Chapitre II. Naissance et développement des syndicats féminins de l’Abbaye (1902-1919)
p. 25–46
Texte intégral
I– Fondation des trois premiers syndicats féminins chrétiens parisiens en 1902
1Le 14 septembre 1902, dans le local de la Librairie Vitte, située au 14, rue de l’Abbaye, à Paris, un petit groupe de personnes s’est donné rendez-vous pour consacrer officiellement la naissance de trois syndicats féminins. Qui sont ces hommes et ces femmes regroupés dans le local exigu de la rue de l’Abbaye ? On retrouve, assis à la table d’honneur comme il se doit, les membres du comité d’initiative des syndicats féminins. Ce comité, composé de plusieurs personnes de la « bonne société » – on compte pas moins de neuf représentantes de la noblesse parmi le conseil de direction – est présidé par la comtesse Jean de Castellane. Parmi les membres figurent en bonne place les épouses de catholiques sociaux connus, qu’il suffise de nommer la baronne de Contenson, Madame Henriette Brunhes, Madame Milcent, Madame Goyau-Félix-Faure. Quatre hommes font partie du comité à titre de consultants parmi lesquels on retrouve Henri Lorin, « l’éminence grise du catholicisme social1 » et Louis Milcent. De ce comité, nous ne connaissons que peu de chose, si ce n’est que deux ans plus tard, soit en 1904, il se dote de statuts et prend le nom d’Association pour le développement des syndicats professionnels féminins2. À l’initiative de Madame Lorin, il a été créé dans le but explicite d’aider au développement des syndicats professionnels féminins3. Concrètement, les membres du comité vont mettre leurs ressources – et elles sont considérables – au service des organisations féminines. Qu’il s’agisse d’organiser des conférences et des cours gratuits pour les syndiquées, de rédiger des articles dans la presse syndicale, de contribuer aux collectes de fonds destinées à financer la création de services syndicaux, et même d’assurer une partie de la rémunération offerte aux permanentes syndicales, leur soutien n’est pas négligeable.
2La présence de ces « parentes riches », selon l’expression d’Eugène Flornoy, « donne le prestige, le soutien, la force aux cousins pauvres »4. Mais la marge est mince et grand le danger de voir se transformer les organisations professionnelles destinées à la défense des intérêts des travailleuses, en patronage où s’exerce l’influence sinon l’autorité des classes aisées. C’est pourquoi le comité garde une prudente réserve pour tout ce qui concerne les questions internes aux syndicats, l’action de ses membres s’oriente vers les services annexes. Les sources ne permettent pas d’apprécier le degré de prudence et de réserve du comité, par contre il est possible affirmer que le prestige lié à leur rang social n’est pas la seule chose qu’aient eue à offrir les honorables membres du comité. Comme en fait foi un document conservé dans les archives personnelles de Gaston Tessier, secrétaire général de la CFTC, c’est l’Association pour le développement des syndicats professionnels féminins qui, pendant plusieurs années, paie les salaires des permanentes appointées5. Toutefois, les permanentes ne sont responsables de leurs activités que devant le conseil syndical. Les membres du comité semblent s’en tenir à leur consigne de prudence. Mais n’anticipons pas sur le cours des événements et revenons à la réunion du 14 septembre.
3Au fond de la salle, un peu en retrait de l’assemblée, on aperçoit un groupe qui se distingue aisément grâce à ses cornettes, ce sont les Filles de la charité, sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. Leur présence, pour discrète qu’elle soit, paraît néanmoins étrange dans le cadre d’une assemblée consacrée à la fondation d’un mouvement syndical. D’emblée, il est nécessaire de préciser leur rôle dans la création et le développement des syndicats de l’Abbaye. Pour comprendre les liens tissés entre les militantes laïques et les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, il nous faut dire quelques mots sur la place tenue par sœur Milcent dans l’histoire des organisations de l’Abbaye. Marie-Louise Milcent (1855–1927) est la fille d’un médecin, le docteur Alphonse Milcent6. Troisième d’une famille de six enfants, Marie–Louise est très proche de ses deux frères aînés : Louis et Ernest. Catholique social issu de l’Œuvre des cercles fondé par Albert de Mun, Louis Milcent influencera profondément sa jeune sœur. Ernest, quant à lui, sera très actif au sein des Cercles catholiques de Normandie. Toute la famille est très engagée sur le plan social. En 1883, Marie-Louise entre chez les Filles de la charité. Dès lors, elle se préoccupe surtout des questions de formation professionnelle. Elle institue et dirige des cours destinés aux jeunes ouvrières des métiers de l’habillement. C’est à partir de cette première expérience que sœur Milcent entreprend de grouper ses jeunes élèves au sein d’organisations professionnelles. Elle reçoit l’aval de ses supérieures ainsi que les conseils et l’appui de son frère Louis qui possède ses entrées dans les milieux catholiques sociaux. Ce double parrainage facilite certainement l’établissement d’organisations syndicales dont la crédibilité auprès des milieux catholiques eût été autrement loin d’être assurée. Désormais, les syndicats de l’Abbaye pourront se développer sous l’aile protectrice de la communauté : ils profiteront des connaissances et du savoir-faire des religieuses en matière de services d’entraide et d’enseignement. Ils pourront disposer de locaux situés rue de l’Abbaye, à quelques pas du couvent. La supérieure générale Mère Marie Kieffer va d’ailleurs encourager les militantes à organiser la propagande dans les patronages dirigés par les sœurs de la Charité et lorsque les syndicats vont essaimer en banlieue et en province, les maisons de la communauté vont s’ouvrir pour abriter les nouvelles sections. Dans un article rédigé à sa mort en 1910, les dirigeantes de l’Abbaye témoignent du rôle que Marie Kieffer a joué dans le développement de leur mouvement et l’appui constant qu’elle lui a apporté :
[...] toutes ne savent pas quelle protectrice admirable elle fut pour nos associations professionnelles. [...] La conception du retour à l’association corporative par les syndicats professionnels, dont l’action règlerait et améliorerait peu à peu les conditions de travail de la femme et de la jeune fille, vraies familles professionnelles où les travailleuses trouveraient, en toute circonstance, aide mutuelle et secours, était faite pour la charmer ; invisiblement elle fit beaucoup pour encourager et propager le mouvement auquel nous devons notre existence7.
4La communauté des Filles de la charité a joué beaucoup plus qu’un rôle invisible. À titre d’exemple, soulignons qu’en 1911, lors de la constitution des syndicats de l’Abbaye en fédération, le comité consultatif institué à cette occasion est composé entre autres, de six sœurs parmi lesquelles on retrouve sœur Kieffer. L’appui des sœurs s’est donc traduit par des gestes concrets qui ont donné naissance à un certain nombre de réalisations. Compte tenu des modestes moyens dont disposaient les premières organisations syndicales, il s’agit d’avantages appréciables. Il faut peut-être préciser combien cette proximité physique et spirituelle marque les jeunes organisations. Elles évoluent dans une atmosphère confinée qui leur donne un aspect austère pour ne pas dire monacal. Dans ce contexte, le danger est réel d’assimiler le mouvement syndical à une œuvre de préservation : les dirigeantes devront affirmer leur volonté d’indépendance et faire preuve d’une capacité d’innovation dans la mise en œuvre de pratiques autonomes. C’est ce à quoi les convie Jean Lerolle, militant de l’Association catholique de la jeunesse française (ACJF), venu faire une conférence lors de la cérémonie de clôture de l’assemblée générale de 1910. Selon Lerolle, le syndicat ne doit pas dévier de son but et devenir un patronage. Il doit poursuivre la défense des intérêts des travailleuses et doit être administré par les travailleuses elles-mêmes. Le cas échéant, celles-ci peuvent recourir aux conseils de personnes avisées extérieures au syndicat mais ces « conseillers ne devront jamais devenir les directeurs »8.
5Autrement dit, le problème pour les militantes des syndicats de l’Abbaye sera de réussir à dégager une marge de manœuvre en vue d’exercer une action réellement professionnelle, tout en conservant leurs liens privilégiés avec le milieu qui les a nourries. Tâche on ne peut plus difficile, nous aurons l’occasion d’y revenir. Qu’il nous suffise ici de préciser que le rôle de sœur Milcent, en tant qu’initiatrice des premiers syndicats féminins parisiens, nous paraît significatif d’un engagement empreint d’une grande sollicitude, mais dont on peut supposer qu’il n’est pas exempt de tout paternalisme. Quoi qu’il en soit, c’est elle qui donne l’impulsion au jeune mouvement en apportant le soutien et de la communauté religieuse et des catholiques sociaux par le biais de son frère Louis Milcent. Cette alliance, entre laïques formés à l’action sociale et les sœurs très actives auprès des jeunes travailleuses, va contribuer de manière concrète à structurer et à développer l’organisation syndicale et les services qui s’y rattachent. Ce développement se fait en deux étapes : il est d’abord centré sur la région parisienne pour s’étendre ensuite à une bonne partie de la France. Mais avant d’examiner plus avant le développement des organisations, il nous faut encore dire un mot sur le déroulement de la journée.
6Il ne faudrait quand même pas oublier, malgré le peu de place qu’elles semblent occuper dans les descriptions que nous possédons, la présence dans la salle des premières adhérentes. Celles qu’on désigne dans les comptes rendus sous le nom « d’auditoires » – ce n’est pas une figure de style – et qui s’apprêtent à voter les statuts de leurs syndicats, font figure de public. De toute la soirée, elles ne diront rien. Ce sont les hommes assis à la table d’honneur qui auront la parole et jusqu’à l’élection des différents conseils syndicaux, elles demeureront dans l’ombre à écouter ceux qui savent et qui ont apporté avec eux le texte déjà rédigé des statuts. C’est ainsi que Marguerite Decaux, future dirigeante syndicale, se remémore vingt-cinq ans plus tard cette cérémonie de fondation :
Au 14 de la rue de l’Abbaye, une salle était préparée avec une certaine solennité. Au fond, un magistral bureau, derrière lequel de graves messieurs allaient prendre place. Et, à distance respectueuse [c’est nous qui soulignons] devant le bureau, des banquettes disposées horizontalement et distinguées par des rubans roses, jaunes, verts. Bientôt des personnes munies de cartes correspondant à ces couleurs arrivent et trouvent sans difficulté la banquette qui les attend9.
7Combien sont-elles ? Sans doute pas plus d’une quarantaine si l’on se fie aux documents que nous possédons10. Qui sont-elles ? Les plus nombreuses exercent la profession d’institutrices privées très proches des communautés religieuses d’enseignantes. En fait, bon nombre d’entre elles sont sans doute des congréganistes qui enseignent toujours puisque leur remplacement est échelonné selon les départs et les retraites volontaires11. On retrouve également parmi les femmes présentes des employées et des ouvrières de l’habillement. Quelques noms se dégagent parmi lesquels on retiendra ceux de Georgette Abélard, Eugénie Beeckmans, Marguerite Decaux et Louise Robert. Ces militantes sont élues au bureau syndical des institutrices privées et des ouvrières de l’habillement. Georgette Abélard quittera son poste de secrétaire-adjointe des institutrices privées en 1904 pour exercer la même fonction chez les dames employées jusqu’à 1922. À cette date, elle démissionne de son poste mais elle demeurera membre du syndicat jusqu’à la fin des années 1930. Ces syndiquées de la première heure seront les chevilles ouvrières des syndicats de l’Abbaye et leur itinéraire témoigne de l’évolution des syndicats féminins jusque durant les années trente. Elles partagent en commun une vie militante très longue et le cumul de plusieurs postes de direction.
8Eugénie Beeckmans exerce le métier d’ouvrière de l’habillement et, en 1903, elle est membre du conseil de ce syndicat. Après avoir occupé le poste de secrétaire pendant trois ans, elle est élue présidente du syndicat en 1907, elle occupera cette fonction jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. À la fin de la Première Guerre, elle participe aux côtés de Maria Bardot, militante de l’autre grande fédération de syndicats féminins, celle des Capucines, à la grève des ouvrières de la couture de Paris. Ensemble, elles signent les premières conventions collectives dans ce secteur. En 1925, elle devient présidente de l’Union centrale des syndicats professionnels féminins qui regroupe l’ensemble des organisations fondées autour des syndicats de l’Abbaye. Elle demeure à la direction de l’Union jusqu’à 1936. De 1919 à 1939, elle est déléguée au bureau de la CFTC et vice-présidente de la Confédération durant les années 1930. Parallèlement à ses fonctions au sein de l’organisation syndicale, elle est élue au Conseil supérieur de travail en 1912 et, en 1921, elle devient membre de la commission permanente du Conseil où elle siégera jusqu’à 1927. Rappelons que le Conseil est créé par la législation « Millerand » de 1900. Organe purement consultatif, il est chargé d’étudier toutes les questions concernant le travail et les travailleurs. Au sein du Conseil, la commission étudie les conditions de travail et les relations entre employeurs et employés. Les comptes rendus des travaux sont discutés à la session du Conseil qui a lieu chaque année au mois de novembre. Les résultats des délibérations sont soumis, sous forme de vœux, au Parlement qui les discute et, s’il les accepte, leur donne force de loi. Dans le contexte des discussions entourant la réforme de l’apprentissage, les compétences d’Eugénie Beeckmans en font une autorité en la matière. Au sein des syndicats de l’Abbaye, elle organise l’enseignement technique en mettant sur pied les cours dans le cadre de la loi Astier votée en 191912. En 1929, elle reçoit la médaille d’argent de l’enseignement technique pour le travail accompli.
9Présidente du Syndicat des institutrices privées à compter de 1902, Marguerite Decaux demeurera en poste jusqu’à sa mort en novembre 1929. De 1910 à 1912 et plus tard en 1919, elle occupera le poste de présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement libre. En 1911, l’Union centrale dépose à la mairie de Paris ses nouveaux statuts qui en font une confédération de syndicats féminins. L’année suivante, Marguerite Decaux est élue première présidente de la Confédération. De 1921 à 1925, elle fait partie des cinq femmes déléguées au bureau de la CFTC. Marguerite Decaux va s’intéresser tout particulièrement à la question des retraites ouvrières. En 1912, elle devient d’ailleurs présidente de la Caisse mutuelle de retraites des syndicats professionnels féminins.
10En 1902, Louise Robert est élue trésorière du Syndicat des institutrices et elle conservera ce poste jusqu’à sa mort survenue en mai 1929. Mais sa carrière militante ne se limite pas à cette fonction dans l’appareil syndical. Pendant une quinzaine d’années, elle est en charge des cours de dessin offerts aux membres du Syndicat des ouvrières de l’habillement. À l’instar de Marguerite Decaux, elle est membre du conseil d’administration de la Caisse mutuelle de retraites.
11Le parcours de ces premières militantes est à la fois exceptionnel et exemplaire. Exceptionnel, dans la mesure où leur carrière a connu une longévité remarquable, en moyenne près de 22 ans. Elles ont, par ailleurs, assumé diverses fonctions dans différentes instances : syndicat local, confédération féminine, fédération nationale et confédération nationale (CFTC). Exemplaire, parce qu’il nous semble représentatif de plusieurs militantes d’envergure qui vont se distinguer dans les tâches d’organisation et de gestion syndicales. Dans l’immédiat pourtant, ces futures chevilles ouvrières des organisations féminines ne se distinguent guère de l’ensemble des travailleuses présentes. Cette première soirée est celle des hommes, des représentants du SECI, qui se chargent du bon fonctionnement de la réunion. Pour la première et la dernière fois, ce sont eux qui dirigent la séance, dégagent les grandes lignes d’orientation des futurs syndicats et procèdent à l’adoption des statuts ainsi qu’à l’élection aux différents postes de conseillères. Étrange soirée où les principales concernées font figure de fidèles rassemblées pour écouter un groupe d’apôtres leur apporter la bonne nouvelle : le paternalisme des militants du SECI est ici évident. Mais n’exagérons pas la portée symbolique de cette réunion. Si la cérémonie qui préside à la naissance des organisations féminines emprunte un rituel formaliste et sexiste, il s’agit bien, dans les faits, d’une passation des pouvoirs des militants chevronnés du SECI aux syndiquées en herbe de la rue de l’Abbaye. La fondation des trois syndicats féminins parisiens s’inscrit, ne l’oublions pas, dans une continuité qui va de la fondation du SECI en 1889 à la promulgation de l’encyclique des travailleurs Rerum Novarum quatre ans plus tard. À cet égard, il faudrait peut-être davantage parler de transfert de connaissances que de passation des pouvoirs, car c’est bien l’expérience acquise par les militants du Syndicat des employés qui tout à la fois légitime leur autorité et justifie leur présence à cette réunion. Une fois le rituel du transfert accompli avec tout le décorum nécessaire, c’est entre elles que les travailleuses vont s’organiser pour poursuivre, à leur manière, la rechristianisation du monde du travail, but ultime de l’organisation syndicale.
12La séance est ouverte à 16h30 sous la présidence de Monsieur Dognin, qui après une courte présentation cède la parole à Jules Guillebert, le véritable animateur de la réunion. Guillebert est le représentant du SECI et c’est à ce titre qu’il rend compte de l’expérience positive vécue par le syndicat masculin, en insistant tout particulièrement sur les deux aspects qui lui paraissent fondamentaux dans l’organisation syndicale : premièrement, l’entraide et le soutien de chacun des membres et, deuxièmement, les services pratiques offerts à ceux-ci. Il précise ensuite les grandes orientations que doit emprunter un syndicat vraiment chrétien. Le premier objectif de toute organisation syndicale, c’est le relèvement des salaires. Question cruciale. Or les travailleuses, constate Guillebert, souffrent de conditions de travail très pénibles et d’une rémunération qui est bien en deçà du salaire offert aux hommes pour le même travail. Ce phénomène doit être vigoureusement dénoncé et combattu. Quant à l’argument selon lequel la femme est moins rémunérée parce qu’elle apporte au ménage un salaire d’appoint, Guillebert le rejette au moins pour deux raisons. La première est « qu’il y a des femmes non mariées qui ont à supporter des charges écrasantes ». Mais surtout, « on ne devrait pas considérer si c’est un homme ou une femme qui travaille, mais que l’on doit, en toute justice, payer le travail pour ce qu’il vaut, selon cette formule : "À travail égal, salaire égal" »13.
13Il faudra s’interroger sur la capacité réelle des syndicats féminins à faire aboutir leurs revendications et sur les moyens mis en œuvre pour y parvenir. Notons toutefois que l’expression « À travail égal, salaire égal » est posée comme une des revendications fondamentales du mouvement syndical féminin chrétien et ne saurait être considérée comme un vœu pieux, une formule creuse.
14À la question salariale, s’ajoute celle de l’amélioration des conditions de travail. En la matière, certaines revendications paraissent prioritaires : la durée et l’organisation du travail, les problèmes d’hygiène et de sécurité, ainsi que les assurances contre le chômage, la maladie et la vieillesse. Ces réformes, tient à souligner l’orateur, peuvent être réalisées sans porter préjudice aux intérêts des patrons. En effet, l’organisation de la profession assure aux ouvriers une défense collective de leurs intérêts et permet une lutte efficace contre la concurrence sauvage – un des maux de la société libérale issue de la Révolution française selon la doctrine sociale de l’Église – à laquelle travailleurs et patrons sont également soumis. Seule la création des syndicats professionnels est à même de réduire la concurrence déloyale et de pacifier les relations entre patrons et travailleurs.
15Lors des négociations, souligne Guillebert, les syndicats chrétiens doivent opter pour deux stratégies. La première fait appel à la solidarité des travailleurs. Si le patron refuse de payer le tarif exigé par les syndiqués, ces derniers collectivement cesseront le travail. La deuxième compte sur la valeur professionnelle des travailleurs. À la table des négociations, ceux-ci doivent arriver en position de force. L’ouvrier et l’ouvrière doivent posséder un certain nombre d’atouts. Dans l’esprit des dirigeants des syndicats chrétiens, le meilleur atout demeure la possibilité de faire valoir sa compétence professionnelle14.
16Poursuivant son exposé, Guillebert décrit les services offerts par l’organisation syndicale en insistant sur la coopération en matière d’achats, qui offre à ses membres des économies appréciables. Finalement, l’organisation syndicale doit tout particulièrement s’intéresser au placement de ses membres, le conférencier rappelle à l’auditoire les résultats spectaculaires auxquels est parvenu le service de placement du SECI. S’inspirant de l’expérience du SECI, Guillebert pose d’emblée les buts que doivent poursuivre les organisations féminines. Il définit ainsi les grandes orientations auxquelles elles doivent souscrire : les syndicats constituent une nécessité, ils permettent aux travailleuses d’obtenir de meilleures conditions de travail. De plus, ils offrent à leurs membres une série d’avantages qui ne sont pas négligeables : bureau de placement, instruction professionnelle, achats à bon marché, etc.
17Après le discours de Guillebert, l’assemblée est invitée à adopter les statuts des syndicats qui devront être déposés à la mairie de Paris. Ces statuts, conformes au texte de la loi de 1884 sur la création des syndicats, s’inspirent de ceux du SECI. Trois remarques concernant les statuts : premièrement, on ne retrouve aucune prescription quant aux tendances religieuses des membres. En principe, il n’est donc pas nécessaire d’être catholique pour devenir membre du syndicat, il n’est d’ailleurs nulle part fait mention du terme de chrétien ou catholique. Deuxièmement, les statuts des syndicats de l’Abbaye sont très semblables à ceux du SECI, mais assez différents de ceux adoptés en 1899 par la fondatrice des syndicats féminins lyonnais, Marie-Louise Rochebillard. En effet, contrairement à l’organisation lyonnaise, dont le tiers des membres du conseil syndical est nommé par les fondatrices du mouvement, le conseil des syndicats de l’Abbaye fonctionne de manière plus démocratique, puisque les déléguées sont élues par les représentantes des syndicats convoquées en assemblée générale. Troisièmement, l’article 2 définit clairement les buts de l’organisation : d’une part l’étude et la défense des intérêts professionnels et économiques des membres du syndicat, d’autre part, la création d’institutions d’assistance mutuelle et de prévoyance. Les règlements intérieurs, dont le texte vient compléter celui des statuts, précisent les moyens concrets mis en avant pour atteindre cet objectif. L’article premier « Objet du syndicat » énumère cinq propositions qui visent justement à définir les moyens et les champs d’intervention de l’organisation syndicale15. Présentons-les brièvement.
18À partir de la première proposition, il s’agit de développer les liens de confraternité entre les travailleuses. Dans le cadre des règlements d’un syndicat, l’emploi du terme de « confraternité » paraît pour le moins inusité, on aurait pu s’attendre à retrouver les expressions plus courantes de solidarité ou, tout simplement, de fraternité. Mais ces vocables possèdent sans doute une charge émotive et politique trop forte, alors que confraternité présente un caractère professionnel qui n’est pas pour déplaire aux organisations chrétiennes. Dans cette perspective, les liens qui unissent les travailleuses procèdent de la profession, ils s’inscrivent dans le cadre d’une reconnaissance mutuelle basée sur la formation professionnelle. On peut avancer l’explication suivante : si les syndicats chrétiens s’emploient à développer la formation professionnelle de leurs membres, ce n’est pas seulement en vue de l’amélioration de leur condition matérielle, c’est aussi pour renforcer leur sentiment d’appartenance à l’organisation. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette proposition et d’en démontrer la pertinence pour comprendre le discours et la pratique des militantes chrétiennes. La deuxième proposition suggère de « chercher les moyens » pour améliorer « la condition matérielle et morale » des adhérentes. Les moyens restent à définir mais l’objectif est clair : améliorer la situation matérielle, mais également morale des travailleuses. Un projet ambitieux qui se situe à un double niveau : économique et éthique. Finalement, les trois derniers points nous donnent des renseignements précis sur les services et les institutions que le groupement syndical entend créer. En commençant par les cours de formation professionnelle qui visent à donner aux adhérentes une compétence, condition jugée nécessaire à l’obtention de meilleures conditions de travail. Le syndicat doit également encourager la création d’institutions d’assistance mutuelle : caisse de secours, assurances contre les accidents, etc. En l’absence de services sociaux publics et collectifs, les organisations féminines considèrent comme prioritaire la prise en charge par les travailleuses de ces institutions. Le syndicat souhaite aussi mettre sur pied « un office de renseignements », selon le terme utilisé, qui puisse assurer le placement des travailleuses et « la prospérité des ateliers »16.
19Le texte des statuts et des règlements intérieurs – qui est le même pour les trois syndicats fondés en 1902 – s’en tient globalement aux règles et aux limites définies par les textes législatifs. Cette constatation n’en épuise pas le sens : une analyse des statuts constitue, selon nous, une première approche pour comprendre la conception que les militantes se font du mouvement syndical et de ses rapports à la société. Résumons-nous. Le syndicat chrétien est perçu comme l’instrument privilégié d’une organisation professionnelle et sociale plus juste : revendications professionnelles et services d’entraide se conjuguent pour répondre aux besoins essentiels des travailleuses. À lui seul, le syndicat n’est pas en mesure de transformer globalement la société, mais il constitue l’assise sans laquelle toute tentative pour rénover la société semble vaine.
20Après l’adoption des statuts des trois syndicats, Guillebert invite l’assemblée à élire les conseillères. Désormais, c’est sur le travail des premières militantes que reposent l’organisation des services et la bonne marche des syndicats. Elles ne sont pas seules, rappelons-le, puisqu’elles profitent de l’appui et du soutien des milieux catholiques sociaux ainsi que celui des Filles de la charité.
21Il est maintenant nécessaire d’examiner le fonctionnement des services syndicaux et celui des cours professionnels de façon à mieux cerner le type d’action que les militantes sont appelées à développer. Il sera alors possible d’évaluer les résultats concrets obtenus grâce au travail d’organisation réalisé jusqu’en 1914.
II – Le secours par l’association ou la création des services syndicaux
22Le 19 janvier 1913, en la basilique du Sacré-Cœur de Paris, une assemblée choisie présidée par le cardinal Amette, archevêque de Paris, écoute respectueusement le discours prononcé par l’abbé Thellier de Poncheville à l’occasion de la fête des dix années de fondation des syndicats de l’Abbaye. En se faisant le porte-parole des préoccupations des premières dirigeantes, l’abbé – fort préoccupé par le rôle social des femmes chrétiennes – résume en ces termes le programme initial des syndicats féminins :
Vous êtes seules à porter le fardeau de votre cruelle vie, et c’est pourquoi vous chancelez. Venez à nous qui sommes vos sœurs de travail : nous vous aiderons à soulever la charge qui vous écrase. [...] Ensemble nous vous instruirons des choses de notre métier, et ce bienfait d’une formation technique plus complète nous assurera plus de valeur, plus de considération à l’atelier, et par suite une rémunération plus avantageuse. Un service de placement nous fera connaître les emplois sérieux à offrir aux bonnes volontés diligentes. Nous mettrons en commun nos risques et une part de nos ressources afin de nous protéger les unes les autres contre les périls de notre condition. Recueillie régulièrement dans nos caisses de secours, cette épargne nous vaudra la sécurité pendant nos bonnes années de travail, et grâce à elle nous songerons, sans trop d’inquiétude, aux menaces de l’avenir. Vienne l’épreuve redoutée : incapables de subvenir à nos besoins, nos mains puiseront dans cette réserve le subside sauveur que notre prévoyance nous aura ménagé. Si nous échappons au malheur mais qu’il atteigne nos compagnes, notre joie sera douce de leur porter le soulagement que, par notre contribution fraternelle, nous nous serons amicalement ménagé17.
23À travers le discours édifiant de Thellier de Poncheville, on reconnaît le projet fondamental auquel sont conviées les militantes syndicalistes : l’association sera d’abord et avant tout un agent de cohésion et de protection sociale. D’où la nécessité et l’intérêt pour les syndicats féminins d’organiser des services qui entretiennent l’esprit syndical en suscitant entraide et dévouement, et contribuent à améliorer la condition matérielle et morale des travailleuses.
24C’est à cette tâche que vont s’attacher les dirigeantes des syndicats de l’Abbaye. Plusieurs services vont être offerts aux futurs membres de manière à susciter leur intérêt pour la question syndicale. Mais ce n’est pas la seule fonction de ces services, ceux-ci doivent également servir de lieu d’encadrement pour les nouvelles syndiquées. En effet, bien davantage que les conseils syndicaux qui s’adressent à une minorité, c’est par le biais des institutions d’assistance mutuelle et les cours professionnels que vont s’organiser la propagande, le recrutement et la formation des futures militantes. En attendant la diffusion plus systématique de l’organe des syndicats, La Ruche syndicale, fondée en 1902, et l’organisation de cercles d’étude et d’activités récréatives, c’est à partir des services syndicaux que se modèle la vie des organisations féminines. C’est ce que souligne un article paru dans La Ruche syndicale en 1905 : « C’est par la fréquentation des cours que s’opère la fusion, que se développe l’esprit syndical, et rien n’est plus charmant que la cordialité qui se manifeste dans les moments de repos qui séparent les leçons18 ».
25Dans cette perspective, il n’est pas inutile d’examiner en détail l’organisation et le développement des différents services, ainsi que leurs succès ou leurs échecs qui témoignent des difficultés et des réussites des organisations féminines jusqu’à la Première Guerre mondiale.
26Conformément aux statuts qui ont été adoptés, les dirigeantes de l’Abbaye fondent des institutions d’assistance mutuelle et de prévoyance et elles organisent des cours et un service de placement. Les maisons de repos, le restaurant communautaire et la pouponnière viennent compléter la liste des services annexes. Durant les premières années d’existence des syndicats de l’Abbaye, les dirigeantes appuyées par les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul vont multiplier les initiatives en s’inspirant des expériences des milieux catholiques sociaux et du SECI. Toutefois, il est difficile d’apprécier précisément le bon fonctionnement et l’efficacité des différentes institutions. Notre source privilégiée étant l’organe des syndicats La Ruche syndicale, les informations dont nous disposons sont sujettes à caution. Doit-on pour autant abandonner l’idée de présenter cet aspect de la vie syndicale ? Pas nécessairement mais il faut éviter deux écueils. Premièrement, les chiffres cités par le journal syndical ne peuvent en aucun cas être utilisés tels quels. Au mieux, ils servent d’ordre de grandeur pour évaluer la progression des services. Deuxièmement, le désir d’attirer aux syndicats de nouvelles recrues entraîne les militantes à multiplier les initiatives et à en exagérer la portée alors qu’elles ne disposent pas nécessairement des ressources nécessaires à leur bon fonctionnement. Il ressort que bon nombre de ces institutions vivotent en regroupant quelques syndiquées. Par exemple, les institutions d’épargne semblent souffrir de manière chronique d’un manque d’intérêt de la part des syndiquées. L’enthousiasme des fondatrices ne doit pas faire illusion. Les difficultés d’organisation sont nombreuses et le support logistique offert par la communauté des Sœurs de la charité semble avoir joué un rôle important – au moins dans les premières années – pour pallier l’inexpérience des dirigeantes.
27Parmi les services offerts aux syndiquées, le service de placement demeure l’un des plus populaires. Créé en 1903, il semble fonctionner de manière satisfaisante jusqu’à la Première Guerre mondiale. Les dirigeantes des syndicats de l’Abbaye s’enorgueillissent des placements effectués et n’hésitent pas à préciser le nombre des placements effectués dans leurs rapports lors des assemblées annuelles. Si l’on en croit les chiffres fournis, c’est près de 4 000 demandes et plus de 2 000 offres que le service doit traiter en moyenne par année19. Par ailleurs, ce service est en partie subventionné par le conseil municipal de Paris. Par exemple, en 1909, le conseil a accordé aux syndicats de l’Abbaye la somme de 1 500 F pour le bureau de placement. Le service de placement demeure fort apprécié des travailleuses et sa bonne marche favorise le recrutement de nouvelles adhérentes. N’oublions pas qu’il est offert en priorité aux syndiquées. Les dirigeantes reconnaissent l’importance du placement dans le développement des effectifs des syndicats féminins. En effet, le placement représente un service essentiel, tant du point de vue des travailleuses qui en bénéficient gratuitement, que de celui de l’organisation dont il favorise le recrutement20.
28Parallèlement à l’organisation du service de placement, les syndicats de l’Abbaye vont offrir à leurs membres une série de services d’assistance mutuelle. En 1903, quelques mois après leur fondation, ils proposent aux syndiquées d’adhérer à une société de secours mutuels, la Fraternité commerciale et industrielle, qui offre une protection en cas de maladie. Cette société a été fondée par le SECI, les syndiquées de l’Abbaye y sont admises mais sans posséder le droit de vote à l’assemblée annuelle. La cotisation s’élève à un franc par mois et l’indemnité est fixée à un franc par jour. Si la société réussit à survivre, comme nous l’apprend le rapport moral pour l’année 1905, ce n’est certes pas grâce au soutien des syndiquées de l’Abbaye qui ne sont que six à y avoir adhéré. En 1910, leur nombre demeure restreint puisqu’elles ne sont que trente-sept. Les dirigeantes n’ont pas attendu cette date pour tirer les conclusions qui s’imposaient : devant le peu de succès remporté par la Fraternité, chaque syndicat fonde, en 1907, sa propre caisse de secours qui porte le nom de : « Caisse de famille parce que le syndicat est une grande famille ». Si l’on se fie aux commentaires des dirigeantes, jusqu’à la Première Guerre, les caisses de famille semblent vivoter.
29Les caisses de secours doivent pallier les problèmes immédiats rencontrés par les syndiquées. Mais l’avenir, croit-on, doit également être assuré, c’est pourquoi en 1906, les dirigeantes fondent une caisse de retraite. La cotisation minimum est alors fixée à douze francs par année et l’État subventionne le quart des versements. Cette initiative ne semble pas avoir remporté beaucoup plus de succès que la précédente. Deux ans plus tard, les aléas de la caisse de retraite suscitent le questionnement des dirigeantes. Est-ce l’absence de vision d’avenir ou alors la crainte de demeurer vieille fille qui effraie les jeunes travailleuses ? Les militantes s’interrogent et ne savent que penser. Quoi qu’il en soit, les chiffres parus avant la Première Guerre font état de 48 adhérentes à la caisse de retraite. Pour un syndicat qui compte déjà plusieurs milliers d’adhérentes, c’est évidemment très peu.
30Ces difficultés n’entravent en rien l’enthousiasme des dirigeantes, qui multiplient les initiatives. L’appui de la communauté des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul permet l’ouverture de maisons de repos. La première ouvre ses portes au Croisic en 1904, la seconde est située à Avernes en Seine-et-Oise. Elles peuvent recevoir entre 20 et 25 syndiquées. Malheureusement, nous ne possédons aucune indication précise quant aux propriétaires de ces maisons ou encore quant à leurs sources de financement. On peut toutefois supposer qu’il s’agit d’établissement appartenant aux Filles de la charité. En revanche, nous disposons d’un peu plus d’informations sur la propriété de Pornichet en Loire-Inférieure. Une syndiquée, Mlle Moreau, en assume la charge. La maison a été aménagée grâce à la générosité de l’abbé Brettes, curé de la paroisse de Saint-Eugène à Paris. À la veille de la Première Guerre, la direction des syndicats de l’Abbaye entreprend des démarches auprès du Conseil d’État en vue d’acquérir, par le biais de la caisse de retraite, la maison de Pornichet. L’abbé Brettes se propose alors d’en faire don aux syndicats21. Quelques mois plus tard, la caisse de retraite des syndicats de l’Abbaye se porte acquéreur de la maison de Pornichet, premier élément d’un patrimoine qui s’enrichira au fil des ans.
31Signalons l’initiative originale du Syndicat des ouvrières à domicile, qui disposent d’un lieu de séjour bien à elles à Bar-sur-Aube. Cette maison n’appartient pas au syndicat mais son propriétaire – dont le nom n’est jamais précisé dans les documents que nous possédons – mis en contact avec la présidente du syndicat, Eugénie Beeckmans, a consenti un très long bail à l’organisation de l’Abbaye. Quant à l’aménagement des lieux, il est le fruit de négociations entre le Syndicat des ouvrières de l’habillement et la Chambre patronale de la couture parisienne. Présidée par M. Clément, la Chambre réunit les représentants des grandes maisons de couture parisiennes. Ces derniers ont accepté de défrayer les coûts des rénovations ainsi qu’une partie des frais afférents à l’entretien. Bien évidemment, cet accord entre Beeckmans et Clément est célébré par les dirigeantes des syndicats chrétiens comme la meilleure illustration à l’appui de la thèse de la collaboration de classe22.
32Finalement, la création d’une coopérative d’achats, d’une pouponnière, d’un restaurant et de deux dispensaires pour les soins médicaux vient compléter cette liste des services offerts aux syndiquées. Pour l’ensemble de ces services, l’appui de la communauté des Soeurs de Saint-Vincent-de-Paul a été indispensable. On peut d’ailleurs se demander si la communauté n’est pas à l’origine de réalisations comme les dispensaires et les maisons de repos ? On est tenté de le croire tant la collaboration entre les sœurs et les syndiquées semble étroite. Toutefois, même avec le soutien de la communauté, la majorité des services demeure sous-utilisée. Seul le restaurant situé au 3 puis au 5 rue de l’Abbaye, semble avoir attiré une nombreuse clientèle. Les photos publiées après la Première Guerre dans La Ruche syndicale témoignent de l’affluence des clientes à l’heure du midi.
33La grande réalisation de l’Union centrale demeure les cours professionnels. En effet, dès leur fondation, les dirigeantes des syndicats de l’Abbaye vont s’empresser de mettre sur pied les cours professionnels. Ceux-ci se déroulent le jeudi et le dimanche et sont pris en charge par les syndiquées elles-mêmes. Déjà en 1902, dix cours sont offerts aux membres et la majorité d’entre eux s’adresse aux adhérentes du Syndicat des institutrices privées, soit les cours de langues étrangères, littérature, sciences naturelles, physique avec expériences, chimie et pédagogie. Trois cours touchent plus particulièrement la clientèle du Syndicat des dames employées : comptabilité, sténographie et dactylographie. Au début, un seul s’adresse aux ouvrières de l’habillement, le cours de dessin.
34Les cours professionnels dispensés au 11, rue de l’Abbaye vont connaître un développement remarquable. Les quelques chiffres dont nous disposons nous sont fournis par les rapports publiés dans l’organe des syndicats La Ruche syndicale et sont donc sujets à caution. Néanmoins, ils nous donnent un ordre de grandeur qui nous permet d’apprécier l’évolution de ce service. En 1904-1905, on compterait 176 inscriptions pour l’ensemble des cours. Il semble que le nombre d’inscriptions aille en augmentant puisqu’en octobre 1905, les dirigeantes annoncent qu’il est nécessaire de déménager au 5, rue de l’Abbaye pour disposer de locaux plus vastes. En 1910, le cours de coupe qui s’adresse aux ouvrières de l’habillement recrute à lui seul 102 élèves. En 1907, 220 syndiquées suivent les cours et, 10 ans plus tard, en 1917, plus de 30 cours seraient suivis par 2 500 élèves23. Plusieurs facteurs se conjuguent et expliquent le succès des cours offerts par les organisations féminines. Les syndicats de l’Abbaye profitent d’une main-d’œuvre disponible et compétente, les membres du Syndicat des institutrices privées. C’est au sein de ce groupement qu’est recrutée la majorité des professeurs appelée à dispenser l’enseignement professionnel. Combien parmi les membres du syndicat des institutrices privées sont, dans les faits, des congréganistes qui n’ont pu obtenir l’autorisation d’enseigner en vertu de la loi de 1901 sur les associations ? Quoi qu’il en soit, à compter de 1903, elles sont nombreuses à dispenser leur enseignement dans le cadre des cours professionnels. En revanche, pour les cours de littérature, d’histoire et de géographie, on fait appel aux ressources du milieu catholique social : M. Calvet enseigne la littérature, Jean Brunhes – catholique social et géographe réputé – la géographie et Max Turman, l’histoire. Les cours dispensés par les syndicats de l’Abbaye préparent au Certificat d’aptitude pédagogique, au Brevet supérieur et au Baccalauréat.
35Les cours professionnels deviennent ainsi un lieu de formation qui permet de développer des valeurs professionnelles chères aux militantes. S’exprimant lors du conseil syndical du 10 mai 1903, la présidente du Syndicat des institutrices privées, Marguerite Decaux, rappelle l’importance d’une bonne organisation des cours professionnels en soulignant que l’un des principaux buts du syndicat est le perfectionnement professionnel. Deux ans plus tard, Marie Vors, vice–présidente du même syndicat, écrit dans un rapport présenté au cardinal Richard :
Les progrès des syndicats sont donc sensibles sur tous les points et les syndiquées de la rue de l’Abbaye sont de plus en plus pénétrées de l’idée qu’aux sentiments de fraternité chrétienne, de généreuse solidarité, d’amour du devoir, elles doivent joindre le désir du perfectionnement professionnel. Elles savent que c’est en se distinguant par leur capacité autant que par leur régularité et leur valeur morale, qu’elles acquerront de l’influence dans leurs maisons de travail, et par là exerceront autour d’elles un véritable apostolat24.
36Ce point de vue est révélateur de la place qu’occupe le perfectionnement professionnel dans la formation de la militante. Au même titre que les valeurs chrétiennes les plus élevées, générosité, amour, solidarité, sens du devoir, la militante ne saurait négliger le désir de perfectionnement. Une bonne militante, c’est aussi une bonne professionnelle. Cette qualité, croit-on, contribuera au rayonnement syndical. Ce sentiment – est-il besoin de le rappeler – est largement partagé par l’ensemble du milieu syndical. On peut affirmer que la définition d’un bon militant passe souvent par celle du bon professionnel. En effet, le bon militant, c’est aussi le bon producteur qui acquiert des connaissances, cultive son intelligence et ne se laisse pas facilement détourner de l’action militante par des plaisirs sans lendemain. L’organisation collective implique une discipline stricte, l’ouvrier doit donc développer ses valeurs morales s’il aspire un jour à rénover la société. Les syndicats féminins partagent ce désir de moralisation de la classe ouvrière, car selon les militantes, seul le développement d’un idéal vertueux est à même de prouver l’éminente dignité des travailleurs et, bien sûr, des travailleuses.
37Les cours professionnels sont aussi un lieu de recrutement et, dans les premières années, c’est à travers les cours que les syndicats de l’Abbaye vont recruter la majorité de leurs adhérentes. À preuve, en 1905-1906, un rapport manuscrit envoyé à l’archevêché de Paris fait état d’une crise de recrutement et des difficultés dans l’organisation des services des syndicats de l’Abbaye25. Cette crise met au jour la relation qui existe entre le recrutement et les cours. Dès lors, l’organisation des cours devient une priorité car de la bonne marche de ceux-ci dépend en grande partie le développement des syndicats. On comprend mieux l’intérêt que les dirigeantes vont porter aux cours professionnels, ce qui n’est pas sans poser problème. L’accent mis sur les services syndicaux facilite sans doute le recrutement, mais l’image qui s’en dégage est celle d’une organisation de services qui dispense formation et offres d’emploi. Malgré ce qu’affirment les dirigeantes, il n’est pas évident que l’idée syndicale soit ainsi mieux comprise par les nouvelles recrues. Par ailleurs, la crise de recrutement des années 1905-1906 souligne les difficultés des syndicats de l’Abbaye à maintenir l’intérêt des membres au-delà de l’utilisation des services syndicaux. Malgré les difficultés, les syndicats de l’Abbaye vont surmonter cette crise et leur développement jusqu’en 1914 témoigne de leur capacité à pallier les lacunes et les insuffisances des premières années.
III – Implantation et développement (1902-1914)
38En 1918, au moment où l’Union centrale des syndicats professionnels féminins de l’Abbaye s’apprête à rejoindre les rangs de la CFTC, le nombre de ses adhérentes se situe autour de 23 000026. Une croissance qui, sans être spectaculaire, témoigne de la vitalité de l’organisation de la rue de l’Abbaye. Cet essor n’a toutefois pas été régulier et l’on peut distinguer trois grandes périodes dans l’histoire de l’Union avant 1918. La première période, qui va de la fondation des trois premiers syndicats en 1902 jusqu’à la veille de la crise des années 1905-1906, constitue une phase de croissance, marquée par la volonté manifeste des dirigeantes de recruter le plus d’adhérentes possible. Les quatre années suivantes marquent le pas : si l’Union poursuit son extension grâce à l’implantation de nouvelles sections à Paris et en banlieue, le siège social connaît, quant à lui, de réelles difficultés de recrutement. Comme le déplorent de nombreux articles parus dans La Ruche, l’esprit syndical laisse passablement à désirer. Finalement, des années 1910 à la Première Guerre mondiale, l’Union poursuit son implantation en province alors que le siège social connaît une progression du nombre des adhérentes. Période faste qui se poursuit durant les quatre années de guerre, comme l’indiquent les chiffres de l’année 1918 cités plus haut.
39Lors de leur création, les syndicats de l’Abbaye ne comptent pas plus que quelques dizaines de membres, c’est pourquoi la priorité des dirigeantes est, bien sûr, le recrutement. À l’assemblée générale de 1903, la question du recrutement domine les débats : les déléguées considèrent que sans la force du nombre leur mouvement ne pourra être reconnu des patrons et du législateur. La solution est de recruter largement au sein des patronages catholiques car ceux-ci sont animés du même esprit que les syndicats chrétiens. Au début du XXe siècle, les patronages connaissent un développement considérable. Selon Max Turman, en 1900, les catholiques dirigent 4 168 patronages parmi lesquels 1 817 ont une clientèle uniquement féminine27. Il n’est pas étonnant que les syndicats de l’Abbaye se tournent d’abord vers un mouvement qui, tout en donnant les garanties nécessaires en matière de morale chrétienne, présente un potentiel réel du point de vue du recrutement. À compter de 1904, les dirigeantes syndicales organisent des conférences et des causeries dans les patronages de la région parisienne. Ces démarches suscitent quelques adhésions. Dès lors, chaque syndicat délègue dans les patronages ses meilleures propagandistes avec le mandat de recruter le plus grand nombre possible d’adhérentes. Rapidement, de nouvelles sections sont créées. Et ce n’est pas tout, à l’occasion d’une réunion des conseillères syndicales, il a été décidé de former une Union professionnelle dont les buts explicites seront de favoriser la création de nouveaux syndicats et d’offrir une plus grande unité d’action au mouvement revendicatif. En septembre 1904, les statuts de l’Union centrale des syndicats professionnels féminins ont été adoptés et un bureau provisoire dirige la nouvelle organisation en attendant la réunion de l’assemblée annuelle des syndicats. À cette occasion, chaque syndicat désignera deux déléguées ayant toute voix délibérative pour élire le bureau permanent de l’Union. Le bureau, composé de douze membres, choisira en son sein une présidente, deux vice-présidentes, deux secrétaires et une trésorière qui seront élues pour six ans. Il sera renouvelé tous les deux ans par tiers et ses membres seront rééligibles28. Les membres se réuniront une fois par mois sur la convocation de la présidente et c’est le bureau qui se prononcera sur l’admission de nouveaux syndicats et qui prendra toutes les décisions. Quant à l’assemblée générale, elle sera composée du bureau de l’Union et de deux déléguées par syndicat. Les syndicats comprenant plus de 300 adhérentes auront une voix de plus par 300 ou par fraction de 300. L’assemblée se réunira une fois par année au mois de novembre, le quorum sera obtenu lorsque le quart des syndicats sera représenté et les décisions de l’assemblée seront prises à la majorité.
40La création de l’Union centrale favorise l’extension des syndicats de l’Abbaye tant à Paris qu’en province. C’est ainsi qu’en novembre 1904, un nouveau syndicat regroupant les domestiques est fondé à Paris. Le syndicat « Le Ménage » s’installe à son tour dans les locaux de la rue de l’Abbaye. Sa croissance demeure assez lente comme en témoignent les chiffres fournis par les dirigeantes dans leurs rapports annuels reproduits dans La Ruche syndicale : en 1906, le nombre de syndiquées s’élève à 112 ; deux ans plus tard, on compte 294 membres et, en 1910, Le Ménage grouperait 570 travailleuses. Huit ans plus tard, un document déposé à l’archevêché de Paris, signale que le syndicat « des gens de maison », selon sa nouvelle désignation, compterait 1114 adhérentes. Le syndicat des gens de maison de l’Abbaye a ceci de particulier qu’il est une des rares organisations à s’intéresser aux conditions des travailleuses de la profession. De fait, avant la Première Guerre mondiale, les autres syndicats regroupent essentiellement des hommes et on y discute toujours de la pertinence d’y admettre les femmes29.
41À ces quatre organisations, il faut ajouter deux autres groupements ; celui des gardes-malades diplômées fondé en 1909, et celui des maîtresses ménagères mis sur pied à la veille de la guerre en 1913. Deux syndicats dont le poids au sein de l’Union centrale demeure toutefois relatif puisqu’en 1918, leurs effectifs ne dépassent pas une centaine de membres. Finalement, deux autres groupements voient le jour durant les années de guerre : celui des sténodactylos dont les membres se confondaient jusqu’alors avec ceux des dames employées et celui des ouvrières d’usine. Ces jeunes organisations comptent respectivement 673 et 182 adhérentes.
42Le gros des effectifs de l’Union est fourni par les trois premières organisations, soit les institutrices privées, les dames employées et les ouvrières de l’habillement. Parmi ces trois syndicats, celui qui connaît la progression la plus spectaculaire demeure le syndicat des dames employées. Selon les chiffres dont l’on dispose, en 1908, il compterait 8 630 membres sur un total de 13 346 si on additionne les deux autres organisations. À la veille de son adhésion à la CFTC, l’Union centrale est une confédération dominée par les employées.
43Installés à Paris, les syndicats de l’Abbaye s’implantent d’abord dans le département de la Seine puis, plus largement, rayonnent dans le bassin parisien avant d’effectuer leurs premières percées en province dans les villes d’Aix, Lille, Marseille, Nantes, Reims, Rennes et Toulouse. Aix et Marseille comptaient déjà six organisations féminines qui ont décidé d’adhérer à l’Union centrale. Quant aux autres villes, il s’agit bien de syndicats fondés à l’initiative des militantes parisiennes, appuyées par la communauté des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul qui possède des patronages dans chacune de ces villes.
44La fondation de l’Union centrale a donc favorisé le développement de syndicats en province. Mais sa croissance s’explique aussi par la volonté manifestée par un certain nombre d’organisations féminines d’établir des liens avec l’Union parisienne. Par exemple, en 1909, la fondatrice des Syndicats féminins d’Aix, Félicie Boissard demande l’adhésion des syndicats de l’aiguille et des employées d’Aix-en-Provence à l’Union centrale. Précisons que les syndicats féminins d’Aix fondés en 1902 souffrent de problèmes d’organisation qui se traduisent par le sous-développement des services offerts aux adhérentes. Par ailleurs, les syndicats de province, loin des centres de décisions politiques, souffrent d’isolement et il leur est malaisé de faire entendre leurs voix lors des discussions autour de projets de loi concernant les travailleuses. Regroupés au sein de l’Union, leurs dirigeantes espèrent profiter de l’expérience acquise par les militantes parisiennes en matière d’organisation et faire front commun autour d’un programme revendicatif.
45Félicie Boissard aurait souhaité que les organisations de l’Isère, créées en 1906 par Cécile Poncet et Solange Merceron-Vicat, se joignent à l’Union centrale, mais, en 1910, les militantes de Grenoble et de Voiron préfèrent fonder leur propre fédération qui prend le nom de Fédération des syndicats libres féminins de l’Isère. Regroupés autour de la forte personnalité de Cécile Poncet, les syndicats de l’Isère naissent au moment où la région est touchée par une grève générale du textile déclenchée par les syndicats regroupés au sein de la Confédération Générale du Travail (CGT). La violence même du conflit et surtout l’engagement actif des travailleuses au moment de la grève auraient motivé Poncet à rassembler les ouvrières catholiques dans des organisations séparées de façon à contrer l’expansion des syndicats révolutionnaires. En désaccord avec l’action des cégétistes, Poncet prétend fonder les nouvelles institutions sur la base des principes de la doctrine sociale de l’Église dans le but de promouvoir l’entente entre les classes et de mettre ainsi fin aux conflits sociaux. Les syndicats de l’Isère entretiennent des relations très étroites avec le clergé et les communautés religieuses de la région. Cela se traduit par un recrutement assez fermé. Ce dont témoignent, par ailleurs, les statuts des syndicats où Ton retrouve une clause limitant les adhésions aux seules travailleuses catholiques. Les syndicats lyonnais et ceux de l’Abbaye ignorent ce genre de restriction, au moins dans leurs statuts. Particuliers et exclusifs, les syndicats de l’Isère poursuivent leur développement à l’écart du mouvement fédératif qui se dessine autour de l’Union centrale30.
46En 1911, l’Union centrale dépose à la mairie de Paris de nouveaux statuts qui en font dorénavant une confédération nationale de syndicats féminins et lui assure une place prépondérante face à la Fédération de l’Isère, qui demeure à vocation régionale. Ce mouvement fédératif confère aux organisations de l’Abbaye un prestige certain. L’Union a donc constitué jusqu’à la veille de la création de la CFTC la fédération féminine la plus importante aussi bien par le nombre de ses membres que par la vitalité des services offerts. Mais à quelques mois de la naissance de la CFTC, l’Union n’est plus la seule à fédérer des organisations féminines chrétiennes sur le plan national. Une autre fédération lui fait désormais concurrence : la Fédération française des unions de syndicats professionnels féminins dont il faut retracer la naissance et présenter le développement.
Notes de bas de page
1 J.-M. Mayeur, Catholicisme social et démocratie chrétienne. Principes romains, expériences françaises, Paris, Éditions du Cerf, 1986, p. 27.
2 AAP, série 3 K-I (d).
3 Abbé P. Jardet, La Femme catholique, op. cit., p. 538.
4 E. Flornoy, « La femme du monde et les Œuvres sociales », La Revue de l’Action populaire, no 74,1912, p. 653.
5 APGT. Notes de Marguerite Decaux, présidente des syndicats de l’Abbaye.
6 Ces renseignements nous ont été aimablement communiqués par M. B. Milcent.
7 La Ruche syndicale, no 51, 15 mars 1910.
8 La Ruche syndicale, 8’année, no 55, juill.-sept. 1910.
9 La Ruche syndicale, sept. 1927.
10 AAP, série 3 KI - 1 (d).
11 S. Schweitzer, Les Femmes ont toujours travaillé. Une histoire du travail des femmes aux XIXe et XXe siècles, Paris, Éd. Odile Jacob, 2002, p. 72.
12 B. Charlot, M. Figeat, Histoire de la formation des ouvriers 1789-1984, Paris, Éd. Minerve, 1985, p. 237 à 261.
13 La Ruche syndicale, lère année, no 1, oct.-nov.-déc. 1902, p. 7.
14 Ibid., p. 8.
15 Statuts et règlement intérieur du syndicat des ouvrières de l’habillement, AAP, 3 KI-1 (d).
16 Ibid., p. 6.
17 Thellier de Poncheville, L’Action des Syndicats Féminins, Paris, Librairie de l’Angelus, 1918, p. 4.
18 La Ruche syndicale, no 10, janv.-mars 1905.
19 La Ruche syndicale, 1903-1914.
20 Ibid., no 3, 15 déc. 1910.
21 La Ruche syndicale, no 5, 15 mai 1912.
22 Lettre dactylographiée de Milcent-Meysonnier. AAP, série 3KI - 1 (d).
23 La Ruche syndicale, no 10, janv.-mars 1905 ; no 21, 15 mai 1907 ; no 23, juill. 1907. AAP, série 3 KI – 1 (d) – Œuvres professionnelles et syndicales.
24 La Ruche syndicale, no 3, juill.-sept. 1905.
25 AAP, série 3 KI – 1 – Œuvres professionnelles et syndicales – pièce no 4.
26 M. Launay, La CFTC, op. cit., p. 28.
27 M. Turmann, L’Éducation populaire, les œuvres complémentaires de l’école, Paris, Éd. Victor Lecoffre, 1907, cité dans G. Poujol, L’Éducation populaire : histoires et pouvoirs, Paris, Éd. Ouvrières, 1981, p. 94.
28 Les statuts de l’Union sont publiés dans La Ruche syndicale, no 8, juill.-sept. 1904.
29 G. Fraisse, Femmes toutes mains. Essai sur le service domestique, Paris, Éd. du Seuil, coll. Libre à elles, 1979, p. 206-207.
30 M. Ratto, A. Gautier, « Les syndicats libres féminins de l’Isère », Clio, no°3, 1996, p. 117-139.
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