L’hôtel de ville d’Angers à la Renaissance1
p. 159-176
Texte intégral
1À la fin de l’ancien régime, l’hôtel de ville d’Angers, édifié au XVIe siècle À sur la place des Halles (actuelle place Louis-Imbach), passait pour l’une des plus belles œuvres du royaume, selon un guide de voyage de 17712. Il est aujourd’hui méconnaissable, à la suite de lourdes transformations effectuées au début du XIXe siècle pour l’installation du palais de justice3 (fig. 1), après le déplacement en 1823 de la mairie sur l’un des nouveaux boulevards de ceinture. Comparativement à d’autres monuments d’Angers, cet édifice a été peu étudié alors que le thème du pouvoir municipal sous l’Ancien Régime, et plus récemment le contexte sociologique de l’ancien quartier des Halles au XVIe siècle, ont été largement explorés4. Notre propos est donc centré sur ce monument de la Renaissance, remarquable par sa taille et le motif de son escalier à loggia, comme par son rôle structurant dans l’espace urbain, d’autant qu’il s’inscrit dans un bâtiment de pouvoir médiéval, aujourd’hui en cours d’étude5. L’analyse de cet édifice nous amène à deux types de questionnement : l’un archéologique portant sur les vestiges matériels de cette reconversion, l’autre formel attaché à la filiation artistique, nordique ou française, des éléments de composition originaux de la façade.
DE LA CHARTE À L’HÔTEL DE VILLE (1475-1532)
2Comme la plupart des villes du Val de Loire et de l’Ouest de la France, Angers fut dotée dans la seconde moitié du XVe siècle (en 1475) d’une charte municipale et elle reçut dix ans plus tard, du roi Charles VIII, « une grande maison, jardin et dépendance » pour y établir un hôtel de ville6. Cette propriété déjà connue au XIVe siècle comme la « grant maison des halles » relevait auparavant de l’apanage d’Anjou. Sa fonction n’est malheureusement pas précisée ; on sait simplement qu’au XVe siècle, elle servait de logement à Pierre de La Poissonnière, lieutenant du capitaine de la ville selon la volonté du duc René d’Anjou, mais également d’arsenal, fonction toujours attestée au début du XVIe siècle. Elle ne plut guère aux échevins, qui lui reprochèrent son excentrement et son mauvais état : la maison « n’est pas assise en lieu convenable ne sortable pour y tenir conseil de ville, actendu qu’elle est située en l’ung des bouz de ladicte ville, et qu’elle est en grant caducité et ruyne, tellement tombée que sans grans fraiz et mises la ville ne sauroit la relever et repparer7 ». Cependant, après trente ans de mise en location et d’entretien minimal, le corps de ville se résolut à investir le lieu : le 22 février 1527, le maire Jehan Cadu présente devant son conseil le « portraict et plate forme » de la future maison commune, un marché de construction étant passé avec les maîtres maçons Pierre Boisméry et un certain Michel8. Ce marché fait malheureusement défaut, mais on dispose encore du devis détaillé des planchers haut et bas (non daté), ainsi que du marché de la porterie passé en 1541. De plus, les délibérations municipales et les comptes de dépenses livrent de précieuses informations sur la construction, évoquées au cours du texte. Cependant, les comptes sont lacunaires pour la première année fondamentale (février 1527-mars 1528) et durant deux ans et demi (avril 1529-octobre 1531), en plein milieu du chantier qui semble s’achever en 1532.

Fig. 1 > Angers, vue au sud sur la place Louis-Imbach (ancienne place des Halles). Le grand corps de l’hôtel de ville est perceptible derrière le pavillon droit [© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, P. Giraud et F. Lasa].
3Curieusement, le projet ne fut pas confié à Jean Mariau, « commissaire des œuvres et réparations de la ville9 », mais à un maître maçon qui pourrait être originaire de la région de Guer et de Maure-de-Bretagne10 : inconnu localement, ce Boisméry mourrut au cours du chantier, en mars 1531, remplacé par sa veuve, dont les délibérations municipales gardent la trace de réclamations successives d’honoraires. Le patronyme du second personnage, prénommé Michel, n’est manifestement pas connu des rédacteurs des délibérations, puisque laissé en blanc dans le corps du texte. Ce maçon semble par ailleurs subalterne car Pierre Boisméry apparaît seul dans les comptes de la construction. En revanche, Jean Delespine, à qui on doit la porterie, est bien connu des élites angevines car il était l’architecte du chapitre cathédral et le successeur de Mariau auprès de la ville11. Les comptes fournissent le nom d’autres artisans, tels le charpentier André Cousin, que l’on retrouvera avec Delespine sur le chantier du château de Serrant, le verrier Roland Lagouz dit « le Picard » ou le sculpteur et « ymaigier » Jean Desmarais, chargé des écus armoriés des cheminées et occupé peu après à la cathédrale Saint-Maurice d’Angers12.
PROMONTOIRE ET PLATE-FORME
4Adossé au nord aux derniers restes du rempart urbain de Saint-Louis (tour et courtine), ce qui fut l’hôtel de ville est établi sur une éminence rocheuse13 dominant au sud la place de 3 à 4 mètres. Il est orienté de ce côté sur une grande cour d’entrée surélevée ou « plate forme » (fig. 2), en contrebas de laquelle se développait à l’ouest un jardin. Celui-ci a été emporté au début du XIXe siècle par le percement de la rue Botanique et la construction d’une aile pour la cour d’assises, en symétrie du grand corps de l’hôtel de ville occupé par la cour d’appel, à l’est de la plate-forme. Ce dernier, tout comme le logis dit des maires en fond de cour (à l’aplomb du rempart), montre aujourd’hui une façade néoclassique, mais les élévations postérieures de cet ensemble, au nord et à l’est, restent plus authentiques (fig. 3).

Fig. 2 > Angers, la plate-forme ou cour d’entrée : vue axée sur le logis des maires, entre l’aile de la cour d’assises et le corps de l’hôtel de ville transformé pour la cour d’appel [© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, F. Lasa].

Fig. 3 > Angers, revers nord de l’édifice, sur le boulevard Carnot. En haut, la place Louis-Imbach. 1. hôtel de ville ; 2. cimetière Saint-Michel-du-Tertre et presbytère ; 3. tour de l’enceinte XIIIe siècle ; 4. tour nord d’escalier ; 5. logis des maires ; 6. aile de la cour d’assises [© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, P. Giraud et F. Lasa].
5La vue cavalière d’Adam Vandelant en 1576 illustre l’environnement de l’hôtel de ville peu après sa construction (fig. 4) : la place des Halles, seule grande place intra muros, était fermée par deux portes médiévales, l’une dite des halles (attestée en 1270) jouxtant l’édifice municipal, et l’autre dite de la prison au bas de la place. Irrégulière et en pente, longée par la rue Saint-Michel (actuellement Pocquet-de-Livonnières) qui menait à la porte de ville du même nom en direction de Paris, cette place rassemble alors le « palais », héritier des auditoires de justice déjà accolés au début du XVe siècle à la porte des halles14, ainsi que les halles marchandes établies par Charles Ier d’Anjou au milieu du XIIIe siècle15. Sur cette vue cavalière, l’hôtel de ville est signalé par une haute tour à la manière d’un beffroi (la tour de l’horloge exagérément développée), mais le bâtiment principal, tourné vers sa cour et un jardin à peine perceptible, est très schématisé et peu reconnaissable. À son revers, l’église paroissiale Saint-Michel-du-Tertre (fondée au Xe siècle) et son cimetière occupèrent – jusqu’à la Révolution – la partie orientale de la butte.
6La vision d’ensemble de cet édifice de la Renaissance est heureusement restituée par deux autres documents iconographiques, le premier daté de 1623 par Jacques Bruneau de Tartifume, historien de l’Anjou (fig. 5), et le second de 1713 par Jean Ballain, potier d’étain qui illustra à l’aquarelle un certain nombre d’édifices de la ville (fig. 6, pl. IV, p. IX). Tous deux sont axés sur la façade prestigieuse du grand corps de ville, perpendiculaire à la place et tournée vers la vaste plateforme (de quelque 1 000 m2). Ce corps est encadré par deux hautes tours d’escalier, la tour nord « devers Saint-Serge » qui subsiste toujours, au contact du logis des maires, et la tour sud dite de l’Horloge16, près de la porterie et de la porte des halles. Des communs et un puits bordent encore en 1623 le front ouest de la cour, en contrebas duquel se développe le jardin. Adossées au mur d’enclos sud, près de la porterie, la maison et la boutique de l’horloger ouvrent directement sur la place. Ces parties ont disparu sur le dessin de 1713 qui montre un état postérieur aux importants travaux effectués dans les années 1680 – modernisation du logis des maires désormais tenus d’y résider, nouvelle porterie et réaménagement du jardin délaissé17. Réalisé en fin de chantier, durant l’année 1532, le jardin de la Renaissance comprenait des allées – principale et secondaires – couvertes de treilles à piliers et corbeaux maçonnés ; les comptes font également mention de bassins, de fontaines et de volières18.

Fig. 4 > Angers, vue cavalière, gravure par Adam Vandelant, 1576, détail sur le quartier des Halles [Musée d’Angers/© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, D. Pillet].
LE GRAND CORPS DE VILLE : ENTRE RÉCUPÉRATION ET RECOMPOSITION
7Nous savons désormais que l’hôtel de ville remploie de manière importante un prestigieux bâtiment médiéval construit peu après l’enceinte urbaine pour le comte Charles d’Anjou, dernier frère de Louis IX : la charpente a été datée par dendrochronologie de l’hiver 1252-1253 et son décor peint héraldique a pu être récemment étudié19. Les murs de gros œuvre en moellons de schiste et arkose semblent alors largement conservés, à en croire la rapidité d’intervention sur les planchers, un an après la présentation de la maquette20. Là se trouve donc l’explication de la longueur exceptionnelle de ce corps de bâtiment (55 m × 12 m hors œuvre), proche de celle du palais comtal de Poitiers. La restitution de cette charpente, à partir des éléments en place, établit l’existence d’une grande salle haute sous charpente, compartimentée ultérieurement par trois murs de refend, dont un – entre la salle et la chambre du Conseil – relève du chantier de 152721. Le devis des planchers du XVIe siècle informe qu’un plafond ou « planchier hault [où] seront les salle et chambres22 » fut introduit pour subdiviser en étage et comble ce grand espace intérieur qui s’élevait primitivement à 9,50 m sous les faux-entraits. Selon le document, ce plancher présentait deux systèmes de poutraison, transversal dans la salle du Conseil et longitudinal dans les chambres23. La description est également précise pour le « planchier d’a bas » : un cours médian de poutres reposant sur des piliers et ancré dans les pignons et refends, ainsi que deux cours de sablières soutenus par des corbeaux engagés dans les murs gouttereaux, portaient le solivage. La réfection de ce plancher inférieur probablement fait de remplois n’a pas modifié le niveau préexistant24, celui-ci étant donné au revers de l’édifice par une grande fenêtre datable du XIVe siècle, d’après sa plate-bande en arc segmentaire25. Cette division entre niveaux bas et haut de l’hôtel de ville est ainsi celle de la « grant maison des halles » médiévale : dégagé sur la cour et enterré au revers sur l’ancien cimetière en raison de la déclivité du terrain, un étage de soubassement de 4 m environ porte l’étage principal, réduit au XVIe siècle à 5 m sous plafond. Le nouveau comble est un simple grenier, sans éclairage (fig. 7).

Fig. 5 > Angers, l’hôtel de ville en 1623, dessin légendé par Jacques Bruneau de Tartifume [BM Angers/© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, P. Giraud et F. Lasa].
8La reconstitution intérieure s’appuie en particulier sur deux plans de niveaux dressés en 1823 par l’architecte Louis François, dit François Père, avant les gros travaux projetés pour la cour d’appel26 : au centre de l’étage (fig. 8), la grande salle du Conseil27 qui accueillait les assemblées générales des habitants, occupe à elle seule la moitié de l’espace intérieur (25 m × 9,80 m) ; elle était éclairée sur la cour par quatre grandes croisées à double traverse réparties de part et d’autre d’un escalier extérieur à loggia28. Le rythme inégal de ces croisées occidentales conduit à s’interroger sur leur origine médiévale, notamment au regard de travaux tardifs, en fin de chantier, dans cette salle29. Le plan de Louis François montre également sur le mur opposé, vers le cimetière, autant de baies en vis-à-vis, difficiles à interpréter. En effet, les lambris de hauteur de la cour d’appel interdisent toute lisibilité intérieure, mais l’élévation extérieure conserve en revanche vers le nord deux ouvertures en correspondance avec le plan : haut placées sous la corniche à 3,20 m du sol, dépourvues de croisée, ces baies non ouvragées (1,60 m × 1,30 m) pourraient correspondre aux « fenestres haultes en forme de haultes lucannes qui seront à jour chéant et grislées », rapportées du côté du cimetière, alors que le chantier est bien avancé en 153130. Les trois autres ouvertures indiquées plus au sud sur le plan n’ont pas laissé de traces extérieures dans le mur de moellons qui, pourtant, ne semble pas repris au XIXe siècle. On sait en revanche qu’il a subi une reconstruction partielle en 1552 en raison des ravages de l’humidité, réédification qui ne justifiait plus – à notre sens – celle des fenêtres hautes du fait de la nouvelle présence d’un presbytère, à moins d’un mètre31. Cet état des lieux de 1823 reste donc mystérieux. La qualité de cette salle se mesurait aussi aux deux cheminées ouvragées en vis-à-vis sur les murs de refend, l’une portant les armes du roi et de la ville, l’autre celles de la reine mère32. Les six poutres moulurées du plafond étaient ornées en leur milieu d’un écusson aux armes du Dauphin33. L’aménagement intérieur de cette salle d’assemblée, qui sera décorée au XVIIe siècle des portraits des échevins et conseillers, n’est pas connu pour le XVIe siècle.

Fig. 7 > Angers, restitution de l’élévation ouest [relevé J. Mastrolorenzo, 2013].

Fig. 8 > Angers, plan du premier étage de l’état existant, par Louis François, 1823, avec report d’informations relatives à l’hôtel de ville et localisation de la partie reconstruite au XIXe siècle pour l’établissement du palais de justice [AD Maine-et-Loire/© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, F. Lasa].
9De part et d’autre de la salle prenaient place les quatre chambres mentionnées dans le devis des planchers. Au sud de la salle, la chambre du Conseil fut également conservée dans son volume par la cour d’appel, puis par le Museum (salle à l’ours) : cette pièce carrée de 9,80 m de côté, destinée aux réunions du corps de ville, bénéficiait de deux croisées à l’ouest et d’une croisée à l’est, rapportée dans les années 1540, qui subsiste toujours34. Une cheminée occupait le mur de refend sud. L’aménagement d’origine n’est pas davantage documenté sinon par la présence d’un « grand tablier qui se ploye en troys parties35 ». La dernière pièce côté place ou « chambre d’entrée de la maison », desservie par la tour de l’Horloge36 et emportée comme celle-ci par la reconstruction de cette extrémité du bâtiment au XIXe siècle, était aussi une pièce publique d’après son meuble principal, « une grant table et tréteautx avecques le banq à dix piedz de long37 ». De dimensions plus modestes (7,50 m × 9,80 m), éclairée sur la cour par une seule croisée, elle était probablement destinée au greffe, qui conservait ses documents précieux dans le grenier supérieur38. Les deux autres pièces situées à l’opposé (dans le volume de l’escalier du XIXe siècle), entre la grande salle et la tour d’enceinte, présentaient un caractère plus privatif (6,40 m × 9,80 m). Selon les derniers sondages, elles étaient superposées et réduites en hauteur à environ 3 m, éclairées par la même grande croisée d’étage (qu’interrompait un plancher intermédiaire39). La chambre supérieure bénéficiait d’un « cabinet ou estude » voûté, aménagé dans la vieille tour d’enceinte40 (fig. 9). Une « loge adjacente » servant de « retraict » complétait l’équipement de ce possible appartement41, desservi comme le logis des maires par la vis nord. D’autres retraits destinés à la chambre du Conseil et à la « chambre d’amprès » ou d’entrée, sont signalés sous ces pièces, au niveau inférieur de service. Un garde-manger, des celliers et un arsenal, ainsi que des caves constituaient l’essentiel de cet étage de soubassement, plafonné sur la majeure partie du bâtiment42.
10Organes essentiels de distribution, les deux tours d’escalier relèvent-elles des adjonctions de la Renaissance ? Elles sont nécessairement postérieures au grand bâtiment du XIIIe siècle43, mais leur préexistence au chantier de l’hôtel de ville reste plausible selon les textes : un an à peine après le marché de février 1527, parallèlement aux travaux de plancher du grand corps, les deux tours sont « haussées » de 2 m environ, toiture et plomberie s’achevant dès l’automne 152844. De plus, la tour de l’Horloge connaît des désordres lors de l’édification de la porterie en 154245, indice possible d’un bâti ancien. Réalignée sur la façade du logis des maires en 168346 (fig. 3), la tour nord conserve – quant à elle – une cage intérieure à pans coupés dans une enveloppe circulaire qui pourrait être du XIVe, ou début XVe siècle47. Néanmoins, le gros noyau indépendant des marches et deux culots moulurés sur la face antérieure évoquent plutôt un remaniement ultérieur48. La présence de ces deux vis extrêmes répond bien à une fonction d’habitation déjà attestée au début du XVe siècle49.

Fig. 9 > Angers, face nord sur le boulevard Carnot : pignon du grand corps, tour d’enceinte, tour d’escalier « devers Saint-Serge » et logis des maires [© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, F. Lasa].
UNE FAÇADE PRESTIGIEUSE : GRANDES CROISÉES ET LOGGIA
11Outre la disparition de la loggia, les aménagements du XIXe siècle ont gommé la forte opposition extérieure entre les deux niveaux de la façade ouest du grand corps de ville : un étage de soubassement à éclairage de service50 et un étage supérieur largement ouvert selon une disposition médiévale bien connue51. Malgré leur apparence néoclassique, les fenêtres hautes sont bien celles du XVIe siècle, représentées par Bruneau et Ballain52 (fig. 10 et 11). Le dessin du premier, plus précis, montre de grandes croisées à double traverse (4 m de haut), analogues à la seule baie conservée au revers de la chambre du Conseil, sur l’ancien cimetière : avec ses chambranles à fasces, celle-ci est un peu plus tardive, dans la décennie 154053 (fig. 12). Ces croisées sont couronnées non pas de lucarnes, mais d’amortissements variant d’un document à l’autre : un entablement à deux niveaux portant un fronton ajouré54 à trois candélabres, selon Bruneau, ou un entablement à deux disques et pilastre médian ( ?), surmonté d’un tympan concave à jour cintré, coquille et candélabres, selon Ballain. Sans doute faut-il panacher les représentations. L’entablement de Bruneau existe déjà au château de Laval dans les premières années du XVIe siècle, formule aussi précoce qu’originale qui pourrait avoir servi de modèle (fig. 13). Le fronton concave de Ballain est en revanche caractéristique de cette première Renaissance des années 1530 dans le Val de Loire55. Les fenêtres à amortissements sont rarement observées sur des corps principaux, ainsi encore à Laval, alors qu’elles sont plus fréquentes sur des corps étroits de galerie56. Ce choix de couronnement peu accentué sur un bâtiment édilitaire permet de concentrer le regard sur l’étage noble de la salle d’assemblée et son accès monumentalisé.

Fig. 10 > Angers, loggia de l’escalier et grandes croisées à amortissement de l’étage ; détail du dessin de J. Bruneau de Tartifume, 1623 [© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, P. Giraud et F. Lasa].

Fig. 11 > Angers, escalier à loggia et grandes croisées à amortissement de l’étage ; détail du dessin de J. Ballain, 1713 [© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, D. Pillet].

Fig. 12 > Angers, croisée est, murée, de la chambre du Conseil donnant sur l’ancien cimetière [© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, F. Lasa].

Fig. 13 > Laval, château, détail d’une travée du grand corps de logis, avec les fenêtres à croisées à amortissement [© A. Salamagne].
12L’escalier à loggia constitue la partie la plus spectaculaire : un grand degré à une volée droite plaquée contre la façade mène à un porche-loggia de plan carré (3,50 m de côté), couvert d’une voûte sur croisées d’ogives. Là encore, la combinaison des deux dessins et du plan de 1823 s’impose pour sa restitution : des piliers d’angle carrés, en légère saillie, s’élèvent sur les deux niveaux, liés par un double bandeau à hauteur du garde-corps qui accueillait les armes de la ville. Ils portent la loggia, ouverte sur ses trois côtés par des arcs en plein cintre. Sans doute plus proche de la réalité, le dessin de Ballain évoque les dispositions du perron sur jardin de Villesavin (vers 1535), des piliers d’angle habillés de pilastres sur lesquels vient mourir la fine mouluration des arcs. Le couronnement de la loggia, particulièrement, est original par sa composition ternaire : sur les trois faces dégagées, trois registres superposent une frise de trois disques entre pilastres, puis de trois carrés sans doute ajourés, et enfin de trois gâbles en une ligne de crête animée. Cette « couronne » ouvragée, d’un volume cubique inhabituel, contraste avec le reste de la loggia, traité sobrement. Elle tranche avec l’usage plus banal d’une balustrade ajourée ou d’une grande lucarne. Néanmoins, elle n’est pas totalement isolée : autour de 1510, le prieuré angevin de Saint-Ouen (Chemazé, sud de la Mayenne) expose sur son exceptionnelle tour d’escalier un couronnement comparable (fig. 14), à ceci près que des arcs remplacent les carrés ajourés du deuxième registre, et des festons, les gâbles supérieurs de la loggia d’Angers. Plus éloigné, le château de Fontaine-Henry, près de Caen, montre de même sur le pavillon à terrasse de style flamboyant (vers 1500) une structure à trois niveaux principaux avec une ligne de crête d’autant plus découpée qu’elle est ajourée. À Angers, le couronnement, par ses proportions ramassées surmontant des baies libres, confère à l’ensemble un petit air d’arc de triomphe tout à fait singulier en cette fin des années 152057.

Fig. 14 > Chemazé (Mayenne), prieuré de Saint-Ouen, partie supérieure de la tour d’escalier [© D. Letellier-d’Espinose].
13On peut s’interroger sur les origines de ce dispositif d’entrée. Le Moyen Âge connaît le dais ou l’auvent au-dessus de la porte d’entrée comme à l’hôtel-Dieu de Beaune, peut-être même une toiture spécifique pour protéger les marches d’un grand degré comme celui, charpenté, du château de Montargis58 ; mais un porche associé à un escalier extérieur ne paraît guère attesté en dehors de la monumentale galerie du cerf du palais de Bourges vers 1400, qui semble une exception liée à la personnalité fastueuse de Jean de Berry. Au château de Nantouillet (Seine-et-Marne) daté de la fin des années 1510, le perron à loggia est combiné à la formule gothique tardive (fin XVe siècle) de chapelles ou cabinets portés par des piliers ou des colonnes, indépendamment de tout accès extérieur59. Le porche surélevé pourrait ainsi apparaître comme la conjonction du degré médiéval non couvert et du cabinet sur supports (transformé en loggia), dont un exemple est donné par l’hôtel Gouin à Tours, véritable unicum vers 1510, où l’influence italienne entre aussi en ligne de compte. On le voit par ailleurs se diffuser dans plusieurs châteaux, à Fontainebleau (cour ovale) en 1531, à Chantilly (grand château) ou Villesavin dans la première moitié des années 1530 et à partir de 1540 dans les hôtels particuliers angevins.
14Plus directement, l’hôtel de ville de Blois construit dès les premières années du XVIe siècle a pu fournir le modèle de ce « perron », ainsi désigné dans des marchés de réparations de la fin du siècle qui décrivent une structure comparable de loggia, évidée par des arcs60. La similitude avec le motif de la « bretèche » nordique est évidemment frappante, comme à Damme près de Bruges pour citer un exemple bien conservé61. L’influence des Pays-Bas est très probable, même si Angers ne reprend pas le parti d’alternance de grandes croisées et de niches à statues sous dais, autre formule type des hôtels de ville du Nord au XVe siècle, qui gagne l’Île-de-France et le Val de Loire sous Louis XII, comme le montrent Noyon, Compiègne ou Orléans62. À Paris même, il est adopté à la chambre des comptes du palais de la Cité construite par le même monarque dans la première décennie du XVIe siècle, monument phare qui présente aussi un escalier à loggia. Cet édifice instantanément admiré a été sans aucun doute une source tout aussi rapide d’inspiration. Il est possible qu’à Blois, ville de Louis XII, l’hôtel de ville associait au perron, comme dans le modèle parisien, ce parti d’alternance63. Vingt ans plus tard à Angers, il n’est plus de mise à l’heure de la première Renaissance64.
LA PORTERIE DE JEAN DELESPINE
15Le « portal » principal, édifié en 1542 est connu par le marché de construction65 et le dessin de Jacques Bruneau de Tartifume (fig. 15). Ce corps d’entrée, de 13 m de long sur 5,50 m de large, peut être restitué à deux niveaux, un étage de soubassement percé – côté place – de deux portes cochère et piétonne, et une galerie de plain-pied sur la cour, couverte par un toit à deux longs pans selon le marché66. La hauteur de façade sur la place, d’environ 6 m, s’explique par la déclivité du terrain et la position surélevée de la cour : une rampe devait traverser le bâtiment au revers de la porte cochère, celle-ci exceptionnellement haute en conséquence, tandis qu’un degré intérieur de quatorze marches (soit une montée d’environ 2,50 m) permettait de gagner la galerie depuis la porte piétonne. L’élévation sur cour de cette galerie n’est pas connue sinon par la mention de trois colonnes qui lui étaient peut-être destinées67.

Fig. 15 > Angers, corps de porterie de l’hôtel de ville ; détail du dessin de J. Bruneau de Tartifume, 1623 [© Région des Pays de la Loire, Inventaire général, P. Giraud et F. Lasa].
16L’originalité de la porterie tient à sa façade d’entrée, curieuse élévation sans fenêtre habillée sur toute sa hauteur de deux colonnes à chapiteaux portées par de hauts stylobates68 : un ordre colossal particulièrement précoce monumentalise ainsi ce mur aveugle en grand appareil de barraudes (selon le marché) et sert de cadre à un motif central d’armoiries. Ce blason, prévu aux armes du roi d’après les comptes, fut réalisé – selon le dessin de 1623 – avec celles du maire Pierre Poyet, commanditaire de l’ouvrage, dans une belle expression d’orgueil personnel et familial, car ce premier magistrat était frère du grand chancelier de France. Inédite, cette composition de façade à l’antique confirme le goût de l’expérimentation de l’architecte angevin Jean Delespine, qui venait alors d’achever la tour centrale de la cathédrale et dirigeait dans le même temps le chantier du château de Serrant.
SERVICES ET « LOGIS » COMPLÉMENTAIRES
17Les sources mentionnent les services attachés à cette « grande maison de ville » : des « garde-robes, retraicts, estables, cuisine et aultres petites commodités à faire entre ladite plate forme et ladite maison de ville » font l’objet d’un marché spécifique, dont la teneur n’est malheureusement pas connue69. Les étables pouvaient se situer dans l’aile dite de la buanderie en retour de la porterie70. Une partie de ces annexes trouvait également place au rez-de-chaussée du logis dit des maires, construit à l’aplomb du rempart en 1530 sur les ruines d’une galerie71. Desservi par la tour d’escalier nord, il comportait – selon un état des lieux de 1683 – au rez-de-chaussée, sallette d’entrée, salle, cuisine et four, et un étage avec salle haute et chambre72. On peut y reconnaître, selon toute vraisemblance, « la petite maison » ou « logeys près la maison des halles » cité en manchettes des délibérations de 153073. « Affermé » selon le dessin de 1623, il semble avoir été occupé dès l’origine par le concierge, tenu de verser une rente locative annuelle à partir de 156874. Certes, une installation dans le logement nord du grand corps de ville est aussi concevable, voire plus commode pour la surveillance, mais cette charge de « concierge » était particulièrement prisée et détenue autant que possible par les échevins ou maires afin d’éviter toute intrusion d’un pouvoir extérieur75. Un logis spécifique, indépendant, se laisse donc facilement imaginer, explicitant son appellation ultérieure de « logis des maires » : agréablement situé au contact de la cour et du jardin par le biais d’une terrasse établie sur le rempart, ce bâtiment, de belle prestance, arborait croisées d’étage et lucarnes à coquilles. Sur le dessin de 1623, il adopte la forme un peu trompeuse d’un pavillon, alors qu’il s’agit d’un long parallélépipède de 19 m sur 7 m, couvert par un toit à longs pans et croupes (fig. 5 et 9). Cette forme de toit allongé apparaît ici, à Angers, pour la première fois. Le terme de pavillon mentionné dans les comptes de la construction76 qualifie cette nouvelle disposition, adoptée en France dans ces années 1520-1530, à l’image des châteaux de Coussay ou de Villesavin.
DU MONUMENT À LA RECOMPOSITION URBAINE
18Traduction monumentale d’une jeune institution, l’hôtel de ville d’Angers illustre de manière exemplaire, dans le Val de Loire, la naissance d’une architecture communale à travers cette grande façade dénuée de hautes toitures et de lucarnes, qui permet au regard de se focaliser sur le motif de la loggia, dont il faudrait approfondir, par une meilleure connaissance des maîtres d’œuvre, les origines françaises et septentrionales. Mais l’image de la grande résidence aristocratique n’est pas absente, avec toutes ses composantes, porterie, cour d’entrée, communs, jardin, au sein d’un enclos fermé, le tout sur un site remarquable de hauteur, à terrasses. On note avec intérêt, à ce propos, que la grande maison des halles avec son « pourprins » avait été convoitée durant la décennie 1480 par le plus proche conseiller de Louis XI, Jean Bourré, pour y faire « une belle maison […] à la décoration de la ville » : un projet qu’il semble avoir abandonné après dix ans de négociations au profit de son château de Jarzé77. Si elle avait été menée à bien, cette résidence urbaine aurait été contemporaine du luxueux logis du trésorier Olivier Barrault qui, plusieurs fois maire, s’implanta durablement à Angers78. Le terrain recherché par Jean Bourré aurait été deux fois plus vaste encore (8 000 m2 environ), des acquisitions complémentaires permettant de l’étendre jusqu’à la partie basse de la place des Halles.
19L’implantation de l’échevinage dans cette grande maison des halles, par le double fruit du hasard et de la nécessité, a eu une forte incidence sur le développement urbain au sein même de la ville intra muros. Situé à l’opposé du château royal et de la cité épiscopale, le bâtiment comtal présumé de Charles d’Anjou avait déjà fortement structuré – dans une domination toute symbolique – cette immense place de marché fermée, essentielle à la vie économique de la cité et propice à toutes les manifestations publiques. Néanmoins, cette partie excentrée de la ville close, partagée entre les fiefs du roi et de l’abbaye Saint-Serge, était peu bâtie jusqu’au XVIe siècle, malgré le rassemblement de bâtiments institutionnels ducaux. La reconversion de la « maison des halles » en maison communale, suivie du développement des instances judiciaires royales avec la création d’un présidial, fut à l’origine d’un nouveau quartier de magistrats qui affirment leur pouvoir dans les alliances et la pierre. Une oligarchie de familles judiciaires et municipales y fit construire ses hôtels particuliers, dont l’air de parenté tient au grand architecte du moment, Jean Delespine, ou à ses collaborateurs. Ceux-ci sauront développer un style austère bien spécifique à ces logis de la seconde Renaissance (dotés pour les plus remarquables de degrés à porche ou « poyron ») comme à ceux qui s’élèveront ultérieurement, jusqu’à la Révolution. En contrepoint du monument édilitaire, se dessine ainsi sur trois siècles un nouveau centre-ville, celui de la noblesse de robe, clairement démarqué du centre médiéval gravitant à proximité de la Cité et de sa cathédrale.
20Dans une ville où la recomposition urbaine resta très limitée, l’orgueil du pouvoir municipal se manifesta dans les aménagements de son hôtel de ville, nous l’avons vu avec le logis des maires, résidence obligée en 1683 dont la restructuration interne s’accompagna de la recomposition du jardin et de sa terrasse suspendue : une terrasse quasiment privative dominant un parterre orné de broderies et de la croix d’Anjou, à la fois figure identitaire de la province et hommage au petit-fils de Louis XIV, le futur roi d’Espagne Philippe, qui venait de recevoir le titre de duc d’Anjou (fig. 6). Au centre de l’escalier monumental, édifié dans le même temps entre jardin et terrasse, dans l’axe de la grille d’entrée et de la croix d’Anjou, la statue du Roi-Soleil parachevait une composition que ponctuait, dans un angle, le pavillon de l’Académie des sciences et belles-lettres. Justifié par les élites municipales comme une « place et promenade commune et publique » bien que réservé « aux personnes de condition », ce jardin du Grand Siècle constituait un succédané de place royale79 confirmant l’ambivalence de lecture – publique et privée – du projet de la Renaissance.
Notes de bas de page
1 Ce texte, écrit en 2009, a été ponctuellement mis à jour à la suite d’une étude de bâti commandée en décembre 2012 par la ville d’Angers à Joseph Mastrolorenzo, archéologue du bâti, à l’occasion de travaux de rénovation des murs nord et ouest de la cage d’escalier du XIXe siècle, dans la partie septentrionale du Museum. La réactualisation reste partielle, en attente du rapport définitif.
2 Saugrain Claude-Marin, Nouveau voyage de France, géographique, historique et curieux, Paris, Durand libraire, 1760, p. 330.
3 La cour d’appel occupa de 1826 à 1885 l’ancien hôtel de ville, relayée depuis 1895 par le Museum d’histoire naturelle (section de paléontologie), qui occupe les salles du bel étage de l’édifice.
4 Maillard Jacques, Le pouvoir municipal à Angers de 1657 à 1789, Presses de l’université d’Angers, 1984, 2 vol. , et Ravalet Richard, Le quartier des Halles d’Angers (vers 1515 – vers 1580), maîtrise d’histoire, Université de Paris IV-Sorbonne, 1997, 2 vol. Sur l’aspect architectural, voir : Cailleteau Jacques, Letellier Dominique, Angers, ses hôtels de ville, Nantes, CRIPL, 1981.
5 Pour un premier aperçu de notre étude menée sur cet édifice prestigieux, en collaboration avec Joseph Mastrolorenzo, archéologue du bâti, voir la rubrique « Actualité » du Bulletin monumental, 167-4, 2009, p. 362-368. Plus récemment, Biguet Olivier, Letellier-d’Espinose Dominique, « Le palais comtal sur la place des Halles à Angers, une création de Charles d’Anjou au milieu du XIIIe siècle », dans Vacquet Étienne (dir.), Saint-Louis et l’Anjou, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 87-112. Aussi, toutes les sources antérieures à l’hôtel de ville ne sont pas mentionnées ici. Remerciements pour leur précieux soutien à Christian Cussonneau, Ronan Durandière, Jean-Yves Hunot, Emmanuel Litoux, Christian de Mérindol, Sophie Onimus-Carrias, Daniel Prigent.
6 AM Angers, II 2, t. 2, fo 211, 27 septembre 1489 : mention du don du 4 septembre 1485.
7 AM Angers, BB 7, fo 18, 7 septembre 1489.
8 AM Angers, BB 18, fos 78-80, 4 janvier 1527, BB 18, fo 90, 22 février 1527.
9 Jehan Mariau semble en disgrâce en ce printemps 1527 : il est convoqué en justice à propos du détournement de « vieux mérains de la grant maison des halles ». AM Angers, BB 18, fo 103.
10 D’après un sondage sur le site GeneaNet, qui signale plus particulièrement ce patronyme dans cette zone aux confins du Morbihan et de l’Ille-et-Vilaine, mais les informations ne remontent pas au-delà de la fin du XVIIe siècle.
11 La connaissance de l’œuvre de Jean Delespine, auteur du château de Serrant, d’importants hôtels de la noblesse de robe, de tombeau, etc., a été largement renouvelée grâce aux archives notariales : Letellier D., Biguet O., « La reconstruction du château de Serrant », Bulletin monumental, 1997, 155-4, p. 289-299 ; id., « Les hôtels particuliers de la seconde Renaissance à Angers et le rôle de Jean Delespine », Archives d’Anjou, 1999, no 3, p. 55-90 ; id., « Les tombeaux de l’évêque Jean Ollivier et du doyen Jean du Mas », 303 – Arts, Recherches et Créations, 2001, no 70, p. 106-109.
12 Roland Lagouz, « vitrier » « painctre » et « ymaigier », est le premier d’une longue lignée d’artistes ; il œuvre tant pour la municipalité que pour l’église d’Angers. Jean Desmarais, « tailleur d’ymaiges » est associé, sous la férule de Jean Delespine, à la réalisation des grandes statues de saint Maurice et ses compagnons à la façade de la cathédrale d’Angers (1540) : Port Célestin, Dictionnaire historique de Maine-et-Loire, Angers, H. Siraudeau, t. 2, 1978, p. 39 et 329.
13 Avec l’ensemble paroissial disparu à la Révolution, à l’exception du presbytère, devenu habitation particulière. Dans un souci de simplification, nous considérons que le cours de la Maine, à l’origine de l’implantation viaire et de l’orientation des églises, est orienté nord-sud (et non nord-est/sud-ouest).
14 Comte François, « Les lieux du pouvoir ducal à Angers au XVe siècle », dans René d’Anjou (1409-1480). Pouvoirs et gouvernement, éd. par J.-M. Matz et N.-Y. Tonnerre, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 174.
15 Gálffy Laszlo, Angers au XIIIe siècle : développement urbain, structures économiques et sociales, Maulévrier, Éditions Hérault, 2013, p. 139-141. Les halles marchandes semblent avoir été longtemps confondues par les historiens avec la « grant maison ou salle des halles » dont l’existence institutionnelle et matérielle avait été oubliée jusqu’à sa redécouverte en 2007.
16 La tour sud reçoit l’horloge publique en 1534. AM Angers, BB 20, fos 66-68, 27 novembre 1534, auparavant sur la porte de la prison en solution d’attente. BB 10, fo 18, 15 décembre 1497.
17 Pour ces travaux de 1681-1684, voir les archives notariales Gaudicher, AD Maine-et-Loire, 5 E 7/523 à 526.
18 AM Angers, CC 11, comptes de la construction, 18 mars, 29 avril et 8 juillet 1532.
19 Voir note 5.
20 AM Angers, CC 11, 8 juin, 3 août, 31 août 1528.
21 Ce refend est constitué d’une seule épaisseur de barraudes, pierres de grand gabarit du XVIe siècle. Les deux autres refends sont des gros murs de schiste plus anciens, appelés pignons dans le devis des planchers.
22 Devis des planchers, non daté [vers 1527]. AM Angers, DD 12.
23 Ce plancher haut est en partie conservé au-dessus de la salle, renforcé ultérieurement de poutres armées. Dans les chambres, prévues au nombre de quatre selon le devis, le système était déterminé par le gabarit plus modeste des pièces, soit deux poutres parallèles à la façade, situées de part et d’autre des conduits de cheminée logés dans les refends. Ce système n’est plus vérifiable dans les chambres extrêmes disparues au XIXe siècle, tandis que la chambre du Conseil – sans doute plus vaste que prévue – reprend, d’après la lecture en comble, la disposition transversale de la grande salle.
24 Le devis mentionne la récupération de piliers et de pignons (c’est-à-dire des refends). Des travaux de réparations survenus rapidement dès la fin du XVIe siècle confirment aussi l’ancienneté de la structure rénovée. AM Angers, BB 46, fo 88, 8 juillet 1597, BB 48, fo 125, 26 janvier 1601, BB 48, fo 142, 2 mars 1601. Par ailleurs, l’actuel plancher du XIXe siècle reprend partiellement, côté est, la structure de sablières sur « corbeaux de pierre » décrite dans le dit devis.
25 Cette fenêtre a été condamnée par le mur de refend établi au XVIe siècle entre la salle et la chambre du Conseil.
26 Ces plans présentent parfois des erreurs de relevé ou associent en certaines parties du document des états existants et projetés.
27 La grande salle, meublée par les collections paléontologiques, est conservée telle quelle dans son volume, qui est donné par le devis des planchers.
28 Cet escalier à loggia a-t-il perpétué un grand degré médiéval ? Nous pensons plutôt que ce dernier était placé à l’extrémité nord de l’édifice, à l’opposé du haut-bout de la salle princière. Le décor héraldique (suite de marches d’armes), qui ne peut être interrompu par un accès médian selon Christian de Mérindol, appuie cette restitution.
29 « […] en ladite salle ny seront pour le présent faictz aucunes croisées autres que celles qui y sont de présent » alors que dans ce même texte, de nouvelles ouvertures sont prévues à l’opposé, côté cimetière. AM Angers, BB 19, fos 148-149, 3 mars 1531.
30 AM Angers, BB 19, fos 148-149, 3 mars 1531. Ces deux fenêtres du mur oriental ne paraissent pas correspondre à un remploi du XIVe ou du XVe siècle, en dépit de leurs jambages soulignés d’un étroit chanfrein. Dépourvues de plates-bandes, elles sont couronnées par les pierres de la corniche (v. 1527) qui semblent antérieures puisque, non clavées en conséquence, elles sont affaiblies par ces percements.
31 AM Angers, BB 21, 7 novembre 1539 (tenue des Grands Jours), fos 121-122 et BB 26, 21 janvier 1552. Documents qui calent la construction du presbytère.
32 AM Angers, BB 19, fo 167, 2 juin 1531.
33 Par le maître menuisier Mathurin Le Gentilhomme, qui fit aussi le vantail de la grande porte extérieure, vers la loggia. AM Angers, CC 11, 15 juillet 1532.
34 Baie datée d’après la mouluration caractéristique de la seconde Renaissance et l’arrêt des Grands Jours de 1539 qui permit au corps municipal d’ouvrir des baies vers le cimetière. AM Angers, BB 21, fos 121-122 et II 2, fos 211-213.
35 AM Angers, CC 11, 1er avril 1532.
36 D’où le nom également de « chambre de l’horloge ».
37 Le mobilier de la chambre du Conseil et de cette « chambre d’amprès » est commandé en même temps, signe de leur complémentarité. AM Angers, CC 11, 1er avril 1532.
38 Une délibération de 1568 mentionne « la chambre du Conseil et la chambre d’amprès, le grenier de dessus où sont les armoiries du greffe de la ville ». AM Angers, BB 31, fo 229, 12 avril 1568. En 1681, la pièce était occupée par le secrétaire de mairie. AM Angers, DD 12, 24 mars 1681.
39 Pour permettre cette subdivision, le niveau inférieur était situé 1 m plus bas que celui de la grande salle, au-dessus d’une cave voûtée établie dans le même temps. Le jambage intérieur nord – retrouvé – de cette croisée recoupée par le plancher intermédiaire s’élevait sur 6 m de hauteur, avec un traitement plus riche pour la chambre supérieure, l’ébrasement adouci par un quart de rond montrant les traces d’un décor peint couvrant à faux-joints (étude de bâti 2012). Cette croisée, selon le dessin de Bruneau de Tartifume, ne descendait pas plus bas que ses voisines, ce qui impliquait, dans la chambre inférieure, une hauteur double d’allège et un jour à 2 m du sol, indice possible d’une fonction secondaire ou de service.
40 AM Angers, CC 11, 11 janvier 1529.
41 AM Angers, CC 11, 4 mars 1532. L’iconographie du XIXe siècle montre encore à l’ouest de la tour d’enceinte une tourelle carrée en pierre et pan de bois difficilement datable, détruite dans le cours du XXe siècle.
42 AM Angers, DD 12 (devis des planchers), CC 11, 9 nov. 1531, 4 mars 1532, 25 mars 1532, BB 31, fo 229, 12 avril 1568. Selon le devis, ce plancher bas était établi jusqu’à une « cave […] au bout dudict corps », dont les traces de voûtement ont été retrouvées en décembre 2012 sur la face intérieure nord de l’actuel escalier XIXe. Par ailleurs, les comptes de la construction signalent un autre espace voûté sous la grande salle, accessible par « une échelle de pierre », peut-être un simple caveau. AM Angers, CC 11, 16 octobre 1531, 9 novembre 1531, 20 novembre 1531. Nous n’avons pas retrouvé de traces de cette voûte.
43 Les premiers exemples de grandes vis hors-œuvre ne sont pas antérieurs à la fin du XIVe siècle.
44 AM Angers, BB 18, fo 138, 17 janvier 1528 et CC 11, du 15 juin au 9 novembre 1528.
45 AM Angers, BB 22, fo 52, 31 mars 1542.
46 Marché de travaux, 1er juillet 1683. AD Maine-et-Loire, 5 E 7/525.
47 Hypothèse confirmée par l’étude de décembre 2012, qui a permis de retrouver dans l’angle nord-est du grand bâtiment une petite porte de cet escalier nord, postérieure au XIIIe siècle et antérieure au chantier Renaissance.
48 La fourniture de 50 quartiers de pierre dure de Gouys (carrières près de Durtal, en Haut-Anjou) concerne peut-être les marches en calcaire dur de cette tour. AM Angers, CC 11, 9 novembre 1528. L’intervention du XVIe siècle est assurée par la présence d’un palier fonctionnant avec le niveau inférieur des chambres superposées.
49 Habité alors par les lieutenants Jean, puis son fils Pierre de La Poissonnière. De plus, l’état dégradé du bâtiment en 1485 semble exclure la construction de tours dans la seconde moitié du XVe siècle, ou même ultérieurement, au vu des plaintes de locataires.
50 La nature des baies assurant l’éclairage n’est pas connu, mais fut manifestement amélioré aux XVIIe -XVIIIe siècles, notamment par l’aménagement d’un appartement au rez-de-chaussée, en partie sud, occupé par le trésorier en 1790. AD Maine-et-Loire, 39 N 1, procès-verbal de consistance de l’hôtel de ville, 17 novembre 1790.
51 Exemples médiévaux à Angers même : palais épiscopal, « greniers » de l’hôpital Saint-Jean, hôtel de Beauvau-Montiron, manoirs de la Forêt et du Noyer, maisons canoniales Sainte-Croix et Saint-Michel dans la Cité…
52 Cependant, la croisée nord a été légèrement décalée vers sud, dans l’axe de la nouvelle porte d’entrée de l’escalier du XIXe siècle (étude de Joseph Mastrolorenzo, décembre 2012).
53 Elle relève des percements autorisés lors de la tenue des Grands Jours en 1539.
54 Il s’agit certainement de jours pour éclairer et aérer le comble, et non d’une incrustation d’ardoise, comme à Chambord ou Villegongis.
55 Parmi les nombreux exemples, Villandry, Villesavin, Valmer, Saint-Agil, etc., ou plus près le prieuré de Saint-Rémy-la-Varenne en Anjou.
56 Hôtel Legendre à Paris, châteaux de Blois ou d’Argy en Berry, au début du XVIe siècle, de Châteaubriant vers 1540 ou, à Angers même, la maison canoniale Saint-Maurille en 1543, dont le marché pour la galerie réalisée par Jean Delespine fait état de ces « amortissement de lucarnes » : Letellier D., Biguet O., 303 – Arts, Recherches et Créations, no 40, 1994, p. 182 (rubrique échos, patrimoine).
57 Comme nous le faisait remarquer Jean Guillaume. Cet « arc de triomphe » n’est pas sans évoquer la Fierte Saint-Romain à Rouen, au caractère antiquisant naturellement plus prononcé, puisque édifiée une douzaine d’années plus tard, en 1542-1543.
58 Mais cet escalier en charpente de la grande salle du château de Montargis date-t-il bien de la fin du XIVe siècle ?
59 Hôtels de Sens et Legendre à Paris, logis Barrault à Angers, ou cabinet de la galerie du château de Moulins qui constituent une expression très précoce de la Renaissance.
60 Cospérec Annie, Blois. La forme d’une ville, Paris, Imprimerie nationale/Inventaire général, 1994, p. 202-204.
61 Cette analogie du porche-loggia d’Angers avec la bretèche est déjà remarquée par Pérouse de Montclos Jean-Marie, Hôtels de ville de France, Paris, Dexia/Imprimerie nationale, 2000, p. 69. Le milieu germanique connaissait aussi anciennement ce principe (la Pfalz de Strasbourg du XIVe siècle).
62 Pérouse de Montclos J.-M., Hôtels de ville…, op. cit., p. 60, évoque le principe de « la claire-voie à niches que l’on retrouve au XVIe siècle au premier étage de nombre d’hôtels de ville de la moitié nord de la France » et y inclut notamment l’hôtel de ville d’Orléans. Cette formule s’observe encore au parlement de Normandie à Rouen, autre typologie d’édifices civils, dans le corps en fond de cour commencé à partir de 1509 : un exemple supplémentaire de cette manière du nord qui essaime dans la France septentrionale à partir du règne de Louis XII.
63 Modèle sans doute adopté à Blois, d’après les éléments lapidaires conservés qui font état d’un luxuriant décor sculpté, parmi lesquels des culots ornés, probablement attachés à des niches. Cospérec A., Blois…, op. cit., p. 203-204.
64 Dans les années 1520-1530, les niches à statues sous dais ne font plus partie du vocabulaire de la première Renaissance. On retrouvera cependant ce principe, acclimaté à l’architecture maniériste, aux hôtels de ville plus tardifs de Paris ou de La Rochelle.
65 AM Angers, CC 12, fos 114-133 (pagin. XVIIIe siècle). La porterie sera reconstruite selon un marché passé le 6 juin 1684. AD Maine-et-Loire, 5 E 7/526.
66 Le marché précise les pièces nécessaires à ce « comble de charpenterie » : 2 sablières, « feste, sur feste et entraveaux » ainsi que 40 solliveaux. Le dessin de 1623 indique un appentis (défaut de perspective ou reconstruction) et un écorché peut-être lié à un état dégradé.
67 Le marché précise qu’a « este faict trois colonnes, deux de six pieds de long et plus, et l’autre de cinq pieds et demi ».
68 Le marché indique, au sein de précisions concernant cette élévation sur la place, « deux coullonnes basses » et « deux grans chappiteaux sur les deux coullonnes haultes » : les colonnes basses semblent donc correspondre aux stylobates (environ 2,40 m de haut) des colonnes hautes.
69 Marché signalé dans les délibérations à deux reprises. AM Angers, BB 19, fo 117, 18 mars 1530 et BB 19, fo 131, 27 mai 1530.
70 Buanderie transformée en corps de garde en 1563, en P sur le dessin de 1623. Un espace suffisant entre celui-ci et la porterie pouvait accueillir d’autres dépendances.
71 AM Angers, CC 11, 25 janvier 1529. La face ouest du bâtiment montre encore la corniche du XVIe siècle comparable à celle du grand corps, visible sur sa face postérieure.
72 État des lieux donné par le marché de réaménagement de 1683. AM Angers, 5 E 7/525.
73 Voir note 69. En 1603, ce logis apparaît encore comme « le petit corps de la maison de ville ». AM Angers, BB 51, fo 108.
74 Le concierge, institué dans les lieux en 1529, était chargé de veiller principalement sur l’armement et les archives. AM Angers, BB 19, fos 64-67, 2 avril 1529. Le bail d’occupation, de 120 livres annuels, ne lui permet pas un usage personnel des pièces publiques et des « celliers et arsenal où se conserve l’artillerie ». AM Angers, BB 31, fo 229, 12 avril 1568. Son « logis » en voie d’achèvement en 1532 ne peut correspondre de ce fait au logement acquis à son intention en 1527 à la porte des Halles. AM Angers, CC 11, 18 mars 1532, BB 18, fo 92, 8 mars 1527.
75 En 1578, elle est détenue à vie par le maire Pierre Ayrault. AM Angers, BB 36, fos 41 et 82.
76 AM Angers, CC 11, 29 janvier 1532.
77 Donation du roi à Jean Bourré. AD Maine-et-Loire, E 1793, août-novembre 1480 ; AM Angers, BB 7, fo 21, 25 septembre 1489.
78 Sur la carrière d’Olivier Barrault et sa demeure : Letellier D., Biguet O., « Le Logis Barrault à Angers », Archives d’Anjou, 2004, no 8, p. 231-267.
79 Pérouse de Montclos J.-M., Hôtels de ville…, op. cit., p. 57, insiste sur la liaison entre projets de place royale et reconstructions des hôtels de ville sous l’impulsion de Colbert, précisément à partir de ces années 1680, pour la mise en valeur de la figure du roi.
Auteurs
Chercheur, service du patrimoine de la Région des Pays de la Loire
Chercheur, service municipal de l’Inventaire
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