« Autour de dionysos » : remarques sur la dénomination des artistes dionysiaques1
p. 109-142
Texte intégral
1La tournure οἱ περὶ τòν Διóνυσoν τεχvῖται est un élément central de la titulature des technites ; pourtant, dans les études relatives aux associations d’artistes dionysiaques, on ne lui a pas accordé une attention particulière. Le choix pouvait sembler aller de soi : le terme τεχvίτης indiquant de façon assez générale un spécialiste, il était nécessaire de préciser la notion, et le renvoi à Dionysos, le dieu du théâtre, pouvait paraître la solution logique1. Les choses sont toutefois plus compliquées, et il me semble important de poser la question de la signification du choix fait par les technites, au moment où ils choisirent de se dénommer comme οἱ περὶ τòν Διóνυσoν τεχvῖται. En effet, l’analyse des attestations de la périphrase οἱ περὶ v+ accusatif du nom d’un dieu montre qu’elle est d’utilisation assez rare, le choix n’est donc pas banal. L’étude du composé Διoνυσoκόλακες, qui est attesté, pour des artistes de théâtre, en concurrence avec τεχvῖται, permet peut-être de donner, dans le cadre d’un contexte historique précis (les cours des rois hellénistiques), un sens au choix des technites. Διoνυσoκόλακες – et Διoνυσoκόλακες – étant toutefois fréquemment utilisés pour désigner aussi, en plus des gens de théâtre, les adulateurs du tyran sicilien Denys le jeune, un détour par la cour de Syracuse se révélera nécessaire à l’établissement des connotations exactes du terme. Le retour à l’Athènes de Démétrios Poliorcète permettra enfin d’avancer une hypothèse sur les raisons du choix des artistes : Dionysos, le Dionysos de la périphrase, est le dieu, bien sûr, mais il est également une figure du pouvoir politique.
I. Οἱ περὶ τòν Διóνυσoν τεχvῖται
2Dans l’interprétation de la tournure οἱ περὶ; + acc. il faut – comme l’a souligné Radt2 – tout d’abord faire une distinction entre οἱ περὶ; + acc. pronominis (αὐτóν, τoῦτoν) et οἱ περὶ + acc. nominis proprii. La première tournure, dans laquelle le pronom indique que le personnage concerné a été mentionné peu avant, est exclusive, elle désigne l’entourage de la personne sans la personne même. La deuxième – la seule qui nous intéresse ici – serait selon Radt toujours inclusive, pourvu que le groupe soit homogène, formé par des personnes appartenant à un même ensemble3 ; elle serait en revanche exclusive, lorsque les deux parties en cause n’appartiennent pas au même groupe. L’expression οἱ περὶ τòν Διóνυσoν τεχvῖται semblerait donc ne poser aucun problème : il s’agirait en effet d’un ensemble non homogène, un groupe humain se réunissant autour d’un dieu. Un aspect de l’interprétation donnée par Radt de la tournure οἱ περὶ + acc. nominis proprii a été pourtant récemment remis en cause : il est en effet souvent difficile de décider si on est devant un groupe homogène ou non. On ne peut donc savoir a priori si la périphrase est inclusive ou exclusive ; seule l’analyse du contexte peut, cas par cas, fournir la solution4. L’usage linguistique fait donc que même dans le cas de Dionysos et des technites, ensemble en soi non homogène, il puisse y avoir une suggestion d’inclusivité ; le contexte seul permet de décider5.
3Mais, comme le prouve l’examen des attestations, il n’y a que très peu de cas où la tournure est utilisée pour désigner un groupe formé par des disciples (ou adorateurs) humains se réunissant autour d’un dieu – d’où une suggestion de non-banalité dans le choix de cette expression6.
4Dans les textes épigraphiques on trouve, dans l’ordre chronologique de leur apparition :
la tournure utilisée justement pour définir les artistes : οἱ περὶ τòν Διóνυσoν τεχvῖται, attestée pour la première fois dans la conclusion du δόγμα ἀρχαῖον des Amphictions reconnaissant des privilèges à l’association des technites d’Athènes (CID IV 12, l. 33 = FD III, 2, 68, l. 94 = TE2, 94), en 279/278 ou 278/277 av. J.-C. ;
trois cas d’associations d’artistes « autour de Dionysos et des Muses », attestés à Rhodes dans une inscription datant peut-être du IIIe siècle av. J.-C.7 ;
toujours des artistes, les technites groupés autour de Dionysos et de Dionysos Kathegemon, une fois à Rhodes, et pour le reste dans le cadre de l’association d’Ionie et de l’Hellespont ; les attestations épigraphiques vont d’environ 171 jusqu’à 81 av. J.-C.8 ;
un cas qui est proche de celui des technites de Dionysos, puisqu’il s’agit là aussi d’artistes, qui se groupent autour d’une Aphrodite dite hilara : à Syracuse, deux inscriptions du Ier siècle av. J.-C. (un décret de proxénie et un décret de proxénie et euergésie) nous font en effet connaître une σύνoδoς τῶν περὶ τὴν ἱλαρὰν Ἀϕροδίτην9 ;
peut-être, à Syracuse, un κοινόν τῶν περ[ὶ τòν Ἀπόλλωνα, τὰς]|[Μούσ]ας καὶ [Διόνυσον τεχνιτῶν]... ; l’inscription (SEG, XXXIV, no 974 = TE75), très fragmentaire, est à dater autour de 100 av. J.-C.10 ;
un cas à première vue étonnant, mais qui s’explique probablement par le désir d’imiter la titulature des technites : dans une inscription fragmentaire d’époque impériale (IG, XII, 7, 246), une base carrée en marbre portant un décret en l’honneur d’un chorège, les danseurs de kordax de Minoa dans l’île d’Amorgos se définissent « danseurs des cordax entourant Apollon Pythien » – si l’on prête foi aux restitutions : - -]οι-/ [κορδακι]στα ὶ (οιι ὀρχη]σταί?) / [τῶν περί] τòν Πύθι-/ [ον] Ἀπόλλωνα κορ-/ δάκων / »Πρό]τειμον.... χορηγήσαν / [τα - - -]. Il s’agit clairement d’une association locale ; par ailleurs, ici ce sont les danses qui se déroulent autour d’Apollon, la situation est donc autre11 ;
la tournure utilisée par les associations d’athlètes de l’époque impériale, οἱ περὶ τòν Ἡαρκλέα12, où parfois à côté d’Héraclès on peut aussi trouver τòν ἀγώνιον, renvoyant à Hermès, les deux étant généralement suivis par la mention de l’empereur. Mais il est connu que l’association des athlètes prend pour modèle l’association des technites dionysiaques, la présence de la tournure οἱ περὶ τòν Ἡρακλέα n’a donc rien d’étonnant ;
encore une tournure utilisée pour définir les artistes, ici σύνoδoς τῶν περὶ τòν Χορεῖον τεχνειτῶν, dans le cadre d’un dossier comprenant un certain nombre de lettres adressées aux technites d’Athènes par Hadrien (face A), ainsi que d’autres lettres et documents (face B) et concernant, selon l’interprétation qu’on donne du Χορεῖος, soit Antinous, soit Dionysos, les avis sont sur ce point partagés13 ;
une association locale de jeunes gens des gymnases de Thyatira en Lydie, se réunissant autour d’Héraclès ; nous sommes autour du IIIe siècle apr. J.-C14 ;
des ὑμνῳδοὶ περὶ τòν Διόνυσον à Histria à l’époque impériale (Pippidi, I. Histriae 208 et 221), avec les variantes ύμνῳδοὶ πρεσβύτεροι ίερονεῖκαι οἱ περὶ τòν Διόνυσον (I. Histriae, 167, 16-18) et ὑμνῳδοὶ πρεσβύτεροι ἱερονεῖκαι οί περὶ τòν μέγαν θεòν Διόνυσον, I. Histriae, 100, 3-4), le tout daté entre les IIe et IIIe siècles après J.-C.15 ;
une ἱερὰ σύνοδος τῶν περὶ τòν Βρεισέα Διόνυσον τειχνειτῶν καὶ μυστῶν, Iv-Smyrna no 639, l. 1-3 (deuxième moitié II s., ou début III s.) qui serait, d’après Nilsson (1957, 47-48), une association d’acteurs posant comme association de mystes ; une version abrégée de cette titulature en IvS-myrna no 600 (158 apr. J.-C.) ; no 601 (entre 161 et 166 apr. J.-C.) ; mais on trouve aussi ἡ ἱερὰ σύνοδος τῶν Βρεισέων, no 652 : ils s’appelaient donc entre eux Βρεισεῖς ou μύσται Βρεισεῖς, cf. no 729 (Μυστῶν πρò πόλεως Βρεισέων, daté de 247/249 apr. J.-C.) et no 622 (129 ou 131/132 apr. J.-C.) ;
à quoi viennent s’ajouter encore quelques autres variantes, toutes locales16.
5On trouve donc des artistes regroupés autour de Dionysos dès le début du troisième siècle dans une bonne partie du monde grec ; des athlètes groupés autour d’Héraclès, parfois accompagné d’Agônion/Hermès, et comme dans le cas précédent également avec une diffusion « mondiale », à partir de l’é-poque impériale. Il y a ensuite quelques groupements à caractère local, d’artistes entourant soit Dionysos et les Muses (auxquels peut s’ajouter Apollon), soit Aphrodite, au Ier siècle avant J.-C.
6Pour ce qui est des textes littéraires la situation est comparable. Un passage de la Cyropédie (Xénophon, Cyropédie, VIII, 3, 11 :… οἱ μάγοι ἐξηγοῦντο∙ πολὺ γὰρ οἴονται Πέρσαι χρῆναι τοῖς περὶ τοὺς θεοὺς μᾶλλον τεχνίταις χρῆσθαι ἢ περὶ τἆλλα, « car les Perses pensent que dans tout ce qui touche aux dieux il faut, bien plus qu’ailleurs, recourir aux experts »), régulièrement cité comme un antécédent pour la titulature des artistes dionysiaques17, mérite une discussion spécifique. En effet, le sens de la tournure est ici légèrement différent, puisque les dieux sont mentionnés non pas comme patrons ou guides du groupe mais comme l’objet de la science des experts (dans ce cas particulier, des mages)18. Ce texte mis à part, à côté des relativement nombreuses mentions de οἱ περὶ τòν Διóνυσoν τεχvῖται, formule dont la première attestation dans un texte littéraire est due à Chamaileon, un péripatéticien écrivant probablement autour de 300 av. J.-C. (fr. 44 Wehrli = Athénée, IX, 407c = TL20), apparaissent quelques rares mentions d’autres regroupements autour de Dionysos19. Quant aux autres figures divines, Plutarque parle de disciples d’Orphée et de jeunes filles autour d’Artémis, alors que chez Libanios les gens cultivés sont οἱ περὶ τὰς Moύσας, tandis que les rhéteurs font partie du cercle d’Hermès20. C’est à peu près tout, et encore faut-il ajouter qu’il s’agit de textes assez tardifs, sur lesquels la titulature des technites a pu exercer une influence21.
7On peut donc dire qu’en ligne générale, les Grecs ont évité d’utiliser la tournure art. + περι + acc. nominis proprii, lorsque au centre du groupe se trouvait être un dieu, et que donc les technites ont fait un choix assez particulier. De fait, et Poland l’avait déjà souligné, les artistes dionysiaques présentent un cas unique dans le monde associatif ancien par la remarquable unité et stabilité de leur désignation d’ensemble, ainsi que par le choix de placer le dieu au milieu du cercle des membres22. Ceci nous dit sans doute des choses sur Dionysos, sur le type de dieu avec qui nous avons affaire. Mais quelles peuvent avoir été les raisons, quelle est la signification de ce choix ?23
II. Τεχvῖται’ ερυσoς Διoνυσoκόλακες : théâtre et puissance
8Pour mieux comprendre la situation, il nous faut examiner quel était le contexte juste avant la formation de la titulature officielle, au moment toutefois où il existait déjà des acteurs professionnels, des technites24. En effet, si initialement à Athènes les citoyens athéniens ont fourni – avec l’exception des musiciens – le personnel entier des fêtes, donc tant les acteurs que les choreutes de tragédie et comédie, les choreutes des dithyrambes, et en grande partie les chorèges aussi, dès la fin du Ve et pendant le IVe siècle se produit un changement : non seulement les acteurs voyagent de plus en plus, leur statut change – du moins dans le cas de certains grands acteurs. On voit maintenant les acteurs entretenir des relations privilégiées avec princes et monarques ; ils peuvent aussi choisir de représenter auprès d’une quelconque puissance les intérêts d’une πόλις25. Ils entrent ainsi dans un circuit « politique » plus ample, et on les voit jouer souvent le rôle d’ambassadeurs privilégiés (Néoptolème et Aristodème eurent par exemple un rôle important dans les négociations entre Athènes et Philippe II, comme Démosthène ne manque pas de le rappeler ; un acteur, Archias, fut chargé par Antipatros de s’emparer de Démosthène). Et ce n’est peut-être pas un hasard si une des premières attestations du terme de technite pour indiquer des gens de théâtre se trouve chez Démosthène, pour désigner justement les artistes réunis par Philippe à la suite de la prise d’Olynthos (348 av. J.-C.)26.
9Pour le moment, il s’agit encore de technites « tout court » ; mais on voit Dionysos apparaître dans un célèbre passage du troisième livre de la Rhétorique d’Aristote, 1405a 23-25, où, dans le cadre d’une discussion sur les définitions propres, les homonymes, les synonymes et les appellations métaphoriques, est donné l’exemple suivant : καὶ ὁ μὲν διονυσοκολακας, αὐτοὶ δ’ αὑτοὺς τεχνίτας καλοῦσιν (ταῦτα δ’ ἄμϕω μεταϕορά, ἡ μὲν ῥυπαινόντων ἡ δὲ τοὐναντίον), « Et, tandis que l’un appelle les acteurs « flagorneurs de Dionysos », ceux-ci se donnent le titre d’« artistes » ; ces deux mots sont des métaphores ; mais l’une cherche à salir, l’autre, le contraire ». L’interprétation usuelle de Διoνυσoκόλακες voit dans cette expression une appellation populaire teintée de mépris par laquelle on aurait désigné des artistes de moindre valeur, se pressant autour du dieu du théâtre sans être à sa hauteur ; τεχvῖται, « artistes », serait au contraire la définition positive, donnée par les gens de théâtre eux-mêmes.
10Cette interprétation est généralement admise27 ; le passage présente toutefois quelques difficultés. On est par exemple en droit de se demander à quoi renvoie l’opposition ὁ μὲν / αὐτοι : Aristote pensait-il à un auteur particulier ? Ou le texte présente-t-il un problème ? On ne peut répondre d’emblée à cette question28 ; peut-être peut-on toutefois donner quelques précisions quant aux connotations du composé Διoνυσoκόλακες.
11Du point de vue de la forme, l’existence d’un composé comme Διoνυσoκόλαξ n’est pas en soi particulièrement surprenante : pour des composés en Dionys- il suffit de penser au précédent offert par le Dionysalexandros de Cratinos ; il existe aussi un certain nombre de composés en _κόλαξ29, parmi lesquels μoυσoκόλαξ et πτωχομουσοκόλαξ ( ?) présentent un intérêt particulier, car ils pourraient contribuer à éclairer le sens à donner à Διoνυσoκόλαξ. Si donc il n’y a pas de difficulté du point de vue de la forme, en revanche il n’est pas facile de définir quels étaient les référents, et quelle était la signification exacte, d’une expression comme « adulateurs de Dionysos » (si l’on admet, comme on est obligé de le faire, qu’à cette époque κόλαξ ne peut qu’avoir une connotation négative) : que signifie flatter (négativement) une divinité ? Déjà les deux commentaires anciens à la Rhétorique présentaient une divergence sur ce point, l’Anonyme parlant de « flagorneurs de Dionysos », alors que Stephanus parlait de « Διoνυσoκόλακες », en renvoyant aux adulateurs du tyran de Syracuse Denys30. Les deux interprétations sont possibles ; la seule acceptée aujourd’hui est la première, mais sans qu’il y ait une vraie discussion sur le sujet. Il me semble donc important d’en mettre en lumière les difficultés et les implications. En premier lieu, il faut être bien clair sur le fait que ce n’est qu’à cause de la présence de Διoνυσo-compris comme dieu du théâtre qu’on peut parler en ce passage d’acteurs : car autrement, on serait dans le cadre d’une simple opposition entre κολακεία et τέχνη, telle qu’on trouve par exemple dans le Gorgias platonicien (463-467 ; on pourrait alors penser aux rhéteurs), ou dans la comédie. On ne peut certes pas se fonder sur ce passage pour affirmer que la périphrase οἱ περὶ τòν Διóνυσoν τεχvῖται existait déjà ; mais, si l’on ne veut perdre les acteurs, on est obligé d’admettre que l’autre façon attestée toujours chez Aristote (Problèmes, XXXIII, 209) pour désigner les gens de théâtre, οἱ διονυσιακοὶ τεχvῖται, devait être en usage depuis quelque temps et constituer un sous-texte de ce passage, pouvant en forcer l’interprétation dans la direction des acteurs31.
12En deuxième lieu, il faut reconnaître qu’un problème ultérieur est constitué par le fait que dans la Rhétorique, technitai n’est pas une définition, mais une métaphore positive que les personnages autrement désignés négativement par Διoνυσoκόλακες auraient utilisée pour se nommer. Or, technite n’est pas vraiment une métaphore positive pour les acteurs, c’est plutôt leur définition usuelle. Ce qui pourrait nous pousser à suivre Victorius (1579, 560-61) et à voir dans ce passage une référence aux adulateurs du tyran de Syracuse ; car pour les philoi artistes du tyran, technitai serait en effet une métaphore positive.
13Il est possible qu’on puisse en quelque sorte combiner les deux interprétations, ou du moins leur trouver un contexte historique commun ; mais pour cela, il nous faut procéder à l’examen des autres cas de Dionyso- et Dionysiokolakes.
II. 1 : Διoνυσoκόλακες ou Διoνυσιoκόλακες ?
14Διoνυσoκόλακες n’apparaît, dans l’ensemble de la littérature grecque, qu’un nombre très limité de fois : six, en incluant le passage de la Rhétorique et en excluant doublets et commentaires tardifs, sept si l’on y ajoute Διoνυσιoκόλακες, qui rentre dans le même ensemble32. Et, de façon remarquable, ces attestations concernent toutes un moment historique précis – les années proches du milieu du IVe siècle.
15Une lettre d’Alciphron où il est fait mention de la claque des Διoνυσoκόλακες 33 pourrait être une exception à ce que je viens d’avancer sur l’horizon chronologique d’utilisation du terme en question. Mais à mon avis il ne faut pas la considérer comme une attestation indépendante, car il est ici nécessaire de tenir compte du caractère assez particulier des Lettres d’Alciphron : cet auteur cherche en effet dans les livres III et IV (Lettres de parasites et Lettres de courtisanes) à recréer le monde et la société de l’Athènes du IVe siècle34. Dans le cas de la lettre III, 12, il me semble possible de montrer qu’elle tient compte du livre III de la Rhétorique. Il est généralement admis, pour des raisons diverses, que le Likymnios acteur tragique mentionné dans cette lettre comme propriétaire d’une voix particulièrement désagréable est un personnage fictif, tout comme les deux autres acteurs mentionnés dans la let35. Mais un Likymnios, dont nous savons par ailleurs qu’il a été élève de Gorgias, ainsi qu’auteur d’un traité sur le style et de dithyrambes, est mentionné par Aristote en Rhétorique, III, 1405b6, donc dans le même contexte dans lequel apparaîssait le terme Διoνυσoκόλακες (1405a23). De plus, Likymnios est cité par Aristote comme tenant de la thèse selon laquelle la beauté d’un nom réside dans les sons (ἐν τοῖς ψόϕoις) ou dans son signifié ; or c’est justement la voix qui caractérise le Likymnios d’Alciphron. Il me semble donc possible d’admettre que la présence de la « claque des Διoνυσoκόλακες » chez Alciphron est due au désir de l’auteur de jouer un jeu allusif non seulement par rapport aux Λικυμνίαις βολαῖς d’Aristophane (Oiseaux, 1242, renvoyant à son tour au Likymnios d’Euripide, comme on l’admet généralement), mais aussi par rapport au texte de la Rhétorique.
16Alciphron donc écarté, nous avons un fragment de Théopompe, transmis par Athénée tout de suite après l’ithyphalle chanté par les Athéniens en l’honneur de Démétrios Poliorcète36. Dans ce passage, Athénée attribue à Théopompe d’avoir dit qu’Athènes était pleine de flatteurs de Dionysos, de marins et de voleurs de manteaux37, ainsi que de faux témoins, de sykophantes et de menteurs. Malheureusement Athénée (ou plutôt sa source, puisqu’il est fort probable qu’ici et ailleurs Athénée cite de deuxième main) omet d’indiquer le livre qu’il cite, ce qui fait qu’on ne sait pas très bien quel était le contexte d’origine ; Jacoby, dans son commentaire au fragment, rappelle favorablement la suggestion de Wichers que ce fragment viendrait du Trikaranos, le traité contre Athènes, Sparte et Thèbes qu’Anaximène de Lampsaque aurait fait circuler sous le nom de Théopompe38. Si on admet, avec Flower, que la rivalité entre les deux historiens de cour macédoniens date du moment où ils se trouvèrent ensemble à la cour de Philippe, il faudrait penser à la fin des années 34039. Théopompe/Anaximène pourrait alors en avoir spécifiquement à la politique d’Euboulos, et en particulier, à sa gestion démagogique du theorikon, le fonds pour les spectacles40. Dans ce dernier cas, on pourrait interpréter Διoνυσoκόλακες comme une référence méprisante aux gens de théâtre41 ; mais aussi – surtout ? si l’on pense aux termes mentionnés dans le même contexte, λωποδυτῶν, ψευδομαρτύρων, συκοφαντῶν, ψευδοκλητήρῶν – comme un terme plus généralement proche des concepts de plagiat, fausseté, double jeu.
17Avec le texte suivant nous changeons de milieu : Athénée rapporte, en parlant de Denys l’ancien, que « son fils Dionysios avait aussi de très nombreux adulateurs, appelés par le grand nombre Διoνυσoκόλακες, “adulateurs de Dionysos” »42. Ce texte, dont il n’est pas facile de définir avec précision la source, nous mène en Sicile, à la cour de Denys le jeune, tyran de Syracuse de 367 à 344. Denys étant fortement myope, raconte Athénée, ses flatteurs en arrivèrent au point de faire semblant de l’être eux-mêmes, et tâtonnaient à la recherche des plats, jusqu’à ce que Denys lui-même les aide à se servir. À ce même Denys fait référence un autre passage d’Athénée (X, 435e), rapportant une anecdote semblable en tous points à la précédente, dont la source, ici explicitement nommée, serait Théophraste (F 548 Fortenbaugh) : les flatteurs du tyran – flatteurs qui arrivèrent au point de feindre d’être eux-mêmes aveugles, pour ne pas désobliger Denys dont la vue, à cause de l’excès de boisson, était devenue mauvaise – auraient porté le sobriquet de Διoνυσoκόλακες (ainsi C et le lemme en A ; le code A a Διoνυσoκόλακες)43. Il faut remarquer que dans le passage précédent (Athénée, VI, 249ef), le texte de l’Epitome donne Διoνυσιoκόλακας, « flatteurs de Denys ». Comme on le voit, l’oscillation entre les deux termes est partie intégrale du jeu : l’un comme l’autre devaient fonctionner allusivement par référence au nom du tyran, mais Διoνυσoκόλακες, impliquant de surcroît une référence à Dionysos, au vin, et au monde du théâtre, rendait certainement le jeu plus drôle44.
18Toujours à Denys et à ses rapports avec Platon pensait probablement Épicure (in Diogène Laërce, Vie des Philosophes, X 8 = Epicure, fr. 238 Usener = fr. 101 Arrighetti), lorsqu’il traitait le philosophe lui-même de χρυσοῦν, et ses disciples de Διoνυσoκόλακες (non « gens de théâtre », mais « adulateurs du tyran » : c’est ainsi que tous les commentateurs, de Cobet à Arrighetti, l’ont compris)45.
19Une chose mérite d’être soulignée, à propos de ces références aux adulateurs du tyran Denys : si généralement on considère que les deux passages d’Athénée où il en est question remontent probablement à Théophraste, puisque le thème est le même, et puisque cet auteur est explicitement indiqué comme source dans l’un des passages, alors que pour l’autre nous n’avons pas d’indication explicite, il ne faut pas oublier que Théopompe aussi s’était intéressé à Denys. Nous savons qu’il avait consacré trois livres de son œuvre aux affaires de Sicile ; mais surtout, en X, 435d, donc à peine quelques lignes avant de citer Théophraste, Athénée nous informe du fait que Théopompe avait inclus Denys le jeune dans une liste d’ivrognes, dont la vue aurait été ruinée par leur penchant pour le vin. S’y ajoute un renvoi à la Constitution des Syracusains d’Aristote, qui nous apprend que Denys avait passé dans un état d’ivresse ininterrompu quatre-vingt-dix jours – ce qui bien sûr avait abîmé sa vue ; ensuite on cite Théophraste, et à nouveau Théopompe, au sujet cette fois du frère de Denys le jeune Nysaios, également porté à la boisson46. Donc, c’est toujours la même histoire qui circule47 ; mais surtout, lorsque Théopompe ou Aristote parlaient des Διoνυσoκόλακες athéniens, ils étaient aussi certainement au courant des Διoνυσιoκόλακες syracusains.
20Il y a lieu par ailleurs de poursuivre sur un autre niveau le rapprochement entre Aristote et Théopompe opéré ici : car l’ensemble du passage de la Rhétorique, III dans lequel apparaît la mention des Διoνυσoκόλακες est très proche du passage de Théopompe (FGrHist 115 F 281), tel du moins qu’il est rapporté par Athénée. En effet, nous l’avons vu, chez Théopompe les « flatteurs de Dionysos » sont mentionnés d’un trait avec les marins, voleurs de manteaux, sycophantes et menteurs. Dans la Rhétorique, au passage concernant les technites fait immédiatement suite un passage relatif aux voleurs, qui désormais préfèrent la définition de « fournisseurs » ; ceci permet une rapide discussion de l’usage métaphorique de termes juridiques. Quant à la citation du Télèphe d’Euripide qui suit, on pourrait y voir une allusion à l’orgueil mal placé des marins48.
21La dernière mention de Διoνυσoκόλακες nous ramène d’Occident en Orient : Charès, l’un des historiens (contemporains) d’Alexandre, raconte qu’à l’occasion des festivités pour son mariage Alexandre aurait reçu des cadeaux tellement extraordinaires que ces gens qui auparavant étaient appelés Διoνυσoκόλακες auraient pris le nom d’Ἀλεξανδροκόλακες49. Une fois de plus, l’épithète ne porte pas tellement sur le théâtre et sur le statut des baladins que sur leur rapport avec la puissance, en ce cas, macédonienne.
22Comment interpréter cette situation ? On considère généralement qu’à partir de Διoνυσoκόλακες, qui aurait indiqué de façon générale les acteurs, on aurait ensuite formé à l’usage des amis du tyran de Syracuse Denys le sobriquet Διoνυσιoκόλακες. Je crois aussi que Διoνυσoκόλακες est probablement l’expression de départ, et que Dionysos fait partie du jeu dès le début (les quelques attestations de Διoνυσιoκόλακες étant des variantes secondaires), que donc du point de vue de l’établissement du texte d’Athénée (en VI, 249f) Casaubon, qui voulait restituer Διoνυσιoκόλακες, avait tort ; il faut toutefois retenir comme lieu d’origine du sobriquet le contexte sicilien, et ce pour plusieurs raisons.
23En premier lieu, la chronologie va dans cette direction : les attestations de Διoνυσoκόλακες en contexte extra-sicilien sont toutes postérieures à la période d’activité des deux Denys : ceci est sûr pour le passage de la Rhétorique, dont nous savons qu’elle a été composée lors du dernier séjour d’Aristote à Athènes (donc, entre 335 et 323) et pour le passage de l’historien d’Alexandre Charès ; extrêmement probable pour le passage de Théopompe relatif à Athènes.
24En deuxième lieu, le contexte sicilien, si on veut bien lui accorder un peu d’attention, permet de comprendre quel pouvait être le sens du sobriquet même à Athènes, alors que si on fait l’économie du détour par les tyrans syracusains, on a ensuite des difficultés pour expliquer ce que peut signifier « flatter Dionysos ». Il nous faut ici laisser un moment de côté Athénée et son intérêt pour la boisson, et regarder plutôt du côté de l’activité culturelle et politique des tyrans syracusains – activité qui, pendant toute la première moitié du IVe siècle, se dirige de façon marquée vers la Grèce propre, et plus précisément vers Sparte et Athènes50.
25Nous savons que Denys l’ancien avait des ambitions de poète, et plus spécifiquement de poète tragique (six titres de tragédies sont conservés) ; peut-être aussi, si l’on accepte le témoignage de la Souda, de poète comique. Il participa à plusieurs reprises aux concours athéniens, remportant même, avec sa tragédie Le rachat d’Hector, une victoire aux Lénéennes, victoire qui selon la tradition anecdotique lui aurait coûté la vie : en effet, dans l’excès de sa joie, il aurait bu plus qu’il n’aurait dû, ce qui, indépendamment de la foi qu’on accorde à l’anecdote, permet de dater la participation victorieuse aux Lénéennes aux années autour de 37051. Mais le rapport de Denys avec la scène théâtrale ne se limite pas à la composition de pièces et au désir de les faire jouer : l’idée d’un « tyran artiste » prêtait le flanc à la parodie.
26Ainsi selon Phainias d’Erésos le Cyclope de Philoxène mettait en parodie les gauches tentatives poétiques de Denys (qui aurait été reconnaissable dans le personnage de Polyphème)52 ; dans la comédie on trouve aussi de nombreuses attaques53. Un personnage des Egaux d’Ephippos par exemple affirme être prêt, en cas d’erreur de sa part, à apprendre par coeur les drames de Denys ; Euboulos quant à lui porta sur scène une comédie au titre de Dionysios, dont le sujet était vraisemblablement donné par les efforts littéraires de Denys54. Nous n’en avons que 5 fragments (24 à 28 K.-A.) ; le fr. 25 K.-A. traite de la relation qui s’installe entre le tyran et les adulateurs. Mais particulièrement intéressant pour nous est le fr. 24 K.-A., conservé par une scholie aux Femmes aux Thesmophories d’Aristophane : en effet, le scholiaste nous informe qu’Euboulos ouvrait son Dionysios avec une reprise des Edoniens d’Eschyle, de même qu’Aristophane l’avait fait, mais sur plus de vers, vraisemblablement en adaptant à Denys (Dionysios) ce qui chez Eschyle était dit de Dionysos55.
27On voit donc d’une part se dessiner un rapport assez fort entre Denys et le monde du théâtre, qui porte dans au moins deux cas à un brouillage entre Dionysos et Dionysios, aussi bien à un niveau verbal (Euboulos fr. 24 K.-A., et peut-être Polyzelos fr. 12 K.-A.) que visuel (le vêtement dans le même fr. 24 K.-A. d’Euboulos) ; d’autre part, un rapport plus direct entre le tyran et le dieu est impliqué par la tradition, selon laquelle Denys aurait cherché à se faire diviniser en tant que Dionysos. Ainsi, un passage d’un discours attribué à Dion Chrysostome mentionne, dans un cadre qui rend une falsification improbable, une statue en bronze de Denys l’ancien, représenté avec les attributs de Dionysos56. Un lien avec le dieu transparaît également de la décision du tyran de nommer son deuxième fils Nυσαῖος57. Quant à Denys le jeune, il semble avoir recherché un rapport privilégié plutôt avec Apollon, dont il aurait prétendu descendre. Or, le désir de se présenter comme descendant d’Apollon pourrait avoir des raisons plus littéraires que politiques, puisqu’au tyran était attribuée la composition de chants et de péans58. Pour ce qui est de son rapport avec les adulateurs, toutefois, fondamental est un passage de Timée dans lequel l’historien rapporte que le flatteur Democlès, ayant affirmé qu’il était insensé de se préoccuper de divinités sans vie, commença à danser autour du tyran59. On voit que le culte du tyran divinisé est quelque chose qui commence à poindre dans le cercle des κóλακες, et vu le nom porté par les deux tyrans syracusains, vu le fait que l’un d’eux a cherché à se présenter avec les attributs de Dionysos, que leurs adulateurs aient été caractérisés comme Διoνυσoκόλακες n’a rien d’étonnant. Par ailleurs, si Denys a vraiment passé quatre-vingt-dix jours dans un état d’ivresse ininterrompue, comment ne pas le rapprocher du dieu du vin, comment ne pas targuer les parasites qui se nourrissaient à sa table du titre de « flatteurs de Dionysos » !
28On peut ainsi, en mettant ensemble tous ces éléments, esquisser un contexte dans lequel il est facile d’imaginer qu’un comique par exemple ait pu présenter les compagnons (les adulateurs) du tyran de Syracuse comme des Διoνυσoκόλακες 60.
II. 2 : μoνσoκόλακες : une catégorie comparable ?
29Une difficulté à cette interprétation pourrait venir du fait de l’existence d’un type particulier de composé en – κολαξ : μoυσoκόλαξ (voire πτωχόμουσοκόλαξ). Car dans ce cas, il ne peut s’agir que d’adulateurs des Muses ; nous aurions donc une formation indépendante, ce qui pourrait affaiblir le rapport que nous proposons de voir entre l’invention du terme Διoνυσoκόλακες et la cour de Syracuse. Il n’y a que deux occurrences de ce composé. La première, πτωχομουσοκόλας, est certainement antérieure aux premières attestations de Διoνυσoκόλακες, puisqu’elle est attribuée à Gorgias par Aristote, toujours dans le livre III de la Rhétorique (1405b), cette fois à propos de l’abus de διπλᾶ ὀνóματα, mots composés ; elle aurait donc pu fournir le modèle sur lequel Διoνυσoκόλακες aurait été construit. Mais en fait dans les manuscrits de la Rhétorique on trouve : καὶ ὡς Γοργίας ὠνόμαζε, πτωχόμουσος κόλαξ, ἐπιορκήσαντας καὶ κατευορκήσαντας. Vahlen, trouvant la dernière partie de la citation problématique, proposa de corriger en : καὶ ὡς Γοργίας ὠνόμαζε πτωχομουσο-κόλακας ἐπιορκήσαντας καί εὐορκήσαντας, « die ebensogut falsch als wahr schwörenden Bettelmusenschmeichler », « mendiants flatteurs des Muses qui jurent le faux comme le vrai », unifiant par là ce qui était autrement perçu comme deux phrases61. Les éditeurs de la Rhétorique, tout comme ceux de Gorgias, ont accepté la correction de Vahlen – du moins en partie : l’éditeur le plus récent de la Rhétorique, Kassel, imprime πτωχομουσοκόλακας ἐπιορκήσαντας καὶ κατευορκήσαντας, suivi en cela par Buchheim dans son édition des fragments de Gorgias. Fait partiellement exception l’édition de Dufour-Wartelle, qui accepte le grand composé, mais conserve le partage en deux phrase (« … et les dénominations de Gorgias, un flatteur “artiste en mendicité”, ceux qui étaient “infidèles”, et ceux qui étaient “obstinément fidèles à leur serment” »). Dès lors qu’on conserve le partage, toutefois, on voit que le texte se tient sans besoin de corrections de cette sorte : on a (ainsi que l’avait vu Victorius 1579, 571) dans la première phrase un composé formé par deux mots (πτωχόμουσος), et dans la deuxième deux composés formés l’un par préposition et forme verbale, l’autre par préposition, adverbe et forme verbale, ce qui correspond à la définition générale des composés – iuncta – donnée par Cicéron dans le De Oratore. Il est difficile de trancher ; mais on peut hésiter devant cette correction.
30La deuxième attestation de μoυσoκόλαξ – attestation sur laquelle Vahlen s’appuyait pour conjecturer πτωχομουσοκόλαξ dans la Rhétorique – est beaucoup plus tardive : il s’agit d’un passage de Denys d’Halicarnasse, passage qui concerne encore une fois un tyran, Aristodème de Cume. Pour éviter tout risque de rébellion, Aristodème aurait obligé les jeunes à abandonner les pratiques gymniques et à adopter un autre style de vie ; avec de longs cheveux, des fleurs dans la chevelure, habillés de longues robes brodées, les adolescents dûrent fréquenter des écoles tenues par des danseurs, musiciens et autres parasites des Muses du même genre62. Il est clair que ce passage ne permet pas d’affirmer que μoυσoκόλαξ aurait été le terme à partir duquel se serait formé Διονυσοκόλαξ.
31De même, il ne serait pas correct de chercher à interpréter une expression comme Διονυσοκόλακες en s’appuyant sur l’existence, dans la Rome de l’époque impériale, de Parasiti Apollinis63. En effet, l’on s’accorde généralement pour admettre que c’est le processus inverse qui a eu lieu, et que les Parasiti Apollinis ont formé leur nom à partir de celui des artistes dionysiaques64.
32Il faut toutefois chercher à préciser le sens de la deuxième partie du composé, κόλαξ. En effet, comme l’a montré Nesselrath, si au Ve siècle le terme pouvait indiquer tout autant l’adulateur « privé », à la recherche d’un bon repas et d’un peu de protection, que l’adulateur ayant une visée politique (il suffit de penser aux Cavaliers d’Aristophane), au IVe siècle le champ couvert auparavant par κόλαξ se précise, et l’on voit apparaître à côté du κόλαξ, personnage avide de pouvoir, et qui par l’adulation cherche à obtenir un gain économique, le παράσιτος (plus particulièrement, le parasite comique), qui se préoccupe fondamentalement de la nourriture, d’obtenir des repas gratuits, mais qui par ailleurs n’est pas une figure totalement négative65. Autre point important, tant les kolakes que les parasites sont des personnages dont la comédie se moque – et qui d’autre part possèdent un art, peuvent se dire technites66.
III. De la Sicile à la Grèce
33Quel peut alors avoir été le sens de Δoνυσoκόλακες, lorsque le terme, comme dans les passages de la Rhétorique et de Théopompe, avait trait à un contexte athénien, ou, comme dans le cas du fragment de Charès, à un contexte « mondial » ?
34Si, comme j’ai cherché à le montrer, aussi bien Théopompe qu’Aristote connaissaient le champ d’application sicilien, alors il faut chercher à Athènes aussi quelque chose de semblable, se situant à mi-chemin entre la scène théâtrale et le pouvoir des cours hellénistiques. Je suggère que, loin d’indiquer des personnages de bas niveau cherchant à « flatter Dionysos », à vivre en parasites de la scène théâtrale, en opposition aux « artistes » véritables, Δoνυσoκόλακες ait indiqué des artistes célèbres, qu’on accusait de flatter les rois et les puissants, voire d’en être les espions. Face à l’insulte Δoνυσoκόλακες adressée à ces gens, aux Néoptolème, Aristodème et autres, qui traitaient de pair avec les souverains hellénistiques, ceux-ci auraient choisi de se qualifier plutôt de τεχvῖται, la définition positive67. Par ailleurs, déjà à l’époque de Philippe et d’Alexandre, mais encore plus par la suite, la construction d’une « cour » et l’organisation de fêtes extraordinaires furent parmi les priorités des souverains – d’où le rôle de plus en plus important joué par les acteurs et les gens de spectacle en général, et les opportunités qui leur étaient offertes de se rapprocher des puissants68.
35En ce qui concerne la dénomination d’ensemble des artistes scéniques, jusqu’à Alexandre, à en juger par le texte de Charès, l’alternative semble être encore et toujours celle de la Rhétorique, entre technites (dionysiaques) et Δoνυσoκόλακες – voire Ἀλεξανδροκόλακες. Qu’en est-il par la suite ? Alexandre avait cherché à se présenter comme Dionysos ; un certain nombre de personnalités parmi ses successeurs le suivirent dans cette direction69. Un passage de Douris montre quelle est la ligne qui va de Pausanias, le roi de Sparte, par le biais de Denys l’ancien, jusqu’à Démétrios Poliorcète, en passant par Alexandre : « Pausanias, le roi de Sparte, ayant abandonné le rude manteau traditionnel s’habilla avec une robe perse. Le tyran de Sicile Denys prit l’habitude de porter une longue tunique de cérémonie et une couronne d’or, et en plus le manteau des acteurs tragiques. Et Alexandre, dès qu’il se fut rendu maître de l’Asie, s’habilla de robes perses. Mais Démétrios les surpassa tous... [suit une description des chaussures, en pourpre avec fils d’or ; des chlamydes, sur lesquelles étaient brodés l’univers, avec ses étoiles dorées et les douze signes du Zodiaque ; et de son diadème, en or et pourpre]. Et lorsque les Demetria furent célébrés à Athènes, on le peignit sur le mur du proscenium qui allait à cheval sur l’Oikoumène »70.
36Le penchant de Douris pour une historiographie haut en couleur est connu, mais il semble bien que son récit ne soit pas dénué de fondement. Démétrios Poliorcète a en effet un rapport très proche avec le monde du théâtre – et non seulement parce qu’il est attaqué à fond par les comiques athéniens71. Proche du fragment de Douris est par exemple une autre anecdote, transmise par Plutarque, racontant que Démétrios, au moment de sa rentrée à Athènes après le siège de 295/294, fit réunir tous les Athéniens au théâtre, fit entourer la scène de soldats, munit de ses gardes l’estrade, et lui-même apparut sur la scène en descendant par l’entrée des acteurs, « à la façon des tragédiens »72.
37Très significative est aussi l’innovation qui eut lieu, probablement en 294, dans l’ensemble des fêtes théâtrales athéniennes : selon Plutarque, les Dionysia prirent le nom de Demetria (Démétrios, 12, 2)73. Déjà lors de sa deuxième visite athénienne, en 304, Démétrios avait commencé à agir comme s’il avait été un dieu – et son modèle avait été Dionysos74. Lors du retour du prince à Athènes en 295/294, après un long siège, l’assemblée décida qu’on devait l’accueillir, à chaque fois qu’il viendrait à Athènes, avec les présents d’hospitalité réservés habituellement à Déméter et Dionysos (Plutarque, Démétrios, 12 : τοῖς Δημήτριος καὶ Διονύσιος ξευισμοῖς). Le changement dans l’intitulé des Dionysies (en fait, il n’y eut pas de substitution, sur ce point la donnée de Plutarque ne peut être acceptée75) n’en était que la suite logique. Nous savons par un décret en l’honneur de Philippidès de Paiania que les Demetrieia ne remplacèrent pas les Dionysia, mais lui furent simplement ajoutées : on peut imaginer, en suivant Habicht, que quelques jours spécifiquement en l’honneur de Démétrios furent ajoutés au programme des Dionysies, ou aussi (c’est l’hypothèse de Mikalson) qu’en partant du fait de l’identification de Démétrios à Dionysos, quelques éléments du festival furent remodelés pour faire de Démétrios un nouveau Dionysos76. Mais l’interprétation avancée par Segre me semble préférable : une analyse des cas de fêtes « couplées » à cheval entre la fin du IVe et début du IIIe siècle montre que le couplage n’implique pas nécessairement la contemporanéité, mais seulement une organisation commune, et bien sûr un lien religieux entre les deux ; le culte du deuxième dieu vient se rattacher au culte préexistant du premier dieu77. Or le fragment déjà cité de Douris montre que les Démétries sont liées à Dionysos, puisqu’elles se déroulent au théâtre ; mais elles sont indépendantes des Dionysies. (Par ailleurs, dès 288, lorsque à nouveau les Athéniens s’éloignèrent de Démétrios, les Demetrieia disparurent). On trouve une situation comparable dans les mêmes années (294-288) en Eubée, où les cités de Oreus, Chalcis, Erétrie et Carystos organisent des Demetrieia à coté des Dionysia : il s’agit de fêtes distinctes, puisqu’elles ont lieu à des moments différents, mais elles doivent avoir un caractère semblable, puisque ce sont les mêmes artistes qui doivent s’occuper des festivités, et que, aussi bien en Eubée qu’à Athènes, un seul agonothète (voire un seul groupe de délégués) s’occupe de l’organisation des deux fêtes78.
38Enfin, quelques lignes de l’ithyphalle avec lequel les Athéniens accueillirent Démétrios en 291 méritent d’être rappelées79. Démétrios y était assimilé à un dieu ; mais l’aspect qui était le plus souligné de cette nouvelle divinité était sa présence. Ainsi aux vv. 7-12 de la partie de texte qui nous a été conservée on lit : ὁ δ’ ἱλαρός, ὥσπερ τòν θεòν δεῖ, και καλòς | καί γελών πάρεστι. | Σεμ-νόν τι ϕαίνεθ’, οἱ ϕίλοι πάντες κύκλῳ, | ἐν μέσοισι δ’ αὐτός, |ὅμοιον ὥσπερ οἱ ϕίλοι μὲν ἀστέρες, | ἥλιος δ’ ἐκεῖνος, « Il est présent, hilare, comme doit l’être un dieu, | et beau et souriant.| Spectacle auguste, les amis tout à l’entour, | et lui au milieu, | tout comme si ses amis étaient des astres,| et lui le soleil ». Il est vrai que Dionysos n’est pas mentionné dans l’hymne ; mais ce genre d’hymne – un ithyphalle – est typique de Dionysos ; par ailleurs, comme l’a fait remarquer Weber, les épithètes de Démétrios (hilare, beau et souriant) sont typiquement dionysiaques80. Le thème du dieu présent est ultérieurement déve-loppé aux vers 15 à 19, où les autres dieux, qui sont lointains et n’écoutent pas les hommes, sont comparés défavorablement à Démétrios, présent, et ni en bois ni en pierre, mais vrai (19 : οὐ ξύλινον οὐδὲ λίθινον, ἀλλ’ άληθινóν).
IV. Conclusion
39Revenons maintenant au problème dont nous étions partis, le choix du nom οἱ περὶ τòν Διόνυσον τεχνῖται, suivi d’une indication locale (ἐν Ἀθήναις, ἐν Ἰσθμῷ καὶ Νεμέᾳ, ἐπ’ Ἰωνίας καὶ Ἑλλησπόντου, ἐν Κύπρῳ)/, de la part des associations d’artistes dionysiaques. L’indication locale est bien sûr un élément indispensable, de même que la présence du terme τεχνίτης. Il est par ailleurs clair qu’il pouvait être utile aux technites de se mettre sous le patronage d’une divinité – Dionysos – pour obtenir des privilèges qui étaient en fait quasiment indispensables à l’exercice de leur profession81. Enfin, l’utilisation métaphorique fréquente de la tournure ὁ περί τι (comme dans οἱ περὶ τὴν ϕιλοσοϕίαν ὄντες, ου οἱ περὶ τὴν μουσικὴν ὄντες, chez Isocrate, donc juste au bon moment, ou aussi, mais beaucoup plus tard, chez Clément d’Alexandrie, Protreptique, 2, 26, 4, οἱ ἀμϕὶ τὴν σκηνὴν ποιηταί), donc la possibilité linguistique, pour définir un expert de quelque chose, de dire qu’il est justement περὶ τι 82, d’une part, et d’autre part aussi l’image des bandes de ménades et satyres entourant le dieu, ainsi que celle des danseurs de chœurs cycliques, a dû faciliter l’acceptation du nom choisi par les technites. Mais si ce que j’ai suggéré à propos de la non-banalité de la tournure οἱ περὶ τòν Διόνυσον τεχνῖται d’une part, et des connotations du terme Διoνυσoκόλακες de l’autre, est juste, alors nous pouvons peut-être avancer une hypothèse permettant de comprendre le choix des technites – permettant aussi de mieux comprendre pourquoi certaines associations soulignent de façon marquée leur rapport avec Dionysos, alors que d’autres le font moins.
40Si on voit dans le souverain hellénistique le « dieu présent » – et un dieu présent qui incline à se présenter – voire à être représenté – comme un Dionysos83 ; si l’on se souvient du fait que ce souverain a une tendance à s’habiller avec des vêtements qui rappellent ceux de l’acteur tragique (qui à son tour joue des rôles de roi, de tyran), qu’il a par ailleurs tendance à agir comme un acteur ; si on pense que ce même souverain est désormais entouré par une cour – d’adulateurs, entre autres, d’artistes, d’écrivains, et que les souverains eux-mêmes à cette époque jouent les chorèges84 ; alors, on peut penser que les artistes entourent en fait le souverain, nouveau Dionysos85. Cela aurait déjà pu être le cas pour Alexandre, dont on sait qu’il s’entoura d’artistes et qu’il organisa bon nombre de fêtes grandioses86. D’ailleurs, déjà pour lui on trouve une mention de Διoνυσoκόλακες / Ἀλεξανδροκόλακες – sans que cela implique évidemment l’existence formelle d’une association. Par la suite, et dans le cas d’Athènes, ce rôle a pu être tenu par le Poliorcète : et comme l’avait suggéré Segre en 1932, si l’on tient compte du fait que le texte de l’Eubée présente une forme d’organisation des festivités qui peut faire penser à l’existence d’une quelconque forme associative parmi les technites, si l’on considère par ailleurs que l’institution des Dionysia kai Demetrieia athéniennes et eubéennes est contemporaine et répond à un même dessein, si l’on ajoute le fait que le koinon des technites athéniens se vantait d’être le plus ancien87, on peut avancer l’hypothèse que la réorganisation des Dionysies couplées avec les Démétries ait porté à la constitution de l’association des technites, avec le nom spécifique de οἱ περὶ τòν Διόνυσον τεχνῖται, sous le patronnage de Démétrios, nouveau Dionysos88.
41La première attestation dans un texte littéraire de la périphrase pour les artistes dionysiaques89 est chez le péripatéticien Chamailéon (conservé par Athénée) ; peu nous importe qu’il l’utilise de façon anachronique pour un épisode se référant à Alcibiade, l’utilisation d’une telle tournure – dont j’ai cherché à montrer à quel point elle sortait du commun – montre que, au moment où il écrivait – moment qu’on ne peut malheureusement pas fixer avec précision : une date autour de 300 av. J.-C. est possible, on peut en tout cas difficilement descendre au dessous de 280 – cette façon de définir les groupes d’artistes était entrée dans l’usage courant90.
42Après lui, Callixeinos de Rhodes (actif dans la deuxième moitié du IIe s.) se sert de la tournure οἱ περὶ τòν Διόνυσον τεχνῖται dans sa description de la grande pompe organisée par Ptolémée II à Alexandrie91. Là aussi, on ne peut être sûr que sa description, surtout en ce qui concerne la terminologie utilisée, remonte de près au moment de la pomphv (dont la date exacte est elle aussi discutée : la fourchette va de 279-78 à 262 av. J.-C.92). Il est du moins clair que dans ce contexte, parler de οἱ περὶ τòν Διόνυσον τεχνῖται ne pose aucun problème, et ce pour plusieurs raisons : en premier lieu, Dionysos était là, représenté par une statue, prenant part à la pompe ; en deuxième lieu, ce choix ne pouvait que rencontrer l’approbation des Ptolémées – puisque la périphrase οἱ περὶ τòν Διόνυσον τεχνῖται est présente, dès le début et systématiquement, dans tous les textes émanant de – ou faisant référence à – l’association d’Égypte et de Chypre, et que au patronage du dieu s’ajoute toujours celui des Ptolémées93.
43La périphrase est pratiquement toujours présente aussi dans le cas de l’association d’Ionie et de l’Hellespont. Il se peut que cela dépende du fait que celle-ci est relativement plus récente par rapport aux autres associations ; mais sans doute le fait que Dionysos soit tenu en grand honneur à Téos94, le siège de l’association, joue un rôle. En revanche, la périphrase est assez souvent absente des plus anciens documents émanant des associations de l’Isthme et de Némée et de celle d’Athènes95. Les artistes athéniens en particulier semblent, au moins initialement, et lorsqu’ils étaient entre eux, avoir préféré le plus simple οἱ τεχνῖται οἱ ἐν Ἀθήναις…, ce qui nous ramène à Aristote et au passage de la Rhétorique : Athènes avait vu défiler un certain nombre de personnages qui avaient cherché à se faire assimiler à des dieux, mais qui en fait n’étaient pas restés ; une certaine prudence de la part des artistes se comprend bien, dans cette situation96. Nous serions devant une situation comparable à celle qui est attestée pour les mentions des « amis » des souverains dans les inscriptions honorifiques des cités : comme l’a montré Herman, les titres officiels sont évités, du moins dans un premier moment ; ce n’est qu’à partir de 280 qu’on trouve des décrets honorifiques dans lesquels les cités précisent le titre officiel de l’honorand97. De même pour les technites athéniens, la périphrase serait entrée dans l’usage à Athènes seulement dans un deuxième temps – et si bien, que les Athéniens auraient fait « revivre la métaphore » en 88 av. J.-C., lorsque les technites accueillirent Athénion comme l’envoyé du neos Dionysos – Mithridate98.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Ainsi en dernier Lightfoot 2002, 210-211 ; ainsi aussi – de façon frappante, dans un article qui cherche à nier l’existence d’un rapport fort entre Dionysos et le théâtre – Scullion 2002, 112. Cf. Le Guen 2001, I, 29 : « associée ou non aux termes de koinon ou de synodos, cette dénomination ne pose aucun problème de compréhension. L’article utilisé en grec avec la préposition περὶ et son complément sert en effet à désigner l’entourage, les disciples de quelqu’un, et renvoie donc ipso facto à l’idée d’un groupe, auquel en l’occurrence Dionysos donne sens et unité, en d’autres termes aux membres des corporations d’artistes dionysiaques ».
2 Radt 1980 ; cette distinction est ignorée par le LSJ s. v. περὶ C (+ acc.) I 3. Il faut aussi prendre en considération ἀµϕί + acc., qui peut être – et est effectivement, quoique moins souvent – utilisé de la même manière, cf. LSJ s. v. (infra, n. 21).
3 Radt 1980, cf. Montanari 2000, s. v., C. : « perifrasi inclusiva οἱ περὶ τιvα qualcuno e i suoi (di un gruppo omogeneo, specialmente allievi, discepoli ecc.) ». Wörrle 1964, 74-75 avait déjà rapidement touché à la question ; il signalait un cas du type qui va nous intéresser, Xénophon, Anabase, I, 8, 1, ἀνὴρ Πέρσης τῶν ἀµϕί Κῦρον χρηστός, où le groupe est homogène, alors que la périphrase, comme le montre le contexte, est exclusive.
4 Gorman 2001, 201-205. Radt 2002 n’apporte rien sur le point en examen ; je ne m’occupe pas des cas où οἱ περὶ τιvα est utilisé comme périphrase pour indiquer seulement une personne, le personnage principal du groupe (question traitée déjà par Lehrs 1837, 28-30).
5 Radt 1980, 48 ne cite que deux cas d’utilisation de la tournure avec groupe non homogène : Strabon, X, 3, 16, 470C : τούς περὶ τòν Διόνυσον, citation des Edoniens d’Eschyle – et, comme le fait remarquer Gorman 2001, 201-202, la tournure pourrait ici aussi avoir valeur inclusive, puisque Dionysos était un des personnages des Edoniens ; et Plutarque, Préceptes conjugaux, 17, 143 C, τοῖς περὶ τòν Κῦρον Ἕλλησι, exclusif, puisque Cyrus n’est pas un Grec. Mais ici aussi, comme le souligne à juste titre Gorman 2001, 205 n. 19, c’est le contexte qui permet de décider, puisque en ligne théorique il est tout aussi possible qu’une phrase comme οἱ περὶ τòν Κῦρον Ἕλληες signifie « Cyrus et ses mercenaires grecs » (on pourrait voir une homogénéité dans la commune appartenance au genre humain).
6 Recherche de tous les cas d’article féminin et masculin au pluriel, suivis à une ligne de distance au maximum par περὶ τòν ou περὶ τὴν ou ἀµϕί, conduite avec le logiciel Pandora sur le TLG E ; recherche de tous les cas d’article féminin et masculin au pluriel, suivis à une ligne de distance au maximum par περὶ ou ἀµϕί, conduite avec le logiciel Pandora sur le PHI # 7. J’indiquerai par TE (voire TL) suivi d’un numéro les témoignages épigraphiques et littéraires réunis dans Le Guen 2001, I.
7 Pugliese Carratelli 1939-40, 165 no 19 = TE78 ; Le Guen 2001, I 327, souligne le caractère privé et assez particulier de ces associations rhodiennes.
8 À Rhodes, Blinkenberg, Lindos II, no 264, 6-7 (entre 125 et 100 av. J.-C.) : [τῶν περὶ], τòν Διόνυσον τεχνιτᾶν [- -] / καὶ τῶν περὶ τòν Καθηγεμ[όνα Διόνυσον τεχνιτᾶν τῶν ἐν] τῶι ἱερῶι τοῦ Διονύσου ; pour les autres cas, voir le dossier réuni par Le Guen 1997 ; la formule complète est : οἱ περὶ τòν Διóνυσoν τεχvῖται οἱ επ’ Ἰωνίας καὶ Ἑλλησπόντου καὶ οἱ περὶ τòν καθηγημόνα Διόνυσον, attestée à : Délos (TE45 = Daux, BCH 59, 1935, 210-30, ca 171 a.C. ; TE48 = Michel 1016A, ca 180-158 a.C.) ; Iasos (TE53 = IK Iasos no 152) moitié II s. ; Thèbes (TE51 = SEG XXXII 429, dans la lettre de Mummius, 146 a.C. ; Cos (TE56 = RDGE no 49, Segre ED 7), lettre de Sylla suivie d’autres documents, ca. 84 et 81. Dans un seul cas, le décret d’Elaia de 129 a.C. (Le Guen 1997 = TE54 = Syll.3 694) les technites ρερὶ τòν Διóνυσoν Καθηγεμόνα sont mentionnés seuls, sans leurs collègues d’Ionie et de l’Hellespont.
9 TE76 et 77, avec bibliographie antérieure, et Fountoulakis 2000.
10 Le texte est très mal conservé ; la restitution des ll. 8-10 (un Syracusain πρόξενος καὶ εὐεργέτας τῷ κοινῷ τῶν περ[ὶ τòν Ἀπόλλωνα, τὰς] | [Μούσ]ας καὶ [Διόνυσον τεχνιτῶν]... s’appuie sur le début, l. 1-2 : |Επὶ ἱερέως το[ῦ Ἀπόλλωνος], | τῶν Μουσῶν [καὶ Διονύσου], à quoi suit le nom du prêtre. Mais on peut hésiter devant l’absence d’article devant Dionysos (alors qu’Apollon et les Muses en ont un) ; la construction πρόξενος καὶ εὐεργἐτας suivie par le datif est aussi assez étrange, quoiqu’elle ait pu se justifier par rapport à ce qui suivait dans l’inscription. Selon Manganaro 1977 (cf. aussi Le Guen 2001, I, 322-323) l’institution d’une association d’artistes remonterait à Hiéron II.
11 Le kordax est une danse à caractère comique, orgiastique, qu’on ne s’attendrait pas vraiment à voir en rapport avec Apollon, quoiqu’on puisse renvoyer à une Artemis dite Kordaka : selon Pausanias, VI, 22, 1, les hommes qui avaient suivi Pélops célébrèrent leur victoire dans le sanctuaire d’Artemis Kordaka, près d’Olympie, en y dansant le kordax, danse traditionnelle auprès des habitants du Sipyle. La mention du kordax dans l’inscription d’Amorgos, ainsi que l’époque relativement tardive de ce texte (époque impériale, même si l’éditeur, Delamarre, ne donne pas de date précise) suggèrent la possibilité qu’il s’agisse ici d’un équivalent grec des Parasiti Apollinis ; sur ceux-ci, cf. Jory 1970, 237-242, et Csapo-Slater 1995, 375, ainsi que 379 (où ils citent Plutarque, Propos de table, 711e : « la pantomime du type de Bathyllos est une danse non accompagnée proche du kordax »).
12 Cf. Frisch, PAgon no 6, datant de 194 a. D., mais contenant entre autres une lettre de Claude de 47 a. D. à la συνόδῳ ξυστικῇ περιπολιστικῇ τῶν περὶ τòν Ἡρακλέα (l. 19) ; Héraclès réapparaît dans la lettre de Vespasien contenue dans le même document, l. 33 ; il est accompagné par le Agônios (Hermès), dans la circulaire de la synodos, l. 34. Cf. encore deux décrets de la synodos des athlètes trouvés à Aphrodisias, Rouéché no 89, 4 (119-138 a. D.) et 90, copie du même document, ainsi que Rouéché no 91 (161-169 a.D. : ἔδοξ|ε τῇ ἱερᾷ ξυστικ[ῇ περιπολιστικῇ συνόδῳ τῶν περὶ τòν] [Ἡρα]κλέα καὶ τòν ἀγώ[νιον
καὶ αύτοκράτορας Μ(ᾶρκον) Αὐρ(ήλιον)…]) ; et cinq documents provenant de Rome (IGUR no 235, b5 et no 236, b7, datés d’entre 139 et 143 apr. J.-C. ; no 237, 2, daté à la moitié du deuxième siècle ; no 243, 2, daté de 170-180 ; et no 244, 3, daté par Moretti à la première moitié du troisième siècle).
13 Voir SEG XXX 86, ainsi que Geagan 1972 ; l’ensemble du dossier est à dater entre 138 et 161. En B 3-4 on trouve τοῖς περὶ τòν Χορεῖον Διόνυσον μουσικοῖς τεχνείταις.
14 TAM V, 2 (Lydie : Thyatira),no 949, datée de 233-235 de notre ère ;no 994 ; 1007 ; 1008 ; 1009 et 1015.
15 Comme le font remarquer J. et L. Robert, BE 1955, 163a, 6, « les hymnodes presbyteroi du grand dieu Dionysos sont sans doute une section, la section musicale, de la speira des Dionysiastes presbyteroi ».
16 On peut citer ici IGBulg III, 2, 1671 (BE 1948, 477 n. 143, οἱ περὶ τòν Διóνυσoν θ[εòν] ὀργεῶνες ; IG X2 1, 821, 5, une inscription funéraire du II ou III siècle de notre ère, où l’on trouve οἱ περὶ τòν Ἥρωα ; IG II2 4817 (MDAIA 67, 1942, 164no 324b1) : οἱ περὶ τòν ἐπώνυμον... peut être rangée dans la catégorie où des personnes se regroupent autour d’un prêtre ; ne doit pas être prise dans notre dossier IK Rh. Peraia 303, 12, où il est question d’un sacrifice τῷ Ἀσκλαπιῷ καὶ τοῖς ἄλλοις θεοῖς περὶ τòν Ἀσκλαπιόν, puisque dans ce cas il s’agit d’un ensemble homogène ; de même, ne doit pas être retenue l’inscription SEG XXII 280.
17 Ainsi e.g. Poland 1934, 2478 ; Pöhlmann 1997, 3-4. J’ai pour ce passage repris la traduction de E. Delebecque pour la CUF.
18 Par ailleurs, le grec n’est pas vraiment linéaire : si du point de vue de la construction on est obligé de considérer περὶ τοὺς θεoύς comme dépendant directement de τoῖς τεχνίταις, du point de vue du sens il est clair que χρῆσθαι dirige τεχνίταις, alors que περὶ τοὺς θεoύς balance περὶ τἆλλα ; ainsi dans la traduction de Delebecque, ainsi aussi Ferrari 1995 : « I Persiani pensano che in ambito religioso più che in ogni altro settore bisogna ricorrere agli esperti ».
19 Plutarque, Vertu des Femmes, 249E : αἱ περὶ τòν Διóνυσoν γυναῖκες, ἃς Θυιάδας ὀνομάζουσιν, et 251E : αἱ περὶ τòν Διόνυσον ἱεραὶ γυναῖκες, ἃς <τὰς> ἑκκαίδεκα καλοῦσιν.. Plutarque, Propos de table, 657B : οὕτως οἱ περὶ τòν Διόνυσον ἁρμονικοὶ τρεῖς κατεῖδον οἴνου συμϕωνίας πρòς ὕδωρ (par ailleurs, ici Plutarque me semble délibérement faire écho à la titulature des technites).
20 Plutarque, Comparaison de Cimon et de Lucullus, 1, 2 : τοὺς περὶ τòν Ὀρϕέα ; Plutarque, Si la politique est l’affaire des vieillards, 795D : ὥσπερ ἐν Ῥώμῃ ταῖς Ἑστιάσι παρθένοις ..., καὶ τῶν ἐν Ἐϕέσῳ περὶ τὴν Ἀρτεμιν ὁμοίως ἑκάστην Μελλιέρην τò πρῶτον ει ῏θ’ ἱέρην, τò δὲ τρίτον Παριέρην καλοῦσιν, οὕτως...; Aelius Aristide, Discours sacrés, II, 47 K. ; Libanios, Lettres, 1400, 8 ; 245, 8 ; 259, 1 ; 1505, 3 : οὐ γὰρ ἦν ἄδηλον ὅτι τòν ἄνδρα ϕιλεῖς ἐκ τῶν περὶ τòν Ἑρμῆν ὄντα χορῶν.
21 En fait, l’expression οἱ περὶ + nom d’une divinité est tellement rare que le LSJ n’en donne aucun exemple. Les catégories de περι + acc. pouvant nous intéresser sont, suivant la subdivision du LSJ, les suivantes : C2. de personnes entourant quelqu’un… plus tard, οἱ περὶ τινά periphr. pour la personne en question ; cf. ἀµϕί C 1.3 ; C3. de l’objet dont on s’occupe, dans les phrases periphr. : οἱ περὶ τὴν ποίησιν καὶ τοὺς λόγους ὄντες, poètes et orateurs, Isocrate, XII 95, etc., cf. ἀµϕί C 1.6.
22 Poland 1909, 129 (pour l’unité, Einheitlichkeit) ; et 69 : « Unter den übrigen umständlicheren Erwähnungen des Gottes beim Namen des Vereines ist eine Nennung besonders wichtig, da sie in charakteristischer Weise auf einen bestimmten Kreis beschränkt erscheint. Es ist die Einführung der Gottheit durch die Phrase οἱ περὶ, die im allgemeinen nur der Heraushebung einer Persönlichkeit aus der Schar der Genossen dient. Da sich diese Ausdruckweise von den Urkunden der dionysischen Künstler abgesehen nur in den Inschriften der späteren Zeit findet und auch hier nur bei solchen Genossen, die in irgend einer Beziehung zur agonistischen Tätigkeit stehen, so ist es klar, daß dieser originelle Ausdruck von den dionysischen Künstler herstammt, die verschiedenen, wenn auch verwandten Berufszweigen angehörig, in dieser eigenartig und künstlerisch gedachten Weise den geistigen Mittelpunkt bezeichneten, um den sie sich scharten, wie ja auch die Abbildungen der hellenistischen Zeit so gern den Gott inmitten seiner Getreuen darstellen, um dessen eifrigen Dienstes willen sie sogar als Διoνυσoκόλακες verspottet werden » (mon italique).
23 L’explication – si on veut l’appeler ainsi – offerte par Diodore (Diod. IV 5, 4-5 = TL3 : « On s’entend d’ordinaire pour dire que celui-ci [Dionysos] fut l’inventeur des concours thyméliques, qu’il enseigna ce qu’étaient des lieux de spectacles, et organisa des concerts de musique. De plus, il libéra de toute liturgie également ceux qui, durant ses campagnes, se trouvaient avoir manifesté quelque connaissance de l’art des Muses. C’est la raison pour laquelle les générations suivantes formèrent des compagnies artistiques de technites dionysiaques, μουσικὰς συνόδους τῶν περὶ τòν Διóνυσoν τεχvιτῶν, et exemptèrent de charges ceux qui exerçaient une telle activité ») ne peut être considéré suffisante, il est évident que ce sont ici reconstructions a posteriori.
24 Des associations locales d’acteurs peuvent avoir existé bien avant la formation des grandes associations. Pour la formation de ces dernières, et pour le débat sur leur ancienneté, cf. Le Guen 2001, II 5-14. Ma discussion ne porte pas tellement sur le problème de l’ancienneté des grandes associations ; ce qui m’intéresse, c’est de comprendre comment on arrive à la titulature « officielle ».
25 Cf. Pickard-Cambridge 1988, 279-281 ; Mikalson 1998, 117-122, qui met bien en relief les implications religieuses et politiques de ce changement ; et pour le rôle politique des acteurs plus célèbres, Easterling 2002, 332-333.
26 Ambassade de Néoptolème et Aristodème : Démosthène, Sur les forfaitures de l’ambassade, 12, 18, 94, 315 ; Eschine, Sur l’ambassade infidèle, 15-19 ; Archias : Plutarque, Démosthène, 28 (avec Easterling 2002, 336-338) ; « technites » pour « professionnels du spectacle » : Démosthène, Sur les forfaitures de l’ambassade, 192-193, qu’il est intéressant de comparer à Eschine, I 170, ἄνθρωπος τεχνίτης λόγων (une insulte). Autrement, tecnivth~ indique seulement un certain niveau d’habileté dans l’exercice d’une profession : cf. Welskopf 1985, II col. 1861-1863. Dans la perception des anciens, les activités d’orateur et d’acteur sont proches : on peut penser au passé d’acteur d’Eschine (Démosthène, Sur les forfaitures de l’ambassade, 246-250) ; par ailleurs, les discours de Démosthène et d’Eschine sont riches en références au monde du théâtre (cf. Easterling 1999, Chaniotis 1997, 226-227).
27 J’ai repris ici la traduction de Dufour et Wartelle (1973) pour la CUF. Casaubon (apud Schweighäuser 1802, III, in lib. V-VI, cap. LVI, 472-73, ad Athénée, VI, 249ef) avait cru pouvoir donner à Dionusokovlake~ une valeur positive : « Dionysii tyranni adulatores προσηγόρευον οἱ πολλοὶ Διoνυσoκόλακες. Dubitari potest, utrum per contemtum an per honorem. Videtur hoc, quam illius, probabilius : nam Dionysiokolakes sic isti appellati, ut ministri Bacchi, Διoνυσoκόλακες, et Musarum, Moυσoκόλακες ; quae fuere cum primis honesta nomina ». Mais voir la confutation de Schweighäuser, ibid. ; celle de Cope, in Sandys 1877, 25-26 ; et Ribbeck 1883, 8-10 pour la connotation négative de kolax à Athènes (cf. aussi infra, 2.2). Reisch 1905, 1007-1008, à la suite de Lüders 1873, 58-60, voit dans Διoνυσoκόλακες un appellatif méprisant (‘geringschätzige Bezeichnung’) des artistes dionysiaques, et en particulier des technites de moindre niveau, musiciens et choreutes. Le Guen 2001, I 27, manque de précision (Ἀλεξανδροκόλακες remplace Διoνυσoκόλακες et non le contraire, n. 94 ; par ailleurs, Diogène Laërce, VI, 63, cité en n. 95, n’a rien à faire dans ce contexte).
28 Les deux témoins les plus importants divergent : suivant l’apparat de Kassel, Aristotelis Ars Rhetorica, Berlin – New York 1976, le Cantabrigiensis 1298 (F) a οἱ (et διονυσοκολακες), alors que le Parisinus 1741 (A) a ὁ (et διονυσοκολακας) ; Roemer (Arist. Ars rhetorica iter. ed., Leipzig 1927) avait suggéré ὁ μὲν <δῆμος>. Comme le soulignait Victorius 1579, 560-61, il est impossible de savoir si c’est la foule, ou plutôt un homme célèbre ou un écrivain, qui a commencé le premier d’appeler les compagnons de Denys (car Victorius réfère ce passage à Denys) Διoνυσoκόλακες (mais il choisissait pour finir ὁ μὲν) ; le sens général ne change de toute façon pas. Je pense qu’il faudrait lire ce texte en tenant compte plus qu’on ne l’a fait de ce que dans la μέση on trouve bon nombre de fragments dans lesquels des kolakes vantent leur techne (un exemple pour tous, les Lemniennes d’Antiphane, fr. 142 K.-A.) : cf. infra, nn. 64-66. Ceci permettrait de tenir compte du fait que chez Aristote les deux définitions sont des métaphores, aucune n’est propre.
29 δημοκόλαξ, διονυσοκόλακες, διονυσιοκόλακες, κνισοκόλαξ, κολακόλαλος, κολακοϕ- ωροκλείδης, κολακώνυμος, κυσοκόλαξ, μαλακοκόλαξ, μουσοκόλαξ, φιλοκόλαξ, ψωμο- κόλαξ, λιμοκόλαξ, πονηροκόλαξ, φαυλοκόλαξ, φιλοκόλαξ, ainsi qu’ἀλεξανδροκό|λακες. Presque tous ces cas nous viennent par ailleurs de la comédie, il s’agit très nettement de composés comiques (sur ceux-ci, et sur la ‘Synonymik’ de κόλαξ, cf. Ribbeck 1883, 93-100).
30 Anon. in Arist. Artem Rhetor. comm. 168 : [a23] τò τεχνίτης τιμιώτερόν ἐστι τοῦ διονυ- σοκόλακος∙ ἐλέγοντο δὲ διονυσοκόλακες οἱ τòν Διόνυσον κολακεύοντες καὶ οἱ περὶ αὐτòν ἀναστρεϕόμενοι. καὶ οἱ μὲν ἐκάλουν αὐτοὺς τοὺς περὶ τòν Διόνυσον διονυσοκόλακας - ή μεταϕορὰ ἀπò τοῦ χείρονος - , οἱ δὲ τεχνίτας ἐαυτοὺς ἐκάλουν ὡς ἐπιστημονάρχας - ἀπò τοῦ βελτίονος ή μεταϕορά-, ἡ μὲν ἤτοι ἡ μεταϕορὰ ἡ διονυσοκόλακας αὐτοὺς 169 1 καλοῦσά ἐστι ῥυπαινόντων ἤτοι διαβαλλόντων, ὑβριζόντων, ἡ δὲ ἤτοι ἡ μεταϕορὰ ἡ καλοῦσα αὐτοὺς τεχνίτας ἐστὶ τοὐναντίον ἤτοι ἐπαινοῦσα. καὶ οἱ λῃσταὶ καλοῦσιν ἑαυ- τούς ποριστὰς μεταϕορικῶς ἀπò τοῦ κρείττονος ὡς προσπορίζοντας ἑαυτοῖς πολλά. Et Stephanus in Arist. Artem Rhetor. comm. 313, 22 : [1405 a23] : Τòν Σικελòν τύραννον Διονύ- σιον οἱ μὲν ἐκολάκευον ἄγαν λέγοντες αὐτòν σοϕòν καὶ τραγίκòν ἄριστον καὶ ἀνδρεῖον, οἱ δὲ κακῶς ἔλεγον αὐτòν ὡς τύραννον οὓς καὶ ἀπέκτεινε καὶ ἐπίπρασκεν. ἐκεῖνοι μὲν οὖν ὡς ἀληθεῖς τάχα καὶ ἐνάρετοι ἔσκωπτον τοὺς διονυσιοκόλακας, οἱ δὲ ἐπαινοῦντες ἐαυτοὺς ἔλεγον ὅτι ἡμεις μᾶλλον παρ’ ὑμᾶς ἐσμεν τεχνῖται τέχνῃ τιθασσεύοντες τòν τοιούτον θήρα, ύμεΐς δὲ μωροί μή είδότες οίκονομεῖν τοὺς καιροὺς.
31 Il est intéressant de remarquer que Aristote, Problèmes, XXXIII, 209, « Pourquoi les artistes dionysiaques (οἱ διονυσιακοὶ τεχvῖται) sont-ils la plupart du temps de mauvais sujets ? », présente aussi les artistes de façon négative. Le Problème est cité en entier et commenté en Le Guen 2001 I, TL1.
32 Aristote, Rhétorique, III, 1405a23-25 ; Alciphron, Lettres, III, 12, 5 ; Théopompe, FGrHist 115 F 281 (=Athénée, VI, 254b) ; Athénée, VI, 249ef, dépendant de Théophraste ou Théopompe ; Théophraste, fr. 548 Fortenbaugh (=Athénée, X, 435e) ; Epicure, fr. 101 Arrighetti (=Diogène Laërce, Vie des philosophes, X, 8) ; et Charès, FGrHist 125 F 4 (= Athénée, XII, 538f) ; même liste chez Reisch 1905.
33 III 12, 5, dans la conclusion de la lettre : mhte oun e~ newta eih mhte mhn nikwh o qeoi~ ecqro~ Likumnio~, on egw th~ acaristou fwnh~ eneken orqiokoruzon kaleisqai pro~ hmwn kai tou corou twn Dionusokolakwn ekrina.
34 Cf. e.g. Longo 1985, 30-33.
35 Ainsi, même si avec quelques doutes, Stephanis 1988, no 1552 (Likymnios), no 1506 (Kritias Kleonaios) et no 1280 (Hippasos Ambrakiotes), tous πλαστὰ πρόσωπα ; cf. O’Connor 1908, 315, Ghiron-Bistagne 1976, 340, Bonaria 1965, 379. Selon ces auteurs, le personnage dériverait du Likymnios d’Euripide (cf. Hesychius, s. v. Λικυμνίοις βολαῖς ; Aristophane, Oiseaux, 1241-42, parodie de la tragédie euripidéenne), puisqu’on peut voir un rapport entre la situation décrite dans la lettre (une vessie pleine de sang a explosé sur la tête de celui qui écrit) et la trame de la pièce d’Euripide.
36 Athénée, VI, 254b = FGrHist 115 F 281 : κήρυξε, πρυτανεῖον δὲ Ἑλλάδος ὁ δυσμενέστατος Θεόπομπος ὁ ϕήσας ἐν ἄλλοις πλήρεις εἶναι τὰς Ἀθήνας Διονυσοκολάκων καὶ ναυτῶν καὶ λωποδυτῶν, ἔτι δὲ ψευδομαρτύρων καὶ συκοϕαντῶν καὶ ψευδοκλητήρων.
37 Techniquement, le λωποδύτη~ est celui qui s’habille avec le manteau autrui, d’où le sens de « voleur d’habits autrui » ; dans une épigramme (Anthologie Palatine, XI 130) le terme est utilisé avec la signification de plagiaire. On est ici très près de l’idée de déguisement et du théâtre, mais la connotation de « rapine » est bien marquée.
38 Wichers 1829, 272 (ad fr. 297). Par ailleurs, comme le précisait Wichers lui-même, Théopompe aurait aussi pu dire qu’Athènes regorgeait de mauvais types dans le livre XLIV, qui contenait une critique des mœurs athéniennes ; dans le XLIX, concernant les amis et adu-lateurs de Philippe, dont bon nombre se trouvait à Athènes ; ou dans le L. On peut aussi pen-ser à l’excursus du livre X sur les démagogues ; ou à celui du livre XXV (c’est dans ce livre que Jacoby classe le fragment, avec un ?). Ce passage a été rapproché, notamment par Connor 1968, 175 n. 56, du fr. 110, avec sa description de Philippopolis/Poneropolis. Il faut en tout cas séparer la première partie (relative à Athènes foyer de l’Héllade) de la deuxième, les deux passages ne venant pas nécessairement d’un même contexte.
39 Pour l’attribution à Anaximène du Trikaranos, Pausanias, VI, 18, 15 ; les autres auteurs anciens qui mentionnent le pamphlet l’attribuent à Théopompe. Datation : cf. Flower 1994, 21-22.
40 Ainsi Ferretto 1984, 102.
41 Cette interprétation ne s’impose toutefois pas nécessairement, en témoignent les perplexités de Murray 1928, 159 : « I cannot feel sure who are meant by Διoνυσoκόλακες. If it were Dionysiokolakes all would be simple. Many persons in Athens, including Plato, were open to the charge of being ‘flatterers of Dionysius’ the tyrant of Syracuse. But the flatterers of Dionysus would seem to be merely the actors in the theatre, normally called ‘ craftsmen of Dionysus’« .
42 Athénée, VI, 249ef: πλείστους δ’ εἶχεν καὶ ὁ υἱòς αὐτοῦ Διονύσιος τοὺς κολακεύοντας, οὓς καὶ προσηγόρευον οἱ πολλοὶ Διονυσοκόλακας. Voir Schweighaeuser 1802, III (in libb. V et VI), 472-473, pour une bonne discussion de ce passage. Rimedio 2001, 603 n. 3 remarque qu’étant donné le contexte, on attendrait plutôt Dionysiokolakes, comme en Athen. X 435c ; voir infra.
43 Le texte est cité infra, n. 46. L’anecdote devait être très connue, puisqu’on la retrouve, toujours appliquée à Denys le jeune, chez Plutarque, Du flatteur et de l’ami, 53F : ὅθεν οὐδέ τῶν ἀβουλήτων καὶ τυχηρῶν ἀμοιρεῖν ἀξιοῦσιν, ἀλλὰ καὶ νοσεῖν ὅμοια προσποιοῦνται, κολακεύοντες τοὺς νοσώδεις, καὶ μήτε βλέπειν ὀξὺ μήτ’ ἀκούειν, ἂν ὑποτύϕλοις ἢ ὑποκώϕοις συνῷσιν, ὥσπερ οἱ Διονυσίου κόλακες ἀμβλυωποῦντος ἐμπίπτοντες ἀλλήλοις καὶ τὰς παροψίδας ἐν τῷ δειπνεῖν καταβάλλοντες. Sur la cour de Denys le jeune à Syracuse, voir Muccioli 1999, 129-131, qui souligne que ces adulateurs (dont l’activité se laisse tracer déjà à la cour de Denys l’Ancien) étaient aussi – surtout ? – en quelque sorte des espions.
44 La théâtralité est d’ailleurs un aspect de la kolakeia, comme l’a bien montré Whitmarsh 2000, 312, qui attire l’attention sur la présence, dans le passage d’Athénée traitant de la kolakeia, de termes comme προσεποιοῦντο, πρόσωπα, et, en VI, 249a, συνυποκρίνεσθαι ; en VI, 257, la clique des flatteurs d’un prince paphien est conduite par un premier acteur, προταγωνιστής.
45 Et dans ce cas aussi la tradition manuscrite oscille entre Διoνυσoκόλακες (BPF) et Διoνυσιoκόλακες (Dp), cf. Markovich ad l. Farrington 1939, 130, a voulu voir dans le chrysoun de ce passage une allusion ironique à Platon, République, 415a, où, dans le cadre du mythe sur les origines des citoyens de la cité platonicienne, il est dit que le dieu a mélangé de l’or dans la génération de ceux qui étaient aptes à commander, de l’argent dans celle des auxiliaires, et du fer dans celle des agriculteurs et des autre artisans ; pour Bignone 1920, 199 n. 3 χρυσοῦν signifierait ici « enfantin, ingénu » comme un des hommes de l’âge d’or, en rapport à l’habitude de Platon de raconter des mythes (mais Bignone ajoute que l’injure Διoνυσoκόλακες doit elle sans doute faire référence aux rapports de Platon avec la cour de Syracuse). Il est toutefois plus raisonnable (et c’est la seule façon d’expliquer en même temps et de la même manière l’adjectif chrysoun utilisé pour Platon et l’épithète de Διoνυσoκόλακες afflublée dans le même passage à ses disciples) de penser à la tradition selon laquelle Platon se serait enrichi aux dépens de Denys : cf. Diogène Laërce, III, 9, dépendant peut-être de Satyros, FHG III, F 16 (don de plus de 80 talents que Denys aurait offert au philosophe) ; Platon et les siens sont présentés comme επ’ ἀργυρίω συκοϕαντοῦντας dans le Nauagos d’Ephippos, fr. 14 K.-A. = Athénée, XI, 509b. Voir plus généralement Muccioli 1999, 199, n. 535, et Gaiser 1981, en part. 76-77 (qui toutefois pense qu’originairement Διoνυσoκόλακες aurait désigné acteurs et musiciens des fêtes dionysiaques, ibid. 76).
46 Athénée, X, 435de : Φιλοπότας δὲ καὶ μεθύσους καταλέγει Θεόπομπος Διονύσιον τòν νεώτερον, Σικελίας τύραννον, ὃν καὶ τὰς ὄψεις ὑπο τοῦ οἴνου διαϕθαρῆναι. Ἀριστοτέλης δ’ ἐν τῇ Συρακοσίων Πολιτείᾳ (528 1) καὶ συνεχῶς ϕησιν αὐτòν ἔσθ’ ὅτε ἐπὶ ἡμέρας ἐνενήκοντα μεθύειν∙ διò καὶ ἀμβλυωπότερον γενέσθαι τὰς ὄψεις, Θεόφραστος δέ ϕησι καὶ το|ὺς ἑταίρους αὐτοῦ κολακεύοντας τὴν τυραννίδα προσποιεῖσθαι μὴ βλέπειν καὶ ὑπ’ αὐτοῦ τοῦ Διονυσίου χειραγωγεῖσθαι καὶ μήτε τά παρατιθέμενα τῶν ἐδεσμάτων μήτε τὰς κύλικας όρᾶν∙ διò κληθῆναι Διονυσιοκόλακας. ἔπινε δὲ πλεῖστον καὶ Νυσαῖος ὁ τυραννήσας Συρακοσίων καὶ Ἀπολλοκράτης∙ Διονυσίου δὲ τοῦ προτέρου οὗτοι υἱοί, ὡς ὁ Θεόπομπος ἱστορεῖ ἐν τῇ μ καν τῇ ἑξῆς τῶν ιστοριῶν.. Comme on le voit, Théopompe est cité au début et à la fin du passage, et toujours au sujet de Denys le jeune ou de ses frères. Tout cela pourrait dériver ultimement du peri kolakeias de Théophraste, qui est aussi la source de Plutarque (supra n. 43).
47 Il s’agit là d’un thème typique pour les tyrans siciliens : en VI, 250e, donc dans le même contexte, Athénée cite Hégésandros de Delphes à propos du tyran Hiéron (II probablement) : lui aussi aurait été myope, et dans son cas aussi ses amis auraient fait semblant de se tromper en dînant avec lui, pour qu’il puisse les corriger et sembler ainsi avoir une meilleure vue qu’eux ! Sur ce phénomène remarquable qu’est la circulation d’anecdotes et sur son début en tant que genre littéraire justement vers la deuxième moitié du IV s., cf. Dalby 2000, 372-384.
48 Aristote, Rhétorique, III, 2, 1405a 25-30 : καὶ οἱ μὲν λῃσταὶ αὑτοὺς ποριστὰς καλοῦσι νῦν (διò ἔξεστι λέγειν τòν ἀδικήσαντα μὲν ἁμαρτάνειν, τòν δ’ ἁμαρτάνοντα ἀδικῆσαι, καὶ τòν κλέψαντα καὶ λαβεῖν καί πορίσασθαι). τò δὲ ὡς ὁ Τήλεϕος Εὐριπίδου ϕησίν, κώπης ἀνάσσων κἀποβὰς εἰς Μυσίαν, ἀπρεπές, ὅτι μεῖζον τò ἀνάσσειν ἢ κατ’ ἀξίαν οὐ κέκλεπται οὖν.
49 Athénée, XII, 538f=FGrHist 125 F4 : παρῆλθον δὲ καὶ αὐληταί, οἳ πρῶτον τò Πυθικòν ηὔλησαν, εἶθ’ ἑξῆς μετὰ τῶν χορῶν, Τιμόθεος, Φρύνιχος, Καϕισίας, Διόϕαντος, ἔτι δὲ Εὔιος ὁ Χαλκιδεύς. καὶ ἔκτοτε οἱ πρότερον καλούμενοι Διονυσοκόλακες Ἀλεξανδρο-κόλακες ἐκλήθησαν διὰ τὰς τῶν δώρων ὑπερβολάς, έϕ’ οἷς καὶ ἥσθη ὁ Ἀλέξανδρος. Une fois de plus, il y a confusion entre Διονυσοκόλακες et Διονυσιοκόλακες : C a Διονυσιο-κόλακες, (« as usual », Ch. B. Gulick, p. 436 n. de l’éd. LOEB). Casaubon, Animadv. in Athen. Deipn. XII caput IX, p. 847 de l’éd. Lugduni Batav. 1621 (cf. Schweighaeuser 1804, in lib. XII, ad 538f) affirme avoir lu dans les excerpta Διονυσοκομικοί et Αλεξανδροκο-μικοί à la place de Διονυσοκόλακες et Ἀλεξανδροκόλακες.
50 Sanders 1987, 1-22 discute la tradition ancienne sur Denys I ; mais on ne peut accorder la même confiance à tous les témoignages qu’il cite (en particulier ceux des comiques, dont il force l’interprétation). Je me limiterai ici aux données qui me semblent sûres. La Sicile et la Grèce (Athènes et Sparte en particulier) sont très proches pendant toute la première moitié du IV s. : en 393, alors que l’entente entre Denys et Sparte était au mieux, les Athéniens avaient cherché à se rattacher le tyran par un décret honorifique (Tod II, 108) ; après Leuctres, Isocrate envoya une lettre à Denys en lui demandant de sauver la Grèce (Lettre I) ; on trouve maintes remarques positives au sujet de Denys chez Isocrate, notamment dans le Nicoclès (23) ainsi que dans le Philippe (65 et 81), datant de 346.
51 Voir Snell, TrGF 76, F 1-13 ; T1 (Diodore, XV, 73, 5) pour la victoire tragique aux Lénéennes en 368/7, et la mort successive du tyran ; T2 (Suda d 1178) pour son activité de poète tragique, comique et d’historien ; plus généralement, Süss 1966.
52 Athen. I 16e ; quoique la tradition sur les rapports entre Philoxène et Denys l’ancien soit assez embrouillée, le témoignage de Phainias, remontant à la fin du IV siècle, montre en tout cas que cette lecture du Cyclope s’est imposée assez tôt. Je suis en revanche moins sûre qu’il faille considérer la reprise du chant du Cyclope dans le deuxième Ploutos d’Aristophane (représenté en 388) comme une ultérieure attaque à Denys ; voir van Leeuwen 1904, ad 292. On peut aussi comparer la tradition sur la mort du poète tragique Antiphon, exécuté parcequ’il se serait moqué des tentatives poétiques de Denys : TrGF I 55 T 1, 2 et 4 = Aristote, Rhétorique, II, 6, 1385a, Pseudo-Plutarque, Vie des Dix Orateurs, 833, Philostrate, Vie des Sophistes, I, 15, 3.
53 Certainement dans Aristophane, Ploutos, 550 (ὑμεῖς γ’ οἵπερ καὶ Θρασυβούλῳ Διονύσιον εἶναι ὅμοιον), de 388 (voir à ce propos la longue note de van Leeuwen 1904, ad 550) ; Sanders 1987, 12-13 voit des attaques à Denys aussi dans le Kokalos et l’Aiolosikon portés sur la scène par le fils d’Aristophane Araros, respectivement en 387 et 388 : le décor sicilien peut avoir fourni l’occasion, mais rien, ni dans les fragments de ces comédies ni dans la tradition ancienne, ne permet d’appuyer cette hypothèse. Il est en revanche probable que Denys ait été attaqué par le comique Polyzelos, dont le fr. 12 K.-A. (incertae fabulae), conservé justement dans les scholia vetera à Aristophane, Ploutos, 550c, mentionne un μαινόμενος ... Διονύσιος orné de bijoux d’or ; l’épithète mainomenos renvoie immédiatement à Dionysos.
54 Ephippos, Homoioi, fr. 16 K.-A. =Athénée, XI, 482d, cf. Snell TrGF 76 T5. Quant au Dionysios d’Euboulos, voir Süss 1966, 306-310, et Hunter 1983, 116-117, qui imagine qu’Euripide revenait de l’Hadès pour protester de ce qu’un piètre poète comme Denys ait remporté une victoire qui lui avait été déniée ; cette hypothèse – par ailleurs avancée avec beaucoup de prudence – parlerait pour une datation de la pièce autour de 367, après la victoire lénaïque (et la mort) du tyran.
55 Schol. Aristophane, Thesmophories, 137 : ἐντεῦθεν τὴν ἀρχὴν Εὔβουλος ἐποιήσατο τοῦ Διονυσίου, τὰ ἀνόμοια τῶν ἐν τῆι Διονυσίου οἰκίαι καταλέγων∙ ἐπὶ πλέον μέντοι. Süss 1966, 306-10 imagine que le tyran aurait été vêtu d’un costume théatral ressemblant celui porté par Agathon – c’est à dire très riche, efféminé, oriental, royal – à son tour proche de celui de Dionysos dans les Edoniens, de sorte que le renvoi aurait joué aussi sur le niveau visuel. Hunter 1983, 117-118 se limite à signaler cette hypothèse.
56 [Dion Chrysostome] XXXVII, 21 : les Syracusains ayant besoin d’argent, ils décidèrent de fondre les statues des tyrans, toutes sauf celles de Gélon fils de Deinomène ; οἱ δ’ ἄλλοι πάντες κατεκόπησαν, πλὴν ἄρα Διονυσίου τοῦ πρεσβυτέρου τῶν τò σχῆμα τοῦ Διονύσου περικειμένων. L’auteur de l’oration est probablement Favorin d’Arelate, et les statues de Denys en Dionysos sont mentionnées en passant, elles n’ont pas grande importance pour l’argument. Ample discussion du problème de la divinisation des tyrans syracusains chez Muccioli 1999, 471-481 ; Sanders 1991.
57 Cf. e.g. Athénée, X, 435e, cit. supra, n. 46. Il serait peut-être possible d’insérer dans ce cadre les Διονυσοϕóροι, office sacerdotal connu par Hesychius, s. v. (cf. Muccioli 1999, 473 n. 1324).
58 Cf. Muccioli 1999, 476 : « la spiegazione più semplice e più plausibile è quella secondo cui [il rapporto ad Apollo] sarebbe da mettere in relazione con l’attività artistico-letteraria di Dionisio II ». Denys le jeune fils d’Apollon : cf. Plutarque, La fortune ou la vertu d’Alexandre 338b. Composition de chants et péans : Platon, Lettres, III, 315b ; Athénée, VI, 250b.
59 FGrHist 566 F 32 = Athénée, VI, 250ab : Tίμαιος δ’ ἐν τῇ δεύτερα καὶ εἰκοστῇ τῶν ιστοριῶν Δημοκλέα ϕησὶ τòν Διονυσίου τοῦ νεωτέρου κόλακα, ἔθους ὄντος κατὰ Σικελίαν θυσίας ποιεῖσθαι κατὰ τὰς οἰκίας ταῖς Νύμϕαις καὶ περὶ τὰ ἀγάλματα παννυχίζειν μεθυσκομένους ὀρχεῖσθαί τε περὶ τὰς θεάς, ὁ Δημοκλῆς ἐάσας τὰς Νύμϕας καὶ εἰπὼν οὐ δεῖν προσέχειν ἀψύχοις θεοῖς ἐλθὼν ὠρχεῖτο περὶ τòν Διονύσιον. Sur l’anecdote, voir Vattuone 1991, 140-142.
60 Διoνυσoκόλακες ne se prête pas très bien à être inséré dans des vers ; mais on peut penser à des anapestes lyriques avec solution.
61 Vahlen 1866, 146.
62 Denys d’Halicarnasse, Antiquités Romaines, VII 9, 4 : εἰς τὰ διδασκαλεῖα τῶν ὀρχηστῶν καὶ αὐλητών καὶ τῶν παραπλησιων τούτοις μουσοκολάκων. Sur ce passage, Luraghi 1994, 97-104, avec bibliographie.
63 Sur ces ‘Parasites d’Apollon’, voir les références données supra n. 11, ainsi que Fountoulakis 2000, 138 ; liste commode des attestations ibid. 136 n. 22.
64 Sur les parasites, voir Ziehen, Wüst et Hug 1949, 1375-1405 ; Nesselrath 1985, 15-36, 88-111 ; Brown 1992, 98-106. A l’époque où se situent les attestations de Δoνυσoκόλακες, παράσιτος, initialement terme positif, puisqu’il indique des individus délégués par la cité pour partager le repas de certains dieux (à Délos, Apollon ; en Attique, Apollon, Athéna, Héraclès et les Dioscures : cf. Ribbeck 1883, 18-21, Schmitt-Pantel 1992, 100-104) avait certainement déjà, sous l’action des comiques, basculé du mauvais côté – quant à kovlax, si là aussi on doit admettre une coloration neutre au début (cf. Ribbeck 1883, 3-5), il assume très tôt (à Athènes au plus tard avec les Κόλακες d’Eupolis) des connotations négatives, qu’il ne perdra plus.
65 Nesselrath 1985, 20 (avec un renvoi au fr. 121 K.-A. d’Alexis, où l’on trouve une distinction entre les parasites « noirs », communs, et une espèce auguste, le γένος σεμνοπαράσιτον de stratèges et satrapes : il s’agirait avec cette deuxième espèce d’hommes politiques athéniens importants, qui se seraient mis sous la protection – ou au service – de puissances étrangères ; cf. aussi Herman 1980-81, 119-20), ainsi que 90 ; 97.
66 Cf. Nesselrath 1985, 22, et passim : le dialogue de Lucien Le parasite a pour sous-titre « que le parasitisme est un art », ὅτι τέχνη ἡ παρασιτική..
67 Il n’est peut-être pas sans intérêt de remarquer que le rapprochement entre Dionusokovvlake~ et prytanée qui opère dans le fr. 281 de Théopompe (mais cf. supra n. 36 sur les précautions à prendre lorsqu’on lit les deux moitiés de ce fragment) réapparaît chez Démosthène, dans un discours (le Sur la paix, 6) dans lequel il attaque l’acteur Néoptolème : « πάλιν τοίνυν, ὦ ἄνδρες Ἀθηναῖοι, κατιδὼν Νεοπτόλεμον τòν ὑποκριτὴν τῷ μὲν τῆς τέχνης προσχήματι τυγχάνοντ’ ἀδειας, κακὰ δ ’ ἐργαζόμενον τὰ μέγιστα τὴν πόλιν καὶ τὰ παρ’ ὑμῶν διοικοῦντα Φιλίππῳ καὶ πρυτανεύοντα... ».
68 Weber 1995, 293-295 s’appuie plus particulièrement sur le cas d’Antigone, qui lui semble s’inscrire, du point de vue de la politique des spectacles, dans la droite ligne d’Alexandre : en cherchant à organiser une fête splendide en 302, avec un ἀγὼν μέγας et une πανήγυρις, il invita les athlètes et les technites les plus célèbres, et offrit des prix richissimes (ἀθλητάς τε καὶ τεχνίτας τοὺς ἐπιϕανεστάτους ἐπὶ μεγάλοις ἄθλοις καὶ μισθοῖς). Pour finir, les événements militaires l’obligeant à annuler la fête, il donna néanmoins en dédommagement à athlètes et technites pas moins de 200 talents, Diodore, XX, 108, 1.
69 Pour rester en contexte athénien, on peut renvoyer pour Alexandre à Diogène Laërce, VI, 63, ψηϕισαμένων Ἀθηναίοιν Ἀλέξανδρον Διόνυσον,… Pour d’autres indications cf. Smith 1988, 37-39, et Chaniotis 1997, 241-42.
70 Athénée, XII, 535e-536a = Douris FGrHist 76 F 14 : Παυσανίας μὲν ὁ τῶν Σπαρτιατῶν βασιλεὺς καταθέμενος τòν πάτριον τρίβωνα τὴν Περσικὴν ἐνεδύετο στολήν. ὁ δὲ Σικελίας τύραννος Διονύσιος ξυστίδα καὶ χρυσοῦν στέϕανον, ἔτι δ’ ἐπιπόρπημα μετελάμβανε τραγικόν. Ἀλέξανδρος δ’ ὡς τῆς Ἀσίας ἐκυρίευσεν Περσικοῖς ἐχρῆτο στολαῖς. Δημήτριος δὲ πάντας ὑπερέβαλεν... γινομένων δὲ τῶν Δημητρίων Ἀθήνησιν ἐγράϕετο ἐπὶ τοῦ προσκηνίου ἐπὶ τῆς Οἰκουμένης ὀχούμενος. On peut comparer le très proche Plutarque, Démétrios, 41, 6-7 : « Et de fait, Démétrios étalait sur sa personne un véritable appareil de théâtre (῏Ην δ’ ὡς ἀληθῶς τραγῳδία μεγάλη περὶ τòν Δημήτριον) : non content de se vêtir et de se coiffer avec magnificence, de porter des chapeaux à double mitre et de la pourpre brodée d’or, il s’était fait faire des chaussures... on lui tissait depuis longtemps une chlamyde sur laquelle étaient représentés l’univers et les phénomènes célestes... » (trad. Flacelière-Chambry). Cf. Weber 1995, 299-300 ; Chaniotis 1997, 232, 244-45, et pour le rapport entre aspiration à un statut suprahumain, aspiration au domaine universel, et choix du vêtement perse, voire du vêtement d’acteur tragique, Alföldi 1955.
71 Cf. Mastrocinque 1979, en part. 270-71 pour un tableau des occasions où Démétrios est présenté comme un héros (ou un acteur : Plutarque, Démétrios, 18, 5) tragique, et 272-275 pour le fondement historique de ces anecdotes.
72 Plutarque, Démétrios, 34, 3 : εἰσελθὼν ὁ Δημήτριος καὶ κελέυσας εἰς τò θέατρον ἀθροισθῆναι πάντας, ὅπλοις μὲν συνέϕραξε τὴν σκηνὴν καὶ δορυϕόροις τò λογεῖον περιέβαλεν, αὐτòς δὲ καταβὰς ὥσπερ οἱ τραγῳδοὶ διὰ τῶν ἄνω παρόδων,... Cf. Chaniotis 1997, 238-39, qui souligne le rôle d’acteur joué par le roi.
73 Plutarque, Démétrios, 12, 2 : « Enfin le mois de Mounichion fut appelé Démétrion, et le dernier jour de chaque mois Démétrias ; quant à la fête des Dionysia, elle prit le nom de Démétria », και τῶν ἑορτῶν τὰ Διονύσια μετωνόμασαν Δημήτρια. Je suis ici la datation défendue par Habicht 1970, 50-55 et reprise par Mikalson 1998, 92-93 (voir aussi infra n. 76).
74 Plutarque, Démétrios, 2, 3 : « Aussi était-ce entre tous les dieux Dionysos qu’il se proposait surtout comme modèle, étant le plus redoutable à la guerre et aussi le plus apte à faire succéder aux combats la joie et les plaisirs de la paix » (tr. Flacelière-Chambry) ; Plutarque, Démétrios, 2-4, proche de Diodore de Sicile, XIX, 81, 4, dérive probablement de Hieronymus de Cardia, il ne s’agit donc pas simplement d’une réécriture de Plutarque (sur les portraits royaux de Plutarque et l’idéologie qui les sous-tend, cf. en dernier Tatum 1996, en part. 141-143). Pour ces deux aspects de Dionysos, cf. Plutarque, Propos de table, 5, 6, 680B (Dionysos, excellent stratège, est aussi le dieu Λυαῖος et χορεῖος). La requête de Démétrios d’être initié sans délai aux Mystères d’Eleusis ne pose pas de problème à sa caractérisation comme « nouveau Dionysos » : cf. Mikalson 1998, 89.
75 Habicht 1970, avance l’hypothèse d’une chute de <Διονύσια καὶ> juste avant Δημήτρια dans le texte de Plutarque ; Segre 1932 pensait plutôt que Plutarque aurait repris ici une information filtrée par la comédie, donc formulée hyperboliquement.
76 Habicht 1970, 53-54 ; Mikalson 1998, 92-93. Voir maintenant SEG XLV, 101 pour le texte (avec les restaurations de Dinsmoor et la revision de Tracy) du décret proposé par Stratoclès en 293/2 pour Philippidès de Paiania : aux ll. 41-44 on lit : ]καὶ [ἀ]νειπεῖν τòν στέϕ[α]|[νον Διονυσίων τῶν ἐν ἄστ]ει καὶ Δημητριε[ί]ων τρ[α]|[γωιδῶν∙ τῶι ἀγῶνι τῆς δ’ ἀν]αγορεύσεως ἐπιμεληθ[ῆ]|[ναι τòν ἀγωνοθέτην∙... Il s’agit du seul texte épigraphique mentionnant l’existence de Demetrieia à Athènes. Dinsmoor 1931, 12-15 penche pour une institution des Demetrieia, distincts des Dionysia, déjà en 307 ; il est obligé de distinguer cette fête des Dionysia, puisqu’un certain nombre de documents (qu’il cite en 15 n. 8 : IG II2 406 de 307/306 ; IG II2 555 de 307/306-304/303 ; II2 567, fin IVe s. ; IG II2 646 de 295/294 ; et POxy., X 1235, se référant à 302/301 ou 301/300) mentionnent des Dionysia seuls. Mais si les Demetrieia ont été institués seulement en 294 (ainsi Habicht 1970, 50-55, Segre 1932, 289), la rareté des attestations épigraphiques ne pose plus de problèmes, et on peut penser à des Dionysia kai Demetrieia.
77 Segre 1932, 293 : « sulla fine del IV e inizio III la denominazione di due feste accoppiate non implica necessariamente la loro contemporaneità, ma soltanto l’organizzazione comune, e naturalmente un vincolo religioso fra i due dei : solitamente anzi il culto del secondo dio viene riunito a quello preesistente del primo. »
78 Cf. IG XII 9, 207 = Le Guen 2001, TE1 (avec ample commentaire) ; voir aussi Habicht 1970, 76-78, et surtout Segre 1932. Le début, traitant de l’institution des Démétries, est perdu ; mais l’inscription est de façon unanime datée à la période entre 294 et 288, cf. Le Guen 2001, I 48-49.
79 Une partie du chant, habituellement attribué à Hermoclès de Cyzique, a été conservé par Douris, FGrHist 76 F13 = Athénée, VI, 253de ; nous avons aussi un résumé par Démocharès, aussi conservé par Athénée (VI, 253c). Je cite d’après Powell, Collectanea Alexandrina, 173-175. Pour une discussion plus générale de l’hymne, voir Mikalson 1998, 94-97, Weber 1995, 303-305, et Palumbo Stracca 2000 (très attentive au contexte de la performance), avec une très riche bibliographie.
80 Weber 1995, 304 : Démétrios est mis en parallèle avec Déméter, est décrit comme Dionysos, et est adressé comme fils de Poseidon et Aphrodite. Ehrenberg 1931 a beaucoup insisté sur le rapprochement entre Démétrios et Dionysos. Même s’il fallait lire l’hymne comme une sorte de jeu (ce qui est fort possible), ceci ne changerait pas beaucoup pour notre approche.
81 Utile, mais non indispensable, puisque de tels privilèges sont attestés pour des acteurs à une époque pour laquelle une structure associative forte n’est pas témoignée : cf. Pickard-Cambridge 1988, 279 n. 3 et 282 : dans le décret des Amphictions pour Athènes de 279/278 ou 278/277 (TE2), l’immunité des technites est considérée comme préexistante, συγκεχωρημένη ὑπò πάντων τῶν Ἑλλήνων.
82 Les cas ne sont pas nombreux, mais un est particulièrement intéressant, Arrien, Anabase, I, 3, 4, qui, parlant de l’arrivée d’Alexandre à Memphis et du concours musical et gymnique qui eut lieu à cette occasion, ajoute : ἧκον δὲ αὐτῷ οἱ ἀμϕὶ ταΰτα τεγνῖται ἐκ τῆς Ἑλλάδος οἱ δοκιμώτατοι..
83 Cf. Smith 1988, 37 ss.
84 Cf. les concours de chœurs dithyrambiques et de tragédies qui eurent lieu en 331 à Tyr,et pour lesquels furent chorèges les rois de Chypre, entre autres Nikokréon de Salamine et Pasikratès de Soles : Plutarque, Alexandre, 29 (Ἐχορήγουν γὰρ οἱ βασιλεῖς τῶν Κυπρίων, ὥσπερ Ἀθήνησιν οἱ κληρούμενοι κατὰ ϕυλᾶς, καὶ ἠγωνίζοντο θαυμαστῇ ϕιλοτιμίᾳ πρòς ἀλλήλους, 29, 2 ; cf. Plutarque, Moralia, 334E).
85 Suivant un schéma de patronage qui avait été celui des grandes chorégies de l’époque classique, admirablement étudiées par Wilson 1998. Lightfoot 2002, 220-21 souligne que « what they [the technitai] were most involved in was... ruler cult.... The guilds were one of many ways in which royal power was presented to its subjects ».
86 Références au sujet de la passion d’Alexandre pour le théâtre dans Pickard-Cambridge 1988, 280 ; théâtralité de la vie publique : Chaniotis 1997 (avec bibliographie), et plus spécifiquement pour le rapport entre théatre et souverain hellénistique, 235-245.
87 Mais voir Le Guen 2001, II 6-7, ainsi que son commentaire à TE11, pour le crédit à accorder à cette prétension.
88 Ainsi Segre 1932, 293. Peut-être l’abandon du système chorégique et l’institution de l’a-gonothésie (sous Démétrios du Phalère : en 309/308 ?) entre en quelque façon dans le mouvement vers la formation des associations : comme le souligne Wilson 2000, 273 (mais voir aussi ibid. 382 n. 42), les acteurs sont maintenant enregistrés sur les monuments érigés par les agonothètes, alors que, pour autant qu’on sache, ils n’apparaîssaient généralement pas sur les monuments faits ériger par des chorèges victorieux. Mais il faut distinguer entre l’existence plus ou moins formalisée d’associations d’acteurs, qui peut avoir été un phénomène bien plus ancien, dont je ne m’occupe pas ici, et le moment où les acteurs s’unirent en une association spécifique, portant le nom qui est celui que nous connaissons.
89 Je ne prends pas en compte ici le déjà mentionné Aristote, Problèmes, XXX, 10 : mais il est clair que si Διoνυσιακoὶ τεχνῖται est très proche de οἱ περὶ τòν Διόνυσον τεχνῖται, ce n’est pourtant pas la même chose, et ce n’est pas un hasard si Stephanis 1988 a donné comme titre à son corpus, regroupant tant des membres d’associations que des indépendants, le titre de Dionysiakoi technitai.
90 Chamaileon fr. 44 Wehrli = Athénée, IX 406e-407c, venant du περὶ κωμῳδίας. Hélas, on ne sait pratiquement rien de sa vie, sinon qu’il a été soit contemporain soit élève de Théophraste ; son activité se déroule donc soit dans la dernière vingtaine d’années du IVe siècle, soit dans la première vingtaine d’années du siècle suivant. Sur le contenu du fragment, voir en dernier Le Guen 2001, I, 349, soulignant qu’on ne peut utiliser ce texte pour prouver l’existence d’une association d’artistes dès la fin du Ve siècle – ce à quoi je souscris ; on peut toutefois l’utiliser pour en prouver l’existence à l’époque de Chamaileon. Le commentaire que Le Guen (2001, I, 349) offre de ce texte est très instructif : « L’objectif de l’auteur est clair : il s’agit de dénoncer la collusion entre les artistes et les hommes au pouvoir. Ce faisant, il transpose à l’époque classique des faits avérés à date postérieure... Cet anachronisme s’inscrit dans une tentative de faire d’Alcibiade, pour le discréditer, un nouveau Dionysos avant la lettre » (avec renvoi à Plutarque, Alcibiade, 32, 2).
91 Callixeinos aussi a été conservé par Athénée (V, 197c-203c = FGrHist. 627 F 2). Pour la datation de l’activité de Callixeinos, ainsi que pour sa fiabilité et ses sources, cf. Rice 1983, 134-1745, et plus récemment Hazzard 2000, 62-64, qui cherche aussi à définir ce que pouvaient être les τὰς τῶν πεντετηρίδων γραϕάς où Callixeinos a puisé ses renseignements (Athénée, 197d). Sur la valeur de propagande de la pompe, voir, outre Rice 1983, Hazzard 2000, 59-79, et Huss 2001, 320-328, qui souligne (322) la présence dans la pompe de Dionysos des deux statues de Ptolémée et d’Alexandre, les deux couronnées de lierre doré. « Alexandros aber stand in der große Prozession nicht für sich allein, sondern war auf engste mit Dionysos verbunden, insbesondere mit dem aus Lydien zurückkehrenden Dionysos. So griff Ptolemaios II über Alexandros auf Dionysos zurück ».
92 Rice 1983, 180-187 la date entre 279 et 275 et refuse de l’identifier aux Ptolemaieia (voir aussi Le Guen 2001, II, 8). Hazzard 2000, 62-66 propose le 262 ; Huss 2001, 323 revient au 275/274.
93 Le premier texte épigraphique émanant de l’association d’Egypte est le décret des technites pour Dionysios fils de Mousaios (TE60 = OGIS 50), daté entre 269 et 246 av. J.-C. Sur le double patronage et ses implications politiques, cf. surtout Dunand 1985, et Le Guen 2001, I, 296 (avec bibliographie ultérieure).
94 Dionysos est le dieu archégète de la cité : cf. CIG 3092 ; Le Bas III, 75 et 80, ainsi que Le Guen 2001, II 27.
95 La remarque a été faite par Poland 1934, 2478-79 ; sur la base du dossier plus ample aujourd’hui connu, il faut la nuancer. En ce qui concerne l’association d’Athènes : TE2 (CID IV 12), décret des Amphictions, à dater en 279/278 ou 278/277 av. J.-C., mentionne soit des τεχνῖται οἱ περὶ τòν Διόνυσον (l. 33) soit deux fois des τεχνῖται οἱ ἐν Ἀθήναις. Puisque le décret émane des Amphictions, à la rigueur on ne peut l’utiliser comme témoignage du choix des artistes athéniens ; mais il est frappant que la périphrase apparaisse lorsqu’on parle d’artistes de théâtre en général, mais qu’elle soit absente lorsqu’on parle de ceux d’Athènes (on pourrait presque imaginer un scénario dans lequel, à l’intérieur de l’ensemble général des technites dionysiaques, on distingue les artistes athéniens). Quant aux textes émanant de l’association, en TE3, TE3bis (III s.), et TE4 (ca 130 a. C.), décrets honorifiques des technites, la périphrase n’apparaît pas ; elle apparaît en revanche dans le décret honorant Ariarathès V de Cappadoce, TE5, ca. 130 a. C. ; et à partir de ce moment on la trouve pratiquement toujours. En ce qui concerne l’association de l’Isthme et Némée : en TE 17 et TE 20 (décrets des Amphictions, datant respectivement de 280 ou 247 av. J.-C., et de 228 av. J.-C.), la périphrase n’apparaît pas ; mais on la trouve dans TE18, décret des technites datant de la fin du III s., et pratiquement toujours par la suite, même si souvent on trouve aussi (dans les mêmes textes) le simple τεχvῖται.
96 Mikalson 1998, 121 souligne que par ailleurs l’association des technites athéniens a des côtés particuliers : elle est un ‘ produit d’exportation’ (pour les Dionysia en astei les Athéniens apparemment engageaient des artistes sur base individuelle) ; et la participation à l’association semble avoir été limitée aux citoyens athéniens (mais voir Le Guen 2001, II, 45 : sur ce point, on ne peut vraiment trancher).
97 Herman 1980-81, 107-108 ; 123-124. Le changement par ailleurs n’a pas lieu partout au même moment : les cités d’Asie mineure utilisent les titres officiels très tôt ; et parmi les cités de Grèce propre aussi Herman remarque des différences. Il conclut: « In the eyes of the Greeks the image of the lowly servant [le parasite du roi] was gradually replaced by the image of the legitimate state official, and this perceptual shift is reflected in the honorary decrees ».
98 Pour l’affaire, cf. Le Guen 2001, I, 336-337.
Notes de fin
1 Je remercie Viviane Ceccarelli, Silvia Milanezi, Ian Rutherford et William Slater d’avoir lu des versions de ce texte ; leurs remarques m’ont évité maintes erreurs – je suis bien sûr responsable de celles qui restent.
Auteur
Université de L’Aquila
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