Le contrôle de l’espace et du bâti dans la banlieue montréalaise (1840 - 1914)
p. 153-174
Texte intégral
1L’impact de l’industrialisation sur le processus de l’urbanisation peut être examiné sous diverses facettes. L'une d’elles concerne l'effet de la venue des industries sur l'aménagement de l'espace urbain. On peut l'envisager sous l'angle de la propriété et du contrôle en cherchant à savoir qui ultimement décide et oriente le développement urbain. On peut aussi le faire sous l’angle du produit final, le tissu urbain, et s’interroger sur la qualité de la vie résultant du processus. L’objet de la présente communication concerne plus particulièrement le premier aspect.
2Deux types de questions seront envisagés ici. Le premier est relatif à l’aménagement initial de la ville. Qui dirige l’organisation de l'espace : l'industriel lui-même ou d’autres agents économiques ? Quelle est la nature de son contrôle et comment l’exerce-t-il ? Le second concerne la relation au bâti. Qui, une fois la ville aménagée et construite, contrôle les immeubles résidentiels et la qualité des logements ? Quelle part les travailleurs ont-ils à cette étape du processus ? Quelles relations s'établissent entre ceux qui contrôlent l’espace et le bâti et l’ensemble de la population urbaine ?
3Ces questions je les examinerai à travers le processus de création d'un nouveau tissu urbain, c'est-à-dire, essentiellement à la périphérie de l'espace déjà urbanisé. J'utiliserai comme cas-type une ville industrielle de la banlieue montréalaise. Maisonneuve1. Créée par un groupe de promoteurs en 1883, alors qu'elle n'était encore qu'un territoire péri-urbain, cette municipalité est devenue à la veille de la première guerre mondiale, la plus importante banlieue industrielle de Montréal. On y trouve alors une concentration d'industries représentatif des secteurs variés : raffinage du sucre, confiserie, métallurgie, textile et chaussure. Dans ce dernier cas, on assiste à un déplacement de nombreux fabricants de chaussures vers Maisonneuve, ce qui amène l'implantation dans la ville d'une usine de machinerie pour la fabrication des chaussures et d'établissements connexes (formes pour les chaussures, boites).
4Certaines des données relatives au développement urbain à Maisonneuve pourront être comparées avec des informations similaires concernant d'autres parties de l’espace montréalais. Il existe une étude sur la propriété foncière en 18252. Le géographe David Hanna a examiné la formation d’un nouveau secteur de Montréal dans les années 1840-18703. Des renseignements sont également disponibles sur d’autres municipalités de la banlieue montréalaise.
5Il est par ailleurs possible d’élargir la perspective et de s’aventurer du côté de l’histoire comparée, en mettant en relation le cas de Montréal avec celui de Paris. Pour ce faire on peut compter sur l’étude de Jean Bastier4 mais les éléments les plus utiles émanent certainement des travaux de Gérard Jacquemet5.
L'aménagement de l’espace urbain
6L’implantation d’une ou de plusieurs entreprises industrielles, en exigeant la venue d’une nouvelle main-d'œuvre, crée une demande de logements, à laquelle l’entrepreneur industriel ne peut rester indifférent. Parfois il doit même prendre en charge cette dimension de l’aménagement urbain. Le cas ultime est celui de l’entreprise industrielle qui achète non seulement les terrains requis pour ses usines mais également un territoire beaucoup plus vaste qu’elle fait lotir et sur lequel elle fait ériger des maisons qui seront ensuite louées aux ouvriers et au personnel cadre. Ce type de situation est cependant peu répandu et relativement bien circonscrit dans le temps et dans l’espace.
7Au Québec on ne retrouve une telle participation de l’industriel à l’aménagement urbain que dans les villes d’entreprises et il s’agit presque toujours de villes nouvelles. C’est ainsi qu’en 1874 la construction d’une filature entraîne la création de Valleyfield. A la fin du siècle, une importante société d'électricité crée de toutes pièces une ville nouvelle à Shawinigan. Et il en est de même au milieu des années 1920 quand des entrepreneurs américains érigent au Saguenay, non seulement une aluminerie mais une nouvelle municipalité qui portera le nom de Arvida. Ce type de situations se retrouve cependant surtout dans les villes minières du moyen nord et du grand nord, créées après la Deuxième Guerre Mondiale. Là, l’éloignement du reste de l’espace urbanisé québécois explique que la compagnie doive entièrement prendre en charge l’aménagement du territoire et la construction domiciliaire.
8Sauf de rares exceptions, il n’y a guère d’équivalents dans les grandes villes, et singulièrement à Montréal, qui, au début du XXe siècle, assure entre la moitié et les deux tiers de la production industrielle du Québec. On constate, en effet, que les industriels qui investissent dans une zone déjà urbanisée, n’ont pas à s’occuper directement de l’aménagement urbain. Il y a déjà des agents économiques spécialisés en ce domaine, qui sont en mesure de prendre les choses en mains. Le champ foncier et immobilier possède des caractéristiques et des mécanismes qui lui sont propres tout en s’inscrivant dans le contexte général du capitalisme. On découvre nettement l’existence, à côté d’un capital industriel ou commercial, d’un capital foncier et immobilier qui contrôle l'espace et le bâti et qui imprime les orientations du développement. Louis Bergeron fait le même constat pour la France.
« Enfin la propriété foncière et immobilière est au cœur de la croissance capitaliste par la part qu’elle prend à la grande poussée des villes au XIXe siècle. Les opérations d’urbanisme, la construction urbaine ont été peu étudiées sous l’angle des investisseurs et des bénéficiaires : pourtant, quel puissant groupe capitaliste, discret mais efficace, que celui des propriétaires de terrains et d’immeubles urbains et des promoteurs de la transformation urbaine »6.
9Il importe d’abord d’en arriver à une typologie du phénomène. L’exemple de Maisonneuve m’avait déjà amené à en proposer une7. Je voudrais ici compléter et préciser cette première ébauche. Celle-ci suppose une clarification du vocabulaire et une identification plus précise des intervenants dans le secteur foncier et immobilier. A cet égard, l’emploi du vocable spéculateur, que l’on retrouve dans de nombreux travaux, risque de créer une certaine confusion. A mon avis, il faut établir une distinction plus nette entre le spéculateur proprement dit et le promoteur. Le premier est un intermédiaire pur qui se contente d’acheter et de vendre des propriétés en misant sur une hausse éventuelle de leur valeur. Il ne peut expliquer son profit que par sa perspicacité à prévoir l’usage d’un site.
10Le promoteur, quant à lui, ne se contente pas d’attendre la hausse de la valeur des terrains. Il tente de la provoquer en agissant sur l’orientation du développement urbain. Contrairement au spéculateur, il est un véritable entrepreneur en aménagement de l’espace. Son action consiste à mettre en valeur un site dont il est le propriétaire en structurant ou en restructurant l’espace. Il réalise, par exemple, un lotissement et, par le choix qu’il fait à ce moment-là, oriente le type d’aménagement qui sera réalisé sur son terrain : soit une multitude de petits lots en vue d’un peuplement populaire, soit un nombre restreint de lots de dimension plus considérable destinés à une population bourgeoise, avec aussi toute une gamme des situations intermédiaires. Pour rendre sa propriété plus accessible, il fait tracer des rues, il tente d’orienter le choix de la localisation des lignes de chemin de fer ou de tramways, il influence le type d’environnement dans lequel pourra s’insérer sa propriété. Il doit en outre s’assurer d'appuis politiques afin que la municipalité accepte ses projets. Avant la Première Guerre Mondiale, l’interventionnisme de l’administration est d’ailleurs assez limité et laisse beaucoup de latitude à l’entreprise privée. Le promoteur est le véritable planificateur de l’aménagement, la municipalité ayant un rôle de tampon approbateur et de fournisseur de services publics. Il est beaucoup plus qu’un spéculateur, même s’il empoche lui aussi sa part du produit de la spéculation.
11Il faut aussi faire une autre distinction entre promoteur foncier et promoteur du bâti, qui représentent chacun une étape différente de l’aménagement de l’espace urbain. L’un vend des terrains, l’autre des édifices. Le promoteur foncier achète une vaste terre en territoire péri-urbain qu’il aménage en vue de la convertir à un usage urbain. Il réalise son profit en obtenant pour les parcelles qu’il a créées un prix bien supérieur à son prix d’achat. Il lui arrive, parfois, de construire quelques édifices mais ces opérations ne portent généralement que sur une petite partie de ses terrains. Le promoteur du bâti, de son côté, achète du spéculateur ou du promoteur foncier un espace aux dimensions beaucoup plus restreintes, sur lequel il érige un ou des édifices qu’il pourra ensuite revendre ou louer.
12Dans le premier cas, l’investissement est à très long terme et l’ensemble des opérations foncières, sur un espace donné, peut s’étendre sur plusieurs décennies. Dans le second, on peut compter sur des revenus beaucoup plus rapides qui commencent à rentrer dès que la construction est terminée. Les exigences en termes de capital et de connaissances techniques ne sont pas les mêmes dans les deux cas, et on ne sera pas surpris de retrouver des individus de profession différente à chacune de ces deux étapes. La promotion foncière est le plus souvent le fait d’hommes d’affaires ayant déjà accumulé du capital dans le commerce, l’industrie ou la finance, alors que la promotion du bâti implique, en plus forte proportion, des entrepreneurs en construction et des artisans du bâtiment.
13Il faut enfin distinguer les promoteurs individuels des sociétés immobilières. A Paris, les sociétés prennent, dès 1860, une place importante dans les activités foncières et immobilières, et au début du siècle, elles sont nettement dominantes8. A Montréal, il y a, à cet égard, un certain décalage. Les promoteurs individuels restent importants tout au cours du XIXe siècle. A partir des années 1860, on voit fréquemment certains d’entre eux se regrouper, pour mettre en valeur un nouveau quartier urbain, mais de telles associations prennent rarement la forme de sociétés par actions. D faut attendre le tournant du siècle, pour voir les sociétés foncières ou immobilières prendre une place plus importante dans le paysage urbain.
14Ces éléments de typologie étant précisés, passons maintenant à l’examen de quelques exemples montréalais pour la période 1840-1914.
15Le géographe David Hanna étudie le processus de formation d’un nouveau quartier à Montréal, au milieu du XIXe siècle, dans le secteur nord-ouest de la ville, aux abords du Mont Royal. A cause de son élévation, c’est un site de choix qui domine les parties basses de la ville. A compter des années 1840, un groupe de promoteurs y est à l’œuvre en vue de créer une véritable ville nouvelle destinée à une clientèle bourgeoise et petite-bourgeoise. Ce territoire était depuis longtemps consacré à l’agriculture mais, au début du XIXe siècle, les magnats du commerce des fourrures, qui dominaient incontestablement l'économie montréalaise, y avaient acheté de vastes terres, chacun se construisant une villa entourée de jardins et laissant le reste en culture. Mais après 1825, la fourrure cesse d’être l’activité économique principale à Montréal et une nouvelle génération d’hommes d’affaires fait l’acquisition de ces terres. Il s’agit principalement de marchands qui se sont enrichis grâce à l’expansion considérable du commerce d’import-export et qui, au début des années 1840, procèdent au lotissement de leurs terres.
16Ils font deux types de subdivisions. Dans la partie située au nord de la rue Sherbrooke, le terrain est en pente et offre la plus belle vue. On y découpe des parcelles assez vastes destinées à recevoir les villas des riches bourgeois. Dans la partie au sud, on se trouve sur un plateau. On subdivise en lots plus petits, avec toutefois suffisamment d’espace pour ouvrir de larges rues et pour offrir un environnement agréable. Ici on visera plutôt la construction de maisons en rangées destinées à une clientèle de marchands, de membres de professions libérales et de hauts fonctionnaires. Les promoteurs choisissent un nouveau mode de division de l’espace rompant avec la tradition française qui avait caractérisé jusque là les lotissements montréalais. On a prévu des squares, des rues ouvrant sur des perspectives, des terrains de dimensions plus considérables permettant de construire en retrait du trottoir et des ruelles desservant l’arrière des lots. Ce nouveau mode d’aménagement deviendra dès lors typique de toute la division de l’espace à Montréal, sur les nouveaux territoires urbanisés9.
17L’objectif de ces promoteurs reste la vente de terrains. Sauf une exception, ils ne s'impliquent pas dans la construction domicilaire. Celle-ci est le fait d’un groupe distinct de promoteurs qui achètent une rangée de lots et construisent un ensemble de maisons. Ils mettent surtout en chantier des « Terrace Houses » d’inspiration britannique comprenant généralement de quatre à quatorze unités de logements. Une cinquantaine de ces terrasses sont construites entre 1844 et 1871. Les premiers promoteurs du bâti sont, tout comme les promoteurs fonciers, des marchands investissant les revenus du commerce dans la propriété immobilière. Mais, à partir des années 1850, les constructeurs proprement dits, artisans ou entrepreneurs en construction, se font de plus en plus nombreux au sein du groupe et, au total, leur nombre est à peu près égal à celui des marchands. Quelques individus viennent d’autres horizons professionnels (industrie, professions libérales) mais ils sont peu nombreux. On ne relève qu’un seul architecte, George Brown, qui, après avoir construit plusieurs édifices gouvernementaux au Canada, se lance dans la construction domiciliaire10.
18Cette relative absence des architectes au sein du groupe des promoteurs, paraît d’ailleurs caractériser toute l’histoire du développement urbain à Montréal, jusqu’à la première guerre mondiale11. Les architectes semblent préférer travailler au service des promoteurs plutôt que d’investir eux-mêmes dans de tels projets. En ce sens, la situation est différente de celle de Paris où Gérard Jacquemet relève un certain nombre de cas d’architectes promoteurs12.
19A Maisonneuve, une poignée de promoteurs obtiennent, en 1883, que les terrains qu’ils possèdent soient constitués en une municipalité autonome. Ce territoire est encore nettement dans la zone péri-urbaine à ce moment, puisqu’il se trouve à un kilomètre et demi de la limite de l’espace urbanisé montréalais, et à quatre kilomètres et demi du centre de la ville. Les promoteurs sont ici des hommes d’affaires qui ont accumulé du capital dans d’autres secteurs de l'économie et qui investissent, quelques-uns depuis plusieurs années déjà, dans la propriété foncière. Le plus actif est Alphonse Desjardins qui est à la fois avocat, homme politique, industriel (tuileries) et financier (président de banque et lié au Crédit Foncier). Il achète des terrains sur le futur territoire de Maisonneuve dès 1874. Sa première épouse, fille d’un riche marchand, avait également investi dans l’affaire. Le père de sa seconde épouse, Joseph Barsalou, marchand devenu industriel (savon), est lui aussi au nombre des promoteurs et devient le premier maire de la municipalité. Il y a en outre la famille Letoumeux, active depuis longtemps dans le commerce. Quant à Charles-Théodore Viau, c’est un industriel de l’alimentation (biscuiterie) qui se lance, à son tour, dans la promotion foncière. D’autres se joignent à eux en cours de route, en particulier après 1900, alors qu’une nouvelle vague de promoteurs, souvent groupés en société par actions, fait l’acquisition de vastes terrains dans la ville et vient donner un nouveau souffle à l’activité de promotion. Ces opérations s’étendent souvent sur plusieurs décennies. Alphonse Desjardins par exemple, qui est impliqué depuis 1874, reste actif dans ce domaine jusqu’à sa mort en 1912, et ses enfants poursuivent l’affaire, par la suite.
20Ces promoteurs obtiennent donc la création d’une municipalité distincte où ils pourront se livrer à leur guise aux opérations d’aménagement qu’ils projettent. Cet espace n’a encore de ville que le nom, puisqu’on n’y trouve guère plus de 350 habitants, et que la plus grande partie du territoire est encore consacrée à l’agriculture. L’objectif des promoteurs est bien clair : il faut urbaniser le tout, subdiviser en milliers de lots les grandes terres agricoles, pour les revendre ensuite à de petits propriétaires qui feront ériger des résidences. Pour cela, il faut l’appui du conseil municipal. De ce côté, aucune difficulté, puisque la ville est, en quelque sorte, la création des promoteurs et que ceux-ci veillent à leurs intérêts en s’assurant de déléguer l’un d’entre eux au conseil. Pendant les trente-cinq ans d’existence de la municipalité, on trouvera toujours, sauf pendant trois ans, au moins un des grands propriétaires siégeant à titre de maire ou de conseiller. Les autres élus municipaux partagent généralement avec les promoteurs des objectifs de croissance.
21Pour assurer l’accessibilité de ses lots, chacun des grands propriétaires signe avec le conseil une entente, en vertu de laquelle il cède gratuitement à la municipalité le terrain requis pour l’ouverture des rues, et obtient en retour un régime de taxation privilégié pour la durée de vingt ans. Les frais de construction des rues seront payés par la municipalité. Mais il ne suffit pas de rendre les terrains accessibles, encore faut-il y attirer des résidents. C’est dans ce contexte que se situent, par exemple, les investissements religieux des promoteurs. Desjardins donne gratuitement le terrain pour la construction de l’église. Viau fait de même, ainsi que pour l’école et il s’engage à assurer l’entretien du curé pendant la phase initiale du démarrage de sa paroisse. La proximité d’une église est alors un facteur pouvant contribuer à attirer une population nouvelle. Le don d’un terrain sera ensuite largement compensé par la vente des lots.
22Mais pour que les individus se déplacent ainsi il faut surtout leur assurer un emploi en stimulant la création d’activités économiques. Pour atteindre leur objectif les promoteurs choisissent la voie de la croissance par l’industrie. Maisonneuve sera donc une ville industrielle et une ville ouvrière. On met au point une politique de subventions en argent et de concessions fiscales accordées généreusement aux industriels qui choisissent de s’implanter à Maisonneuve et dont la venue attirera des ouvriers comme résidents de la ville. Le démarrage est lent à cause de la conjoncture économique de la fin des années 1880 et du début des années 1890. Mais les promoteurs savent attendre. A compter de 1896, leurs projets prennent forme. En une quinzaine d’années, un grand nombre d’entreprises montréalaises à la recherche de terrains en vue d’agrandir leurs installations, s’orientent vers la banlieue. Vers 1910 Maisonneuve est devenue une des plus importantes villes industrielles du Québec. La population massivement ouvrière atteint 18.684 habitants en 1911. Les dirigeants municipaux, fiers de cette croissance rapide, affublent leur ville du titre « La Pittsburgh du Canada ».
23Mais à ce moment-là, les préoccupations d’embellissement des villes, ont pris de plus en plus d’importance en Amérique du Nord. Cela coïncide d’ailleurs, avec la montée d’une nouvelle vague de promoteurs à Maisonneuve qui, à leur tour, se retrouvent au conseil municipal. Ils lancent la ville dans un ambitieux programme de construction d’édifices publics aux prétentions esthétiques, de grands boulevards et d’un grand parc à vocation métropolitaine. Après la promotion par l’industrie, on passe à la promotion par l’embellissement et la « Pittsburgh du Canada » devient le « Jardin de Montréal ». Les effets de cette politique sur le peuplement de la ville, restent cependant plus limités car, dès 1913, le marché foncier dans les grandes villes nord-américaines s'affaisse, après une poussée de très forte croissance et le Première Guerre Mondiale vient mettre un frein pour plusieurs années à toute expansion significative. Criblée de dettes, la ville de Maisonneuve est annexée à Montréal en 1918.
24Les promoteurs, eux, ont bien tiré leur épingle du jeu. Ils ont vendu un grand nombre de terrains pour les usines et pour la construction résidentielle dans la partie sud de la ville. Quant aux terrains de la partie nord qui se vendaient moins bien, ils les ont habilement refilés à la municipalité, à très fort prix, dans le cadre des projets de grandeur mis en œuvre à compter de 1910. Ce sont les promoteurs qui ont véritablement fabriqué Maisonneuve, en lui imprimant une orientation, et en poursuivant activement un projet d’aménagement de l’espace et de peuplement du territoire13.
25A Maisonneuve, les promoteurs fonciers font des opérations sur le sol et ne se préoccupent guère du bâti. Desjardins fait construire quelques maisons et Charles Théodore Viau cherche à donner à son développement une certaine unité architecturale en exigeant de tous les acheteurs de terrains qu’ils érigent des maisons avec façade en pierre grise. Mais, dans l’ensemble, ce sont les petits propriétaires, acquéreurs de terrains, qui se chargeront de faire ériger les résidences.
26De nombreuses autres petites municipalités sont ainsi créées dans la banlieue montréalaise dans les dernières décennies du XIXe siècle. Dans tous les cas examinés jusqu’ici, on trouve un promoteur ou une équipe à l’origine du développement de la ville. Deux autres exemples méritent d’être mentionnés.
27Dans le sud-ouest de Montréal, un secteur qui forme le cœur industriel de la métropole, le long de cet axe de communications extrêmemement important qu’est le canal de Lachine, la petite municipalité de Sainte-Cunégonde est érigée en 1876. Son territoire recouvre la terre de 78 arpents qu’ont achetée en 1864 les promoteurs Alexandre-Maurice Delisle et William Workman. Le premier est un avocat très actif en politique, haut fonctionnaire à Montréal et pendant longtemps l’un des commissaires chargés d’administrer le port de Montréal, Il investit dans plusieurs domaines : propriété foncière, chemins de fer, banques, ponts à péage. Quant à William Workman il est grossiste en quincaillerie et investit dans l'industrie, les chemins de fer et la propriété foncière. Il sera maire de Montréal de 1868 à 1871. Delisle et Workman font lotir leur propriété de Sainte-Cunégonde. La population, surtout ouvrière, est d’un peu moins de 5.000 en 1881 et de près de 11.000 en 191114.
28Dans le village de Saint-Jean-Baptiste, situé immédiatement au nord des limites municipales de Montréal on voit à l’œuvre une équipe de promoteurs qui s’associent en 1872 pour faire l’acquisition d’une vaste propriété. Il s’agit des avocats Sévère Rivard et Gustave-Adolphe Drolet, de l’entrepreneur en construction Ferdinand Conon David et de l’architecte Michel Laurent15. Un biographe de Drolet décrit ainsi les travaux entrepris :
« Borné au nord par d’immenses terrains marécageux qui commençaient où se trouve la rue Roy, M. Drolet et ses amis résolurent de combler tous ces marécages, de niveler ces terrains, de continuer la rue St-Denis à travers toute l’île de Montréal, de tracer de nombreuses rues latérales, en un mot d’ériger sur ces terrains incultes un immense quartier nouveau »)16.
29Les associés s’occupent surtout de vendre des lots mais ils font également construire plusieurs maisons. Ils les vendent par la suite car, en 1885, ils n'en possèdent plus que quelques-unes17. Comme leurs homologues de Maisonneuve, les promoteurs de Saint-Jean-Baptiste se préoccupent de l’investissement religieux. Ils donnent gratuitement à l’évêché un terrain comprenant 20 emplacements « avec entente qu’on y construirait une église pour les catholiques romains et à la condition que les donateurs ne paieraient aucune taxe d’église dans l’avenir »18. Saint-Jean-Baptiste qui n’avait encore que 5.874 habitants en 1881 voit les effectifs de sa population bondir à 15.423 en 1891 et à 26.754 en 1901.
30Ainsi, au nord tout comme à l’est et à l’ouest, les promoteurs jouent un rôle déterminant dans l’expansion de la banlieue montréalaise et dans l’aménagement de l’espace urbain. Mais une fois le territoire organisé et les terrains vendus qu’advient-il de la propriété ?
Le contrôle du bâti
31Quand on passe du contrôle du sol à celui du bâti, on constate la présence d’un nombre plus grand d’intervenants étant donnée l’existence des petits propriétaires. Ces derniers restent cependant une minorité au sein de la population puisque, tout au cours du XIXe et du XXe siècles, Montréal et les principales villes de sa banlieue sont caractérisées par la présence d’une très forte proportion de locataires. Le phénomène remonte d’ailleurs au moins au début du XIXe siècle. Nous avons pu le constater pour l’année 1825, alors qu’un recensement de la propriété indique que, dans la ville de Montréal, près de 70 % des chefs de ménage sont locataires19.
32La situation ne s’est guère améliorée au début du siècle suivant puisque, étudiant la période 1897-1929, l’historien Terry Copp déclare que « plus de 80 % des Montréalais habitaient des logements loués et l’absentéisme des propriétaires était de règle »20. A Maisonneuve, le phénomène est encore plus accentué. Le rôle d’évaluation de la municipalité pour 1911-1912 relève 3.850 chefs de ménage. De ceux-ci, 89,9 % sont locataires et seulement 10,1 % sont propriétaires de leur logement.
33Comment expliquer cette situation ? Le premier facteur, qui peut se vérifier dès 1825, renvoie au mode de formation de la population montréalaise. Celle-ci connaît en effet des poussées périodiques de croissance alimentées principalement par les migrations. Dans la première moitié du XIXe siècle, il s’agit d’une immigration d’origine britannique et principalement irlandaise où, à côté des quelques fils ou neveux des grands marchands, arrivent par milliers des personnes sans le sou qui viendront former le nouveau prolétariat montréalais. Celles-ci n’ont évidemment pas les moyens d’acquérir une propriété. Dans la seconde moitié du siècle, l’immigration d’origine britannique connaît un net ralentissement à Montréal mais elle est relayée par la venue de milliers de ruraux canadiens-français, en surplus dans les exploitations agricoles. Ceux-ci sont tout aussi désargentés que leurs prédécesseurs irlandais et n’ont pas, au point de départ, les ressources voulues pour acheter une maison. Au début du XXe siècle, cette migration intérieure francophone se poursuit avec vigueur et se double d’une reprise de l’immigration étrangère, en provenance là encore des Iles britanniques mais aussi, et de plus en plus, de l’Europe de l’Est et de l’Europe du Sud. Les immigrants juifs qui viennent alors de l’Empire russe ou de l'Empire austro-hongrois, arrivent généralement en Amérique avec de très maigres ressources et doivent eux aussi se contenter d’emplois mal payés. Ainsi tout au cours de la période, il existe à Montréal une importante population venue de l’extérieur, représentant une migration de la pauvreté et de la misère.
34Mais on pourrait penser qu’après une ou deux générations les descendants de ces migrants, ayant acquis certaines épargnes, soient en mesure de faire l’acquisition d’une maison. Or, tel n’est pas le cas puisque la grande majorité de la population reste locataire.
35La structure économique de la ville et le type d’emplois qu’elle offre sont ici en cause. La classe ouvrière montréalaise de la fin du XIXe et du début du XXe siècles vit en réalité dans une culture de pauvreté, comme le montre bien l’historien Terry Copp. Le revenu du travailleur est généralement bien insuffisant pour faire vivre une famille et il lui faut recourir à divers expédients, y compris le travail de ses propres enfants, pour joindre les deux bouts. Deux aspects de l’économie montréalaise doivent être mis en lumière à cet égard. Le premier relève des conditions climatiques. Montréal est un grand port de mer et joue un rôle important dans le commerce international des denrées agricoles et des matières premières. Une part significative de sa population active, qu’il est cependant difficile de chiffrer avec précision, a un emploi relié directement ou indirectement aux activités portuaires. Or, parce que le fleuve est gelé en hiver, le port est à toutes fins utiles fermé pendant quatre à cinq mois de l’année, privant ainsi ces travailleurs d’un revenu substantiel. Les conditions climatiques affectent d’ailleurs tout aussi fortement les travailleurs de la construction qui représentent plus de 10 % de la main-d'œuvre. En hiver on ne construit pas à Montréal, du moins à cette époque, de sorte que pour eux également le chômage saisonnier vient gruger les revenus accumulés au cours de la belle saison.
36Si l’on regarde du côté de l’industrie, l’on constate que le travailleur montréalais est tout aussi défavorisé. La ville contient en effet une forte proportion d’industries ayant recours à une main-d'œuvre sans qualifications et versant de bas salaires : le textile, le vêtement, la chaussure, le tabac et plusieurs productions alimentaires. On y trouve certes des entreprises à plus haute technologie mais elles sont proportionnellement beaucoup moins importantes que dans une ville comme Toronto par exemple. L’addition du chômage saisonnier et du travail à bas salaire a un effet dépressif sur les revenus familiaux et sur les conditions de vie de la classe ouvrière21. D'autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte, comme la taille des familles canadiennes-françaises qui accroît le fardeau financier du chef de ménage. Comment, dans ces conditions, un travailleur montréalais pourrait-il faire l’acquisition d’une maison ?
37Ces explications, valables pour l’ensemble de Montréal, le sont également pour Maisonneuve. Ville nouvelle, celle-ci se forme à partir d’une population migrante massivement canadienne-française. Près de la moitié (48,9 %) de la population active y travaille dans l’industrie. Maisonneuve rassemble un grand nombre de manufactures de chaussures qui emploient au total 12 % de la population active de la ville22. Les journaliers (14,2 % des chefs de ménage) et les travailleurs de la construction y sont nombreux23. Ajoutons enfin que Maisonneuve est située en bordure du fleuve et que l'administration portuaire y érige d’importants quais au tournant du siècle. Manifestement, le chômage saisonnier et l’industrie à bas salaires sont présents à Maisonneuve et permettent d’expliquer en partie pourquoi neuf résidents sur dix sont locataires.
38Tournons-nous maintenant vers les propriétaires. Qui sont-ils ? Assiste-t-on à ce niveau à une concentration de la propriété résidentielle ? Une source permet de répondre à ces questions : le rôle d’évaluation dressé annuellement par la municipalité. En l'examinant pour l'année 1911, nous pouvons cerner le phénomène vers la fin de la période de forte croissance de la ville, alors que la population dépasse les 18.000 habitants.
39Le rôle d'évaluation est surtout utile pour l’étude des propriétaires résidant dans leur propre maison. On connaît alors, outre leur nom, leur âge et leur profession24. Examinons la répartition selon les secteurs d’activité économique des principales professions des propriétaires résidents. (Voir le tableau en annexe). On constate d’abord que près du cinquième d’entre eux sont liés au monde de la construction. La situation est partiuclièrement nette dans le cas des divers entrepreneurs en construction (6 % du total) : quatre sur dix sont propriétaires. Quant aux artisans de la construction, leur propension à posséder une maison est beaucoup moins élevée et se rapproche de la moyenne générale de la ville qui est de 10,1 %. Les menuisiers représentent d’ailleurs la profession la plus souvent représentée chez les propriétaires résidant dans Maisonneuve (8,3 %), mais seulement 11 % d’entre eux sont propriétaires. Pour ces travailleurs de la construction, l’accès à la propriété est probablement facilité du fait qu’ils peuvent réduire leurs coûts d’achat en contribuant eux-mêmes à la production de leur résidence.
40Le deuxième groupe qui se dégage est celui du petit commerce : marchands, épiciers, bouchers, etc., représentant eux aussi près du cinquième des propriétaires. Ils ont beaucoup plus tendance que l’ensemble de la population à faire l’acquisition d’une maison. Le même phénomène se constate chez les membres des professions libérales même si avec leurs effectifs restreints, ils ne représentent que 3,2 % des propriétaires résidents. Avec 8 %, les rentiers forment quant à eux un bloc beaucoup plus important.
41La proportion d’industriels qui sont propriétaires atteint 27 % ; elle baisse à 13 % pour les gérants et à 11 % pour les contremaîtres. Chez les travailleurs, la possibilité de devenir propriétaire reste très faible. Les journaliers qui représentent 14,2 % de tous les chefs de ménage recensés, ne sont plus que 7,5 % chez les propriétaires avec seulement 5 % d’entre eux au sein de cette catégorie. Chez les cordonniers, nombreux à Maisonneuve, de même que chez les machinistes, les propriétaires ne représentent que 4 % des chefs de ménage.
42Ainsi l’accès à la petite propriété reste un phénomène marginal parmi la population ouvrière de Maisonneuve, même si l’on retrouve un certain nombre de travailleurs au sein du groupe des propriétaires résidents. Le contrôle de l’espace bâti repose proportionnellement beaucoup plus dans les mains de la petite bourgeoisie locale : commerçants, entrepreneurs, rentiers et membres des professions libérales.
43Ces propriétaires que nous venons de classer d’après leur profession n’ont évidemment pas tous la même importance. Certains pouvant posséder une seule maison à trois logements, d’autres ayant des rangées de maisons et contrôlant quatre ou cinq fois plus de logements. Le journalier a-t-il à cet égard le même poids que le commerçant ? Pour y voir plus clair, examinons plus en détail la situation de quelques-uns des propriétaires résidents qui possèdent des maisons sur la terre du promoteur Alphonse Desjardins (terre no 14)25. On peut d’abord se demander si le promoteur lui-même est intervenu dans le champ de la propriété résidentielle. On constate que vers 1910-1911, la famille Desjardins ne possède essentiellement que des terrains non bâtis, ce qui confirme la distinction que nous avons établie entre les promoteurs du sol et les promoteurs du bâti. Quelques membres de la famille Desjardins ont fait ériger pour leur usage personnel de belles résidences sur le boulevard Pie-IX. Un seul, L.E. Desjardins, possède un ensemble de six logements évalués à un total de 6.000 dollars. C'est donc bien peu de choses.
44Si l’on élimine les usines, les écoles, l’église et les autres édifices publics, on trouve en 1910 sur la terre Desjardins 419 logements. La très grande majorité de ceux-ci est utilisée à des fins résidentielles et quelques-uns sont loués à des fins commerciales, plus particulièrement au rez-de-chaussée des maisons situées sur les rues commerçantes de la ville26. Ces 419 unités appartiennent à 74 individus. Cependant, si l’on tient compte du fait que, dans six cas, deux personnes sont conjointement propriétaires d’un même édifice et que l’on élimine ces comptes doubles, on obtient un chiffre de 68 propriétaires. Près de la moitié d’entre eux, soit 33, occupent eux-mêmes un local dans l’édifice qu’ils possèdent. La petite propriété domine dans la majorité des cas : 32 possèdent de un à quatre logements et 27 autres en ont entre cinq et neuf. Seulement 9 propriétaires possèdent 11 logements et plus ; le maximum étant de 31.
45Il y a très peu de résidences unifamiliales ; dans le cas présent, seulement six. Le petit propriétaire typique à Maisonneuve possède une maison dans laquelle il habite, généralement au rez-de-chaussée, avec deux, trois ou quatre locataires, ou encore une rangée de deux ou trois maisons, guère plus. Télesphore Vincelette, un journalier de 46 ans occupe seul sa maison évaluée à 1.200 dollars et il en est de même pour le charretier Lucien David dont l’évaluation atteint cependant 2.200 dollars. Charles Roberge, un menuisier de 45 ans, fait un peu mieux avec une propriété de 3.500 dollars dans laquelle il vit entouré de trois locataires. Un autre menuisier, Jean Gauthier, 32 ans, réside dans une maison de trois logements appartenant à sa femme et évaluée à 3.500 dollars. Le rentier Olivier Mirault, 69 ans, possède sur la rue Adam, une propriété d’une valeur de 4.500 dollars comptant cinq loyers, dont un qu’il occupe lui-même. Son voisin, E.J. Brisson, lui aussi rentier, âgé de 60 ans, habite sa propriété avec trois locataires (valeur de 4.200 dollars).
46A un niveau plus élevé, l’épicier L. Montplaisir, 32 ans, a une propriété évaluée à 8.000 dollars dans laquelle on trouve un local utilisé à des fins commerciales et sept logements. L’architecte Charles A. Reeves voit quant à lui son évaluation fixée à 17.000 dollars. La propriété qu’il possède comprend huit loyers dont un est occupé par l’architecte lui-même. Les deux frères Trefflé et Eugène Bleau, bouchers, sont à la tête d’un ensemble plus considérable ayant une valeur de 28.000 dollars et comprenant 23 loyers différents dont plusieurs abritent des bureaux ou des établissements commerciaux. Trefflé Bleau est d’ailleurs un ancien maire de Maisonneuve. Le plus important des propriétaires de maisons sur la terre Desjardins est Narcisse Pérodeau, notaire et homme politique qui est à ce moment-là membre du Conseil Législatif du Québec et secrétaire de la Chambre des Notaires 22. Il possède dans la ville deux ensembles : un premier évalué à 26.000 dollars et comprenant quatorze loyers ; un second d’une valeur de 13.000 dollars et comportant dix-sept loyers.
47Deux industriels se retrouvent parmi les propriétaires : le fabricant de chaussures F.X. Lanthier (16 loyers, 9.000 dollars) et le fabricant de biscuits Georges N. Pichet (9 loyers, 7.500 dollars). Dans les deux cas, l’investissement dans le bâtiment ne semble pas relié directement aux activités industrielles, car les professions des locataires n’indiquent pas de relations étroites avec l’entreprise. Seule la compagnie Montreal Terra Cota, propriété de la famille Desjardins possède deux logements qui semblent occupés par des employés. C’est donc assez marginal.
48Ainsi, il existe des différences de niveaux parmi les propriétaires. Malgré la présence d’un petit noyau de plus gros propriétaires, on ne peut cependant pas parler de concentration de la propriété résidentielle. Cette constatation semble d’ailleurs valable pour l’ensemble de la banlieue montréalaise de l’époque. Le contrôle du bâtiment s’y caractérise par la généralisation de la petite propriété et par la présence active de la petite bourgeoisie : entrepreneurs en construction, commerçants locaux, rentiers et membres des professions libérales. Ces deux caractéristiques méritent maintenant un peu plus d’attention.
49Si la petite propriété est aussi répandue, c’est sans doute qu’aucune contrainte significative ne vient l’entamer. Comme partout ailleurs en Amérique du Nord à l’époque, on n’achète pas un logement ou un appartement, mais bien une maison au complet. La copropriété quand elle existe, reste indivise. Il faudra d’ailleurs attendre la fin des années 1960 pour voir apparaître au Québec tant dans les faits que dans la législation, les premiers condominiums. Malgré cette contrainte, l’accès à la propriété peut s’expliquer par le type de construction pratiquée dans la région de Montréal. Les maisons ont généralement un rez-de-chaussée et un ou deux étages. On utilise les matériaux les moins coûteux, soit le bois qui existe en surabondance au Québec, et la brique. La pierre est généralement réservée aux résidences cossues, bien qu’à Maisonneuve on trouve un secteur de la ville où le promoteur a exigé des acheteurs de terrains qu’ils érigent des maisons avec façade en pierre. A cette époque aussi, la construction est devenue relativement standardisée. Les logements ont des dimensions assez semblables et les matériaux de construction répondent à des normes reconnues à l’échelle nord-américaine. A Montréal, on a aussi trouvé le moyen de réduire les coûts de construction et le temps requis en installant à l’extérieur des maisons les escaliers menant aux étages. Tout cela permet la construction de maisons en rangées dont les pièces s’allongent dans l’axe d’un corridor central. Il devient ainsi possible pour des constructeurs d’ériger presque en série des édifices semblables destinés à de petits propriétaires distincts27. Avec ces petites résidences, ayant au maximum trois ou cinq logements, Montréal et sa banlieue se distinguent de plusieurs autres grandes villes nord-américaines où la construction d’édifices à logements multiples est beaucoup plus importante.
50De cette situation, il résulte que le capital requis pour l’achat d’une maison est probablement moins élevé qu’ailleurs et plus accessible aux éléments de la petite bourgeoisie ou des métiers spécialisés. L’emprunt sur hypothèque reste d’ailleurs relativement facile, étant donné les pratiques d’épargne assez conservatrices qui ont cours à l’époque, en particulier dans les milieux canadiens-français. Les notaires sont très souvent ceux qui canalisent cette épargne vers le prêt sur hypothèque car les institutions bancaires, en vertu de la loi qui les régit, n’ont pas accès à ce type d’activité. Dès la construction terminée, l’acheteur d’une maison est en outre assuré de revenus réguliers provenant de la location.
51Malgré ces conditions favorables, seule une minorité a, comme nous l’avons vu, accès à la propriété. Les revenus de la grande majorité des travailleurs sont trop irréguliers et trop bas pour permettre l'accumulation de l’épargne et l’acquisition d'une propriété.
52Ceci explique que la petite bourgeoisie francophone soit proportionnellement beaucoup plus importante au sein du groupe des propriétaires. Il faut aussi ajouter une autre caractéristique de la société canadienne-française. Le contrôle des grandes affaires et des grandes institutions financières étant depuis longtemps entre les mains d’une bourgeoisie majoritairement anglophone, les Canadiens français ont pris l’habitude de se tourner vers la propriété foncière et la propriété immobilière pour investir. C’est là un secteur d'activités qui n’exige pas l’importation de technologie étrangère ni le maintien d’un réseau étendu de relations dans des régions éloignées, comme c’est souvent nécessaire pour l’industrie, le commerce ou la finance. L'investissement foncier et immobilier fait plus appel à une connaissance des conditions locales et de la situation du marché, et se situe dans un réseau beaucoup plus interne de la société francophone. On ne s’étonne donc pas de voir que les Canadiens français ont plus tendance à investir dans ce type de propriété que dans les activités commerciales ou industrielles. En outre, la petite propriété individuelle, ou avec un nombre restreint d’associés, est beaucoup plus répandue que le regroupement en société par actions. La propriété du bâti, plus encore que la promotion foncière, semble à cet égard le terrain privilégié d’intervention du petit capital local.
53Ces représentants de la petite bourgeoisie ne se contentent pas d’investir dans la banlieue, ils s'y implantent en choisissant d’y établir leur résidence. Dans une ville massivement ouvrière comme Maisonneuve, des avocats, des notaires, des médecins, des entrepreneurs, des marchands et commerçants de toute nature et même quelques industriels vivent en quelque sorte au milieu de leur clientèle ou de leurs employés. Non pas que la ségrégation résidentielle soit absente de l’espace montréalais, mais disons plutôt qu’elle a suivi des rythmes différents Selon les groupes et les milieux. L’examen du processus de la ségrégation résidentielle doit tenir compte de trois types de coupures : la séparation entre le lieu de travail et la résidence, la répartition de l’habitat selon les classes sociales et la division ethnique.
54Tout au cours du XIXe siècle, la division sociale de l’espace montréalais est en processus de transformation. L’un des aspects les plus significatifs est la migration de la bourgeoisie montréalaise. Depuis la fondation de Montréal, cette classe sociale s’était localisée dans la partie la plus ancienne de la ville, à l'intérieur des fortifications. A la fin du XVIIIe siècle, une première sélection s’était effectuée alors que l’on avait peu à peu refoulé vers les faubourgs les artisans et les ouvriers, laissant dans la vieille ville les hommes d’affaires, les dirigeants politiques et religieux et leurs serviteurs28. Résidence et lieu de travail sont alors étroitement associés, le marchand habitant au-dessus ou à côté de son magasin ou de son entreprise. Après la conquête britannique, un clivage ethnique commence à s’imposer. Les marchands et les administrateurs britanniques s’installent majoritairement dans l’ouest de la ville et les Canadiens-français dans l’est. Ce clivage n’est jamais parfaitement étanche mais il indique une tendance générale, un phénomène majoritaire.
55Quand les besoins d’espaces commerciaux provoquent une première migration de la bourgeoisie montréalaise, à partir du milieu du XIXe siècle, le clivage ethnique s’accentue quelque peu. Les bourgeois anglophones s’installent au pied de la montagne, dans cette « New Town » dont il a été question précédemment et ils y sont suivis par un certain nombre de bourgeois canadiens-français. Mais la plupart de ceux-ci préfèrent migrer vers de nouveaux quartiers de l’est de Montréal, dans l’axe de la rue Saint-Denis. Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, la séparation entre la résidence et le lieu de travail est maintenant chose faite. La ségrégation sociale s’est aussi affirmée.
56Pour la masse de la population toutefois, la relation entre lieu de travail et habitat semble rester beaucoup plus étroite tout au long du siècle. N’ayant pas à leur disposition de beaux équipages, les travailleurs montréalais, qui doivent aller à pied, ont tendance à s’agglutiner autour des usines et à proximité de leur lieu de travail. L’apparition du tramway tiré par les chevaux en 1861, et surtout du tramway électrique en 1892, vient faciliter les déplacements, et sans doute aussi la séparation des deux espaces. Mais il semble que ce processus soit assez lent à se réaliser. La plupart des nouvelles villes de banlieue attirent sur leur territoire des entreprises industrielles dont les travailleurs ont tendance à s’implanter aux alentours. Ainsi, encore au début du XXe siècle, le déplacement de plusieurs usines de chaussures à Maisonneuve explique la présence d’un grand nombre d’ouvriers cordonniers dans les rues avoisinantes. Le cas de Maisonneuve, fortement industrialisée, n’est peut-être pas le plus représentatif. Au début du siècle aussi, de nouvelles municipalités de banlieue ont une vocation plus résidentielle. Néanmoins, elles sont peu éloignées du centre de la ville de sorte que le trajet quotidien vers le travail reste assez court dans la plupart des cas. Quant à la ségrégation ethnique, elle est également présente dans les quartiers habités par les travailleurs. L’est de la ville étant massivement français, l’ouest étant en majorité britannique, la distinction n’est cependant pas étanche et, dans un secteur ouvrier du sud-ouest de la ville, où un industriel philanthrope conduit une enquête sociologique en 1897, on constate qu’un tiers de la population est d’origine française, un autre tiers d'origine irlandaise et le dernier tiers est d’origine anglo-écossaise29.
57Il reste le groupe intermédiaire formé des éléments de la petite bourgeoisie, des cadres supérieurs des entreprises et des administrateurs. Une partie de ce groupe a tendance à suivre les migrations de la bourgeoisie. Cela est probablement plus évident dans le cas de la population d’origine britannique. Lors du mouvement vers la « New Town » au milieu du XIXe siècle, on constate que certains des nouveaux résidents des maisons en terrasse, appartiennent à ces couches intermédiaires30. Chez les francophones la ségrégation apparaît moins nette. Une partie importante de la petite bourgeoisie continue à s’implanter au milieu de la population qu’elle dessert et, pour elle, la relation entre l’habitat et le lieu de travail reste encore étroite au début du XXe siècle. Il faut attendre après la Première Guerre Mondiale, et surtout après la Deuxième, pour voir une cassure bien nette dans ce pattern.
58Avant 1914, la petite bourgeoisie francophone s’implante localement dans chacune des villes de la banlieue montréalaise. Elle ne s’y retrouve cependant pas de façon dispersée. Très tôt, même dans les villes les plus ouvrières, on distingue une rue, une place ou un square le long duquel se concentrent les résidences de la petite bourgeoisie locale. A Maisonneuve c’est surtout dans l’axe du boulevard Pie-IX que se fait ce regroupement. S’y ajoutent quelques éléments de la bourgeoisie, certains propriétaires d’usines qui ont eux aussi décidé de fixer leur résidence dans la ville. L’un d’entre eux, Oscar Dufresne, industriel de la chaussure et homme d’affaires impliqué dans un grand nombre d’entreprises, tentera même d’attirer d’autres bourgeois dans la partie nord de la ville, sur le coteau d’où la vue domine le fleuve. Il se fera même construire une résidence à l’allure de château, à la façon des magnats américains de l’époque, en essayant de copier l’architecture du Petit Trianon. Toutefois, sa tentative de voir s’implanter tout autour d’autres résidences bourgeoises tournera court.
59Cependant les marchands locaux, les petits entrepreneurs et les membres des professions libérales qui choisissent de s’installer dans la ville en viennent à prendre une part active à l’orientation de celle-ci. Ils occupent des positions de prestige et de pouvoir. On les retrouve au Conseil Municipal, à la Commission scolaire, au Conseil de la fabrique et à la direction de nombreuses associations volontaires. La relation à la propriété est assez importante, car à cette époque le seul droit politique des locataires au niveau municipal est celui d’élire les membres du Conseil Municipal. Seuls les propriétaires peuvent être candidats et seuls aussi ils sont consultés lors de l’adoption de règlements importants. La propriété devient ainsi un facteur de contrôle social et une source de pouvoir politique. L’administration municipale peut bien, dans sa publicité, déclarer que Maisonneuve est une « ville d’ouvriers gouvernée par des ouvriers et pour des ouvriers »31, la réalité est bien différente.
60Entre cette petite bourgeoisie locale et la population ouvrière se tissent des relations de clientèle, des rapports de propriétaire-locataire, mais aussi des rapports de domination politique et de contrôle social par l’intermédiaire des institutions municipales, scolaires et religieuses qui permettent l’encadrement d’une large proportion de la population.
61Quels effets peut avoir cette situation sur les conditions de vie ? Des études ont permis de constater qu’entre 1880 et 1914, la classe ouvrière montréalaise vit dans une « culture de pauvreté » caractérisée par le chômage saisonnier, un salaire insuffisant, des conditions sanitaires nettement déficientes, une mortalité générale élevée et une mortalité infantile catastrophique32. Malheureusement, l’état des sources ne permet pas de mener des enquêtes comparables pour les municipalités de la banlieue33. Il faudra attendre l’annexion de celles-ci à Montréal pour obtenir des renseignements significatifs.
62Existe-t-il une hiérarchie au sein des villes ouvrières de la banlieue ? Celles qui ont été peuplées dès les années 1870 et 1880 – comme Hochelaga, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Henri et Sainte-Cunégonde – offrent-elles des conditions de logement et de santé plus difficiles que les villes qui, comme Maisonneuve, connaissent leur croissance au début du siècle ? Faut-il tenter de voir des différences liées à l’ancienneté du bâti ou mettre l’accent sur d’autres aspects de l’environnement, par exemple, la pollution industrielle ? Dans quelle mesure le fait que la masse de la population soit locataire affecte-t-il la situation du logement et des conditions de vie ? Ce sont là des questions auxquelles on ne peut guère répondre avec précision pour la période précédant la Première Guerre Mondiale.
63La croissance industrielle est en grande partie responsable de l’urbanisation rapide du territoire péri-urbain montréalais avant 1914. Elle fournit ainsi la base de l’essor d’un capital foncier qui dirige l’aménagement de l’espace. L’industrie n’est pas maître-d'œuvre de l’urbanisation. De nombreux industriels investissent dans la propriété foncière mais il s’agit plus d’une diversification des intérêts que d’un prolongement direct des activités manufacturières.
64Les promoteurs mènent une action à long terme en vue d’assurer la rentabilité de leurs investissements fonciers. Ils créent des villes et des paroisses, tracent des rues, lotissent leurs domaines, élaborent des stratégies. Leur objectif principal est la vente de terrains. Au fur et à mesure de la réalisation de leur plan, les promoteurs sont relayés par un groupe de petits propriétaires dont plusieurs sont bien implantés dans la ville. Ceux-ci, souvent représentatifs de la petite bourgeoisie, sont en mesure d’établir, au-delà des rapports propriétaires-locataires, un encadrement politique et social de la population ouvrière, prolongeant ainsi les effets de l’industrialisation.
Annexe
ANNEXE
Répartition des propriétaires-résidents selon les principales professions Ville de Maisonneuve (1911)
Profession | Chefs de ménage résidents | Propriétaires résidents | Résidents propriétaires | Rapport au total des propriétaires |
Construction | ||||
Entrepreneur | 57 | 23 | 40,0 | 6,0 |
Menuisier | 283 | 32 | 11,0 | 8,3 |
Plâtrier | 24 | 5 | 21,0 | 1,3 |
Briqueteur | 38 | 5 | 13,0 | 1,3 |
Maçon | 14 | 1 | 7,0 | 0,3 |
Peintre | 80 | 3 | 4,0 | 0,8 |
Plombier | 36 | 3 | 8,0 | 0,8 |
Électricien | 50 | 1 | 2,0 | 0,3 |
Commerce | ||||
Marchand | 76 | 18 | 24,0 | 4,7 |
Commerçant | 10 | 5 | 20,0 | 0,5 |
Épicier | 79 | 19 | 24,0 | 4,9 |
Boucher | 74 | 17 | 23,0 | 4,6 |
Laitier | 15 | 6 | 40,0 | 1,6 |
Hôtelier | 20 | 5 | 25,0 | 1,3 |
Professions libérales | ||||
Médecin | 21 | 5 | 24,0 | 1,3 |
Avocat | 6 | 3 | 50,0 | 0,8 |
Notaire | 7 | 2 | 29,0 | 0,5 |
Architecte | 4 | 1 | 25,0 | 0,3 |
Pharmacien | 7 | 1 | 14,0 | 0,3 |
Industrie | ||||
Manufacturier | 26 | 7 | 27,0 | 1,8 |
Contremaître | 126 | 14 | 11,0 | 3,6 |
Cordonnier | 225 | 10 | 4,0 | 2,6 |
Machiniste | 210 | 8 | 4,0 | 2,1 |
Mouleur | 57 | 6 | 11,0 | 1,6 |
Forgeron | 69 | 7 | 10,0 | 1,8 |
Autres | ||||
Rentier | 59 | 31 | 53,0 | 8,0 |
Gérant | 24 | 3 | 13,0 | 0,8 |
Inspecteur | 18 | 4 | 22,0 | 1,0 |
Fonctionnaire | 15 | 4 | 27,0 | 1,0 |
Journalier | 545 | 29 | 5,0 | 7,5 |
Profession non indiquée | 280 | 25 | 9,0 | 6,5 |
TOTAL | 3.850 | 387 | 10,1 | 100,0 |
Notes de bas de page
1 Paul-André LINTEAU. Histoire de la ville de Maisonneuve (1883-1918), thèse de Pli. D. (histoire), Université de Montréal, 1975, 427 p.; Maisonneuve. Comment des promoteurs fabriquent une ville, Montréal, Boréal Express, 1981, 280 p.
2 Paul-André LINTEAU et Jean-Claude ROBERT, « Propriété foncière et société à Montréal : une hypothèse », Revue d’histoire de l’Amérique française, 28, 1 (juin 1974), p. 45-65.
3 David B. HANNA, The New Town of Montreal. Creation of an upper Middle Class Suburb on the Slope of Mount Royal in the Mid-Nineteenth Century, thèse de M.A. (géographie), University of Toronto, 1977, 191 p. ; « Creation of an Early Victorian suburb in Montreal », Urban History Review/Revue d’histoire urbaine, IX, 2 (oct. 1980), p. 38-64.
4 Jean BASTIÉ, La croissance de la banlieue parisienne, Paris, P.U.F., 1964, 624 p.
5 Gérard JACQUEMET, « Lotissements et construction dans la proche banlieue parisienne, 1820-1840 », Paris et Ile-de-France, tome 25 (1974), p. 207-256 ; « Spéculation et spéculateurs dans l’immobilier parisien à la fin du XIXe siècle », Cahiers d’histoire, p. 273-306 ; « Belleville aux XIXe et XXe siècles ; une méthode d’analyse de la croissance urbaine à Paris », Annales, E.S.C., 4 (juillet-août 1975), p. 819-843.
6 Louis BERGERON, Les capitalistes en France (1780-1914), Paris, Gallimard, 1978, p. 33.
7 Paul-André LINTEAU, Maisonneuve, chapitre 2, « Les promoteurs ».
8 Gérard JACQUEMET, « Belleville... », p. 826 et 836.
9 David HANNA, « Creation of an Early Victorian suburb... », p. 41-51.
10 David HANNA, The New Town of Montreal, p. 71-79, 110-112, 134-135.
11 On trouve un architecte, Michel LAURENT, au sein de l’équipe de promoteurs du village de Saint-Jean-Baptiste, dans la banlieue montréalaise, mais cela semble encore un cas isolé ; voir infra, page 161.
12 Gérard JACQUEMET, « Belleville... », p. 826, 831-832 ; « Lotissements... », p. 208, 214, 216 ; « Spéculation... », p. 278, 282-286.
13 Paul-André LINTEAU, Maisonneuve, passim. Les principales sources pour l’étude de l’action des promoteurs à Maisonneuve se trouvent dans les archives de la municipalité versées aux archives de la ville de Montréal ; j’ai plus particulièrement utilisé les procès-verbaux du Conseil Municipal, les rôles d’évaluation de la propriété et les volumineux dossiers de correspondance. Pour l’étude des transactions immobilières il faut consulter les registres de titres au Bureau d’enregistrement et certains greffes de notaires, en particulier celui du notaire Marie-Gustave Ecrément.
14 E.-Z. Massicotte, La cité de Sainte-Cunégonde de Montréal, Montréal, J. Stanley Houle, 1893 ; Jacques MONET, « Delisle, Alexandre-Maurice », Dictionnaire biographique du Canada, X, p. 238-240 ; G. TULCHINSKY, « Workman, William », id., p. 784-786.
15 « Société (Civile particulière) entre Ferdinand David, Sévère Rivard, Michel Laurent et Gustave A. Drolet », 6 novembre 1872, Archives Nationales du Québec à Montréal, Greffe du notaire H.P. Fréchette, no 2197.
16 Montréal fin-de-siècle, Montréal, 1899, p. 178-179.
17 Données tirées du rôle d’évaluation de Saint-Jean-Baptiste pour 1885 par Jean-Claude Robert. Voir également J.C. Robert, « David, Ferdinand Conon », Dictionnaire biographique du Canada, (sous presse).
18 Élie-J. AUCLAIR, Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Monographie paroissiale, 1874-1924, Québec, 1924, p. 14.
19 Paul-André LINTEAU et Jean-Claude ROBERT, « Propriété foncière et société, p. 56.
20 Terry COPP, Classe ouvrière et pauvreté. Les conditions de vie des travailleurs montréalais 1897-1929, Montréal, Boréal Express, 1978, p. 77.
21 Ibid., p. 153-156.
22 P.-A. LINTEAU, Maisonneuve, p. 170.
23 Ibid., p. 173.
24 Rôle d’évaluation de la ville de Maisonneuve, 1911-1912.
25 Rôle d’évaluation de la ville de Maisonneuve, 1910-1911, quartiers ouest et centre.
26 Le rôle d’évaluation ne permet pas de distinguer nettement les locaux utilisés à des fins commerciales. Il est cependant possible, par recoupements, d’en repérer quelques-uns.
27 Jean-Claude MARSAN a bien décrit ces caractéristiques de l’architecture domestique montréalaise dans Montréal en évolution, Montréal, Fides, 1974, chap. 10.
28 Louise DECHENE, « La croissance de Montréal au XVIIIe siècle », Revue d’histoire de l’Amérique française, 27, 2 (septembre 1973), p. 169-170 ; Jean-Paul BERNARD, Paul-André LINTEAU et Jean-Claude ROBERT, « La structure professionnelle de Montréal en 1825 », Revue d’histoire de l’Amérique française, 30, 3 (décembre 1976), p. 403-406.
29 Herbert BROWN AMES, The City Below the Hill, Toronto, University of Toronto Press, 1972, p. 8.
30 David HANNA, The New Town of Montreal, p. 135-136.
31 Le Devoir, 26 mai 1917, p. 9.
32 Jean De BONVILLE, Jean-Baptiste Gagnepetit. Les travailleurs montréalais à la fin du XIXe siècle, Montréal, L’Aurore, 1975, 253 p. ; Terry COPP, Classe ouvrière et pauvreté.
33 Voir P.-A. LINTEAU, Maisonneuve, p. 157-184.
Auteur
Département d'histoire (Université du Québec à Montréal)
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