Chapitre X. De la validité scientifique des concepts de motricité et d’intelligence
p. 213-233
Texte intégral
1L’approche institutionnelle des rapports entre éducation physique et éducation intellectuelle a permis de montrer quelle était l’intention du législateur : faire converger, au sein de l’Ecole, tous les efforts sur l’acquisition des connaissances ou, plus largement, sur le développement intellectuel. L’éducation physique n’a pas échappé, dans la définition de ses finalités et de ses programmes, à cette disposition générale. Cela n’allait d’ailleurs pas sans rehausser son statut aux yeux des professeurs eux-mêmes.
2L’approche pédagogique de ces mêmes rapports fait apparaître un large consensus autour d’une conception de la motricité qui en faisait tantôt la source du développement intellectuel et la propédeutique aux apprentissages scolaires, tantôt l’objet même de la pensée représentative et opératoire.
3L’approche de ces mêmes rapports fait apparaître un large consensus autour d’une conception de la motricité qui en faisait tantôt la source du développement intellectuel et la propédeutique aux apprentissages scolaires, tantôt l’objet même de la pensée représentative et opératoire.
4Ce consensus pédagogique, nous l’avons constaté, s’organise essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, autour des acquis de la psychologie génétique, pour laquelle l’action sensori-motrice est le prélude au développement de l’intelligence, voire de la personnalité tout entière. Or la psychologie génétique n’est pas la seule science à avoir étudié les rapports entre l’action motrice et la pensée. Il paraît donc opportun, de chercher les raisons de cette référence exclusive à la psychologie génétique.
A – QUESTION DE MÉTHODE
5En dehors même de la thèse, discutable, selon laquelle la science et, plus particulièrement, la psychologie aurait une valeur prescriptive pour la pratique pédagogique, il faudrait savoir si la science fournit un fondement assez ferme, car pour tirer argument de relations entre motricité et intelligence, il est bien nécessaire que l’on soit capable de la définir clairement.
6Ce problème n’est pas nouveau. A. Binet le posait dès le début de ses travaux, à propos des rapports entre l’intelligence et le développement physique. Il recherchait même « les signes physiques de l’intelligence » (T. Simon, 25 p. 7) en calculant les rapports céphalométriques entre le volume de la tête et le degré d’intelligence. Voulant savoir si « les insuccès scolaires ne tiennent pas à une incapacité physique de travailler » (24 p. 38), il s’interrogeait sur le rôle de l’éducation physique à l’Ecole, ainsi que sur les méthodes les plus capables de développer la santé et de favoriser « l’orthopédie mentale » (24 p. 108). Mais si, pour A. Binet, la valeur physique pouvait s’apprécier facilement par des mesures directes (« toute l’éducation physique a pour critérium la toise, la balance, le dynamomètre et le spiromètre » – ibidem p. 61), le difficile était de mesurer l’intelligence. Comme le rappelait T. Simon, la question essentielle était de savoir si l’on pouvait mesurer l’intelligence comme on mesure le périmètre de la tête (25 p. 7). Les premières études de A. Binet et T. Simon ont été faites sur des enfants inintelligents, ceux que le langage, même scientifique, de l’époque nommait des idiots, des imbéciles, des arriérés ou des débiles mentaux. C’est en reprenant ces études sur des enfants normaux mais plus jeunes que les auteurs ont été amenés à définir la débilité mentale comme un retard d’intelligence. D’où la notion d’âge mental (25 pp. 8 - 9). Mais l’idée centrale des auteurs, c’était que « l’intelligence n’est pas faite d’une matière unique, elle est une résultante où interviennent mémoire, jugement, raisonnement, et ce en des proportions variables selon les circonstances ; aussi offrons-nous au sujet des occasions multiples de montrer ce qu’il peut faire... » (T. Simon, 25 p. 12). L’intelligence est donc une conduite complexe, « un faisceau de tendance », ce qui a conduit A. Binet à en prendre une vue globale et descriptive, dans des situations réelles. Pour connaître l’intelligence, il faut la mesurer, et, pour la mesurer, il faut la mettre à l’épreuve dans différentes directions, en variant les items qui la sollicitent.
7L’intelligence n’est donc saisissable qu’en tant que manifestation d’une activité supérieure globale, à propos d’activités concrètes. Sa définition n’est possible que par rapport à la nature des tâches à exécuter, des problèmes à résoudre, des situations auxquelles le sujet doit faire face. D’où les quelque soixante épreuves qui constituent l’échelle métrique de l’intelligence de A. Binet et T. Simon.
8Pour les auteurs, il s’agissait moins de savoir quels facteurs participent à la définition de l’intelligence, que de déterminer les différents degrés de son développement. Ainsi, « quand nous voyons dans une prairie un arbre isolé, nous ne savons pas davantage s’il doit sa taille à la graine d’où il provient, ou bien à l’humus où il a poussé. Pourtant cela ne nous empêche pas de parler de sa vigueur et de sa vitalité » (T. Simon, 25 p. 15).
9Dès lors, l’idée directrice qui devait présider à l’élaboration de l’échelle métrique de l’intelligence allait se préciser :
« Imaginer un grand nombre d’épreuves, à la fois rapides et précises, et présentant une difficulté croissante ; essayer ces preuves sur un grand nombre d’enfants d’âges différents : noter les résultats ; chercher quelles sont les épreuves qui réussissent pour un âge donné... ; constituer ainsi une échelle métrique de l’intelligence, qui permet de déterminer si un sujet donné à l’intelligence de son âge, ou bien est en retard ou en avance et à combien « de mois ou d’années se monte ce retard ou cette avance » (A. Binet, 24 p. 91).
10Ces indications contiennent, on peut le dire, toute la technique qui sera mainte fois utilisée et perfectionnée pour mesurer l’intelligence. La notion de quotient intellectuel allait en naître, c’est-à-dire la mesure d’un niveau mental, exprimée par le rapport de l’âge mental (obtenu par les épreuves des tests d’intelligence) à l’âge réel.
11A ce compte, qu’est-ce que l’intelligence ? On connaît la réponse qu’aurait faite A. Binet : « l’intelligence, c’est ce que mesure mon test »... Mais, au delà de cette boutade, l’intelligence est pour lui « une faculté de connaissance, qui est dirigée vers le monde extérieur et qui travaille à le reconstruire en entier... » (24, p. 86). Son appréciation doit rester, selon l’auteur, indépendante des phénomènes de sensibilité, d’émotion, de volonté ou d’attention. C’est pourquoi les épreuves des tests doivent être courtes et le climat de la séance, détendu.
12Cette interprétation globale de l’intelligence n’a pas empêché A. Binet d’en cerner les fonctions essentielles : « compréhension, invention, direction, censure, l’intelligence tient dans ces quatre mots » (24 pp. 86 - 87). Et ce sont bien ces quatre fonctions que les tests mentaux devront mesurer.
13Ici, il convient de nous arrêter un moment, pour examiner la portée et les limites des tests d’intelligence.
- Tout d’abord, remarquons que la mesure de l’intelligence que permet la méthode est une mesure de développement, puisqu’elle se réfère à des niveaux d’âge. Le quotient intellectuel est donc un quotient d’âge et, sur ce plan, sa validité est comparable à celle d’un quotient de développement pondéral ou statural. Ainsi R. Zazzo fournit-il l’exemple suivant : « Voici un garçon de 10 ans qui mesure 1,31 m c’est-à-dire dont la taille correspond à la moyenne des garçons de 9 ans. Je dirai que son quotient statural est de 0,90 (ou de 90, si, comme le veut l’usage, on supprime la virgule). Ce quotient est obtenu en divisant 9 ans (correspondant à son niveau de développement) par 10 ans, son âge réel ». (293 p. 14).
- Remarquons, d’autre part, que la notion de Q.I. renvoie à des normes édictées par le système social éducatif. Les chiffres correspondent aux exigences liées à l’instruction, ou à celles qui ont présidé à l’élaboration du test, c’est-à-dire en définitive aux objectifs opérationnels caractérisant les processus mentaux supérieurs.
- De ce point de vue, l’échelle métrique de l’intelligence de A. Binet et T. Simon exprime la situation d’un sujet par rapport à l’ensemble des sujets de son âge, quant au degré de la connaissance qu’il est censé posséder.
14Ainsi l’intelligence mesurée par A. Binet est-elle une intelligence globale, polyvalente, exprimant un niveau de compétence du sujet par rapport à ses homologues, en ce qui concerne les acquisitions scolaires.
15D’où l’interrogation de A. Binet : existe-t-il des facteurs favorisant ou entravant le développement et le fonctionnement de l’intelligence ? S’intéressant, à l’époque, aux enfants présentant des retards scolaires, il formule, en les observant, l’hypothèse d’une relation entre degré de développement physique et niveau de réussite scolaire.
16A. Binet fut sans doute l’un des premiers à étudier scientifiquement les rapports entre intelligence et développement corporel (il vivait d’ailleurs à une époque où le surmenage des écoliers préoccupait médecins et pédagogues). Dans « les idées modernes sur les enfants » (24), il traite « de toutes les questions sur lesquelles on possédait vers 1909 des résultats d’expériences ou d’observation systématiques » (J. Piaget, 213 p. 9). Il traite, par exemple, du développement du corps de l’enfant (24 pp 38-61).
17Son approche du corps et de la fonction motrice est tout à fait semblable à celle qu’il a adoptée à propos de l’intelligence. Dissociant la notion de santé de celle de force physique, il écrivait : « La santé correspond à tout un ensemble de qualités physiques qui ne se ramènent pas à la force musculaire ni au développement corporel, qui en sont distincts théoriquement et qui peuvent être indépendants pratiquement » (24 p. 38). De ce fait, le pédagogue peut, aux yeux de A. Binet, avoir une vue complémentaire de celle du médecin.
18D’autre part, il réfléchit sur cette étonnante constatation : « d’une enquête... sur l’état physique et intellectuel des élèves qui occupent le dernier cinquième du classement dans les compositions, il résulte que nombreux sont les enfants dont les insuccès scolaires s’expliquent par la chétivité » (24 p. 40). Mais A. Binet fera la distinction entre les effets hygiéniques d’une gymnastique bien comprise et les effets excessifs d’une pratique sportive inconsidérée (on sait qu’à l’époque les partisans de la gymnastique s’opposaient durement à ceux de la pratique sportive1). Le sport, conduisant au surmenage physique, entraîne l’insuccès scolaire en affaiblissant la capacité d’attention et de raisonnement.
19A. Binet se réclame donc d’une conception hygiéniste de l’éducation physique. Il ne conçoit la pratique des exercices corporels que si elle est rationnellement surveillée et permet à l’intelligence de s’exprimer dans le silence des organes. N’oublions pas que A. Binet est contemporain de G. Demeny et que son ouvrage est paru au moment où ce dernier créait le Cours Supérieur d’Education Physique à Paris et développait une conception hygiéniste et humaniste de l’éducation physique. A. Binet n’a pu ignorer ces travaux et, bien qu’il ne se réfère jamais explicitement à des auteurs, on constatera encore qu’il recommande les séjours de Plein Air, les colonies de vacances, comme l’avaient fait de nombreux médecins et, plus particulièrement, ceux de l’Académie de Médecine.
20Mais A. Binet a un autre mérite, celui de préluder à une véritable méthodologie de la recherche en éducation physique, pour vérifier, en particulier, les relations entre l’intelligence et la santé corporelle, ou pour comparer les valeurs respectives de deux systèmes de gymnastique (la gymnastique suédoise) dans la formation corporelle des élèves (24 p. 44).
21Il donnera l’exemple en entreprenant des études expérimentales sur les rapports de l’intelligence et du développement corporel chez l’enfant. Sa démarche est d’ailleurs intéressante. Il commence par s’interroger : « Beaucoup d’éducateurs, de philosophes, de médecins, croient à l’existence de cette relation, qui s’exprime en langage vulgaire par l’aphorisme banal : « mens Sana in corpore sano » (24 p. 45). Qu’en est-il ?
22Il enregistre les opinions diverses sur ce sujet. Certains, statistiques à l’appui, montrent que les enfants les plus intelligents sont ceux qui ont le plus de vigueur physique ; d’autres, au contraire, démontrent que les plus forts physiquement sont en queue de classe. Cette formule de « fort en thème, nul en gymnastique » (ou inversement) est d’ailleurs traditionnelle, et encore reçue aujourd’hui. Voulant se faire une idée, et refusant les méthodologies utilisées dans les expériences précédemment citées, A. Binet met en place une méthode nouvelle pour étudier ce sujet.
23Il étudie 600 enfants, en rapprochant leur classement dans les disciplines intellectuelles et leur développement physique. Il retient d’ailleurs deux types de classement pour chaque cas : celui qui découle de l’appréciation des maîtres sur leur élève, et celui que fournissent les résultats scolaires (succès scolaires rapportés à l’âge, ce qui définit le niveau d’études, un peu comme dans le calcul du Q.I.). Pour le développement physique, il l’apprécie d’après les mesures morphologiques.
24Il obtient les résultats suivants (en pourcentages) (24 p. 47) :
25A. Binet en conclut que « la relation (entre développement corporel et résultats scolaires) existe certainement, mais elle n’apparaît que dans les grands nombres ; et elle se trouve démentie dans une minorité si importante de cas qu’elle ne pourrait servir à aucun diagnostic individuel » (24 pp. 47 - 48). Et il s’interroge :
« Pourquoi donc est-ce que la mensuration corporelle d’un écolier ne nous renseigne pas avec précision sur sa capacité d’intelligence ? Il y a là un défaut de rapport qui choque. Est-ce que l’intelligence n’a pas besoin d’un substratum anatomique ? Est-ce qu’elle n’est pas sous la dépendance d’un cerveau bien conformé, bien irrigué, bien nourri ?... Est-ce qu’il n’y a pas un lien de dépendance entre toutes les parties d’un organisme ?...
(24 p. 48).
26A. Binet conclut alors judicieusement que, si ces relations existent, elles ne sont pas simples et font intervenir de nombreux facteurs. Il serait donc vain de chercher dans la pratique scolaire les liens unissant la capacité intellectuelle et la capacité physique.
27Mais à propos des enfants chétifs ou retardés, il écarte cette conclusion et formule un jugement quasi politique : « Il est des cas où l’état physique d’un enfant permet de faire des conclusions relatives à son état mental » (24 p. 48). Ou, plus exactement, il existe au plan scolaire une corrélation entre l’état d’insuffisance physique et d’insuffisance intellectuelle. Evoquant une expérience conduite avec T. Simon, il écrit :
« Ce qui nous guidait surtout, c’était la vue d’ensemble, l’attitude du corps, la coloration de la peau du visage, la forme et l’expression des traits. De tout cela se dégageait une impression indéfinissable de misère physiologique. Et ce qu’il y a de plus attristant et de plus grave, c’est que cette misère physiologique est l’expression d’une misère sociale, c’est-à-dire d’une misère d’autant plus profonde, qui tient à la constitution même de notre société... Une très grande partie des enfants qui ont un développement corporel au dessous de leur âge sont des enfants dont les parents sont de condition pauvre et même misérable » (24 p. 50)
28C’est donc par une action politique et sociale que A. Binet propose de modifier ces insuffisances, en particulier par la fourniture d’une aide matérielle en habillement et en nourriture...
« C’est ainsi qu’en employant des instruments aussi modestes qu’une toise et une balance, et en faisant des opérations qui semblent bien élémentaires... l’éducateur se trouve conduit devant les problèmes sociaux les plus angoissants de notre époque. Ces problèmes, ce n’est pas à lui de les résoudre ; ils dépassent l’école et la pédagogie... En vérité, le système des castes, que la révolution de 1789 a abolies, existe encore ; elles ne sont plus reconnues ni sanctionnées par la loi mais elles subsistent en fait, attestées par l’amoindrissement physique, intellectuel et moral des êtres les plus misérables » (24 p. 53)
29De cet exposé de l’œuvre de A. Binet, nous devons retenir deux éléments essentiels :
30D’abord, c’est que ni l’intelligence ni les qualités physiques d’un sujet ne peuvent se réduire à un facteur unique. L’intelligence, comme la valeur physique d’un sujet, correspondent à un faisceau d’aptitudes. Et, dans l’un ou l’autre cas, ces aptitudes ne sont décelables que par l’épreuve des faits concrets.
31Ensuite, c’est que, s’il n’y a pas de rapports entre développement corporel et intelligence, entre éducation physique et résultats scolaires – autres que ceux introduits par les inégalités sociales – il y a possibilité d’une intégration psycho-motrice de l’éducation. Cette dernière vue mérite d’être développée, car elle fait de A. Binet l’un des précurseurs de l’éducation psycho-motrice.
32Rappelons que ses exercices « d’orthopédie mentale » avaient pour objet non d’instruire les élèves, mais de « leur apprendre à apprendre » (24 pp. 106-7) :
« De même que l’orthopédie physique redresse une épine dorsale déviée, de même, l’orthopédie mentale redresse, cultive, fortifie l’attention, la mémoire, la perception, le jugement, la volonté » (24 pp. 1-7).
33Ainsi proposait-il des exercices d’immobilité (exercice « des statues » consistant à garder une attitude le plus longtemps possible, afin d’exercer le contrôle de soi, l’attention, la volonté. Ainsi les élèves pratiquaient-ils l’exercice du dynamomètre, permettant de lier la pratique au contrôle objectif des résultats. Ou bien des exercices de rapidité, véritables ancêtres du Tapping Test, qui consistaient à « marquer à la plume, en un temps très court, de dix secondes, le plus grand nombre de petits points sur le papier » (ibidem p. 107). Ces exercices, et bien d’autres encore, avaient pour objet de solliciter l’attention, le dynamisme, le contrôle de soi (comme l’exercice des bouchons – ibidem pp. 107 - 8), la volonté, le sens de l’effort. Les séances étaient, selon l’expression de A. Binet, des séances valant bien une leçon de calcul ou d’histoire (ibidem p. 108).
34On remarquera cependant qu’il ne s’agit pas d’éducation physique, mais d’une éducation des déterminants de l’intelligence par des voies motrices et plus exactement psychomotrices.
35En résumé, on pourrait évidemment critiquer A. Binet sur les techniques utilisées pour apprécier la valeur physique des élèves – encore qu’il faille le juger par rapport à son époque, qui voyait à peine se constituer la science du mouvement avec les travaux de Marey et de Demeny (C. Pociello, 219), qui s’engageait sur la voie du positivisme, de la mesure, avec tous les excès ayant donné une image trop strictement hygiéniste ou mécaniciste à la gymnastique d’alors.
36On pourrait également le critiquer, à propos de cette expérience, pour la confusion qu’il laisse entre intelligence et réussite scolaire. Il est dommage que la même expérimentation ne se soit pas faite en utilisant les niveaux d’intelligence déterminée par son échelle métrique.
37Malgré tout, la méthode utilisée par A. Binet doit retenir notre attention. C’est une méthode expérimentale, qui ne soumet pas ses conclusions à des considérations idéologiques, même si de telles considérations doivent y trouver matière ultérieurement (encore faut-il, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, replacer les prises de position franchement politiques de A. Binet dans le contexte des inégalités sociales criantes de l’époque).
38La place accordée à A. Binet est donc selon nous justifiée : d’une part, il a le premier tenté d’approcher, de mesurer, de définir l’intelligence ; d’autre part, il a été le premier à entreprendre une étude scientifique des rapports entre les aspects moteur et intellectuel de la personne ; enfin il a, le premier encore, proposé une conception pédagogique reposant sur les résultats de ses travaux. Ainsi voit-on déjà s’esquisser les rapports de la psychologie et de la pédagogie.
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39Si la pédagogie est d’abord une pratique « de terrain » et se trouve ainsi confrontée à une vérité pragmatique, A. Binet fait partie de ces nombreux novateurs qui se sont efforcé de lui donner des assises scientifiques.
40Il est évident que la méthode des tests ne saurait finaliser la pratique pédagogique. Le test est un moyen de contrôle et de connaissance. Les méthodes d’investigation de l’intelligence allaient donc se diversifier, de même que celles qui s’efforçaient de mieux cerner les déterminants de notre organisation motrice. Chacune de ces méthodes, en se choisissant un objet d’étude, se référait à des présupposés. De plus, le domaine scientifique, s’élargissant et se spécialisant, faisait éclater les cloisons de la psychologie et de la médecine. Apparaissaient alors des approches spécialisées de l’intelligence et de la motricité, utilisant des techniques et des instruments différenciés. Il serait illusoire de prétendre les présenter toutes. Dès lors, quel fil conducteur choisir ?
41Nous avons pensé que l’étude scientifique de la motricité et de l’intelligence devait nécessairement aboutir à préciser leurs définitions. Mais, puisque ces définitions sont inévitablement tributaires des instruments et des techniques utilisés, nous avons jugé nécessaire d’en présenter les trois approches les plus caractéristiques.
B – QUESTION DE DÉFINITIONS
42A partir de 1905, date à laquelle A. Binet et T. Simon ont publié dans « L’Année Psychologique » un article intitulé « Méthodes Nouvelles pour le diagnostic du niveau intellectuel des anormaux », on voit se multiplier les approches métriques de l’intelligence.
43Ces tests, qui ont connu un succès considérable dans les domaines de l’éducation et de l’industrie (P. Pichot, 216 pp. 7 - 8), ont en fait deux fonctions très différentes. La première, qu’on pourrait dire pédagogique ou de diagnostic, consiste à sélectionner, hiérarchiser, orienter des sujets. Ainsi peut-on, grâce à des batteries de tests appropriés, établir par exemple des frontières entre le normal et le pathologique, ou encore organiser une action éducative ou rééducative en fonction de déficits mis en évidence par certaines épreuves. L’autre fonction des tests, et c’est elle qui nous intéresse ici, est une fonction de recherche en psychologie différentielle, qui vise la connaissance de l’objet d’étude, ici l’intelligence. Le perfectionnement de la méthode des tests, grâce en particulier à l’affinement de l’outil statistique, peut faire espérer que nous saurons un jour répondre à la question : qu’est-ce que l’intelligence ? Et il en va de même pour la motricité, même si cette dernière a été moins pratiquée par la méthode des tests.
44Cependant, les approches évaluatives ne sont pas les seules capables de nous éclairer sur la nature de l’intelligence et de la motricité. D’autant qu’il convient d’examiner si les notions mêmes d’intelligence et de motricité sont scientifiquement valides.
45A cet égard, nous pouvons faire un constat préalable, c’est que la langage scientifique, tout comme le langage courant, utilise ces concepts. Ainsi J. Piaget étudie-t-il la genèse de l’intelligence chez l’enfant, comme A. Binet. De même, A. Rey, T. Decarie-Gouin, H. Wallon ou R. Zazzo ont-ils utilisé le vocable, dans des acceptions, il est vrai, différentes.
46Comment, dès lors, imaginer qu’à une littérature aussi abondante ne corresponde pas une définition sinon précise, du moins non ambigüe de ces concepts ? D’ailleurs comme le signale R. Lafon (115 p. 178), on peut au moins se mettre d’accord sur la définition étymologique : le mot intelligence vient du latin inter legere, ce qui implique une idée de choix, de discrimination d’ordre mental et, d’autre part, une idée pratique, celle de cueillir, de ramasser. D’où la double orientation du mot, sa double valeur, pratique et représentative. Le langage courant sanctionne cette double orientation en distinguant l’intelligence pratique de l’intelligence spéculative ou conceptuelle. La première signifierait la capacité d’adaptation à des situations concrètes, et différencierait assez peu les hommes des animaux ; la seconde, au contraire, spécifiquement humaine, serait tributaire du langage et signifierait une capacité d’abstraction, de détachement du réel. Ce serait une intelligence symbolique qui, comme l’indique encore R. Lafon (ibidem), ne chercherait pas l’adaptation au milieu mais à adapter le milieu pour le transformer.
47Nous pourrions en rester là, d’autant que de nombreux psychologues (et parmi eux J. Piaget et H. Wallon) ont illustré cette distinction. Mais ce serait oublier que d’autres auteurs ont discerné d’autres « formes » d’intelligence. Ainsi R. Zazzo distingue-t-il une intelligence sociale, « ensemble des qualités et des défauts qui permettent à un individu de « réussir dans la société » (293, p. 26), une intelligence logique et une intelligence pratique. D’autre part, M. Lobrot (151) distingue une intelligence affective et une intelligence motrice.
48On peut sans doute s’accorder sur les différentes formes que peut revêtir l’intelligence, mais il reste à établir ce qu’elles ont en commun, qui serait, finalement, l’Intelligence, avec un I majuscule.
49Quant à la motricité, si elle renvoie de façon évidente à un substratum bio-musculaire, sa définition n’est est pas plus aisée. Car ou bien on la confond avec ses bases organiques, et elle désigne un ensemble de leviers osseux et de muscles, une mécanique ou une machinerie complexe mais, dans ce cas, elle est déshumanisée. Ou bien on l’intègre dans la démarche globale de la conduite, et le concept ne suffit plus à en rendre compte : on tombe alors dans des définitions globalisantes qui la rapprochent de l’intelligence pratique, voire de l’intelligence motrice, comme le font P. Parlebas (187 p. 65) ou M. Lobrot (151), définitions qui ne distinguent plus la motricité de l’intelligence.
50Comment entreprendre alors de préciser des rapports entre des concepts aux définitions aussi incertaines ? De quelle intelligence, de quelle motricité parle-t-on ? Car si l’on postule que l’une et l’autre puissent se manifester selon des voies et des formes différenciées, peut-on admettre pour autant qu’il s’agisse de la même chose ?
51La motricité mise en œuvre dans la parole ou l’écriture, et que l’on pourrait appeler une motricité sémiologique, est-elle de même nature que la motricité manipulatrice ou athlétique ? Et de même, l’intelligence déployée pour résoudre un problème pratique (par exemple, réparer une serrure, ou inventer une machine) est-elle réductible à l’intelligence nécessaire pour réussir à un examen, ou à celle qui s’exerce à résoudre des problèmes abstraits ?
52La pratique routinière, la tradition philosophique et même les habitudes de la recherche scientifique nous entraînent à distinguer, voire à opposer, ce qui relève du corps et ce qui appartient en propre à l’esprit. Deux exemples nous paraissent bien montrer quelles difficultés ne manquent pas de surgir dès qu’on veut définir l’intelligence et la motricité :
53Le premier exemple est celui de la débilité. Ne parle-t-on pas de débiles mentaux et de débiles moteurs, comme si ces deux catégories de handicaps renvoyaient à des étiologies et des nosographies distinctes ?2 Or ces distinctions, apportées par le langage, ne semblent pas opératoires au plan scientifique. Car, si la débilité motrice traduit des troubles moteurs et neurologiques se caractérisant le plus souvent par un infantilisme moteur, elle est généralement associée à la débilité mentale. Elle n’en est même, le plus souvent, que le signe annonciateur. Dans l’ensemble, déclare Vermeylen, cité par M et Mme E.G. Guilmain, « les symptômes de débilité motrice existent avec une très grande fréquence chez les déficients mentaux... ces symptômes se retrouvent en d’autant plus grand nombre que l’on examine des sujets à niveau mental plus inférieur » (92 p. 10).
54D’autre part, si la notion de débilité mentale a pu être précisée, voire chiffrée, par l’utilisation des tests, comme une insuffisance de l’intelligence, elle trouve souvent ses causes dans des facteurs biologiques tels que les troubles de développement psycho-moteur, du schéma corporel, de l’organisation spatio-temporelle (R. Zazzo, 293 p. 234). Et R. Chiva, (cité par R. Zazzo), indique que « le rôle de l’équipement neurophysiologique de base détermine l’efficience motrice, surtout chez les débiles mentaux pathologiques ». L’auteur ajoute cependant que, si les corrélations entre Q.I. et épreuves de possibilités motrices sont assez fortes chez les débiles endogènes, ces mêmes corrélations semblent indiquer une relative indépendance entre efficience intellectuelle et efficience motrice chez les débiles exogènes ou pathologiques (ibidem p. 282).
55Au total, il apparaît que les notions de débilité mentale et de débilité motrice sont difficilement différenciables autrement que par l’exagération étiologique des perturbations que les auteurs veulent mettre en évidence. Et si la notion de débilité mentale apparaît plus opératoire que celle de débilité motrice, cela tient sans doute à l’utilisation des mesures psychométriques, qui introduisent des normes intellectuelles de réussite liées au système social et éducatif :
« La débilité mentale est un déficit intellectuel global, congénital, irréversible, que les critères du test Binet-Simon situent entre 50 et 70 de Q.I. » (R. Zazzo, ibidem p. 14).
56On pourrait parvenir à une définition toute semblable si le système social et éducatif fixait des normes de réussite aux tests moteurs et psychomoteurs.
57Ce qui en définitive fait la distinction entre concepts de débilité mentale ou de débilité motrice, c’est à la fois la présence (ou l’absence) de normes d’efficience, et le choix des critères pour les mesurer. On ne peut que constater, une fois de plus, la force de la tradition intellectualiste de l’éducation, qui a favorisé la définition et la délimitation du concept de débilité mentale au détriment de celui de débilité motrice, mais d’ailleurs sans permettre de préciser vraiment leurs caractéristiques respectives.
58Le second exemple concerne la distinction que l’on fait souvent entre deux formes d’intelligence, « divergente » et « convergente ». Ces concepts sont dus à Guilford qui confectionna, à partir de 1950, des tests de créativité en vue de pallier les insuffisances des tests traditionnels, qui s’étaient révélés incapables de détecter les aptitudes des personnels stratégiques de l’armée américaine (D. Hameline, 94). Guilford distingue dans l’activité intellectuelle deux groupes de performances ne paraissant pas appartenir au même facteur psychologique. Et il y aurait des sujets « convergents » (converger) et « divergents » (diverger). Ces derniers pouvant être détectés grâce à des tests en « tâche ouverte » (open ended), à réponses illimitées. De là provient l’idée, exprimée en particulier par L. Massarenti (159), que l’intelligence ne serait pas une mais aurait trois visages :
- Une intelligence déductivo-convergente, permettant de rechercher par la déduction la solution d’un problème ne comportant qu’une solution : cette intelligence est convergente en ce que ses démarches convergent sur une réponse unique.
- Une intelligence intuitive, divergente, qui cherche des solutions possibles à un problème donné. Elle est intuitive en ce qu’elle néglige le plus souvent les explications ; elle est divergente en ce qu’elle envisage le plus grand nombre possible de solutions.
- Une intelligence pratique, d’ordre manuel, actif et moteur, s’appliquant à des tâches nécessitant l’usage d’outils. Elle ne cherche pas plus que la précédente à expliquer, et elle se confond avec la réussite ou l’échec, le tour de main.
59De telles distinctions pourraient rester formelles si l’auteur n’ajoutait que le système scolaire privilégie l’intelligence déductivo-convergente, aux dépens des... six autres formes possibles d’intelligence (puisque la combinaison mathématique des trois formes initiales aboutit à sept formes possibles d’intelligence).
60Or les conclusions de l’auteur appellent quelques commentaires. Il ressort de ses analyses que l’intelligence est traditionnellement comprise comme une intelligence convergente, c’est-à-dire scolaire (d’où le problème, soulevé précédemment, relatif aux normes sociales et éducatives qui définissent les exigences du niveau intellectuel). Elle se réduit à une simple activité de compréhension.
61Dans cette perspective, on comprend quelle est la fonction de ce type d’intelligence. Mais quelle sera alors la fonction de l’intelligence divergente ? Enfin, il est difficile de voir en quoi ces distinctions sont plus riches que celles déjà établies par A. Binet. Celui-ci définissait l’intelligence comme une activité de compréhension et d’invention (A. Binet, 243).
62Surtout, c’est enfermer l’intelligence pratique dans des modalités d’exécution très étroites. Car, selon nous, la pratique des activités physiques montre à l’évidence que même l’intelligence pratique peut être divergente ou convergente. Ainsi l’expression corporelle prétend-elle éduquer la créativité motrice (Mmes C. Pujade - Renaud, M. Dumont et M. Bertrand). Toute l’évolution de la pratique sportive le montre également (P. Arnaud et P. Berjaud, 12). La créativité n’est pas réservée à l’intelligence spéculative. Enfin, de telles distinctions, « qu’elles concernent l’intelligence ou la motricité (convergentes ou divergentes), ne valent qu’en tant qu’elles sont indicatrices des processus mis en œuvre pour résoudre des problèmes concrets Elles ne nous renseignent pas sur la nature de ces intelligences. Mieux, elles ne font que renforcer la thèse de la prégnance des normes de conduite dans toute production humaine, qu’elle soit divergente ou convergente » (P. Arnaud, P. Berjaud, 12).
63Comme on voit, ni l’intelligence ni la motricité ne se laissent aisément cerner. Leurs définitions sont irrémédiablement liées aux instruments d’analyse dont nous disposons, c’est-à-dire, en dernier lieu, aux critères préalables qui déterminent leur utilisation.
C – QUESTION D’INTERPRÉTATION
64C’est en tout cas la conclusion que nous devons et croyons devoir formuler après avoir analysé les multiples méthodologies scientifiques qui s’attachent à l’étude de la motricité et de l’intelligence4. Pour plus de clarté nous distinguons parmi elles trois approches ou trois modèles :
- les approches évaluatives qui s’attachent essentiellement à mesurer ou à apprécier objectivement la motricité ou l’intelligence (tests moteurs et tests d’intelligence) ou à mettre en œuvre des formules qui les intègrent (tests psycho-moteurs) ou analysent leurs corrélations5.
- les approches défectologiques qui s’intéressent à leurs déficiences : troubles de l’organisation psycho-motrice (débilité motrice et mentale, instabilité psycho-motrice, apraxies, troubles des apprentissages scolaires), troubles du schéma corporel et de la conscience de soi, privations sensorielles et intelligence motrices et intelligence, localisations cérébrales.
- les approches génétiques de la motricité et de l’intelligence. Si la psycho-pathologie rend compte de ce qui se désintègre, la psychologie génétique s’intéresse à ce qui se construit et à la manière dont cela se construit (genèse de la motricité et du schéma corporel, genèse de l’intelligence).
65Chacune de ces approches montre à l’évidence que l’on peut envisager les rapports entre la motricité et l’intelligence de trois manières, ce qui légitime notre schéma de départ que nous rappelons :
- Indépendance totale et, donc, dualisme. La motricité et l’intelligence se développent selon des lois propres, et l’une ne peut s’enrichir des apports de l’autre.
- Dépendance entre motricité et intelligence, selon une relation qui peut être :
- ou bien de complémentarité : l’intelligence ne peut se développer normalement que si le soubassement corporel offre un terrain sain, non pathologique. Au contraire, toute atteinte motrice retentit sur le développement intellectuel.
- ou bien de filiation : la motricité constitue la source, ou les prémices, de tout développement intellectuel.
- Dépendance entre motricité et intelligence, selon une relation qui peut être :
66Chacune de ces conceptions peut trouver son illustration dans l’un des travaux dont nous avons parlé.
67Ainsi les travaux de psychologie expérimentale font-ils apparaître qu’il n’y a pas de corrélation stable entre les tests moteurs, psycho-moteurs et intellectuels... sauf chez les enfants retardés mentaux6.
68Mais il faudrait savoir ce que mesurent et comparent les tests. Ou, plutôt, ne pas oublier que tout test se réfère à un modèle incomplet du comportement qu’il veut mesurer ou du fonctionnement psychologique qu’il veut étalonner. Sans doute, comme le remarque R. Zazzo, ce modèle a-t-il l’avantage de pouvoir être mis à l’épreuve des faits (288 p. 171). Mais le test ne peut mesurer que ce que l’expérimentateur y a mis. Il n’y a donc pas de définition possible de l’intelligence ou de la motricité par les tests (en dehors des tests eux-mêmes...). L’intelligence, par exemple, n’est pas une, elle peut avoir des points d’application différents et s’exprimer différemment selon le contexte culturel et social. La psychologie génétique nous a permis d’identifier ses formes. La psycho-pathologie dévoile ses troubles partiels. De même pour la motricité. En effet, le test n’est qu’un moyen d’approcher un détail d’une réalité trop complexe pour qu’il puisse l’appréhender totalement. Et, jusqu’ici, l’usage des tests n’a pas permis d’établir de façon convaincante l’existence de relations stables entre les composantes motrices et intellectuelles de la conduite chez les enfants normaux.
69La psychologie génétique aborde la question différemment (ce n’est qu’exceptionnellement (R. Zazzo, 288 p. 172) qu’elle a été à l’origine de la création de tests). Elle a recours à l’étude clinique du développement mental ou du développement de la personnalité, ce qui lui a permis de montrer l’existence d’une relation de filiation entre la motricité et l’intelligence – surtout chez J. Piaget, pour qui l’intelligence est la forme supérieure de l’adaptation biologique. Ainsi se trouverait établie une relation de continuité entre le sensori-moteur et l’opératoire. Ce qui confirmeraient les observations de la psycho-pathologie et de la psychiatrie, puisque, en définitive, tous les troubles intellectuels renveraient à des atteintes du schéma corporel, donc à une déficience dans l’intégration de la motricité.
70Mais gardons-nous des jugements précipités car il y a des objections :
- En premier lieu, on peut se demander si le choix d’une théorie méthodologique ne contient pas en lui-même l’interprétation du comportement. Ainsi la méthode génétique, puisqu’elle enregistre ce qui se construit, ne peut qu’aboutir à l’établissement d’une filiation entre les différentes manifestations de la conduite. Et, si l’on utilise l’approche clinique ou expérimentale, la découverte de stades de développement doit nécessairement suggérer une continuité dans les processus moteurs et psychologiques. Les rapports entre les stades sont donc en vérité postulés, dès le départ, en termes de filiation, même si la théorie met l’accent sur les différences et oppositions, comme c’est le cas chez H. Wallon.
- En deuxième lieu (et à l’opposé de ce qui vient d’être dit) la notion de continuité entre le biologique et le cognitif est loin d’être acceptée unanimement. H. Wallon la refuse. Chaque palier de l’évolution a son originalité. S’il y a une continuité, elle n’apparaît que dans le changement, l’opposition de schèmes contraires. Ainsi H. Wallon oppose-t-il l’intelligence des situations ou intelligence pratique à l’intelligence discursive. La première est évidemment antérieure à toute forme de raisonnement. Elle représente la capacité d’adaptation, d’insertion dans une situation. Elle se confond avec la débrouillardise et l’agilité. Elle se passe du concours de la représentation parce qu’elle est tout entière fondue dans la tâche : elle s’exerce et s’épuise dans le présent, quelle que soit la complexité des détours ou l’ingéniosité des gestes (cf R. Zazzo, 288 p. 175).
71Au contraire, l’intelligence représentative se détache du réel, et elle ne peut apparaître sans l’imitation ni surtout le langage. Entre les deux, point de rapport : l’intelligence représentative n’est pas un perfectionnement de l’intelligence pratique comme le voudrait J. Piaget. Il y a donc, selon H. Wallon, une sorte de dédoublement de l’intelligence, motrice et conceptuelle. Chacune fait cavalier seul, même si certains retours sont parfois nécessaires pour résoudre des problèmes particuliers. Notons cependant que l’hétérogénéité de structure s’allie, selon H. Wallon comme selon J. Piaget, à une unité fonctionnelle de la conduite : « ramené aux contractions musculaires qui le produisent, ou aux déplacements dans l’espace qui s’ensuivent, le mouvement n’est en effet qu’une abstraction physiologique ou mécanique. Le psychologue ne saurait le dissocier des ensembles qui répondent à l’acte dont il est l’instrument » (H. Wallon, 278 p. 129).
72Or le mouvement répond à des nécessités qui ne sont pas celles que l’intelligence doit affronter. L’acte moteur s’insère dans le présent, il cherche le résultat et la satisfaction immédiate. Ce n’est que lorsqu’il est efficient qu’il peut atteindre à la technique, et donc se référer symboliquement à d’autres modèles que lui-même. Et, comme le souligne H. Wallon, ce passage ne s’effectue que dans l’espèce humaine.
73– Une troisième remarque concerne les troubles divers identifiés par la psycho-pathologie. Il paraît exclu qu’on puisse établir une relation de cause à effet entre troubles moteurs, organiques, et troubles intellectuels. C’est ce que montrent par exemple, les études sur les privations sensorielles. De même, les troubles du schéma corporel, invoqués pour expliquer les déficits intellectuels, ne s’associent pas dans tous les cas à des atteintes neurologiques ou organiques. Cela est exclu, tout simplement parce que la conscience de soi est une abstraction, en ce qu’elle renvoie à l’image de son corps et de ses actions. Or, quand on connaît les implications affectives, relationnelles, de la genèse du schéma corporel, on ne peut rester indifférent au modèle explicatif proposé par H. Wallon. Car c’est bien l’émotion, dans ses aspects les plus viscéraux, puis proprioceptifs se résolvant dans la posture, qui est la source première de la pensée, de la conscience de soi et de la conscience d’autrui. H. Wallon est donc, là encore, très éloigné de J. Piaget, qui explique les troubles praxiques par une altération des coordinations entre les schèmes sensori-moteurs. Ainsi J. Piaget pense-t-il que « la somatognosie peut s’inscrire entre les schèmes sensori-moteurs élémentaires (qui comportent la connaissance des mains, etc. mais non pas du corps entier) et les conduites symboliques proprement figuratives (images, etc) et ne requiert, à titre d’instrument figuratif non encore représentatif ou symbolique, que l’imitation elle-même, dont le rôle est précisément d’assurer la liaison entre le corps propre et le corps d’autrui » (J. Piaget, 209 p. 91).
74J. Piaget pousse d’ailleurs beaucoup plus loin ses déductions, en proposant une sorte de parallélisme entre la genèse de l’intelligence et les niveaux d’atteinte pathologique des déficiences intellectuelles, idée qui sera reprise par H. Hecaen et J. Ajuriaguerra (Cf J. Piaget, 209 p. 92). Il y aurait ainsi trois catégories d’apraxies, correspondant à trois paliers génétiques :
- les apraxies sensori-kinétiques, caractérisées par une altération de la synthèse sensori-motrice, mais sans trouble de la représentation de l’acte, correspondraient au palier sensori-moteur.
- les apractognosies somato-spatiales, caractérisées par une désorganisation spatiale des rapports entre le corps et les objets extérieurs, sans troubles sensori-moteurs, mais entraînant des troubles somatognosiques, correspondraient à un palier intermédiaire entre les conduites sensori-motrices élémentaires et les conduites rendues possibles par la fonction symbolique. Leur point de départ se situerait dans l’imitation.
- les apraxies de formulation symbolique, avec une désorganisation de l’activité symbolique (agnosie, troubles de la parole) correspondraient au palier de la représentation, sous son double aspect figuratif et opératif (J. Piaget, 209 p. 92 et p. 93).
75Il n’est pas surprenant, dès lors, que la thérapeutique pédagogique verse tantôt dans le mécanisme, l’instrumentalisme ou l’organicisme, tantôt dans le psychologisme. Est-ce dans le corps et ses actions qu’il faut chercher l’origine des troubles, ou est-ce dans les méandres de l’évolution mentale ? Et comment distinguer entre les deux quand on connaît l’ambiguité de leurs relations ?
76En réalité, on ne sait pas très bien comment on passe du normal au pathologique. Les thérapeutiques pédagogiques, qui s’efforcent de parcourir le chemin inverse, peuvent nous éclairer. Mais cet éclairage, comme dans le cas des tests, ne sera que partiel : il concerne un trouble défini. Et, comme il n’y a pas de relation bi-univoque entre une cause et son effet, on se perdra en conjectures. Le mérite de la psychologie génétique est d’avoir fait entrer l’histoire du sujet, son devenir, dans la pychopathologie. Mais cela ne simplifie pas le problème des relations du corps et de l’esprit. De là, par réaction, l’idée que « si toute chose ou tout être sont le résultat d’une évolution, ne pourrait-on concevoir un processus inverse, d’involution, et ce que nous y observerons de défectueux, ne serait-ce pas le résultat de cette involution ? » (H. Wallon, 285 p. 37).
77Sans doute, mais c’est H. Wallon lui-même qui (avec S. Freud, bien sûr) a fourvoyé la psychologie dans le passé. Si tout s’explique par le passé, par les origines, comme à l’origine se trouve l’affect, l’émotion, on comprend le succès de la psychanalyse dans les techniques de rééducation. On est passé sans ménagement de l’instrumentalisme au fatalisme psychologique, du corps objet au corps désir.
78– notre quatrième remarque concerne le statut que l’on peut accorder à la motricité par rapport à l’intelligence, si l’on retient la théorie instrumentaliste. Car, finalement, la seule théorie explicative est celle de J. Piaget. Nous disons qu’elle est instrumentaliste parce qu’elle démontre que l’intelligence se structure et se différencie par l’action sur les objets. J. Piaget fait effectivement jouer un grand rôle à la main. Que l’on pense aux premiers réflexes, tel celui de la succion, et des premières coordination oculo-manuelles qu’il suscite.
79Comme le fait observer P. Mounoud, « la théorie de base de Piaget consiste à dire que, pour connaître les objets, le sujet doit agir sur eux » (175 p. 18). De cette action découle une double organisation : la coordination des actions et la mise en relation des objets. Toute l’œuvre de J. Piaget s’organise autour de l’acquisition des connaissances, en particulier dans les domaines mathématique et physique. Des études sur la logique de l’enfant à celles sur la genèse du nombre, ou du hasard, ou de la causalité, en passant par les recherches sur le développement des quantités physiques, sur les notions de mouvement ou de vitesse, partout on assiste à une exploitation et à une vérification du modèle théorique proposé par l’auteur sur la formation des connaissances.
80On peut remarquer que, dans toutes ces recherches (sauf celle sur la quadrupédie, dans le chapitre I de la « prise de conscience » – 203), les situations proposées invitent l’enfant à des activités manipulatrices, par l’intermédiaire d’objets ou d’instruments lui permettant de vivre en action réelle les processus de classification, sériation, transformation, groupement, etc, avant de les voir se détacher de cette action réelle pour accéder aux concepts opératoires.
81Comme le fait remarquer encore P. Mounoud, « l’instrument est simultanément un contenu, par rapport aux actions du sujet, et une forme, par rapport aux objets auxquels il s’applique. La signification de l’instrument peut donc être relative à la situation à laquelle il s’applique (situation assimilée par le sujet à un schème comportemental), aux actions auxquelles il s’associe, aux actions auxquelles il se substitue (par conséquence, auxquelles il est assimilé) ») 175 pp. 15 - 16).
82Et J. Piaget s’efforce de démontrer que, si on appelle instrument tout objet que le sujet associe à son action pour l’exécution d’une tâche (ibidem p. 16), il existe une conception de l’instrument propre à chaque âge. A cet égard, on peut distinguer deux catégories d’instruments, ceux qui transmettent les actions du sujet (auxquelles ils s’associent) sans les transformer, et ceux qui les transforment. Quant aux situations expérimentales, elles se partagent également en deux groupes (ibidem p. 16) selon que prévaut l’utilisation de l’instrument ou la construction de l’instrument.
83On peut donc observer l’activité du sujet et, par reconstruction interprétative, retracer les différents niveaux de l’acquisition conceptuelle. A cet égard, le modèle explicatif est constant : à partir des schèmes sensori-moteurs initiaux se construisent des conduites de plus en plus complexes et diversifiées, du fait de l’opposition entre les activités d’accomodation aux objets et les activités d’assimilation des objets aux schèmes constitués. Il y a donc à la fois mise en jeu de structures assimilatrices et structuration des actions. Cette structuration est le fait de processus d’auto-régulation (corrections et contrôles) rétroactifs qui consistent à « informer un système en action sur le résultat de ses actions et à les corriger en fonction des résultats obtenus (J. Piaget, cité par P. Mounoud, 175 p. 19).
84A la lumière des travaux de la psychologie génétique, d’une part, et de ceux de la psychopatologie d’autre part, (concernant les déficiences intellectuelles), il devient tentant d’attribuer tout acquisition de connaissance à des tâtonnements et à des expérimentations du sujet dans la mise en œuvre de ses praxies.
85Placé devant l’univers des objets, l’enfant construit ses actions par l’exploration et la manipulation. Les schèmes de ses actions seront identifiés par observation de leur répétition et de leur généralisation.
86Si on accepte l’idée que la représentation mentale est une action intériorisée dérivant des schèmes sensori-moteurs, et que l’opération est une action intériorisée et réversible, dérivant également des schèmes sensori-moteurs, les implications pédagogiques sont importantes. L’acquisition des connaissances appellera dorénavant des pédagogies corporelles, mettant en œuvre, à propos de notions définies, des situations motrices s’y rapportant, et sollicitant des schèmes conçus comme des actions de classification des objets et du réel. Et c’est bien ce que nous avons constaté.
87Une telle démarche change totalement la didactique scolaire. La matière à enseigner, le contenu à transmettre n’est plus un donné mais résulte d’une construction active du sujet. Ainsi, par exemple, dans le domaine mathématique, on a considéré pendant longtemps que la fonction (par ex. y = f (x)) était un donné appréhensible directement par le sujet. Mais J. Piaget montre (197 pp 9 - 10) que, dans la genèse de la fonction, ce que doit trouver le sujet, ce n’est pas x à partir de Y, mais la fonction elle-même. Or, en proposant au sujet une équation de ce type, on suppose que la notion de fonction est déjà significative pour lui. Mais rien ne nous permet d’affirmer que le sujet appréhende les variables telles qu’on les lui impose. Si l’on veut savoir combien de variables entrent effectivement en jeu, il faut examiner les éléments de la situation telle qu’elle est considérée par le sujet, les indices qu’il utilise, et les « Y » qu’il élabore sont alors l’expression de son comportement à leur égard : ajouter, soustraire, mettre en relation plusieurs variables, etc (J. Piaget, 197 pp 10-11)
88D’autres auteurs, comme H. Aebli, ont tenté de tirer les conséquences, sur le plan didactique, des théories de J. Piaget pour se livrer à une véritable pédagogie comparée (méthode traditionnelle, méthode active) (H. Aebli, 2).
89Dans le domaine thérapeutique également, on a vu éclore et essaimer une multitude de pédagogies corporelles. Elles ont été rendues possibles par les acquis de la psycho-pathologie ou par ses convergences avec la psychologie génétique. Il s’agit, en résumé, de reprendre la construction de l’édifice intellectuel là où elle est présumée s’être arrêtée.
90Qu’on ait affaire à une rééducation corporelle des fonctions mentales, ou à une éducation psycho-motrice, donc à une intervention pédagogique curative ou préventive, on assiste à la mise en œuvre de procédures supposant la conviction implicite que l’exercice de la motricité, rationnellement dispensé, contribue au développement intellectuel ou à l’acquisition des connaissances.
91Il était donc inévitable que l’éducation physique, voulant profiter de cette aubaine, réexaminât ses contenus et ses procédures didactiques, dans le dessein d’affirmer son statut de discipline et de matière d’enseignement à part entière.
92– Cela nous conduit à formuler une cinquième remarque à propos de la nature de la motricité qui est impliquée dans toutes ces recherches. En effet, de quelle motricité s’agit-il ? La motricité instrumentale et manipulatrice est-elle assimilable à la motricité athlétique ou efficiente ?
93Selon nous, on se tromperait à vouloir les confondre – nous pensons ici aux professeurs d’éducation physique plus qu’aux psychologues –. On se tromperait pour cette première raison que les deux motricités ont des finalités hétérogènes. En effet, la motricité instrumentale nécessite une intégration fine des informations sensorielles, perceptives et mentales (que l’on songe à l’apprentissage de l’écriture, au développement du graphisme). Au contraire, la motricité efficiente ne nécessite pas toujours une telle intégration. C’est une motricité primaire, qui vise l’efficience motrice et non l’efficience mentale.
94On se tromperait pour une autre raison encore. Le souci des psychologues étant de rendre compte des faits de conscience, leur approche de la motricité est conçue pour étudier les déterminants des facultés psychiques. Et, bien entendu, nous ne songeons pas à contester les résultats de leurs travaux. Mais sont-ils utiles à la compéhension des problèmes pédagogiques posés par la pratique des activités physiques ? Sur ce point, notre réponse est négative. Car la finalité de l’éducation physique n’est pas de faire accéder aux concepts, ni d’être une propédeutique aux apprentissages scolaires. L’éducation physique a pour tâche de mettre en œuvre des situations motrices sollicitant le corps et ses actions, par la mise en œuvre d’une motricité efficiente qui n’a rien à voir avec les actions instrumentales (classer, ajouter, soustraire, etc.). L’activité du corps propre est donc globale et modélisante pour l’action. Nous aurons à apporter des preuves en faveur de cette distinction – qui est d’ailleurs fortement induite par les travaux que nous avons présentés7.
95– Enfin, et ce sera notre sixième et dernière remarque, il y a actuellement une tendance à définir la connaissance en fonction de la nature des informations qui la rendaient possible. Le concept de conduites cognitives nous paraît opératoire à condition de recouvrir des formes différenciées. En effet, les conduites cognitives peuvent s’exprimer par des voies différentes (verbale, instrumentale, opératoire, motrice, etc..) nécessitant chacune un codage et un traitement spécifiques d’information, en fonction des points d’application de l’activité du sujet. La question est alors de savoir comment s’organise cette information et quels sont les indices ou signaux qui sont privilégiés en fonction de la nature des tâches rencontrées. Après quoi, le rôle de l’éducation, de l’éducation physique en particulier, serait de développer certaines capacités spécifiques de codage et d’information, de même que diverses stratégies dans la résolution de tâches motrices.
96A défaut de trouver dans les sciences des modèles prescriptifs valides, ne faut-il pas examiner d’une manière critique, les rapports qu’entretiennent la Science et la Pédagogie ?
Notes de bas de page
1 L’ouvrage de A. Binet a été publié en 1909, c’est-à-dire à un tournant de l’histoire de l’éducation physique. A cette époque, G. Demeny créait le Cours Supérieur d’Education Physique à Paris, et les préférences de l’Ecole Française d’Education Physique (Joinville) étaient partagées entre la gymnastique suédoise héritée de Ling, la gymnastique aux agrés héritée d’Amoros, d’inspiration militaire, et la pratique sportive naissante. On comprend que l’attention de Binet ait été attirée par les luttes que se livraient les tenants d’une éducation sportive et ceux d’une éducation physique hygiénique. Devant l’intensité de l’engagement physique suscité par le sport, A. Binet, soucieux d’éviter le surmenage physique autant que le surmenage intellectuel, n’applaudissait qu’avec réserve. Ainsi, dit-il :
« Ce n’est pas seulement la gymnastique qu’il faut doser, c’est aussi les sports. Aujourd’hui, le goût des sports est très répandu dans la jeunesse ; c’est une des marques les plus curieuses de notre temps et les plus heureuses ; la bicyclette, l’aviron, le foot-ball, et tous ces autres jeux de pelouse que nous avons empruntés aux Anglais, sont extrêmement en faveur ; le petit écolier chétif, à lunettes, le fort en thème du temps jadis est presque devenu un mythe... Tous les physiologistes ont applaudi à ce mouvement général, ils y ont vu un moyen de régénération pour la race ; les patriotes se sont émus, ils ont été persuadés que cette culture physique intensive nous donnerait de meilleurs soldats. Malgré toutes ces raisons, on commence à remarquer que les excès de sport ne sont point, comme on l’a cru naïvement, toujours favorables à la santé, bien au contraire ».
« Dans les collèges et lycées où la vie sportive est adoptée avec le plus de ferveur, le niveau des études a baissé. C’est là une application d’une règle qu’on peut considérer comme générale ; une certaine dose d’exercice physique est excellente pour l’entretien de la santé, et peut influer aussi par contrecoup, et très légèrement, sur le développement de l’intelligence ; mais quand cette dose est dépassée, il se produit dans l’organisme ce qu’on remarque dans tout budget : une dépense sur un chapitre entraîne une économie nécessaire sur un autre ; en d’autres termes, trop d’exercice physique nuit à la culture intellectuelle ».
(A. Binet, 24 p. 43)
2 Etiologie : ensemble des causes d’un phénomène ; étude des causes des maladies. Nosographie : description et classification des maladies.
3 M. Roger Perron, dans « L’emploi des tests d’intelligence » (in Impact, Science et Société, vol. XXI No 4, Oct-Déc. 1971. UNESCO Paris) rappelle que quinze ans après l’institution de la scolarité obligatoire en France, on commençait à s’émouvoir du nombre excessif d’enfants incapables de suivre cet enseignement ». On parlait donc de repérer les enfants les « moins intelligents » afin de les orienter vers des classes spéciales. Le moyen pratique en fut fourni par A. Binet. Il n’est donc pas étonnant dans ces conditions que « la corrélation entre l’intelligence, ainsi évaluée, et la réussite scolaire, soit élevée ».
Dans la même revue M.A. Wallach indique que lui-même et de nombreux autres psychologues américains ont trouvé de fortes corrélations entre les tests d’intelligence et la réussite scolaire (ibidem pp. 374 - 375).
L’association hâtive de l’intelligence à la réussite scolaire favorise la critique simultanée du système scolaire (l’enseignement est jugé inadapté à l’enfant) et de l’intelligence ainsi conçue.
4 Nous ne pouvons pas, dans le cadre limité de cet ouvrage, présenter les apports respectifs de chacune de ces approches. Pour ces développements, consulter notre thèse : P. Arnaud Le corps a sa raison ou de la finalité de l’éducation physique, 2 tomes, Université LYON II, 28 novembre 1978, 552p.
5 On peut opposer dans tous les cas, les analyses molaires aux analyses moléculaires. Parmi ces dernières bien sûr, figure l’analyse factorielle.
6 cf. J.E. Kane (109), M. Sengstock (230) ou à propos des tests psychomoteurs et des apprentissages scolaires, voir R.A. Rigal (227).
7 La partie proprement expérimentale de nos recherches ne figure pas dans cet ouvrage. Cf. Notre thèse et la bibliographie : P. Arnaud 9 - 11 - 12 k pour l’essentiel.
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