La mission financière de Théodulf en Gaule méridionale d'après le Contra iudices
p. 89-110
Note de l’auteur
Travail rédigé en qualité de membre de l’UA 247 du CNRS.
Texte intégral
1Théodulf d'Orléans fut l'un des grands lettrés de la cour de Charlemagne1. Auteur de poèmes réputés pour la vivacité et la fraîcheur de leur forme comme la richesse de leur langue, ce réfugié venu d'Espagne, cet Hispanus comme on disait alors, s'est aussi imposé comme évêque et comme moraliste. De ses préoccupations pastorales, il reste un témoignage, le capitulare qu'il composa pour son clergé, où il se révèle soucieux des besoins de son église et des réformes à y entreprendre2. Le long poème intitulé de manière discutable Contra iudices montre plutôt en lui l'homme passionné pour la cause de la justice et la défense des humbles3. Il est unanimement considéré comme le plus beau qu'il ait écrit, non seulement en raison de son évidente valeur littéraire, mais aussi à cause de son thème. Son dernier commentateur, P. Godman, le qualifie de « complex work of moral-didactic literature »4. Qu'un haut responsable de l'Eglise franque ait trouvé des accents nobles pour défendre la justice contre « les juges », dénoncer leurs malversations et leur corruption, crier son indignation devant le sort qu'ils réservaient aux plus démunis, leurs semblables pourtant, rappeler avec force à tous que le Juste Juge les jugerait à leur tour, voilà qui a valu à bon droit à ces vers une célébrité méritée. Toutefois, leur intérêt ne se limite pas à cette dimension, si impressionnante soit-elle à cause de la vigueur avec laquelle elle s'exprime. Déjà, un excellent connaisseur des sources carolingiennes, G. Monod, avait montré le parti qu’on pouvait en tirer pour la connaissance des « mœurs judiciaires au Ville siècle », et de son côté W. Levison avait qualifié ce poème « für die Zustande der Zeit ungemein lehrreich »5. Le bien fondé de cette appréciation se trouve renforcé par les recherches les plus récentes sur cette période6.
2En effet, si l'on veut bien observer que l'argument de cette œuvre, entendons l’événement central qui l'a inspirée à son auteur, n'a pu être bien perçu parce qu'il reste sous-jacent à l'ensemble du poème, et que, de ce fait, de nombreux passages, demeurés énigmatiques, ont été passées sous silence, on devinera sans peine qu'il y a beaucoup à y découvrir encore. Certes, il faut d'avance se résigner : il s'agit d'une œuvre poétique dont la langue s'écarte volontairement de celle des documents administratifs contemporains. Elle crée un véritable écran entre ce que Théodulf a vécu comme missus royal et ce qu'on en perçoit dans la transposition littéraire qu'il en donne. Mais si l'on relie entre elles toutes les descriptions et observations qu'il donne, si l'on essaie de voir, au-delà des mots, les choses, sa mission dans le midi de la Gaule acquiert un relief insoupçonné. Le savant que nous voulons honorer en lui dédiant cette étude établira peut-être alors des relations intéressantes entre cet évêque, qui fut d'abord haut fonctionnaire laïque, et les problèmes liés à l'exercice du pouvoir, temporel ou spirituel, dans les sociétés chrétiennes anciennes, qui n'ont cessé d'alimenter sa recherche et sa réflexion.
I. MOMENT, CIRCONSTANCES ET CONTENU DE LA MISSION DE THÉODULF
3Serait-ce par absence de modestie que Théodulf a déclaré :
Praefectura mihi fuerat peragenda tributa
Resque actu grandes officiumque potens (v. 99-100).
Une haute charge m'avait été confiée pour être menée à bien, des affaire importantes à régler, une fonction éminente.
4Il a donc insisté avec force sur l'importance de la mission qu’il dut accomplir, des responsabilités extrêmement lourdes qu’il eut à assumer, et sur la nature de cette charge qu’il qualifie d'officium potens. Si l’on s’en tient à ces deux lignes, on ne peut que concevoir une mission gouvernementale de première grandeur, pour laquelle le roi Charles déléguait une personne hautement qualifiée.
5Or, dès qu’on se met à lire le poème, on oublie très vite cette affirmation centrale et on se laisse envahir par le noble souci de justice que Théodulf exprime tout au long de sa narration. On ne prête plus attention au fait que cette mission d’importance exceptionnelle a consisté à passer le temps à régler des affaires d’apparence très subalterne qui, toutes, tournent autour de l'établissement des titres de propriété de riches comme de pauvres gens. Le souffle poétique est tel qu’il balaie sur son passage une question qui peut paraître incongrue : comment expliquer la distance considérable entre l’affirmation première sur la grandeur de la mission que Charles lui avait confiée, et cette humble besogne de juge de tribunal ordinaire qui a absorbé son temps ? Théodulf aurait-il été un fanfaron, claironnant bien fort qu’il était devenu pour quelque temps un « puissant » par la grâce du roi, sans que la réalité de son pouvoir ait correspondu à ce qu’il annonçait ; ou bien a-t-il vraiment accompli dans les provinces d’Arles et de Narbonne une réelle tâche gouvernementale ? Comme le poème a été connu et probablement lu dans les milieux de la cour, il est exclu que Théodulf ait surfait l'importance de sa mission. D’où venait donc son importance ? Cette question se trouve au cœur de l’action qui l’a guidé de bout en bout.
6Mais nous devrons tenir compte, au cours de notre lecture, du fait que, mettant beaucoup à contribution Ovide et Virgile, accessoirement Horace, les mots qu’il leur emprunte ou sont propres à leur époque, par exemple censor, civis, senatus, praefectura, forum, sont à réinterpréter en fonction des données des temps carolingiens. Par ailleurs, les règles de versification entraînent des bouleversements syntaxiques, conduisent à privilégier les formes rares, incitent à l'ellipse. Autant de difficultés qu'on ne surmonte pas sans risque. Les traductions que nous proposons nous semblent les plus probables, ce qui ne veut pas dire qu'elles n'appelleraient pas une révision de la part des latinistes, au contraire. Faute, hélas, d'avoir en main le rapport et l'ensemble des documents comptables que Théodulf n'a point manqué de rapporter au palais sa mission achevée, l'historien doit se contenter de l'œuvre en vers où ils sont très partiellement réintroduits, mais qui l'informe finalement plus qu'on ne serait tenté de le penser à priori.
7Essayons tout d'abord de rassembler tout ce que l'on peut apprendre sur le moment et les circonstances de cette mission. Théodulf était originaire de la région qui allait bientôt devenir la Marche d'Espagne. La façon dont il évoque les Pyrénées et l'Ebre laisse à penser en effet qu'il connaît ces contrées7. Il quitta son pays peut-être vers 780, et fut introduit à la cour franque en raison de ses remarquables dispositions8. Il y devint un familier de Charlemagne, un grand, et c'est sans doute parce que ce dernier avait pu apprécier directement ses capacités qu'il lui confia la lourde mission, prétexte ensuite de son poème. Cela ressort de ce qu’il écrit immédiatement après avoir défini sa charge :
Nulli vi studiisque piis armisque secundus
Rex dédit hanc Carolus, primus ad omne bonum (v. 101-102).
Le roi Charles la donne, lui qui n'est inférieur à personne par le courage, la science sacrée et les armes, mais le premier en tout bien.
8Quand cette mission eut-elle lieu ? On trouve partout écrit sans une ligne de justification que ce fut en 798. Rien en réalité ne permet une telle affirmation. Dans son introduction à l'œuvre de Théodulf, E. Dümmler a remarqué simplement qu'on ne connaît pas la date à laquelle il devint évêque d'Orléans, puisque le diplôme de Charlemagne sur lequel s'appuyaient les auteurs de la Gallia Christiana était reconnu faux9. On ne tenait plus qu'un terminus ad quem : Leidrad, quand il l'accompagna dans sa mission, n'était pas encore évêque de Lyon, ce qu'il était devenu en 79810. Telle est l'année butoir. La mission de Théodulf eut donc lieu, non pas en 798, mais avant 798, et certainement bien avant, car on est en droit de se demander si Théodulf était alors évêque. On sait déjà qu'il a été marié. Il avait une fille, Gisla, que l’on voit mêlée aux activités artistiques et liturgiques de la cour durant le règne de Charlemagne11. On constate surtout qu'il n'est question dans son poème que des « juges » et juridictions laïques, bien qu'il martèle la dualité des lois ou institutions ecclésiastiques et laïques12. Comme le bon fonctionnement d'une mission du genre de celle qu’accomplirent Théodulf et Leidrad impliquait des missi compétents pour traiter de l'un et l'autre domaine, Théodulf serait alors le laïque et Leidrad l'ecclésiastique. Ne serait-ce pas la raison qui lui fit évoquer dans les deux vers que l’on vient de citer les arma, réservées aux laïques, après les studia pia auxquels se vouaient les ecclésiastiques, que seul Charles maîtrisait à la fois de sa haute stature ?
9Ces observations conduisent à reporter plus haut dans le temps qu’on ne l'a fait jusqu'à présent la mission de Théodulf. Elle constitue en elle-même, on va le voir, une importante opération relative à la gestion publique dans les provinces de Narbonne et d'Arles. On songe alors à la concomitance possible entre elles et les mesures administratives dont W. Schlesinger avait si bien circonscrit le moment approximatif et l'envergure, les années 80 du Ville siècle13. C'est la décade durant laquelle Charlemagne crée le sous-royaume d’Aquitaine et sollicite de tous un effort sans précédent pour faire face à la double menace saxonne et sarrasine14. Théodulf est parti avec Leidrad sur l'ordre du roi, vers des régions peu sûres. Il résume en quelques mots assez vagues les directives qu'ils avaient reçues tous deux avant leur départ :
Totis nisibus iste probra cavenda monet,
Iura tenendo docet... (v. 43-44).
Il (nous) demande d'éviter à tout prix les actes malhonnêtes, il enjoint de respecter les droits.
10Après avoir décrit l'étendue de l'espace soumis à la domination royale en nommant, parmi d'autres fleuves, ceux qui en marquaient les limites : Elbe, Danube, Voltume, Gave, Aude, Théodulf retrace avec précision l’itinéraire qu'il a suivi pour gagner la Gaule méridionale, notant au passage que les puissantes cités qu'ils baignent et l'Eglise elle-même devaient obéir aux ordres du roi des Francs15. C'est ainsi que, parti de Lyon, il descendit la vallée du Rhône en empruntant la route romaine de Lyon à Arles, puis suivit la célèbre Via Domitia jusqu'à Narbonne, d'où il poussa une pointe en direction de Carcassonne, de Rennes (-le-Château ?), probable chef-lieu du Razès, et sans doute de Toulouse16. Il fit une halte importante durant ce voyage à Narbonne, deuxième capitale du midi de la Gaule, à propos de laquelle il regrette discrètement, sans doute parce qu'il est goth, que la primauté ne lui appartienne plus. La première cité, c'était Arles, où il devait séjourner aussi. Elle se prévalait toujours d'être comptée parmi les anciennes capitales impériales, même si ce fut au temps de la débâcle de l'Empire. D'Arles, il se rendit à Marseille, Aix et Cavaillon. Il s'agit donc d'un voyage important, tant par son objet que par les distances parcourues. D'un voyage aussi qui dut réserver aux commissaires royaux des difficultés réelles bien que peu saisissables. On est frappé par la dureté des mots de Théodulf quand il rappelle, pour la troisième fois en cinquante vers, que le clergé est soumis aux décisions synodales et le peuple à la loi :
Quo sinodo cleri, legum moderamine plebis
Pectora contudimus iuris et artis ope (v. 149-150).
Grâce au droit et à notre habileté, nous avons maté le clergé par un synode, le peuple par la sagesse des lois.
11Il n'aurait sans doute pas été nécessaire de mobiliser une telle force contraignante si les deux missi avaient reçu partout bon accueil, ou si l'objet de leur mission était apparu secondaire. Le discours de Théodulf suggère qu’ils ont bénéficié de deux atouts : ils venaient au nom d'un roi puissant et craint imposer des dispositions que la justice inspirait. Fidèles aux instructions reçues et comme confortées par elles, ils s'employèrent à ce qu'elles soient appliquées pour tous, clercs et laïques. D'où l'accent mis dans la première partie du poème (qui s'achève avec l'énoncé de la mission de Théodulf) sur le rôle décisif du roi juste et sage pour conduire son peuple vers les contrées célestes, sur le rappel des antiques modèles royaux dont il doit s'inspirer, tel Ezéchias et Josias, et les premiers avertissements lancés aux censore s iniques, égarés par les saeva munera.
12Théodulf a habillé sa mission à l'antique, du mot praefectura. Mais praefectus était le titre donné à son époque aux comtes qui surveillaient les marches frontalières. Une inspection dans les provinces méridionales pouvait à juste titre s'inspirer de cet usage. Le fait le plus curieux cependant est que notre missus y eut comme interlocuteurs non pas des redores ou des praesides, ce que l'on attendrait vu la transposition qu’il opère en permanence entre la Rome antique et son temps, mais uniquement des censores entourés de leurs ministri. Il emploie très rarement le mot indices comme équivalent de censores. Pourquoi avoir été chercher parmi les anciens magistrats romains ceux qui procédaient aux recensements, classaient les citoyens d'après le chiffre de leur fortune et établissaient le census ou impôt ? Cette question n'a pas été vraiment posée, étant donné que toute la matière du Contra iudices s’ordonne autour des tribunaux et de leur justice. On n'a donc vu que des « juges » dans les censores, et de mauvais « juges », qui se laissaient acheter, exploitaient plus qu’ils n'apaisaient les querelles entre parents ou voisins, soutenaient les manœuvres des cupides toujours enclins à s'emparer des biens d'un pauvre ou d'une veuve. Piètres « juges » en effet, non seulement corrompus, mais parfaitement incapables de mettre un terme à des querelles mineures portant sur un champ ou sur un héritage... Si, comme le disait avec raison G. Monod, ce poème a eu une portée générale, qu'en conséquence il décrivait l'état des tribunaux dans l’ensemble du royaume, on est bel et bien conduit à se demander où la justice y était rendue, hormis le tribunal du palais. Mais alors, en quoi quelques missions exceptionnelles autant que temporaires pouvaient-elles remédier à cette impotence ? Charles ne confiait-il la défense de la justice qu'à des émissaires en tournée, qui constataient le délabrement de l'institution, donnaient quelques audiences réparatrices et revenaient au palais en clamant bien haut leur indignation ? N'aurait-il pas dû plutôt entreprendre une vaste réforme des tribunaux, au lieu d'adopter une mesure qui remédiait si peu au mal ? Rien cependant ne peut faire supposer, même si beaucoup de capitulaires sont perdus, qu'il ait jamais entrepris un tel remaniement : tout au long des temps carolingiens, on voit les comtes, entourés de leurs assesseurs, présider les plaids des comtés, juger les causes majeures — or pas une seule n'est évoquée par Théodulf — et contrôler les juridictions inférieures. On en concluait que l'Ancien Régime avait été malade de sa justice dès les origines, que Théodulf avait eu raison d'en dénoncer la misère, mais qu'il avait crié dans le désert. En restaient pour preuve les nombreuses affaires qu'il racontait de contestation ou d’attribution de propriétés, infectées par les pots-de-vin, plus quelques-unes touchant le statut des personnes ou leur servitium. Rien en matière d'homicide, de rapt, d'incendie ou de vol, mais on ne le remarqua point.
13La lecture que nous proposons aujourd'hui du Contra iudices, bien loin de s'écarter du texte, est suceptible, pensons-nous, de l'éclairer plus complètement. On va pouvoir constater que la praefectura de Théodulf en est bien l'axe central et qu’elle rend compte d'un bon nombre d'obscurités que l'on attribuait « au style amphigourique » de l'auteur17. Correctement lus, certains passages réputés incompréhensibles deviennent au contraire de vivants rappels de procédures en usage ou des règles que les capitulaires ont édictées en des domaines précis de la gestion publique.
II. LE FONCTIONNEMENT DU PLAID COMTAL
14Un ensemble d'informations concerne le plaid comtal. Comme missus, laïque pensons-nous, Théodulf eut à connaître des décisions prises antérieurement par les comtes et leurs assesseurs dans les pagi ou comtés méridionaux. Aussi quand il parle des censores, beaucoup plus rarement des iudices, entend-il désigner non plus les magistrats romains élus par le peuple et chargés d'établir ou de vérifier le cadastre, mais les officiers royaux qui leur avaient succédé dans cette fonction, les comtes, et accessoirement les subordonnés qui les entouraient. En effet, depuis l'époque mérovingienne, le mot iudex fut employé dans la langue administrative pour désigner soit le comte, soit un notable impliqué dans la gestion d'une cité, c'est-à-dire toute personne exerçant une responsabilité publique, à propos de laquelle un homme libre pouvait être soumis à jugement ou bien réclamer lui-même en justice18. Mais un esprit encore très romain animait les institutions : la justice n'existait toujours pas comme une fonction séparée de l'exercice d'une charge publique19. La grande différence par rapport à la période antique résidait dans le fait que le magistrat n'était plus le produit d'une élection plus ou moins « populaire », mais un officier investi de sa charge par le roi des Francs. Les cités possédaient désormais deux chefs, tous deux nommés par le souverain : un officier laïque, le comte, et un dignitaire ecclésiastique, l'évêque20. Que la mise en place de cette organisation bicéphale ait entraîné sur place difficultés et tensions est fort compréhensible : les évêques voyaient leurs prérogatives contrariées et leurs ressources rognées par la constitution des comitatus et l'arrivée des missi... Chargé de superviser les instances laïques locales, Théodulf s'adresse donc en premier lieu aux comtes, qu'il appelle censores pour la raison simple que sa mission dut à notre sens consister en une vérification de leurs décisions de justice ayant trait aux déclarations de propriété et à l'établissement des titres et de l’impôt correspondants. Ce qui explique que la « haute justice » n'y ait point trouvé place, qu'il n'ait eu par conséquent à traiter que d'affaires en apparence mineures, mais qu'en revanche il se soit agi d'une véritable « affaire d’Etat », pour la conduite de laquelle l'envoi d'un haut personnage de la cour n'était pas superflu : l'impôt direct se fondait toujours sur ces déclarations et ces titres ; de lui dépendait aussi l'envoi des contingents et fournitures militaires.
15Des audiences comtales, on retient tout d'abord qu'elles se déroulent dans des bâtiments publics. Tout récemment, J. Durliat déduisait qu'il ne pouvait pas ne pas en exister dans les cités21.
16Le poème en parle en ces termes :
Mox de more fori celer appete claustra sonori,
Quo te fors spectat litigiosa cohors.
Dum redis isque, sonet si verba precantia pauper,
Qui se post dicat non ibi posse loqui,
Cum populo stipatus easforibusve superbis,
Plebe inhiante foris, ipse receptus eris. (v. 371-376).
Ensuite, approche-toi rapidement selon l'habitude des barrières du forum bruyant, où peut-être t'attend la foule des plaignants.
Tandis que tu reviens (de l'église), si un pauvre fait entendre des paroles suppliantes et déclare enfin qu'il ne peut pas parler en ce lieu, et que, pressé par la foule, tu avances vers les portes magnifiques, le peuple curieux étant maintenu au dehors, toi-même, sois son recours.
17On s'aperçoit ici qu'un comte commence par franchir des barrières destinées à contenir la foule, puis arrive dans une salle d'audience fermée par des portes. Théodulf les dit splendides. Sans doute l'étaient-elles à Narbonne ou à Arles, où ces lieux publics qu’il appelle forum, ancêtres de l'hôtel de ville et du tribunal tout à la fois, avaient dû garder quelque chose de leur lustre antique dans les cités méridionales. Un portier, rarement désintéressé, surveillait les entrées. Les audiences se tenaient donc « à huis clos », hors de la pression populaire22. Cette règle serait observée depuis l'époque constantinienne, du moins en Narbonnaise et en Provence. Mais le début des audiences était toujours annoncé dans la ville au son de la trompette, coutume qui maintenait leur caractère public. Cette annonce devait être faite par celui que Ton appelera plus tard le crieur public23. Théodulf invitait le comte, ainsi averti de l'ouverture d'une séance, à se rendre d'abord dans une église pour prier le Juste Juge24. Après quoi il arrivait, poussé par la foule.
18Grâce au poème, on peut voir comment un comte siégeait dans la salle d’audience.
Compositis igitur cunctis per singula rebus,
Poscit et officii tempus et ordo tui,
Sedibus ordinibus populi residente senatu,
Cum te susceptum sella curulis habet ;
Hos circumspiciens, adfare hinc talibus orsis... (v. 443-447).
Après avoir disposé toutes choses en détail, les dignitaires de la cité installés à leur place, sénat siégeant, ta fonction et ton rang imposent que toi-même, assis sur la chaise curule, tu les regardes tous et les salues en leur adressant (quelques) mots.
19Le comte occupe la position la plus élevée ; probablement se trouvait-il sur une estrade25. Tenant en main son baculus (v. 642), il était vraiment, comme Théodulf le dit ailleurs, « la tête de l'assemblée »26. Plusieurs passages restituent avec force l'image du puissant qui « domine » (certains flatteurs ne vont-ils pas jusqu'à user du mot dominus ?), à qui « personne ne peut résister »27. Le peuple (plebs) se tient au-dessous de lui, subest (v. 205). Toutefois, le « sénat » de la cité s'en distingue, car il siège auprès de lui, participe à ses décisions et doit comme lui veiller à ce qu’elles soient justes.
20La superposition d'images dont joue ici Théodulf entre celle de l'antique curie et le plaid comtal mérite quelque attention28. A trois reprises, il parle des ministri du comte ; il les montre aussi en action et il invite enfin les comtes à se montrer très prudents envers eux. Nous allons voir qu'ils s’identifient au « sénat » d'une cité, puissance tiraillée entre les intérêts personnels ou locaux de ses membres et leur souci de ménager le comte. Reprenons point par point les éléments de ce dossier. Chacun a en mémoire le savoureux passage dans lequel Théodulf décrit les stratagèmes d'une tendre épouse pour arracher une faveur à son mari qui préside une séance du plaid. On a un peu trop oublié le conseil qui suit :
Nec minor in propriis cura est adhibenda ministris
Quis comitatus mes, sunt prope quique tibi :
Ne fera pestis eos, illi tua pectora laedant,
Et tua conmaculent intima tabe sua (v. 715-718).
Il ne faut pas apporter moins d'attention envers tes propres subordonnés, par qui tu es accompagné : ils sont tes proches. Que l'effroyable peste (des faveurs illicites) ne les atteigne pas ; qu'ils ne te blessent point et ne salissent ton âme par leur corruption.
21Suit cette phrase sibylline :
Qui ut capiant, capias ; ut possint sumere, sumas,
Cogent, si poterint, tu vigil esse stude (v. 719-720).
22Laissons un instant en suspens la question du sens de capere et de sumere, et voyons dans quels autres contextes Théodulf parle encore des ministri du comte :
Censor habere solet torvoscjue trucesque ministros,
Qui tamen et pius est, et pietate viget (v. 735-736).
Un « censeur » a d'habitude des subordonnés sournois et cruels, même s'il est lui-même miséricordieux et vigilant en sa bonté.
23Théodulf a pu se rendre compte lui-même de leurs manœuvres quand il siégeait pour accomplir sa tâche :
Clam nostrum quidam submissa voce ministrum
Evocat, ista sonat verba sonanda mihi :
Est mihi vas aliquod signis insignevetustis...
Quorum si cartas vitiem, vase ille vetusto,
His ego, tu donis mox potiere meis (v. 177-179 et 209-210).
En cachette, quelqu'un interpelle notre subordonné à voix basse et articule ces mots que je dois entendre :
« Je possède un vase très remarquable par son antiquité...
Si moi, je falsifie leurs chartes, lui (le missus) sera maître de ce vase, moi de ces gens, et toi tu le seras bientôt des dons que je te ferai ».
24Ne voit-on pas ici un personnage tenter de corrompre l'un de ses subordonnés — probable notable du lieu requis par le missus — pour le corrompre lui-même ? D'où l'insistance de Théodulf sur la vigilance, la méfiance qu’un président de plaid doit manifester constamment vis-à-vis de ses ministri.
25On les voit encore en action dans un autre contexte. Après avoir comparé le plaid au tribunal des deux29, notre auteur décrit l’intervention de deux assesseurs du comte pour bien montrer comment l'injustice s'insinue dans les opérations qu'il préside. Il parle du premier comme s'il s'agissait d'un jeune débutant dans ce genre de responsabilité : I cito, fare, puer... (v. 595). Ce puer, sans doute moins âgé et moins honorable encore que les autres assesseurs, est chargé de choisir parmi les gens présents qui sollicitent une audience ceux qui cultivent les terres les plus éloignées ou qui, cultivant des terres proches, sont inopes. Pour tous, ce choix permet de ne pas prolonger inutilement un séjour coûteux dans la cité. Il convient donc de procéder rapidement aux vérifications des titres de propriété qui les concernent ou à leur établissement. Mais comme ces gens d'humble condition ne sont certainement pas venus les mains chargées de munera somptueux, l'assesseur du comte sera tenté de repousser leur audition le plus tard possible afin de donner priorité à ceux qui sont munis de substantiels cadeaux. Quant au second, que Théodulf appelle civis, il l'exhorte à ne pas écarter l'affaire de celui dont le bien est mixtus, qualificatif qui peut supporter des interprétations diverses : on pense à un bien indivis, à des parts entre associés. Comme les vérifications à opérer sont certainement plus longues, les assesseurs sont tentés là encore d'ajourner l'affaire à plus tard. Il faut, dit Théodulf, s'en tenir à la règle qui veut que toute personne introduite dans la salle d'audience soit écoutée30.
26Enfin, quand se présente une affaire particulièrement embrouillée — ces affaires concernent toujours les riches, note-t-il au passage —, Théodulf conseille au comte de faire taire les avocats des deux parties et de prendre auprès de lui un nombre limité de personnes susceptibles de l'éclairer. Mais il s'agit là d'une décision que le comte prend en cours d'audience, après avoir écouté les plaidoieries des avocats, et en vue de trouver une issue juste « qui confère à chacun son bien » lors d'un « procès acharné »31.
27On retire plusieurs enseignements importants de ce petit dossier. En premier lieu, le comte, et à sa suite le missus, ne choisissent pas leurs ministri. Ils leur sont en quelque sorte imposés parce qu'ils se recrutent parmi les notables du lieu. C'est là le second point important. Dans les sources méridionales, on a coutume de les désigner par l'expression boni homines ; ailleurs on parle de rachinburgi ou de s cabini, échevins32. Il s'agit d'une élite appartenant à une cité, ou plutôt désormais à un pagus ou comitatus, recrutée parmi des hommes plus riches, plus influents, plus expérimentés que les autres habitants et formant ce que Théodulf appelle le « sénat » local. La règle voulait qu’ils soient electi. Nous les voyons groupés autour du comte dans les manifestations solennelles, siéger « en ordre » au plaid à ses côtés, intervenir de manière active dans l'évocation des affaires comme dans leur règlement. Ils sont les collaborateurs obligés des comtes, dont l'attitude est cependant de les considérer comme « leurs » subordonnés. Leur dépendance vis-à-vis des fonctionnaires royaux ne cessera de grandir. Sous Louis le Pieux, les missi eurent le droit de chasser les mauvais scabini pour les remplacer par de plus honnêtes33. Encore faudrait-il pouvoir mesurer l'effet réel d'une telle décision.
28Il reste à savoir maintenant si les formules du poème relatives à la compétence des ministri des comtes entrent bien dans le cadre d'opérations de mise à jour du cadastre qu'aurait eues à superviser Théodulf.
29La formule laconique rapportée tout à l'heure : ut capiant, capias ; ut possint sumere, sumas, paraît bien contenir des éléments de réponse. Ce vers remet en mémoire un autre passage du poème aussi énigmatique. En parlant des comtes qui négligent leurs audiences, Théodulf ajoutait :
Nam dare si debent, nona ; si prendere, prima adsunt (v. 393).
30On ne peut comprendre ces comportements que si on les relie justement à la fonction de censores remplie de manière habituelle par les comtes dans leurs séances de plaid. Là, avec leurs ministri (dits boni hommes, pagenses, scabini ou encore iuniores selon les temps et les lieux), ils contrôlaient la perception sur l'ensemble des villae soumises à leur autorité, transféraient au Trésor royal les regalia, opéraient sur place les versements imposés. Tout ce que nous savons désormais sur la gestion des deniers publics est illustré par les allusions précises de Théodulf34. De même la conduite bassement intéressée de certains comtes qu'on voit tenir séance fort tôt quand il s'agit d'encaisser le produit de l’impôt, et fort tard quand il s'agit d'opérer les redistributions spécifiées. De même est-ce dans le cadre de leur droit de poursuite à l’encontre des contribuables récalcitrants dépendant de leur possessio que les assesseurs des comtes ont le droit de contraindre : cogent, si poterint. On pourrait à juste titre les dire potentiores. D'ailleurs, Théodulf n'a jamais perdu de vue la finalité de toutes ces actions puisqu’il demandait à tous les iudices :
Aequa tibi iustae sint, iudex, pondera librae
Ut sua quisque libens, hac tribuente, ferat (v. 293-294)
Pour toi, juge, que soient exacts les poids de la juste livre afin que, l'acquittant, chacun apporte volontiers son bien.
31Hac tribuente : il s'agit toujours de la même préoccupation. Parce que le missus, après le comte et ses assesseurs, auront apaisé dans un esprit de justice tous les litiges relatifs au droit de propriété, qu'en conséquence ils auront veillé à ce que chacun soit taxé en fonction de ce qu'il a, chaque contribuable apportera volontiers ce qu'il doit au titre de l'impôt.
32Car telle est bien finalement l'une des fonctions essentielle du plaid comtal qui a succédé à la curie. Collège de notables placé désormais sous l'autorité du comte— là réside le grand changement institutionnel —, il restait toujours pourtant l'institution locale sur laquelle reposait l'établissement de l'assiette de l'impôt, sa perception et sa redistribution, sauf pour l'Eglise immuniste qui tenait ses propres comptes. Tous les contribuables devaient s'en acquitter sous peine d’être poursuivis par cette même instance. Le comte et les notables d’un comté devaient en conséquence tenir à jour le cadastre du pagus ou comté, autrement dit l'état des propriétés — ce qui explique que tous les litiges ou jugements évoqués par le poème s'y rapportent ou soient relatifs au statut des personnes dont dépend aussi l'impôt —, tenir une comptabilité des recettes et des dépenses, vérifier ou établir si nécessaire les titres de propriété. Ce sont les différentes opérations comptables qu'évoque Théodulf de manière laconique dans les vers que nous avons cités. Quand les ministri du comte exigeaient des contribuables ce que ces derniers devaient au fisc, « ils prenaient » (capere, prendere) ; quand ils affectaient le profit public aux destinataires qui devaient le recevoir, « ils dépensaient », ou encore « ils donnaient ». Mais ils ne pouvaient procéder à ces opérations que sur l'ordre et sous le contrôle du comte dont ils ne faisaient qu'accompagner les décisions. D’où la forme : ut capiant, capias. Sur ordre comtal, à leur tour, les ministri « prenaient », c'est-à-dire exigeaient des contribuables ce qu ils avaient à fournir ; ils « payaient » ou reversaient des parts du produit fiscal à qui devait en recevoir, les églises, les vassaux royaux ou le Trésor royal. La connaissance que nous avons de la structure des finances publiques pendant le haut Moyen Age permet de saisir aisément ces mécanismes, au fond très simples. Théodulf se trouve être par son poème le meilleur commentateur du chapitre que J. Durliat leur a récemment consacré. Il use d'ailleurs d'une très belle formule pour désigner les énormes revenus créés par l'impôt :
Et commune facit (princeps) cuius bene postulat usus,
Multaque cum habeat, nil docet esse suum (v. 281-282).
Le prince crée la richesse commune dont il règle l'usage avec sagesse, et bien qu'il possède de très grands biens, il enseigne que rien ne lui appartient.
33L'Etat, la res publica, n'était point mort. L'idéal eût été que tous ceux qui participaient à leur gestion fussent animés du même esprit. Théodulf ne cessa de constater la distance considérable qui le séparait du vécu. L'argent, public ou non, a toujours été corrupteur.
III. TRAFICS ET TROMPERIES AU PLAID COMTAL
34Théodulf n'a jamais perdu de vue l'objectif de son voyage : superviser et confirmer la matière imposable dans les deux grandes provinces où il avait été envoyé. Ce lui fut une occasion de voir de près la corruption qui régnait dès lors qu'il s'agissait des propriétés, des charges qu'elles supportaient et du profit que tiraient les notables et les comtes de la gestion publique. Il a vu arriver à lui un flot de gens de toutes sortes, qui venaient tous demander quelque chose ayant trait à leurs biens35. Dans la première partie du Contra iudices, Théodulf montre surtout des profiteurs ; dans la seconde, des victimes. De bout en bout, il dénonce des « juges » corrompus ou corrupteurs. Il risqua lui-même d'être identifié à eux.
35Alors qu'il présidait les séances à la place des comtes, les plus riches parmi les profiteurs ont essayé de le corrompre pour augmenter leurs patrimoines. Leur procédé est simple. Profitant d'un litige en suspens, tel qui convoite un praedium (possessio), des maisons, un troupeau, un champ, une terre novale, une part d'héritage, lui propose un cadeau imposant comme prix à payer pour que le bien convoité soit inscrit à son nom36. S'il réussit, nul ne pourra plus contester une décision enregistrée publiquement avec toutes les garanties qu'apporte la caution du missus, sauf pour la victime à porter sa plainte devant le tribunal du palais, si elle le peut. Tel autre le gratifiera du titre de dominus, apparemment réservé au roi seul, et lui fera savoir qu'il donnera une coupe antique de grand prix s'il consent à falsifier à son profit une charte par laquelle il réduisait de nouveau à la servitude des gens que leurs maîtres venaient d'affranchir37. Pièces d'or venues d'Orient, pièces d'argent « latines », pierres précieuses, cristaux, tissus d’Orient, objets d'art, épées, casques, boucliers, chevaux, mulets, oiseaux de proie, serpents38, tout est bon pour acheter des actes illicites.
36Ne nous arrêtons pas ici à l'intérêt archéologique ou économique évident de ces allusions, mais restons attachés à l'intention de notre auteur : celle de dénoncer avec force l'ampleur de la fraude au moment de la révision ou de la confirmation des titres de propriété. On ne peut pas douter un seul instant que des pressions semblables ne se soient point exercées auparavant sur les membres du plaid comtal. Et il n'y a pas que les riches qui se compromettent de la sorte ; les pauvres aussi. Ces derniers croient qu'ils obtiendront eux aussi par des cadeaux les faveurs qu’ils espèrent : soit posséder plus, soit peut-être payer moins. Ils apportent des cuirs de Cordoue ou d’autre origine, du lin, de la laine des bonnets, des souliers, des coffrets...
Sunt variae vires, amor est tamen nnus habendi,
Qui potius furor est, quant vocitandus amor.
Haec nocitura lues totum circumvolat orbem,
Magnam hominum partem quae furiosa vorat.
Tabe fatigatur hac aetas omnis et ordo,
Virgo, puer, vetulus, sexus uterquesimul.
Magna velut magni cupiunt, sic parvula parvi (v. 435-441).
Les passions sont variées, unique est cependant l'amour des richesses, qui mérite bien davantage d'être appelé fureur de posséder. Ce fléau nuisible est répandu par toute la terre. Il dévore comme en délire la plus grande partie de l'humanité. Tout âge, toute condition est harcelée par cette corruption : la jeune fille, l'enfant, l'homme âgé, l'un et l'autre sexe. De même que les grands convoitent de grands biens, de même les humbles en convoitent de petits.
37Devant ce spectacle de désolation, Théodulf prend le parti de la justice avec des accents passionnés. Lui aussi a été victime des mêmes intrigues, preuve, dit-il, que ceux qui l'ont précédé dans sa tâche n’étaient pas innocents. On va même jusqu'à insinuer qu'en exerçant une charge semblable à celle que remplissent des hommes corrompus, il ne l'est pas moins qu'eux39. Alors il montre avec force que si, telle une ville imprenable, celui qui préside reste insensible aux cadeaux, s'il n'accepte comme il le fait, que les munuscula tolérés par roi « au titre de la concorde ».
Mox quisque rem suam quaerit, sua quisque recepit iura (v. 271).
Bientôt chacun réclame son bien, chacun reçoit ses titres.
38Nous l'avons appris en effet grâce à lui, au plaid comtal, on juge les procès relatifs, entre autres, au droit de propriété ; on établit les titres de droit (iura) qui garantissent à chacun son bien ; on répartit les charges publiques ; on en surveille l'acquittement ; on poursuit éventuellement les débiteurs du fisc et l'on procède sur place aux redistributions imposées. L'exceptionnel intérêt du Contra iudices est de nous faire percevoir par leur mauvais côté toutes ces activités, les pressions, trafics ou tromperies dont ces différentes écritures étaient l’objet, et dont les plus démunis faisaient souvent les frais. Certes, on pourra dire que Théodulf a rassemblé dans son œuvre tous les abus et mensonges dont il avait eu connaissance pour en faire un long réquisitoire, alors qu'en réalité ils s'étaient étalés dans le temps et dilués dans l'espace ; que l'effet qu’il recherchait, moral autant que littéraire, risque fort de donner une vision très déformante des activités des plaids. Cela est tout à fait vraisemblable. Mais nul ne peut accéder au quantitatif en cette matière et à cette époque. On doit simplement se garder des jugements excessifs. Il n'en reste pas moins qu'il a vu des pauvres démunis de tous moyens légaux pour défendre leurs droits, dépouillés dit-il ; ce que confirment par ailleurs les capitulaires40 :
Est, quem nec testes, nec lex, nec cartula fulcit,
Sicque forum cunctis his spoliatus adit (v. 317-318).
Il en est que ni témoin, ni loi, ni charte ne soutiennent, et qui viennent au forum privés de tous ces appuis.
39N'a-t-il pas vu aussi des humbles assez naïfs pour offrir comme cadeau leurs caereolas rotulas (v. 52), leurs titres authentiques, en croyant qu'on les écouterait mieux, sans se douter qu'ils les perdraient peut-être à tout jamais ou ne pourraient les récupérer que contre argent sonnant, s'ils en avaient ? N'a-t-il pas été témoin de jugements iniques dans lesquels le retors, le beau parleur, le corrupteur abusait ou achetait le plaid, tandis que la partie adverse, hésitante en son élocution, trop lente ou trop ignare, n'arrivait même pas à s'en faire entendre41 ?
Saepe potestatum causa male linquitur aequum,
Et favor atque metus vera tacendo premunt (v. 777-778).
Souvent la cause des puissants abandonne misérablement la justice. La faveur et la crainte oppriment en faisant taire le vrai.
40C'est probablement en raison de ce contexte plein d'embûches qu'en principe les orphelins et les veuves bénéficiaient au plaid d'un traitement privilégié : les comtes en devenaient les protecteurs et devaient traiter leurs affaires en premier42. Quelle belle occasion, en effet, pour un notable ou quelqu'un qui était proche, intéressé de près ou de loin par la succession, de mettre la main sur le patrimoine de ceux ou de celles qui avaient perdu leurs défenseurs, en subtilisant ou en falsifiant des titres ou en exigeant des munera exorbitants qui réduisaient les victimes à leur merci...
41Et Théodulf de recommander :
Qui patre seu matre orbatur, vel si qua marito,
Istorum causas sit tua cura sequi.
Horum causilocus, horum tutela maneto,
Pars haec te matrem, noverit illa virum (v. 625-628).
Prends en main toi-même les affaires de celui qui est privé de père ou de mère, de celle qui n'a plus de mari. Sois leur avocat, sois leur protecteur. Ces orphelins reconnaîtront en toi leur mère ; cette veuve, son mari.
42Théodulf revient encore sur l'injustice tout à la fin de son poème. Il s'agit là de ceux dont on fait des asservis après les avoir acculés à l'extrême pauvreté :
Non opibus spolietur inops, non crimine falso
Addictus censum det miser ipse suum (v. 913-914).
L'homme démuni ne sera pas privé de son bien ; adjugé débiteur pour un crime inventé, lui, le pauvre, ne paiera point le cens.
43Théodulf fait-il allusion aux exemptions d'impôt dont les plus pauvres devaient bénéficier ? C'est possible. Mais il faut savoir qu'il ne restait plus pour ceux qui étaient victimes de telles injustices qu'une solution : vendre leur liberté et payer en servitia ce qu'ils ne pouvaient payer autrement43. La dette fiscale réelle entraînait aussi l'asservissement. Quand un pauvre y avait été réduit par des procédés illégaux, ou bien si, de condition servile, il désirait s'en évader, il disposait d'un vieux moyen pour recouvrer sa liberté : la fuite ; tous les maîtres le savaient. Les asservis pouvaient aussi être tentés de négliger leur service, de dissimuler une part de leurs maigres profits ou de voler leurs maîtres pour pouvoir racheter un jour leur liberté. Aussi n'est-il pas surprenant, dans le Contra iudices, d'entendre les accusations portées contre eux : « C'est un voleur ! Il s'est enfui ! Il est conscient de sa malhonnêteté ! Celui-ci ment effrontément ! Cet autre vole et dissimule. Celui-là s'efforce contre le droit de mépriser notre service. Cet autre a fui longtemps notre parent proche » (v. 919-922). Mais sur ces asservis accusés à tort ou à raison, le comte avait tout pouvoir :
Stipes eis plantas, conectant vincla lacertos,
Facta ut iniqua canant, lorea flagra ferant (v. 923-924).
Des ceps entravent leurs pieds, des chaînes lient leurs bras. Les fouets s’abattent sur leur peau pour qu'ils avouent leurs forfaits.
44Avec eux, on est descendu tout au bas de l'échelle sociale, et c’est sur eux qu'en termes éloquents Théodulf achève son long plaidoyer pour la justice. Il n'était pas sans savoir que des puissants sans scrupule les utilisaient à leur profit pour s'enrichir plus encore.
45Riches enrichis indûment, pauvres appauvris injustement, tel pouvait être le résultat d'une entreprise que le roi Charles avait pourtant placée sous le signe de la justice, si les « juges » par excellence qu'étaient les missi et les comtes ne se montraient pas parfaitement intègres et vigilants. Il y eut très certainement des comtes irréprochables, des subordonnés aussi. C'est pourquoi il conviendra de ne pas noircir systématiquement un tableau peint par un moraliste. Seulement, quand on recense, en lisant le Contra iudices, tous les moyens à leur disposition pour ne pas l'être, on s’aperçoit que seule, la force morale, un idéal personnel stimulant et volontaire pouvaient les retenir. Car tout s’achète : le titre de propriété qui enrichira, la fausse charte, le faux témoignage, le faux serment, le faux prétexte pour faire comparaître ou ne pas le faire. Théodulf veut que les plaids ne se laissent pas impressionner par cette dangereuse marée de faux, à la clé desquels se trouve toujours un munus. Il veut tout faire pour que cessent les passe-droits qui enrichissent les plus riches et ruinent les plus pauvres. Ce qu'il vise : la protection du bien de chacun, l'équitable répartition des charges, la facilité de la perception de l'impôt. C'est pourquoi il s'évertue à multiplier les exemples concrets pour bien montrer où la vigilance doit s’exercer le plus, à rappeler à temps et à contretemps que le jugement des « juges » sera lui-même jugé, à plaider pour la justice et la clémence contre la trop facile et trop tentante injustice, compagne de la cruauté. Est-il acceptable, en effet, dans une société qui se veut et se dit chrétienne, que « le plus fort écrase le faible, que le puissant anéantisse le chétif » ? Si telle est la règle chez les animaux sauvages, la « nature » de l’homme n'a-t-elle pas été amendée par le Sauveur de tous les hommes dont tous reçoivent indistinctement la parole de vie44 ?
46Théodulf a su trouver des phrases sobres et belles pour évoquer, à la fin de son poème, la grandeur de cette justice-là. D'autres l'ont dit mieux que nous. Comme on s’en doute pourtant, le commentaire qu'on vient de lire n'en a pas épuisé la richesse. Du moins espérons-nous en avoir éclairé quelques passages obscurs, et ce faisant attiré l'attention sur une importante initiative de Charlemagne dans les provinces du sud de la Gaule, sans doute vers la fin des années 80 du Ville siècle. Elle avait pour but la vérification des bases foncières et personnelles de l'impôt direct pour le rendre plus juste et plus performant. Peut-être faudra-t-il la lier à la généralisation de la comptabilité par manses ? Les recherches se poursuivent. Mais à son tour, cette initiative a révélé le rôle absolument central des plaids comtaux dans l'administration locale, tant lors de l’opération que contrôlait Théodulf que dans leurs fonctions habituelles. Il est impossible de les réduire à de simples tribunaux. Même s’il s'appelle mail public et s'il fut en certains endroits peuplé de rachimbourgs, le plaid comtal continue d'assurer des missions qui relevaient jadis de la curie. En ce domaine aussi, la rupture avec la tradition romaine est loin d'être consommée. A lui seul, le Contra iudices en constitue une preuve très argumentée. On peut d’ailleurs se demander si cette continuité n'expliquerait pas l'étonnante sûreté et la virtuosité avec lesquelles Théodulf a usé de la langue latine classique pour décrire les rouages de l'administration locale de son temps. Il devait constater par lui-même que peu de différence les séparaient de ceux dont parlaient ses maîtres antiques. Avait-on ignoré à Rome les pots-de-vin lors des recensements ou des révisions du cens45 ? De même était-ce encore à la manière antique, bien qu'il fût commissaire royal et les comtes officiers royaux, qu'il exerça, avec les censores soumis à son contrôle, la double fonction de magistrat et de juge ? Enfin, comme nombre de ses illustres prédécesseurs de l'Antiquité tardive, il fut d'abord un excellent serviteur de l'Etat avant de devenir évêque d'Orléans, par décision du roi. La charge épiscopale restait toujours le plus noble couronnement de la carrière d'un grand46.
Notes de bas de page
1 L'étude historique la plus utile, en langue française, sur Théodulf d'Orléans reste celle que lui a consacrée G. Monod, « Les mœurs judiciaires au XVIIe siècle, d'après la Paraenesis ad iudices de Théodulf », dans Revue Historique, t. 35, 1887, p. 1-20. La plus récente est celle de P. Godman, Pœtry of Carolingian Renaissance, Londres, 1985, surtout littéraire ; voir en particulier Introd., p. 10-16. Et aussi H. Fichtenau, The Carolingian Empire, Oxford, 1957, p. 79-103. F. Brunhozl, Histoire de la littérature latine du Moyen Age, 1/2, L'époque carolingienne, Brepols, 1991, p. 48-57, avec bibliogr. et notes mises à jour. La très belle étude de M. Fuhrmann, « Philologische Bemerkungen zu Theodulfs Paraenesis ad iudices », dans Das Profil des Juristen in der europdischen Tradition, éd. K. Luig et D. Liebs, Ebelsbach, 1980, p. 257-277, s'est surtout attachée à Théodulf « juge ».
2 P.L. 105, col. 191-222 : Capitula ad presbytères parochiae suae. C. De Clercq, La législation religieuse franque de Clovis à Charlemagne, Louvain, 1936, p. 321-351.
3 MGH, Poetae latini aevi Carolini, I, p. 493-517 (éd. E. Dümmler) Le sous-titre proposé par G. Monod serait certainement préférable à Contra iudices. On renverra désormais au poème par le sigle C.J.
4 Op. cit. (n.1), p. 14.
5 W. Levison et H. Lowe, Deutschlands Geschichtsquellen im Mittelalter, Heft 2, Die Karolinger, Weimar, 1953, p. 196.
6 J. Durliat, Les finances publiques de Dioclétien aux Carolingiens (284-889), Sigmaringen, 1990, 3e partie. E. Magnou-Nortier, « Note sur l'expression iustitiam facete dans les capitulaires carolingiens », dans Haut Moyen Age. Culture, éducation et société. Etudes offertes à Pierre Riché, Paris, 1990, p. 249-264. Voir la bibliographie fournie.
7 C.J., v. 113-114. Voir aussi A. Vidier, « La mappemonde de Théodulf et la mappemonde de Ripoll », dans Comité des trav. hist., Bull, de géogr. hist., 1911, p. 285-313, qui témoigne de rapports anciens entre Orléans et la Catalogne espagnole.
8 Gallia Christiana, VIII, col. 1419-1420. F. Brunholzl, op. cit., p. 48. Aucune date concernant Théodulf n'est établie avec certitude.
9 Op. cit. (n.3), p. 437-438.
10 Gallia Christiana, IV, col. 52. Les savants auteurs avaient bien vu l'objet de la mission : missi enim dominici maiores dicebantur legati a latere probatae fidei, auos princeps extra ordinem ad iusticias faciendas (sic loquebantur) cum amplissima potestate dirigebat in diversis regiones tractusque provinciarum.
11 H. Fichtenau, op. cit. (no 1), p. 93.
12 Théodulf ne fait pas une seule allusion aux recteurs des églises, à leurs adores, à leur charges, aux abus dont ils pouvaient être les auteurs ou les victimes. Ce silence absolu nous incite à supposer qu'il n'eut pas affaire à eux. Tout se passe comme si la mission de Leidrad, parallèle à la sienne, avait concerné exclusivement « tordre ecclésiastique » et celle de Théodulf, « l’ordre laïque ».
13 W. Schlesinger, « Die Hufe im Frankreich », dans Ausgewälte Aufsätze von W. Schlesinger, éd. H. Patz et F. Schwind, Sigmaringen, 1987, p. 605-611. C’est vers la même époque que l'abbé de Saint-Wandrille dut dresser un inventaire des biens monastiques, cf. Gesta sanctorum patrum Fontanellensis coenobii, éd. dom F. Lohier et dom. J. Laporte, Paris-Rouen, 1936, XI, 3, p. 82-83. La summa fut établie par l’abbé Landri et le comte Richard probablement en 787.
14 Sur ces questions, voir P. Wolff, « L’Aquitaine et ses marges », dans Karl der Grosse, I, Düsseldorf, 1965, p. 271-282. M. Rouche, L’Aquitaine des Wisigoths aux Arabes (418-881), Paris, 1979, en particulier p. 120-132. L. Halphen, Charlemagne et l'Empire Carolingien, Paris, rééd. 1968. R. Folz, Le couronnement impérial de Charlemagne, Paris, 1964 (rééd. 1989).
15 C.J., v. 107-110 : Quo sinodus clerum, populum lex stringerei alma - Duxque foret cunctis régula calle suo - Ecclesiae sanctus matris quo crescerei ordo - Urbibus et validis mosque decorque plus.
16 Toulouse n'est pas nommée ici, mais plus haut, v. 115 : Seu quas (urbes) Lugdunum Arcturo aut Aquilone revellit - Res que, Aquitana, tuis, pulchra Tolosa, locis.
17 C'est l'expression de G. Monod (op. cit. n.1), p. 3 : « Les traits de ce tableau sont, il est vrai, noyés dans un style amphigourique et obscur ».
18 D. Claude, « Untersuchungen zum frühfränkischen Comitat », dans Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, Bd 81,1964, p. 38-45.
19 A.H.M. Jones, The Later Roman Empire, I, p. 499 : « A professional judiciary had always been alien to Roman tradition ».
20 R. Kaiser a insisté encore récemment avec raison sur l'importance de cette divisio, dans « Royauté et pouvoir épiscopal au nord de la Gaule (VIIe-IXe siècle », dans La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650 à 850, éd. H. Atsma, Sigmaringen, 1989, I, p. 143-160.
21 J. Durliat, Les finances publiques (op. cit. n.6), p. 235-237.
22 E. Cuq, Manuel des institutions juridiques des Romains, 2e éd. Paris, 1928, p. 817, § 4.
23 C.J., v. 357 : Cum te causarum vocat ad fora turbida clangor ; v. 585 : Cumque gravis litui clangor concusserit orbem.
24 C.J., v. 359-36 : Estque ministerii res peragenda tui - Principio loca sancta libens adeunda require.
25 Théodulf esquisse un parallèle entre le plaid comtal et le tribunal céleste où les coetus angelici prennent part, v. 589-592. Il suggère qu'en esprit le comte se laisse guider par les anges qui ont gravi avec lui les degrés et siègent à ses côtés : Fimennt, propria tu statim m mente tribunal - lussa peracturus sponte parabis eis - Conscendant, sedeantque simul, doceantque, regantque - Omnem animi motum mentis ab arce tuae. Le verbe conscendere indique bien que le comte occupe une position plus élevée par rapport aux autres.
26 C.J., v. 641-642 : Corporis arx piano, ne recto pectora sunto - Pulsa tuo baculo tunc alicuius ibi : Sois au tribunal la tête de l'assemblée pour qu’en ce lieu ton bâton dressé ne repousse quiconque.
27 C.J., v. 203-204 : Hoc ego sum domino (dominum me forte vocabat) - Laturus, votis si favet ille meis ; v. 475 : Cum tibi nemo queat obsistere, nemo reniti ; v. 869 : Corripe tu vinclis sceleratos, corripe flagris.
28 Le cadre de notre modeste étude ne se prête pas à l'examen approfondi que mériterait cette constante transposition.
29 Voir plus haut note 25.
30 C.J., v. 595-602. Ne comprend-on pas mieux l'exaspération de Théodulf qui éclate à plusieurs reprises contre « l'effroyable peste » des pots-de-vin ? Par ex. v. 255-260 : O scelerata lues... o scelus, o furor ; v. 337 : Te si forte furor pervasit pestis avarae, stet ratio... ; v. 435-436 : Sunt variae vires, amor est unus habenai, qui potius furor est, quant vocitandus amor ; v. 807-808 : O merce s, merces, mercede nocentior omni, dantem et captantem quae necat una duos ! Et cette constatation désabusée, v. 167 : Quid miror ? Instanter promittit munera plebee - Quodque cupit factum, si dabit, esse putat.
31 C.J., v. 667-674.
32 Au sujet des équivalences entre pagensis, bonus homo, scabinus, voir E. Magnou-Nortier. « Les pagenses, notables et fermiers du fisc durant le haut Moyen-Age », dans Revue Belge de philol. et d'hist., t. 65,1987, p. 237-256.
33 MGH, Cap. II, no 192 (829), c. 2 : Lit missi nostri, ubicumque malos scabinos invenerint, eiciant, et totius populi consensu in locum eorum bonos eligant. Mais Charlemagne aurait déjà pu prendre une mesure en ce sens, si le cap. 12 du capitulaire de Thionville devait être retenu sous cette forme : De advocatis et iudicibus comitum et omnibus publicis a(u)ctoribus. Tales eligantur quales sciant et velini iuste causas terminare ; et ubi mali inventi fuerint, a missis nostris mittantur meliores, Cap. I, no 44 (s.d.), c. 12 (n.b).
34 Voir note 6.
35 C.J., v. 163-166 : Magna catervatim nos contio saepe frequentat - Aetas quod dicat sexus et omnis habet - Parvulus, annosus, iuvenis, pater, innuba, etc. Sur les profits publics, cf. J. Durliat, op. cit., p. 163-167.
36 C.J., v. 171-238. On notera au passage le v. 231-232 : Voti compos ero, tibi si mea vota placebunt - Quae do si capias, quae rogo, rite, dabis. Rite signifie : conformément à la loi, en conformité avec la procédure admise.
37 C.J., v. 209-210 : Quorum si cartas vitiem, vase ille vetusto - His ego, tu donis mox potiere meis.
38 Pour l’argent, l'or, les oiseaux de proie, les coquillages pourpres, pierres précieuses, chevaux, robes a traîne (argentum, aurum, praepes, murex rutilus, gemmae, equus, syrma pulchra), v. 303-306 ; pour les serpents en tous genres (hydrus, cencris, cerastes, seps, dipsas, praester), v. 733-734.
39 C.J., v. 93-94 ; v. 259-260 : Flectere sic properant me, nec tamen esse putarmt - Talem, nisi talis ante fuisse ibi.
40 Ce en quoi il rejoint une préoccupation centrale des lois carolingiennes, cf. MGH, Cap. I, no 34 (802), c. 12 ; no 35 (802 ?), c. 51 ; no 44 (s.d.), c. 16 : De oppressione pauperorum liberorum hominum, ut non fiant a potentioribus per aliquod malum ingenium oppressi, ita ut coacti res eorum vendant aut tradant... Et ut saepius non fiant marniti ad placita, nisi sicut in alio capituiare praecipimus ita servetur.
41 C.J., v. 659-660 ; v. 628-630.
42 MGH, Cap. I, no 23 (789), c. 17 : Ut comités pupillorum et orfanorum causas primum audiant ; no 44 (aux missi), c. 2 ; De iustitiis aecclesiarum Dei, viduarum, orfanorum et pupillorum, ut in publicis iudiciis non dispiciantur clamantes, sed diligenter audiantur.
43 Cet abus était déjà dénoncé aux temps mérovingiens, cf. E. Magnou-Nortier, « La gestion publique en Neustrie : les moyens et les hommes », dans La Neustrie (op. cit. n.20), p. 297-299. Voir aussi : « Servus-servitium. Une enquête à poursuivre », dans Media in Francia. Mélanges offerts à K. F. Werner, Paris, 1989, p. 269-284.
44 La dernière partie du poème l'exprime d'une manière exceptionnellement claire et forte.
45 P. Lecesne, dans De l'impôt foncier en Droit romain et en Droit français, Paris, 1862, p. 77-80 et p. 94-96, a attiré l'attention sur l'ampleur que pouvait atteindre la corruption lors des déclarations ou évaluations de propriétés au Bas Empire.
46 M. Heinzelmann, Bischofsherrschaft in Gallien (Beihefte der Francia, 5), Münich, 1976 ; « Bischof und Herrschaft vom spätantiken Gallien bis zu den karolingischen Hausmeiern » dans Herrschaft und Kirche, éd. R Prinz, Stuttgart, 1988, p. 23-82.
Auteur
Université de Lille III
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Séjourner au bain
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2010
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Sacralité et littérature
Jean-Claude Vallecalle (dir.)
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Lyon vu/e d’ailleurs (1245-1800)
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Papauté, monachisme et théories politiques. Volume I
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Papauté, monachisme et théories politiques. Volume II
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Le Sol et l'immeuble
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