Présence et représentations de la nature dans l’univers domestique
p. 125-147
Texte intégral
1De quoi sont faits nos logements ? Ceux-ci, d’abord spatialement et architecturalement délimités, se constituent en espaces domestiques. Ils sont ensuite investis, appropriés par les résidents, à travers un mobilier, des objets, des décors, des activités ménagères ou de loisirs, économiques ou oniriques, devenant ainsi des univers domestiques. Ce sont ces derniers qui intéressent mes recherches.
2Parmi les nombreux objets domestiques que j’ai été amené à rencontrer, ceux qui représentent la nature, quand ils ne sont pas de la nature elle-même, ont une place importante. C’est à ces objets et à ce qu’ils transportent avec eux que cet article est consacré. La recherche qui l’inspire a émergé d’une interrogation sur le sens du rapport à l’intimité domestique et sur les significations des objets domestiques1. Elle rejoint des préoccupations actuelles des sciences humaines sur le quotidien, l’ordinaire, l’infiniment petit2, tout en se plaçant résolument du côté du consommateur, usager et résident3. Pour servir cette approche ethnographique, il s’agissait de rencontrer tous les objets de l’espace habité, sans sacrifier une quelconque pièce, un quelconque objet. Le résident était convié à raconter l’objet, c’est-à-dire à en dégager l’origine et à en faire une description, sans omettre bien sûr les représentations associées. Dans un deuxième temps, les pratiques d’intimité domestique, comme le nettoyage des lieux, le repos, la rêverie, la lecture, l’écriture ou le bain, étaient étudiées sous forme d’entretiens semi-directifs et libres. À partir de cet ensemble de phénomènes se dessine ce que j’appelle un univers domestique.
3Accéder à l’intimité domestique et à tous les objets d’un espace habité ne va pas sans questionnement méthodologique. Comme j’ai essayé de le montrer ailleurs, une certaine posture de recherche est nécessaire, celle qui combine la démarche anthropologique et certains aspects fondamentaux de la phénoménologie4. La première consiste à nous étonner de ce qui nous est familier tout en rendant plus familier ce qui nous est étranger5. Quant aux seconds, ils prônent l’oubli des catégories communes : en matière d’univers domestique, ceci demande notamment de négliger temporairement la fonction des pièces et l’organisation qui en découle (en ce sens, cette méthode est anti-architecturale, au sens strictement physique du terme « architecture »), de mettre de côté certains types sociologiques attribués à des intérieurs domestiques (étudiant, bourgeois, ouvrier, petit-bourgeois...), les catégories du propre, du rangé, de l’ordre, du désordre, et le jugement culturel sur l’objet : le kitsch, la peluche, l’objet surfonctionnel..., symboles d’aliénation, de régression, d’infantilisation, que sais-je d’autre6.
4Pour adopter cette posture, il faut en quelque sorte que l’ethno logue considère toute situation et tout environnement vécus comme exotiques, en accordant à ce terme toute sa consistance étymologique (qui est extérieur à), ne serait-ce qu’en vue de se mettre en position d’écoute et de disponibilité maximale pour accéder à ces univers, même s’il s’agit de la description d’un poster d’animaux ou d’un papier peint floral.
5Les deux exemples que je viens de choisir indiquent que la nature sera comprise ici dans un sens large : les objets domestiques à travers lesquels elle existe en réfèrent en effet à l’animal, au minéral, au végétal, et plus largement à l’environnemental. Après avoir présenté sous forme de rubriques les différents objets rencontrés, je montrerai, à travers quelques exemples significatifs, comment l’« objet nature » s’incorpore à une expérience domestique singulière. Puis je proposerai des esquisses d’interprétation de ces présences et représentations de la nature dans l’univers domestique occidental contemporain.
I – La nature en objets
1. Visuels
6II est communément admis que les sociétés occidentales participent d’une « civilisation de l’image ». La place accordée à celle-ci tient à sa massification par la reproduction en série, que ce soit par le biais de la télévision, du cinéma, de l’industrie de l’affiche, du poster ou de la carterie, et, depuis peu, des multimedia. La variété des supports est aujourd’hui si large qu’un espace domestique sans image décorative nous semble pauvre ; la décoration est un aspect tout autant valorisé de la culture domestique occidentale contemporaine. Plutôt que d’« images », je préfère parler de « visuels », ce terme étant plus approprié d’un point de vue phénoménologique.
7Dans les univers domestiques que j’ai eu à étudier, la nature s’expose sur des reproductions d’œuvres d’art de peintres célèbres : poster ou affiche provenant d’un hypermarché ou d’un musée, carte postale, calendrier ou extrait de calendrier, et même carte téléphonique ou T-shirt. Les œuvres représentant la nature sont notamment celles nées du courant impressionniste (y compris ce que l’histoire de l’art – ou sa version encyclopédique – définit comme le néo-et le post-impressionnisme) : Monet, Van Gogh, Gauguin ; les œuvres mettent en scène des paysages, dans lesquels s’intègrent parfois des personnages. Rousseau et ses paysages de jungle, Picasso et ses Baigneuses, Arcimboldi et ses compositions de fleurs, fruits et légumes destinées à produire un visage humain, Le Caravage et sa coupe de fruits « Renaissance », ou Lichtenstein et sa coupe de fruits « pop art »... sont autant de représentations picturales empruntées à d’autres courants artistiques.
8Les affiches peuvent aussi faire référence à des musées à tendance culturelle ou patrimoniale (exposition sur l’Arctique) ou à des associations de protection de la nature (Fonds d’intervention pour les rapaces, Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature), tan dis que d’autres renvoient l’image d’un personnage animal tiré d’une bande dessinée : dans le hall d’entrée, un cochon qui dit « Salut ! » (dessin de Reiser) ; dans une chambre d’enfant, Milou et Tintin dans un requin transformé en vaisseau.
9Les environnements naturels existent aussi à travers de nombreuses cartes postales : paysage de Grèce, petite fenêtre fleurie d’une maison provençale, petites aquarelles réalistes, paysages de brume ou d’hiver, éruption volcanique à Honolulu, paysage des Alpes, scènes de la vie quotidienne en Afrique, marché de fruits très coloré, lac alpin. On observe parfois des regroupements de cartes postales par genre : paysages de mer, paysages de montagne, couchers de soleil, surfeurs sur d’énormes vagues, baleines et dauphins. Ces regroupements ne sont pas sans rappeler la collection, une de ces « pratiques amateur » qui ont connu un essor considérable à partir de 1981, » avec peut-être une mention particulière pour les cartes postales »7. Ces collections ont été observées dans mes enquêtes tantôt sous forme de stockage, tantôt sous forme d’exposition. Pour celle-ci se joignent parfois des extraits de calendriers, dont on aura pris soin de faire disparaître les inscriptions pour donner à l’ensemble un aspect strictement iconographique : dispensée de ces écrits, la nature retrouve ainsi une forme plus naturelle.
10Parmi ces mêmes « pratiques amateur », la photographie est celle qui est la plus fréquente et la plus partagée8. Là encore, le stockage est fréquemment rencontré, dans un album, un carton ou une boîte à chaussures. Mais l’exposition l’est tout autant, le document étant ou non encadré : au passage, quelques photographies rappellent le souvenir d’un voyage, aux Maldives ou en Guadeloupe, mais aussi dans une campagne proche, qui peut être celle de la famille d’origine. Les personnages de l’entourage familial, amical ou amoureux, peuvent être eux-mêmes représentés dans un environnement naturel : parents qui font une sieste au bord d’un lac, filleul en train de croquer délicieusement dans une pêche, soi-même pris en photo avec un chien dans un hamac lors d’un voyage aux Antilles9.
11Sans représenter directement la nature, d’autres visuels permettent de la repérer : ce sont les cartographies, limitées à une ville, une région, montagneuse ou non, un pays, le monde entier (le planisphère) ou une carte schématique du ciel étoilé. Certaines de ces cartographies sont parfois agrémentées de petits dessins présentant, de manière pédagogique ou/et humoristique, la flore et la faune (animale autant qu’humaine) d’un pays (Canada) ou d’une région (la Vanoise).
12Les dessins d’enfants font aussi partie des visuels émergents de la culture domestique occidentale contemporaine. Joëlle, âgée de 7 ans, affiche certains des nombreux animaux qu’elle dessine, tandis que d’autres sont rangés dans un tiroir de son bureau sous mezzanine ; parmi ceux-ci, un éléphant de très petite taille (« j’avais pas beaucoup de papier »), debout sur l’herbe, jette de l’eau avec sa trompe, tandis qu’en haut se tient un soleil, et dans le jet d’eau, un poisson accroché par une punaise : comme ça, « il bouge dans l’eau ». D’autres dessins d’enfants ont parfois été offerts à des adultes qui les affichent pour l’originalité mais surtout pour retenir le geste spontané du cadeau : chez Patrice, un univers aquatique est composé de bateaux, de poissons et d’une mer, au bord de laquelle s’étale une plage de vrais coquillages, collés pour la circonstance.
13Enfin, quelques visuels représentent des animaux. C’est l’aspect drôle ou cocasse qui va être rattaché à certains (orang-outan faisant la grimace, panda, chiot, chaton, bébé phoque ou macareux), l’aspect majestueux à d’autres (cheval, dauphin, chien, baleine).
2. Petits objets
14Quelques objets (au sens courant du terme, c’est-à-dire de petits objets solides et préhensibles) représentent des éléments ou des environnements naturels, mais ils furent assez peu rencontrés : rose en plastique, fenêtre avec, sur son rebord, un pot de fleurs orange (objet en relief), faux bonsaï (installé sur un vrai rondin posé verticalement), petit mas provençal auquel est intégré un vrai cactus, quelques globes terrestres sur pied (pendant « objets » du planisphère).
15Les objets de la nature semblent plus volontiers représenter les animaux. Leurs tailles sont variables, tout comme les matières dont ils sont faits : le verre, le bois, le marbre, le métal, la porcelaine, le plastique, la viscose ou une autre matière synthétique. Les animaux présents sont puisés dans un bestiaire à la fois domestique et sauvage : cheval, hippopotame, cochon, grenouille, panda, poissons, éléphant, singe, flamand rose, scarabée, lions, tatou, perroquet, rapace, chat, autruche, dauphin, lézard, ours, zèbre, phoque, lapin, lionne, chien, bobtail, canard, millepattes, souris, marmotte, écureuil, serpent, oiseau, crapaud, chouette, koala, phacochère. D’autres visites nous permettraient d’élargir cet inventaire avec, pourquoi pas, une panthère en bronze ou un âne en peluche.
16Parmi ces animaux, beaucoup représentent l’animal de manière équivalente au réel, et pour certains, il va devenir objet de collection. Tantôt cette collection se centre sur un animal (panda, grenouille) en faisant varier les tailles et les matières, tantôt elle accorde une priorité à la matière, sous laquelle se regroupent des animaux différents. C’est ainsi que se présente la collection de peluches, qui peut être augmentée de nouveaux exemplaires disponibles dans une foire, une vogue, un magasin à objectif touristique, ou encore le « club peluches » d’un établissement scolaire. Dans ces deux formes de collections, certains éléments vont porter une identité, tantôt un prénom (Nestor), tantôt un nom qui aurait sa place dans un dessin animé (Groupy), ou encore un nom commun qui plaît par sa sonorité (Fibule).
17La plupart de ces animaux sont des répliques figuratives qui permettent de reconnaître clairement l’animal et de le nommer chien, cheval ou souris. D’autres se laissent moins bien reconnaître, et jouent avec la frontière animal-humain. Appelons-les hybrides.
18L’aspect cocasse intervient encore ici, notamment avec ces objets en viscose représentant un être anthropomorphique (une « mascotte ») arborant un message sur le devant du maillot qu’il porte : « Relax », « J’t’aime bien » ou « Bon anniversaire ».
19Mais l’objet hybride peut être étrange. Chez Margot, sur l’étagère du couloir, parmi d’autres objets décoratifs, une créature mi-femme, mi-cheval, avec un sein dévoilé, objet récupéré auprès de son frère, qui ne « le supportait pas », bien qu’il s’agisse du cadeau d’un oncle : « C’est vrai qu’elle est curieuse, elle gêne souvent un peu les gens, parce que, une femme qui se touche un sein avec une tête de cheval, c’est curieux. Moi j’aime bien ». Les travers dérangeants de cette statuette fantastique sont toutefois atténués par un petit boa (tour de cou en plumes) que Margot a installé autour de l’objet. Ce boa est un cadeau de sa meilleure amie « dans les premières années de notre amitié ». Cet ajout peut être interprété comme une euphémisation de l’étrangeté que provoque la statuette aux yeux des visiteurs : Margot présente en effet un souci constant de rendre son logement agréable. Mais cela va plus loin : le boa, rose, évoque pour elle un chat roux qu’elle rêve d’avoir. Petite, dans sa famille, elle a eu, successivement ou simultanément, « des chiens, des chats, des tortues, des oiseaux récupérés, des tas de trucs ». Plus tard, elle aimerait d’ailleurs participer à la conservation d’une espèce d’âne.
20Dans cet exemple s’exprime de manière sensible la fragilité de la frontière entre l’animal domestique « objet » et l’animal domestique « vivant ». Ce lien se manifeste ici à travers l’articulation de certains éléments de l’objet (la tête de cheval, le boa), les souvenirs de la présence d’animaux domestiques dans les logements passés, et les aspirations en ce domaine pour les logements futurs. Parmi celles-ci on observe notamment une volonté écologique qu’elle applique jusque dans ses votes, et qui est déjà lisible ailleurs dans cet appartement : dans le couloir s’expose un calendrier allemand de 1981, légendé « Energie ist Leben » sur chacune des douze images disponibles, qu’elle a gardé en souvenir d’une famille allemande.
21Ainsi, tous ces petits objets mériteraient qu’on les appelle « animaux domestiques ». Solides, ils sont parfois baptisés, souvent anthropomorphisés, et quand, chez Catherine, sur le rayonnage du placard de cuisine, des petits poissons en plastique sont disposés côte à côte de manière à faire un banc, alors « tous ensemble, ils s’amusent ». Chez Claire, deux peluches de provenances différentes « s’entendent bien » ; lorsqu’elle était enfant, cette même Claire pro menait en laisse dans l’appartement familial un chien en peluche rose. « Domestique », « familier », « de compagnie »... l’animal, qu’il soit objet ou vivant, semble déjà être dans l’humanité.
3. Nature vivante
22Le phénomène « animal de compagnie » est largement attesté dans les sociétés occidentales : médias en tous genres s’empressent de nous faire partager les nouveautés dans le domaine des équipements pour animaux familiers, tantôt avec fascination et raison pratique, tantôt avec surprise et désenchantement humaniste. J.-P. Digard, dans un ouvrage récent, a montré combien ce phénomène, s’il est l’aspect le plus visible du cas européen, n’est ni récent ni cantonné à l’Occident10. Aujourd’hui en France, ce sont toutes les couches sociales qui sont touchées et 52 % des 20 millions de foyers français possèdent un ou plusieurs de ces animaux11. Au-delà de ces données quantitatives toujours plus impressionnantes, l’auteur montre combien l’aspect essentiel du phénomène réside dans le rapport qualitatif que l’homme entretient avec l’animal. Les animaux de compagnie ont aujourd’hui leurs industries alimentaires, boutiques de toilettage, services de garde, assurances, agences matrimoniales, cimetières, centres d’incinération, articles d’habillement (et depuis peu, lunettes, casquettes et foulards bandana12).
23Dans cette enquête, on trouve un chien, un chat, deux tortues et un serpent. Si les deux premiers sont connus et reconnus comme les animaux familiers les plus fréquents en France, les reptiles en sont de plus récents. La relation n’en est pas pour autant différente : Nicolas utilise son serpent comme d’autres leur chien, en le sortant parfois de son vivarium pour le caresser ou le passer d’un invité à l’autre lorsqu’il reçoit. I1 lui attribue aussi des caractéristiques psychologiques : un comportement « agressif » est reconnaissable » quand il souffle ».
24Parler à l’animal domestique nous paraît naturel du fait de ses similitudes avec l’humain du point de vue de l’apparence physique. La plante verte, elle, n’a pas cette caractéristique, mais cela n’empêche pas qu’on s’adresse à elle. Catherine « aime les plantes » ; derrière ce verbe chaleureux, il faut entendre l’entretien et le soin : « Je leur parle, je les arrose, je gratte la terre. Je les change de pot, je les change de place ». D’un point de vue général, les plantes sont « malades », « souffrent », d’autres ont été « sauvées », d’autres encore « se portent bien », on leur « parle », on les « bichonne »... autant de termes s’appliquant aussi bien aux humains et aux animaux. Certains résidents ont même des « préférés », comme ce ficus que Claire a installé dans le salon et qui « aime bien la musique ». Partie en vacances pendant dix jours, elle s’est réjouie au retour de voir qu’« il est en meilleure santé. Parce qu’il a la musique juste derrière lui ».
25Objet fortement récurrent des catalogues mobilier-décoration, la plante verte l’est tout autant dans les univers domestiques. Elle est généralement appelée « plante verte » ou « plante d’intérieur très commune », ou bien d’un nom plus ou moins savant ou commun : ficus, ficus benjamina, shefflera, papyrus, yucca, misère, géranium, sympolia, avocat, basilic.
26A. Corbin a montré que le XVIIIe siècle occidental, en élaborant un certain rapport aux parfums, conviait à de nouvelles exigences sensorielles : une esthétique de l’odorat tend à révéler et souligner la personne, à générer une nouvelle territorialisation du moi. La chambre individuelle devient le lieu par excellence de l’intimité, notamment de l’intimité olfactive. Petit à petit, au XIXe siècle, la fréquence des parfums végétaux tend à croître dans les intérieurs, « la fleur en pot et le bouquet se démocratisent, jusqu’à la petite ouvrière, qui aime en garnir sa mansarde »13. L’autonomie des pièces, confirmée vers cette époque et largement partagée depuis, s’accompagne ainsi d’une tournure sensorielle à laquelle contribue donc le végétal. Aujourd’hui, la présence de la plante verte est consacrée (sans qu’elle soit pour autant odorante ; pensons aux plantes en plastique). En plus de leur fonction décorative, les plantes d’intérieur procurent un certain plaisir : les résidents éprouvent de la satisfaction à les voir grandir, pousser, et prendre parfois des formes originales. Il en va de même pour les fleurs, offertes ou achetées, qui ornent avantageusement une pièce, avant de se faner et d’être jetées, et avant que d’autres, différentes mais toujours fleurs, prennent leur place.
27Si les plantes vertes ont une durée de vie plutôt longue tout en changeant de forme, les fleurs sont passagères. Il est toutefois possible de les conserver, soit telles quelles, soit en les séchant : la technique est simple, il suffit de suspendre l’objet en position renversée. Roses jaunes et roses, jasmin ramené de Grèce, mimosa, épis de blés, rose rouge, « rose pourrie », gui, pâquerette aplatie, se figent alors dans une nature éternelle.
4. Natures mortes ?
28Outre les fleurs séchées, d’autres éléments naturels (peut-être moins domestiquement communs, car souvent discrets) sont immortalisés : feuille d’automne, pomme de pin, plume de pie, plume de faisan, sable du Sahara, terre de Chypre, racine de vigne, nids d’oiseau, rondin, défense de sanglier, coquillages, coraux, étoile de mer, oursins, carapace de crabe. Mais ce sont les minéraux, parfois associés aux coquillages ou aux extraits d’animaux ou de végétaux, qui sont de loin les plus représentatifs de cette catégorie.
29Certaines de ces pierres sont des objets à part entière, tantôt fonctionnels (presse-papiers, porte-stylo), tantôt décoratifs (pierre sur laquelle est dessinée une chouette). Mais ce qu’on observe surtout, c’est l’exposition plus ou moins organisée de pierres et minéraux « bruts ». Certains de ces objets sont des cailloux ordinaires, ou, devrait-on dire, « a priori ordinaires » : ils présentent en effet une originalité dans leur forme ou dans un détail infime de celle-ci. D’autres sont appréciés pour leur couleur ou l’exotisme qu’évoque leur origine géographique : agate du Brésil, quartz du Maroc, quartz des Grisons. Parfois, il s’agit simplement de cailloux ramassés dans une rivière (l’Ain) ou sur une plage (de Crète, de Montpellier ou des Antilles), ou bien ramenés de Thaïlande par un frère, cueillis au pied du Parthénon, volés sur l’acropole d’Athènes ou sur un chantier de Franche-Comté ou de Lyon (la place des Terreaux).
30D’autres objets peuvent être assimilés à ces pierres ordinaires, comme l’extrait d’un mur d’argile fait par un plasticien contemporain à l’occasion d’une exposition d’art éphémère, ou trois petits morceaux du mur de Berlin, cassés « avec nos p’tits marteaux » par une résidente lors d’un voyage qu’elle a fait dans cette ville (en 1989, bien sûr) avec sa meilleure amie, qui en a aussi un exemplaire chez elle.
31Ainsi, certaines pierres figurent des instants, des moments de balades, week-ends, voyages, promenades de quelques heures... petites libertés qui permettent, au passage, de se baisser, puis de triturer un caillou, le mettre dans sa poche, avant de le poser quelque part chez soi parce qu’il n’y a rien d’autre à en faire. D’autres résidents, tout en ayant procédé ainsi, leur accordent en outre une valeur d’éternité : ces pierres, si diverses et variées, constituent ainsi des collections, petites ou grandes, dans lesquelles les cailloux ordinaires en côtoient d’autres qui le sont moins : rostres de bélemnite, brachiopodes, ammonites, cueillis dans une carrière du Nord-Isère, des Monts du Lyonnais ou du Pilat, recouvrent ainsi un statut géologique et archéologique. Parfois même, ce statut transite par le commerce : Chantal, la compagne de Christian, lui a ramené deux pierres achetées dans un magasin lors d’un séjour dans le Périgord. En les appelant « pierres du Périgord », Christian attribue un statut géologique à ce que d’autres appelleraient des « pierres de magasin », le Périgord étant connu comme une région française riche sur le plan archéologique. Les origines grecques de Christian ne sont pas étrangères à cette sensibilité antique. Lors d’un passage à Épidaure, dans le célèbre théâtre... « Je me suis assis, et en m’asseyant, j’ai vu cette pierre bouger... pas tomber, elle bougeait. Et je l’ai prise. Comme un voleur de l’antiquité ». Rien d’étonnant donc que sur cette autre pierre ramassée sur une plage de Grèce par sa compagne il voit « une espèce de carrefour, une espèce de X », « trace » d’une « écriture naturelle ».
II – La nature au service de l’imaginaire
1. Souvenirs
32Restons un peu avec Christian, chez qui l’imaginaire antique se double d’un souvenir : « La pierre, c’est solide. Je me souviens que j’ai un rapport un peu idyllique avec le galet, que je lançais quand j’étais petit, dans la mer, et ça faisait des ricochets ». L’évocation de l’enfance apparaît aussi chez Patrice : un caillou « très ordinaire », posé sur un rayonnage de l’étagère du salon, lui rappelle qu’il « aime les choses un peu brutes », assimilant ce goût à un souvenir d’enfance, période pendant laquelle « je préférais les billes en terre aux billes en verre ». L’enfance peut ainsi établir un rapport particulier à la nature dont la présence se manifeste dans l’univers domestique actuel. En abordant sa petite collection de pierres, Emilie s’exclame : « Ho, les pierres, elles se baladent avec moi depuis que je suis toute petite ! » À cet âge, « très branchée Haroun Tazieff », elle s’intéressait à la création de la Terre, aux volcans, et lorsqu’elle avait 10 ans, elle se promenait souvent avec son grand-père pour trouver des silex, qu’il lui arrivait de frotter l’un contre l’autre « pour voir si ça fait des étincelles [rires] ». Finalement, pour elle, les pierres « sont des témoins de passage. On peut dire qu’elles éternisent, parfois, des moments furtifs », rajoutant, « comme les posters ! » Sans doute fait-elle référence, entre autres, à cette carte du ciel qui figure sur un mur de sa cuisine ; bien qu’elle la possède depuis qu’elle a 7 ans, elle ne l’a jamais affichée jusque-là, mais elle l’a toujours gardée : pour son premier appartement personnel, elle l’a « ressortie des cartons ».
33Le souvenir peut ainsi se cristalliser sur un seul objet. Pour Catherine, ce peut être ce rapace en marbre, qu’on trouve dans sa chambre, sur un vieux secrétaire déniché dans le grenier parental :
Et quand ma mère a perdu les femmes qui l’ont élevée, tout ce qu’il y avait dans la maison a été divisé en quatre puisqu’elles étaient quatre filles. Et moi quand jetais gamine et que j’allais chez ces femmes, cet oiseau me fascinait : il était posé sur un meuble et vraiment, cet oiseau, quand j’y allais, je le regardais comme ça, je le touchais, je le caressais... Et maintenant dans une des parties [de l’héritage] où ma mère a tiré au sort, y avait cet oiseau, et elle me l’a donné.
34Malgré l’incertitude de la parenté consanguine (sa mère a été « récupérée par la DDASS à sa naissance » et a été élevée par ces deux femmes), Catherine considère cela comme un héritage à part entière. La fascination de Catherine pour cet oiseau tient également à la matière dont il est fait : « du marbre, du vrai ».
2. Perceptions
35De cette même chambre part un escalier qui mène à la cuisine. Dans cette descente, impossible d’éviter un tableau, encadré et suspendu. Un de ses amis avait organisé une exposition de peinture. Lors du vernissage, Catherine voulait acheter une des aquarelles exposées qui l’attirait particulièrement, mais l’artiste a décidé de lui en faire cadeau. Dans la foulée, elle lui a demandé une dédicace, ce qu’il fit, en dénommant le donataire d’une abréviation familière : « Un Cat que je n’oublie pas ». Pensant qu’il mettrait cet épigraphe derrière, elle a beaucoup apprécié qu’il la mette devant, sur la toile, « surtout que c’est un homme que j’ai vu deux fois dans ma vie ». Le dessin représenté est pour le moins abstrait, mais Catherine imagine claire ment un univers : « C’est-à-dire que ça, c’est des algues avec un fond sous-marin qui devient de plus en plus bleu. Et à la surface de l’eau, on voit le soleil avec la lumière ».
36On ne sera pas étonné de voir le thème de l’eau prédominer dans la vie de Catherine : club de plongée, visites hebdomadaires à la piscine, vacances à la mer où elle va s’initier au surf ou au sauvetage d’une espèce rare de tortues ; ou encore, bains pris chez des amis, et exceptionnellement agrémentés d’une cigarette et d’un verre de champagne. Le rapport de Catherine à l’eau s’inscrit dans différents espaces, et le lien imaginaire et réel qu’elle entretient avec cet élément lui permet d’en profiter, où qu’il se trouve. Comme elle le dit elle-même, « Moi, dès qu’y a de l’eau... »
37À l’imaginaire des profondeurs des eaux répond celui de l’univers astral. Informaticien spécialisé dans la microédition, Gilles a installé dans son studio deux ordinateurs, une imprimante, un minitel, le tout procédant d’un arrangement bureautique personnel. Au-dessus d’un des ordinateurs, une vue de la lune :
Celle-ci, je me souviens quand je l’ai posée là, c’est pour la couleur, mais aussi pour cet aspect planétaire, une vision de la lune, ça me fascine toujours un peu, c’est un peu de la science-fiction. Et puis ce qui manque ici, c’est la profondeur du champ de vision, et j’ai besoin de profondeur, alors ça c’est pour ça, y a une profondeur de champ, on peut regarder au loin.
38Cette fenêtre sur la lune est d’autant plus significative qu’elle est directement associée aux outils bureautiques ; en cela, l’environnement céleste devient le support d’un imaginaire technique14.
3. Invitation aux voyages
39Cet imaginaire technique n’est pas incompatible avec un intérêt pour la nature. D’une part, l’installation bureautique permet à Gilles d’imprimer, via un logiciel de transfert de données télématiques, les informations météo disponibles à tout moment sur minitel. Il peut ainsi prévoir des randonnées pédestres très localisées. D’autre part, de nombreux objets de la nature s’éparpillent sur le dessus de sa cheminée qu’il appelle avec un certain détachement « l’autel des divinités », tandis que quelques affiches exposent des paysages, notamment ce paysage de montagne « austère » qu’on trouve sur une grande affiche et qui représente Courchevel. Au moment de l’enquête, Gilles s’éloigne de cette affiche pour m’inviter à découvrir ce même lieu sur une carte en relief du massif alpin. Sur celle-ci il a ajouté des petits points noirs, qui ne sont autres que les trajets des balades et randonnées qu’il a faites jusqu’à ce jour :
Je serais assez content le jour où je connaîtrais tout ce massif, mais je me demande si je vais y arriver [...] Donc ça, je la regarde tous les jours. Chaque fois que je fais une balade, je la reporte. En fait, cette carte, je m’en sers souvent pour revoir un peu les paysages, c’est-à-dire que bon, quand je sais que je me balade ici, je sais exactement ce que j’ai vu, et en le revoyant ici, je sais exactement ce que je vois... j’ai les images... et en voyant le relief, ça éclaire.
40Dans ce témoignage, on peut remarquer que les deux visuels se correspondent en procédant de deux échelles et de deux plans différents : le gros plan et la vue horizontale pour l’affiche, le grand territoire et la vue verticale et aérienne pour l’autre. L’affiche se projette ainsi sur la carte en relief, et réciproquement.
41Anita est aussi amateur de randonnées. Son origine grenobloise lui a permis de découvrir des lieux propices aux balades, au cours de week-ends ou en vacances, et en général avec des amis. Elle possède également une carte en relief, mais de la région Rhône-Alpes, qu’elle a suspendue dans le hall d’entrée. Contrairement à Gilles, elle ne reporte pas ses balades, mais cela ne l’empêche pas de s’en souvenir : « Trièves, le Plateau Mataisin, La Mure » sont les dernières en date. Elle ajoute : « On voit très très bien la Savoie et la Plaute-Savoie, la Chartreuse ». Contre le mur opposé, le sommet d’une bibliothèque ancienne accueille une petite affiche qu’elle s’est achetée lors d’un de ces séjours pédestres sur « la montagne Sainte-Victoire » : elle représente « un paysage de Provence », originellement composé par Paul Cézanne.
42La cartographie est ainsi un objet médiateur qui permet de se projeter sur un lieu, connu ou inconnu. Elle peut avoir un aspect pratique lorsqu’il s’agit du plan d’une ville ou de transports en commun, mais lorsqu’elle s’étale, c’est l’imaginaire du voyage qui est sollicité. Le planisphère remplit plus largement ce rôle : Margot me montre le circuit qu’elle a fait lors d’un séjour en Afrique et m’indique ensuite le Japon, pays où se trouve en ce moment son amoureux. Elle considère qu’« une carte du monde » est « un objet indispensable dans une maison ». La nature, ici en visuel, présente un moyen pour mieux y retourner ; comme le dit Sophie, en me présentant une page détachée d’un numéro du magazine Géo et qui représente un paysage d’Auvergne : « Comme on va voyager, ben on regarde les images ! »
4. Délimitations
43La nature représentée incite ainsi au déploiement de l’imaginaire et constitue un soutien qui permet d’être sûr de pouvoir rencontrer et vivre la nature, « la vraie », au cours de vacances, programmées ou non (l’ami qui appelle un dimanche et invite à « faire un tour à la campagne »). Mais ces représentations servent parfois avantageusement l’expérience domestique, en délimitant des lieux du logement.
44Christian, en France depuis huit ans, est installé à Lyon avec sa compagne, mais il dut travailler en partie à Paris ; il y trouva assez vite de quoi se loger pour ces séjours temporaires. À cette époque, il profita de la vie culturelle parisienne et découvrit une exposition d’artistes grecs, inspirés pour la circonstance par le poète Odysseus Elytis. Il acheta l’affiche de l’exposition et l’installa aussitôt dans son premier logement parisien (un studio meublé), au plafond de la pièce où se trouve sa couche. L’affiche représente une gorgone sur un fond très bleu, « un ciel, qui faisait un peu le transit entre ma vie lyonnaise et ma vie parisienne ». Sur le dessin, l’écriture imprimée d’Elytis, qui est une « espèce de vague ». Ainsi, lorsqu’il se couchait, le soir, l’affiche croisait son regard :
Quand je me couchais, quand je m’allongeais, c’était cette image-là, qui jouait un peu sur un double registre, un registre de rêve, et bon, de souvenir... c’était tout au début quand j’arrivais à Paris : c’était un peu trouver une Grèce à Paris.
45Pour plus de sécurité, Christian en avait acheté deux. Précaution utile, puisque quelque temps après, au moment de déménager dans une chambre de bonne, il décolle l’affiche du plafond et accidentellement la déchire. L’autre avait pris place dans son bureau personnel à Lyon, qu’il a toujours. C’était d’autant plus important que ce studio meublé ne lui avait pas laissé de bons souvenirs : ce mauvais épisode de sa vie a impliqué un investissement particulier lors de sa nouvelle installation lyonnaise, à travers des images comme cette gorgone : « J’avais une envie relativement rapide de m’approprier l’espace en essayant de mettre dans l’espace des choses qui peuvent me permettre de... de me sentir bien ».
46L’exercice de l’intimité peut se lire aussi chez Patrice avec un batik extrême-oriental, suspendu dans l’angle de l’alcôve du salon, au-dessus d’une banquette, et qui « représente une lagune avec une jonque qui passe devant une montagne au fond avec une énorme lune rouge, basse sur le ciel et puis une espèce de paillote sur pilotis. Et puis encore devant, des bambous ». Le batik est un peu courbé et laisse apparaître dans l’angle du mur une lampe, qu’il allume de temps en temps, le soir notamment. Il aime l’ambiance que cet éclairage produit, « c’est serein ».
47Une disposition voisine existe dans la chambre de Margot. Sur le mur parallèle à son lit est affichée une reproduction de l’œuvre de Matisse intitulée « Marguerite » (en référence au prénom de la résidente) et qui représente une jeune fille en buste : Margot avait « envie de la mettre dans un endroit privé » : parce qu’il s’agit d’un « cadeau très personnel d’une amie très proche ». Tout va encore mieux lorsqu’elle s’aperçoit que « comme je dors les volets ouverts, il se trouve que le matin, elle est aux premiers rayons de soleil, et sa couleur de peau prend des couleurs superbes, et c’est ma première vision du matin, ça me met de bonne humeur généralement ». Sur la face extérieure de la porte qui mène à cette chambre, une autre œuvre de Gauguin représente « deux femmes un peu dévêtues », sans doute tahitiennes : » Ça doit signifier qu’au-delà de la porte, y a un espace féminin... et donc, qui dit espace féminin dit espace privé ». D’où la chambre.
48Mais la référence naturelle ne délimite pas seulement l’espace intime. À ce Gauguin aux torses nus de femmes tahitiennes destiné à symboliser la chambre à coucher répond une autre reproduction du même peintre : il s’agit d’« un paysage avec des couleurs que j’aime beaucoup, toujours les verts, les oranges... », où se promènent deux petits personnages morphologiquement peu identifiables. C’est dans le salon qu’il prend place, lieu où sont souvent privilégiés les visuels de type » paysage » ou « nature morte ». Chez Sarah, ce sont « Les roses blanches » de Van Gogh (représentant un bouquet de fleurs en pot) ; chez Emilie, la « Vue sur la baie d’Antibes » de Monet.
49Enfin, si nous rendons une dernière visite à Margot, nous apercevrons, contre le battant de l’alcôve du salon, une plante verte suspendue. Elle aime particulièrement cette plante, « parce qu’elle est un peu fofolle, ça fait un peu jungle ». Cet aspect « foufou », dû à certaines feuilles qui débordent, lui donne par ailleurs une fonction domestique très claire aux yeux de Margot : « Elle sert à marquer la limite entre les deux espaces, l’espace cordial et l’espace plus personnel » (respectivement le salon et l’alcôve).
III – Esquisses d’interprétation
1. La nature est bonne à penser
50J’ai essayé de montrer à travers ces quelques exemples combien la nature est sollicitée et de quelle manière elle peut alimenter l’univers domestique. La question se pose de l’interprétation de cette présence quasi obligée de la nature dans l’univers domestique d’aujourd’hui.
51Tout d’abord, l’héritage historique est indéniable : que ce soit l’histoire de l’architecture domestique, celle de la vie privée ou celle des parfums15, chacune a imprimé à la culture domestique occidentale contemporaine un certain rapport à la personnalisation des territoires, à l’hygiénisation et à la décoration16. Ce constat socio-historique n’est cependant pas suffisant.
52Interrogeons d’abord une interprétation commune : celle qui considère que la présence de la nature dans les intérieurs urbains (la majorité de mes enquêtes s’est faite auprès de citadins) serait une manière de compenser le manque de nature dans les villes.
53En se référant aux transformations urbaines de Nanterre dans les années 60 (« le déversement de béton »), M. Segalen s’interroge sur ce qu’elle appelle « l’intrusion écologique dans le décor ouvrier » qui se manifeste par la « surcharge florale sur les murs, sur les coussins crochetés par les femmes, sur les nappes en plastique qui recouvrent les tables, et surtout la juxtaposition de fleurs fraîches et en plastique, de plantes vertes ». L’auteur propose l’interprétation suivante : « Il semblerait, mais cela demande à être vérifié, que la surcharge florale s’observe surtout chez les plus âgés qui ont perdu toute référence à un lieu d’origine ou qui n’ont plus de maison de campagne »17. Sans s’opposer radicalement à une telle interprétation (car elle recouvre sans aucun doute une certaine réalité), on peut la nuancer.
54D’une part, les villes s’ingénient à se parer d’aménagements paysagers, reconnus nécessaires pour permettre aux citadins de rencontrer la nature. La présence de jardins publics, notamment, leur offre l’occasion de jouir d’un autre environnement, et aussi d’autres rythmes, comme l’a montré P. Sansot18. Un aménagement paysager est une forme de domestication de la nature, mais quel que soit le degré de domestication, pour le visiteur, il s’agit bel et bien de nature.
55D’autre part, et inversement, habiter à la campagne n’implique pas que les « objets nature » soient négligés dans la maison. Un couple de quadragénaires a bien voulu me décrire ce qu’ils possédaient chez eux en cette matière. Entre autres choses (l’écrit en question ne comporte pas moins de huit pages manuscrites), j’apprends qu’ils cultivent un jardin, activité pour laquelle sont utilisés quelques ouvrages spécialisés, qu’ils possèdent de nombreuses photographies des chiens qu’ils eurent, que deux canevas composés par l’épouse représentent « une rose avec son feuillage » et « un bouquet d’anémones », que le couvre-lit représente un chien et un chat, qu’un dessin expose une tête de cheval camarguais au milieu des roseaux, qu’un pot à eau a la forme d’un canard et une poubelle de table celle d’une chouette, et qu’un des nombreux objets décoratifs est un lézard en aluminium. Et malgré la quantité de plantes et de fleurs intégrées aux 1 300 m2 de terrain, l’intérieur renferme des plantes vertes, des fleurs séchées, et « des roses rouges en soie véritable ».
56Cette discussion permet d’envisager la culture domestique comme partagée par des résidents localisés dans des régions très diverses19. En termes décoratifs, cette culture se nourrit notablement d’iconographie, de plantes et de fleurs, de témoins de voyage plus nombreux grâce au – ou à cause du, c’est selon – tourisme. Pour les résidents autant que pour les chercheurs, il est difficile de ne pas considérer ces éléments comme étant « de la nature », même s’il s’agit de motifs de papier peint, comme l’illustre cet exemple. Analysant les significations associées aux matériaux de construction de l’habitat, M. Bonetti évoque les habitations conçues par des architectes modernistes. Bien que ceux-ci aient vivement souhaité conserver comme décor intérieur tel béton brut verni, choisi pour la « modernité » du matériau, les habitants ouvriers « ont bravé les goûts sobres de l’esthète en couvrant les murs... avec des tapisseries abondamment fleuries » ; l’auteur rajoute entre parenthèses « nature quand tu nous tiens ! »20. Pourtant, il ne va pas de soi que les fleurs imprimées sur des tapisseries sont « de la nature » : on pourrait penser que c’en est tout au plus une représentation, c’est-à-dire une forme domestiquée. Si cette interprétation-ci a cours (tout comme celle de la compensation), c’est qu’on conçoit généralement une séparation entre nature domestiquée (donc artificielle) et nature sauvage (donc naturelle). Du point de vue de l’expérience domestique, il faut à présent être convaincu que le fait que la nature soit « artificielle » est moins important que le simple fait qu’il s’agisse justement de nature.
57Dans un article consacré à la conception de la nature au Japon, Ph. Pons montre que la nature construite et le sentiment de nature sont susceptibles de converger :
L’homme rejoint une nature, ou plus précisément une expression de nature fortement cultivée, une nature construite. Ainsi, il n’est pas fortuit que ce soient les arts les plus élaborés qui ont le plus exalté le naturel. Il y a, par exemple, dans le dépouillement de l’art du thé, dans la volonté de systématiser la contingence de la nature (déformation des céramiques, asymétrie du décor, etc.), un extrême maniérisme. La « nature » rejoint ici l’artifice, ou plus exactement, la nature est l’aboutissement de la culture, le bonzaï (arbre nain) étant un exemple de cet artifice de nature qu’affectionnent les Japonais.
58Le fait que cette nature soit produit esthétique, artificiel, domestiqué et élaboré, n’enlève rien au « goût pour la nature » qu’ont ces mêmes Japonais21.
59Il n’en va pas si différemment dans les enquêtes que j’ai rapportées ici. En effet, si la frontière entre nature domestiquée et nature sauvage est mise à mal, c’est que « la nature » recouvre de nombreuses références : elle va du caillou de plage à l’affiche d’une nature morte, de la feuille d’automne à la plante verte achetée en hypermarché. Les dichotomies sauvage/domestiqué, naturel/artificiel, sont contrebalancées par des témoignages qui s’achèvent le plus souvent par une courte phrase aux significations saturées – « c’est la nature », « c’est joli », « c’est naturel », « la mer, les vacances, le soleil », « l’éclate » – qu’il est impossible de faire rebondir. Pour emprunter une formule chère à D. Sperber (qu’il tient de C. Lévi-Strauss), on peut dire que la nature est « bonne à penser symboliquement »22. Toute présence d’un élément naturel, quel qu’il soit, est susceptible de provoquer le souvenir, l’imaginaire, l’invitation au voyage, la rêverie d’un lieu connu ou inconnu. L’objet domestique est alors envisageable comme miniature, la miniaturisation semblant être le processus de symbolisation le plus à même de servir l’imaginaire en général, et l’imaginaire de la nature en particulier.
2. La miniaturisation : hyperdomestication ou processus de symbolisation ?
60Imaginer un univers naturel, vivre le sentiment de nature à travers une nature construite et domestiquée est donc bien pensable. Plus encore que « bonne à penser », la nature est aussi « bonne à offrir », et donc « bonne à échanger » : apporter des fleurs lors d’une visite, envoyer une carte postale d’un paysage de vacances (cartes qui ornent aussi les espaces professionnels), offrir une plante verte lors d’une installation résidentielle... tous ces actes s’inscrivent biographiquement et ravivent un quelconque souvenir, justement pas si quelconque.
61Si on prend l’exemple de la plante offerte « pour une crémaillère », on comprendra ici que cet objet, dont on a vu qu’il est élément du décor autant que source et ressource de l’imaginaire de la nature, est aussi un témoin biographique de choix. Lorsqu’il a emménagé dans son deuxième logement lyonnais, Jean-Luc a reçu deux plantes vertes, dont une, plus « chatoyante », fut offerte par deux amis « que je me suis faits à Lyon, et ils m’ont amené ça... j’étais complètement fou ! ». Dans les enquêtes que j’ai réalisées, les plantes vertes sont d’ailleurs moins souvent achetées qu’offertes par la famille ou les amis, ou encore composées à partir de pousses extraites d’autres plantes. Lorsque survient un déménagement, ces plantes vertes prennent corps en tant que témoins de l’itinéraire biographique, et plus précisément de l’itinéraire adulte : le souvenir de l’acquisition est tout aussi important que leur croissance progressive. On pourrait trouver là une inscription imaginaire plus forte qui renverrait à l’archétype de l’arbre : « La verticalité oriente d’une manière irréversible le devenir et l’humanise en quelque sorte en le rapprochant de la station verticale significative de l’espèce humaine ». L’arbre est « la phase ascendante du rythme cyclique », c’est un « allié de maturation et de croissance, le tuteur vertical et végétal de tout progrès »23. Cette analyse n’a de sens ici que pour comprendre la superposition de deux échelles temporelles, l’échelle biographique et l’échelle universelle, et pour interroger le processus de symbolisation à l’œuvre et qui semble le plus efficace : la miniaturisation. L’objet représente un monde plus large, un univers, social ou/et imaginaire.
62Dans son étude sur les jardins miniatures de l’Extrême-Orient, R. Stein nous dit : « Plus la reproduction de l’objet naturel s’éloigne, par ses dimensions, de la réalité et plus il revêt un caractère magique ou mythique »24. G. Durand rapporte que cet Extrême-Orient n’était pas étranger à Van Gogh lui-même, et ce même auteur ne manque pas d’évoquer les nains, farfadets, petites divinités domestiques malicieuses mais bienfaisantes du folklore populaire25. Cette miniaturisation, par ailleurs contingente du point de vue technologique26, concerne aussi le rapport aux animaux domestiques. Dans la manière de traiter les animaux de rente et les animaux familiers, l’homme manifeste « la tendance constante – séculaire, voire millénaire pour certaines espèces – à augmenter la taille des uns et à diminuer celle des autres. Autrement dit, à accentuer la différence en hypertrophiant les plus gros et en miniaturisant les plus petits »27. Selon cet auteur, il faut comprendre ces recours à la miniaturisation comme :
... le désir forcené, quasiment mégalomaniaque, de dominer la nature, d’agir sur elle, de la modifier de façon visible, ostentatoire. (...) Les chiens de salon ou les lapins nains sont aux animaux ce que les bonzaïs sont aux végétaux : des organismes vivants qui renvoient l’image d’une nature hyper-domestiquée, entièrement soumise à la volonté pour ne pas dire aux caprices humains.
63C’est ainsi que :
... les races de chiens-enfants se sont multipliées, (...) sélectionnées de manière à conserver, chez le chien adulte, l’allure et le comportement du chiot (néoténie), voire à rappeler ceux du bébé : face plate, yeux démesurés, membres courts et arqués, démarche maladroite, voix haut perchée28.
64Nous ne sommes pas très loin de telle peluche dont on va apprécier la « bonne bouille ». Quant à la plante verte, d’autres auteurs voient en elle,
une forêt en réduction, propre, sans inquiétude, sans parasites. La nuit peut tomber, on ne s’y perdra pas. C’est un compromis entre le jardin sauvage et la moquette29.
65La miniaturisation comprise comme hyperdomestication, qu’il s’agisse des animaux ou des végétaux, conduit donc à ce constat quelque peu désenchanté, auquel répond de manière forte la légèreté des témoignages : les résidents nous font comprendre qu’il est difficile ne pas succomber au charme des petites choses. Comme l’a montré G. Bachelard, la miniature provoque une fascination et incite aisément à la rêverie :
Ainsi le minuscule, porte étroite s’il en est, ouvre un monde. Le détail d’une chose peut être le signe d’un monde nouveau, d’un monde qui comme tous les mondes, contient les attributs de la grandeur. (...) La miniature sincèrement vécue me détache du monde ambiant, elle m’aide à résister à la dissolution de l’ambiance. La miniature est un exercice de fraîcheur métaphysique ; elle permet de mondifier à petits risques. Et que de repos dans un tel exercice de monde dominé !30
66La dimension poétique de la miniature se double d’une dimension esthétique, et ce propos de C. Lévi-Strauss peut à son tour nous éclairer : « Car il semble bien que tout modèle réduit ait vocation esthétique – et d’où tirerait-il cette vertu constante, sinon dans ses dimensions mêmes ? ; inversement, l’immense majorité des œuvres d’art sont aussi des modèles réduits »31. La corrélation entre macrocosme et microcosme est efficace, et semble d’autant plus l’être dans l’univers de la nature : celle-ci semble avoir toujours existé, comme elle semble pouvoir toujours exister32.
IV – Pour conclure : la pierre et l’éternité. de la nature
67Dans ces univers naturels disponibles à l’imaginaire humain, que penser de la pierre ?
De tout temps, on a recherché non seulement les pierres précieuses, mais aussi les pierres curieuses, celles qui attirent l’attention par quelques anomalies de leurs formes ou par quelques bizarreries significatives de dessin ou de couleur. Presque toujours, il s’agit d’une ressemblance inattendue, improbable et pourtant naturelle, qui provoque la fascination33.
68Mais c’est moins la pierre en tant que telle que son appartenance à la nature qui importe :
Les pierres – non pas elles seules, mais racines, coquilles et ailes, tout chiffre et édifice de la nature – contribuent à donner l’idée des proportions et lois de cette beauté générale qu’il est seulement possible de préjuger34.
69Ces pierres qui « séduisent par une beauté propre, infaillible, immédiate, qui ne doit de compte à personne (...) présentent quelque chose d’évidemment accompli », « elles possèdent on ne sait quoi de grave, de fixe et d’extrême », et surtout « d’impérissable ou de déjà péri »35.
70Je suis tenté de corriger : d’impérissable et de déjà péri. En effet, la pierre offre une dimension temporelle infinie, et Christian, entre l’évocation de l’imaginaire antique et celle de son souvenir d’enfance, a intercalé cette formule, « la pierre, c’est solide », qui nous invite à la penser comme un gage de durabilité, de stabilité (et peut être de sécurité), d’autant plus fascinante qu’il s’agit d’une miniature. Dans celle-ci se lit l’infini de la nature : la pierre devient alors le plus petit objet pensable pour cette grande dimension de l’imaginaire humain qu’est le temps. Superposant une temporalité géologique à la temporalité biographique, la pierre est efficace pour penser le temps et le domestiquer, elle fait aisément figure de référent pour donner une ampleur à la biographie et à l’univers domestique qui la spatialise.
Notes de bas de page
1 Cette recherche a fait l’objet d’un doctorat en sociologie et sciences sociales à l’université Lumière-Lyon 2 (L’univers domestique au singulier-pluriel. Contribution à une ethnographie de l’habiter, sous la direction de François Laplantine). Elle fait suite à deux recherches portant, l’une sur un type d’habitat collectif (habitats autogérés, communautés néo-rurales, coopératives d’habitation), l’autre sur les attitudes domestiques des hommes (entendre – personnes de sexe masculin ·). Celle-ci a fait l’objet d’un ouvrage : Les hommes à la conquête de l’espace domestique. Du propre et du rangé. Montréal, VLB/Le Jour, 1993, par J. P. Filiod et D. Welzer-Lang.
2 Voir P. Ansart, Les Sociologies contemporaines, Seuil, 1990, p. 318 ; Cahiers internationaux de sociologie. Vol. LXIV : Sociologie des quotidiennetés », 1983 ; F. Laplantine, L’Anthropologie, Seghers, 1987, p. 151-132.
3 Dans un article intitulé « L’objet biographique » (Communications, no 13, 1969), V. Morin répondant aux analyses d’A Moles et de J. Baudrillard déclara « Il y a moins de classifications possibles ou prévisibles au niveau de la consommation active de l’objet par le sujet » (p. 122). Plus récemment, l’ethnologie du domaine français a fait surgir des questionnements sur la singularisation des comportements domestiques. Voir notamment Terrain, no 12 : « Du congélateur au déménagement. Pratiques de consommation familiale », Mission du patrimoine ethnologique, ministère de la Culture, de la Communication et des Travaux du Bicentenaire, avril 1989·
4 J.P. Filiod, « Méthode au logis. L’ethnographie à l’épreuve de l’intimité domestique », in Bulletin du Centre Pierre-Léon d’histoire économique et sociale, CNRS, MRASH, à paraître.
5 Voir F. Laplantine, op. cit., notamment p. 21 à 28.
6 Une conséquence méthodologique est le choix d’une population-témoin. Celui-ci s’est fait à partir de la nécessité d’être dans des conditions optimales de cueillette de l’information, c’est-à-dire de trouver des résidents acceptant de décrire et discuter chaque objet de la maison, ainsi que de parler des pratiques de l’intimité domestique. L’expression ·· population-témoin » veut signifier que chaque résident est compris comme un révélateur de culture et de l’imaginaire humain et social, et non pas comme appartenant à une classe ou à une catégorie particulières. Dix-huit espaces à usage exclusif (logement d’une personne seule, chambre d’adolescent, chambre d’enfant, bureau d’un conjoint) furent ainsi étudiés dans la région Rhône-Alpes. Des enquêtes complémentaires furent réalisées dans d’autres univers domestiques de la même région et du Québec, ainsi qu’à partir de photographies d’intérieur.
7 D. Cogneau, O. Donnat, Les pratiques culturelles des Français, 1973-1989, La Découverte/La Documentation française, 1990, p. 137.
8 Op. cit., p. 139.
9 Pour cet exemple-ci, l’exotisme est renforcé par le nom donné à ce chien : Brasilia.
10 Citons entre autres : les jeunes animaux sauvages des « sociétés primitives », parfois nourris au sein des mères ; les chiens et les singes de l’Antiquité romaine ; les lévriers, épagneuls, perroquets et singes de l’Europe médiévale ; l’apparition d’animaux de taille et de prix plus modestes (canaris, chats, petits chiens) qui marque la consécration du phénomène dans l’Europe du XVIIIe siècle. J.-P. Digard, L’Homme et les animaux domestiques. Anthropologie d’une passion, Fayard, 1990, p. 231232.
11 La France occupe le deuxième rang mondial, après les États-Unis d’Amérique (220 millions d’animaux répartis dans 56 % des foyers). En France, le budget de la nourriture des animaux domestiques est équivalent à la consommation alimentaire de tous les Espagnols. Op. cit., p. 232-233.
12 Observation personnelle dans un magasin lyonnais « Le chien galant ».
13 A. Corbin, Le Miasme et la jonquille. L’odorat et l’imaginaire social, XVIIIe-XIXe siècles, Flammarion, 1986 [1982], p. 227.
14 Cette représentation semble dépasser le cadre domestique singulier puisque, un jour, me rendant dans une administration, j’ai repéré dans le bureau d’une secrétaire la même affiche, située également juste au-dessus de l’ordinateur, tout près duquel était posée une plante verte.
15 A. Corbin, op. cit. ; Ph. Ariès, G Duby (dir.), Histoire de la vie privée, 5 tomes, Seuil, 1987 ; A. Pardailhé-Galabrun, La Naissance de l’intime 3 000foyers parisiens, XVIIe-XVIIIe siècles, PUF, 1988 ; A. Debarre-Blanchard, M. Eleb-Vidal, Architectures de la vie privée, Archives d’architecture moderne, Bruxelles, 1989·
16 Sur ce dernier point, voir l’article de C. Sèze, ·· La modification », in Confort moderne. Une nouvelle culture du bienêtre, C. Sèze (éd.), éditions Autrement, série Sciences en société, no 10, janv. 1994, pp. 110-124.
17 M. Segalen, « Objets domestiques de la vie ouvrière. Nanterre, 1920-1960 », Ethnologie française, XVII, 1978, 1, p. 33.
18 P. Sansot, Jardins publics, Payot, 1993.
19 M Perrot a montré combien les intérieurs ruraux étaient composés de différents éléments, tant créés qu’empruntés aux modèles hérités ou à ceux véhiculés par les médias. En ce sens, elle parle d’une « non-disparité apparente avec les intérieurs urbains ». « Esthétique en milieu rural. Le décor domestique en Haute-Lozère », Ethnologie-française, XXI, 1991, 2, pp. 135147.
20 M. Bonetti, Habiter. Le bricolage imaginaire de l’espace, Hommes et perspectives, 1994, p. 183.
21 Ph. Pons, « Japon, un attachement sélectif à la nature », in Les Sentiments de la nature, D. Bourg (éd.), La Découverte, 1993, p. 40-41.
22 D. Sperber, « Pourquoi les animaux parfaits, les hybrides et les monstres sont-ils bons à penser symboliquement ? », L’Homme, vol. 15, no 2, 1975, pp. 5-24.
23 G. Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Dunod, 1992 (1969), p 391 à 399.
24 R. A. Stein, Le Monde en petit Jardins en miniature et habitations dans la pensée religieuse d’Extrême-Orient, Flammarion, 1987, p. 59.
25 G. Durand, op. cit., resp. p. 317-319 et p. 242-243.
26 J. Baudrillard avait éclairé ce point dans son Système des objets (Gallimard, 1968, p. 72).
27 J.-P. Digard, op. cit., p. 238.
28 J.-P. Digard, op. cit, p. 238 à 241.
29 S. Chalvon-Demersay, Concubin, concubine, Seuil, 1983. p. 46.
30 G. Bachelard, La Poétique de l’espace, PUF, 1957, resp. p. 146 et p. 150.
31 C. Lévi-Strauss, La Pensée sauvage, Agora, 1993 [Plon, 1962], p. 37.
32 Voir A. Cauquelin, L’Invention du paysage, Plon, 1989.
33 R. Caillois, L’Écriture des pierres, Flammarion, 1987 (1970), p. 5.
34 Op. cit., p. 6.
35 Ibid.
Auteur
Ethnologue, CREA – université Lumière-Lyon 2.
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