient tout ». Ils pouvaient aussi être très différents. On commencera ici par des considérations sur le revenu taxable.
17Les valores fournis par le pouillé du XIIIe siècle sont au nombre de 534 avec les îles anglo-normandes, de 511 sans. Ils représentent un revenu total imposable à la décime pontificale de 22 831 livres avec les îles (21 968 sans) et leur moyenne par desservant est de 42,75 (avec les îles) et de 43,07 livres sans les îles. C'est dans l'archidiaconé de Coutances que la moyenne était le plus élevée : 46,88 livres. Venaient ensuite le Cotentin (44,26), le Bauptois (41,05) et le Val de Vire (38,6). Les revenus imposables (il ne semble pas encore y avoir de minimum imposable comme cela sera le cas peu après) vont de 8 livres à 209. Ces extrêmes sont peu significatifs. Plus intéressant est de savoir que bien plus du quart des desservants avaient moins de 30 livres (167 étaient dans ce cas) et bien plus de la moitié moins de 40 livres (283 valores). Il s'agit de revenus déclarés aux enquêteurs pontificaux8 : il est donc tentant de voir s'ils vérifient une loi de Pareto de la distribution des revenus. La courbe obtenue montre que la loi n'est vérifiée que pour la partie centrale de la distribution, de 30 à 80 livres de valor. Il est constant que les plus hauts revenus soient écrasés. Ici, les revenus les plus faibles, moins de 30 livres, paraissent aberrants et, d'ailleurs, correspondent à des portions vicariales. Les protestations contre l'insuffisance de telles portions ne sont pas rares au pouillé du XIIIe siècle9. Mais c'est aussi parfois la part du rector qui est dénoncée comme étant insuffisante10. Il est vrai que ce document présente un indéniable flottement dans le vocabulaire. Le vicarius cité une cinquantaine de fois, soit dans environ une paroisse sur dix, est bien dans nombre de cas un desservant remplaçant le rector, notamment lorsque la cure appartient à un monastère. Ainsi, à Muneville le Bingard, doyenné de Coutances, le recteur deservit ibi per vicarium, quod fieri non debet et le revenu de la cure est partagé : 110 livres probablement pour le recteur, 40 livres pour le vicaire. Dans tous les cas où les revenus des deux prêtres sont clairement désignés, nous pouvons conclure à l'existence d'un vicaire délégué du rector. Mais il arrive aussi que vicarius ait bien des chances de désigner le recteur : par exemple à Gavray, où un seul chiffre de valor est donné : Rector percipit residuum. Et valet pro vicario XV libras. Or ce chiffre de 15 livres est la taxe à la décime de ce bénéfice selon le pouillé de 133211. A Fleury, où une des portions de la cure a un rector qui en perçoit tout le revenu, l'on enchaîne semblablement : Et valet pro vicario XVIII libras : cette somme de 18 livres se retrouve au pouillé de 1332 comme taxe du curatus à la décime. Situation encore plus claire à Baupte : le rector y perçoit la troisième gerbe, mais non est vicaria sufficiens, quia communibus annis non valet tertia garba predicta praeter C solides... Et valet pro vicario XV libras. La vicaria est ici la part du rector, qui est aussi le vicarius. Le terme de vicaria est ainsi, à plusieurs reprises, employé pour désigner la part du recteur, comme à Belmesnil, doyenné de Landelles, où rector percipit omnia, sed reddit dictae Domui [Dei] XVIII libras nec habet vicariam sufficientem... Et valet XX libras ou encore à Carteret, doyenné de Barneville, où rector percipit tertiam [garbam] et altalagium ; et conqueritur quod habet vicariam minus sufficientem. Et valet XV libras12.
III. LE REVENU ECCLESIASTIQUE DES PAROISSES
18Les renseignements chiffrés donnés par le pouillé du XIIIe siècle permettent de connaître, non seulement le valor, mais encore, en de nombreux cas, différents éléments du revenu ecclésiastique des paroisses et leur répartition. Comme partout, ce revenu ecclésiastique se composait de plusieurs éléments : les grosses dîmes — garba —, les menues dîmes, rarement mentionnées (mais il en est d'intéressantes, comme celles des aulx et oignons à Créances et à Lessay, ou la dîme du poisson, comme à Gouville, Montmartin, Vauville, Cosqueville ou Réville), les droits d'autel — altalagium — terme assez vague sous lequel semblent quelquefois être comprises les menues dîmes, enfin le revenu de la terre d'aumône — elemosina —. Plusieurs cas de répartition se présentent :
le recteur ou le desservant percipit omnia et le valor est indiqué
les données concernant le montant des droits d’autel et des dîmes peuvent être additionnées en vue de reconstituer le revenu total imposable du bénéfice
on ne peut connaître que les droits d'autel
on ne peut connaître que la dîme des gerbes
aucun élément du revenu ne peut être connu.
19Dans le premier cas se trouvent 141 paroisses regroupant un revenu imposable total de 7720 livres, soit en moyenne 54,75 livres par paroisse.
20Dans le second cas — celui de la reconstitution du revenu par addition, une précaution s'impose : une part de revenu déclarée au nom d'une institution, d'un monastère notamment, correspond-elle à un revenu de nature ecclésiastique stricto sensu ? N'y est-il pas incorporé un élément de revenu de nature seigneuriale comme redevances en argent ou en nature ? Voici le cas de Périers, chef-lieu d'un doyenné : le patron en est l'abbé de Saint-Taurin d'Evreux ; il perçoit toutes les grosses dîmes et le pouillé lui attribue un revenu taxable de 400 livres. Mais l'abbé était aussi seigneur de Périers et ce revenu considérable recouvre très certainement des revenus seigneuriaux13. A N.D. de Cenilly, le patron est l'abbé d’Aunay ; il prend toute la dîme des gerbes ; on lui attribue un revenu de 320 livres, certainement très supérieur à la dîme de cette paroisse14. Ce fait se produit notamment lorsque le décimateur est le prieuré du lieu. Une critique sévère n'a permis de retenir que 83 paroisses totalisant 6 815 livres avec une moyenne de 83 livres par paroisse. Il est normal que la moyenne soit très supérieure à celle du premier groupe, les paroisses partagées entre plusieurs ayants droit ayant toutes chances d'être plus riches que les précédentes.
21Au total, nous avons donc retenu 224 paroisses pour un total de 14 535 livres, soit en moyenne par paroisse 65 livres tournois. Ces 224 paroisses avaient, d'après les chiffres de la « débite », 19 716 chefs de famille15. En moyenne donc, chaque chef de famille versait à l'Eglise une somme de 0,737 livre tournois, ou 14 s. 9 d. t. par an. En fait, il lui versait davantage, puisque, on l'a vu, tous les chiffres de revenus taxables à la décime sont des chiffres nets. La difficulté est, tous les commentateurs l'ont noté16, d'évaluer l'abattement qui était ainsi consenti aux ecclésiastiques. Voici un point de repère : le monastère Saint-Ouen de Rouen, l'un des plus riches de France, avait, selon l'enquête de 1338, un revenu brut de 10 587 livres tournois17. Or sa taxatio à la décime pontificale était, selon ce même document, de 6 680 livres (et, selon le pouillé de 1337, de 6 639 livres). Il paraît évident que le revenu du monastère avait été estimé à 10 000 livres, puis avait bénéficié d’un abattement du tiers (d'où la décime de 668 livres déclarée en 1338). Il se pourrait ainsi que la taxatio (ou valor) ne représente que les 2/3 du revenu réel. En ce cas, la somme payée à l'Eglise en moyenne par chaque chef de famille des 224 paroisses étudiées pouvait être de l'ordre de une livre deux sols tournois. Il serait aventuré d'étendre ce résultat à l'ensemble du diocèse, le groupe des 224 paroisses n'étant pas un échantillon.
IV. LA DIME
22Nous n’avons relevé que 78 paroisses, après sévère critique et élimination des cas obscurs ou douteux, pour lesquelles la dîme des gerbes est calculable. Elles sont très inégalement réparties selon les archidiaconés : six seulement dans l'archidiaconé de Coutances, six également dans l'archidiaconé du Val de Vire où, parfois, le pouillé mentionne bien la dîme, mais non les droits d'autel, de sorte que le revenu déclaré sous le nom de dîme doit inclure aussi ces derniers et où, dans deux doyennés, il n'y a aucun renseignement sur la dîme ; quinze dans l'archidiaconé de Bauptois et, surtout, 51 paroisses dans le seul archidiaconé de Cotentin. Là se rencontre fréquemment, mais non systématiquement, le partage suivant : 2/3 des « gerbes » au décimateur, 1/3 au recteur qui touche aussi l'autelage et peut-être les menues dîmes, parvenant ainsi à un revenu voisin de celui du décimateur. On retrouve ici un usage résultant d'un statut de la province de Rouen et sans cesse rappelé depuis la fin du XIe siècle18.
23Si l'on rapproche ces chiffres de dîme des effectifs de chefs de feux, tels qu'ils nous sont donnés par ailleurs, on trouve, pour ces 78 couples, un coefficient de corrélation r = 0,74, très significatif pour ce nombre de données. Constatation intéressante, dans la mesure où elle vient conforter la fiabilité des chiffres bruts, ceux qui concernent les dîmes et ceux qui se rapportent à l'effectif des chefs de famille. En toute logique, le montant des grosses dîmes doit avoir quelque rapport avec ce dernier, mais ne saurait lui être proportionnel, la répartition de la production entre les exploitations étant différente d'une paroisse à l'autre et les paroisses à caractère urbain ou semi-urbain payant proportionnellement moins de ces dîmes que les paroisses rurales : Barfleur, avec 420 chefs de feux, ne paie en grosses dîmes que 100 livres, comme Tribehou (180 feux) ou Vasteville (100 feux). Ces 78 paroissiens totalisent 5 764 livres de dîme pour 9 428 chefs de famille, soit une moyenne de 0,61 livre tournois ou 12 s. 2 d. 3/4, qu'il ne saurait être question, ici non plus, d'extrapoler à l'ensemble du diocèse, et qu'il faudrait certainement majorer pour la raison rappelée ci-dessus.
24Pour passer du chiffre de la dîme des gerbes à une estimation de la valeur de la production agricole, il faudrait connaître pour toutes les paroisses le taux coutumier du prélèvement. Il faut se résigner à suivre ici l'évaluation de Gagnol, soigneusement fondée, mais pour le XVIIIe siècle19, d'un prélèvement moyen du 1/11e pour le département de la Manche. Dans ces conditions, la production céréalière des 78 paroisses en question pourrait être évaluée comme suit :
25et, par chef de famille : 95 106 : 9 428 = 10,09 livres tournois ou 10 l. 1 s. 3/4 tournois.
V. LES DROITS D'AUTEL
26On a déjà noté le caractère assez vague de cette notion. L'altalagium est donné ou calculable pour exactement 100 paroisses du diocèse, à condition d'y inclure le revenu, pas toujours indiqué, de la terre d'aumône. Ces paroisses sont relativement mieux réparties que celles envisagées pour le calcul de la dîme : seize pour l'archidiaconé de Coutances, douze pour celui du Val de Vire, 27 pour le Bauptois et 45 pour le Cotentin. Ici, la corrélation entre les populations de chefs de feux et les montants des droits d'autel atteint le coefficient r = 0,76. La diversité des droits d'autel est considérable : ils vont de 5 à 60 livres pour une paroisse, échelle de 1 à 12, alors que l'échelle des effectifs de feux va de 36 à 384, soit de 1 à 10 2/3. Les cent paroisses réunissent 2 310,5 livres d'autelage pour 13 763 feux, soit une moyenne de 0,168 livre tournois par chef de famille paroissien et par an, ou encore 3 s. 4 d. t. par an.
VI. CONCLUSION
27Après avoir tenté de cerner l'importance réelle du patronage laïque des paroissiales, on a essayé d'appréhender les aspects quantitatifs du revenu ecclésiastique des paroisses. Rappelons les principaux résultats de cette recherche :
sur 224 paroisses, le versement annuel moyen d'un chef de famille à l’Église s'inscrit à 14 s. 9 d. t., en chiffres non corrigés.
sur 78 paroisses, le versement moyen à la dîme des gerbes, toujours en chiffres non corrigés, monte à 12 s. 2 d. 3/4.
sur 100 paroisses, la contribution familiale moyenne aux droits d'autel va à 3 s. 4 d. t.
28Ainsi, 14 s. 9 d. t. par an d'un côté, et 15 s. 6 d. 3/4 par addition, de l'autre, nous fournissent une fourchette d'évaluation de l'apport, en chiffres non corrigés, d'un chef de famille à l'Eglise à la fin du XIIIe siècle : autour de 15 sols et, en termes corrigés, peut-être une livre deux sols et six deniers tournois par an. Mais, naturellement, cette évaluation n'a de sens que pour le diocèse de Coutances et ne saurait être étendue au reste de la Normandie ni, à plus forte raison, à l'ensemble du royaume.
Notes de bas de page
1 Recueil des Historiens de la France, t. XXIII, p. 493-542. Pouillés de la province de Rouen, éd. A. Longnon, 1903, p. 269-363.
2 G. Mollat, « Le droit de patronage en Normandie du XIe au XVe siècle », dans Revue d’histoire ecclésiastique, XXIII, 1937, p. 464-485 et XXIV, 1938, p. 725-789. G. Devailly, « Les patronats d'église en Normandie aux XIIIe et XIVe siècles », dans Recueil d'études en hommage à L. Musset, Caen, 1990, p. 351-359.
3 R. Toustain De Billy, Histoire ecclésiastique du diocèse de Coutances, éd. Dolbet et Héron, Rouen, 1874-1886, 3 vol., t. I et II, passim.
4 H. Dubois, « La hiérarchie des paroisses dans le diocèse de Coutances au Moyen Age », dans Actes du Congrès de la Société des Médiévistes de l'Enseignement Supérieur, Caen, 1990.
5 Recueil..., p. 505-506.
6 Pouillés de la province de Rouen, p. 269-363, passim.
7 Polyptychum..., dans Recueil..., t. XXIII, p. 495, 497.
8 Polyptychum..., p. 493 : « necnon e regestis collectorum decimae quae annis 1278 et 1279 ad opus Terrae Sanctae percepta est ». Cf. Gottlob, Die papstlichen Kreuzzugssteuern des 13. Jahrhunderts, Heiligenstadt, 1892, p. 134-135.
9 Polyptychum..., dix exemples.
10 Ibid, p. 503, 507, 517.
11 Muneville : Polyptychum..., p. 495 ; Gavray : Ibid., p. 503.
12 Fleury : Ibid, p. 504 ; Baupte : Ibid, p. 511-512 ; Beaumesnil : Ibid, p. 503 ; Carteret : Ibid, p. 517.
13 Ibid, p. 502.
14 Ibid, p. 499.
15 Sur la débite, cf. H. Dubois, « La hiérarchie... » cit. supra n. 4.
16 Gottlob, op. cit., p. 219 s. Ch. Samaran et G. Mollat, La fiscalité pontificale en France au XIVe siècle, Paris, 1905, passim. J. Favier, « Temporels ecclésiastiques et taxation fiscale », dans Journal des Savants, 1964, p. 102-106.
17 L. Delisle, « Etat du temporel de l'abbaye Saint-Ouen de Rouen (10 av. 1338 n.s.) », Notices et extraits des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale, XXXIX2, p. 399, 404. Pouilles... p.l.
18 L. Musset, « Aperçus sur la dîme ecclésiastique en Normandie au XIe siècle », dans Aspects de la société et de l'économie dans la Normandie médiévale (XIe-XIIIe siècles), Caen, 1988, ch. III, p. 52, rappelant le canon 4 du concile de Lillebonne de 1080 qui aurait « officialisé » cet usage.
19 P. Gagnol, La dîme ecclésiastique en France au XVIIIe siècle, Paris, 1911, p. 134, 143-144.
Auteur
Université Paris IV
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