Chapitre un. L’adaptation d’un cycle mythique de fantasy
p. 21-32
Texte intégral
1Game of Thrones, littéralement « Jeu des trônes » (en français Le Trône de fer) est l’adaptation sous forme de série télévisée de la saga intitulée A Song of Ice and Fire (Une ballade de glace et de feu), que George R. R. Martin a commencée en 1996 et qu’il n’a pas encore achevée à ce jour.
2Le cycle de Martin relève du genre littéraire de la fantasy, c’est-à-dire d’une littérature de l’imaginaire qui prend pour cadre un univers médiéval réinventé où magie et surnaturel font normalement partie de l’ordre du monde. Fille du roman gothique anglais du xixe siècle, la fantasy se développe au début du xxe siècle et sera illustrée, en particulier, par la trilogie fameuse du Seigneur des Anneaux (1954-1955) de J. R. R. Tolkien, ou plus récemment par le cycle d’Elric le Nécromancien (1961-1991) de Michaël Moorcock, les Annales de la Compagnie noire (1984-en cours) de Glen Cook ou les cycles de l’Assassin royal (1998-en cours) et du Prophète blanc (2003-2006) de Robin Hobb. Comme ces derniers, le cycle de Martin appartient plus exactement à un sous-genre de la fantasy, appelé dark fantasy, qui se caractérise par une ambiance plus sombre, plus étrange, des héros plus ambigus, enfin par un univers où la victoire du Bien sur le Mal n’est pas acquise.
3Les cinq volumes déjà écrits de cette saga qui doit en compter sept ont connu un succès mondial. En France, les livres originaux ont été découpés en deux, trois voire quatre parties vendues d’abord séparément en grand format et en poche, puis réunies à nouveau dans les volumes de l’intégrale en cours, qui retrouvent alors les divisions voulues par l’auteur. Pour le lecteur français, il n’est donc pas toujours aisé de s’y retrouver, d’autant plus que les appendices concernant les très nombreux personnages appartenant aux différentes maisons de Westeros que donne Martin dans chaque volume ont été supprimés dans la version française, peut-être dans un souci d’économie : on retrouvera la traduction française de ces appendices sur l’excellent site de la Garde de nuit (www.lagardedenuit.com/wiki, onglet « Trône de fer »). Le tableau suivant devrait permettre de se repérer parmi les volumes du cycle :
Titre original et traduction littérale | Découpage français | |
1 | A Game of Thrones | 1 Le Trône de fer |
2 | A Clash of Kings | 3 La Bataille des rois |
3 | A Storm of Swords | 6 Les Brigands/Intrigues à Port-Réal |
4 | A Feast for Crows | 10 Le Chaos |
5 | A Dance with Dragons | 13 Le Bûcher d'un roi |
6 | The Winds of Winter : à paraître | à paraître |
7 | A Dream of Spring : à paraître | à paraître |
4Notons en passant que Le Trône de fer est le titre adopté, en français, à la fois pour la série TV, pour le cycle littéraire entier et pour son premier volume. Le plus souvent, nous avons conservé ici le titre anglais de la série, Game of Thrones, sans le traduire et en respectant les conventions anglaises des majuscules pour les titres.
Structuration du cycle et adaptation en série
5Dans les volumes du cycle, Martin a découpé chaque livre en chapitres structurés autour d’un personnage privilégié. L’énonciation adopte cependant une forme de focalisation zéro où un narrateur omniscient sait tout à tout moment. Cette manière d’écrire, qui privilégie des chapitres rédigés autour d’une figure saillante éponyme, a sans doute facilité l’adaptation de l’œuvre. Toutefois, le découpage de la série ne respecte qu’à peu près la division proposée par les chapitres, s’autorisant des anticipations ou des retards. Ainsi, la première saison de la série correspond par exemple au premier volume de l’intégrale, la seconde saison au deuxième volume et à quelques chapitres du troisième ; mais la troisième saison ne représente qu’à peu près la moitié du troisième volume et la quatrième saison achève de le couvrir. Chacune des saisons suivantes – dans la mesure où HBO a confirmé le tournage des saisons cinq et six et envisagé le tournage de huit saisons en tout pour cette série – devrait donc normalement reprendre le cours d’un volume, puisque Martin a prévu que le cycle littéraire en compterait sept, les deux derniers restant encore à écrire.
6Il serait donc possible que la série TV, à laquelle l’auteur a participé comme co-scénariste pendant les quatre premières saisons, soit achevée avant le projet littéraire, ce qui constituerait un exemple tout à fait exceptionnel, sinon unique. L’adaptation risque en effet d’influer aussi sur le déroulement des livres et cela jusqu’à la fin du cycle. Dans cette course-poursuite avec lui-même, G. R. R. Martin a pris ses précautions en déposant dans un coffre ses intentions concernant la fin du cycle, de façon à ce que la série puisse vraiment trouver la clôture qu’il a imaginée, au cas où il disparaîtrait prématurément. Enfin Martin a lui-même annoncé qu’il arrêtait son activité de co-scénariste de la série pour pouvoir se consacrer davantage aux livres…
Les prémices de la série TV
7Plus d’un an et demi s’écoule entre le moment où, en janvier 2007, sur une idée de David Benioff et Daniel B. Weiss, la chaîne américaine HBO pose une option pour acquérir les droits d’adaptation du Trône de fer et celui où elle les achète, le 9 septembre 2008. Cette durée inhabituelle s’explique par la grève des scénaristes qui a retardé de six mois tous les projets, ainsi que George R.R. Martin l’a confirmé. Deux mois après la signature du contrat, le 11 novembre 2008, HBO passe enfin commande de l’épisode-pilote et il est alors question que la BBC coproduise la série.
Le pilote
8À la fin de 2008, pour les recherches du casting annoncé comme majoritairement britannique, Benioff et Weiss ont l’idée de profiter de la renommée des livres de Martin pour demander aux fans leurs suggestions via le forum de westeros.org, une référence mondiale pour les amateurs du cycle. Parallèlement au casting, il faut également choisir des lieux de tournage. Benioff et Weiss, qui se connaissent depuis leurs années d’études à Trinity College (Dublin), font le choix de l’Irlande du Nord comme lieu de production principal – un choix fiscalement intéressant.
9Au milieu de l’année 2009, la chaîne annonce avoir engagé le tout premier acteur, Peter Dinklage, qui incarnera Tyrion Lannister, ainsi que le réalisateur du pilote, Thomas McCarthy. Puis suivront, regroupés ici selon leur appartenance ou leurs liens à une maison dans le pilote, Sean Bean (Eddard Stark), Jennifer Ehle (Catelyn Stark), Richard Madden (Robb Stark), Isaac Hempstead-Wright (Bran Stark), Kit Harington (Jon Snow), Sophie Turner (Sansa Stark), Maisie Williams (Arya Stark), Joseph Mawle (Benjen Stark), Alfie Allen (Theon Greyjoy), Ron Donachie (Rodrik Cassel), Donald Sumpter (mestre Luwin), Mark Addy (Robert Baratheon), Jack Gleeson (Joffrey Baratheon), Aimee Richardson (Myrcella Baratheon), Rory McCann (Sandor Clegane), Nikolaj Coster-Waldau (Jaime Lannister), Lena Headey (Cersei Lannister-Baratheon), Harry Lloyd (Viserys Targaryen), Tamzin Merchant (Daenerys Targaryen), Ian McNeice (Illyrio Mopatis), Jason Momoa (khal Drogo), Ian Glen (Jorah Mormont), Esmé Bianco (Ros), Jamie Campbell Bower (Waymar Royce), Richard Ridings (Gared) et Bronson Webb (Will). À la fin octobre 2009, alors que les derniers acteurs ont été trouvés, le tournage du pilote commence et va durer moins d’un mois.
10Pour les lieux de tournage, Benioffet Weiss vont utiliser non seulement le Paint Hall Studio des Titanic Studios de Belfast, mais également, pour les décors naturels, des paysages de l’Irlande du Nord auxquels ils ajoutent rapidement l’Écosse. Puis viendra le Maroc, pour les scènes situées par Martin dans des contrées à la fois plus méridionales et plus orientales.
Le tournage
11La première scène tournée est celle du banquet qui intervient au milieu du pilote : pour camper Winterfell, siège de la maison Stark, les showrunners ont d’abord fait le choix de Doune Castle, un manoir écossais du xive siècle, déjà célèbre pour avoir été le lieu de tournage de Monty Python : Sacré Graal ! (Terry Gilliam et Terry Jones, 1974). Va suivre la scène fantastique du prologue, tournée dans la forêt artificiellement enneigée du Tollymore Forest Park au sud de Belfast ; puis sont tournées la décapitation de Will par Eddard Stark, ainsi que la découverte des six louveteaux, cette fois à Cairncastle au nord de Belfast ; ensuite retour à Winterfell, pour voir Joffrey narguer Robb ; l’arrivée à Winterfell du roi Robert est filmée dans un autre château irlandais, Ward Castle ; enfin, la chute de Bran qui clôt le pilote est aussi la dernière scène filmée en Irlande. Après un bref séjour au Maroc, à Ouarzazate, le pilote est bouclé le 19 novembre.
12Commence alors la post-production. HBO dépose le nom Game of Thrones pour les futurs produits dérivés qui s’avéreront nombreux : posters, tee-shirts, hoods, mugs, pins, magnets, figurines, fac-similés d’armes, etc. Dans le même mouvement, des peluches des louveteaux sont vendues. Satisfaite du pilote, HBO annonce le 2 mars 2010 la commande d’une saison de dix épisodes, pilote compris (en France, Orange acquiert alors les droits de diffusion). C’est alors que, pour la première fois, des images du pilote sont montrées au public.
La première saison
13D’emblée, le travail d’adaptation à partir des livres de G. R. R. Martin se révèle considérable, même si la première saison correspond à peu près au premier tome de la saga qui a aussi donné son titre à la série : A Game of Thrones. En français, celui-ci est scindé en deux volumes intitulés respectivement Le Trône de fer et Le Donjon rouge (soit, en tout, 786 pages dans le tome I de l’Intégrale chez J’ai Lu). Benioff et Weiss, qui s’étaient déjà chargés du pilote, prennent en charge les épisodes 2, 3, 5, 7, 9 et 10 ; Bryan Cogman (qui a collaboré au script de Mon meilleur ennemi) le 4e, et Jane Espenson (qui a travaillé sur Buffy contre les vampires, Galactica et Once Upon a Time) le 6e. Enfin Martin lui-même rédige le script du 8e épisode. D’une manière générale, il participe au scénario d’ensemble, ce dont on a des preuves multiples. Par exemple, il dit lui-même dans son blog avoir inventé un personnage qui n’existe pas dans ses livres : Ros (Esmé Bianco), une prostituée rousse de Winterfell destinée à revenir dans la série, mais qui n’apparaît pas dans l’épisode qu’il signe.
14Deux défections d’actrices surviennent alors en peu de temps : en mars 2010, Jennifer Ehle – qui jouait Catelyn Stark, un rôle secondaire mais récurrent – quitte la série et se voit remplacée par Michelle Fairley ; puis, fin mai, Tamzin Merchant qui incarne Daenerys Targaryen – l’un des rôles principaux – est remplacée par Emilia Clarke, sans qu’aucune raison n’ait été alléguée pour ces changements. De façon similaire, le rôle d’Illyrio Mopatis tenu d’abord par Ian McNeice, le crieur public dans Rome, est repris par Roger Allam. Ces remplacements entraînent de nécessaires reshots dès le pilote. Puis le casting initial du pilote va s’enrichir de Finn Jones (Loras Tyrell), Kristian Nairn (Hodor), Roy Dotrice (Mestre Pycelle), Aidan Gillen (Littlefinger). Après le début du tournage apparaissent encore de nouveaux acteurs récurrents, parmi lesquels Sibel Kekilli (Shae), Charles Dance (Tywin Lannister), John Dempsie (Gendry), David Michael Scott (Béric Dondarrion), David Bradley (Walder Frey).
15Pour réaliser les dix épisodes prévus pour cette première saison, Benioff et Weiss font appel à des réalisateurs chevronnés. Pour le pilote, ils avaient engagé Tom McCarthy, qui avait réalisé dix épisodes pour Sur écoute. On ne sait pourquoi, ce n’est pas lui qui filme les reshots du pilote pour en faire le premier épisode de la première saison. Tim van Patten, qui officie déjà pour HBO sur Boardwalk Empire (après s’être illustré entre autres avec des épisodes des Soprano, Rome, Deadwood, Sur écoute, Sex and the City), le remplace et va assurer le remaniement de ce pilote transformé, avant de réaliser entièrement le 2e épisode. Les épisodes 3, 4, 5 seront dirigés par Bryan Kirk (Dexter, les Tudors, Murphy’s Law), les 6, 7, 8 par Daniel Minahan (True Blood, The Good Wife, Life On Mars, Grey’s Anatomy, Deadwood, Six Feet Under) et les deux derniers par Alan Taylor (Rubicon, En analyse, New York, police judiciaire, Mad Men, Rome, Deadwood, La Caravane de l’étrange, Six Feet Under, Les Soprano, Sex and the City, À la Maison Blanche, Oz).
16Enfin, le générique finalement créé pour la série diffère profondément de celui imaginé par Benioffet Weiss pour le pilote, dont le script permet de se faire une idée. Pour le réaliser, les créateurs engagent Angus Wall, qui a déjà créé celui de Rome et celui de La Caravane de l’étrange pour lequel il a obtenu un Emmy Award. Outre ces récompenses, Wall avait déjà été deux fois oscarisé pour son montage de Millenium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes (en collaboration avec Kirk Baxter) et de The Social Network, deux films de David Fincher.
17Originellement confiée à Stephen Warbeck – Shakespeare in Love –, la musique est prise en charge au dernier moment, début 2011, par Ramin Djawadi (Prison Break, Blade – la série TV –), là encore sans qu’aucune explication n’ait été avancée pour ce remplacement.
Costumes, armes et symboles
18On le sait, les films comme les séries « historiques », ou comme on dit souvent : « en costumes », coûtent beaucoup plus cher que les autres. Rome (2005-2007) est ainsi restée quelques années durant la série la plus chère jamais réalisée, son budget ayant avoisiné les 110 millions de dollars pour chaque saison. Game of Thrones, ne fait pas exception. Si les événements racontés sont bien pure fiction, leur créateur a imaginé un monde inspiré par l’image qu’on se fait aujourd’hui du Moyen Âge, en particulier de sa partie gothique finale, ce qui n’exclut pas, répétons-le, des ressemblances avec la Renaissance. Dans cet univers bigarré et souvent violent, décors, costumes et armes sont d’une importance visuelle considérable.
19La réalisation des décors a été confiée à Gemma Jackson qui, entre autres, avait déjà travaillé pour HBO sur la mini-série historique John Adams, consacrée à la vie du deuxième président des États-Unis, ainsi qu’au Journal de Bridget Jones. Pour les costumes, Benioff et Weiss se sont offerts les services de Michele Clapton qui avait participé à l’adaptation du roman de Jane Austin, Sense and Sensibility ainsi que sur le Journal d’Anne Frank. Tout en s’inspirant de la mode médiévale telle que les enluminures de manuscrits, en particulier, nous en donnent une idée, elle s’est d’emblée affranchie de ses modèles, en se fondant sur le fait que la série met en scène un Moyen Âge transfiguré par l’imagination. Une attention particulière a donc été portée aux robes que, selon les occasions, portent les dames en vue – comme Cersei ou Margaery – aussi bien qu’aux armures, tantôt de métal, tantôt de cuir ou des deux mêlés, qui suffisent parfois à identifier un personnage – comme celle couverte de rinceaux du chevalier aux fleurs, Loras Tyrell, ou celle de Théon Greyjoy en cuir et avec l’emblème du kraken. L’ensemble vise en effet à créer à la fois la diversité d’un monde en brouillant les repères historiques, mais aussi une cohérence qui puisse accompagner la création générale de cet univers de fiction.
20De même les armes constituent des ornements sans lesquels il n’est point de chevalier ni de combattant digne de ce nom ; de plus, un réglage efficace des combats demeure par conséquent un impératif catégorique. La question des armes a donc été confiée à Tommy Dunne qui avait déjà travaillé pour HBO sur la mini-série The Pacific et sur Band of Brothers, mais aussi sur Il faut sauver le soldat Ryan, le Masque de Zorro ou Gladiator. Pour les chevaliers de Game of Thrones, qui manient parfois des épées censées être très anciennes et forgées dans un acier exceptionnel, voire magique – l’acier valyrien –, Dunne a particulièrement laissé libre cours à son imagination, inventant toutes sortes d’épées avec des lames et des gardes de forme très différente.
21Pourtant le morceau de bravoure de ces inventions, au confluent du décor et des armes, est sans doute aucun le Trône de fer lui-même, symbole du pouvoir au royaume de Westeros. Forgé plusieurs siècles auparavant sous le feu d’un dragon à partir des épées prises par les Targaryen à leurs ennemis vaincus, le siège royal suscite certes la crainte, mais, malgré son inconfort proverbial, il reste l’objet de toutes les convoitises.
22Unissant bien souvent les armes et les costumes, une riche héraldique a été inventée par Martin et, le plus souvent, reprise scrupuleusement par la série. En effet, ces symboles, qui apparaissent sur les drapeaux et diverses pièces de costume, créent visuellement des groupes qui sont liés à des lieux et à des personnages. Ainsi la tête de loup gris des Stark de Winterfell, ou le lion d’or des Lannister de Castral-Roc, le cerf noir couronné des Baratheon ou encore le kraken jaune des Greyjoy, éléments symboliques sur lesquels nous reviendrons plus loin en détail.
23L’importance des armes, costumes et symboles apparaît en pleine lumière lorsque l’on se rappelle que la promotion de la série a commencé par une vidéo sur les armes et les combats (The Artisans : Buster Reeves, 13 janvier 2011), avant même que la moindre scène du pilote en soit montrée.
Le tournage de la première saison
24Le 26 juillet 2010, le tournage de la première saison commence (finalement sans coproduction avec la BBC) et Martin en annoncera lui-même la clôture six mois plus tard le 16 décembre. En plus des lieux de tournage déjà mentionnés à propos du pilote, le fort de Châteaunoir est recréé par un énorme décor dans la carrière de Magheramorne en Irlande du Nord. De plus, lors du second tournage du pilote, l’île de Malte est préférée au Maroc. L’équipe va d’ailleurs continuer à y tourner pour d’autres épisodes. Le palais présidentiel de San Anton, Mdina, l’ancienne capitale de Malte, le village de Manikata, la plage de Dwejra, tous ces lieux ont servi de cadre à des scènes censées se dérouler dans les cités libres, comme Pentos, mais aussi dans le Donjon rouge ou dans les rues de Port-Réal.
Promotion et réception
25La promotion de la série auprès du grand public est inaugurée par la diffusion d’un premier teaser le 13 juin 2010. Après que le tournage s’est achevé à Malte, la fin de 2010 et le début de l’année 2011 sont marqués par différents événements promotionnels : le 5 décembre, la diffusion sur HBO du reportage Inside Game of Thrones, le 7 janvier, la présentation de la série au TCA Winter Press ainsi que l’annonce de la diffusion du premier épisode prévue le 17 avril.
26À la fin du mois de février, la campagne de promotion gagne encore en intensité. HBO envoie d’énigmatiques paquets à divers sites de fans et blogs autour de la série de George R. R. Martin. Dans ces paquets sont emballés des coffrets à l’allure médiévale. Ce sont les éléments d’un jeu auquel sont aussi conviés les internautes via un site internet dédié. Intitulé The Maester’s Path, « La voie du Mestre », il s’inspire des grades obtenus par les mestres – qui font fonction de conseillers des rois – lors de leurs études et concrétisés par des maillons de métal différent qu’ils portent assemblés en une chaîne. Chaque coffret contient une carte de Westeros, divers documents façon parchemin donnant des indications sur l’histoire des royaumes, etc. et six flacons de senteurs différentes qui renvoient à deux seulement des cinq lieux suivants : Winterfell, la mer Dothrak, l’Auberge du carrefour, Port-Réal et Pentos. Tous les coffrets ne sont pas semblables et il convient donc que chaque récipiendaire associe à chacun des deux lieux dont il dispose les trois odeurs qui lui correspondent. Ainsi Winterfell se caractérise par celles du bois sacré (godswood), des cryptes (crypts) et du poivre (pepper), la mer Dothrak par la mer d’herbe (grassland), le feu de camp (campfire), la horde du Khal (khal’s herd), l’Auberge du carrefour par des poutres de bois (wood beams), de l’alcool de poire (pear brandy) et du pain croustillant (crusty bread), Port-Réal par le cuir (leather), les fruits de l’été (summerfruit) et le parchemin (parchment), enfin Pentos par le port de mer (salt harbor), l’encens (incense) et le marché aux épices (spice market).
27Les coffrets sont en quelque sorte la première étape du jeu et proposent comme une énigme à résoudre l’association des odeurs avec les lieux, sachant que chaque coffret ne donne au départ que deux lieux et qu’il faut donc mettre en commun grâce à Internet les informations données par toutes les sortes de coffrets disponibles. La solution des différentes énigmes amène comme récompense finale l’obtention d’un premier maillon assorti d’une vidéo en avant-première : on y voit Jon Snow offrir à sa sœur Arya une épée spécialement forgée pour elle et qu’elle baptise Aiguille par dérision envers les travaux de broderie auxquels on veut la cantonner.
28Les quatre étapes suivantes du jeu, distribuées chaque semaine de mars, donnent droit à découvrir quatre vidéos supplémentaires : l’entrée de Tyrion Lannister dans l’Auberge du Carrefour où sont attablés Catelyn Stark et Rodrik Cassel ; une discussion entre Tyrion, mestre Aemon et Jeor Mormont sur l’hiver qui vient ; un dialogue entre Daenerys Targaryen et Jorah Mormont sur leurs chances de revenir à Westeros ; enfin, la discussion entre Robert Baratheon et Eddard Stark sur les devoirs de leur charges, puis à propos de l’identité de la mère de Jon Snow.
29À la mi-mars, acmé de la campagne de communication, 19 nouvelles vidéos de toutes sortes sont diffusées en une seule semaine et, avec le jeu, elles entretiennent le buzz sur le Net. Enfin, le 17 avril, HBO diffuse le premier épisode de la série, intitulé « Winter’s coming », « L’hiver vient » : il rassemble un public de 2,2 millions de spectateurs pour le tout premier passage et un total de 4,2 millions pour l’ensemble des trois diffusions de ce jour-là. Sans être exceptionnel, ce chiffre est considéré comme satisfaisant par HBO. La diffusion européenne, en l’occurrence au Royaume-Uni, est également prometteuse : c’est alors la meilleure jamais enregistrée pour une première sur Sky Atlantic avec 750 000 spectateurs. C’est donc sans surprise qu’HBO annonce qu’il y aura une deuxième saison, trois jours après la toute première diffusion du pilote. Les audiences américaines sont ensuite remarquablement élevées et varient entre 2 et 4 millions de spectateurs en prime time. Leur courbe de progression est très nettement positive si l’on considère cette fois les différents moments de diffusion de la série.
30Sans compter les nominations – beaucoup trop nombreuses pour être mentionnées –, cette première saison reçoit un excellent accueil critique et gagne un nombre important des plus prestigieuses récompenses attribuées aux séries en 2011 : la série entière remporte le Scream Award, le Television Critics Association Award et le George Foster Peabody Award de la meilleure série, Peter Dinklage obtient à lui seul quatre prix, un Emmy Award, un Scream Award, un Satellite Award et un Golden Globe Award, tous au titre de meilleur second rôle ; Angus Wall et son équipe remportent l’Emmy Award pour le meilleur design d’un générique de série, Emilia Clarke le Scream Award du meilleur espoir féminin.
Le nerf de la guerre
31Comme Game of Thrones est en partie tourné en Ulster (Irlande du Nord), c’est le ministre nord-irlandais de la culture, Neil Causland, qui a révélé sur son blog dès 2010 (http://theministerspen.blogspot.fr/2010/03/gameof-thrones.html) que la première saison de la série aurait un budget de 30 millions de livres (environ 36 millions d’euros) : c’était en effet une bonne nouvelle pour ses administrés. De fait, même si la discrétion règne en cette matière chez HBO comme ailleurs, le directeur de la programmation, Michael Lombardo, a cependant confirmé plus tard l’annonce du ministre et estimé le coût de la première saison de Game of Thrones entre 40 et 50 millions de dollars (environ 36 millions d’euros) pour les dix épisodes. L’épisode-pilote aurait lui-même coûté entre 5 et 10 millions de dollars (environ 7 millions d’euros).
32On sait aussi que, pour la deuxième saison, les créateurs ont obtenu de HBO une rallonge de 15 %, en particulier parce qu’il était nécessaire de mobiliser beaucoup plus de moyens pour pouvoir représenter une grande bataille – celle de la Néra – dans l’épisode 9.
33Si Rome (HBO) demeure la série la plus chère jamais tournée avec ses vingt-deux épisodes de plus de 10 millions de dollars chacun, Game of Thrones se retrouve cependant dans le club très fermé des séries qui coûtent environ 5 millions de dollars par épisode.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La sérialité à l’écran
Comprendre les séries anglophones
Anne Crémieux et Ariane Hudelet (dir.)
2020