Chapitre I. Traités et peinture sur pierre
p. 21-49
Texte intégral
LES ORIGINES DE LA PEINTURE SUR PIERRE
1La tradition historiographique, instaurée par Giorgio Vasari, fait remonter au début des années 1530 l’emploi de la peinture sur pierre en Italie et l’associe au nom du peintre vénitien Sebastiano del Piombo. Le 8 juin 1530, Vittorio Soranzo écrit à Pietro Bembo :
Vous devez savoir que Sebastien notre Vénitien a trouvé un merveilleux secret pour peindre à l’huile sur marbre, qui rend la peinture presque éternelle. Les couleurs, à peine sèches, se fondent dans le marbre de façon presque pétrifiée. Il a fait beaucoup d’essais et c’est effectivement durable1.
2Pourtant, malgré ces affirmations, de nombreuses expérimentations ont précédé celles de Sebastiano del Piombo.
3Dès le Xe siècle, en effet, Héraclius2 indique dans Coloribus et artibus Romanorum comment préparer les colonnes ou les pierres pour pouvoir peindre dessus. Et, au début du XVe siècle, Cennino Cennini rédige en langue vulgaire, Il Libro dell’Arte, un traité consacré aux diverses techniques artistiques. Dans le chapitre « de quelle façon l’on travaille à l’huile sur mur, sur panneau, sur fer, sur ce que tu veux », il montre comment l’on doit, « travailler à l’huile sur mur, sur panneau, comme les Allemands le font beaucoup et de même sur fer et sur pierre3 ». Il répète par la suite « Comment tu dois travailler à l’huile sur panneau et sur pierre » et souligne qu’il faut travailler sur pierre « en encollant tout d’abord4 ».
4Avec ses Vite publiées en 1550, Giorgio Vasari établit la tradition qui fait remonter à Sebastiano del Piombo l’invention de cette technique. Dans la biographie de cet artiste, il indique que :
Sebastiano avait initié une nouvelle façon de peindre sur la pierre, nouveauté qui plaisait beaucoup au peuple parce qu’elle semblait devoir être éternelle. C’est pourquoi il disait que ni le feu ni les vers ne pouvaient l’endommager. Et c’est ainsi qu’il peignit un grand nombre de tableaux sur pierre qu’il encadrait d’une mosaïque avec d’autres belles pierres, qui une fois lustrée était une merveille5.
5Il poursuit cette description en énumérant les tableaux sur pierre exécutés par Sebastiano del Piombo. On trouve, parmi ceux-ci, un Christ porte-croix – aujourd’hui conservé au Szépmüvészeti à Budapest – probablement commandé par Marco Grimani, patriarche d’Aquilée à ce moment-là ou encore une représentation de Catherine de Médicis6. Enfin, Giorgio Vasari mentionne une Pietà commandée par don Ferrante Gonzaga pour le chancelier de Charles Quint, Francisco de Los Cobos – aujourd’hui exposée au Prado – ainsi qu’un portrait de Paul III avec son neveu Octave7. Cependant, dans ses écrits, Giorgio Vasari ne cite qu’une infime partie de la production de cet artiste et ne précise le support avec exactitude que lorsqu’il décrit la Pietà d’Úbeda. Il doit pourtant connaître une partie des œuvres du peintre qui a très fréquemment employé ces types de support. On peut voir par exemple à Florence – Galleria Palatina – un Portrait de Baccio Valori (1477-1537)8, homme de confiance de Clément VII (1478-1534) ou encore deux Portrait de Clément VII – l’un au Museo di Capodimonte, à Naples9, l’autre au Getty Museum, à Los Angeles10 – peints sur ardoise.
6Lorsque Giorgio Vasari écrit la première version des Vite, en 1550, Sebastiano del Piombo est l’initiateur de la peinture sur pierre et le principal instigateur. Mais, un grand nombre d’œuvres d’art exécutées sur pierre par d’autres artistes sont déjà prisées par ses contemporains et décrites dans diverses correspondances. Comment expliquer alors l’absence de renseignements sur ces œuvres dans les Vite de 1550 ou dans la version amplifiée de 1568 ?
7En effet, alors qu’il rédige ses biographies, de nombreux exemples sont à sa disposition et rendent énigmatiques ces lacunes. Titien peint pour Charles Quint en 1548 un Ecce Homo sur ardoise – aujourd’hui au Museo del Prado11. Francesco Salviati exécute entre 1530 et 1550 divers portraits sur pierre dont celui d’un Sculpteur, sur ardoise12, peint vers 1548, l’Adoration des bergers, sur péperin, au Palais de la Chancellerie et achève, à partir de 1550, la peinture d’autel de la chapelle Chigi dans l’église de Santa Maria del Popolo. Comment expliquer le silence de Giorgio Vasari vis-à-vis des portraits sur pierre de son ami Francesco Salviati ? Que dire encore des tableaux de Daniele da Volterra, artiste qui a peint à plusieurs reprises sur des supports d’ardoise13 ? Pourquoi ne donne-t-il aucune explication sur les œuvres de Leonardo Grazia da Pistoia alors que, actif à Rome et à Naples entre 1530 et 1540, il exécute une quantité importante de représentations de Lucrèce ou de Cléopâtre sur ardoise ? Tout comme Sebastiano del Piombo, il joue un rôle novateur dans l’introduction et l’emploi de cette technique. Or, sur l’ensemble de ses descriptions, seul Sebastiano del Piombo est célébré pour ses compositions. Si, parfois, les critiques ont rapproché de telles incertitudes avec le fait qu’il fondait souvent ses analyses, non pas sur des connaissances directes mais sur des récits découlant d’intermédiaires, il n’en est pas de même dans le cas présent14. Giorgio Vasari, présent à Rome en 1531-1532, en 1538, en 1542, en 1545 et voyageant entre 1541 et 1554 à Venise, Ravenne, Rimini ou encore à Naples, a certainement eu l’occasion de voir certaines de ces œuvres. Il avait également pu avoir connaissance de projets, de commandes de retables sur ardoise, dont celui de Daniele da Volterra pour l’église de San Pietro in Montorio, exécuté ultérieurement par son assistant Michele Alberti15.
8De même, dans sa biographie, Giorgio Vasari ne mentionne jamais qu’il est lui-même l’auteur de peintures sur pierre. Incompréhension d’autant plus grande que dans l’introduction des Vite16, Giorgio Vasari se livre à une véritable étude des diverses techniques en usage à son époque et propose de longues réflexions sur la peinture sur pierre – descriptions que l’on ne retrouve dans aucun traité du XVIe siècle. Ses Ricordanze rappellent que dès 1544, il reçoit des paiements pour différentes peintures sur pierre. Le 4 juin 1544, il relate comment il a peint à l’huile sur pierre le portrait de Laura Romana17. Vers 1546, il exécute le Christ dans la maison de Marie et de Marthe pour le marchand florentin, Tommaso Cambi18. En 1554, il répond à différentes commandes et peint pour Costanza de Médicis une Nativité sur pierre19. Le 15 décembre 1554, il explique :
Je me souviens comment le quinze décembre, je retournai à Arezzo, en partant de Rome où j’étais au service du pape Jules III, pour venir demeurer chez le duc Cosme I de Médicis à Florence. Je m’arrêtais à Arezzo où j’esquissais de nombreux tableaux et en finis d’autres : je fis une tête du Christ sur pierre pour l’Archevêque de Pise, messire Onofrio Bartolini, qui la paya onze20.
9À partir de 1570, il est employé à la décoration du Studiolo de François I de Médicis (1541-1587), pour lequel il effectue sur ardoise le Persée délivrant Andromède21. De nombreux artistes florentins tels Battista Naldini, Iacopo Zucchi, Santi Di Tito, Alessandro Allori, sont appelés à participer à cet ensemble.
10La peinture sur pierre connaît, à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, un rapide essor et est utilisée dans de nombreux centres comme Rome, Florence, Venise, Milan ou Gênes. Paradoxalement, elle ne rencontre que peu de résonance dans les traités artistiques. La plupart des sources écrites de la deuxième moitié du XVIe siècle reprennent les affirmations de Giorgio Vasari. Ainsi, lorsque Raffaello Borghini (1536-1588), homme de lettres fréquentant la cour de François I de Médicis, rédige le traité, Il Riposo, dialogue imaginaire entre divers protagonistes dont Baccio Valori, Bernardo Vecchietti22 et le sculpteur Ridolfo Sirigatti, il reprend Giorgio Vasari en affirmant que Sebastiano del Piombo « inventa une nouvelle façon de peindre sur les pierres et de faire les décorations de pierres mixtes pour qu’elles se conservent plus longtemps : et de cette manière il fit sur une pierre un Christ mort et la Vierge pour le seigneur Ferrante Gonzaga, qui fut considérée comme une œuvre très belle et qui lui fut payée cinquante écus23 ».
11Il faut attendre le début du XVIIe siècle pour que les traités s’affranchissent du modèle vasarien et proposent des réflexions différentes sur la peinture sur pierre – liées à l’introduction d’une nouvelle variété de supports. L’emploi des pierres imagées fait l’objet de réflexions diversifiées. Entre 1614 et 1620, Giulio Mancini (1558-1630), médecin, dilettante et collectionneur, présente les différentes façons de peindre sur pierre au début du XVIIe siècle : il mentionne autant la peinture sur pierre de touche, développée par les artistes véronais, que les œuvres exécutées sur albâtre à Rome et Florence. Il explique ainsi que « la pierre de touche qui donne à la superficie peinte des ombres sera exécutée à l’huile ; celle sur albâtre se réduira en partie aux motifs naturels de la pierre sur laquelle on ajoutera un peu de peinture. Ce procédé fait référence aux peintures faites par les pierres paysagères dont on en trouve une importante quantité et d’où vient son origine première24 ».
12En 1638, l’Arte de la Pintura, de l’espagnol Francisco Pacheco (1564-1644), peintre théoricien, instigateur de la Contre-Réforme en Espagne et maître de Vélasquez, fournit des considérations détaillées sur la peinture sur pierre. Il indique que l’« on signale à Rome des personnes haut placées à qui on les apporte et qui les payent […] et quand elles sont peintes d’une bonne main et quand le sujet a été bien choisi, elles ont belle allure et sont très prisées25 », ceci expliquant le développement de cette pratique entre la fin du XVIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle en Italie mais aussi en Espagne. Cet ouvrage, qui offre un corpus théorique nécessaire à l’enseignement de la peinture, reprend un grand nombre de traités italiens, dont celui de Giorgio Vasari, mais s’appuie en même temps sur des observations d’ordre pratique puisque Pacheco a également peint sur pierres imagées.
13Ses considérations fournissent aussi bien des indications techniques sur la préparation du support que des renseignements sur les commanditaires, le choix des sujets et les solutions proposées par la peinture sur pierre. Les traités des XVIe et XVIIe siècles attestent également du fait que le recours à cette technique s’inscrit dans un contexte bien précis, celui du débat du Parallèle des Arts. La pierre présente une alternative aux supports traditionnels et paraît apporter une réponse aux problèmes posés par la durée et la mimésis – soit le rapport entre art et nature.
LA DURÉE DES ŒUVRES
14La dispute sur la nature des divers arts, qui deviendra dès le XIVe siècle un exercice rhétorique, trouve son fondement dans les sources classiques, de Cicéron à Platon26. L’oraison du sculpteur Phidias sur le Zeus d’Olympe, prononcée vers 150 après Jésus-Christ, anticipe le débat sur la supériorité des Arts, notamment dans la comparaison entre la sculpture et la poésie qui culmine au XVIe siècle27. Au Moyen Âge, peinture et sculpture sont exclues des arts libéraux et les thèses énoncées par Platon dans la République ne sont pas exemptes de toute responsabilité dans la négation du statut des arts. Les arrêtés platoniciens, dont la condamnation des arts au nom de l’Idée, perdurent dans la tradition historiographique. Pourtant, il sied de souligner que si Platon éconduit les artistes de la Cité, il le fait vis-à-vis d’un art grec qui tend vers l’illusionnisme et le naturalisme et tolère, bien au contraire, la peinture et la sculpture qui s’en tiennent au canon abstrait.
15À Florence, les discussions sur ces sujets sont ravivées par les premières réunions de l’Académie de Careggi, vers 1470-1480 mais surtout par les écrits de Marsile Ficin (1433-1499) qui cherche prudemment à intégrer les arts dans les débats. De plus, le nouvel engouement pour les mathématiques et les problèmes d’optique rejoint les préoccupations artistiques du moment.
16André Chastel remarque que Marsile Ficin énonce une « unité foncière de toute l’activité humaine, de la poésie à l’architecture28 ». Le philosophe écrit en effet que « les arts doivent avant tout leur acuité et perfection à la puissance mathématique, c’est-à-dire à la faculté de compter, mesurer et peser29 ». Il précise à Paul de Middelbourg que « notre âge d’or a ramené au jour les arts libéraux qui étaient presque abolis, grammaire, poésie, rhétorique, peinture, architecture, musique et l’antique chant de la lyre d’Orphée30 ». Peu auparavant, Leon Battista Alberti (1406-1472), le premier théoricien de l’art au plein sens du terme, dont l’influence est indéniable sur Marsile Ficin, présentait dans son De Pictura (1435) la peinture comme une connaissance savante – la perspective en est un des fondements. Ce savoir permettait d’élever l’activité artistique au niveau des arts libéraux. Mais, malgré ces nouvelles conceptions, la position des arts est loin d’être acceptée de tous. Léonard de Vinci défend encore le statut de l’artiste lorsqu’il démontre que l’art jugé jusqu’alors mécanique, doit, au contraire, être érigé au sommet de l’activité de l’esprit.
17Dans le Traité de la peinture, il propose une argumentation fondée sur des conceptions d’ordre aussi bien technique que théorique. Il se réfère aux notions antiques, notamment à l’Ut Pictura Poesis d’Horace et aux textes de Plutarque lorsqu’il écrit que « la peinture est une poésie muette et la poésie une peinture aveugle31 ». La discussion sur la supériorité des arts au XVIe siècle – poésie-peinture-sculpture – deviendra presque un genre littéraire, une sorte de passe-temps intellectuel. Le travail, la durée, l’universalité32 et l’apparence y sont les principales idées abordées.
18Parmi ces catégories, c’est d’abord la durée qui retient notre attention pour comprendre l’emploi de la peinture sur pierre33.
19Dans le Traité de la peinture, au chapitre consacré au parallèle peinture-sculpture, Léonard de Vinci oppose divers arguments : les sculpteurs prétendent que « l’art du sculpteur est plus digne que la peinture parce qu’il est plus durable, craignant moins qu’elle l’humidité, le chaud, le feu et le froid34 ». Les peintres, eux, démontrent que la durée de l’œuvre ne dépend pas du génie de l’artiste mais du matériau employé. Ils pensent aussi remédier au problème de conservation en créant de nouvelles techniques telles la terre cuite vernissée des della Robbia, la peinture sur cuivre ou sur émail, qu’ils espèrent, comme la sculpture, éternelles35.
20En 1547, Benedetto Varchi (1503-1565), membre de l’Académie de Florence depuis sa fondation en 1543, donne une conférence sur la querelle de la peinture et de la sculpture. Il reprend les idées de Leon Battista Alberti sur la nature et l’imitation et celles de Léonard de Vinci sur l’universalité et le travail. En s’appuyant sur les réflexions des artistes toscans36, il expose ses arguments en faveur de la peinture et de la sculpture et propose de dépasser cette dispute pour conclure sur la supériorité du dessin posé comme le fondement même des arts.
21À la suite de la demande faite par Benedetto Varchi aux artistes afin d’obtenir leur jugement, Francesco da San Gallo, sculpteur et ingénieur militaire, répond en 1546 que « la peinture a vie brève, le feu, l’eau, la glace la détruisent et la consument tandis que seul le temps, à grande peine, détruit la sculpture37 ». Le sculpteur et orfèvre Benvenuto Cellini insiste sur le fait que « l’on voit que la peinture vit peu d’années alors que la sculpture est quasiment éternelle38 ». Certains artistes dont Jacopo Pontormo reprennent les arguments de Léonard de Vinci et soulignent que l’éternité ne découle pas de l’artiste mais du matériau et qu’ainsi « les carrières de marbre de Carrare participent plus à cette éternité que la valeur de l’art39 ». À partir de ces opinions divergentes, Benedetto Varchi propose une synthèse dans laquelle il répond aux détracteurs de la peinture :
D’abord ils disent que cela ne procède pas de l’art mais du sujet de l’art, ce qui est vrai. Ensuite, ils disent qu’aucune chose sous le ciel n’est éternelle et que les peintures durent des centaines d’années, ce qui leur paraît suffisant ; enfin, ils disent que l’on peut encore peindre sur les marbres et qu’ainsi, elles seront, d’une certaine façon, éternelles, en s’appuyant sur l’exemple de Fra Bastiano et des vers que lui a écrits Molza40.
22L’une des réponses de Benedetto Varchi est donc d’employer la pierre comme substitut de la toile et de rivaliser grâce à ce support avec la sculpture. Cette idée sera développée dans de nombreux traités dont celui de Giorgio Vasari qui constate, à maintes reprises, que « l’on croyait qu’elle [la peinture sur pierre] allait rendre les peintures éternelles puisqu’elles résisteraient au feu comme aux vers » ou encore « la pierre […] ne risque pas les vers comme le bois41 ». Mais, alors que Giorgio Vasari fait parfois preuve de scepticisme quant à la capacité de résistance de la peinture sur pierre, l’enthousiasme semble l’emporter.
23Dans le Riposo, Raffaello Borghini reprend les propos de Benedetto Varchi en écrivant qu’ils « savent faire et font des peintures qui peuvent se défendre autant que les statues des injures du temps comme les peintures sur marbre et les mosaïques42 ». Ces idées sont répétées en 1607 par Federico Zuccaro, artiste-théoricien, dans l’Idea de’pittori, scultori et architetti43. Les nouvelles techniques apparaissent, par conséquent, comme une solution alternative à la toile ou au bois, et la peinture sur cuivre, l’émail ou encore les marqueteries de pierre – commessi44 – sont appelées à rivaliser avec la sculpture : elles aussi peuvent être de longue durée.
24Giovanni della Casa (1503-1556), membre de l’académie florentine, entreprend de rédiger vers 1550, soit peu après le débat ouvert par Benedetto Varchi, un traité sur les arts qui devait s’appuyer sur deux exemples pratiques, une sculpture, disparue, et une peinture exécutées par l’artiste Daniele da Volterra. Il cherche ainsi à donner une réponse à ces divers questionnements. Giorgio Vasari indique ainsi que :
Messire Giovanni della Casa, Florentin de grande culture comme en témoignent ses écrits d’une élégante érudition, avait commencé à rédiger un traité sur la peinture et souhaitait se faire expliquer certains détails techniques par des hommes de l’art. Il demanda à Daniel d’exécuter avec tout le soin possible un modèle d’un merveilleux David en terre, puis le lui fit peindre de face et de dos sur le recto et le verso d’un panneau45.
25Dans le choix de l’artiste et du matériau, Giovanni della Casa affiche la volonté de juger les arguments avancés par les différents partis et de considérer ceux de la durée et de la tridimensionnalité. Daniele da Volterra incarne l’artiste ambivalent qui pratique la peinture et la sculpture – art auquel il s’adonne exclusivement à partir de 1557. Pour l’heure, seule la peinture a été retrouvée et l’utilisation d’une ardoise, peinte sur les deux faces répond aux arguments avancés au préalable (fig. 1)46. En effet, avec cette œuvre, Daniele da Volterra prouve que la peinture concurrence la sculpture. L’emploi du matériau ne peut plus être mis en avant et l’utilisation d’une multiplicité de points de vue ainsi que de tons métalliques, qui rappellent ceux des métaux employés en sculpture, rivalisent avec cet art. Les deux scènes, qui s’appuient sur les dessins préparatoires de Michel-Ange, montrent une grande vitalité et coïncident entre elles, même si certaines modifications sont introduites. Ainsi, Goliath, vu de dos, tient le poignet de David tandis que de face, il lui saisit fermement le bras. Malgré ces différences, Daniele da Volterra, par sa virtuosité, contredit les thèses qui affirment la supériorité de la sculpture du fait du matériau utilisé.
26Cependant, dans ce débat, la peinture sur pierre soulève, dès son avènement, de nombreuses réticences. Certains théoriciens montrent que, quel que soit le support utilisé – toile, mur ou pierre – les problèmes perdurent. Ainsi, le florentin Anton Francesco Doni (1513-1574), installé à Venise, publie en 1549 un ouvrage sur les mérites de la peinture et de la sculpture, Il Disegno, présenté sous forme de dialogue entre un peintre, Paolo Pino et deux sculpteurs, Silvio Cosini et Baccio Bandinelli. Il souligne que les couleurs et les vernis, apposés sur la toile, ne peuvent résister et sont soumis à l’humidité. Il démontre que l’on retrouve le même problème pour la peinture sur pierre. Il écrit ainsi :
La façon de peindre sur pierre est corruptible et éphémère, parce que les pierres sont humides et que leur matériau est si dense que les premières couches, pour autant qu’elles soient épaisses ou fines, n’ont pas la force de pénétrer et de s’incruster dans les dites pierres47.
27Raffaello Borghini présente deux points de vue contradictoires. Il explique dans un premier temps que « les pierres de nos temps, font ressortir de l’humidité et tachent la peinture48 » et conseille dans un deuxième temps de trouver « un moyen de peindre sur les pierres […] parce qu’elles se conserveront plus longtemps49 ».
28Enfin Federico Zuccaro démontre que les problèmes de conservation demeurent, quel que soit le support employé. La difficulté n’est pas liée aux matériaux employés, comme le cuivre ou la pierre, mais à la peinture elle-même. Il précise que
La peinture ne peut, en vérité, avoir vie si longue ; et la fragilité de ses couleurs, assujettie à de simples accidents ne peut résister sur les toiles et les tableaux comme sur les pierres et les murs où elle s’exerce50.
29Malgré ces inconvénients, cette pratique se poursuit durant tout le XVIIe siècle et continue à être appréciée. Elle s’inscrit parfaitement dans la querelle peinture-sculpture, débat qui est relancé lors des funérailles de Michel-Ange, devenant ainsi, jusqu’à la fin du XVIIe siècle un sujet de réflexions et d’écrits artistiques. La peinture sur pierre semble apporter une véritable réponse au problème de la durée. De nombreux artistes montrent que, ses qualités de « conservation » mises à part, la pierre offre également par sa diversité d’autres avantages à l’artiste : la variation des représentations possibles et l’harmonie avec la nature.
30Elle répond alors à un deuxième argument soulevé dans la querelle des arts et inspiré, là encore, des sources antiques : l’universalité.
ART ET NATURE
Celui-ci avait présenté des raisins si heureusement reproduits que les oiseaux vinrent voleter auprès d’eux sur la scène ; mais l’autre présenta un rideau peint avec une telle perfection que Zeuxis, tout gonflé d’orgueil à cause du jugement des oiseaux, demanda qu’on se décidât à enlever le rideau pour montrer la peinture, puis, ayant compris son erreur, il céda la palme à son rival, car, s’il avait personnellement, disait-il, trompé les oiseaux, Parrhasius avait trompé lui, un artiste51.
31Telle est l’anecdote racontée par Pline l’ancien, celle d’une compétition entre deux artistes Zeuxis et Parrhasius dont la victoire revient à celui qui a surpassé, par son imitation, la Nature. C’est cette même conception, l’art comme imitation – sous toutes ses formes – que défend Aristote tandis que Platon condamne, à plusieurs reprises, un art qui ne reposerait que sur l’illusion ou le trompe-l’œil. Si l’imitation est la condition universelle de toute production, elle doit être fidèle, non pas aux apparences, mais à l’essence même des choses52. Et, les réflexions sur les relations art-nature se poursuivent à la Renaissance.
32Lorsque Léonard de Vinci souligne que la peinture doit être conforme à l’objet imité et recommande, afin d’atteindre ce but, de se servir d’un miroir, instrument permettant de mesurer l’exactitude de la représentation, il s’inscrit dans une pensée héritée de l’Antique. L’artiste n’est plus un simple copiste et s’affirme, bien au contraire, comme l’émule de la Nature. La peinture est le reflet de la Nature, certes, mais il l’est d’une nature maîtrisée, connue, objet d’observations. L’œuvre d’art ne doit pas être une reproduction servile mais une création où l’intensité de l’âme de l’artiste baignerait l’entière composition.
33Parallèlement, les références aux théologies chrétiennes – souvent médiévales – enrichissent les discussions. À partir des réflexions de saint Thomas d’Aquin, saint Augustin, Plotin ou Denys l’Aéropagite, la beauté est conçue comme un moyen d’accès majeur à Dieu. Une telle conception trouve une large diffusion auprès des milieux de la Contre-Réforme.
34La peinture sur pierre imagée s’inscrit dans ces débats car elle offre un authentique exemple de connivence entre l’art et la nature. Les pierres, telles que l’agate ou le marbre proposent de multiples images et les peintres se servent de ces motifs afin de mêler création naturelle et artistique. Ces images font elles-mêmes l’objet d’interprétation : aux constatations « humanistes », dont l’intérêt portait à la fois sur la curiosité et sur le rapport entre art et nature, font place des réflexions religieuses où la Nature serait un objet d’émerveillement en tant que manifestation divine. Il est alors possible d’envisager la beauté des pierres dures – selon la pensée de Plotin – comme « l’expression d’une raison intelligible, comprise dans l’Ordre Universel, et rendant compte de l’activité productrice de la Nature53 ».
35À la fin du XVIe et au début du XVIIe siècles ces notions sont étroitement liées et révèlent une attention grandissante pour la nature. Des observations « savantes » d’érudits comme Cassiano dal Pozzo à celles, plus engagées, du jésuite, Athanasius Kircher, toutes s’intéressent aux images – signification, composition – qui se trouvent sur les pierres. Mais, les descriptions permettent aussi d’en confronter les différentes perceptions et d’envisager plus clairement la place de la peinture sur pierre dans le rapport art-nature.
36Cette pratique accompagne l’émergence des Studioli et Wunderkammern54 – cabinets de curiosité qui connaissent un important développement dès le début du XVIe siècle jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Au sein de ces collections, la nature est au centre des préoccupations artistiques et scientifiques. Curiosités et merveilles naturelles viennent peupler ces cabinets. Les collectionneurs accumulent des objets dans le but de rassembler le « macrocosme » en un « microcosme » : monstres, produits exotiques, objets minéraux, végétaux, animaux font l’objet d’attentions particulières. Une très large place est consacrée aux pierres imagées. Parmi celles-ci, l’agate, les marbres, la pietra paesina ou pietra dell’Arno provoquent une certaine admiration. La diversité de ces motifs – paysage, tourbillon, personnages – offre au peintre de multiples variations. Ces pierres imagées sont alors prisées tant des savants que des peintres, des sculpteurs, des architectes. Un tel engouement est démontré par les écrits scientifiques et artistiques qui abordent les rapports art-nature et illusion-imitation. Dès l’Antiquité, Pline l’ancien relate que « n’ayant pas de marbres prêts pour les utiliser pour les murs ou pour les diviser en morceaux, on se décida à les imiter avec de la peinture en reproduisant les taches des pierres les plus rares55 ».
37Les pierres imagées suscitent un vif intérêt : Pline raconte, d’une part, que « comme les coins des ouvriers qui dégageaient le marbre avaient isolé la masse d’un bloc, une image d’un Silène y apparut56 » et que, d’autre part, « Pyrrhus eut, dit-on, l’agate sur laquelle on voyait les neufs muses et Apollon citharède, ce n’était pas un artiste mais la nature qui avait spontanément distribué les taches de telle façon que chaque muse avait ses attributs représentés57 ». À partir de son témoignage, on perçoit comment l’idée d’une proximité art-nature était déjà présente dans l’Antiquité puisque Pline l’ancien incluait dans ses études minéralogiques58 des artifices59.
38Leon Battista Alberti reprend dans le De Pictura (1435) l’anecdote de Pline l’ancien et ajoute « qu’il est d’ailleurs manifeste que la nature même prend plaisir à peindre. Nous la voyons souvent faire dans les marbres des hippocentaures et des visages de rois barbus60 ».
39Au XIIIe siècle, le savant Albert le Grand (entre 1200 et 1206-1280), classe dans son ouvrage, De Mineralibus, plus d’une centaine de pierres et montre que l’on peut trouver trois types de pierres qui comportent des figures, dont celles formées par la nature. Il raconte, qu’étant à Venise,
Un marbre avait été coupé en deux pour décorer les murs de l’église […] il apparut, dans les deux morceaux de marbre, placés l’un à côté de l’autre, une magnifique image d’une tête de roi qui avait une couronne et une longue tête […] cette image avait été faite dans la pierre par la nature61.
40Antonio di Pietro Averlino, dit le Filarete (1400-1469), écrit, après 1458, le Trattato di Architettura, dans lequel il consacre une partie importante aux matériaux et à leur travail et reprend certaines légendes se rattachant aux pierres imagées, dont celle d’Albert le Grand. Il indique toutefois que la figure du doge habillé d’une cape, semble, pour reprendre ses termes, « peinte62 ».
41Léonard de Vinci prise également les pierres naturelles et indique que
Si tu regardes des murs souillés de beaucoup de taches ou faits de pierres multicolores, avec l’idée d’imaginer quelque scène, tu y trouveras l’analogie de paysages au décor de montagnes, rivières, rochers, arbres, plaines, larges vallées et collines de toute sorte. Tu pourras y voir aussi des batailles et des figures aux multiples gestes vifs et d’étranges visages et costumes et une infinité de choses, que tu pourras ramener à une forme nette et complète63.
42Lodovico Dolce (1508-1568), humaniste vénitien, s’adonne à la littérature, aux arts et s’intéresse aux curiosités, notamment aux pierres imagées qui, telles les agates « forment diverses images : nombre d’animaux, de fleurs ou de bois, nombre d’oiseaux et de vraies effigies de Roi64 ». Giovanni Armenini (1503-1609), ayant voyagé dans toute l’Italie, consacre un ouvrage aux techniques artistiques, mettant à jour les « traditions » du XVIe siècle. Dans le chapitre dédié à l’étude des grotesques, il reprend certaines observations émises par Léonard de Vinci65 ; il souligne en effet qu’il est possible de discerner sur les murs des taches « représent[ant] diverses fantaisies et des formes inattendues de figures extravagantes, qui ne sont pas vraiment comme cela mais se créent d’elles-mêmes dans notre intellect66 ». Ce sont ces dernières qui, faisant appel à l’imaginaire, ont, selon Giovanni Armenini, poussé les artistes à rechercher de nouvelles formes d’illusion et les ont amenés, par conséquent, à créer chimères et grotesques.
43En Bohème, l’attrait pour les pierres rencontre le même enthousiasme. Anselme Boece de Boot (?-1634), médecin de l’empereur Rodolphe II reprend la légende de la pierre de Pyrrhus, énoncée par Pline l’Ancien et la complète de maints détails fantasques puisque « les couleurs y étant tellement arrangées non par artifice, mais par hasard, que chaque muse avait les marques pour se faire reconnaître et remarquer de même que si elles y avaient été peintes ». Parmi les agates possédant des artifices, il nomme celle que « Camille Leonard de Pesaro rapporte d’avoir vu, qui représente parfaitement cent arbres plantés dans une plaine » ou encore celle qui comportait « un cercle marqué d’une couleur assez sombre, si parfait qu’on n’en saurait faire un qui le fut plus avec le compas. Au milieu du cercle on y voit l’image d’un Évêque avec sa mitre. Après si on la tourne un peu, on y voit l’image d’un autre. Si on la tourne derechef deux images paraissent à la fois, l’une d’un homme, l’autre d’une femme67 ».
44Tous ces récits montrent que croyances, légendes ancestrales et représentations imaginaires perdurent à la Renaissance et se poursuivent jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Toutefois, certains savants tels Galileo Galilée (1564-1641) ou encore René Descartes (1596-1650) commencent à les remettre en cause et condamnent cette culture du merveilleux, de la curiosité68. Ces jugements restent encore marginaux et les savants, proches des conceptions aristotéliciennes, continuent à avoir le soutien des mécènes les plus importants. Tel est le cas d’Ulisse Aldrovandi (1522-1605) ou d’Athanasius Kircher (1602-1680). Le premier représente parfaitement cette dualité entre tradition et science moderne69. S’il tente de fonder ses réflexions à partir d’observations, il tend, en un même temps, à se reporter aux écrits traditionnels – Aristote, Dioscoride, Albert Le Grand – et aux histoires fabuleuses. Comme la plupart de ses contemporains, « collectionneur-accumulateur », il cherche avant tout à posséder tous les objets que le monde contient ; ce qui lui permet d’étudier les divers processus de la nature par la nomenclature, l’identification et la classification et de porter essentiellement son observation sur les curiosités. Présenté comme un expert des dragons, Ulisse Aldrovandi participe, pour citer Paula Findlen, à « la normalisation du merveilleux » et à « la démystification des croyances ancestrales70 ». Son cabinet de curiosité contient un grand nombre de monstruosités et d’étrangetés dont des pierres imagées. Il consacre treize volumes à l’étude de la nature, dont l’un, Geologia ovvero de Fossilus, publié seulement en 1648 sous le nom Musaeum Metallicum porte sur les minéraux. Dans cet ouvrage, Ulisse Aldrovandi montre un réel talent d’interprétateur, plutôt que d’observateur. Il reprend, en effet, de nombreuses anecdotes tirées de sources antiques ou de traités des XIIe-XIIIe siècles et porte une vive attention aux légendes des pierres imagées. Cette étude, loin d’être dénuée d’intérêt, offre l’avantage de présenter de multiples gravures71. Ulisse Aldrovandi répète les histoires de Pline l’ancien, dont celle du silène et réinterprète certaines de celles-ci dans le but de souligner les « jeux variés de la nature laissés dans le marbre ». Parmi ces pierres, on trouve « l’image d’un morceau de marbre tacheté où parmi les taches et lignes, certaines représentaient l’image d’une tête d’homme et il semblait qu’une tête était recouverte d’un bonnet turc mais ce qui est encore plus étonnant c’est que lorsque l’on retourne la pierre, elle représente un autre visage72 ».
45Il raconte que « Scaliger73 affirme aussi qu’un morceau de marbre avait été enlevé pour recouvrir d’un enduit le mur qui portait la figure d’un vieil homme barbu que tous les observateurs mettaient en rapport avec Paul le premier ermite qui était peint se tenant droit vêtu de nattes de palmier74 » (fig. 2) et illustre d’une gravure cette description. Nombre de ces images dessinées dans les pierres se rattachent à des personnages religieux – phénomène qui est plus perceptible dans les écrits d’Athanasius Kircher – et sont à mettre en rapport avec les conceptions tridentines. Il conte également avoir vu :
Une représentation d’ermite avec une autre image humaine dans le marbre qui a été observée dans le baptistère Saint-Jean à Pise. Sur cette image de l’ermite, la tête est recouverte d’un capuchon à la façon des capucins, une veste longue et la main tendue avec quatre doigts. Au même endroit, on aperçoit une autre représentation d’un homme qui ressemble à un turc, sur la tête duquel apparaît une cloche avec un pilon dessinée avec subtilité par la nature75 (fig. 3).
46Ulisse Aldrovandi entretient des relations avec maints savants avec lesquels les échanges de savoir, d’une part, et d’objets, d’autre part, sont pratique courante : un grand nombre de ses considérations sur les pierres peut découler soit d’ouvrages antérieurs, soit de légendes racontées par d’autres érudits contemporains. Il s’en remet ainsi à l’histoire de Georgius Agricola76 qui « raconte qu’à Constantinople, dans le temple de la sagesse, il y avait deux morceaux de marbre coupé dont les taches de chacun, de couleurs cendres étaient disposées de telle manière qu’elles représentaient l’image entière de saint Jean-Baptiste vêtu d’une peau de chameau sauf un pied que des lignes divergentes ne représentaient pas assez bien77 ».
47Ces rapports avec les autres savants lui permettaient, de se faire reconnaître « socialement et d’obtenir de nouveaux objets », dont une pierre comportant l’image d’un « homme des bois en pied a été vu dans un marbre grec jadis en Vénétie dont Prosper Alpino78, homme très célèbre envoya au très savant Ulysse Aldrovandi une image naturelle79 ».
48Athanasius Kircher reprend, dans son ouvrage Mundus Subterraneus, publié en 1665, de nombreuses anecdotes évoquées par Ulisse Aldrovandi et répète, tout en le complétant, le schéma élaboré par ce dernier dans Musaeum Metallicum. Les pierres imagées sont présentées selon un classement spécifique en fonction des images représentées dont il émerge diverses catégories : figures géométriques, stellaires, végétales, animales, humaines et divines.
49Les considérations scientifiques d’Athanasius Kircher diffèrent quelque peu de celles d’Ulisse Aldrovandi dans le sens où il élargit son champ d’études à des sources écrites plus anciennes. Le contenu de ses recherches est fortement imprégné par un message politique et religieux : la nature transmet des messages, par exemple de rédemption, qu’il faut décrypter. Il ne s’agit plus de classifier la nature mais de comprendre son processus.
50Malgré ces différentes opinions, les objets « merveilleux » jouissent toujours d’une vive attention et notamment les pierres donc l’aspect ambigu – jeux de la nature et intervention divine – est très largement souligné par Athanasius Kircher. Il raconte d’ailleurs que « en ce qui concerne les éléments, la nature les exprime avec une telle exactitude, qu’on les dirait faits par un peintre ; ainsi Carolus Magninus a une pierre d’hématite80 dans laquelle quatre éléments de couleur sont dessinés si artistiquement qu’aucun peintre n’aurait pu le faire mieux et plus exactement81 ». Kircher s’intéresse à toutes les anecdotes sur les pierres imagées. D’ailleurs, lorsqu’il se trouve à Saint Pierre de Rome, dans la chapelle de la Sainte Croix, il remarque « un autel de marbre jaune et moucheté […] sur lequel on découvre des monts et des fleuves, des lacs, des forêts, un ciel peints avec grand art par la nature82 ».
51Toutefois, les anecdotes les plus intéressantes sont celles concernant le règne animal, humain et enfin divin83 (fig. 4-5). Ces dernières méritent une plus grande attention84. Certaines de celles-ci sont accompagnées d’une illustration. Ainsi trouve-t-on dans la sacristie du Collège romain « une colonne de marbre moucheté de blanc et noir sur laquelle la nature a peint un pélican découvrant son poitrail en tournant le cou, dont les ongles des pattes cependant ont été mutilés85 ». Il possède lui-même dans son musée plus de trois cents objets regroupant instruments scientifique et astronomique, cartes géographiques, objets d’émerveillement et de curiosité, comme, par exemple, une queue de sirène ou des pierres comportant des représentations de figures humaines, telle « une agate sur laquelle la nature a peint une héroïne aux cheveux bouclés et à la poitrine marquée d’une ceinture » ou encore « des hommes vêtus du pallium86 », à Saint-Pierre, « un marbre sur lequel un homme chevauche un dragon87 ». Parmi les représentations divines, on trouve celles racontées par Brocardus88 ou par Ambrosinus89. Ce dernier se réfère, entre autres, aux observations émises par Ulisse Aldrovandi, et s’intéresse aux représentations de saints. On rencontre notamment :
La figure de la maternité de la Vierge Marie et des Anges : en ce qui concerne la Vierge Marie, on la distingue imprimée par la nature sur des marbres, dans de nombreux endroits et régions. Il y a ici à Rome, dans la chapelle de la sainte Vierge, à droite en entrant dans la Basilique de Saint-Pierre, à côté de l’orgue, une image remarquable sur laquelle la sainte Vierge Lauretana est peinte par la nature avec tant d’art qu’on la dirait tracée par la main d’un artiste ; elle est vêtue d’un habit avec une triple ceinture bien distincte, elle tient dans ses bras l’enfant dont la couronne est visible ainsi que celle de sa mère90.
52Ces figures sont fournies par les motifs variés des agates, albâtres ou marbres mais Kircher mentionne aussi des silex et schistes91 comportant diverses figures dont « une effigie du Pontife romain barbu portant la triple couronne en tête […], et en outre la Vierge portant l’Enfant dans ses bras ». Enfin, Athanasius Kircher arrête ses considérations par
Le sommet de tout, la représentation du Christ […] c’est selon Ambrosinus, observateur curieux de ces phénomènes, à Ticinus, Pavie pour le vulgaire, dans le couvent des Chartreux, situé à cinq miles de la ville qu’un jour, la nature a peint élégamment dans le marbre l’image du Christ notre sauveur, sur la croix, sans oublier la couronne d’épines. À Venise, une figure du Christ en croix apparaît aussi dans le marbre, selon le même témoin, dans l’église de Saint-Georges-Majeur92.
53Si les artistes et savants sont épris par ces merveilles, les mécènes – princes, érudits et amateurs d’art – cherchent également à posséder pierres et peintures sur pierre.
54Le studiolo de Lodovico Moscardo (1611-1681) noble véronais comportait une pierre de croix, c’est-à-dire une pierre de couleur cendre avec une grande croix noire, « générée par la nature, non sans grand mystère et signée de l’emblème miraculeux de la croix93 ».
55On sait également, d’après la description effectuée par Lorenzo Legati du musée du marquis Ferdinand Cospi (1606-1685)94, que celui-ci possédait « d’autres effigies de tête humaine dont celle d’un vieillard peint par la nature sur un morceau de marbre95 ». Giulio Mancini déclare que l’on voit « des peintures faites par la nature sur les pierres d’albâtre ou dendritiques, comme l’on peut en voir à San Marco à Venise et à Jérusalem96 ».
56Mais les collections les plus intéressantes relèvent des cabinets de curiosité où catégories naturelles, artificielles et merveilleuses sont largement représentées. Pour des érudits comme Ulisse Aldrovandi ou Athanasius Kircher, il n’a pas été possible de déterminer s’ils possédaient ou non des peintures et des objets d’art. En revanche, les collections de personnalités comme Cassiano dal Pozzo (1588-1657) ou Manfredo Settala (1600-1680) comportent aussi bien des pierres imagées que des peintures sur pierre. Dès 1621, Cassiano dal Pozzo, installé à Rome depuis 1612, accède à l’Accademia dei Lincei97 et entre en contact avec de nombreux savants dont Ferrante Imperato. Entre 1630 et 1637, la correspondance de Cassiano dal Pozzo témoigne de son intérêt pour les minéraux. Dans son Museo cartaceo, dédié à l’observation et la représentation des arts et des sciences comme la botanique, la zoologie, la géologie ou l’archéologie, Cassiano dal Pozzo fait appel aux savants et artistes pour répertorier et illustrer – entre autres – les pierres dures98.
57Parallèlement, l’érudit milanais Manfredo Settala joue un rôle tout aussi important dans la collection de minéraux ou autres objets naturels99. L’inventaire dressé par Paolo Maria Terzago en 1666 comporte une grande diversité de peintures sur pierre mais aussi de pierres – dont la prépondérance est accordée à la pierre paysagère. Aussi rencontre-t-on autant de tableaux peints sur lapis-lazuli par Giovanni Battista del Sole que « des pierres peintes par le pinceau de la Nature100 » ou une « pierre longue d’environ une brasse sur laquelle la nature démontre être une brillante architecte ayant admirablement peint une grande ville avec en son centre une haute tour101 ».
58La présence de tels tableaux dans les collections s’explique par le goût des collectionneurs pour la curiosité puisque les œuvres confondent peinture et supports. L’artiste complète ce qui a déjà été proposé par la pierre et l’on peut alors parler, pour reprendre les termes d’Adalgisa Lugli, d’œuvres « exécutées à deux mains102 ».
59Francisco Pacheco s’appuie à la fois sur le texte de Vasari et sur son expérience personnelle pour décrire, en se référant aux deux œuvres qu’il a effectuées pour le collège de San Hermengildo à Séville, la manière de peindre et pour souligner la complémentarité technique-matériau. Il présente que
Les Italiens ont nouvellement peint sur diverses pierres des histoires et des figures, gardant les taches naturelles, les unes qui semblent être des éclats et nuages, les autres des montagnes, des monts et de l’eau, adaptant l’histoire ou la figure pour profiter de la peinture naturelle des pierres103.
60Il conseille également d’unir la scène « avec les taches et l’histoire et peinture de la pierre. Perds-la avec l’imitation des couleurs de la même pierre104 ».
61Ces témoignages révèlent une nouvelle sensibilité accordée au monde environnant et à sa lecture. L’approche de la réalité en est inévitablement transformée105. Avec la peinture sur pierre, où commence l’artifice, où s’arrête le merveilleux ? Cette technique est appréciée pour les possibilités de jeu entre matériau et virtuosité106. Si la pierre est manipulée par l’homme, elle l’oblige également à composer avec elle et par conséquent à s’adapter à ses motifs. Ainsi, Sigismondo Laire, artiste nordique documenté à Rome dès 1592 et qui peignait selon Giovanni Balgione « sur des pierres diverses comme le lapis-lazuli, les agates, les émeraudes107 », révèle une admirable maîtrise et une grande créativité dans l’élaboration d’un reliquaire qui comporte deux scènes peintes, en recto-verso, l’Annonciation et la Résurrection, sur albâtre (fig. 6-7)108. Chaque cercle, dessiné par les veines de la pierre, délimite le sujet. Impossible, sans nul doute, de franchir les sphères célestes des terrestres. Dans la première scène, la Vierge, tournée vers l’ange Gabriel demeure extérieure à ce monde puisqu’en dehors des cercles dessinés par la pierre. Cette partie est elle-même fortement organisée et hiérarchisée : Dieu le père et l’Esprit saint aux angles s’inscrivent dans un cercle plus clair et se démarquent par conséquent des angelots qui les entourent (cf. fig. 8 cahier couleur). Face à une prépondérance d’ornements et de figures, les veines et les couleurs de la pierre isolent et mettent en valeur les personnages principaux du récit. La Résurrection présente une semblable organisation avec le Christ semblant jaillir des tréfonds de la pierre, les soldats apposés en dehors des motifs et les anges disposés le long des sinuosités décrites par la pierre. Là un ange musicien installé sur le nuage. Ici, un ange tendant, avec compassion, la palme du martyre. Tout, dans ces compositions, reflète une parfaite virtuosité dans l’art de mêler peinture et support.
62Dans ce monde complexe, la peinture sur pierre trouve alors sa place dans les Wunderkammern, à proximité des règnes animal, végétal ou minéral. Émerveillement et imaginaire sont suscités par les pierres imagées : outre les récits sur les pierres comportant tel ou tel personnage, les artistes montrent une sensibilité identique. Le dessin attribué à l’entourage d’Annibale Carrache, Paysage avec une roche anthropomorphe109, présente une pierre qui évoque le Torse du Belvédère. Cette ambivalence matériau-objet se retrouve dans de nombreuses productions et n’est pas seulement l’apanage des Italiens. Josse de Momper également peint des paysages anthropomorphes, dont certains rappellent les caricatures de Léonard de Vinci et semblent répondre aux assemblages et imbrications des peintures d’Arcimboldo110. Les dessins de Jacques II de Gheyn, dont Roche couverte par des plantes formant des têtes grotesques s’accordent avec les légendes et histoires portant sur les pierres imagées puisqu’apparaissent des têtes humaines et autres « bizarreries » par le biais des motifs végétaux et minéraux111.
63À la fin du XVe siècle, les Vénitiens, passionnés par le marbre veiné, remettent en pratique une technique existant déjà dans l’Antiquité et permettant de l’imiter : le millefiori, qui consiste à introduire dans du verre transparent des fragments de filaments multicolores112. Ils inventent dans un même temps de nouvelles pâtes de verres, pouvant ainsi obtenir des vases, coupes, gobelets qui reprennent les motifs de certaines pierres telle la calcédoine. Marc Antonio Sabellico113 constate d’ailleurs « qu’aucun type de pierre précieuse n’existe qui n’ait été imitée par l’art du verre, en compétition aimable entre homme et nature114 ». Cette même compétition, cette dualité art-nature apparaît dans les œuvres des Carrache. En effet, la peinture sur albâtre représentant la Vierge et l’enfant avec Saint François (fig. 9), attribuée à Antonio Carrache, joue pleinement avec les veines fournies par la pierre115. La Vierge, tenant sur ses genoux l’enfant Jésus, est assise sur une sorte de nuage, représentation proposée par la pierre. L’ensemble de la scène s’inscrit parfaitement dans les motifs créés par le naturel.
64On trouve à la Pinacoteca Capitolina une variation exécutée d’après l’œuvre d’Antonio Carrache qui est peinte non plus sur albâtre mais sur cuivre116. Elle retranscrit avec une grande exactitude les mouvements, les ondulations proposées par l’albâtre : quelles étaient les intentions de l’artiste ? S’agissait-il d’une simple copie ? Cherchait-il à souligner son habileté en imitant avec finesse la nature ? Voulait-il au contraire montrer l’artifice des pierres imagées ? L’usage de tels supports ne semble pas anodin et il paraît plausible que ces œuvres aient eu pour but de montrer tant le génie du peintre que la beauté du support. Ces tableaux correspondent à une approche du vrai, une retranscription fidèle, voire même à une peinture en trompe l’œil.
65Les pierres comportant de nombreux dessins et motifs permettaient à l’artiste de mêler artifice et réalité et devenaient même, dans certains cas, une œuvre d’art à part entière. Pour reprendre les propos de Mancini « cette sorte de peinture [la pierre imagée] n’a rien d’autre de particulier que le jeu de la nature démontrant qu’étant elle-même un exemplaire des arts, elle s’est faite imitatrice117 ».
66Science et art sont donc inextricablement liés et expliquent que l’on puisse trouver des études « minéralogiques118 » tant dans les ouvrages artistiques que savants.
67L’intérêt porté aux pierres ne relève pas exclusivement de la curiosité et les observations d’ordre technique sont aussi importantes pour pouvoir employer les pierres en architecture ou en sculpture.
68Au XVIe siècle, les traités qui abordent la « minéralogie » abondent : Agostino del Riccio moine dominicain, rédige vers 1597, un ouvrage, Istoria delle Pietre, sur les différents minéraux extraits en Italie. Il s’intéresse autant à leur forme, à leur couleur qu’à leur dureté ou à leur localisation119. Toutefois, les descriptions des pierres ne sont pas exemptes de références aux traités médiévaux120 et aux croyances ancestrales qui confèrent à chaque pierre une vertu. Giorgio Vasari s’appuie également sur ces divers registres pour présenter les pierres utilisées en sculpture ou en architecture, en Toscane, du marbre à l’albâtre en passant par le travertin. Même si les observations se font de plus en plus pragmatiques et les écrits successifs comme ceux de Vincenzo Scamozzi121, en 1615, ou de Filippo Baldinucci (1625-1697) en 1681, ne retiennent des écrits précédents que les caractères « savant » et technique122, leurs considérations sont encore loin d’être purement géologiques. D’ailleurs, Henri Guédy relate que les anciens appelaient « marbre » toutes sortes de roches comme les porphyres, granits, jaspes et albâtres susceptibles de recevoir un poli, faisant référence, en cela, à l’étymologie du terme grec, « marmarien », signifiant reluire, briller123. L’étude des inventaires des collections des XVIe et XVIIe siècles atteste de ces nombreuses inexactitudes qui rendent souvent difficiles l’identification du matériau employé. Pour autant, ces ouvrages offrent au lecteur la possibilité de comprendre quelles carrières étaient exploitées, quelles pierres étaient prisées, employées et fournissent des informations sur la préparation nécessaire à de semblables supports.
Notes de bas de page
1 « Dovete sapere che Sebastianello nostro Venetiano ha trovato un secreto di pingere in marmo a olio bellissimo, il quale farà la pittura poco meno che eterna. I colori subito che sono asciutti, si uniscono col marmo di maniera quasi impietriscono, et ha fatto ogni prova et è durevole », Bembo Pietro dans Delle Lettere da diversi Re, et Principi, et Cardinali, et altri huomini dotti a Mons. Pietro Bembo scritte, Venise, Sansovino, 1560, p. 110. La lettre a été publiée par Chiarini Marco, « Pittura su pietra », Antichità Viva, no 9, 1970, p. 29.
2 La paternité de l’ouvrage pose un certain nombre de problèmes et il n’est pas certain qu’Heraclius en soit l’auteur. Dans ce traité, l’auteur aborde différentes techniques artistiques comme la peinture, l’art de sculpter le verre ou de peindre à l’huile sur verre. L’ouvrage a été transcrit au XVe siècle par Jehan Le Begue et publié par Merrifield Mary, Original treatises on the art of painting, Londres, Murray, 1849, édition consultée, Dover, New York publications, 1967, p. 262. Voir également p. 231 : « Si vis aliquam columnam vel laminam de petra pingere, imprimus optime ad solem vel ad ignem siccare permittes. »
3 Cennini Cennino, Il Libro del Arte, XVe siècle, édition consultée, traduction Colette Deroche, Paris, Berger-Levrault, 1991, p. 181.
4 Cennini, XVe siècle, (1991), p. 187. Il s’agit d’apposer un enduit sur le support avant de pouvoir travailler dessus.
5 « Aveva cominciato un novo modo di colorire in pietra : la qual novità piaceva molto a’popoli, considerando che tali pitture diventassero eterne ; cosi dette da Fra Sebastiano, che ne il fuoco o tarli gli potessero nuocere. E cosi infinite cose cominciò in queste pietre, le quali faceva ricignere di ornamenti di altre pietre mischie belle, le quali lustrandole, erano una maraviglia », Vasari, 1550, p. 901.
6 « Condusse con gran fatica al Patriarcha d’Aquilea un Christo che porta la croce, dipinto nella pietra dal mezo in su, che fu cosa molta lodata : avvenga che Sebastiano le mani & le teste mirabilmente faceva. Era venuta in questo tempo in Roma la nipote del Papa, che ora è Regina di Francia, fra Sebastiano la cominciò a ritrarre, & quella non fini ; la quale è rimasa nella guardaroba del Papa », Vasari, 1550, p. 901. Ces différentes œuvres sont étudiées dans la deuxième partie. Dans l’édition de 1568, Giorgio Vasari mentionne un portrait sur pierre de Piero Gonzaga : « Ritrasse anche di naturale il signor Piero Gonzaga in una pietra, colorito a olio, che fu un bellissimo ritratto, ma penò tre anni a finirlo », Vasari, 1568, p. 345. C’est là la seule différence entre cette édition et celle de 1550.
7 Sebastiano del Piombo, Portrait de Paul III et son neveu Octave, huile sur ardoise, 103,5 cm x 89 cm, Parme, Pinacoteca Nazionale, inventaire 302.
8 Sebastiano del Piombo, Baccio Valori, huile sur ardoise, 78 cm x 66 cm, Florence, Palazzo Pitti, inventaire 409.
9 Sebastiano del Piombo, Clément VII, huile sur ardoise, 50 cm x 47 cm, Naples, Museo di Capodimonte, inventaire 141.
10 Sebastiano del Piombo, Clément VII, huile sur ardoise, 105,5 cm x 87,5 cm, Los Angeles, J. Paul Getty Museum, inventaire 92 PG 25.
11 Titien, Vierge de douleur, huile sur ardoise, 68 cm x 53 cm, inventaire 444/Ecce Homo, huile sur ardoise, 69 cm x 56 cm, Madrid, Museo del Prado, inventaire 437.
12 Francesco Salviati, Portrait d’un sculpteur, huile sur ardoise, 68 cm x 52 cm, Montpellier, musée Fabre, inventaire 837.1.81.
13 Giorgio Vasari ne fait aucun cas des portraits peints sur pierre par Daniele da Volterra et lorsqu’il mentionne la peinture représentant David et Goliath – Fontainebleau – il indique qu’elle est peinte non pas sur pierre mais sur panneau.
14 Rouchette Jean, La Renaissance que nous a léguée Vasari, Paris, Les Belles lettres, 1959.
15 Le Baptême du Christ, est un projet élaboré par Daniele da Volterra mais exécuté par son assistant, Michele Alberti, vers 1550. Nous connaissons diverses études préparatoires de Daniele da Volterra dont un Homme se dévêtant, pierre noire sur papier beige, 420 mm x 300 mm, musée du Louvre, Département des Arts graphiques, inventaire 1497.
16 L’introduction est divisée en trois parties : l’Architecture, la Sculpture et la Peinture. Chacune de ses disciplines est amplement étudiée par Giorgio Vasari.
17 « Ricordo, come a di 4 di Giugnio 1544 […] et la Laura Romana un suo ritratto in pietra, lavorati a olio », Frey Karl, Der Literarische Nachlass Giorgio Vasaris, Munich, Georg Müller, 1930, vol. 2, p. 861.
18 Edmund Pillsbury a mis en rapport la description « Ricordo, come si mandò a di 9. di Gennaio a Napoli al Rosso, maestro di casa di messer Tomaso Canbi, un quadro in pietra, quando Cristo amaestra Marta e Madalena » – publié par Frey, 1930, vol. 2, p. 864 – avec le tableau de la collection du marquis de Bristol. Giorgio Vasari, attribué à, Le Christ dans la maison de Marie et Marthe, huile sur ardoise, 27,6 cm x 35,5 cm, collection du marquis de Bristol, Icworth, Bury st Edmunds. Voir Pillsbury Edmund, « Three unpublished paintings by Giorgio Vasari », The Burlington Magazine, vol. CXII, février 1970, p. 94-100.
19 « Ricordo, come si fecie un quadretto in pietra, dentrovi la nativita di cristo, qual donai a madonna Costanza de Medici, moglie del conte Ugo et figliola di messer Ottaviano de Medici », Frey, 1930, p. 871.
20 « Ricordo, come a di 15 di dicenbre io tornai a Arezzo, partendomi di Roma dal servitio di Papa Julio 3, per venire a star col duca Cosimo de Medici a Fiorenza. Et mi fermai in Arezzo dove io abbozzai molti quadri et fini questi : all arcivescovo di Pisa messer Honofrio Bartolini gli feci una testa di cristo in pietra, che pagò Δ undici », Frey, 1930, p. 881.
21 Giorgio Vasari, Persée délivrant Andromède, huile sur ardoise, 151 cm x 109 cm, Florence, Palazzo Vecchio.
22 Bernardo Vecchietti (1514-1590), collectionneur, poursuit la tradition artistique établit par son père, Giovanni di Bernardo Vecchietti en soutenant financièrement le sculpteur Jean de Bologne. Il commence sa carrière de diplomate sous Cosme I de Médicis et joue un rôle de conseiller artistique pour François I de Médicis qui le nomme alors sénateur.
23 « Trovò un nuovo modo di dipignere sopra le pietre, e di fargli li ornamenti di pietre mistie, perchè più lungamente si conservassero ; e in questo modo fece sopra una pietra Christo morto, e la Nostra Donna per lo Signor Ferrante Gonzaga, che fu tenuta opera bellissima, e gli fu pagata cinquecento scudi », Borghini Raffaello, Il Riposo, Florence, Giorgio Marescotti, 1584, édition consultée Milan, Labor, 1967, p. 453.
24 « Quel del paragone è colorito a olio che le fa l’ombra la superficie dove è dipinta ; quella del alabastro si redurrà in parte alla tarsia naturale, aggiuntovi un puo’di pittura artificiale. Questo medessimo si deve dire delle pitture fatte nelle pietre arboree, delle quali se ne trova copia in Toscana, e di la è venuta questa prima origine », Mancini Giulio, Considerazioni sulla pittura, 1614-1620, édition consultée Adriana Marucchi, edizione critica e introduzione, Lionello Venturi, presentazione, Rome, Academia nazionale dei Lincei, 1956, p. 21.
25 « Y aun dicen que hay personas señaladas en Roma a quien se llevan y les pagan […] y cuando están pintadas de buena mano y ben elegidas las historias parecen muy bien y son muy estimadas », Pacheco Francisco, Arte de la pintura, su antiguedad y grandezas…, 1638, édition consultée, introduccion y notas, Bonaventura Bassagoda i Hugas, Madrid, Catedra, 1990, p. 490-491.
26 Quelques références sur le parallèle des Arts et plus généralement le rapport art/littérature : Panofsky Erwin, Galileo as a critic of the arts, La Haye, Martinus Nijhoff, 1954, édition consultée, traduction Nathalie Heinich, Galilée, critique d’art, Paris, les Impressions nouvelles, 2001 ; Barocchi Paola, Trattati d’arte del Cinquecento fra Manierismo e Controriforma, Bari, Laterza, 1960-1962 ; Barocchi Paola, Scritti d’arte del Cinquecento, Milan, Riccardo Ricciardi, 1971-1977, 3 vol. ; Fallay d’Este Laurianne, Bauer Nathalie, Le Paragone, le parallèle des Arts, Paris, Klincksieck, 1992.
27 La Barbera Simonetta, Il Paragone delle arti nella teoria artistica del Cinquecento, [s. l.], Cafaro, 1997, p. 8. Le discours que Dion Chrysostome (40-120 apr. J.-C), fait prononcer à Phidias est reproduit par : Settis Salvator, « Iconografia dell’arte italiana, 1100-1500 : una linea », p. 266, dans, Storia dellArte Italiana, Turin, Union Tip. Ed. Torinese, 1979. Panofsky, 1954, (2001), p. 20 – relève que Phidias revendique le « pouvoir du symbole » et la capacité de produire « ce qui ne peut se comparer à aucun mortel ».
28 Chastel André, Marsile Ficin et l’Art, Genève, Droz, 1954, édition consultée, Jean Wirth, préface, Genève, Droz, 1996, p. 69.
29 Chastel, 1954, (1996), p. 69.
30 Ibid., d’après Ficin, Opera, in-f°, Bâle, 1576, vol. II, 1537, Ep. XI, p. 244, lettre du 13 septembre 1492. Passage également cité par Garin Eugenio, Il Rinascimento Italiano, Milan, Istituto per gli Studi politici internazionale, 1941, p. 98.
31 Vinci (de) Léonard, Traité de la peinture, XVIe siècle, traduction et présentation André Chastel, Paris, Clan des libraires, 1960, p. 90. André Chastel souligne la sentence de Simondie transmise par Plutarque : « la peinture est une poésie muette et la poésie est une peinture parlante ».
32 Le débat sur la mimésis, soit le rapport entre art et nature, étudié ultérieurement, est tout aussi important pour comprendre le développement de la peinture sur pierre.
33 Barocchi, 1971-1977, 3 vol.
34 Vinci (de), XVIe siècle, (1960), p. 43.
35 Ces différentes inventions montrent que la conservation devient un véritable sujet de préoccupation auquel on tente de répondre par de nouvelles techniques, telle la peinture sur cuivre qui connaît un développement tout aussi important que la peinture sur pierre.
36 Benedetto Varchi décide de faire appel aux jugements des peintres et sculpteurs afin de pouvoir se prononcer sur la dispute des arts.
37 « La pittura il tempo brieve, il foco, l’acqua, il ghiaccio la ruina e consuma e risolve, la scultura con gran fatica solo il tempo la spegne », lettre de Francesco da San Gallo publiée par Barocchi, 1971-1977, p. 516.
38 « Si vede che una pittura vive molti pochi anni, e quella di scultura è quasi eterna », Benvenuto Cellini, Sopra la defenza nota tra gli scultori e pittori circa il luogo, Florence, 1546, publié par Barocchi, 1971-1977, p. 596. Benvenuto Cellini avait organisé sa réponse sous forme de sonnet.
39 « Ma di questa eternità ne participa più le cave de’marmi di Carrara che la virtù dello artefice », réponse de Jacopo Pontormo, publiée par, Barocchi, 1971-1977, p. 506. Cette réflexion est reprise dans une lettre de Galileo Galilée adressée à Lodovico Cigoli : « L’argument de l’éternité, ensuite ne vaut rien : car ce n’est pas la sculpture qui rend les marbres éternels, mais ce sont les marbres qui rendent éternelles les sculptures. Et ce privilège ne leur appartient pas plus qu’à un rude rocher, mais, peut-être sculpture et peinture sont-elles pareillement destinées à périr », publiée par Fallay D’Este et Bauer, 1992, p. 228.
40 « Prima dicono questo non venire dall’arte, ma dal subbietto dell’arte, il che è verissimo ; secondariamente dicono che niuna cosa sotto il cielo è perpetua e che le pitture durano centinaia d’anni, il che pare loro che baste ; nel terzo luogo dicono che si può dipignere ancora nei marmi, e cosi saranno eterne a un modo, allegando l’esempio di fra’Bastiano e quegli versi di Molza a lui », publié par Barocchi, 1971-1977, p. 532. L’auteur fait référence à l’humaniste Francesco Maria Molza (1489-1554) qui écrit une poésie sur le Portrait de Giulia Gonzaga exécuté sur ardoise par Sebastiano del Piombo.
41 Vasari, 1550, p. 216. Cette idée est plusieurs fois reprise par Giorgio Vasari.
42 « Possono fare e fanno delle pitture che non meno delle ingiurie del tempo si difendono che le statue, come le pitture nel marmo, et i musaici », Borghini, 1584, (1976), p. 36.
43 Federico Zuccaro s’implique aussi dans ce débat et démontre que la sculpture dure plus longtemps car elle est réalisée avec des matériaux comme le bronze et le marbre. Il souligne que la peinture pourrait connaître une « destinée » similaire si de tels matériaux étaient employés et indique que certaines peintures antiques comme celles de Zeuxis ont connu une renommée sans précédent qui pouvait rivaliser avec la sculpture. Toutefois, Federico Zuccaro précise que la peinture est toujours plus fragile que la sculpture.
44 Dans Considerazioni sulla pittura, écrit entre 1614 et 1620, Giulio Mancini consacre une place importante au travail des pierres dures. Dans son ouvrage, il est souvent difficile de dissocier la pittura su pietra et la pittura di pietra, la première formulation étant quelque fois utilisée pour désigner la pittura di pietra. Le problème est similaire lorsque les œuvres sont décrites avec les termes pittura in pietra. Outre les témoignages écrits, certaines œuvres confortent le fait que la pierre est employée dans le but de rendre la peinture éternelle. En effet, l’œuvre de Bartolomeo Schedoni, la Vierge à l’enfant, sur ardoise – présentée lors de l’exposition – Milan, 2000-2001, no 45, p. 88 – semble répondre au problème de conservation. L’auteur a recouvert intégralement le support de peinture et l’on peut penser que le but recherché n’est pas d’obtenir des effets de clair obscur mais plutôt de permettre une meilleure conservation.
45 « Avendo monsignor messer Giovanni della Casa, fiorentino et huomo dottissimo […] cominciato a scrivere un trattato delle cose di pittura, e volendo chiarirsi d’alcune minuzie particolari da gl’huomini della professione, fece fare a Daniello, con tutta quella diligenza che fu possibile, il modello d’un David di terra finito ; e dopo gli fece dipignere overo ritrarre in un quadro il medesimo David, che è bellissimo, da tutte due le bande, cioè il dinanzi et il di dietro », Vasari, 1568, p. 545.
46 Daniele da Volterra, David tuant Goliath, huile sur ardoise, 133 cm x 177 cm, musée du Louvre, inventaire 566, F 2945 C.
47 « Bisogna ancora che’l modo del colorire in pietra sia corruttibile e transitorio, perché le pietre sono umide, e tanto è in loro di corpo denso, che le prime misture, per grosse e sottili che le sieno, non hanno alcuna forza di penetrare et unirsi con dette pietre », Anton Francesco Doni, Il Disegno, 1549, publié par Barocchi, 1971-1977, p. 582. On constate que dans la querelle de la primauté des arts, Léonard de Vinci avait également montré que le marbre et les pierres en général ne pouvaient résister à l’humidité et que seul le bronze avait la capacité de durer.
48 « Le pietre a tempi nostri mandano fuore dell’humidità, e macchiano la pittura », Borghini, 1584, (1967), p. 175.
49 « Un modo dipigner sopra le pietre […] perche piu lungamente si conservassero », Borghini, 1584, (1967), p. 440. Dans cette affirmation, il semblerait que, pour Raffaello Borghini la technique de la peinture sur pierre n’est pas satisfaisante et qu’elle mériterait un perfectionnement afin d’obtenir une meilleure conservation de l’œuvre d’art. Hormis le problème lié à la conservation, d’autres inconvénients surgissent, notamment celui du transport. Giorgio souligne effectivement que : « Ma finite non si potevano ne le pitture, ne l’ornamento per il peso movere », Vasari, 1550, p. 902.
50 Zuccaro Federico, L’Idea de’Pittori, scultori et architetti del Cavalier Federico Zuccaro…, Turin, A. Disserolio, 1607. Voir la traduction de Fallay d’Esté, Bauer, 1992, p. 222.
51 Pline l’ancien, (1985), livre XXXV, p. 65.
52 Sur le thème de la mimésis, du rapport Art et nature – en prenant en compte les livres cités lors du chapitre précédent – voir Lamblin Bernard, Art et Nature, Librairie philosophique J. Vrin, 1979 et éventuellement Farago France, L’Art, Paris, Armand Colin, 1998.
53 Propos repris de Farago, 1998, p. 38.
54 Sur le sujet des cabinets de curiosité on pourra se référer, entre autres, aux ouvrages de Schlosser Julius, Die Kunst-und-Wunderkammern der Spätrenaissance, Leipzig, Klinkhardt und Biermann, 1908, éd. consultée 1974 ; Lugli Adagilsa, Naturalia et Mirabilia. Il collezionismo enciclopedico nelle Wunderkammern d’Europa, Milan, G. Mazzotta, 1983, éd. consultée 1998; Findlen Paula, Possessing Nature. Museums, Collecting and Scientific Culture in early modern Italy, Berkeley-Los Angeles-London, 1994; Lugli Adalgisa, introduction Pomian Krysztof, Wunderkammer: la stanza delle meraviglie, Milan, Umberto Allemandi & C., 1997.
55 Pline l’ancien, (1981), livre XXXVI, p. 53.
56 Ibid.
57 Ibid., p. 35-36.
58 Livres XXXVI et XXXVVII.
59 Le contraire est également vrai puisque le livre XXXV portant sur les Arts contient également des réflexions sur les matériaux employés, dont les marbres.
60 Alberti Leon Battista, De Pictura, 1435, d’après Jean-Louis Schefer (dir.), introduction de Sylvie Deswarte-Rosa, Paris, Macula, 1992, p. 143.
61 Le Grand Albert, De Mineralibus…, XIIIe siècle, traduction D. Wyckoff, Book of minerals, Oxford, Clarendon Press, 1967, p. 127-128.
62 « E li vedrai proprio una figura che dirai : ell’è dipinta ! Ed è in forma di romito colla barba e col ciliccio, e sta colle mani che pare che adori », Averlino Antonio dit le Filarete, Trattato di architettura, après 1450, édition consultée Anna Maria Finoli, Liliana Grassi, Milan, Il Polifilo, 1972, p. 74.
63 Extrait de Léonard de Vinci, édition consultée, 1960, p. 332.
64 « Formano diverse imagini : quando diverse ferie, fiori, o boschi, quando ucelli, e vere effigie di Re », Dolce Lodovico, Libri tre ne quali si tratta delle diverse sorte delle gemme che produce la natura, della qualità, grandezza, bellezza e virtù loro, Venise, Giovanni Battista, Marchio Sessa e Fratelli, 1615, p. 29. Il cite aussi l’anecdote de l’agate de Pyrrhus racontée par Pline l’Ancien et mentionnée dans de nombreux écrits, dont ceux d’Alberti. Les agates ou albâtres ont suscité de nombreux commentaires. Vincenzo Scamozzi reprend les constatations de Lodovico Dolce puisque « Si discernono per scherzo della natura, fiumi, laghi, mari ondeggianti e scogli e talhor con molte sorti di pesci, e navili, prati verdeggianti, arbori con foglie, fiori e frutti e monti sassossi… », Scamozzi Vincenzo, L’idea della architettura universale, Venise, Expensis auctoris, 1615, p. 196.
65 Il n’est toutefois pas certain qu’il ait lu Le Traité de la peinture de Léonard de Vinci qui n’était que peu diffusé à cette époque.
66 « Nelle qual macchie […] vi si rappresentano diverse fantasie e nuove forme di cose stravaganti, le quali non è che siano cosi in quelle, ma si creano da sé nell’intelletto nostro », Armenini Giovanni, De’ veri precetti della pittura, Ravenne, Francesco Tebaldini, 1586, édition consultée, Mariana Gorreri (dir.), Turin, Giulio Einaudi, 1988, chap. 11, p. 220.
67 Boece de Boodt Anselme, Gemmarum et lapidum historia, Hanovre, typis Wechelianis apud Claudium Marnium & heredes Ioannis Aubrii, 1609, édition consultée, Le Parfait joaillier ou histoire des pierreries ou sont amplement décrites leur naissance, juste prix, moyen de la connaître…, traduction André Toll, Lyon, Antoine Huguetan, 1644, p. 313-314.
68 Le passage publié par Erwin Panofsky est représentatif de la condamnation par Galilée du goût pour la curiosité. Il écrit ainsi : « pénétrer dans le cabinet de quelque petit amateur de curiosités qui se serait plu à l’emplir d’objets, qui, par leur âge ou leur rareté ou pour toute autre raison, auraient bien quelque bizarrerie, mais qui ne seraient en fait que de petites choses avec, par exemple, disons un crabe fossilisé, un caméléon desséché, une mouche et une araignée gélatinées dans un morceau d’ambre… », dans Panofsky, 1954, (2001), p. 51.
69 Sur Ulisse Aldrovandi, quelques références : Legati Lorenzo, Museo Cospiano annesso a quello del famoso Ulisse Aldrovandi e donato alla sua patria dall’illustrissimo Signor Ferdinando Cospi…, Bologne, Monti, 1677 ; Olmi Giuseppe, Ulisse Aldrovandi : scienza e natura nel secondo Cinquecento, Trento, Università degli studi di Trento, 1965 ; Simili Rafaella, Beretta Marco (dir.), Il Teatro della natura di Ulisse Aldrovandi, catalogue d’exposition, Bologne, 2001.
70 Findlen, 1994, p. 21.
71 Pour les reproductions de pierres imagées, voir l’ouvrage : Baltrusaïtis Jurgis, 1957.
72 « Iconem fragmenti Marmoris maculosi, ubi inter alias maculas, et lineamenta, quaedam iconem humani capitis exprimebant, et caput pileo turcico tectum esse videbatur, sed quod magis admirandum est, quando haec effigies invertitur, aliam faciem, vertice complanato repraesentat », Ulisse Aldrovandi, Musaeum Metallicum…, Bologne, N. Tebaldini, 1648, p. 754.
73 Il pourrait s’agir du témoignage de Julius Caesar Scaliger (1484-1558), médecin d’Antonio della Rovere qui s’installa en France et devint, entre 1548 et 1549, « savant » du roi Henri II de Navarre (1516-1555).
74 « Scaliger quoque affirmat frustum Marmoris fuisse diffectum, ad parietem incrustandum, quod figuram barbati senis obtulit, quem omnes spectatores ad Paulum primum Eremitam referebant, qui erectus et storea palmacea indutus pingitur », Aldrovandi, 1648, p. 755.
75 « Figuram Eremitae, cum alia effigie humana in Marmore, quod Pisis in Templo Sancti Ioannis observatur. Habet haec Eremitae icon caput cucullo tectum, more Capuccinorum, longam vestem et manum extensam, cum quatuor digitis. Ibidem alia effigies hominis conspicitur Turcam referentis, supra cuius caput campana cum pistillo eleganter, et ad viuum à Natura delineata apparet », Aldrovandi, 1648, p. 755.
76 Georgius Agricola (1494-1555) est considéré comme le fondateur de la géologie. En 1522, il commence des études de médecine à Leipzig, puis à Bologne et Padoue et devient docteur en 1526. Il mène de nombreuses études sur les minéraux et fossiles et publie De Natura Fossilium. L’ouvrage De Re Metallicum, oeuvre posthume, comporte des études sur les rochers, minéraux et fossiles.
77 « Georgius Agricola recitat Constantinopoli, in templo Sapientiae, duas esse Marmoris diffecti crustas, quarum utriusque maculae cinerei coloris ita erant dispositae, ut totam Divi Ioannis Bapistae vestiti tergore Cameli imaginem repraesentarent, praeter alterum pedem, quem discurrentes linae non fatis benè exprimebant… », Aldrovandi, 1648, p. 758-759.
78 Prosper Alpino (1553-1617), savant et botaniste à Padoue. Il effectue de nombreux voyages et se rend en Égypte et sur les îles grecques, où il se livre à la description des plantes trouvées dans ces pays. À partir de 1553, il devient professeur à l’université et « directeur » du jardin de Padoue.
79 « Pariter integra hominis sylvestris figura olim in Marmore graeco visa fuit apud venetos, cuius genuinam iconem Clarissimus vir Prosper Alpinus ad doctissimum Ulyssem Aldrovandium misit », Aldrovandi, 1648, p. 756.
80 Pierre noire, d’éclat métallique, formée d’oxyde de fer.
81 « Ad Elementa quod attinet, illa quoque Natura exprimit ita exactè, ut a pictore expressa videantur, cujusmodi ex Haematite unam habet Gemmam Carolus Magninus, in qua quatuor elementa naturali colorum ductu ita affabre exhibentur, ut à nullo pictore, melius exactiusque depingi possint », Kircher Athanasius, Mundus Subterraneus in XII libros…, Amsterdam, Joannem Janssonium & Elizum Weyerstraten, 1665, p. 29.
82 « Altare ex flavo marmore et vario mixto constat, in quo et montes et flumina, lacus, sylvas, aërem, affabrè à Natura depicta », Kircher, 1665, p. 29.
83 Les anecdotes semblent être présentées selon un crescendo, puisque l’on commence par les éléments végétaux pour terminer avec les éléments divins. Le point d’orgue en est la dernière explication : celle de la représentation du Christ.
84 Les descriptions de pierres imagées qui comportaient des messages divins ont été citées brièvement par Jurgis Baltrusaïtis.
85 « Columna marmorea ex nigro et albo mixta, in qua Natura pelicanum pinxit, contorto collo pectus sibi aperientem, mutilis tamen unguibus pedum », Kircher, 1665, p. 30.
86 « Achates, in quo Natura Heroinam depinxit capillis crispatam & pectore balteo instructam […] hominis palliati », Kircher, 1665, p. 30.
87 « In S. Petro marmor, ubi homo draconem inequitat », Kircher, 1665, p. 30.
88 Athanasius Kircher pourrait faire référence à Brocard, qui, lorsqu’il rentre de Sion se fait surnommer Brocardus. Présent en Terre Sainte vers 1232, il entreprend la description de tous les objets trouvés dans ce pays. Ces récits sont publiés à Venise dès 1519 et connaissent une importante diffusion. On peut, par conséquent, penser qu’Athanasius Kircher connaissait ces ouvrages.
89 Il doit vraisemblablement s’agir de Bartolomeo Ambrosini (1588-1657), médecin et naturaliste, chargé du jardin de l’université de Bologne. En 1632, il s’occupe du musée fondé par Ulisse Aldrovandi et décide de publier certains ouvrages d’Ulisse Aldrovandi dont Museum metallicum en 1648.
90 « Beatissimae Virginis Matris figuris, Angelorumque auspicemur narrationem : & quod ad B. Virginem attinet, illa primo variis in locis & regionibus, marmoribus à natura impressa cernitur […] Esthic Romae in Sacello Divae Virginis, templum S. Petri ingredientibus ad dextram, juxta organum spectatibilis imago in qua Beatissima Virgo Lauretana ita affabrè à Natura depicta spectatur, ut artificis manu delineata videatur ; veste induitur triplici zona distincta, filiolum brachiis tenet, corona, quemadmodum & mater, conspicuum : Spectantur & circumcirca Angelorum figurae », Kircher, 1665, p. 30.
91 Ces deux pierres ne sont que rarement citées car les dessins des marbres et agates semblent plus propices que le silex ou le schiste pour « dessiner » des formes qui évoquent des personnages ou des animaux.
92 « Est Ambrosino teste curioso harum rerum exploratore, Ticini, vulgo Pavia, in Coenobio Carthusianorum ad quintum lapidem extra civitatem fito, in quo quodam in marmore Natura Christi Servatoris nostri in cruce pendentis nec non spinea corona redimiti imaginem eleganter depinxit. Venetiis quoque figura Christi crucifixi apparet in marmore, codem teste, in templo S. Georgii majoris eodem modo effigiata », Kircher, 1665, p. 31.
93 « Non senza gran misterio la Natura l’habbia generata e segnata appunto con quel carattere miracoloso della croce », Moscardo Lodovico, Note overo memorie del museo del Conte Lodovico Moscardo…, Padoue, P. Frambotto, 1656, édition consultée, Vérone, Andrea Rossi, 1672, p. 134.
94 Ce musée, donné par le marquis Ferdinando Cospi au sénat de Bologne, en 1675, est caractéristique des Wunderkammern. Il renferme objets d’art, curiosités et produits naturels.
95 « D’altra Effigie di Testa umana, cioè d’un vecchio dalla natura dipinta in un pezzo di marmo », Legati, 1672, p. 141.
96 « Le pitture fatte dalla natura nelle pietre o d’alabastro, o arboree o simili, come se ne vede una in Venezia a San Marco, et un’altra in Gierusalem », Mancini, 1614-1620, (1956), p. 22. Durant tout le XVIIe siècle, les légendes antiques continuent à être relatées et semblent toujours susciter la même admiration. En 1640, Alvaro Alonso Barba, rédige un traité sur les métaux, dans lequel il explique que l’on « trouve dans les pierres des figures variées qui causent une des plus grande admiration ». Il reprend également l’anecdote de Pyrrhus et rajoute que Cardanus « en avait une de cette sorte qui était une vraie réplique de l’empereur galba » et cite de nombreuses légendes, dont celle d’Aldrovandi : « dans l’église de Constantinople, il y a un marbre qui, par ses veines, représente l’image de Saint Jean Baptiste avec ses habits de chameau » ou encore qu’il y a « une pierre noire cassée à un endroit, où est peint l’image d’un serpent », Barba Alvaro Alonso, Arte de los metales…, 1640, édition consultée, R. H. Edward comte de Sandwich, Londres, Mearne, 1674, p. 64-65.
97 L’Accademia dei Lincei, fondée par Federico Cesi (1585-1639), en 1603, avait pour ambition d’éditer une encyclopédie de la philosophie naturelle de l’époque. Dès 1604, de nombreux membres sont surveillés par le Saint-Office. En 1611, Galilée adhère à cette académie. La mort de Federico Cesi en 1630 met un terme à ces activités.
98 Voir Napoleone Caterina, « Appunti sul “natural History of Fossils V” della Royal Library di Windsor », p. 187-199, dans Solinas Francesco (dir.), Cassiano dal Pozzo. Actes du colloque, Naples, 1987, Rome, De luca, 1989.
99 Musaeum Septalianum. Una collezione scientifica nella Milano del Seicento, catalogue d’exposition, Aimi Antonio, Michele (de) Vincenzo, Morandotti Alessandro, Milan, 1984.
100 « Delle Pietre dal Pennello della Natura dipinte », Terzago Paolo Maria, Museo o Galeria adunata dal sapere e dallo studio del Sig. Canonico Manfredo Settala Nobile Milanese, descritta in latino dal Sig. Dott. Paolo Maria Terzago…, Tortona, Nicolò e fratelli Viola, 1666, p. 253. Giovanni Battista del Sole, Tempête de mer avec des barques, huile sur lapis lazuli, 10,7 cm x 4,7 cm ; Tempête de mer avec des barques, huile sur lapis lazuli, 11,3 cm x 6,5 cm, Milan, Pinacoteca Ambrosiana.
101 « Pietra in quadro lunga un braccio, in cui la Natura ha fatto l’ultimo sforzo di peritissima architetta, havendovi mirabilmente dipinta una grande Città, con in mezzo un’altissima Torre », Terzago, 1666, p. 254. La Pinacoteca Ambrosiana, à Milan, possède trois œuvres exécutées sur lapis-lazuli par Giovanni del Sole qui proviennent de la collection Settala. Voir catalogue d’exposition, Milan, 1984.
102 Lugli Adalgisa, 1997, p. 194. Dans l’ouvrage de 1957, Jurgis Baltrusaïtis répertorie un grand nombre de pierres imagées dans les collections.
103 « Han usado, nuevamente, los italianos pintar en varios jaspes historias y figuras, reservando las manchas naturales ; unas que parecen resplandores y nubes y otras que parecen sierras, montes y aguas ; acomodando la historia o figura en que se puede aprovechar la pintura natural de las piedras », Pacheco, 1638, (1990), p. 490.
104 « Con las manchas y pintura de piedra, perdiéndolo con la imitación de los colores de la mesma piedra », Pacheco, 1638, (1990), p. 490.
105 Parallèlement, l’émergence au XVIIe siècle du goût pour l’anamorphose s’inscrit dans des recherches similaires à la peinture sur pierre. Sur ce sujet, voir Baltrusaitis Jurgis, Anamorphoses ou perspectives curieuses, Paris, Perrin, 1969.
106 La Vierge de Lorette, peinte sur pierre paysagère, – Filippo Lauri ?, huile sur pierre paysagère, 22 cm x 38 cm, La Rochelle, musée des Beaux-Arts (fig. 8) – illustre parfaitement les possibilités offertes par le support naturel. Dans ce cas, l’artiste a coupé une pierre paysagère en deux et a joint ses deux morceaux ensemble. Ce procédé lui permet d’obtenir une parfaite symétrie et de créer un dessin – dans ce cas la maison de Lorette – prêt à l’emploi. De même Johann König emploie deux pierres différentes, la pierre paysagère et le marbre, pour créer un fond adéquat à la représentation du Repos pendant la fuite en Égypte. Johann König, Repos pendant la fuite en Égypte, huile sur pierre paysagère et marbre, 17,5 cm x 35 cm, Esztergom, Christliches Museum, inventaire 55.406.
107 Baglione, 1642, p. 353-354. Sur Sigismondo Laire, voir les articles suivants : Vannugli Antonio, « Sigismondo Laire. Note documentarie su un “uomo senza opere” nelle Roma del Seicento », Studi Romani, 33, 1985, p. 15-25 ; Collomb Anne-Laure, « La peinture sur pierre entre Rome et Madrid : Sigismondo Laire parmi ses contemporains », Paragone, n ° 69, septembre 2006, p. 75-87.
108 Sigismondo Laire, reliquaire, l’Annonciation et la Résurrection, huiles sur albâtre, 25 cm x 20 cm, Madrid, Monasterio de la Encarnacion, inventaire 00620358.
109 Cercle d’Annibale Carrache, Paysage avec une roche anthropomorphe plume, encre brune, papier jauni, 195 mm x 270 mm, Turin, Biblioteca Reale, inventaire 16096. Ce dessin a été publié par Lugli, 1997, no 77.
110 Josse de Momper, Paysages anthropomorphes, huile sur toile, 52,5 cm x 39,6 cm, chacune, Paris, Collection Jacques Lebel.
111 Jacques II de Gheyn, Roches et plantes formant des têtes grotesques, encre sur papier, 266 mm x 175 mm, Paris, Fondation Custodia, Institut néerlandais.
112 Selon la définition de Hills Paul, Venetian colour : marble, mosaic, painting and glass, 1250-1550, Londres, Yale University Press, 1999, édition consultée, traduction Paul Alexandre, Paris, Citadelles & Mazenod, 1999, p. 129.
113 Marc Antonio Cocchio, dit Sabellicus (1436-1506), est l’auteur d’ouvrages sur l’histoire de Venise – Rerum venetarum historiae – ainsi que sur l’histoire générale depuis la création du monde, publié en 1503 – Rhapsodiae historiarum.
114 Cité dans Tait Hugh, The Golden age of Venetian glass, Londres, British Museum Publications limited, 1979, p. 94.
115 Antonio Carrache, Vierge à l’enfant avec saint François (verso), huile sur albâtre, 22 cm x 18 cm, Naples, Capodimonte, inventaire Q. 930. Catalogue raisonné no 453.
116 Entourage des Carrache, Vierge à l’enfant avec saint François, huile sur cuivre, 22 cm x 18 cm, Rome, Pinacoteca Capitolina, inventaire 201.
117 « Dico che questa simil sorte di pittura non ha altro di singolare, che lo scherzo della natura che demostra che essendo essa esemplare delle arti, ha voluto di esse deventar scholare et immitatrice », Mancini, 1614-1620, (1956), p. 22.
118 Il convient toutefois de rester prudent quant à l’emploi de ce terme puisque l’on ne peut, jusqu’au XVIIIe siècle, parler au sens strict de minéralogie. Les critères de classement s’effectuant encore sur la beauté, la rareté ou les croyances.
119 Del Riccio Agostino, Istoria delle Pietre, Florence, 1597, transcription du manuscrit cod. 230, Florence, Biblioteca Riccardiana, par Raniero Gnoli, Attilia Sironi (dir.), Turin, Umberto Allemandi, 1996, 253 p.
120 Il se réfère en particulier aux traités de Théophraste et Albert Le Grand.
121 Scamozzi, 1615.
122 Baldinucci Filippo, Vocabolario toscano dell’arte del disegno, Florence, S. Franchi, 1681, édition consultée, Florence, SPES, 1985.
123 Guédy Henri, Nouveau manuel complet du marbrier, Paris, Léonce Laget éditeur, 1981, p. 1.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Châteaux et modes de vie au temps des ducs de Bretagne
XIIIe-XVIe siècle
Gérard Danet, Jean Kerhervé et Alain Salamagne (dir.)
2012
La construction en pan de bois
Au Moyen Âge et à la Renaissance
Clément Alix et Frédéric Épaud (dir.)
2013
Le cardinal Jean Du Bellay
Diplomatie et culture dans l’Europe de la Renaissance
Cédric Michon et Loris Petris (dir.)
2013
Construire à la Renaissance
Les engins de chantier de Léonard de Vinci
Andrea Bernardoni et Alexander Neuwahl
2014
Un seul corps
La Vierge, Madeleine et Jean dans les Lamentations italiennes, ca. 1272- 1578
Amélie Bernazzani
2014