Chapitre 1. Intenses sociabilités
p. 115-146
Texte intégral
1Quand Rétif de la Bretonne, tout juste sorti de son village natal, arrive à Paris, il exprime dans un dialogue avec son père son étonnement devant l’immensité de la capitale :
— Ho ! que Paris est grand ! Mon père, il est aussi grand que de Vermanton à Sacy, et de Sacy à Joux ! — Oui, pour le moins. Ho ! Que de monde ! Il y en a tant que personne ne s’y connaît, même dans le voisinage, même dans sa propre maison1…
2Le jeune provincial exprime dans ces quelques lignes sa stupéfaction face à l’immensité de la capitale et à la foule qui s’y presse. Avec, comme corollaire, cette extrême solitude qui fait de chacun de ses occupants des individus isolés, abandonnés des autres : « … Personne ne s’y connaît… » Car telles sont les villes – l’image des villes devrait-on dire – en cette deuxième moitié du xviiie siècle. La critique des mœurs urbaines est à la mode et nombreux sont les auteurs qui dénoncent la misère, la promiscuité, l’anonymat et la solitude des grandes agglomérations2. Qu’en est-il de Lyon ? La seconde ville du royaume échapperait-elle à la règle, elle qui aligne 150 000 habitants à la fin de l’Ancien Régime ? Difficile à dire, du moins si l’on s’en tient aux textes et aux témoignages, singulièrement rares. Quand les auteurs lyonnais écrivent sur leur ville, c’est d’abord pour vanter ses monuments ou ses curiosités historiques3. Si les littérateurs ou les voyageurs évoquent Lyon, il portent parfois un jugement sévère sur la configuration des maisons et des rues, nauséabondes et sans air4. Ils dénoncent le climat malsain et l’humidité qui y règne5. D’autres, plus cléments, célèbrent la cité industrieuse et commerçante6. Ou encore, ils soulignent que « Lyon est une fort belle ville »7 et admirent « le coteau charmant de Fourvière dont Jean-Jacques a fait un tableau si séduisant »8. Mais rien, ou presque, sur la vie quotidienne des Lyonnais, rien sur la façon de s’habiller, de se loger ou sur les relations habituelles qu’ils entretiennent avec le voisinage. À peine Madame de Sévigné parle-t-elle, au siècle précédent, de leur hospitalité, Élie Brackenhoffer de leur « discrétion » et de leurs usages alimentaires9. Ne reste donc que l’étude des archives. Les sources judiciaires de la sénéchaussée criminelle sont celles qui fournissent le plus de renseignements sur les manières de vivre des habitants de la cité. Elles dévoilent ici ou là des scènes familières et quotidiennes dont se dégagent, épars, des éléments qu’il faut rassembler pour esquisser les contours de la sociabilité citadine. Lyon n’est pas Paris où, selon Mercier, les voisins sont tous étrangers les uns aux autres au point d’ignorer les gestes de solidarité les plus élémentaires10. De multiples indices révèlent au contraire qu’à l’intérieur de l’immeuble ou dans le quartier, nombreux sont ceux qui se connaissent et se fréquentent. Des contacts s’établissent, les échanges se multiplient mettant en relation des individus issus de milieux sociaux très différents. Les procédures judiciaires de la sénéchaussée criminelle et les dépositions de témoins qui les accompagnent sont particulièrement précieuses car elles restituent les rapports qui se nouent entre voisins. Au détour d’un témoignage, on apprend ainsi que telle locataire bavarde fréquemment avec une dévideuse du quatrième étage ou encore que ceux du cinquième étage sont des affaneurs originaires de Savoie qui viennent d’emménager. À partir de ces bribes d’information, il est possible, non pas de reconstituer les faits et gestes des Lyonnais dans leur diversité socioprofessionnelle, mais de recueillir quelques éléments de réponse aux questions suivantes : qui se connaît, qui se fréquente dans les quartiers de Lyon ? Quels sont les lieux où se retrouve et se rencontre le voisinage ? De ces indications doivent se dégager à grands traits quelques-uns des aspects de la sociabilité lyonnaise ainsi que les lieux stratégiques – les hauts-lieux pourrait-on dire – dans lesquels elle se forge. Tel sera l’objet des prochaines pages.
I – FRÉQUENTER SON VOISIN
3L’afflux d’immigrants venus travailler dans la cité lyonnaise, le renouvellement de la main-d’œuvre et le déménagement fréquent des familles à l’intérieur de la ville font de la maison un espace continuellement recomposé et transformé. Si une partie des Lyonnais – les artisans et les membres des classes supérieures principalement – s’installent durablement dans un immeuble, ils doivent cohabiter avec des éléments beaucoup plus instables. Pour autant, le voisinage compose-t-il une collectivité anonyme où ne coexisterait qu’une masse d’individus étrangers les uns aux autres ? Évidemment non. Les membres de la communauté entretiennent entre eux des rapports quotidiens, renforcés encore par l’exiguïté des constructions. Pour connaître et préciser la nature, la fréquence et les lieux où s’ébauchent ces relations de voisinage, deux axes de recherche ont été privilégiés. Le premier s’efforce de faire la part de ceux qui se connaissent et se fréquentent à l’intérieur de l’immeuble ou dans le quartier. Le second cherche à circonscrire les lieux où se rencontrent les voisins et à définir les espaces autour desquels s’échangent et se commentent les potins ou les nouvelles du jour.
1. Se connaître
4À l’intérieur de l’immeuble, dans le quartier, aux pieds des maisons, s’échafaudent entre voisins de nombreux liens, empreints de solidarité, de camaraderie ou de rancœur. Les archives de la sénéchaussée criminelle dépeignent, à travers une foule d’indices, une société dans laquelle les indifférents demeurent l’exception. Les Lyonnais témoignent d’ordinaire beaucoup d’intérêt à l’égard d’autrui, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une personne domiciliée dans le quartier ou dans l’immeuble. Une véritable curiosité pousse chacun à s’enquérir de son voisin et à savoir qui il est. Cette attention portée au voisinage n’est d’ailleurs pas l’apanage des classes artisanales ou populaires et le président Dugas, très avare pourtant en détails sur sa vie quotidienne, peut fièrement écrire à son ami, M. de Saint-Fonds, que la princesse de Modène, en logeant à quelques maisons de chez lui est désormais sa voisine, le jour même de son installation11.
5L’intérêt que l’on porte à autrui laisse peu de place à l’intimité et rend difficile le repli sur le for privé. En revanche, il fait de chaque habitant du quartier un être entouré, inséré dans un authentique cercle relationnel. Il est extrêmement rare de mourir isolé et les archives criminelles se font l’écho une seule fois, en quinze ans, d’une femme morte seule : il s’agit d’une femme célibataire, la dame Deschamps, trouvée sans vie deux jours après son trépas12. Des situations de ce type restent tout à fait exceptionnelles. L’anonymat et le désintérêt ne sont pas encore de mise en cette fin de siècle comme le confirment les procès-verbaux de levées de cadavres, accidentés ou suicidés, établis par les hommes de la sénéchaussée criminelle : sur 64 femmes et hommes décédés brutalement entre 1776 et 1790, tous sont reconnus et formellement identifiés sauf deux, des individus de passage, surpris par la mort alors qu’ils logeaient en ville13. Ainsi, quelle que soit leur origine sociale, les Lyonnais n’apparaissent jamais entièrement isolés dans la cité.
Maris et femmes | 20 |
Fils et filles | 12 |
Parents | 8 |
Sœurs et frères | 9 |
Oncles, tantes, neveux | 10 |
Beaux-parents | 8 |
Total famille | 68 |
Voisins | 62 |
Relations de travail | 32 |
Total des répondants | 162 |
6Le tableau ci-dessus montre que trois réseaux principaux de relations accompagnent les Lyonnais au cours de leur vie et les préservent de l’isolement : la famille, le voisinage, les relations de travail. La famille arrive en tête de ceux qui viennent reconnaître le cadavre. Maris et femmes identifient le corps du conjoint mais aussi les fils, les filles, les parents, les frères, les sœurs, les gendres, les belles-filles, les oncles et les tantes du trépassé. Au total 42 % des répondants sont issus, à des degrés plus ou moins éloignés, de la famille du mort. Les voisins viennent en seconde position et rassemblent plus du tiers des personnes qui reconnaissent le défunt. Membres du voisinage et de la famille se coudoient d’ailleurs souvent dans l’identification du cadavre. Claude Cottefoy, un enfant de douze ans, natif de la paroisse Saint-Nizier, se noie le 7 janvier 1780 alors qu’il s’amusait sur les glaces du fleuve. Il est reconnu par son père et par deux voisins, domiciliés dans le même immeuble14. Guillaume Bourgeois, ouvrier en étoffes de soie, se donne la mort en se jetant par la fenêtre de son domicile, rue de l’Arbre sec. Sa femme et son fils l’identifient aussitôt ainsi que de nombreuses personnes du voisinage, accourues des maisons attenantes15. Un dernier groupe de répondants se compose de tous ceux qui côtoient quotidiennement le défunt sur les lieux de son travail, le chevauchement des espaces et des fonctions n’interdisant pas d’ailleurs qu’ils puissent aussi être des voisins. Ce peuvent être des maîtres ou les employeurs du trépassé, bien sûr, mais aussi les compagnons d’atelier et de boutique. En tout, ils rassemblent 20 % des personnes présentes au moment de l’identification du défunt. Pierre Paradis, lieutenant principal des fermes et des octrois de Lyon, est trouvé pendu dans un appartement rue de la Bombarde. Il est reconnu par trois collègues de travail, tous brigadiers et commis des octrois16. Le dénommé Chevalla, plus connu sous le nom de Chapelle, est domestique de louage à l’Hôtel du Parc, sur la place des Terreaux. On le repêche près du pont Morand et trois de ses camarades, un valet, un porteur de chaises et un cocher de fiacre, tous rattachés au monde de la domesticité, l’authentifient, précisant qu’il s’adonnait à la boisson17. François Levasseur est un jeune compagnon en gaze, âgé de dix-huit ans. Il s’est noyé en voulant sauver un enfant tombé accidentellement dans le Rhône. Ses deux employeurs, maîtres et marchands fabricants en gaze, reconnaissent son cadavre « parce qu’il demeure et travaille chez eux depuis trois mois »18. Tous ces malheureux, confrontés à une mort brutale, attestent sur un mode cruel l’intensité des relations dans lesquelles sont insérés les habitants de la ville.
7Les témoins, convoqués par le tribunal de la sénéchaussée criminelle, livrent pour leur part des informations fort utiles : leurs dépositions permettent notamment d’apprécier – imparfaitement bien sûr – la part de ceux qui se connaissent à l’échelon de la rue ou du pâté de maisons. Devant le juge, en effet, le témoin décline son nom, prénom, surnom, sa profession, son âge et son adresse. Puis il rapporte des faits qu’il a pu constater de visu ou auxquels il a participé directement ou encore – et c’est un cas fréquent – il dépose ab auditu d’événements qu’il ne connaît que par ouï-dire et qu’un voisin ou une rencontre de fortune lui a répétés. À sa manière d’évoquer le plaignant, il est facile de déceler si celui-ci fait partie du cercle de ses connaissances ou non : soit le témoin désigne l’accusateur par son nom ou son surnom, soit il laisse deviner par de nombreux petits détails qu’il est au nombre de ses relations. Dans le cas contraire, lorsque plaignant et témoin ne se connaissent pas, la déposition commence, le plus souvent, de la façon suivante : « Le jour énoncé en la plainte, il (ou elle) vit (ou ouit) un particulier inconnu de lui déposant… »
8Quelles informations tirer de ces témoignages qui puissent renseigner sur le réseau des connaissances et des relations quotidiennes dans lequel s’insèrent les hommes et les femmes du voisinage ? Dans 73 % des cas, les témoins connaissent la victime, ce qui ne surprend pas quand on se souvient que, conformément aux dispositions légales, c’est d’abord elle qui choisit ceux qui viendront déposer au tribunal. Les 27 % restants sont constitués de personnes sans lien apparent avec le plaignant et inconnues de lui : elles étaient, par hasard, sur les lieux au moment des faits et sont parfois désignées, pour témoigner, non pas par la victime mais par les juges du tribunal de la sénéchaussée criminelle. L’analyse de leur domiciliation, c’est-à-dire de l’adresse consignée par le greffier, est intéressante car elle permet d’évaluer grossièrement dans quelle mesure se connaissent les hommes et les femmes de l’immeuble, de la rue, du quartier ou encore d’esquisser les limites géographiques au-delà desquelles le plaignant est peu ou pas connu. Parmi les témoins qui déclarent ne pas connaître le plaignant, 1 % loge dans la même maison que lui, 16 % habitent la rue, 32 % demeurent dans le quartier. La grande majorité (68 %) est étrangère au quartier. N’est-ce pas là la confirmation que le voisinage forme un ensemble cohérent puisque ceux qui le composent entretiennent des relations de familiarité suffisantes pour pouvoir s’identifier et se reconnaître ? Malgré les déménagements, les départs et les arrivées qui transforment sans cesse la physionomie des immeubles, il est rare que le voisin soit un inconnu. L’anonymat et la solitude des grandes villes – et d’abord de Paris – dénoncés par les auteurs du xviiie siècle sont des situations qui, de façon générale, ne se vérifient pas à Lyon. Au contraire. L’aptitude à repérer et à authentifier ceux qui habitent le quartier semble être la disposition la plus courante et constitue un des traits caractéristiques de la société lyonnaise. En soudant la communauté des habitants, elle modèle dans une large mesure la sociabilité citadine et génère des comportements spécifiques sur lesquels on reviendra.
2. Se reconnaître
9Connu, le voisin est également aisément reconnu. Et d’abord par la voix. Lorsque la nuit plonge la rue ou l’immeuble dans l’obscurité ou que les circonstances dissimulent les silhouettes, il est bien rare, quand un voisin parle ou appelle, qu’il ne soit pas aussitôt identifié. C’est que le timbre, souvent, suffit pour distinguer son homme et l’authentifier comme membre du voisinage. Cette réceptivité à la voix va de pair avec la primauté accordée à l’ouïe et à la parole dans une société où, malgré l’influence grandissante du livre et de l’imprimé, l’information reste avant tout auditive. Lucien Febvre et Robert Mandrou ont écrit de belles pages à ce sujet19. Sébastien Mercier, en observateur averti des mœurs parisiennes, relève lui aussi cette finesse de l’ouïe populaire et l’oppose à celle des classes privilégiées, beaucoup plus médiocre20. Reconnaître un habitant de la maisonnée au seul son de sa voix est banal même si l’on occupe un immeuble bruyant et surpeuplé où s’activent dans les ouvroirs ou les ateliers de nombreux travailleurs étrangers à la maison. Les archives judiciaires en témoignent et regorgent de détails qui vont dans ce sens. Malheur cependant aux occupants de la maison qui ne parviennent pas à se faire identifier par les voisins car, alors, en cas d’agression, la solidarité de voisinage ne joue plus et la victime se retrouve seule face à l’assaillant.
Elle était chez le sieur Bornin, témoigne la femme d’un avocat, quand elle entendit crier au voleur, à l’assassin ; que ne connaissant pas la voix, l’on laissa crier ; que le bruit et les cris ayant continué et augmenté pendant près d’un demi quart d’heure, l’on y accourut enfin21.
10D’ordinaire, l’oreille est suffisamment sûre pour pouvoir départager à distance les torts de deux voisins en train de se quereller. Les autorités, d’ailleurs, ne s’y trompent pas et considèrent que le témoignage auditif est aussi probant et recevable que le constat visuel. L’attestent les conclusions de cet interrogatoire au cours duquel un accusé, le nommé Roche, compagnon cordier, nie toute participation à une agression contre un autre compagnon faiseur de cordes. Le tribunal lui signifie qu’il est vain de vouloir nier puisqu’il « a été reconnu à la voix, donc il peut difficilement se disculper de l’accusation »22.
11S’ajoutant à cette finesse de l’oreille, la mémoire auditive apparaît comme un complément obligé qu’il faudrait inclure dans l’équipement sensoriel des Lyonnais. De ce point de vue, les habitants de la cité semblent plutôt bien disposés : rien ne semble plus ordinaire que de répéter mot pour mot des propos formulés inopinément et de leur attribuer avec certitude un auteur, même demeuré invisible. Peut-être la capacité de se souvenir et de pouvoir identifier quiconque à partir de sa seule voix renvoie-t-elle à une certaine inquiétude face à la violence de l’environnement. Elle participe en tout cas de l’univers mental des Lyonnais et inscrit l’ouïe au premier rang dans la hiérarchie des sens.
12La reconnaissance entre membres du voisinage est, dans une certaine mesure, facilitée par la tenue vestimentaire de chacun. Les travaux de Daniel Roche ont montré combien le vêtement est porteur de signes et révélateur du statut social23. Même si, à la fin du xviiie siècle, de sérieuses nuances compliquent le code des apparences, en raison notamment de l’émergence des classes moyennes mais aussi des critiques moralisatrices qui dénoncent la vanité du paraître, la différence des tenues continue à souligner l’inégalité sociale. Un détour par la fonction et l’aspect de l’habit est, à ce stade de l’étude, utile puisque l’apparence extérieure est au cœur du processus d’identification. Interroger le voisinage dans sa manière de se vêtir, c’est aussi comprendre les façons qu’il a de reconnaître ceux qui lui sont affiliés. À ce titre, un bref examen des usages vestimentaires lyonnais, envisagés comme mode d’authentification réciproque, prend ici toute sa place24.
13Le vêtement, le plus souvent, est fonctionnel. Il est résistant et simple, destiné à durer et à tenir chaud pendant la saison froide. Les couleurs dominantes sont le noir, le gris ou le brun, du moins dans les classes populaires ou artisanales. Jean François Rayon, marchand épicier, dépose qu’il « vit sortir quatre particuliers vêtus de bruns, paraissant être des péroliers de leur profession »25. Jacques Grobon, garçon plâtrier, parle d’un marinier travaillant sur la Saône comme d’un « homme vêtu en matelot, portant une veste en laine gris et un gilet croisé de même couleur »26. L’élégance et la coquetterie sont rarement de mise – pauvreté oblige – et on se contente souvent d’ajouter quelques galons aux habits ordinaires pour leur donner un peu d’éclat. C’est que le vestiaire ordinaire est modeste et peu varié. Les vêtements de base sont les mêmes dans toutes les catégories populaires. Seules varient la quantité et la qualité de l’habillement.
14Dans ce paysage vestimentaire un peu monotone, les personnes de qualité costumées dans des vêtements chics, se repèrent facilement. Elles sont d’autant plus reconnaissables que leurs gestes et leur expressivité manifestent une certaine distance vis-à-vis des gens du commun, distance que d’aucuns considèrent comme la manifestation d’une insupportable prétention. Pierre Durand, étudiant en droit, raconte qu’il se trouvait dans l’étude d’un notaire lorsqu’un « particulier arrogant, vêtu d’un habit de soie verd pomme, d’une veste blanche galonnée, avec des cheveux noirs et une canne à la main s’est présenté […] et dit s’appeler le marquis de la Coste »27. Rien de tel dans le monde du travail puisque la gamme costumière joue avant tout sur le mode utilitaire et robuste. Ici, les vêtements se réduisent à l’essentiel et consistent en quelques effets sans grande valeur. Jean Lagrange, compagnon maçon, épouse une dévideuse de soie, Josèphe Vivian. Après ses noces, il déménage chez elle, emportant avec lui tout ce qu’il possède, à savoir « son drap de Vienne […] trois louis pliés dans un morceau de papier qui étaient ses économies de l’année, un chapeau neuf qui ne lui avait servi que le jour de son mariage et son linge pour qu’elle le raccommode et le blanchisse »28.
15Ceux que la pauvreté économique oblige à changer sans cesse d’horizon entreposent leur méchante garde-robe dans des coffres qui les accompagnent au gré des déménagements et des embauches éphémères. Gare au vol, alors, car il plongerait aussitôt la victime dans le dénuement le plus complet. L’indigence de ces déclassés, souvent, est telle qu’elle les empêche de se vêtir de neuf. Communément, ils achètent des vêtements usagés auprès des innombrables petits revendeurs qui parcourent les quartiers de la ville ou qui s’installent avec leur étal le long des rues. Dans les années qui précèdent la Révolution, la vente du vêtement d’occasion, volé ou récupéré de façon plus ou moins régulière, est au cœur d’un trafic important. Les indicateurs, les commissaires ou les huissiers surveillent de près les fripiers et autres marchands de gages qu’ils considèrent toujours comme des personnes suspectes. La vérité est qu’un important marché clandestin se déploie dans l’ombre que les autorités ont bien du mal à contrôler. De nombreux réseaux illégaux, mais connus de tous, permettent aux voleurs d’écouler leur marchandise. Cette économie souterraine s’organise pour l’essentiel autour des revendeurs de nippes qui, faisant feu de tout bois, proposent à des prix dérisoires des effets élimés et rapiécés. Les archives judiciaires laissent parfois transparaître ces circuits de revente illicites qui impliquent indistinctement des hommes et des femmes. Ainsi les époux Marie, revendeurs de gages. Accusés de recel, ils reconnaissent qu’ils « ont acheté deux articles du sieur Humbert leur voisin », mais ils se défendent en prétextant qu’ils « le connaissaient parfaitement ainsi que sa famille sans quoi ils n’auraient pas acheté »29. Jeanne Gobon, elle, a volé plusieurs effets, dont une paire de bas et une veste à laquelle il manque une manche. Retrouvée et interrogée par les juges de la sénéchaussée criminelle, « elle a avoué avoir vendu les susdits effets à la nommée Manesson, revendeuse de gages qui demeure […] au coin du Pont Neuf […] connue de ses voisins pour une femme achetant de toutes mains30. » Le petit peuple, semble-t-il, ne dédaigne pas de s’approvisionner auprès de ces vendeurs suspects. Il est vrai que, pour les plus humbles, c’est une des seules manières de pouvoir se vêtir.
16D’autres signes encore informent sur la situation qu’occupe le voisin dans la hiérarchie sociale. Quelques métiers arborent un insigne qui les distingue. C’est le cas, par exemple des voituriers, des affaneurs ou des porteurs de charbon qui, selon le règlement, doivent porter « une plaque de cuivre ou de fer, attachée au devant de leur habit ou veste sur laquelle le numéro doit être gravé de même que le port qui leur aura été désigné pour travailler »31. Les autres métiers ne se confondent pas non plus : on connaît l’habit noir du médecin, de l’avocat, de l’homme de loi, de l’homme d’Église, la pourpre cardinalice, le rouge épiscopal, la robe sombre des réguliers et la robe violette revêtue par les membres du Consulat pour les grandes occasions32. De nombreux témoignages montrent qu’on se trompe rarement sur l’identité sociale d’un homme car son vêtement est là pour informer de sa condition. Claude Patel est brodeuse. Elle raconte qu’elle a vu « trente personnes présumées ouvriers à leurs habillements […] et qu’elle ouit dire être ferblantiers »33. Un compagnon teinturier, Étienne David, a aperçu « un homme avec une veste à fleurs rouges sur fond blanc, un chapeau blanc […] d’une grosse corpulence qui lui parut être un garçon meunier ou amidonnier âgé d’environ 36 ans »34. Ennemond Corand, domestique ambulant, dépose qu’il remarqua dans un cabaret « plusieurs particuliers boire avec le nommé Poulet ainsi qu’un homme en habit de perruquier »35. Chez les femmes aussi, le vêtement reflète la condition et l’appartenance sociale. Jeanne Meaudre, marchande de modes, explique qu’elle a eu comme cliente « une fille d’environ 24 ans dans l’accoutrement d’une femme de chambre »36. Une découpeuse de gaze a rencontré dans la rue « une inconnue présumée blanchisseuse »37. Les exemples sont nombreux et vont tous dans le même sens : le vêtement est un costume qui annonce le statut de celui qui le porte. Les autorités le savent bien et se laissent rarement abuser sur l’identité des suspects qu’elles interpellent. Jacques Louis Laurenzy est arrêté par un soldat de la Compagnie des Arquebusiers lors de l’exécution publique d’un condamné, place des Terreaux. Accusé d’avoir volé un mouchoir, il est transporté au corps de garde pour y être interrogé. Dans sa déposition, il déclare aux juges qu’il s’occupe sur les ports « à la décharge du bois et des pierres », ce que le tribunal refuse de croire. En effet, lui oppose-t-il, « l’habit dont il est vêtu n’annonce pas un crocheteur ni un homme s’occupant à des travaux pénibles »38.
17Le vêtement permet d’identifier facilement celui qui le porte. Il sépare riches et pauvres. Il renseigne aussi sur la provenance géographique du voisin grâce à une multitude d’indices visibles et reconnus par tous. Joseph Perrind, marchand toilier, est convoqué par le tribunal de la sénéchaussée criminelle. Il doit témoigner à propos d’une rixe survenue entre deux femmes qui sont ses voisines. Il précise au tribunal qu’il « était dans son magasin à parler à un provençal » lorsque la bagarre a éclaté39. Un maître tailleur, Jacques Oyet, poursuivi pour injures et calomnies, raconte au cours de son interrogatoire qu’il « a entendu des filles habillées en paysannes qui demeurent dans la maison mais dont il ignore le nom […] tenir des propos injurieux à son égard »40. Pierre Mermet, traiteur, explique qu’il buvait dans un cabaret et « qu’il vit un homme déjeuner en mangeant du hareng […] qui avait un habillement et des guêtres à la manière dauphinoise »41. En variant d’un « pays » à un autre, les paraîtres régionaux, encore très vivaces à la fin du xviiie siècle, signalent l’appartenance géographique. Ils participent à cette « culture des apparences » puisqu’ils confèrent à son propriétaire une identité à la fois régionale et sociale que chacun sait reconnaître et déceler au premier coup d’œil42.
18L’importance que revêt l’aspect extérieur engendre des règles sévères qu’il faut bien entendu respecter. La plus importante de toutes est celle qui consiste à « rester à sa place » en portant des habits conformes à son état43. Se vêtir autrement, c’est se glisser dans la peau d’un autre. Rétif de la Bretonne ne dit rien d’autre lorsqu’il écrit :
C’est un mauvais proverbe que celui qui dit que l’habit ne fait pas le moine ! il le fait certes ! il le fait au moral comme au physique, au simple comme au figuré. Qu’un homme prenne une robe de procureur, d’avocat, de greffier, de magistrat, aussitôt il a l’esprit de corps […] un capuchon monacalise celui qui le met fut-ce en badinant, fut-ce en masque44.
19Porter un costume qui ne convient pas à son état choque ou stupéfie45. On y voit une intention malveillante visant à masquer son identité véritable : les voleurs et les filous ne se travestissent-ils pas pour brouiller les pistes et détourner les soupçons du public ?
Antoine Ducret compagnon chapelier, lit-on dans un procès-verbal de police a été arrêté alors qu’il était travesti d’un habit militaire à revers rouges […]. Il était en possession d’un drap de ménage qu’il venait de voler dans une chambre […] il a été arrêté par le commis du sieur Dubois avec l’aide des voisins46.
20Jouer avec son apparence est mal accepté par l’opinion commune car c’est encourager le désordre et la confusion sociale. Le manque de lisibilité vestimentaire est une offense à la collectivité qui l’assimile à un mensonge. Les femmes trop coquettes l’expérimentent à leurs dépens et les railleries du voisinage sont là pour rappeler à ces audacieuses leur juste place dans la société lyonnaise. Nicolas Gervais Richard, peintre, est un mari violent. Accusé par sa femme de mauvais traitements, il se défend en déclarant qu’il « a tiré une seule fois le ruban d’une coiffe de sa femme parce qu’elle avait une coiffe scandaleuse qui faisait rire tout le voisinage »47. On ne s’expose pas impunément dans un accoutrement qui n’est pas le sien. Telle est la règle d’or de l’apparence qu’impose quotidiennement le regard vigilant des autres.
II – LES ESPACES DE SOCIABILITÉ
21Pour connaître les lieux où se rencontre et se retrouve quotidiennement le voisinage, les archives judiciaires de la sénéchaussée criminelle s’avèrent, une fois encore, particulièrement précieuses. De nombreuses indications parsèment les procédures pénales qui informent sur les fréquentations et sur les relations qu’établissent entre eux les habitants de la cité. En sélectionnant rigoureusement toutes les rencontres qui associent des voisins, c’est-à-dire des hommes et des femmes demeurant dans les mêmes immeuble, rue ou quartier, il est possible de dresser un tableau précis des espaces où se déroulent ces retrouvailles journalières. Le dépouillement, effectué pour une période de quinze ans (1776-1790) a permis de recenser 1 312 entrevues fortuites ou volontaires, ayant eu pour cadre l’intérieur ou l’extérieur de l’immeuble. Leur répartition au sein de ces deux grands ensembles spatiaux se présente de la façon suivante :
22Les chiffres sont éloquents : une majorité de rencontres (58 %) se déroule en dehors des maisons, avec, d’ailleurs, des différences sensibles entre les sexes sur lesquelles on reviendra plus loin. Tous ces contacts extérieurs mettent en évidence une certaine primauté du « dehors » sur le « dedans » et montrent que de nombreuses activités s’accomplissent hors du foyer domestique. D’autre part, ils témoignent de la liberté avec laquelle les Lyonnaises et les Lyonnais usent de l’espace urbain. Toute proportion gardée et bien que les conditions d’existence soient très différentes à Lyon et dans la capitale, la population lyonnaise évoque le peuple de Paris et sa propension à ne pas se laisser enfermer dans un cadre géographique étroit48. L’importance dévolue aux emplacements situés à l’extérieur de la maison, en modelant une sociabilité de voisinage originale, compose un des traits saillants de la vie quotidienne des Lyonnais. C’est pourquoi l’examen détaillé de ces lieux est nécessaire.
1. Les lieux de rencontres à l’extérieur de la maison
23Par commodité, n’ont été retenus ici que les espaces principaux, ceux où les voisins et les voisines ont coutume de se rencontrer. Ils se présentent comme suit :
Dans la rue | 60 % |
Au cabaret | 15 % |
Sur le seuil d’entrée de l’immeuble | 9 % |
Sur un bateau à laver | 4 % |
Autres | 12 % |
24Au regard des chiffres, la rue constitue, pour les hommes comme pour les femmes, le cadre où s’effectue la majorité des contacts journaliers, ce qui ne surprend guère. On connaît en effet l’importance que joue la voie publique comme support à l’activité marchande et les historiens des villes ont tous évoqué son rôle dans l’édification de la culture populaire49. Le pavé lyonnais accueille tout ce que la cité abrite comme individus, catégories ou groupes sociaux. Un monde hétéroclite d’artisans, de journaliers ou de négociants s’attribue la chaussée et l’investit à des fins professionnelles. Le Consulat tente bien d’imposer un semblant d’ordre en réglementant l’usage de la rue. Rien n’y fait et la répétition des ordonnances municipales au cours du siècle illustre l’incapacité des autorités à lutter efficacement contre l’accaparement de cet espace public. En principe, les commissaires de police sont chargés de veiller à la bonne exécution des règlements de voirie et de garder le contrôle du pavé. Leurs moyens d’action, cependant, sont dérisoires et leur autorité toujours bafouée50. À vrai dire, la mission des représentants de l’ordre s’avère impossible car l’activité commerciale de la rue est si dense qu’elle nuit à la fluidité de la circulation. La présence des artisans et des marchands n’est d’ailleurs pas la seule à conférer au pavé cet aspect de fébrilité, puisqu’un peuple bigarré de colporteurs, d’affaneurs et de voituriers accaparent aussi la chaussée lyonnaise. La rue recueille une foule composite d’individus venus d’horizons sociaux très différents : ici se mêlent des membres des professions libérales, des marchands, des artisans mais aussi de très nombreux journaliers qu’un métier sans spécialisation rattache souvent au monde de la rue.
25Si l’activité commerçante transforme parfois la voie publique en marché ouvert, si les clameurs et les jurons de la rue retentissent aux oreilles des passants, rien de ce qui se passe sur le pavé n’échappe à l’attention des riverains. D’emblée ils identifient leurs voisins tandis que les autres, les « étrangers », sont à leur tour débusqués et reconnus comme tels. Comme on se sait observé par le voisinage du devant des boutiques ou à travers les fenêtres, on évite de ternir sa réputation en discutant ou en s’affichant avec des personnes jugées indignes.
Le 30 juin vers huit heures su soir, explique une jeune brodeuse […] elle passait au devant de la maison du sieur Plaisant […]. Catherine Laurent […] était sur la porte de ladite maison et l’appela mais la plaignante ne répondit pas car elle connaissait parfaitement cette fille et son genre de vie. Il y allait de son honneur de ne pas répondre51.
26Usagers de la chaussée et occupants des immeubles exercent leur curiosité réciproque, aidés en cela par la porosité du bâti. Les rumeurs et les bruits s’échappent des bâtiments et se répandent dans la rue. En retour, les cris de la rue alertent aussitôt l’oreille et le regard de ceux qui demeurent à l’intérieur des maisons. Les archives judiciaires multiplient les exemples de femmes, d’hommes ou d’enfants postés derrière les croisées, couvant du regard le spectacle de la rue.
Hier, vers huit heures du soir, lit-on dans une procédure, les femmes Perachon et Chaussonnet acharnées comme des lions se mirent au milieu de la rue en assiégeant la femme du suppliant de sottises atroces et d’horreurs au point que tous les voisins se mirent aux fenêtres jusqu’à lui montrer les cornes en lui disant garce, putain sors donc de chez toi je veux te lancer les pieds sur le ventre sinon je payerai quelqu’un pour te jeter de l’ordure sur le visage52.
27Entre la chaussée et le logement existe un état de perméabilité dont la fenêtre, ouverte ou fermée, constitue le symbole le plus visible.
28La rue, pour reprendre l’expression de P. Chaunu est « un espace d’étroite convivialité »53. Dès les premières heures, les commerçants ou les revendeurs disposent leur étal le long des maisons, les travailleurs se rendent dans leurs ateliers, les garçons de boutique et les domestiques effectuent les premières courses pour le service du maître. Tous usent de la chaussée, soit comme voie de passage soit comme lieu de labeur. Cette animation se poursuit sans interruption pendant les dix à quatorze heures de travail quotidien et ne cesse qu’à la nuit tombée. Le voisinage s’interpelle, fait signe de la main, échange un salut amical. Ces rencontres sont d’autant plus fréquentes que la rue est empruntée plusieurs fois dans la journée, par nécessité. Les inventaires après décès montrent en effet qu’en dehors du vin et du bois, les Lyonnais ne disposent d’aucune réserve et doivent s’approvisionner quotidiennement chez les marchands. On abandonne alors son activité pour aller faire quelques commissions chez le commerçant voisin. Posté sur le seuil de son échoppe, à l’affût du chaland, le boutiquier apostrophe la clientèle, marchande ou bavarde. Les rencontres entre voisins sont d’ailleurs nombreuses à se dérouler devant les magasins (elles représentent 13 % des contacts qui s’effectuent à l’extérieur des immeubles), illustrant une stratégie commerçante largement ouverte sur l’extérieur de la boutique. Officiellement pourtant, pour disposer d’un banc, d’un étal ou d’une gargote, il faut être autorisé par les autorités. En réalité, la rue est peuplée de petits revendeurs qui exhibent leurs produits. Nombreux sont ceux qui vendent à la sauvette quelques marchandises à l’instar de Marie Perraud qui entrepose ses ballots de fruits place des Jacobins ou de la femme Journaud qui sillonne les rues de la ville, traînant avec elle une brouette pleine d’abricots54. La rue apparaît ainsi comme un lieu d’échanges où se négocient les articles et les denrées les plus diverses. Elle abrite une importante circulation monétaire qui s’effectue « à découvert », en dehors des maisons et sous les yeux du voisinage.
29Le long du pavé, les nouvelles circulent. Les commères du quartier cancanent et transmettent à des oreilles complaisantes les ragots du jour :
Un jour de la semaine dernière, expose la dame Bichat, passant au devant la boutique de la femme Desaye revenderesse, celle-ci l’appela et lui dit Savez vous quelles nouvelles ? que lui ayant répondu que non, elle lui dit hé bien je m’en vais vous en apprendre une et de suite lui dit Savez vous que la femme Olivier est devenue une voleuse […] elle a volé ma belle sœur pour 90 Livres55.
30Si les ragots engendrent un certain climat de suspicion, il existe d’autres temps moins agressifs, où se déploie une sociabilité bienveillante : ainsi, lorsque viennent les beaux jours, les voisins aiment se retrouver en dehors de leur domicile. Tous profitent alors de la lumière et de la douceur estivales pour s’installer le long des immeubles. Joseph Paclet, garçon boucher, joue aux dés avec ses camarades de travail, vers neuf heures du soir, devant la boutique du maître56. Le fils d’un bourgeois papote à la tombée du jour avec une jeune épicière sur la porte de son magasin57. Deux couples de maîtres tailleurs prennent le frais un soir de juillet en bavardant devant leur échoppe58. Des discussions s’engagent, des éclats de voix retentissent jusqu’à ce que la nuit ramène le calme dans le quartier et incite chacun à rentrer chez soi.
31La rue est sans doute la chose du monde la mieux partagée puisque chacun des deux sexes y déambule et s’y retrouve librement. Un calcul opéré à partir des archives criminelles montre que la chaussée publique compose un domaine « mixte », fréquenté à égalité par les hommes et par les femmes.
Nombre total de rencontres sur la voie publique | Pourcentage des hommes | Pourcentage des femmes |
456 | 52 % | 48 % |
32Au cours de la journée, les femmes disposent de la chaussée aussi bien que les hommes : revenderesses, domestiques, ouvrières en soie, brodeuses ou blanchisseuses sillonnent les rues et s’activent du matin jusqu’au soir, sans que l’usage qu’elles font du pavé les distingue des hommes. À la tombée de la nuit, en revanche, la population féminine se raréfie et la chaussée devient majoritairement masculine : c’est l’heure des mauvaises rencontres et des agressions toujours possibles. Averties des dangers qui les guettent, les femmes évitent de sortir ou se font accompagner par un voisin serviable. Mieux vaut en effet ne pas se promener seule à des « heures indues », notamment aux abords des cabarets ou dans les ruelles obscures. Si les plus exposées restent les filles célibataires et les veuves, c’est qu’en principe les femmes mariées peuvent compter sur la protection de leur mari.
Hier soir vers les dix heures, raconte le sieur Cornier, marchand chapelier à Saint-Jean, […] sa femme se promenait avec la dame Pelletier aux environs de la boutique du sieur Pelletier pour prendre l’air. Le sieur Moulin, clerc chez Monsieur Dussurgey s’approcha des deux femmes voulut mettre la main dans le sein de la dame Cornier, lui tint des propos indécents la serra par le corps pour l’entraîner. Elle se mit à crier et à appeler son mari au secours qui sortit aussitôt59.
33Pour justifier de telles agressions, les accusés usent d’un mode de défense éprouvé : invariablement, ils renvoient la responsabilité des faits à la victime en prétextant qu’elle se promenait seule dans la rue et qu’elle a cherché à les aguicher.
34La rue n’est pas le domaine réservé des adultes. Les enfants, aussi, s’y rencontrent, la parcourent, l’utilisent même comme terrain de jeux. Quand ils ne sont pas à l’école, ils sillonnent le quartier et font les courses. Tôt le matin, Humbert Gayet envoie son jeune fils de huit ans porter un seau de teinture chez le sieur Vacher60. Jeannette Ichalette, la fillette d’un boulanger raconte :
Elle porte tous les matins le pain soit chez les grenetiers rue de la Grenette soit aux Halles soit chez des marchands d’indiennes demeurant petite rue Mercière61.
35Perméable, le monde des adultes reste largement ouvert aux enfants. Ils y apprennent les usages de l’existence – l’amitié et la solidarité bien sûr – mais aussi l’agressivité et les difficultés quotidiennes. Au péril de leur vie quelquefois, à l’exemple de Jacques Lebrat, un enfant de huit ans, mort écrasé par un tombereau, rue Écorcheboeuf62. Dur et brutal, l’environnement peut aussi se convertir en espace ludique et la rue devenir le cadre des distractions enfantines. Étienne Pelissier, maître cordonnier rue Poulaillerie, rapporte avoir vu « plusieurs enfants sautant et jouant sur de la paille qu’un particulier avait entreposée dans la rue »63. Moins anodins, d’autres jeux agacent le voisinage.
Son âne était attaché au coin de la rue du Bessard, raconte la femme Brunier. Plusieurs jeunes gens ont détaché son âne et sont montés dessus et parmi eux le petit du nommé Marché, rôtisseur qui demeure rue de la Cage. Elle les a dépistés64.
36Face aux réprimandes des adultes, les enfants savent se garantir… en s’enfuyant à travers les ruelles et les allées d’immeubles.
Des jeunes gens jetaient en badinant de la terre grasse à un particulier, dépose un témoin. Le particulier accourut, les jeunes gens s’enfuirent dans une allée qui traverse65.
37L’espièglerie des enfants n’est pas rare qui se double d’insolences ou d’insultes grossières. Certains voisins s’en offusquent, comme cette veuve exaspérée par « les polissonneries » à répétition de deux enfants, âgés de cinq et dix ans :
Ils l’ont appelée la vieille […], lui ont jetée de l’eau sur ses vêtements. Le lendemain elle les menaça du fouet mais ils la traitèrent de salope et de putain […] et se hâtèrent de monter l’escalier66.
38La vulgarité des propos peut surprendre venant de la part de si jeunes gens. Ils sont pourtant l’expression d’une incontestable adaptation au monde environnant.
39À la frontière entre le domaine public et le domaine privé, ouvert à la fois sur la chaussée et l’intérieur de l’immeuble, le seuil de l’allée constitue un espace charnière, à l’intersection de la vie domestique et du monde de la rue. Cet espace de sociabilité est le théâtre de nombreuses rencontres puisque s’y croisent 9 % des habitants du quartier. Les locataires aiment s’y retrouver pour bavarder, cancaner ou observer les passants. De cet observatoire, il est loisible de contrôler les mouvements de la rue ou encore d’écouter les paroles qui s’échappent des appartements. Entre voisins, les conciliabules vont bon train et se nourrissent des événements de la vie quotidienne.
Mercredi dernier raconte Jean Rafin compagnon maçon, il causait avec la femme Conchon sur la porte d’allée de la maison […] ladite Conchon lui raconta que son mari avait maltraité le plaignant parce qu’il l’avait trouvé à badiner avec elle croyant qu’il voulait la séduire67.
40Si de nombreux propos se font l’écho de préoccupations domestiques, il en est d’autres, plus anodins, qui traduisent le goût des riverains pour la palabre ou la taquinerie. Philibert Phyli expose :
Il causait sur la porte d’allée avec les nommés Phyli ses deux neveux et Chapard, il vit venir ledit Gay […] lequel s’arrêta à parler avec ledit Phyli son neveu et ensuite se poussèrent en badinant dans ladite allée68.
41Au total, la porte d’allée matérialise la limite entre le domaine réservé à la vie privée des locataires et le monde du dehors. De ce fait, elle est un lieu de rencontres et de communication qui participe grandement à la diffusion des nouvelles et à la vie du quartier.
42Si la rue n’est le domaine réservé ni de l’un ni de l’autre sexe, si le seuil de l’allée voit transiter des hommes aussi bien que des femmes, deux espaces de rencontres en revanche modèlent une sociabilité beaucoup plus typée : le bateau à laver et le cabaret.
43Le bateau-lavoir, parfois appelé platte, est relié aux berges du fleuve. Il est équipé de façon à ce qu’on puisse nettoyer et battre le linge ou les draps en s’aidant, pour le rinçage, du courant de la rivière. Ces bateaux à laver appartiennent à un propriétaire et sont dûment répertoriés dans les registres fiscaux de la ville comme l’atteste la contribution foncière de 1791. En moyenne, ils mesurent 6,50 mètres de long sur 2 mètres de large et peuvent accueillir une vingtaine de personnes. Dès l’aube, les blanchisseuses et les ménagères du quartier s’y rendent pour « couler » des lessives. Une gravure de François Cléric intitulée Vue d’une partie de la ville de Lyon et dédiée au Duc de Villeroy montre plusieurs de ces bateaux installés sur la Saône entre le Pont de Pierre et le Pont de Bois. Des femmes du peuple, reconnaissables au bonnet et à la jupe plissée, surmontée de l’indispensable tablier, décrassent leur linge en bavardant. Les potins et les racontars, en effet, fusent en ce lieu et le chœur féminin a tôt fait de relever ou de ternir la réputation d’une voisine. La femme de Pierre Rater est blanchisseuse. Elle explique au tribunal qu’elle
repassait du linge sur le port du Sablet le dix neuf de ce mois sur les cinq heures du matin. Elle entendit beaucoup de bruit dans le bateau à laver, elle prêta l’oreille attentivement et reconnut la voix de la femme Solichon qui traita la plaignante de receleuse et y ajoutait J’aurais voulu te faire pendre ; j’aurais tiré la corde avec plaisir69.
44De tous les emplacements publics de la ville, le bateau-lavoir est le seul qui soit de vocation exclusivement féminine. Les hommes ne s’y aventurent jamais et cet espace annexé par les habitantes du quartier constitue le lieu d’échanges par excellence des Lyonnaises.
45Le cabaret, à l’inverse du bateau-lavoir, est de fréquentation purement masculine. Les femmes n’y vont pas, sinon rapidement, pour faire quelques courses. Un calcul effectué à partir de la liste des témoins convoqués par la sénéchaussée criminelle recense une vingtaine de fois seulement, en quinze ans, la présence de femmes buvant en compagnie d’autres hommes. C’est que, contrairement à leurs homologues parisiennes, les Lyonnaises sont absentes de cet espace de détente qui reste, jusqu’à la Révolution, le lieu de prédilection des hommes. Au cabaret, d’ailleurs, il faudrait assimiler les autres débits de boissons qui vendent de l’alcool et, le plus souvent, de quoi manger. Cafetiers, aubergistes, cabaretiers, limonadiers, traiteurs sont en effet confondus par la municipalité qui multiplie à leur encontre des mesures restrictives et leur impose des heures de fermeture strictes : onze heures du soir au printemps et en été, dix heures l’automne et l’hiver. En outre, le dimanche matin, pendant l’office religieux, ces établissements doivent rester fermés et un commissaire de police veille tout particulièrement à la bonne observation de cette règle. Si, la semaine tout entière, le voisinage aime se retrouver derrière une bouteille de vin ou de bière, les autorités n’apprécient guère la sociabilité foisonnante du lieu. L’endroit est surveillé, parfois suspecté car c’est ici qu’une large part de la vie populaire éclot et s’organise : les compagnons tiennent leurs assemblées et élaborent quelques-unes de leurs stratégies de résistance vis-à-vis des employeurs70. Les marchands fixent là leurs rendez-vous d’affaires, tandis que les garçons et les manœuvres attendent des propositions d’embauche en sirotant un verre. Point de passage obligé pour tous les travailleurs du quartier, le cabaret s’anime au gré des allées et venues des consommateurs. On boit sec, bien sûr, mais on joue beaucoup aussi, aux cartes, au billard ou au piquet. Dans tous les établissements, malgré l’interdiction des autorités, les clients misent de l’argent, de la bière, du vin, des tasses de café… Tout est bon pour jouer. Des disputes naissent qui déclenchent l’intervention de la garde ou des soldats du guet. Les moralistes de tout poil dénoncent d’ailleurs à plaisir les débauches et les dangers que font courir ces lieux à l’ordre et à la sécurité publics71. Les classes dominantes de la société lyonnaise leur font écho, condamnant dans un même mouvement l’ivrognerie et l’insubordination des travailleurs.
Je viens de recevoir la visite de Monsieur Bruyset, écrit le Président Dugas à son ami de Saint Fonds ; nous avons causé de librairie et d’imprimerie. Il m’a dit que les compagnons imprimeurs sont aujourd’hui si indociles, si paresseux, si négligents qu’on ne peut pas venir à bout de faire une bonne impression. Ils commencent dit-il à faire leur semaine le jeudi et veulent que trois jours les nourrissent toute la semaine. Il ajoute que ce désordre règnera, tant que le vin sera aussi abondant et à aussi bon marché72.
46Le cabaret, pourtant, participe à la vie quotidienne du quartier et cela de façon moins scandaleuse que ne veulent le faire croire les autorités : les enfants viennent y faire de la monnaie, les employeurs y concluent leurs contrats d’apprentissage. Surtout, le cabaret demeure l’espace de la réconciliation par excellence, celui où les adversaires d’hier mettent un terme à leur rivalité. Pour célébrer la paix retrouvée, les anciens rivaux trinquent devant les consommateurs réunis, attestant sur un mode convivial la fin de leur antagonisme.
47Lorsque deux voisins se rencontrent dans la rue, l’attitude la plus fréquente est d’aller boire une chopine au cabaret. Rien ne semble plus naturel que de venir vider un verre et les Lyonnais sont aidés en cela par le nombre élevé de cabarets dispersés à travers la ville. Georges Durand a calculé que la ville offre un débit de boissons pour 700 habitants73, trois fois moins, c’est vrai, que Paris à la même époque74. Pour la période 1776-1790, les archives criminelles citent le nom de 208 débits de boissons lyonnais, faubourgs non compris, ce qui confirme grosso modo le dénombrement de Georges Durand. Ceux-ci sont attestés dans tous les quartiers de la ville avec une densité qui varie selon les secteurs. Dans la presqu’île comme dans les vieux quartiers médiévaux de Saint-Jean, les débits de boissons sont surtout présents le long des grandes voies de circulation mais aussi au cœur des zones à forte concentration populaire et artisanale. C’est le cas des quartiers du Plat-d’argent, de la rue Thomassin, du Plâtre ou des Terreaux. L’activité et le dynamisme économiques engendrés par les deux fleuves concourent aussi à la multiplication des cabarets : à proximité de la Saône d’abord, dans les secteurs de Porte-Froc, du Change, de Saint-Vincent ou de la rue Tupin. Aux abords du Rhône ensuite, dans les quartiers de l’Hôpital, de Bon-Rencontre ou du Griffon. Tous ces espaces, surpeuplés et commerçants, accueillent l’essentiel des débits de boissons. C’est ici aussi que se concentre en partie la violence de la ville.
48Le cabaret lyonnais possède une configuration qui rappelle à bien des égards son homologue parisien75. Il est situé en bordure de rue et se trouve percé de nombreuses ouvertures qui s’ouvrent le plus souvent sur la chaussée, sur l’allée de l’immeuble ou sur une cour. Ces ouvertures permettent aux habitants de la maison d’accéder directement au cabaret, sans passer par la rue ou encore aux couche-tard de continuer à boire au-delà de l’heure officielle de fermeture. Elles facilitent aussi les évasions au nez et à la barbe des représentants de l’ordre venus arrêter des consommateurs éméchés ou réfractaires aux ordonnances municipales. Jacques Philippe Soudeux, sergent à la Compagnie Franche, le sait bien qui, avec zèle et courage, sait attraper les contrevenants :
Dans le cabaret du nommé Perret, marchand de vin […] à travers le vitrage je m’aperçus qu’un particulier voulait s’évader par la porte de derrière. Je m’opposais et je reconnus Galand, homme suspect puisque je l’ai déjà conduit pour bacchanales et filouteries à trois époques différentes chez les commandants76.
49Tous ces établissements, bien sûr, ne sont pas identiques. À en croire les archives cependant, nombreux sont ceux qui pêchent par leur exiguïté et leur inconfort. En règle générale, la salle de cabaret comprend un gros poêle, quelques bancs et tables de bois autour desquels une quinzaine de consommateurs, rarement plus, viennent s’asseoir. Le plus souvent, au premier étage, s’ajoute une seconde pièce dans laquelle on a parfois placé un lit pour que les plus avinés viennent s’y reposer. La place disponible est aménagée, l’espace bricolé pour accueillir une clientèle d’habitués, plus sensibles sans doute à la convivialité qu’au confort des lieux.
50Le cabaret lyonnais, s’il accueille des consommateurs de toutes les catégories professionnelles, reflète cependant la composition sociologique du quartier dans lequel il est établi. Denis Sornay possède un établissement rue Bonneveau, à proximité du Port des Cordeliers, dans l’un des endroits les plus pauvres de la presqu’île comme en témoigne la Contribution mobilière de 1791. Sa clientèle – elle est invitée à venir témoigner à la suite d’une banale querelle entre consommateurs – est composée de journaliers travaillant sur le port, de petits boutiquiers et d’ouvriers, bref, de travailleurs logés à proximité immédiate77. Si l’on pénètre à présent chez Jean Bernard, cabaretier rue Pizay, les consommateurs sont d’extraction moins populaire, à l’image d’une bonne partie de la rue. On retrouve là plusieurs artisans, des maîtres pour la plupart, des membres des professions libérales ou encore des négociants78. L’endroit est aussi plus spacieux et dispose d’un billard autour duquel s’empressent quelques habitués. À travers ces deux exemples, il ressort qu’il existe entre les différents débits de boissons une véritable hiérarchie. Au sommet de cette pyramide, les « cafés » attirent les clients les plus huppés de la ville. La frange supérieure de la société aime s’y donner rendez-vous pour s’entretenir entre personnes de bonne compagnie. Maurice Giraud, un ancien échevin demeurant rue Saint-Dominique, fréquente régulièrement le café de la femme Ardouin, place Louis-le-Grand. Là, il retrouve Laurent Oudra, ancien échevin lui aussi, domicilié rue Vaubecour79. Certains viennent au café pour discuter ou jouer avec des amis. Louis Robert, un négociant, fréquente « ordinairement le café du sieur Genella, place de la Fromagerie Saint-Nizier ». Il aime y faire « une partie de piquet avec le sieur Berlocher négociant […] Maître Chapellon, notaire […] Maître Lièvre, notaire et Maître Millet avocat »80. Ces établissements distingués sont socialement typés et bien que les classes populaires n’en soient pas totalement absentes, ce sont les nobles, les bourgeois et les négociants qui constituent l’essentiel de la clientèle. Si l’on ajoute les membres des professions libérales, ce sont au total près de 70 % des consommateurs, extérieurs au « monde du travail », qui fréquentent les cafés.
51Parmi les établissements appréciés, ceux qui bordent la place des Terreaux bénéficient d’une vogue certaine. Les négociants, notamment, y conduisent de nombreuses affaires depuis que le quartier est devenu le haut lieu du commerce lyonnais. Le café du sieur Gaudet réunit, si l’on en croit un témoignage, « les négociants les plus distingués de la ville ». Il est large et confortable, capable de réunir « plus de 40 personnes, toutes négociantes honnêtes […]. Les faits qui s’y passent sont connus de toute la ville »81. Très prisés par une partie de la noblesse lyonnaise, certains de ces établissements seront perçus par le petit peuple comme des foyers contre-révolutionnaires dès 1789. C’est ainsi que le café de Mathieu Grand, pris pour cible par les émeutiers, sera brûlé et dévasté, sous le regard bienveillant des riverains qui refuseront de « donner du secours à cette maison aristocratique »82. En accueillant une population aisée, venue des paroisses les plus diverses, le café, en règle générale, ne participe pas de la vie du quartier au même titre que le cabaret. Moins populaire, il échappe au contrôle des riverains et reste un espace semi-clos, beaucoup moins perméable aux mouvements de la rue. Les relations de voisinage, pour l’essentiel, se trament ailleurs.
2. Les lieux de rencontres à l’intérieur des maisons
52Bien que la communauté de voisinage se retrouve fréquemment à l’extérieur des maisons qu’elle occupe, une partie importante de ses rencontres se déroule au sein même de l’espace habité et de ses dépendances. Selon l’échantillon, 42 % de ces entrevues voient le jour à l’intérieur de l’immeuble, dans l’un des secteurs du bâtiment. Dans l’itinéraire enchevêtré des maisons lyonnaises, les appartements populaires s’ouvrent sur le palier des voisins, sur l’escalier, le corridor (ou l’allée d’entrée), la cour et la rue. Les espaces communiquent les uns avec autres et se rejoignent en des domaines qui canalisent l’essentiel de la sociabilité de l’immeuble. Plusieurs fois par jour, les habitants parcourent ces lieux familiers et s’y croisent. Grâce aux informations recueillies dans les procédures criminelles, il est possible d’esquisser une topographie de ces rencontres intérieures.
Dans l’appartement du voisin | 53 % |
Sur l’escalier | 18 % |
Dans la cour | 14 % |
Dans le corridor, sur le palier | 7 % |
Dans l’allée | 6 % |
Dans le grenier, la laverie ou la buanderie commune | 2 % |
53Si 53 % des rencontres se déroulent dans le domicile du voisin, c’est qu’entre locataires se visiter est l’une des attitudes les plus banales qui soit. Voisiner est d’ailleurs un devoir dont chacun doit savoir s’acquitter au risque de froisser la collectivité83. Pousser la porte du voisin, aller aux nouvelles et échanger quelques mots est perçu comme une pratique amicale qui contribue à la concorde sociale. Mais malheur à celui qui dénature cet usage, à l’instar du sieur Guy, tapissier, qui s’est introduit chez Guillaume Gruffar « sous prétexte de voisinage » pour séduire sa femme84. La situation, cependant, demeure suffisamment rare pour justifier un recours en justice. D’ordinaire, c’est plutôt l’intérêt suscité par autrui qui amène à visiter un voisin. Poussée par une curiosité sans vergogne dont on appréciera ailleurs la pesanteur et les mouvements de résistance qu’elle suscite, la communauté des habitants voit sa tâche facilitée par l’aisance relative avec laquelle elle peut pénétrer dans les appartements. Non pas que les serrures, les crochets ou les loquets de toutes sortes soient absents. Ils existent et servent à dissuader les gêneurs et les voleurs. Néanmoins, le logis ne semble jamais entièrement clos. Les murs laissent passer les bruits et certains locataires travaillent portes ouvertes comme Anthelme Bozonat, un maître menuisier que « sa profession […] oblige à tenir la porte principale de son appartement ouverte »85.
54Les irruptions chez autrui se succèdent et, à cet exercice là, rien ne sépare le comportement des hommes de celui des femmes. La multiplication des visites, la facilité avec laquelle on s’interpelle et on pénètre les uns chez les autres témoignent d’une grande familiarité entre occupants de l’immeuble. Cette convivialité qui semble disposer du temps de chacun ne s’embarrasse guère des réticences qu’elle provoque parfois. Les occupants de l’immeuble voisinent à tout moment de la journée, le matin comme le soir, et il est rare qu’on s’en formalise véritablement. La femme Lagier descend chez sa voisine à sept heures du matin pour lui remettre une pièce de toile à blanchir86. Marguerite Dumaine, garde-malade, vient chercher de la lumière chez le nommé Dupré, logé au même étage, à onze heures du soir. Elle y trouve Jacques Tesserie, son « prévoisin » occupé à souper87. Un boucher des Terreaux et son camarade se rendent chez la demoiselle Fourier « entre dix heures et onze heures du soir sous prétexte de lui parler »88. Ces visites à répétition, subies plutôt que choisies, sont une des composantes de la vie quotidienne. Elles participent à l’édification d’une culture populaire, large, ouverte et très largement soumise à l’influence extérieure.
55Parmi les rencontres dites « intérieures », 18 % d’entre elles ont pour cadre l’escalier de la maison. Cette structure en pierre, véritable colonne vertébrale de l’immeuble, assure la desserte verticale des étages en raccordant le rez-de-chaussée au grenier. Les historiens de l’art ont évoqué dans leurs travaux sur l’habitat lyonnais les modifications qui ont affecté le plan de l’escalier au cours des siècles89. L’ancien escalier en vis hors œuvre, reliant les galeries de circulation construites autour de la cour et abrité dans une tourelle qui dépasse la ligne de faîte de la façade, disparaît à la fin du xviiie siècle. Il est remplacé par l’escalier à volées droites et repos, inclus dans le corps de logis et éclairé par des baies rectangulaires ou des arcades généralement ouvertes sur la cour. Jusque vers 1760 cependant, on continue à lui donner une forme de tour, aménagée parfois en salle pour l’étendage du linge. D’autre part, contrairement aux périodes précédentes, les degrés ne débouchent plus directement sur la chaussée mais sont accessibles par une allée disposée le long du mur mitoyen. Ces transformations ne concernent évidemment pas toutes les habitations lyonnaises. Des secteurs entiers de la ville ne subissent aucune modification notable du xvie jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Sur la rive droite de la Saône, à Saint-Paul, Saint-Jean ou Saint-Georges, dans la presqu’île, à proximité de La Pêcherie ou de l’Hôtel-Dieu, des îlots de pauvreté se perpétuent. Maurice Garden a calculé qu’en dix ans, entre 1753 et 1762, 113 reconstructions seulement ont été effectuées, faubourgs exclus, ce qui correspond au renouvellement de 3,5 % de l’ensemble immobilier lyonnais90. Bien que le mouvement s’accélère dans la deuxième moitié du xviiie siècle, c’est en définitive une petite partie des Lyonnais qui bénéficie de l’amélioration de l’habitat. Les autres continuent à arpenter des espaces vétustes à la configuration inchangée.
56La cage d’escalier est un microcosme qui vit au rythme du va-et-vient des occupants de l’immeuble. Des discussions s’engagent entre personnes de position sociale inégale mais animées d’une même soif de potins. Antoine Marie Naudeau, procureur aux cours de Lyon, s’entretient avec sa voisine revenderesse, sur les marches, au premier étage91. La domestique du sieur Perret, commère avec la femme Dutrech, épouse d’un chirurgien réputé92. L’escalier résonne de voix, de rires ou d’injures. Des cris retentissent, des insultes sont échangées qui suscitent l’intervention immédiate du voisinage : « le scandale fut si grand qu’en quelques minutes l’escalier de la maison fut rempli d’une multitude qui accourut […] ainsi que la garde » racontent deux plaignants93. Dans l’architecture des maisons, l’escalier apparaît comme une véritable caisse de résonance qui répercute et amplifie les tensions quotidiennes. Certains locataires se réunissent sur les paliers, criant à la cantonade des propos outranciers :
Une fille nommée Monde causa du haut de l’escalier de la maison […] avec les nommées Milan, Dervieux et Buisson et dit de la plaignante Elle ne sera pas contente que nous ne l’ayons frappée. Elles applaudirent94.
57D’autres n’hésitent pas à apostropher le voisinage pour le prendre à témoin des malheurs qui les accablent : ainsi l’épouse de Jean Baptiste Daverède qui montre à tous ceux qui la croisent sur l’escalier la trace des coups infligés par un mari cruel95.
58Cet espace saturé d’activités et de mouvements se définit encore comme un territoire largement ouvert sur l’extérieur de la maison et sur le monde du travail. Pierre Fond, affaneur, approvisionne en eau la dame Laffray qui veut tremper une lessive96. Raymond Villard apporte de l’ouvrage à Suzanne Ruffard, sa voisine97. Des compagnons se rendent au petit matin dans quelque ouvroir installé en étage. Ils croisent dans les degrés des commis venus livrer leurs marchandises. Point de passage obligé, l’escalier est un lieu que l’on observe attentivement car il est un peu le prolongement et l’écho d’une vie domestique dont l’intimité ne se cache pas toujours derrière des portes hermétiquement closes.
Sur environ midi, rapporte la veuve Maussin, montant l’escalier de la maison qu’elle habite, elle ouit beaucoup de bruit dans le domicile de la femme Richard qui disait à la plaignante qu’elle était une garce, une putain […] qu’elle menait sa fille chez les juges trousser son cotillon pour se les rendre favorable98.
59Dans l’interpénétration constante du public et du privé, les escaliers occupent une place à part : disposés au cœur de l’espace construit, à la croisée de tous les cheminements, ils voient converger tout ce que la maison abrite comme tensions, rumeurs et activités. C’est donc sans surprise qu’on verra le voisinage défendre ici une grande partie de sa crédibilité et de son honneur.
60Après l’escalier, la cour de l’immeuble représente un autre espace d’intense sociabilité où se rencontrent quotidiennement 14 % des voisins. De cet emplacement, quels traits caractéristiques est-il possible de dégager ? Son aspect matériel peut être en partie précisé grâce aux informations fournies par la Contribution mobilière de 1791. En indiquant une fois sur trois environ des mesures précises, celle-ci permet d’évaluer notamment la superficie des cours de la presqu’île. Elles se présentent comme suit :
61Les cours lyonnaises sont, en règle générale, de dimension réduite. Si la surface moyenne s’élève à 74 m2, nombreuses sont celles qui sont de taille inférieure : 57 % d’entre elles ont moins de 36 m2 et 19 % seulement sont supérieures à 80 m2. Des différences sensibles d’ailleurs sont perceptibles selon les quartiers.
Noms des sections | Superficie moyenne des cours |
Nord-Ouest | 75 m2 |
Nord-Est | 104 m2 |
Hôtel-Commun | 41 m2 |
Halle aux blés | 35 m2 |
Fédération | 263 m2 |
62La partie sud de la presqu’île comprise entre le confluent et la place Louis-Le-Grand (ou Bellecour) abrite les cours les plus vastes. Deux raisons expliquent cette singularité. Les hôtels de l’aristocratie, nombreux dans cette partie de la ville, disposent d’une surface au sol importante occupée non seulement par les bâtiments proprement dits mais encore par des cours et des dépendances souvent substantielles. L’hôtel de la veuve Dalbon, par exemple, sis rue Sainte-Hélène, dispose d’un jardin égal à 1328 m2 pour une surface totale estimée à 1667 m2. La demeure des frères de Fleurieux, rue Boissac, recouvre une superficie égale à 1333 m2, dont plus de la moitié est absorbée par la seule cour. D’autre part, dans cette section, de nombreux immeubles de la compagnie Perrache sont en construction. L’importance des terrains non encore bâtis majore la proportion des maisons à grande surface et tranche avec la situation des quartiers du centre où l’espace est beaucoup plus restreint. Si l’on observe en effet la portion du territoire qui s’étend de Bellecour aux portes de la Croix-Rousse, on est frappé par l’étroitesse des cours hormis le secteur du quai Saint-Clair où de nouvelles constructions, symétriques et régulières, contribuent à aérer le quartier. L’étroitesse et l’irrégularité des parcelles sont issues d’un découpage ancien, souvent réutilisé à l’identique au cours des siècles. Elles limitent considérablement la place disponible et engendrent un tissu urbain aux mailles serrées dans les zones les plus anciennes. Par souci de rentabilité, la partie réservée à l’habitation occupe l’essentiel de l’espace parcellaire au détriment, notamment, de la cour qui se réduit peu à peu à un usage utilitaire. Si l’on s’en tient à la situation la plus habituelle, la cour est placée entre deux corps de logis. Elle assure d’abord l’éclairage et l’aération indispensables des bâtiments construits en fond de parcelle. Elle permet ensuite aux rues de communiquer les unes avec les autres et constitue ainsi un point central vers lequel convergent les célèbres « allées qui traversent » ou traboules lyonnaises. Enfin, la cour, parsemée de nombreux magasins, hangars ou écuries, abrite aussi la pompe, les latrines, la buanderie et le puits, dont l’utilisation est réservée aux occupants de la maisonnée selon des règles que les baux à loyer stipulent parfois.
63Territoire de petite dimension, la cour ne dessine pas toujours un enclos aux contours bien précis. Surplombée par les fenêtres des bâtiments construits en fond de parcelle, elle est parfois ceinturée par des galeries extérieures. Les locataires y promènent leur regard, recueillant en écho le bruit des rumeurs et des injures.
Elle était sur le balcon de la maison qu’elle habite et qui a vue sur la cour où travaille le sieur Pera, dépose Catherine Coste. Elle vit celui-ci ouvrir précipitamment la barrière qui communique à l’escalier et ouit crier un instant après […] au secours à l’assassin99.
64La présence de nombreux ateliers encombre la cour d’une multitude d’objets et d’ustensiles tels que des planches, des barriques, des tréteaux, des chevalets, des outils… D’autre part, les fonctions commerçantes du rez-de-chaussée attirent quantité de personnes venues des immeubles voisins. Certes, pour préserver la tranquillité des habitants, certaines cours sont fermées à clé et leur accès limité aux seuls locataires. Cette disposition cependant n’affecte guère les secteurs populaires de la ville et rares sont les individus qu’elle contient. Par la diversité de ses usages et par les services communs qu’elle renferme, la cour demeure un lieu où se forge une partie des relations de voisinage. Pour parler comme Emmanuel Le Roy Ladurie, elle compose « un foyer de sociabilité globale » réunissant les deux sexes et tous les âges de la vie100.
65À l’intérieur de l’immeuble, dans la topographie des rencontres entre voisins, un autre lieu joue un rôle important en abritant 6 % des contacts journaliers : l’allée d’entrée, autrement appelée corridor. Ce passage, on le sait, a pour fonction d’assurer la desserte horizontale de l’immeuble en conduisant à la cour et à l’escalier. Il est fermé, le plus communément, par une porte piétonne surmontée d’une imposte. Seules, les demeures cossues disposent de portes cochères qui permettent la circulation des voitures et des équipages. Ce couloir peut être placé au centre de la façade et encadré par des arcs de boutiques. Il peut être aussi situé le long du mur mitoyen. Tous les soirs, à heure fixe, l’allée d’entrée doit être verrouillée par le locataire principal afin de garantir la tranquillité et la sécurité des occupants de l’immeuble101. Cette mesure cependant ne suffit pas toujours à dissuader les vagabonds et les indésirables. Jean Terrasson, écuyer et propriétaire rue Puits Gaillot, se plaint de ce que des inconnus crochètent la porte d’entrée de sa maison à l’aide de fausses clés et passent la nuit dans l’allée ou dans la cour102. Les vagabonds sont toujours tenus pour responsables de ces effractions et le rejet qu’ils suscitent s’accentue encore aux périodes de récession. Ce qui inquiète surtout la communauté des habitants, c’est le vol dont se rendent coupables les errants et les déclassés. Une porte mal fermée ou une allée qui reste ouverte pendant la nuit accroît les risques de cambriolage. Pierre Chamard, maître perruquier, « n’a pas fermé la porte de l’allée attendu les glaces qui y régnaient. Des malfaiteurs descendirent jusqu’à la porte de sa cave, brisèrent le montant et enlevèrent deux cruches pleines d’huile d’olive »103. Les vols avec effraction ou la visite des caves sont des entreprises essentiellement nocturnes. La journée, en effet, l’allée d’entrée reste étroitement surveillée par le voisinage, ce qui décourage en général les voleurs. Cette vigilance s’impose d’autant plus que le corridor constitue une véritable voie de passage qu’empruntent journellement les commerçants, les artisans ou les domestiques. Nombreuses sont celles, d’ailleurs, qui « traboulent » et qui relient les îlots d’habitation entre eux. Claude Despan, maître maréchal, loge quai de Retz :
Il demeure dans une maison dont l’allée traverse de dessus le quai dans la rue Grolée. Les bouchers de la Boucherie de l’Hôpital passent continuellement dans l’allée de la maison avec des bœufs, des chevaux quoique ce passage ne soit destiné que pour les gens à pied104.
66En parcourant l’allée d’entrée quotidiennement, en sillonnant celle des immeubles voisins, les habitants du quartier intègrent cet espace à leur territoire et en usent comme s’il était le leur. Familiers des lieux, certains, même, viennent s’y « soulager », s’attirant aussitôt la colère des locataires :
En rentrant de son domicile après le souper, lit-on dans la plainte du sieur Rousselon, donnant le bras à son épouse il entendit du bruit dans l’allée de la maison dont il occupe le premier étage. Un particulier urinait et tacha la robe de sa femme. Aux cris du plaignant, plusieurs personnes accoururent105.
67Si le couloir d’allée s’anime au gré des allées et venues du voisinage, il abrite aussi des activités d’un genre bien différent. Profitant de l’obscurité, certains y passent à tabac leurs adversaires comme l’explique ce témoin :
Elle passait dans la rue Paradis vers une heure de relevée, elle vit Felix oncle et neveu arrêter le plaignant […] le faire entrer de force dans une allée où ils le terrassèrent. En sortant de l’allée le plaignant avait la tête ensanglantée et la veste déchirée106.
68Le corridor d’entrée peut être aussi au cœur d’échanges clandestins dont rendent compte quelques récits : des vêtements volés sont vendus en catimini ou le produit des cambriolages écoulé. Mais, perspicace et lucide, le voisinage se laisse rarement surprendre. Il a tôt fait de déceler ces entrevues prohibées qui sont dénoncées, le cas échéant, aux autorités.
69À partir de l’échantillon, il est possible aussi de s’interroger sur la répartition par sexe de tous ceux qui se rencontrent à l’intérieur des maisons. Sur un total de 551 rencontres, mettant en présence 1276 individus, le nombre des femmes s’élève à 803 (soit 63 %) et celui des hommes à 473 (47 %). Ces chiffres témoignent qu’à l’évidence le monde féminin se déploie d’abord à l’intérieur des immeubles, dans la buanderie, le grenier, le corridor, l’escalier, l’allée d’entrée ou le foyer domestique. Occupées aux mille travaux quotidiens d’entretien – le lessivage, le blanchissage, le nettoyage des parties communes – les femmes veillent aussi au domaine habité par la famille et se montrent attentives aux remous de la maisonnée. De sorte que, s’il fallait saisir l’image dominante des Lyonnaises à la veille de la Révolution, c’est sans conteste à l’intérieur des immeubles, autour du foyer domestique, à proximité des espaces où s’entremêlent vie privée et vie domestique qu’il faudrait chercher : maîtresses du domaine familial, les épouses connaissent aussi les démêlés du voisinage mieux que quiconque, grâce aux nombreuse conversations de pas-de-porte, d’allée ou de buanderie. Cette double orientation – à la fois tournée vers l’intérieur et vers l’extérieur du foyer domestique – est un trait marquant de la sociabilité féminine : elle place d’emblée les femmes au cœur du dispositif de la communication de l’immeuble et en fait un vecteur essentiel dans la transmission des nouvelles.
Notes de bas de page
1 Cité par Roche, Le Peuple de Paris, op. cit., p. 12.
2 Ainsi Marivaux dans de nombreux passags de La Vie de Marianne ou les aventures de Madame la Comtesse de…, 2 vol., Amsterdam, D. J. Changion, 1778 ou encore Rétif de la Bretonne, Nicolas-Edme, dans Le Paysan perverti ou les dangers de la ville, 4 vol., La Haye Paris, 1776.
3 C’est le cas par exemple de Clapasson, op. cit., dans la description qu’il fait de Lyon en 1741.
4 Young Athur, Voyages en France pendant les années 1787-1788 et 1789, trad. fr., T. I, Paris, Guillaumin et Cie, coll. « Bibiothèque des sciences morales et politiques », 1860, p. 333 à 336.
5 Smollett, op. cit., p. 123.
6 Grimod de la Reynière Alexandre-Bathazar, Tableau de Lyon en 1786 adressé sous forme de lettre à Mercier auteur du Tableau de Paris, Lyon, De Boutel, 1843, p. 8.
7 Casanova de Seingalt Giovanni Giacomo, Histoire de ma vie suivie de textes inédits, T. I, Paris, R. Laffont, coll. « Bouquins », 1993, p. 551.
8 Brissot Jacques-Pierre, Mémoires de Brissot membre de l’Assemblée Législative et de la Convention Nationale sur ses contemporains et la Révolution française, T. II, Paris, Ladvocat, 1830, p. 83-84.
9 Brackenhoffer, op. cit., p. 114.
10 Mercier Louis-Sébastien, Tableau de Paris dans Paris le jour, Paris la nuit, op. cit., p. 187.
11 Poidebard William, Correspondance littéraire et anecdotique entre Monsieur de Saint-Fonds et le Président Dugas, membre de l’Académie de Lyon, 1711-1739, T. II, Lyon, M. Paquet, 1900, Lettre du 16 janvier 1735, p. 206.
12 ADR, BP 3482, 12 septembre 1782.
13 Dans les deux cas, il s’agit de militaires de passage à Lyon, décédés avant d’aller rejoindre leur unité.
14 ADR, BP 3462, 7 janvier 1780.
15 ADR, BP 3479, 18 mars 1782.
16 ADR, BP 3455, 30 mai 1779.
17 ADR, BP 3457, 13 juillet 1779.
18 ADR, BP 3462, 7 janvier 1780.
19 Febvre Lucien, Le Problème de l’incroyance au xvie siècle. La religion de Rabelais, Paris, A. Michel coll. « L’Évolution de l’humanité », 1942, p. 420 et suivantes ; Mandrou, op. cit., p. 70-85.
20 Mercier, op. cit., p. 183.
21 ADR, 11G 301, 7 septembre 1776.
22 ADR, BP 3519, 13 novembre 1787.
23 Roche Daniel, La Culture des apparences. Une histoire du vêtement. xviie-xviiie siècles, Paris, Fayard, 1989.
24 Sur la question du vêtement, consulter Pilloix (A. P.), La Garde-robe des Lyonnais de 1680 à 1782 d’après les inventaires après décès, Mémoire de maîtrise sous la direction de F. Bayard, Université Lumière-Lyon 2, Centre Pierre Léon, 2000.
25 ADR, BP 3511, 7 décembre 1786.
26 ADR, BP 3459, 6 novembre 1779.
27 ADR, BP 3457, 7 juillet 1779.
28 ADR, BP 3471, 23 mai 1781.
29 ADR, BP 3537, 5 janvier 1791.
30 ADR, BP 3526, 16 octobre 1788.
31 AML, BB 316, Ordonnance consulaire du 23 février 1749.
32 Sur les costumes consulaires, consulter Vial, Eugène, « Les costumes consulaires », Revue d’histoire de Lyon, T. III, Lyon, A. Rey, 1904, p. 127-145 et 228-305.
33 ADR, BP 3538, 21 septembre 1789.
34 ADR, BP 3516, 10 juin 1787.
35 ADR, BP 3455, 8 mai 1779.
36 ADR, BP 3459, 5 octobre 1779.
37 ADR, BP 3520, 23 mai 1788.
38 ADR, BP 3458, 22 septembre 1779.
39 ADR, BP 3469, 3 février 1781.
40 ADR, BP 3481, 1er août 1782.
41 ADR, BP 3534, 15 janvier 1790.
42 Sur la diversité régionale des costumes et les particularismes vestimentaires, consulter Pellegrin, Nicole, Les Vêtements de la liberté, Abécédaire des pratiques vestimentaires françaises de 1780 à 1800, Aix-en-Provence, Alinéa, coll. « Femmes et Révolution », 1989. À noter que la région de Lyon dispose, elle aussi, d’un costume local mais les indications le concernant sont souvent floues ce qui rend difficile une description précise, cf. Bayard, Vivre à Lyon sous l’Ancien Régime, op. cit., p. 256.
43 Cf. Farge, Arlette, Vivre dans la rue à Paris au xviiie siècle, Paris, Gallimard, coll. « Archives », 1979, p. 94-96.
44 Rétif de la Bretonne, Les Nuits de Paris, op. cit., p. 754.
45 Sur le travestissement consulter Dekker Rudolf Pol, Lotte C. van de, The Tradition of Female Transvestism in Early Modern Europe, New York, St Martin’s Pess, 1989 ; ou encore Steinberg Sylvie, La Confusion des sexes. Le travestissement de la Renaissance à la Révolution, Paris, Fayard, 2001.
46 ADR, BP 3466, 23 juillet 1780.
47 A. D. R, BP 3521, 1er avril 1788.
48 Farge, Vivre dans la rue, op. cit., p. 21-40.
49 Ainsi Leguay Jean-Pierre, La Rue au Moyen Âge, Rennes, Ouest-France, coll. « De mémoire d’homme », 1984, p. 127 à 225 ou encore Farge, Vivre dans la rue, op. cit., p. 20 et suivantes.
50 Cf. première partie.
51 ADR, BP 3458, 3 septembre 1779.
52 ADR, BP 3475, 24 décembre 1781.
53 Pierre Chaunu dans Pardailhé-Galabrun, op. cit., p. 15.
54 ADR, BP 3531, 22 août 1789 et BP 3457, 7 juillet 1779.
55 ADR, BP 3474, 24 septembre 1781.
56 ADR, BP 3531, 27 août 1789.
57 ADR, BP 3458, 16 septembre 1779.
58 ADR, BP 3524, 21 août 1788.
59 ADR, BP 3471, 25 mai 1781.
60 ADR, BP 3458, 21 août 1779.
61 ADR, BP 3510, 26 octobre 1786.
62 ADR, BP 3533, 18 novembre 1789.
63 ADR, BP 3466, 26 juillet 1780.
64 ADR, BP 3471, 8 mars 1781.
65 ADR, BP 3455, 23 avril 1779.
66 ADR, BP 3509, 29 juillet 1786.
67 ADR, BP 3471, 30 avril 1781.
68 ADR, BP 3478, 3 février 1782.
69 ADR, BP 3519, 19 décembre 1787.
70 En 1786, lors du mouvement des chapeliers, plusieurs des meneurs seront arrêtés dans un cabaret avant d’être traduits en justice. Trois d’entre eux seront exécutés, ADR, BP 3510, 9 août 1786.
71 Roche, Le Peuple de Paris, op. cit., p. 256.
72 Poidebard, op. cit., T. II, lettre du 2 janvier 1733, p. 118.
73 Durand Georges, Vin, Vigne, Vigneron en Lyonnais et Beaujolais du xvie au xviiie siècle, Paris, EHESS, 1979, p. 32-38.
74 Roche, Le Peuple de Paris, op. cit., p. 258.
75 Ibid., p. 259.
76 ADR, BP 3459, 25 octobre 1779.
77 ADR, BP3475, 8 novembre 1781.
78 ADR, BP 3514, 19 avril 1787.
79 ADR, BP 3469, 16 février 1781.
80 ADR, BP 3458, 4 septembre 1779.
81 ADR, BP 3473, 31 août 1781.
82 ADR, BP 3537, 29 octobre 1790.
83 Cf. première partie, chapitre 1.
84 ADR, BP 3458, 7 août 1779.
85 ADR, BP 3524, 13 août 1788.
86 ADR, BP 3496, 23 novembre 1784.
87 ADR, BP 3436, 6 février 1777.
88 ADR, BP 3453, 4 janvier 1779.
89 Gattefossé, op. cit., p. 62.
90 Garden, op. cit., p. 14.
91 ADR, BP 3458, 30 septembre 1779.
92 ADR, BP 3454, 22 mars 1779.
93 ADR, BP 3462, 17 février 1780.
94 ADR, BP 3457, 27 juillet 1779.
95 ADR, BP 3511, 21 novembre 1786.
96 ADR, BP 3480, 26 juin 1782.
97 ADR, BP 3513, 4 janvier 1787.
98 ADR, BP 3520, 23 mai 1788.
99 ADR, BP 3471, 11 avril 1781.
100 Le Roy Ladurie Emmanuel, Montaillou, village occitan de 1294 à 1324, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1975.
101 Cf. première partie, chapitre 1.
102 ADR, BP 3454, 27 février 1779.
103 ADR, BP 3454, 17 février 1779.
104 ADR, BP 3508, 14 juillet 1786.
105 ADR, BP 3464, 1er mai 1780.
106 ADR, BP 3478, 3 février 1782.
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