Chapitre 3. La sécularisation des vertus
p. 130-202
Texte intégral
1Sous l’action des ordres mendiants, le regain d’intérêt pour la morale gagne progressivement le monde laïc. À tous les niveaux de la société, des instances dirigeantes aux cercles familiaux, la péninsule italienne est préoccupée par la pratique des vertus. Ce processus de moralisation prend forme dès le XIIIe siècle, comme en témoignent les nombreuses poésies sur les vertus rédigées en langue vernaculaire. À l’échelle des institutions, la morale gagne d’autant plus en importance que la religion se lie plus étroitement à l’activité civique. Les palais communaux se trouvent ainsi souvent équipés d’une chapelle, comme à Certaldo, Anghiari, Pistoia, Poppi ou Florence. Cette intense religiosité est fortement stimulée par les ordres mendiants. À Sienne, les dominicains prêchent à plusieurs reprises devant le conseil des Neuf, notamment en 1339, 1343, 1345 et 1348. Les conseils communaux se tiennent parfois dans les couvents. À Pérouse, le conseil de la ville investit régulièrement l’église San Domenico, à Città di Castello, il se réunit dans l’église San Francesco jusqu’en 1373, et, à Sienne, des années 1240 jusqu’à la construction du Palazzo Pubblico, les archives et les sceaux de la cité sont conservés dans la sacristie du complexe dominicain1. Les ordres mendiants participent même à l’administration des villes qui les chargent quelquefois de la gestion des finances2. Le vœu de Pauvreté les désigne effectivement comme des comptables de confiance. En 1260, Pérouse choisit deux franciscains et deux dominicains pour évaluer le prix de vente des céréales. En 1317 et en 1330, Sienne charge les dominicains de superviser la collecte des taxes. Entre 1324 et 1327, les augustins administrent une partie du trésor de Bologne. Les frères jouent aussi un rôle de premier ordre dans les rouages institutionnels, comme à Bologne où leur impartialité les amène à superviser le dépouillement des votes3.
2La présence accrue des frères dans les activités civiques contribue à amplifier le processus de moralisation des institutions. À partir du XIIIe siècle, les villes se dotent de législations qui donnent une place considérable à la morale, surtout en Toscane, en Ombrie et en Émilie-Romagne. Ce phénomène procède de la lecture thomiste qui conçoit la loi comme un outil permettant de former de bons citoyens : « Dans l’intention du législateur, il est plus primordial d’inciter aux vertus que d’interdire les vices. Les vices sont en effet interdits afin que soient supprimés les obstacles aux vertus4. » Suivant cette recommandation, les communes émettent des lois destinées à contrôler rigoureusement les attitudes peccamineuses5. À Pérouse, par exemple, les statuts de 1318 interdisent l’usage des couronnes et des bijoux en or, en argent et en pierres précieuses ; ceux de 1366, comportent vingt chapitres sur la réglementation des tenues vestimentaires et des festivités6. Les statuts de Sienne sont particulièrement loquaces sur la question des vêtements : ils précisent la valeur et le nombre de bagues que chaque citoyen est autorisé à porter, ils interdisent l’usage de soie rehaussée de fils d’or ou d’argent, de boutons en perle, de gants et de ceintures agrémentés de pierres précieuses7. Ce genre de précautions législatives s’étend à de nombreuses villes, comme Gubbio, Assise, Norcia, Spolète, Bologne, Ferrare, Modène, Parme, Ravenne et Rimini.
3Il va sans dire que la moralisation de la société civique favorise considérablement l’essor de l’imagerie des vertus. À partir des années 1320, les personnifications morales deviennent un thème récurrent du monde laïc où elles apparaissent partout : d’abord dans la sphère privée, avec des traités de moralité enluminés à vocation didactique ; ensuite dans le domaine public, avec des cycles monumentaux qui cherchent à transformer les villes en cités vertueuses ; enfin dans le cadre politique, en s’inscrivant dans un discours visant à légitimer la nature républicaine des régimes communaux.
LES PERSONNIFICATIONS AU SERVICE DE L’ÉDIFICATION
4À la fin du Moyen Âge, les vertus ne sont pas seulement perçues comme des notions surnaturelles dont l’apprentissage serait un privilège réservé aux religieux, mais aussi comme des valeurs de vie communes à tous. Grâce à l’important réseau scolaire que constituent les écoles conventuelles, le savoir éthique élaboré dans les monastères se répand progressivement dans les villes. Certaines valeurs morales en viennent à s’imposer dans la vie quotidienne. Ce phénomène se manifeste particulièrement dans la littérature vulgaire, comme l’atteste le Trecentonovelle de Franco Sacchetti (v. 1335-1400) qui dénonce sur le mode de la distraction les attitudes vicieuses de ses contemporains8.
5Le milieu de la bourgeoisie marchande toscane est très concerné par le sujet. Le florentin Paolo da Certaldo (v. 1320-1370) écrit ainsi le Libro di buoni costumi e buoni proverbi e buoni ammaestramenti à l’attention de sa famille afin de lui rappeler l’importance de vivre le plus vertueusement possible. À la manière de la règle de saint François, il l’exhorte à toujours garder en mémoire, grâce aux yeux spirituels, les tourments des Enfers et la gloire du Paradis9. Il donne aussi des conseils sur la manière de se comporter convenablement à chaque instant de la journée et examine en détail certains péchés, comme la Colère et l’Avarice10. Son analyse des vices témoigne d’une connaissance assez précise de la science morale. Il propose ainsi une interprétation de la mauvaise habitude conforme à la définition thomiste de l’habitus : selon lui, l’« usage transforme la nature », c’est pourquoi il faut toujours se garder des mauvaises habitudes pour mieux se préserver du mal11.
6Dans ses Ricordi, rédigés à partir de 1393, le marchand Giovanni di Paolo Morelli (1371-1444) témoigne des mêmes préoccupations. Comme Paolo da Certaldo, il invite ses enfants à fuir les vices en s’inspirant du modèle de personnes vertueuses, à faire preuve de courtoisie en toutes circonstances, à éviter l’Avarice et l’Intempérance, et à « […] étudier au moins une heure par jour Virgile, Boèce, Sénèque » pour acquérir leurs vertus12. À maintes reprises, il exhorte ses fils à faire de chacune de leurs activités un exercice pour devenir meilleur :
Et je veux que constamment, à l’école et au dehors tu retrouves, fréquentes et pratiques la compagnie de jeunes de ton âge, qui étudient comme toi et qui soient gens de bonne condition, bien élevés et vertueux, et avec eux sois sans réserve et hardi, leur parles, plaisantes ou te bagarres avec eux, sans mauvaise intention mais pour t’accoutumer à la pratique des autres jeux convenant à cet âge. Ces divertissements, ou d’autres plus vertueux, comme l’apprentissage de la musique ou des escrimes ainsi que d’autres activités d’agrément, se feront dans les moments où l’on n’étudie pas, comme l’après-midi en été, le soir après l’école et les jours des fêtes.13
7Comme l’attestent les propos de Giovanni di Paolo Morelli, l’apprentissage des valeurs morales ne se fait donc pas uniquement à l’école, mais à chaque instant de la vie. Pour faciliter cet enseignement quotidien, un « genre » littéraire se développe : celui des traités de moralité14. De fait, à partir de la fin du Duecento, de nombreux ouvrages sur les règles de bonne conduite sont rédigés à l’attention des citoyens. Les auteurs de ces manuels ne sont pas seulement des clercs, mais aussi des laïcs provenant du milieu notable, comme en témoigne le juriste Albertano da Brescia (?-1270). Tout en étant fortement marqués par le franciscanisme, les traités d’Albertano puisent à la fois dans le corpus des auteurs de l’Antiquité, dans l’Ancien et le Nouveau Testament et dans les Sentences de Pierre Lombard. Le plus célèbre d’entre eux, l’Ars loquendi et tacendi, explique, à l’aide de citations de Sénèque, d’Aristote et du roi Salomon, comment user vertueusement de l’art de la rhétorique, c’est-à-dire comment s’exprimer sans être guidé par la passion et ses vices15.
8Le poète et professeur Bonvesin de la Riva (v. 1240-1315) a également composé plusieurs traités sur l’étiquette aux contenus variés. Il a notamment écrit un commentaire en latin à l’usage des écoliers, la Vita scolastica, dans lequel il détaille quelques-uns des principes moraux qui doivent guider l’étude16. Il a aussi composé une longue poésie sur l’art de bien manger, le Da quinquaginta curialitatibus ad mensam, qui énumère pas moins de cinquante règles de bienséance pour la table : le convive doit se laver les mains convenablement sans utiliser trop d’eau, attendre d’être convié avant de se servir, ne pas poser les coudes sur la table, manger avec tempérance, ne pas parler la bouche pleine, boire modérément sans s’enivrer, etc17.
9Cette nouvelle catégorie d’ouvrages, dont le succès ne cesse de croître au XIVe siècle, en vient à recevoir de longues séries de vertus : c’est notamment le cas de plusieurs exemplaires de la vulgarisation toscane de la Somme le roi, du Tesoro et du Tesoretto de Brunetto Latini, des Documenti d’amore de Francesco da Barberino et de la Canzone delle virtù e delle scienze de Bartolomeo di Bartoli. Ces traités accordent une place considérable au mode figuratif de la personnification et jouent un rôle de première importance dans le renouvellement des vertus. Ils ne se contentent effectivement pas d’obéir servilement à la tradition iconographique, mais mettent en œuvre des images qui cherchent à traduire les nuances du contenu textuel afin d’enrichir son intention didactique.
La vulgarisation de la Somme le roi
10La Somme le roi est un traité sur les valeurs morales composé par frère Laurent d’Orléans pour le roi de France Philippe le Hardi dont il était le confesseur. Ce traité, qui comprend une section sur les vertus et sur les vices introduite par une explication des dix commandements et des douze articles du Credo, a connu un grand succès aux XIVe et XVe siècles : une centaine de copies complètes ou fragmentaires datant de cette époque sont conservées. Les quatre exemplaires les plus anciens, qui datent des années 1294-1295 et qui furent exécutés en France, comptent quinze enluminures peintes par le Maître Honoré (actif v. 1288-1296) ou par son atelier, une pour chacune des six premières sections et neuf pour la septième et dernière section, dédiée aux vertus18.
11La thématique des vertus apparaît dès la cinquième section avec le Jardin des vertus : sept vierges sont figurées en train de puiser de l’eau dans sept sources différentes et d’arroser sept arbres symbolisant les sept vertus. La septième section s’ouvre par une enluminure qui figure les quatre vertus cardinales, à savoir la Prudence qui fait la leçon à des novices, la Tempérance qui réprimande une jeune fille mangeant avec excès, la Force qui tient un médaillon figurant un lion et la Justice qui brandit une balance et une épée. Chaque sous-partie commence ensuite par une enluminure en pleine page s’agençant invariablement en quatre compartiments mettant en rapport une vertu avec des scènes tirées des Écritures ou de la vie quotidienne. Le compartiment supérieur gauche est systématiquement occupé par une personnification des vertus qui, le plus souvent, consiste en une femme couronnée, debout sur un animal, qui tient un attribut et/ou un emblème. Le compartiment supérieur droit figure le vice opposé à la vertu sous la forme d’un exemplum, tandis que les deux compartiments inférieurs comprennent des épisodes de l’Ancien ou du Nouveau Testament exemplifiant la vertu personnifiée et le vice qui lui est opposé.
12La Somme le roi connaît une fortune particulière dans la péninsule italienne où elle est sans doute introduite par l’ordre dominicain dont frère Laurent était membre. Elle y est l’objet de trois traductions au début du XIVe siècle, une génoise, une siennoise et une florentine19. Peut-être réalisée pour une confrérie laïque attachée au couvent de Santa Maria Novella, la traduction florentine, œuvre du notable Ser Zucchero Bencivenni (?-v. 1320), a connu un grand succès en Toscane20. Elle compte plusieurs copies, dont quatre sont totalement ou partiellement enluminées21. Il s’agit du manuscrit Rediano 102, conservé à la Biblioteca Medicea Laurenziana à Florence, qui porte le nom Volgarizzamento del Pater Nostro, peut-être enluminé par Pacino di Bonaguida (actif v. 1303-1347) et réalisé vers 1330-134022 ; du manuscrit II. VI. 16 conservé à la Biblioteca Nazionale Centrale à Florence, également nommé Paternostro et daté des années 134023 ; du manuscrit Barberiniano Latino 3984 conservé à la Biblioteca Apostolica Vaticana, appelé le Tractatus de virtutibus et vitiis, illustré par deux enlumineurs, dont le Maestro Daddesco, vers 1340-135024 ; enfin, du manuscrit Italien 91 conservé à la Bibliothèque nationale de France, qui comprend la Somme le roi ainsi que I fioretti di San Francesco, et qui date de la fin du XIVe siècle25.
13Ces quatre manuscrits sont intéressants pour plusieurs raisons. Plus que de témoigner de l’intérêt que les Florentins portent aux traités de moralité, ils montrent comment s’opère le glissement du thème des vertus du contexte particulier de l’aristocratie parisienne à celui de la bourgeoisie toscane. La façon dont les images s’articulent traduit d’emblée l’écart qui sépare les versions florentines de leur modèle. Dans les manuscrits Rediano 102 et II. VI. 16, les personnifications et les exempla ne font pas office de frontispice aux sous-parties mais sont intégrés dans le corps du texte (pl. VIII, fig. 62). Les personnifications sont ainsi faites pour être vues en même temps que le traité est lu. Le texte appelle même régulièrement le lecteur à regarder les images, lesquelles sont souvent accompagnées de légendes plus ou moins longues qui font office de guide iconographique26.
14Les modifications les plus évidentes regardent le traitement de l’iconographie. Les vertus des manuscrits toscans ne se contentent pas de copier servilement les enluminures françaises, mais proposent de nouvelles formules qui s’avèrent moins répétitives et moins hiératiques. Les personnifications ne sont ainsi plus figurées comme d’inébranlables reines foulant des bêtes diaboliques à la manière de la psychomachie. La Prouesse du manuscrit II. VI. 16 (fig. 62), par exemple, adopte la forme d’une jeune fille vêtue d’une longue robe qui s’avance avec un lion qu’elle tient en laisse. La domination de la vertu sur l’animal se fait ici plus subtile. Elle réside dans l’élégance de la pose et de la gestuelle de la demoiselle qui contraste avec la férocité du fauve qu’elle maîtrise sans peine. Le chromatisme raffiné associé à la sobriété des composantes iconographiques contribue à accroître la délicatesse de la scène. Même lorsqu’elles sont figurées debout sur un animal, les vertus sont rarement pourvues des mêmes attributs que dans la version française. Par exemple, alors que dans le manuscrit de la bibliothèque Mazarine la Sobriété foule un ours et tient un médaillon montrant un perroquet, dans le manuscrit II. VI. 16 (fig. 63) elle porte une grande paire d’ailes, se tient debout sur un lion et écarte symétriquement les bras sur lesquels six colombes sont posées.
15Pour ce qui est des scènes exemplifiant les vertus, l’écart est également prononcé. Les exempla font moins souvent référence aux Écritures et préfèrent figurer des scènes de la vie quotidienne ou des personnages de la société italienne. L’enluminure du manuscrit II. VI. 16 consacrée à l’Humilité constitue à cet égard un exemple significatif, notamment dans le traitement de l’exemplification de l’Orgueil. De fait, même si, comme dans le modèle français (fig. 64), l’Orgueil consiste en un personnage tombant la tête en avant, le sujet est différent. Il ne s’agit pas du suicide du roi Ochozias se jetant de son palais relaté par l’Ancien Testament (2 Rois, 1 : 2), mais de la mort d’une simple jeune femme. Ce changement d’identité procède probablement d’un choix délibéré de la part de l’enlumineur qui souhaitait proposer un exemplum plus conforme aux attentes du commanditaire : si le roi Ochozias constituait un exemple édifiant pour le roi de France, aux yeux du lecteur florentin, la jeune femme soulignait certainement mieux le contraste entre le vice et la personnification de l’Humilité.
16Parmi les quatre manuscrits enluminés de la vulgarisation toscane, le manuscrit Barberiniano Latino 3984 est sans conteste le plus original27. Même si ses enluminures conservent la disposition compartimentée des manuscrits français, elles proposent une iconographie totalement nouvelle. Il en va ainsi du folio 56ro consacré à l’Humilité (fig. 65) qui abandonne intégralement sa source d’inspiration, puisqu’il ne figure plus l’antagonisme Humilité/Orgueil, mais montre quatre hommes dans quatre états d’Humilité différents. Dans le compartiment supérieur gauche, un premier personnage presque totalement nu, assis sur un enrochement, se regarde. Le titulus dit : « Un qui se regarde lui-même nu28. » Dans le compartiment supérieur droit, un deuxième personnage, lui aussi presque nu, fait un geste d’affliction. Il s’agit de celui « qui pleure sa pauvreté29 ». Dans le compartiment inférieur gauche, un troisième personnage, toujours à moitié nu, montre un vase contenant son urine à un médecin. Le titulus précise : « Celui-ci montre son eau au médecin30. » Cet attribut singulier trouve son explication dans le corps du traité qui compare l’humble confession à la purgation : confesser ses péchés équivaudrait à laisser le médecin ausculter l’intégralité de son corps31. Dans le compartiment inférieur droit, un quatrième personnage « se présente devant les autres nu et infirme32 ». L’iconographie de ces quatre scènes est nettement différente de celle adoptée par les manuscrits français. Elle n’emploie plus d’exempla issus des Écritures mais des personnages à l’identité incertaine se situant à mi-chemin entre la personnification et l’exemplification. Elle témoigne en outre de l’influence des ordres mendiants : à la manière de l’imagerie franciscaine, elle envisage l’Humilité comme une vertu s’accomplissant grâce au dénuement le plus complet33.
17L’originalité du manuscrit Barberiniano Latino 3984 réside dans le fait que ses enluminures s’intéressent plus aux vices que les manuscrits du début du Trecento, comme l’attestent les folios 113vo et 114ro qui figurent huit vertueux refusant de succomber aux vices. Le folio 114ro (fig. 66) dénonce la Gourmandise, la Luxure et l’Avarice en trois scènes : une demoiselle fuit deux hommes attablés qui boivent et mangent goulûment ; un gentilhomme se détourne d’une courtisane perchée sur un piédestal qui brandit un miroir et qui ouvre sa robe pour exhiber son entrejambe34 ; un passant donne le sou à un infirme qui mendie tandis qu’un usurier, assis derrière un pupitre, compte méticuleusement son argent à l’aide d’une balance35. La page se conclut enfin par une scène qui investit le manuel d’une dimension fortement pénitentielle. Elle montre un pénitent agenouillé se flagellant. Son titre dit : « Ce qui fait une pénitence fuit tous les vices36. »
18Cette dernière image permet des supposer que le manuscrit Barberiniano Latino 3984 était destiné à une confrérie ou à un tiers ordre. D’autres enluminures indiquent même que le commanditaire était lié à l’ordre des Frères mineurs, comme celle du folio 81ro qui consiste en une série de scènes stimulant le repentir du lecteur. Au sommet de l’image sont figurés trois dévots : le premier embrasse le pied de la Croix, le deuxième prie devant le Christ bénissant, le troisième pleure les « larmes de la contrition37 ». Au centre apparaît un autre personnage vêtu d’une robe de bure qui pose un genou à terre et qui ouvre les bras en direction du ciel : il s’agit vraisemblablement de saint François recevant les stigmates. Le répertoire franciscain se fait plus présent encore dans le folio 52vo qui associe la Crucifixion aux vertus théologales (fig. 67). Au centre de l’enluminure est figuré le Christ crucifié. Au pied de la Croix, bras sur la poitrine, la Foi s’agenouille pour baiser ses pieds, à la manière de sainte Marie-Madeleine, tandis que, à droite, debout sur une volute dessinée par un rinceau, l’Espérance s’élance en direction du Sauveur pour l’embrasser, exactement comme Dame Pauvreté. Chacune des deux personnifications est identifiée par un titulus inscrit de part et d’autre de l’image – « Fide » et « Spes ». Au-dessus du cadre, à l’aplomb du Christ, une autre inscription apparaît – « Carità » – qui assimile le Sauveur à la Charité. Ce détail est symptomatique de l’ascendance franciscaine. Il rappelle le cycle de l’église San Francesco à Pise où saint François se transforme en personnification de la Charité sous le regard approbateur de la Foi et de l’Espérance (fig. 52).
L’encyclopédisme du Tesoro
19En Toscane, les laïcs les plus instruits ne se contentent pas de vulgariser les sommes morales d’origine cléricale ou aulique, mais composent leurs propres traités en langue vernaculaire. Il en va ainsi de Brunetto Latini qui, dans les années 1260, rédige un ouvrage relativement complexe comprenant un commentaire sur les vertus, Li Livres dou Trésor. Brunetto Latini est un notaire qui joua un rôle de premier plan dans la vie civique de Florence où il est né vers 122038. En 1260, la commune l’envoie en Castille pour demander le soutien d’Alphonse X le Sage (1221-1284) dans la lutte qui l’oppose à Sienne. À cause de la défaite de Montaperti, le 4 septembre 1260, il est contraint de vivre plusieurs années en exil en France. Après la bataille de Bénévent, le 26 février 1266, il retourne à Florence où il assume plusieurs charges importantes : en 1271, protonotaire du gouverneur de Toscane envoyé par Charles Ier de Sicile (1227-1285) ; en 1273, notarius consiliorum comunis Florentini ; de 1272 à 1274, chancelier ; à partir de 1287, prieur. À sa mort, vers 1294-1295, il laisse le souvenir d’un citoyen accompli, ayant consacré toute sa vie à servir sa ville, comme en témoigne Giovanni Villani :
Ladite année 1294 mourut à Florence un valeureux citoyen du nom de Ser Brunetto Latini, lequel fut un grand philosophe et un maître suprême en rhétorique, tant que pour le bien dire que pour le bien écrire. Et il fut aussi celui qui exposa la Rhétorique de Tullius, et fit le bon et utile livre appelé Trésor et le Tesoretto, [qui est] la clé du Trésor, et plusieurs autres livres de philosophie, sur les vices et les vertus, et il fut chancelier de notre Commune.39
20C’est durant son exil en France que Brunetto Latini rédige Li Livres dou Trésor. Puisant à la fois dans la littérature monastique et chez les auteurs antiques, cet ouvrage réunit de nombreuses connaissances d’ordre moral et certaines de ses parties se présentent comme de véritables manuels de savoir-vivre40. Pour lui garantir la plus large audience possible, Brunetto choisit de le rédiger intégralement en langue d’oïl41. Il s’articule en trois livres. Le premier expose la théologie, raconte les grands moments de l’histoire, présente les sciences et se conclut par un bestiaire. Le deuxième traite en détail de la morale à l’échelle de l’homme et de la société. Il s’agence en deux parties, une première se proposant comme un « livre d’étike » et une deuxième comme un « ensegnemens des visces et des vertus ». La partie consacrée à l’éthique est en fait une traduction partielle, assortie de commentaires, de l’Éthique à Nicomaque d’Aristote, tandis que la partie sur l’enseignement des vertus et des vices est une compilation sur les valeurs morales s’inspirant de plusieurs traités, notamment du Moralium dogma philosophorum de Guillaume de Conches (v. 1080-v. 1150), de la Doctrina de arte loquendi et tacendi d’Albertano da Brescia, du De formula honestae vitae de Martin de Braga (v. 510-579) et de la Summa virtutum ac vitiorum de Guillaume Peyraut. Enfin, le troisième livre aborde plus précisément les questions politiques. Il consacre une première partie à l’art de la rhétorique et une deuxième aux règles de comportement du gouvernement idéal.
21Le Trésor a connu un grand succès en Italie où il était très apprécié des familles patriciennes et seigneuriales du Nord42. Aux copies françaises qui circulent alors s’ajoute une traduction toscane composée à la fin du XIIIe siècle, peut-être par Brunetto Latini lui-même, pour un public vraisemblablement plus modeste43. Pour la plupart produits en Toscane entre la fin du XIIIe et le début du XVe siècle, les manuscrits de cette version « italienne » sont au nombre de quarante-quatre, dont treize seulement sont enluminés. La modestie des images de ces manuscrits a conduit Brigitte Roux à supposer que l’intérêt de leurs commanditaires résidait moins dans le décor que dans le texte lui-même44. De fait, seul un exemplaire propose un cycle de vertus : il s’agit du manuscrit Plutei 42, 19 conservé à la Biblioteca Medicea Laurenziana à Florence et enluminé vers 1320-134045.
22Le Plutei 42, 19 est remarquable par le nombre et la variété des personnifications qui l’animent. Il compte 31 enluminures dédiées aux vertus et aux vices exécutées par un peintre toscan actif durant la première moitié du XIVe siècle connu sous le nom de Maître du Biadaiolo ou de Maître des Effigies dominicaines. Il figure à la fois des vertus canoniques, telles la Justice, la Force, la Chasteté, la Prudence ou la Tempérance, et des valeurs morales correspondant plus aux préoccupations de la société laïque, comme la Libéralité, la Magnanimité, la Constance, le Plaisir ou la Magnificence. Son iconographie puise dans la tradition tout en proposant de nouvelles solutions. La Justice, par exemple, est figurée à cinq reprises suivant des formules à chaque fois différentes. Le seul attribut qu’elle emploie invariablement est l’épée. Au folio 45ro, elle trône sur un banc dans une position hiératique avec une balance romaine, la statera, dont elle tient le bras pour en ajuster la pesée. Au folio 46vo, elle se tient debout sur une est rade et brandit une balance à plateaux. Au folio 62vo (fig. 68), elle parade triomphalement sur un char tiré par deux chevaux. Au folio 68ro, elle tend la maquette d’un édifice à un laïc agenouillé devant elle. Enfin, au folio 70vo, elle vient à la rencontre de la Prudence.
23Comme dans les exemplaires italiens de la Somme le roi, les personnifications du manuscrit Plutei 42, 19 font corps avec le matériel écrit. Disposées dans les colonnes du texte, souvent au début des rubriques, elles sont figurées pour être vues en même temps que le traité est lu (fig. 68). C’est donc au cours de la lecture que l’iconographie prend sens. Les commentaires indiquent ainsi que si le Courage est figuré comme un chevalier en armure monté sur un destrier qui s’élance au cœur de la bataille, c’est parce que la qualité principale de celui qui est fort est de ne craindre aucun péril et d’avoir plus peur de la honte que de la mort46, et que si la Chasteté tient une boîte, c’est parce qu’elle est capable de contrôler les appétences, c’est-à-dire de contenir les désirs corporels47. Néanmoins, même si les images entretiennent un rapport étroit avec le texte, elles ne font pas simplement office d’illustrations, mais sont traitées comme un cycle parallèle. Pour preuve, plusieurs d’entre elles peinent à trouver une explication dans l’encyclopédie, laquelle ne livre aucune description explicite. La Libéralité, par exemple, qui est assise entre un bélier, un lion et un cheval sortant d’un bâtiment fortifié et qui s’adresse à trois laïcs agenouillés trouve difficilement une interprétation48.
24Dans certains cas, l’écart entre le texte et les images s’avère tel que les vertus semblent pensées comme un cycle intégralement autonome. Dans d’autres, le choix iconographique laisse supposer que le Maître des Effigies dominicaines s’est contenté de copier les formules de ses contemporains sans chercher à adapter les personnifications au contenu des rubriques. La sphère armillaire de la Prudence et la serpe de la Tempérance reprennent ainsi l’iconographie employée par Taddeo Gaddi sur les voûtes de la chapelle Baroncelli (fig. 12). Reste à savoir si c’est le Maître des Effigies qui a copié les fresques ou Taddeo Gaddi qui s’est inspiré des enluminures. Sur ce point, il est opportun de préciser que l’élève de Giotto connaissait probablement le Tesoro : son petit-fils Angelo Gaddi (1387-1474), plusieurs fois prieur de Florence, en possédait un exemplaire datant des années 1325-1350 (Ms. Gadd. 4, Biblioteca Medicea Laurenziana).
25La leçon morale des Livres dou Trésor s’est surtout répandue en Toscane par l’intermédiaire d’un poème en vernaculaire, également rédigé par Brunetto Latini vers 1271-1272, intitulé le Tesoretto49. Ce petit traité reprend sur un mode lyrique les notions exposées dans le deuxième livre de l’encyclopédie française. Il relate le voyage de son auteur en Castille, à la cour d’Alphonse X le Sage, et son errance sur le chemin du retour où, en compagnie d’un chevalier, il rencontra plusieurs personnifications, dont les vertus cardinales ainsi que la Vertu, la Largesse, la Courtoisie, la Loyauté et la Prouesse. Un seul exemplaire illustré de ce poème est conservé. Il s’agit du manuscrit Strozzi 146 de la Biblioteca Medicea Laurenziana (fig. 69) décoré vers 1310-1325 par un anonyme avec des images consistant en de simples dessins exécutés à l’encre brune et à l’aquarelle ocre50.
26À la différence des enluminures du manuscrit Plutei 42, 19, les images du manuscrit Strozzi 146 ne sont pas conçues pour apporter une signification supplémentaire au récit, mais ont pour vocation d’amorcer les visions extraordinaires de l’auteur pour mieux stimuler l’imagination du lecteur. Ainsi, la technique employée, des dessins à la limite de l’esquisse, et l’iconographie sobre, c’est-à-dire des personnifications faiblement différenciées et des fonds laissés vierges, donnent l’impression que les images sont volontairement inachevées. À cet égard, la Largesse, la Loyauté (fig. 69), la Courtoisie et la Prouesse sont particulièrement suggestives. Toutes les quatre figurent en effet la même scène, à savoir Brunetto Latini et le chevalier l’accompagnant debout devant une personnification assise sur un banc qui donne des conseils sur la façon de se comporter. Contrairement au manuscrit Plutei 42, 19, les vertus adoptent presque la même forme ; seule la Prouesse porte des attributs distinctifs, en l’occurrence une masse d’armes et un bouclier.
27En refusant de prendre la forme d’un cycle encyclopédique, les images du manuscrit Strozzi 146 ne distraient pas le lecteur de sa réflexion et instaurent un environnement imaginaire propice à la rencontre des vertus. Ce processus de visualisation intérieure rappelle celui des ordres mendiants. La métaphore de la rencontre du poète et des vertus au cours d’un voyage fait écho au thème franciscain de la rencontre, à la fois extraordinaire et banale, de François avec Dame Pauvreté près du roc de Campiglio (fig. 50). Le franciscanisme diffus du Tesoretto se confirme à la fin du poème. Après avoir rencontré toutes les vertus une à une, Brunetto Latini confesse en bon chrétien ses péchés à un frère mineur qui lui accorde l’absolution51. Une telle combinaison d’aspirations laïques et mendiantes a certainement contribué au succès du récit et à l’influence durable que son auteur a exercée sur la pensée éthique communale, notamment grâce au relais de ses élèves, au premier rang desquels se trouve Francesco da Barberino.
Les Documenti d’amore et l’initiation des vertus
28Né en 1264 à Barberino Val d’Elsa, village situé dans le contado florentin, Francesco di Ser Neri di Ser Ranuccio connaît une carrière similaire à celle de son maître Brunetto Latini52. À partir de 1294, année lors de laquelle il achève ses études de juriste à Bologne, il voyage beaucoup, offrant ses services de notaire à différentes communes du Nord de la péninsule. Il travaille à Padoue, où il prend connaissance des fresques de la chapelle Scrovegni, à Trévise, à Mantoue, à Florence et à Venise, puis, entre 1309 et 1313, séjourne à plusieurs reprises en France, à la cour de Philippe le Bel et en Avignon. À partir de 1317-1318, il s’installe définitivement à Florence où il sert l’évêque Antonio d’Orso (?-1321) avant de se consacrer à l’administration de la ville. Ses contemporains ont reconnu l’exemplarité de sa vertu : Boccace (1313-1375) admire « l’honnêteté de ses mœurs » et Filippo Villani son application à encourager les citoyens à vivre vertueusement53.
29Comme Brunetto Latini avant lui, Francesco da Barberino est l’auteur de plusieurs traités de moralité. Dès 1305-1308, il compose un livre d’heures – l’un des premiers réalisés en Toscane –, intitulé l’Officiolum, qui comporte plusieurs images novatrices des vertus et des vices54. Puis, entre 1310 et 1318, il écrit un manuel de règles de bonne conduite pour les femmes, le Reggimento e costumi di donna. Cet ouvrage apporte des conseils variés sur la manière de se tenir en société et comprend des développements complexes sur les vertus chargées de guider la lectrice sur la voie de l’Onestade, en d’autres termes de la perfection.
30C’est à la même époque que Francesco écrit les Documenti d’amore. Ce traité, destiné à l’attention exclusive des hommes, prend la forme d’un poème en langue vernaculaire de 7 000 vers sur les méthodes de l’amour accompagné d’une traduction et de commentaires en latin. Il subsiste encore deux exemplaires enluminés de cet ouvrage, l’un et l’autre conservés à la Biblioteca Apostolica Vaticana55. Il s’agit du manuscrit Barberiniano Latino 4077, datant des années 1313-1315, et du manuscrit Barberiniano Latino 4076, datant des années 1320-132556. Le premier, autographe, contient la totalité du poème et de son commentaire, tandis que le deuxième, écrit à plusieurs mains, ne comporte que le début du commentaire. Ces deux manuscrits comprennent une importante série d’images conçues, semble-t-il, par l’auteur lui-même, parmi lesquelles de nombreuses personnifications des vertus57. L’ensemble de ces personnifications joue un rôle capital dans l’enseignement que le traité dispense aux lecteurs.
31Le poème commence par la réunion des serviteurs de l’Amour qui, par l’intermédiaire de l’Éloquence, promulgue les statuts, les Documenti, que doivent observer ceux qui ambitionnent de le servir. Douze dames les recueillent à tour de rôle. Il s’agit de Docilité, Industrie, Constance, Discrétion, Patience, Espérance, Prudence, Gloire, Justice, Innocence, Gratitude et Éternité. À ces dames, figurées en frontispice de chacune des parties, s’ajoutent plusieurs autres personnifications qui sont également le sujet d’enluminures, la Renommée, la Vertu, la Superbe, la Conscience, l’Amour et la Vigueur-Force.
32Les valeurs morales choisies par le poète sont loin de suivre la tradition. Même si certaines proviennent du septénaire des vertus, d’autres sont relativement inhabituelles, comme l’Industrie, la Discrétion ou la Gratitude qui sont rarement invoquées dans les sommes de morale médiévales. L’iconographie s’avère également particulièrement novatrice. Seules la Prudence (fig. 28), tournée vers diagramme, et la Justice (fig. 33), épée et balance à la main, puisent dans le répertoire iconographique conventionnel. Les autres personnifications proposent des formules souvent intégralement nouvelles, comme l’Innocence (pl. IX, fig. 70) qui reçoit une guirlande de fleurs des mains de l’Amour tout en tenant un lion par une oreille. Même les vertus canoniques emploient une iconographie insolite. L’Espérance (fig. 71) consiste ainsi en une personnification ailée qui distribue des cordes, attachées à cinq tours, à une foule d’hommes et de femmes qui tendent les bras dans sa direction.
33À la vue de ces enluminures, un constat s’impose rapidement : les images conçues par Francesco da Barberino sont relativement complexes, surtout lorsqu’elles rassemblent plusieurs personnifications et/ou personnages exemplaires. C’est par exemple le cas de la Constance (fig. 72) qui prend la forme d’une femme trônant, un livre à la main et un bouclier sur le cœur, entourée de quatre individus personnifiant les vices : un joueur de mandoline pour la Flatterie, un soldat la défiant avec une épée pour la Superbe, un enfant tirant sur sa robe pour la Consanguinité, un homme lui offrant des pièces de monnaie pour la Corruption. Une telle complexité se trouve justifiée par la fonction même des images. Les personnifications ont à la fois pour vocation de servir d’introductions aux différentes sections du poème et d’offrir un complément visuel édifiant à son contenu, comme l’indique l’auteur en personne qui invite fréquemment le lecteur à les regarder avec attention58. Leur iconographie fait ainsi directement écho aux premiers vers des strophes, lesquels nomment la vertu dont il est question et fournissent une courte description de ses attributs avant de délivrer les règles de bonnes conduites à adopter. Par exemple, dès le début de la partie sur la Docilité, le poème apprend au lecteur que si la personnification est figurée âgée, c’est parce que la sagesse se fonde sur l’expérience, que si elle tient une verge, c’est pour signifier son autorité, et que si elle porte un manteau bleu ourlé de vair, c’est pour indiquer son excellence59. Les deux colonnes de commentaires en latin ponctués de citations qui flanquent les images et le poème apportent des informations supplémentaires. Au sujet de la Docilité, ils précisent notamment : « Docilité est aux vertus une sorte d’acte qui, après l’enseignement, apprend à résister aux vices et à leurs causes, et nous enseigne le moyen d’y résister par la discipline60. »
34Pour faciliter la compréhension des images les plus denses, personnifications, personnages et attributs sont identifiés par des tituli disposés dans les encadrements. Par exemple, dans l’enluminure de l’Espérance (fig. 71), « Spes » est inscrit au-dessus de la personnification, « sperantes » à côté des élus qui saisissent les cordes, « desperati » au-dessous des deux personnages accablés sur le sol et « spei palatium » au-dessous de l’édifice. Dans certains cas, les inscriptions s’introduisent directement dans l’image : sur les tours du palais de l’Espérance sont notés, de gauche à droite, « Templum plene potentiae », « Templum virtutum », « Templum Dei », « Templum sanitatis », « Templum amoris ». Comme l’indique ce genre d’enluminures, les vertus des Documenti d’amore sont étroitement liées au texte. Loin d’être conçues comme de simples embellissements, elles font corps avec le poème et contribuent autant que le matériel écrit à la formation morale du lecteur. En somme, elles ne servent pas seulement à synthétiser visuellement les notions abstraites développées par le traité, mais remplissent le rôle de véritables figures exemplaires61.
35L’apport de Francesco da Barberino dans le domaine des vertus ne se cantonne pas aux Documenti d’amore. Il est désormais reconnu que le notaire a également contribué à l’essor du thème à l’échelle monumentale. Il a notamment participé à la réalisation du programme décoratif du tombeau d’Antonio d’Orso sculpté par Tino di Camaino vers 1321, lequel comprenait une personnification de la Mort, et a conçu un cycle de vertus pour la ville de Florence, comme le rapportent les Documenti d’amore eux-mêmes :
Si tu désires voir les formes peintes de cette Honnêteté, de l’Audace et de la Courtoisie dont j’ai parlé plus haut, vois à Florence où j’ai rendu présentes la Guerre entre la Courtoisie et l’Avarice et leurs suivants, et l’Honnêteté et la Couardise et leurs suivants, et les dits en vulgaire qu’on y trouve ainsi que d’autres curieuses nouveautés peintes tout autour.62
36Une note de l’Officiolum laisse par ailleurs entendre que Francesco aurait aussi mis au point une série de personnifications pour la commune de Trévise63.
37Sa contribution dans le champ de la morale s’avère d’autant plus remarquable qu’elle anticipe plusieurs changements majeurs de la Renaissance, entre autres en ce qui concerne la notion de Gloire. Francesco da Barberino distingue deux sortes de Gloire, la Gloria et la Laus pour qui il invente des formules iconographiques intégralement nouvelles. La première, qu’il fait figurer sous la forme d’une jeune fille assise dans une prairie peuplée d’animaux qui cueille des fleurs, consiste dans l’accomplissement total du bonheur et de l’Être et s’oppose à la « Vanitas mundi64 ». La deuxième, qui apparaît dans le manuscrit Barberiniano Latino 4076 et dans l’Officiolum (pl. IX, fig. 73), correspond au Mérite et à l’aboutissement de l’apprentissage des vertus. Il s’agit d’une personnification figurée à trois stades successifs de son évolution. Au premier stade, elle prend l’aspect d’un être inachevé émergeant directement de la terre en s’agrippant au tronc d’un arbre. Au deuxième, elle devient une jeune demoiselle montée sur une branche à mi-hauteur de l’arbre. Au troisième, elle se transforme en une femme d’âge mûr qui trône sur trois lions dans une mandorle tout en tenant la cime de l’arbre. L’iconographie de cette image est intéressante à plus d’un titre.
38D’abord, elle figure le processus qui, de la terre au ciel, conduit à former la vertu et à façonner « physiquement » la personnification. Ensuite, elle prouve que le mérite n’est pas un don inné mais qu’il s’acquiert principalement par l’expérience, en d’autres termes par l’habitus. Enfin, elle anticipe les futurs développements du Trecento, lorsque la Gloire en vient à être figurée en tant que Renommée, d’abord par Giotto vers 1335 dans le palais d’Azzone Visconti (1302-1339) à Milan, aujourd’hui détruit, puis dans les premiers manuscrits du De viris illustribus de Pétrarque, entre autres dans les Latino 6069 F et 6069 G de la Bibliothèque nationale de France, datés respectivement de 1379 et 138865.
L’imagerie augustine à la mesure de la Canzone delle virtù
39Conservée au musée Condé à Chantilly (Ms. 599), la Canzone delle virtù e delle scienze est un éloge des sept vertus canoniques et des sept Arts libéraux composé vers 1349 par le poète et ami de Pétrarque Bartolomeo di Bartoli66. À la manière des Documenti d’amore, ce traité consiste en un poème en vernaculaire ponctué de commentaires et de sentences en latin. Il comprend une dizaine de pages, toutes enluminées par le frère de l’auteur, Andrea di Bartoli67. Contrairement aux manuscrits analysés jusqu’à présent, il précise l’identité du commanditaire. Il s’agit de Bruzio Visconti (?-1357) dont le nom apparaît dès l’incipit68. Bruzio Visconti est un condottière qui fut podestat de Lodi. Chassé de cette ville en 1344, il seconda son père Luchino (v. 1292-1349) jusqu’en 1349 à Milan, puis servit la cause de Giovanni Visconti da Oleggio (?-1360) à Bologne en 1355-1356. Soupçonné d’avoir pris part à une conspiration, il fut banni et mourut dans le dénuement le plus total en Vénétie en 1357. Loin de n’être qu’un homme de guerre, Bruzio fut aussi un lettré accompli qui entretint une correspondance avec les plus fameux poètes de son époque, entre autres avec Fazio degli Uberti et Pétrarque. Il s’intéressa aussi à la littérature morale, comme l’atteste le chroniqueur Pietro d’Azario (1312-v. 1402) qui rapporte qu’il possédait plusieurs traités sur les vertus et les vices69, dont le Compendium moralis philosophiae rédigé par le dominicain Luca Manelli et aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de France (Ms. Lat. 6467).
40C’est vers la fin de sa vie, alors qu’il séjournait à Bologne, que Bruzio Visconti commanda la Canzone delle virtù. La première enluminure de l’ouvrage le figure s’avançant à cheval entre « Vigor » et « Sensus » (fig. 74). La « Circonspectio » et l’« Intelligentia » tiennent les rênes de sa monture tandis que le poète Bartolomeo di Bartoli lui est présenté, genou à terre et bras croisés sur la poitrine, en compagnie de « Discretio », qualifiée de « mère des vertus », et de « Docilitas », « mère des sciences ». Leone Dorez a proposé une interprétation des personnifications assez séduisante70. Le spécialiste a vu dans la personnification de « Sensus » le notaire padouan Franceschino de’Cristiani, qui conseilla Bruzio à partir de 1349, et dans le chevalier en armure personnifiant « Vigor » Bernabò Visconti (1323-1385), cousin de Bruzio, qui régna sur Milan à partir de 1354. Ce rapprochement paraît d’autant plus probable que le monument funéraire que Bonino da Campione (actif v. 1350-1390) érige pour Bernabò à partir de 1363 dans l’église San Giovanni in Conca à Milan, aujourd’hui conservé au Castello Sforzesco, emploie une iconographie relativement similaire : Bernabò est figuré s’avançant à cheval entre deux vertus, la Justice et la Force.
41La Canzone que Bartolomeo di Bartoli offre à Bruzio Visconti est composée de deux parties, la première pour les vertus et la deuxième pour les sciences. La partie sur les vertus se divise en neuf strophes qui célèbrent tour à tour la Théologie, la Prudence, la Force, la Tempérance, la Justice, la Foi, l’Espérance et la Charité. Chacune de ces strophes est accompagnée d’une enluminure qui figure la vertu dont elle traite. L’iconographie s’inspire manifestement de l’imagerie mise au point par l’ordre des ermites. L’ascendance augustine se fait sentir dès les premiers vers du poème qui font l’éloge de la pensée de l’évêque d’Hippone71. Chacune des pages commence ensuite par une sentence extraite d’une œuvre du docteur dont la référence est indiquée dans la marge. Les personnifications découlent elles-mêmes du triomphe de saint Augustin. Elles emploient exactement les mêmes attributs et triomphent également de personnages historiques exemplifiant les vices. La Prudence foule ainsi Sardanapale et tient un cierge allumé et un disque portant un livre énonçant les vertus subsidiaires ainsi que la nuit – « nox » – et le jour – « dies ». La Force consiste en une tour à deux niveaux sur laquelle les parties de cette vertu sont inscrites. Au pied de l’édifice sont figurées « Fortitudo » qui lutte contre un lion et Judith avec sa servante qui tranche la tête d’Holopherne. La Tempérance foule « Epicurus voluptuosus » et est assise devant un palais fortifié dont elle ferme la porte à clé. La baie du palais s’ouvre sur un petit jardin clos à l’intérieur duquel pousse un palmier dont les feuilles énoncent ses vertus. La Justice foule « Nero iniquus » et tient une épée et un livre ouvert tandis que sur une table sont posés des manuels de droit. La Foi domine « Arius hereticus » et tient un arbre verdoyant dont les quinze fruits contiennent les articles du Credo. L’arbre pousse sur une église qui porte la sentence Petra autem erat Christus. Et super hanc petram he[dificabo] ec[clesiam] meam. L’Espérance foule « Iudas disperatus » et tient une ancre, tandis que deux mains lui tendent une couronne et un phylactère inventoriant les Béatitudes. La Charité, enfin, domine « Herodes impius », porte une paire d’ailes et déroule deux phylactères qui énumèrent les dix commandements.
42Le caractère profondément augustin des vertus du manuscrit de Chantilly conduit à supposer que leurs auteurs, Andrea et Bartolomeo di Bartoli, connaissaient bien le discours moral des ermites. Cette hypothèse est d’autant plus envisageable que Gerhard Schmidt a démontré qu’Andrea a travaillé avec l’enlumineur Niccolò di Giacomo da Bologna72, lequel a figuré à deux reprises au moins le thème du triomphe de saint Augustin. Pour sa part, Bartolomeo a côtoyé plusieurs ermites, entre autres le frère Francesco da Prato du couvent bolonais San Barbaziano avec lequel il a rédigé un commentaire du Decretum Gratiani73.
43D’un point de vue didactique, la Canzone associe aussi étroitement le matériel figuratif à l’écriture que les Documenti d’amore. Personnifications, attributs, vers, citations et tituli se croisent sans cesse pour mieux se faire écho. Toutefois, à la différence du manuel de Francesco da Baberino, les images sont investies d’un rôle plus important que le texte. Elles occupent en effet les deux tiers de chacune des pages, reléguant le poème à un rôle secondaire. Les vers sont même écrits en continu pour laisser plus de place aux personnifications : chaque strophe compte dix lignes pour un total de vingt et un vers. Les images jouent un rôle d’autant plus prépondérant qu’elles se trouvent pourvues de nombreuses inscriptions qui contribuent à faire d’elles le sujet principal du traité. Elles sont parfois tellement détaillées que le poème qu’elles accompagnent ne constitue plus qu’un commentaire descriptif qui n’apprend rien de plus au lecteur que ce que les personnifications montrent déjà. La strophe consacrée à la Tempérance se contente ainsi de la décrire avec ses attributs : elle « […] se tourne à son château avec sa discrète clé : ouvre et ferme avec raison à la cupidité », tandis que son « grand palmier produit de bons fruits à la douce saveur […] »74. Au total, l’appareil figuratif s’avère souvent plus instructif que le poème lui-même. Les attributs et les tituli parviennent à eux seuls à expliquer en détail la nature des vertus transformant la Canzone en une sorte de somme sur la morale en images. En faisant de la sorte appel au bagage culturel et intellectuel du lecteur, en l’occurrence de Bruzio Visconti, les personnifications deviennent suffisamment explicites pour supplanter le texte. Elles gagnent en autonomie et remplissent un rôle comparable à celui des cycles monumentaux.
Les vertus dans les décors domestiques
44L’intérêt de l’élite laïque pour le thème des vertus ne se limite pas au cadre intime de l’étude livresque, mais trouve aussi un champ d’expression relativement important dans les décors domestiques des demeures privées, comme l’attestent plusieurs cycles partiellement conservés.
45Récemment découvertes, les fresques de la villa de la famille « dei Pecori al Boldrone » près de Florence, réalisées durant le deuxième quart du XIVe siècle par un anonyme, figurent une iconographie qui se situe dans la lignée des traités de moralité75. Elle montre un jardin où cinq jeunes femmes élégantes dansent autour d’une fontaine surmontée d’une statue du dieu Amour. Deux de ces danseuses sont identifiées par des inscriptions partiellement lisibles : il s’agit de « [pr]udenza » et de « ch[arita] ». À cette ronde vient s’ajouter plus loin un chevalier qui garde un groupe de sept prisonniers personnifiant probablement les vices, comme le laisse supposer les deux cornes qui apparaissent dans la chevelure blonde de la femme qui conduit le groupe. Si le sérieux scolastique laisse place à un propos divertissant parfaitement adapté à l’environnement bucolique d’une villa, le cycle remplit néanmoins la même fonction que les traités de moralité, celle d’offrir aux commanditaires un cadre décoratif propice à la pratique des vertus. Il rappelle d’ailleurs nettement la Somme le roi où les vertus théologales et cardinales arrosent paisiblement les arbres de leur verger.
46Le cycle fragmentaire conservé au musée des Beaux-Arts de Budapest, attribué à Cola di Petruccioli ou à son fils Policleto di Cola, propose une série de personnifications qui découle plus directement encore des manuels laïcs. Ce cycle provient du Palazzo Stocchi-Isidori à Pérouse qui consistait au Trecento en une tour urbaine de cinq étages construite par la famille Della Corgna76. Il a vraisemblablement été commandé par Francesco Berardi della Corgna vers 1385-1391 ou par son fils Corniolo vers 1416. Il compte aujourd’hui les vertus théologales et cardinales, la Chasteté, la Vie contemplative et active, la Sagesse, l’Avarice et la Luxure (?) figurées dans des niches fortement étirées en hauteur couronnées de gables gothiques (fig. 75). Les personnifications, à l’origine au nombre de trente, étaient disposées entre les poutres du plafond de la salle du premier étage du palais, laquelle faisait sans doute office de salle d’apparat. L’effet produit par cette disposition devait être saisissant. En étant peintes ainsi au plafond, les valeurs morales transformaient la salle en un espace imposant aux visiteurs les aspirations du propriétaire des lieux. La visée didactique du décor se trouve renforcée par les tituli placés à la base de chacune des niches qui définissent en quelques mots la nature des notions personnifiées. Ces inscriptions consistent, comme dans la Canzone delle virtù e delle scienze, en vers courts rédigés en vernaculaire et ponctués de rimes simples qui permettent au lecteur de les mémoriser facilement. Le titulus de la Chasteté, figurée en train de caresser une hermine, dit ainsi :
io tengno mia persona pura e
casta e tengno immacula
la mia belleçça. sì come
l’ermelino la sua biancheçça.
47Le didactisme du cycle se joue principalement au niveau des attributs et des gestes. Certains d’entre eux sont totalement inédits, comme le fer à cheval que la Force (fig. 75) tord sans peine77, tandis que d’autres puisent sciemment dans le répertoire mendiant. Il en va de la sorte du geste du silence de la Tempérance, majeur et index joints posés sur la bouche, qui reprend exactement celui employé dans le Cappellone San Nicola à Tolentino, ou du rameau de l’Espérance qui découle de l’iconographie dominicaine, comme le confirme le titulus qui s’appuie sur la métaphore développée par Thomas d’Aquin à partir de l’exégèse de saint Augustin : « Veuille ouvrir l’œil avec moi, espérant que la verte couleur donnera le fruit juste après la fleur78. » L’origine mendiante de ces formules investit le cycle d’une dimension conventuelle certaine et atteste de la bonne connaissance que le commanditaire avait des sciences morales.
48Le cycle peint dans la loggia du Palazzo Minerbi à Ferrare (fig. 76), attribué à Stefano di Benedetto da Ferrara, propose un exemple comparable79. Il consiste en une série de quatorze personnifications des vertus et des vices réparties en deux registres de part et d’autre de l’image d’un Christ juge. Selon toute vraisemblance, il a été commandé par Tibertus del Sale dans les années 1370. La famille Del Sale, qui fit construire le Palazzo Minerbi vers 1310, joua un rôle majeur dans la vie politique et juridique ferraraise tout au long du Trecento. Plusieurs de ses membres firent partie du Consiglio del Comune, organe législatif le plus important de Ferrare, et participèrent au conseil de régence institué en 1393 pour assister Niccolò III d’est e (1383-1441) durant sa minorité. Notaire de formation, Tibertus del Sale travailla à la chancellerie du Palais des Doges à Venise de 1355 à 1359.
49Par la variété des sources dans lesquelles il puise, à la fois d’origine religieuse, juridique et civique, le cycle du Palazzo Minerbi est conforme à la culture d’un notaire du rang de Tibertus. La chapelle Scrovegni constitue son modèle principal. Plusieurs personnifications reprennent en effet celles de Giotto, comme l’Idolâtrie qui brandit la même idole ou la Folie qui affiche le même air stupide et les mêmes attributs. Les nombreuses références au cycle de Giotto sont autant dues au peintre qu’au commanditaire lui-même. Stefano di Benedetto a certainement vu à plusieurs reprises les personnifications de Padoue, ville où il a exercé l’essentiel de son activité, tandis que Tibertus del Sale a pu en prendre connaissance par l’intermédiaire des est e, qui nouent des liens étroits avec les Carrare à partir des années 1360. Le rapport qu’entretient la loggia du Palazzo Minerbi avec la chapelle Scrovegni est d’autant plus évident qu’il donne comme lui une place centrale au Christ juge. Cette image n’a toutefois pas la même signification que le Jugement dernier de Giotto : elle ne cherche pas à expier les fautes de son commanditaire, comme cela était le cas pour Enrico Scrovegni, mais aspire plutôt à inscrire l’activité juridique de sa famille dans la perspective du Salut.
50La dimension juridique du décor de la loggia se décèle dans plusieurs éléments qui trouvent directement leur origine dans l’iconographie des commentaires sur le droit légal diffusés au XIVe siècle. La Tempérance (fig. 77), par exemple, évoque nettement les enluminures du Digestum vetus de la Bibliothèque nationale de France (fig. 59) ou du Novella sive commentarius in decretales de la Biblioteca Ambrosiana à Milan (fig. 60). Comme dans ces deux manuscrits, la personnification tient une ville fortifiée dont elle ferme avec précaution la porte à clé. Dans ce cas, l’attribut s’avère d’autant plus riche de sens que le peintre ne se contente pas de le reprendre tel quel, mais le transforme en une ville qui prospère grâce au travail appliqué de ses ouvriers, exactement comme dans les Effets du Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti. Un tel attribut, trop singulier pour ne pas avoir été mûrement réfléchi, contribuait à présenter le commanditaire Tibertus del Sale et sa famille comme les garants du Bien commun à Ferrare grâce à leur action en matière de justice.
51Les cycles du Palazzo Minerbi, du Palazzo Stocchi-Isidori et de la Villa dei Pecori témoignent unanimement du processus d’édification par l’image qui se développe dans la société laïque du Trecento. Ce phénomène, dont il reste encore à mesurer l’ampleur véritable, se trouve confirmé par la culture matérielle. Plusieurs objets conservés attestent en effet de l’omniprésence des vertus dans le cadre domestique : c’est par exemple le cas du Desco da parto figurant la Justice conservé aux Fine Arts Museums à San Francisco, daté de 1380-1400 et attribué à Lorenzo di Niccolò80. Un tel succès du thème dans le cadre de la vie privée ne doit pas seulement être analysé du point de vue de la notion de moralisation, mais aussi et surtout à partir de la question de la représentation des commanditaires. Si les vertus sont figurées partout, ce n’est pas tant pour conduire leur destinataire à bien se comporter que pour afficher une image vertueuse de ceux-ci. Sur ce point, il convient de noter que, dans la majeure partie des cas, les personnifications se trouvent dans les lieux de représentation des demeures, comme les salles de réception ou les loggias. Elles sont parfois même figurées sur leurs façades. Ainsi, en 1391, c’est sur les murs de la cour intérieure de son palais à Prato que Francesco Datini (1335-1410) fait peindre par Niccolò di Pietro Gerini les vertus théologales et cardinales. En étant disposées de la sorte dans la demeure de l’un des plus riches négociants du Trecento, ces vertus rendent bien compte de la fonction que l’élite toscane leur attribuait, celle d’afficher sa moralité exemplaire. À ce titre, elles s’inscrivent parfaitement dans le projet des communes toscanes.
L’IMAGE D’UNE SOCIÉTÉ VERTUEUSE
52À partir des années 1320-1330, les personnifications s’affichent partout sur les murs des cités toscanes afin de transformer celles-ci en lieux imprégnés de vertus. Ce phénomène correspond à un poncif de la pensée médiévale selon lequel la ville idéale trouve ses fondations dans l’accomplissement moral. Pour Albert le Grand, par exemple, la Jérusalem céleste repose sur un ensemble de valeurs positives comme la Concorde, la Sécurité, la Paix, la Grâce et les Bonnes actions81. Cette interprétation connaît un nouvel essor au début du XIVe siècle. Vers 1301-1302, le dominicain Gilles de Rome rédige un petit traité, le De Bono comuni, dans lequel il expose les fondements du Bien commun. Selon lui, la cité rêvée est littéralement habitée par les vertus82. Florence et Sienne jouent un rôle capital dans la propagation de ce genre d’idées : les Florentins transforment leur ville en une image accomplie de la vertu et les Siennois célèbrent les principes moraux qui animent leur gouvernement.
Flos florum flore Florencia crescit honore
53À partir de la deuxième décennie du XIVe siècle, l’imagerie des vertus s’impose durablement à Florence. Toutes les institutions de la ville font alors figurer des personnifications morales : les ordres mendiants, certes, mais aussi les confréries caritatives, les corporations et la commune elle-même. La multiplication des vertus répond à une aspiration qui concerne l’ensemble des Florentins, celle de faire de leur cité un modèle d’accomplissement moral. Ce projet collectif se manifeste d’abord dans le centre historique et spirituel de la ville, c’est-à-dire dans le complexe de la cathédrale alors en chantier. Le thème se développe ensuite chez les confréries, lesquelles attribuent une place centrale à la pratique des vertus. Il gagne enfin en cohérence en concentrant son attention sur la Charité dans le but de faire de Florence la ville de l’abondance et de la générosité.
Les vertus de Santa Maria del Fiore
54Dans les villes de la péninsule italienne, le complexe de la cathédrale constitue le théâtre principal du déploiement de l’imagerie communale. Florence n’échappe pas à la règle avec les programmes sculptés de Santa Maria del Fiore, de son campanile et du baptistère qui montrent les vertus partout.
55Le baptistère est sans doute l’édifice qui portait le plus d’intérêt au thème. Les vertus y sont en effet figurées à plusieurs reprises durant la première moitié du Trecento. Une série composée de trois statues est sculptée par Tino di Camaino, soit vers 1316-1317, soit vers 1321-132483. Aujourd’hui conservées au Museo dell’Opera del Duomo, ces trois statues sont dans un état fragmentaire84. La première figure une tête féminine coiffée d’une couronne de lierre qui est très certainement l’Espérance. La deuxième montre une femme couronnée dans une attitude hiératique identifiée comme étant la Foi. La troisième consiste en une personnification qui tient une double corne d’abondance crachant des gerbes de feu : il s’agit de la Charité (fig. 78). Toutes trois se trouvaient initialement au-dessus de la porte orientale du baptistère85. Une seconde personnification de la Charité (fig. 43), elle aussi sculptée par Tino di Camaino, peut-être vers 1321, complétait le trio. Aujourd’hui au Museo Bardini, cette statue adopte la forme d’une femme allaitant deux enfants86.
56Une deuxième série de vertus est exécutée entre 1330 et 1336 par Andrea Pisano (v. 1290-1348) également pour la porte orientale. Elle prend place dans un cycle de reliefs en bronze consacré à la vie de saint Jean-Baptiste disposé sur les deux battants de la porte. Il s’agit des sept vertus canoniques et de l’Humilité qui sont figurées assises sur des bancs avec leurs attributs : l’Espérance (fig. 79) tend les bras en direction d’une couronne, la Foi brandit un calice et une croix, la Charité tient un cœur et une corne d’abondance enflammée, l’Humilité tient un cierge, la Force est pourvue d’un bouclier et d’une massue, la Tempérance garde une épée dans son fourreau, la Justice brandit une épée et pèse avec une balance, la Prudence est bicéphale et tient un serpent.
57Le soubassement du campanile comprend également des vertus en relief (fig. 10). Exécutées vers 1335-1338, probablement par l’atelier d’Andrea Pisano, ces vertus, disposées dans le deuxième registre de la façade sud, complètent un cycle figurant en deux registres la Genèse, les arts mécaniques, les arts libéraux, les Planètes et les Sacrements87. Il s’agit des sept vertus canoniques. Leur iconographie est analogue à celle de la porte du baptistère : elles sont figurées assises sur des bancs et sont presque toutes pourvues des mêmes attributs.
58Présentant une façade à la fois sur la Piazzetta del Campanile et sur la Piazza San Giovanni, le palais du Bigallo comporte une autre série de vertus88. Sculptée entre 1358 et 1364 sous la direction d’Alberto Arnoldi (actif entre 1351 et 1364), cette série est disposée dans les écoinçons des arcs de la loggia suivant une iconographie sensiblement différente des cas précédents. Elle se cantonne aux quatre vertus cardinales et propose d’autres attributs : la Justice tient une verge et une balance, la Force caresse un lion tout en tenant une colonne, la Prudence, bicéphale, brandit un astrolabe autour duquel un serpent s’enroule, la Tempérance transvase le contenu de deux pichets.
59À ces cycles situés à proximité de la Piazza San Giovanni vient s’ajouter, à la fin du XIVe siècle, le programme sculpté de la porte nord de la cathédrale, dite Porte de la Mandorle. Ce programme a été réalisé en trois campagnes distinctes : la première, de 1391 à 1397, a concerné les montants de la porte, les prophètes qui les couronnent, le linteau et les consoles ; la deuxième, entre 1404 et 1409, l’arc surmontant la porte et ses voussures ; la troisième, entre 1412 et 1422, l’Assomption placée dans le fronton. Plusieurs sculpteurs y ont participé, dont Pietro di Giovanni d’Ambrogio (actif entre 1382 et 1418), Pietro di Giovanni Tedesco (actif entre 1386 et 1402), Niccolò di Pietro Lamberti (v. 1370-1451), Jacopo della Quercia et Donatello (v. 1386-1466)89. Dans un ouvrage célèbre, La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art de l’Occident, Erwin Panofsky a supposé que quatre personnages de ce programme personnifieraient les vertus cardinales : la femme qui tient une corne d’abondance et qui vide un plat rempli de graines serait la Tempérance (fig. 80), le personnage figuré de dos avec un miroir et un serpent entre les mains serait la Prudence, l’homme qui ressemble à Hercule la Force et celui qui joue de la viole la Justice90. Même si, comme Nikolaus Himmelmann l’a suggéré, une telle systématisation paraît abrupte, il est en tout cas certain que ces figures sont investies d’une forte valence morale91. L’interprétation d’Erwin Panofsky semble d’ailleurs valable sur plusieurs points, puisque l’identification se justifie par les attributs : le serpent et le miroir renvoient clairement au répertoire de la Prudence, tandis que le joueur de viole rappelle le musicien sculpté sur le vêtement de la Justice dans le Tombeau de saint Pierre Martyr. Seule l’identification de la Tempérance peut être franchement remise en question, notamment à cause de la corne d’abondance qui évoque plutôt la Charité. Il est en tout cas certain que cette personnification dérive de l’iconographie de la Fides Publica telle qu’elle apparaît sur les monnaies impériales du Ier siècle apr. J.-C. Non seulement elle tient exactement les mêmes attributs que la divinité, mais en plus elle adopte le même contrapposto avec le drapé tombant sur les hanches.
60Après avoir dénombré les vertus qui se trouvent dans le quartier épiscopal, un constat s’impose aisément : la présence d’un si grand nombre de personnifications dans un même espace public est remarquable. Seule la Piazza San Marco à Venise, avec la conjugaison des cycles de la basilique et du Palazzo Ducale, offre un exemple comparable92. Un tel phénomène doit être mis en rapport avec l’intense activité scolaire que connaît le quartier San Giovanni à la fin du Moyen Âge. Plusieurs documents datant de 1186, 1285 et 1301 indiquent l’existence d’une école diocésaine au nord de Santa Reparata. Il est par ailleurs attesté que le quartier accueille dès 1321 un studium de théologie93. Ce centre universitaire devient officiel en 1349 par bulle pontificale et s’installe à proximité du bras sud du transept de la cathédrale. À partir de 1359, plusieurs théologiens mendiants y enseignent, entre autres le dominicain Pietro Strozzi et le franciscain Franceschino da Empoli. Le quartier était de surcroît occupé par les chanoines qui résidaient face au flanc sud de Santa Maria del Fiore, à laquelle ils avaient directement accès par la Porta dei Canonici.
61Les chanoines et les membres du studium constituaient un public particulièrement concerné par les images portant sur le savoir moral. Il est même probable que la présence de théologiens dominicains et franciscains ait influencé leur conception. De fait, le cycle de la porte du baptistère ne puise pas dans le répertoire de Nicola et de Giovanni Pisano, dont Andrea était pourtant le concitoyen, mais préfère s’inspirer des fresques de la chapelle Baroncelli réalisées durant les mêmes années, vers 1332-1338 (fig. 13). Comme dans le cycle franciscain, les vertus théologales et cardinales sont nettement différenciées les unes des autres en étant figurées en deux groupes distincts. De plus, l’Humilité s’est ajoutée aux trois vertus théologales et l’iconographie est très comparable à celle employée par Taddeo Gaddi. L’Espérance (fig. 79), par exemple, est vêtue d’une longue robe et porte une paire d’ailes, fléchit les jambes et tend les bras de manière parallèle en direction de la couronne qui se trouve au-dessus d’elle.
62Malgré l’ascendance avérée de l’imagerie mendiante, le décor du complexe épiscopal n’est pas investi d’une valeur exclusivement conventuelle. La cathédrale Santa Maria del Fiore constitue aussi un projet civique et les programmes sculptés qui s’y déploient affichent autant les aspirations du citoyen que celles du dévot, comme le prouve le décor du baptistère. Cet édifice est le lieu de culte le plus représentatif de la notion de commune car c’est grâce à lui que l’homme fait son entrée dans la communauté chrétienne et acquiert son statut de citoyen94. À Florence, il était investi d’une signification d’autant plus forte qu’il passait pour être l’édifice le plus ancien de la ville. Par son intermédiaire, les vertus qu’il comprend se trouvaient ainsi liées, presque spontanément, aux origines historiques de la cité.
63L’accent séculier des vertus est conforté par la présence sous-jacente de la pensée humaniste. La Force s’avère de ce point de vue tout à fait convaincante. Celle-ci fait appel au héros mythologique Hercule qui connaît un succès considérable dans la littérature profane florentine dès le début du XIVe siècle. Dans les reliefs de la porte du baptistère, elle tient une massue et porte la léonté exactement comme le veut l’iconographie gréco-romaine. Plus encore, dans la Porte de la Mandorle, elle est littéralement personnifiée par le héros qui est figuré dans les combats l’opposant au lion de Némée, au géant Antée et à l’Hydre de Lerne. La figuration de telles scènes sur la cathédrale découle à la fois de l’interprétation chrétienne et du contexte idéologique florentin. Les douze travaux ont souvent été interprétés comme une forme de psychomachie95. Fulgence envisage ainsi Hercule tuant Antée en le soulevant du sol comme une métaphore de l’élévation de l’âme au-dessus des bassesses terrestres, tandis que Giovanni Bonsignori compare les sept têtes de l’Hydre de Lerne aux sept péchés capitaux96. Ce procédé de moralisation est exploité par la commune qui transforme Hercule en l’un de ses emblèmes favoris97. Avec lui, les Florentins confondent politique et morale et interprètent sa lutte contre les forces du Mal comme une métaphore de leur propre combat contre les régimes tyranniques. Le parallèle s’amplifie après la mort de l’ennemi milanais Gian Galeazzo Visconti en 1402. Hercule se transforme alors en une personnification qui signifie autant le triomphe de la République sur la tyrannie que la Virtus de la ville du lys. À cet égard, l’épigramme que Roberto’de Rossi (v. 1355-1417) compose durant les années 1380-1415 pour une image du héros, aujourd’hui disparue mais vraisemblablement destinée au Palazzo Vecchio, offre une exégèse qui révèle le sens civique de l’iconographie de la Porte de la Mandorle :
Bébé, j’étranglai une paire de serpents ; je soumis des cités ingrates et j’écrasai des tyrans cruels ; j’ai vaincu des bêtes féroces et le Tartare. Après avoir subjugué le monde, maintenant, par une voix pérenne, je suis célébré par les peuples. Florence, image de la Vertu, qui maintenant me ressemble beaucoup, m’a offert un tel siège, m’expose et me garde sur ses sceaux.98
La contribution des confréries
64Les confréries remplissent un rôle capital dans le processus de vulgarisation du système moral : elles incitent les citoyens à se comporter conformément aux vertus et dotent la commune d’un outil lui permettant de se forger une identité vertueuse. La Compagnia della Misericordia, instituée en 1321, s’inscrit parfaitement dans cette démarche. Elle se donnait en effet pour mission de soigner les malades, de réconforter les pauvres et de recueillir les orphelins99. C’est ce projet que présente la fresque de la salle du conseil de son palais, la Loggia della Misericordia, aujourd’hui Museo del Bigallo (fig. 81). Cette fresque, réalisée vers 1342 par un élève de Bernardo Daddi, propose une interprétation astucieuse du thème de la Vierge de Miséricorde. Elle figure une femme, mains jointes, se tenant debout au-dessus d’une ville et de ses habitants agenouillés dévotement en prière. Cette femme est coiffée d’une couronne arborant le titulus « misericordia domini » et est vêtue d’une longue robe et d’une étole qui porte onze médaillons comprenant des sentences en latin et des images des Œuvres de miséricorde : nourrir les affamés, abreuver les assoiffés, vêtir les pauvres, loger les pèlerins, visiter les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts100. La ville figurée à ses pieds affiche sur son mur d’enceinte l’inscription « civitas florentie ». Plusieurs bâtiments évoquent effectivement la cité florentine, notamment un édifice à coupole qui ressemble fortement au baptistère San Giovanni. Enfin, de part et d’autre de la ville se tiennent ses habitants, les hommes à gauche et les femmes à droite, méticuleusement choisis parmi toutes les catégories de la société.
65En montrant une telle foule autour de la personnification, l’image cherche à présenter l’aspiration collective qui anime Florence, à savoir celle de vivre dans le Bien commun. L’intention du projet est garantie par l’encadrement. Dans la bordure se trouvent en effet de petits cadres habités par les vertus. Dans le bord supérieur sont figurées la Charité, l’Espérance et la Foi, dans le bord gauche la Justice et l’Humilité, dans le bord droit la Miséricorde et la Force. Le bord inférieur, qui a totalement disparu, comprenait probablement trois vertus supplémentaires, dont la Tempérance et la Prudence.
66La deuxième confrérie la plus importante de Florence, la Compagnia della Beata Vergine pura Madonna Santa Maria di San Michele in Orto, a également contribué à la propagation de la morale. Le premier tabernacle en marbre qu’elle fait sculpter vers 1333-1334 par Giovanni di Balduccio pour accueillir l’image thaumaturgique de la Madonna delle Grazie donnait, semble-t-il, une place considérable aux vertus. Ce tabernacle, remplacé vers 1352-1359 par une nouvelle structure réalisée par Andrea di Cione, est connu grâce à deux enluminures, l’une dans le Specchio umano de Domenico Benzi (Biblioteca Medicea Laurenziana, Ms. Tempi 3, vers 1335-1347), l’autre dans un exemplaire de la Nuova cronica de Giovanni Villani (Biblioteca Apostolica Vaticana, Ms. Chigi L. VIII 296, vers 1342-1348). Son décor a intégralement disparu, à l’exception de quelques reliefs figurant des prophètes, les apôtres et plusieurs vertus, lesquelles auraient été insérées dans les arcades murées de la loggia Orsanmichele à une date qui reste encore à déterminer, soit vers 1338-1400 lors d’une campagne d’embellissement dirigée par Franco Sacchetti, soit durant les réaménagements de la Contre-Réforme. Selon Gert Kreytenberg et Francesco Caglioti, quatre vertus auraient été préservées101. Il s’agirait de l’Obéissance conservée au Musée d’Orsanmichele, de la Pauvreté au musée national du Bargello (fig. 82), de la Charité désormais à la National Gallery of Art à Washington et de la Vérité qui se trouve toujours dans le mur de l’église Orsanmichele.
67Ces vertus attestent de l’impact de la pensée mendiante sur les confréries florentines. La Pauvreté et l’Obéissance reprennent ainsi les personnifications inventées par les frères mineurs : la première, partiellement endommagée, consiste en une femme au visage ridé qui s’avance à l’aide d’un bâton tandis qu’un chien mord férocement sa robe déjà rapiécée ; la deuxième porte le joug sur les épaules et la corde à trois nœuds à la taille et place son index sur sa bouche. L’iconographie s’avère tellement marquée par le répertoire franciscain que Diane Finiello Zervas a présumé que ces reliefs ne proviendraient pas du tabernacle, mais du tramezzo de l’église Santa Croce détruit durant la Contre-Réforme102. Son hypothèse est toutefois contredite par le deuxième tabernacle commandé en 1352 à Orcagna qui comprend des vertus relativement similaires à celles sculptées par Giovanni di Balduccio : elles sont figurées suivant les mêmes dispositions, c’est-à-dire comme des personnifications en buste sculptées en relief dans le soubassement de l’édicule (fig. 83).
68Les vertus du tabernacle d’Orcagna sont au nombre de quinze. Il s’agit des vertus théologales et cardinales, auxquelles s’ajoutent huit vertus secondaires identifiées par des tituli inscrits sur des phylactères. Sont figurées l’Habileté, la Docilité, l’Humilité, la Virginité, l’Obéissance, la Dévotion, la Persévérance et la Patience. Cette série procède également de l’imagerie mendiante. D’une part, elle évoque l’exégèse franciscaine puisqu’elle associe directement les vertus à la vie de la Vierge, à la manière de la chapelle Baroncelli ou du Polyptyque Rinuccini. D’autre part, elle se conforme précisément aux théories dominicaines, notamment à celles de saint Thomas, en présentant le septénaire comme le socle fondamental du tabernacle et de l’image miraculeuse qu’il contient. Les vertus théologales prennent ainsi place au milieu de chacun des côtés visibles du soubassement – la Foi côté nord, l’Espérance côté ouest, la Charité côté sud –, tandis que les vertus cardinales sont disposées aux angles – la Prudence au nord-est, la Justice au nord-ouest, la Force au sud-ouest, la Tempérance au sud-est. L’impact de la pensée thomiste se décèle plus clairement encore dans la distribution des vertus secondaires, lesquelles sont associées par paire aux vertus cardinales, exactement comme dans la Somme théologique : l’Habileté et la Docilité flanquent la Prudence103, l’Obéissance et la Dévotion accompagnent la Justice104, la Patience et la Persévérance encadrent la Force105, l’Humilité et la Virginité secondent la Tempérance106.
69Le dominicanisme du tabernacle se trouve par ailleurs confirmé par deux données historiques. Premièrement, la confrérie d’Orsanmichele se considérait directement liée aux frères prêcheurs. Elle prétendait en effet avoir été fondée par saint Pierre Martyr lui-même. Deuxièmement, le sculpteur responsable de la réalisation du tabernacle, Andrea di Cione, n’est autre que le frère de Nardo di Cione qui fut chargé de peindre les vertus de la chapelle Strozzi. Les deux cycles sont exécutés simultanément : celui du tabernacle entre 1352 et 1359, celui de la chapelle Strozzi entre 1354 et 1357.
70Malgré sa portée scolastique, le Tabernacle d’Orsanmichele n’était pas exclusivement destiné à un public expert en théologie. Plusieurs éléments contextuels indiquent que son décor s’adressait autant aux citoyens qu’aux membres de la confrérie. Pour identifier son public, il convient d’abord de préciser que l’édifice se trouvait au cœur du centre économique de Florence, dans la halle aux céréales qui consistait alors en une loggia où les négociants circulaient librement. Les vertus étaient à l’origine visibles de tous puisque la clôture qui l’entoure n’a été installée qu’en 1366. Ensuite et surtout, il est indispensable de rappeler les conditions historiques exceptionnelles qui ont conduit à sa réalisation. Édifié en marbre avec des rehauts de verre coloré, de lapis-lazuli et d’or, le tabernacle constitue la commande artistique florentine la plus onéreuse de la seconde moitié du XIVe siècle. Sa construction a nécessité la somme exceptionnelle de 86 000 florins d’or qui ont été collectés grâce aux nombreux legs et dons des victimes et des survivants de la peste. En d’autres termes, tant par son investissement financier que par sa valeur symbolique, l’œuvre concernait l’intégralité de la communauté. C’est pour cette raison que certaines vertus sont pourvues d’attributs qui leur donnent une identité florentine, comme la Force qui porte un bouclier frappé de la croix du gonfalonier ou la Justice qui est coiffée d’une couronne ornée de l’emblématique fleur de lys.
71Plus que de subir passivement l’influence des ordres mendiants, le tabernacle procède donc d’un discours qui vise à esquisser un ordre moral commun. Dans cette optique, le rôle des confréries s’avère déterminant : celles-ci ne se contentent pas de vulgariser les notions morales, mais contribuent à faire des vertus, notamment de la Charité, des valeurs véritablement florentines.
Florence comme personnification de la Charité
72L’activité caritative est le signe le plus fort de l’aspiration des communes à se doter d’une identité vertueuse. La pratique de la miséricorde est d’autant estimée que la Charité est la vertu qui correspond le plus à l’idéal du Bien commun. Tout au long du Moyen Âge, les traités portant sur cette vertu, comme le Tractatus de charitate attribué à saint Bernard de Clairvaux, établissent un lien étroit entre l’amour et l’idée de communauté107. La Charité contribuerait à la concorde, à la paix et au bien-être des hommes. Cette idée est très présente dans l’Italie du XIVe siècle. Le prédicateur Giordano da Pisa affirme ainsi que « […] c’est par amour que les villes s’édifièrent ; parce que les gens se plaisent à être ensemble108. »
73S’inscrivant parfaitement dans ce projet, Florence développe comme jamais son activité caritative. C’est ce que laissent deviner les manuscrits de la Somme le roi. Les enluminures qu’ils comprennent ne se contentent effectivement pas de dispenser un enseignement abstrait et théorique comme dans la version française, mais invitent directement le lecteur à pratiquer son devoir de citoyen par des actions bienfaisantes. Le manuscrit II. VI. 16 figure ainsi des bourgeois accomplissant les œuvres de miséricorde. Le Specchio umano de Domenico Benzi témoigne des mêmes aspirations. L’enluminure du folio 58ro montre les malheureux se pressant aux portes de Florence pour bénéficier des largesses de ses habitants qui les accueillent avec des paniers remplis de miches de pain. Même si l’image brosse un portrait utopique de la ville, elle témoigne du vif intérêt des Florentins pour la miséricorde et correspond même à une certaine réalité historique. Eve Borsook a démontré que, dans les années 1330, environ 12,5 % de la population de Florence bénéficiait des œuvres de charité109.
74L’intérêt que Florence porte à la miséricorde joue un rôle prépondérant dans la transformation de la Charité et de son image. En effet, alors que l’iconographie mendiante s’intéresse surtout à son origine céleste, notamment avec la métaphore du cœur enflammé, très appréciée par les franciscains, les artistes florentins proposent des attributs plus en adéquation avec les aspirations laïques, surtout lorsqu’il s’agit de commandes publiques. Ils donnent de ce fait la même importance aux deux notions qui la constituent, à savoir l’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain. Pour le premier, ils emploient le plus souvent le motif du cœur enflammé, tandis que pour le deuxième ils inventent deux formules : l’une consiste à montrer la personnification en train d’allaiter un ou deux enfants, l’autre à la figurer tenant une corne d’abondance.
75La dimension humaine de l’image de l’allaitement conduit à voir la notion d’amour pour le prochain supplanter celle d’amour pour Dieu. La Charité (fig. 43) que Tino di Camaino sculpte pour le baptistère San Giovanni est ainsi plus traitée comme une mère nourricière que comme une vertu théologale : elle ne brandit pas de cœur ardent mais porte deux nourrissons qu’elle allaite simultanément avec ses deux seins. L’accent maternel de la personnification devait sans doute faire écho à l’activité caritative qui animait le quartier de la cathédrale à la fin du Moyen Âge. Plusieurs organisations destinées à assister les plus démunis résidaient en effet à proximité du baptistère110. C’était notamment le cas de l’hôpital San Giovanni Evangelista, de l’Arciconfraternita della Misericordia et de la Compagnia del Bigallo, dont la mission principale était de recueillir les orphelins. Dans ce contexte, la personnification apparaît d’autant plus comme une célébration de la charité florentine qu’elle porte sur sa poitrine la fleur de lys, emblème de Florence.
76L’iconographie de la corne d’abondance s’impose durant les mêmes années que celle de l’allaitement. Tino di Camaino l’emploie ainsi pour l’autre personnification de la Charité (fig. 78) qu’il réalise pour le baptistère. Si, dans ce cas, le sculpteur ne remplit pas encore l’attribut de fruits mais de flammes, il lui donne cependant bien la forme d’une corne, laquelle est façonnée à partir de larges feuilles. C’est Andrea Pisano et son atelier qui disposent pour la première fois des fruits et des fleurs dans une corne, d’abord dans les reliefs des portes du baptistère, puis dans ceux du soubassement du campanile. Jusqu’alors, la cueillette de la vertu était présentée dans une simple coupe. L’attribut dessiné par Andrea Pisano trouve son origine dans le répertoire antique qui figurait fréquemment les divinités en rapport avec la nature avec une cornucopia.
77Une telle résurgence de l’imagerie romaine ne témoigne pas seulement du regain d’intérêt des sculpteurs toscans pour l’Antiquité, mais révèle aussi et surtout le changement de sens de la Charité111. La vertu théologale perd progressivement sa signification d’Amor Dei pour préférer désigner l’abondance et la richesse matérielle. Pour saisir l’ampleur de ce phénomène, il faut préciser que le Trecento voit l’opinion des laïcs sur le profit s’affranchir de l’influence des ordres mendiants. Les riches deviennent des citoyens indispensables puisqu’ils subviennent aux besoins de l’État et la richesse, pourvu qu’elle soit honnête et tournée vers le Bien commun, est considérée comme bonne, voire vertueuse. Pour preuve, Cecco d’Ascoli affirme que celui qui est suffisamment riche pour donner « est plus heureux que celui qui reçoit112 ». De leur côté, les ordres mendiants ne rejettent plus totalement la société de marché, mais reconnaissent que les négociants sont indispensables à l’instauration du bonheur public car ils rendent possible l’échange et le partage113. La revalorisation de la richesse atteint finalement son paroxysme en 1427 dans le discours que l’humaniste Giovane Buonaccorso da Montemagno (v. 1391-1429) rédige pour le Capitano del Popolo Stefano Porcari (v. 1390-1453) :
Que les richesses sous-tendent la nécessité de notre vie, ceci me paraît être manifeste. D’où proviennent les maisons et les édifices que nous utilisons en toute quiétude avec nos familles ? Des richesses. D’où avons-nous les vêtements embellis et les bons ornements ? Des richesses. D’où avons-nous les aliments et les suppléments pour nous et pour les nôtres ? Des richesses. Comment faisons-nous nos enfants lettrés et vertueux ? Comment marrions-nous nos filles ? Avec les richesses.114
78La diffusion de la cornucopia dans l’iconographie de la Charité n’est pas étrangère à ces changements. Elle s’inscrit dans un projet visant à faire de Florence une personnification de l’abondance. Les Florentins trouvent aisément dans le nom de leur ville la justification d’une telle interprétation. Selon eux, Florence – « Florentia » ou « Fiorenza » – serait propice à la floraison. Le nouveau nom qu’ils donnent à la cathédrale est à cet égard significatif : Santa Maria del Fiore fait littéralement de leur ville la cité des fleurs115. Brunetto Latini exploite explicitement l’homonymie en débutant ainsi son Tesoretto : « Ô le Trésor commence, au temps où Florence fleurissait et fit du fruit […]116. » La métaphore prend même un accent moral chez les ordres mendiants avec Gilles de Rome qui imagine Florence comme une fleur flétrie exhalant « une infâme pestilence117 ». Enfin, dans le manuscrit du Panégyrique en l’honneur de Robert 1er d’Anjou – le Regia carmina –, enluminé vers 1335 par un peintre florentin, peut-être Pacino di Bonaguida, et conservé à la British Library (Ms. Royal. 6. E. IX), l’homonymie est astucieusement cultivée118. Florence (pl. X, fig. 84) y est représentée comme une jeune femme agenouillée qui croise humblement les mains sur sa poitrine. Derrière elle pousse une large fleur de lys qui porte dans l’une de ses feuilles les mots : « Fleur des fleurs, Florence croît par la fleur, l’honneur requiert les vertus119. »
79Au même titre que la fleur de lys, la corne d’abondance débordant de fruits transforme Florence en une véritable manifestation de la Charité. La Vierge à l’Enfant attribuée à Giotto et conservée au musée national du Bargello constitue de ce point de vue un cas probant (pl. XI, fig. 85). Cette fresque, datée des années 1334-1337, propose une iconographie originale qui dérive du thème de la Vierge accompagnée des vertus développé par les franciscains et les augustins120. Sa provenance originelle est incertaine, mais il semble qu’elle était destinée à un lieu de représentation civique. Elle figure deux personnifications qui s’avancent au pied du trône de Marie. Celle de gauche porte un vêtement blanc et rouge, aux couleurs de la Commune, et offre à la Vierge un bouquet de fleurs de lys, également blanches et rouges. Il s’agit très certainement de Florence. Cette identification est confirmée par les six enfants qui l’accompagnent avec des objets symbolisant la ville, dont la maquette du baptistère San Giovanni. La personnification de droite, vêtue d’une robe rouge, tend un cœur à l’Enfant-Jésus qui se penche pour s’en saisir. Il s’agit sans nul doute de la Charité. Celle-ci porte également de la main gauche une brassée de fleurs et de fruits dans laquelle vient piocher un enfant. L’iconographie s’applique dans cette scène à confondre Florence et la Charité. Florence adopte exactement la même position que la vertu, tandis que la Charité fait écho à son nom grâce à la corbeille de fleurs qu’elle tient. La ville du lys s’affirme ainsi non seulement comme la représentante privilégiée de l’autorité morale de la Vierge sur terre, mais se transforme aussi en l’équivalent séculier de la Charité, donc en une authentique vertu. C’est sans doute sur ce point que son projet se distingue le plus de celui des autres communes toscanes, notamment de celui de sa principale rivale dans le champ de l’imagerie morale, à savoir Sienne.
Sienne et les vertus du Palazzo Pubblico
80Au Trecento, Sienne est l’une des villes toscanes qui s’intéresse le plus aux vertus. Ses institutions donnent une place prépondérante à la morale121. Les statuts définissent ainsi clairement les objectifs communs qui doivent guider les attitudes des citoyens, comme le maintien de la paix ou l’application de la justice, et précisent les valeurs morales qu’il convient de cultiver, entre autres la charité, la générosité, la prudence, la sagesse et l’unité122. Conformément à ces instructions, les Siennois essaient de se conduire le plus vertueusement possible. Les dirigeants sont les premiers à montrer l’exemple, comme en témoigne le marchand Bindo Bonichi (1260-1337), membre du conseil des Neuf en 1309 et 1318, puis de la Casa di Santa Maria della Misericordia. Bindo a composé plusieurs poèmes qui attestent de l’intérêt qu’une personnalité de sa stature pouvait porter à la morale. Dans le poème intitulé Comment un homme qui a seigneurie doit se comporter lui-même et avec ses sujets, il exhorte les dirigeants à être honnête, sage et juste, à respecter les lois et à toujours se comporter de manière exemplaire123. Dans une autre composition de sa main, il dénonce sans ménagement les vices qui affectent ses concitoyens et condamne l’hypocrisie des faux conseillers124. Enfin, dans la chanson Delle quattro virtù cardinali, il encourage les hommes d’État à accomplir leur mission avec vertu125.
81Le décor du Palazzo Pubblico accorde à la morale la même importance que les poèmes de Bindo Bonichi126. En effet, même s’il traite rarement les vertus comme le sujet central des programmes iconographiques, il en fait une thématique constante en les figurant absolument partout, dans les fresques consacrées à la Vierge, dans les cycles dédiés à l’histoire siennoise, sur les voûtes, dans les bordures décoratives ou sur les meubles. Il leur attribue une place d’autant plus remarquable qu’il les dispose dans les principaux lieux de représentation de l’administration, c’est-à-dire dans la salle de la Mappemonde, dans la salle des Neuf, dans la salle du Bailliage et dans le complexe de la chapelle.
La Maestà de la salle de la Mappemonde
82La Maestà (fig. 23) peinte par Simone Martini dans la salle dite de la Mappemonde constitue le premier jalon siennois de l’imagerie des vertus. L’exécution de la fresque a occupé Simone Martini pendant plusieurs années et s’est déroulée en trois campagnes : une première, vers 1312-1313, a concerné la scène centrale et le bord supérieur de l’encadrement ; une deuxième, datée de 1315, aurait porté sur le tiers inférieur ; une troisième, en 1321, a consisté à restaurer les têtes et les mains de la Vierge, de l’Enfant-Jésus, des anges agenouillés et de quelques saints, et à ajouter une inscription sur le gradin du trône127. Malgré une iconographie d’ensemble relativement conventionnelle, cette Maestà est particulièrement novatrice. Un certain nombre d’éléments contribuent en effet à l’investir d’une signification double, civique et religieuse. La présence des quatre patrons de Sienne dans le cortège des saints – Ansano, Crescenzio, Vittore et Savino – inscrit l’image dans le contexte siennois. Les strophes peintes sur les deux marches du trône identifient la Mère du Christ comme la protectrice privilégiée de la commune et de ses habitants128. La présence de nombreux blasons rappelle directement l’actualité politique de la commune : sur le baldaquin que les saints portent sont figurés la Balzana mi-blanche mi-noire de la municipalité, le lion rampant argent sur fond rouge du capitaine du peuple et les fleurs de lys sur champ d’azur de l’Anjou qui affirme l’attachement de Sienne au parti guelfe.
83L’encadrement de la fresque contribue lui aussi à croiser le civique et le religieux. Il associe les blasons de la ville à des médaillons du Christ, des Évangélistes, des Pères de l’Église et des personnages de l’Ancien Testament. À cette série de personnages saints s’ajoute une image totalement inédite (fig. 86). Il s’agit d’une personnification bicéphale qui tient deux tablettes en pierre portant des inscriptions. Comme la Prudence, cette personnification se compose de deux profils de femmes aux âges opposés. La femme de gauche, âgée, porte un voile et une guimpe qui lui couvre la bouche. Celle de droite, jeune, a les cheveux défaits et le front ceint d’une fine couronne. À la hauteur du cou des deux profils est inscrit « lex ve[tus] » à gauche et « lex nova » à droite. Les tablettes que les deux femmes brandissent énoncent effectivement la Loi ancienne et la Loi nouvelle, en d’autres termes les dix commandements et les sept sacrements. La femme de gauche renvoie donc au temps passé de l’Ancien Testament, tandis que celle de droite personnifie le temps présent qui a débuté avec la naissance du Christ. La première a d’ailleurs les yeux bandés à la manière de la Synagogue, alors que la deuxième arbore une croix sur le galon de son vêtement. À ces attributs s’ajoute le nimbe imposant qui couronne les deux profils. De forme polygonale, ce nimbe porte sur chacun de ses côtés le nom d’une vertu du septénaire : « prudentia/ iustitia/ fortit[u]do/ temperantia/ [fi] des/ spes/ charitas. » Même si ses composantes iconographiques renvoient à plusieurs notions, entre autres le passage de l’Ancien au Nouveau Testament et la Prudence qui doit guider l’action politique, la vocation de cette personnification est univoque. Elle a pour ambition essentielle de signifier le projet moral qui régit Sienne. La liste du septénaire qui court sur son nimbe fait d’elle la reine des vertus, tandis que les deux tablettes qu’elle tient remplissent une fonction édifiante. Le Décalogue rappelle effectivement les interdits du christianisme et la liste des sacrements indique les moyens qui permettent à l’homme de s’affranchir du péché, comme l’affirme d’ailleurs la sentence qui l’introduit : « La Loi de l’Esprit de la vie dans le Christ Jésus me libère de la loi du péché et de la mort […]129. »
84Certes, à l’échelle de la Maestà, dont les dimensions sont imposantes – 763 × 970 cm –, la personnification nichée dans l’encadrement paraît accessoire. Toutefois, plusieurs caractéristiques lui donnent un rôle de première importance. D’abord, sa position sur le champ de l’image la valorise nettement : elle est figurée sur son axe vertical médian, juste au-dessous du trône de la Vierge. Comme la fresque occupe la totalité de la surface du mur, elle se trouve donc exactement au milieu de celui-ci. Ensuite, le rapport privilégié qu’elle entretient avec le spectateur. De fait, se trouvant à la hauteur des yeux, elle s’impose au regard ce qui rend les inscriptions qu’elle porte plus faciles à lire. Enfin, l’exceptionnelle qualité de son exécution témoigne de l’attention toute particulière que le peintre lui a accordée. Alors que la plupart des médaillons de l’encadrement ont été réalisés par les élèves de Simone Martini, le Morale est due, semble-t-il, à la main du maître lui-même130.
85Ainsi valorisée, la personnification investit la Maestà d’une signification supplémentaire. D’une part, elle concrétise l’allégorie médiévale qui voit dans la Vierge et dans la naissance de son Fils l’avènement de l’Église, c’est-à-dire le passage de l’ancienne à la nouvelle Loi. Cette exégèse a été copieusement développée par les quatre Pères de l’Église qui sont justement figurés dans les médaillons disposés de part et d’autre de la personnification. D’autre part, elle inscrit le projet politique de la commune dans une perspective morale. La tête à deux visages, l’un tourné vers le passé, l’autre vers le futur, rappelle non seulement que les vertus concernent l’histoire entière de l’humanité, mais qu’elles conditionnent aussi l’avenir de Sienne. Sur ce point, il est opportun de constater que les deux tables de la Loi s’inscrivent plastiquement sur deux petits médaillons nichés dans les rinceaux de la bordure, de chaque côté de la personnification, qui figurent l’avers et l’envers de la monnaie de Sienne – le grosso d’argento – et qui portent les inscriptions « alfa et Ω/ principium et finis ». Associée à ce symbole fort de l’identité siennoise, la figure bicéphale personnifie donc, sous la caution de la Vierge, les universaux moraux qui sous-tendent à l’existence de la cité et de son gouvernement.
L’adaptation de l’imagerie mendiante dans la salle des Neuf
86La présentation du projet gouvernemental entreprise par la Maestà de Simone Martini se poursuit avec cohérence dans le reste du palais. À partir de 1338, la commune sollicite Ambrogio Lorenzetti pour exécuter un cycle intégralement consacré aux vertus dans l’espace attenant à la salle de la Mappemonde, la salle dite des Neuf. Même si ce cycle est désigné sous le nom de Bon et Mauvais gouvernement, il convient de prendre en compte sa valeur scolastique avant de l’appréhender comme un programme politique. Les thèmes qui y sont développés engagent en effet une grande partie du savoir théologique sur la morale et puisent copieusement dans l’imagerie conventuelle qu’Ambrogio Lorenzetti connaissait parfaitement.
87La fresque du Bon gouvernement (fig. 29) obéit à la hiérarchie morale établie par les ordres mendiants. Le registre supérieur est occupé par les vertus théologales et la Sagesse, le registre médian par les vertus cardinales et le registre inférieur par la cité et son gouvernement. Plus précisément, l’ordre des vertus théologales correspond à celui dressé par les dominicains, tel qu’il apparaît plus tard dans le Triomphe de saint Thomas d’Aquin : la Charité est figurée au sommet, la Foi à gauche et l’Espérance à droite. D’un point de vue iconographique, les personnifications puisent directement dans le répertoire augustin. La Charité, par exemple, prend exactement la même forme que celle de la Maestà de Massa Marittima exécutée cinq années plus tôt (fig. 19). Elle est peinte dans le même camaïeu rouge-orangé et ses cheveux forment le même halo rayonnant autour de sa tête ; elle porte un vêtement similaire, en l’occurrence un drapé mouillé laissant l’épaule droite à découvert, suffisamment transparent pour suggérer la forme des seins ; elle est munie des mêmes attributs, c’est-à-dire une paire d’ailes, une couronne sertie de pierres précieuses, un cœur enflammé et une lance. Si les deux autres vertus théologales emploient des attributs moins révélateurs de l’ascendance augustine, quelques détails épars rappellent malgré tout le panneau de Massa Marittima. La Foi est ainsi vêtue des mêmes habits que l’Espérance de la Maestà, à savoir une robe, une cape et une guimpe immaculées, un voile qui laisse deviner la forme de la coiffure, une couronne et un large plastron doré décoré de pierres précieuses.
88Au-dessous des vertus théologales, les vertus cardinales, auxquelles s’ajoutent la Magnanimité et la Paix, découlent également de l’imagerie des ermites. Elles sont assises les unes à côté des autres, dans une position hiératique et frontale, sur une banquette à haut dossier recouverte d’un tissu à motifs géométriques, exactement comme dans le Triomphe de saint Augustin de Ferrare (fig. 1). Elles sont en outre pourvues d’attributs fortement teintés d’augustinisme. Il en va ainsi de la Prudence qui n’est pas figurée avec la tête de Janus, pourtant très répandue dans la troisième décennie du XIVe siècle, mais comme une femme âgée tenant un objet complexe : il s’agit d’une coupe de laquelle naissent trois flammes désignées par les mots « p.ter.ti/ p.se(ns)/ fut.m » – « Passé/ Présent/ Futur ». Cet attribut, qui conjugue la notion de temps à un élément lumineux, fait écho au diagramme et au cierge que la Prudence tient dans les images d’origine augustine, par exemple dans l’enluminure du Novella sive commentarius de Milan (fig. 60). Ambrogio Lorenzetti résume le diagramme énumérant les phases de la vie en un attribut symbolisant le temps plus adapté à une lecture civique. Dans ce cas, le rapport avec le traité juridique s’avère d’autant plus pertinent que la Prudence adopte la même attitude que celle peinte par Niccolò di Giacomo : elle tient l’attribut sur ses genoux et le désigne avec l’index de la main droite.
89Du côté des vices, l’attachement d’Ambrogio Lorenzetti à l’imagerie mendiante est moins net. Le Mauvais gouvernement suit la même composition que le Bon gouvernement dont il apparaît comme une réplique en négatif : dans le registre supérieur sont figurés les trois vices principaux, Avarice, Superbe et Vaine gloire ; dans le registre médian les vices secondaires, Cruauté, Trahison, Fraude, Tyrannie, Fureur, Division et Guerre ; dans le registre inférieur les habitants de la cité. Les personnifications adoptent globalement une iconographie qui trouve son origine dans le répertoire de l’imagerie infernale. Par ses attributs et sa physionomie, la Tyrannie évoque la Grande Prostituée de l’Apocalypse131. Elle est drapée d’un manteau d’or doublé de pourpre et rehaussé de pierreries, tient une coupe en or et est affublée de cornes, de crocs et d’une face grimaçante. À ses pieds gît un bouc qui la regarde. Les vices qui l’entourent emploient un bagage iconographique comparable : la Superbe est parée de cornes, la Cruauté tient un serpent qui s’enroule autour de son bras, la Trahison porte un agneau à queue de scorpion. Certains puisent aussi dans les traités de moralité les plus connus du Moyen Âge, comme la Division qui coupe une balle par la moitié sur le modèle de la Discorde imaginée par la Psychomachie132. D’autres découlent du système moral mendiant. L’érection de la Superbe, de la Vaine gloire et de l’Avarice au rang des trois premiers vices témoigne ainsi de l’ascendance franciscaine. De fait, ces vices correspondent exactement à la hiérarchie arrêtée par les Frères mineurs, car ils s’opposent directement à l’Obéissance, à la Chasteté et à la Pauvreté. Ambrogio Lorenzetti les figure d’ailleurs avec des attributs qui dérivent des fresques d’Assise : la Superbe brandit avec dédain le joug – symbole de l’Obéissance – dont elle s’est défaite.
90En travaillant parallèlement pour les ordres mendiants et pour la commune, Ambrogio Lorenzetti introduit des notions habituellement réservées au monde conventuel. Dans ce domaine, sa contribution au sein du Palazzo Pubblico ne se cantonne pas à la salle des Neuf. Vers 1340, il peint aussi une Vierge à l’Enfant dans la loggia du palais qui reprend l’iconographie de la Maestà de Massa Marittima. Cette peinture, qui a été amputée de sa partie inférieure, figurait vraisemblablement les vertus cardinales au pied du trône de la Vierge, comme le laisse entendre le chroniqueur Agnolo di Tura del Grasso133. Le rapport que la fresque entretient avec le panneau augustin se trouve renforcé par le phylactère de l’Enfant-Jésus qui porte une citation de l’Évangile selon saint Jean insistant sur la valeur caritative du sacrifice du Fils de Dieu, un peu à la manière de la Charité de Massa Marittima : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimé, vous aussi aimez-vous les uns les autres134. » Dans ce cas, comme dans la salle des Neuf, le message politique se confond avec le message religieux et le projet moral mis au point par les ordres mendiants est adapté au dessein gouvernemental.
La salle du Bailliage : un cycle conventuel accompli
91Le décor conçu par Ambrogio Lorenzetti ne préserve pas le régime des Neuf des nombreuses crises sociales et politiques qui touchent Sienne au Trecento135. Malgré les aspirations vertueuses de la république, le gouvernement est fréquemment mis à mal. À partir de 1340, une série de disettes s’abat sur la ville et, en 1348-1349, la Peste noire tue plus du tiers de la population, dont l’auteur du Bon gouvernement lui-même. En 1355, avec le soutien de l’empereur Charles IV de Luxembourg (1316-1378), une coalition constituée de la noblesse et du popolo minuto renverse les Neuf. Un nouveau gouvernement, dit des Douze, composé de commerçants et d’ouvriers, est alors institué avant d’être à son tour renversé en 1368. De nouvelles révoltes achèvent d’affaiblir Sienne, notamment en 1371 et en 1386, facilitant l’accession au pouvoir de Gian Galeazzo Visconti en 1399. Ces crises chroniques, qui remettent en cause la souveraineté siennoise, affectent les travaux d’embellissement du Palazzo Pubblico et l’intérêt des dirigeants pour l’imagerie morale. Le thème des vertus n’est ainsi figuré qu’une seule fois durant la seconde moitié du siècle, en l’occurrence par Lippo Vanni (v. 1340-1375136). Ce dernier exécute en 1373 une fresque monochrome dans la salle de la Mappemonde relatant la victoire des Siennois sur les Florentins en 1363 lors de la bataille de Val di Chiana. À travers ce succès, qui constitue le seul fait d’armes notable de la seconde moitié du Trecento dont les Siennois pouvaient s’enorgueillir, Lippo Vanni, qui n’était pas seulement peintre mais aussi membre du Consiglio Maggiore della repubblica senese, aspirait renouer avec les valeurs originelles de la république. Ainsi, en marge de la scène de bataille, il a figuré saint Paul devant les portes de Sienne défendant la commune avec le soutien des vertus théologales et cardinales.
92Il faut finalement attendre le début du XVe siècle et la mort de Gian Galeazzo Visconti pour voir Sienne recouvrer pleinement sa souveraineté et le Palazzo Pubblico renouer avec les programmes à vocation morale. En 1407, une salle nouvellement aménagée à proximité de la salle de la Mappemonde est décorée d’un cycle consacré aux vertus. Initialement désignée par le nom « Nouvelle », cette salle accueille au Quattrocento les magistrats du Collegio di Balìa, l’un des organes les plus importants de l’administration siennoise, notamment chargé des dépenses de la commune137. Elle est couverte de quatre voûtes qui figurent une série de seize vertus réalisée entre juin 1407 et mars 1408 par Martino di Bartolomeo, tandis que ses murs comportent un cycle consacré à la Vie du pape Alexandre III peint durant l’année 1408 par Spinello Aretino (v. 1350-1410) en l’honneur de la visite du pape Grégoire XII (v. 1325-1417) en 1409138.
93L’intérêt du cycle de Martino di Bartolomeo réside surtout dans sa dimension conventuelle très prononcée (fig. 87). Plusieurs éléments l’investissent effectivement d’un statut comparable à celui des programmes mendiants. D’abord, les vertus sont distribuées dans les voûtains selon la formule franciscaine et dominicaine. Ensuite, elles suivent un ordonnancement qui rappelle fortement les classements les plus rigoureux des docteurs. Chacune des quatre voûtes est consacrée à une vertu cardinale et à ses vertus subsidiaires, lesquelles sont identifiées par des phylactères qu’elles déroulent – les inscriptions sont encore partiellement lisibles. La Prudence est figurée avec la Circonspection, la Sagesse et l’Intelligence ; la Tempérance avec l’Humilité, la Noblesse et la Chasteté ; la Justice avec la Miséricorde, la Paix et une vertu à l’identité incertaine ; la Force avec la Persévérance (?), la Dévotion (?) et le Martyre (?). Enfin, l’iconographie qualifie précisément chaque vertu grâce au jeu des attributs. Les vertus cardinales sont par exemple clairement différenciées des vertus subsidiaires avec une couronne, alors que leurs auxiliaires ont la tête nue ou coiffée d’une guirlande de fleurs ou de laurier.
94Le cycle est d’autant plus conforme à la culture des couvents franciscains et dominicains que, à la différence des personnifications de la salle des Neuf, les vertus cardinales ne sont pas figurées en trône parmi les dirigeants de la cité, mais en buste dans une nuée céleste et cernées d’un nimbe rayonnant. Elles sont ainsi pourvues d’une dimension surnaturelle qui les apparente plus à des vertus théologales qu’à des valeurs profanes. De leur côté, les vertus subsidiaires s’inscrivent dans un registre plus sacré que civique. La Persévérance (?) fait par exemple le geste du silence de l’Obéissance, la Dévotion (?) exhibe un médaillon avec l’image du Christ et le Martyre (?) tient un nid portant un pélican nourrissant ses petits. Dans certains cas, elles reprennent très précisément l’iconographie mendiante, comme l’Humilité qui serre contre elle un agneau qu’elle caresse de la main droite, exactement comme dans la chapelle Strozzi.
95La figuration de telles images indique que le message délivré par la salle du Bailliage n’était pas seulement politique. À une époque où la commune recouvrait sa souveraineté, elle témoigne de l’aspiration de l’administration siennoise non seulement à renouer avec les fondements de la république, à savoir les valeurs morales, mais aussi à garantir sa cohésion par le culte des vertus. Cette hypothèse se trouve confirmée par le décor de la chapelle du palais.
Le culte des vertus
96Dès sa construction, le Palazzo Pubblico fut équipé d’une chapelle. Celle-ci se trouvait au rez-de-chaussée et était exclusivement réservée aux Neuf. Au début du XVe siècle, une deuxième chapelle, plus grande, fut aménagée au premier étage, entre la salle du Bailliage et celle de la Mappemonde, afin de permettre aux dirigeants de suivre plus commodément les offices. Par son emplacement dans le palais, cette nouvelle chapelle était un lieu particulièrement fréquenté. Les élus et les fonctionnaires transitaient nécessairement par elle pour passer de la salle de la Mappemonde à celle du Bailliage ou pour accéder à celle du Consistoire. Elle constituait donc un espace propice à l’exposition des aspirations de la commune, autrement dit à la représentation des vertus. Celles-ci y sont effectivement figurées à plusieurs endroits : dans les lunettes et dans les écoinçons de la Vie de la Vierge que Taddeo di Bartolo peint à partir du mois de juin 1407 ; dans le cycle des Hommes illustres que le même Taddeo di Bartolo réalise en 1414 dans le vestibule d’entrée139 ; dans le décor du mobilier, par exemple dans un candélabre peint dans les années 1370 par Lippo Vanni et conservé au musée de la fondation Abegg à Berne ou dans une stalle en bois datant du début du XVe siècle attribuée à Domenico di Niccolò dei Cori (v. 1363-1453140).
97Loin de se cantonner à un emplacement précis du lieu de culte, les vertus s’affichent donc partout de sorte que, à chaque instant, elles rappellent aux administrateurs du palais les valeurs indispensables qui doivent les guider dans la gestion de la république. Plus précisément, elles renouent avec le message délivré par la Maestà de Simone Martini en inscrivant le projet communal au cœur de l’ordre moral. Cette impression est particulièrement prégnante dans l’anté-chapelle où les vertus sont complétées par des tituli qui citent les textes fondateurs du système moral chrétien pour renforcer la légitimité de la république récemment rétablie141.
98Du point de vue de l’iconographie, si les vertus emploient des attributs trop communs pour permettre de déceler une origine précise, comme dans la chapelle où la Force tient une colonne et la Prudence un miroir et des livres, certaines laissent deviner une ascendance augustine. La Charité (fig. 88) reprend ainsi la personnification de la Maestà de Massa Marittima déjà remployée dans le Bon gouvernement : elle est vêtue d’un drapé collant qui laisse l’épaule droite découverte, ses cheveux défaits se déploient symétriquement de part et d’autre de son visage, et elle brandit une lance de la main droite et un cœur de la main gauche. L’impact des ermites se décèle plus clairement encore dans les tituli. Celui de la Justice, par exemple, cite le De regimine principum de Gilles de Rome142.
99D’autres vertus sont pourvues d’attributs qui puisent dans le répertoire dominicain. C’est notamment le cas de la Justice qui, dans la chapelle et dans son vestibule (fig. 89), est figurée avec une mappemonde semée de villes et sillonnée de cours d’eau qui rappelle l’attribut de la Force du Tombeau de saint Pierre Martyr. Plus que de faire référence à la Mappemonde peinte vers 1345 par Ambrogio Lorenzetti, cet attribut synthétise la « puissance » divine décrite par l’exégèse thomiste143. Cette hypothèse est confortée par le décor marqueté d’une stalle réalisée pour le palais vers 1430 par Domenico di Niccolò dei Cori qui montre Dieu le Père brandissant une mappemonde avec l’inscription « patrem omnia potentem ». Au lieu d’être figurée dans une dimension profane, la Justice de Taddeo di Bartolo revisite donc l’interprétation dominicaine en apparaissant comme une puissance surnaturelle. C’est à ce pouvoir omnipotent et vertueux que Sienne et son contado aspiraient à se soumettre, à une époque où le régime était à la recherche de repères.
100Si le Palazzo Pubblico constitue un cas unique par le nombre de vertus qu’il conserve, il n’est toutefois pas le seul édifice communal de la péninsule à s’intéresser au thème. Les images des vertus s’affirment effectivement comme un élément pérenne des décors civiques, surtout dans la sphère particulière des régimes républicains. Une commune offre un exemple relativement comparable à celui de Sienne. Il s’agit de Pérouse qui, entre 1319 et 1353, fait sculpter un cycle de personnifications morales sur la porte d’entrée de son palais, le Palazzo dei Priori. Le cycle comprend, en plus des arts libéraux et des prophètes, 17 vertus et vices, dont certains restent encore à identifier : l’Humilité, la Charité, l’Allégresse, la Superbe, la Chasteté et la Magnanimité occupent les jambages de la porte ; la Fidélité (?), la Force, la Tristesse les ébrasements ; la Libéralité, l’Avarice, la Prudence (ou la Grammaire), la Docilité (?), la Tempérance, la Justice, la Patience (?) et la Charité le linteau. Une partie de ces personnifications a été attribuée à un atelier siennois sur la base de sources textuelles attestant que le chantier du Portale Maggiore fut conduit par le Siennois Ambrogio Maitani144. Cette hypothèse se trouve confirmée par l’iconographie : plusieurs vertus puisent directement dans le répertoire siennois, comme la Tempérance qui est pourvue du sablier inventé par Ambrogio Lorenzetti pour la salle des Neuf. Le cycle est en outre complété par un personnage encapuchonné qui déroule un phylactère portant l’inscription « entra puro move securo ». Cette sentence résume bien finalement, avec plus de brièveté que les longs tituli du Palazzo Pubblico, la double fonction dont les personnifications morales étaient investies dans le cadre civique, celle de préparer les administrateurs pénétrant dans le palais à se comporter vertueusement et d’afficher l’intention de la commune aux yeux des visiteurs, c’est-à-dire le projet d’un Bon gouvernement.
LA LÉGITIMATION DES COMMUNES : VARIATIONS SUR LE THÈME DU BON GOUVERNEMENT
101Le succès considérable que l’imagerie morale rencontre dans le monde civique trouve une grande partie de son explication dans la nature particulière des régimes politiques qui régissent les communes du centre de la péninsule italienne. Les gouvernements qui se considèrent républicains cherchent en effet à légitimer leur position par l’intermédiaire des vertus. Ce phénomène d’appropriation de la morale procède d’une réflexion plus vaste sur la nature des régimes politiques. À partir des années 1200, de nombreux traités interrogent les différentes formes de gouvernement et leurs vertus145. Avec la relecture de la Politique d’Aristote, les théologiens des ordres mendiants s’intéressent aussi à la question. Dans le De regno ad regem cypri, entrepris par Thomas d’Aquin et achevé par son élève Ptolémée de Lucques (v. 1236-1327), la monarchie est présentée comme le meilleur gouvernement146. Selon les deux dominicains, le monarque, qu’il soit roi, empereur ou prince, est l’unique garant de la défense de la paix, de l’accomplissement de la justice et de l’avènement de la prospérité. Dans le De regimine principum, Gilles de Rome désigne également la monarchie comme le régime le plus légitime et assimile la démocratie à une forme de tyrannie.
102Il va sans dire que face à cette question Florence prend résolument parti pour le régime communal. Ainsi, même s’il distingue bien trois gouvernements légitimes, celui des rois, des nobles et de la commune, Brunetto Latini fait du gouvernement de la commune le meilleur d’entre tous147. La vigueur avec laquelle les citoyens de la ville du lys défendent alors le régime républicain s’explique par un contexte géopolitique particulier. À partir de la fin du XIIIe siècle, les cités-états du centre de la péninsule sont confrontées aux grands seigneurs, Carrara, Scaliger, Gonzague et Visconti, qui se sont emparés par la force du pouvoir au nord. Ces nouveaux régimes sont vivement dénoncés par les lettrés toscans qui jugent que le pouvoir d’une seule personne et de sa famille est illégitime. Ptolémée de Lucques affirme ainsi que « […] personne ne peut avoir un principat perpétuel sinon par voie tyrannique148 ».
103À Sienne comme à Florence, la critique des régimes autocratiques s’enrichit d’un discours sur la défense des valeurs de la république qui est particulièrement favorable à l’essor de l’imagerie morale et à l’invention de nouvelles formules figuratives à partir du thème du Bon gouvernement. Ce thème, qui découle de l’iconographie transalpine du prince vertueux diffusée en Italie par l’intermédiaire des Angevins, est adopté par les républiques communales qui le remploient dans le but de célébrer la vertu qui, selon elles, rend leur gouvernement parfaitement légitime : cette vertu, c’est la Justice.
Le modèle angevin
104L’imagerie morale communale est tributaire d’un poncif mis au point par les monarchies selon lequel un Bon gouvernement procède des vertus. Dès l’époque carolingienne, les cours occidentales associent étroitement la notion de royauté aux valeurs morales149. Pour les lettrés des IXe et Xe siècles qui s’intéressent à la politique, le prince idéal fonde nécessairement son gouvernement sur la pratique des vertus. Raban Maur imagine ainsi les vertus cardinales comme quatre « solides colonnes » qui supportent la « dignité royale », tandis que Rathier de Vérone (v. 890-974) les transforme littéralement en attributs régaliens150. Les enluminures de cette époque reprennent la métaphore en figurant rois et empereurs assumant leur souveraineté grâce aux vertus. L’Évangile de Cambrai (fig. 2), par exemple, dispose les vertus cardinales aux quatre angles de la page figurant Charles le Chauve en trône et le Liber ad honorem Augusti de Pietro da Eboli, daté de 1194-1196 et conservé à la Burgerbibliothek de Berne (Ms. 120, f° 146), montre les vertus s’approchant d’Henri IV pour lui apporter ses armes.
105Dans la péninsule italienne, la formule du prince vertueux connaît un prolongement fertile avec le petit-neveu de saint Louis, le roi de Naples et comte de Provence Robert Ier d’Anjou (1277-1343). Robert Ier succède à Charles II d’Anjou (v. 1254-1309) en 1309 et s’affirme rapidement comme le monarque le plus estimé de son temps151. Souverain pétri de culture humaniste, expert en science morale, il compose des sermons et prêche dans les églises de l’ordre franciscain dont il est membre tertiaire152. Il consacre même un court traité à l’étude des vertus, publié en 1750 sous le nom de Trattato delle virtù morali di Roberto re di Gerusalemme. En plus d’être préoccupé par la morale, Robert Ier s’attache les services des artistes les plus renommés de son époque, Giotto, Simone Martini et Tino di Camaino, auxquels il commande d’ambitieux projets destinés à promouvoir sa lignée. Avec sa deuxième épouse, Sanche de Majorque (1285-1385), il finance la construction du couvent des clarisses à Naples dont il envisage de faire de l’église une nécropole familiale153.
106À partir des premières décennies du XIVe siècle, l’imagerie morale s’affirme comme l’un des thèmes privilégiés de la cour napolitaine, comme en témoigne la Bible d’Anjou enluminée vers 1340 et conservée à la bibliothèque de la faculté de théologie de Louvain (Ms. 1154). Commandé par Robert Ier lui-même ou par son entourage, ce manuscrit comporte une enluminure en frontispice (fig. 90) réalisée par Cristoforo Orimina (actif v. 1335-1355) qui figure le roi de Naples trônant sous un dais, attributs régaliens en mains, flanqué de huit personnifications, les quatre vertus cardinales auxquelles s’ajoutent la Courtoisie, la Pureté, la Discrétion et la Loyauté155. Les vertus cardinales tiennent les hampes du dais, à la manière des quatre colonnes de la « dignité royale » imaginées par Raban Maur. Elles dominent avec leurs sœurs les vices qui sont figurés terrassés sous leurs pieds. La Justice, vêtue d’une longue tunique, se tient au-dessus de la Tyrannie qui adopte l’aspect d’une femme coiffée d’un bonnet percé de cornes. La Force, sous les traits d’Hercule, domine un personnage entièrement nu qui personnifie la Faiblesse – « Evelelenza ». La Prudence, à deux visages, foule la Folie qui consiste en un jongleur. La Tempérance, frein posé sur la bouche, domine la Furie qui est affublée de grandes cornes tordues et qui est conseillée par un serpent montant le long de son corps jusqu’à ses oreilles. La Courtoisie, couronnée de lys et de roses, tient des lys épanouis et une corbeille remplie de fleurs, et terrasse l’Avarice, renard portant la tonsure monastique. La Pureté, ailée, avec une fleur de lys en diadème, est opposée à « Diabolus », démon noir et incandescent. La Discrétion, un glaive et un fuseau entre les mains, est opposée à l’Indiscrétion, parée d’une coiffure exubérante, qui tient une vasque en argent dans laquelle elle noie un compas. Enfin, la Loyauté, consistant en un vieillard barbu, tient un fil à plomb et un compas au-dessus de la Trahison sous les traits d’un homme armé d’une dague et d’un bouclier.
107Particulièrement riche du fait du nombre de personnifications qui l’animent, l’enluminure de la Bible d’Anjou propose une synthèse complète de la propagande napolitaine. D’abord, elle témoigne des multiples sources qui travaillent le discours angevin : d’un côté, elle concilie deux formules figuratives anciennes, celle de la psychomachie et celle du prince vertueux ; de l’autre, elle associe les notions morales traditionnelles que sont les vertus cardinales à des valeurs profanes, comme la Loyauté et la Courtoisie, un peu à la manière des traités de moralité toscans. Ensuite et surtout, elle montre comment le répertoire iconographique sert la célébration de la sagesse réputée du roi de Naples que la postérité a surnommé Robert le Sage. Les vertus sont effectivement pourvues d’attributs qui désignent indirectement la circonspection et le savoir du souverain, comme les deux visages de la Prudence, le frein de la Tempérance, le fuseau de la Discrétion ou le fil à plomb et le compas de la Loyauté. L’ensemble de ces qualités est clairement attribué au roi par le titulus qui court en tête de page : « Roi Robert, roi expert en toutes sciences156. » La célébration des vertus de Robert Ier connaît son acmé avec le tombeau exécuté à partir de 1343 par Giovanni et Pacio Bertini da Firenze (actifs dans les années 1340) dans l’église Santa Chiara à Naples. Ce sépulcre, qui s’agence en trois registres superposés, comprend Robert assis en trône dans le registre supérieur, le sarcophage et son gisant vêtu de la robe franciscaine et entouré des Arts libéraux dans le registre médian, et six vertus adossées à deux piliers massifs soutenant le monument dans le registre inférieur (fig. 91). La Tempérance, la Prudence et la Foi sont adossées au pilier gauche ; la Charité, la Justice et la Force au pilier droit157. Le décor reprend ainsi la formule du Tombeau de saint Pierre Martyr en traitant les vertus comme des cariatides qui porteraient symboliquement le sarcophage avec le corps du souverain.
108Si la présence des vertus dans les monuments funéraires princiers constitue une formule bien connue de l’art italien du Moyen Âge, c’est à la cour angevine qu’elle connaît sa plus grande fortune158. Plusieurs tombeaux l’adoptent en effet durant le règne de Robert Ier : le Tombeau de Raymond Bérenger, frère cadet du roi, sculpté vers 1305-1310 par un anonyme pour l’église San Lorenzo Maggiore, dont sont uniquement conservés le sarcophage et deux vertus ; le Tombeau de Marie de Hongrie, mère de Robert, réalisé vers 1323-1325 par Tino di Camaino pour Santa Maria Donna Regina159 ; le Tombeau de Catherine d’Autriche, première épouse du fils de Robert Ier, Charles de Calabre (1298-1328), réalisé vers 1323-1325, également par Tino di Camaino pour San Lorenzo Maggiore160 ; le Tombeau de Charles de Calabre et celui de sa deuxième épouse Marie de Valois (1309-1331), respectivement sculptés vers 1332-1333 et 1337-1339, encore par Tino di Camaino et qui se trouvent à Santa Chiara ; enfin, l’Urne funéraire de Jean d’Anjou, frère du roi et duc de Duras, sculptée dans les années 1340 par un anonyme pour San Lorenzo Maggiore. À ces tombeaux encore in situ viennent s’ajouter des vertus dispersées dans plusieurs musées et églises : la Prudence, la Justice, la Force et l’Espérance conservées au Louvre et exécutées au début du XIVe siècle par un élève de Giovanni Pisano ; la Force conservée au Dôme de Naples provenant du tombeau d’un membre de la famille Caracciolo sculpté par Tino di Camaino ; quatre vertus composant la base du candélabre pascal de la basilique San Domenico Maggiore qui faisaient initialement partie du Tombeau de Philippe Ier d’Anjou, exécuté vers 1340 par le Maestro della Dama con l’Ermellino (actif v. 1330-1340).
109À l’exception de l’Urne de Jean d’Anjou, les tombeaux angevins conservés adoptent tous la même forme, celle d’un sarcophage à gisant, couronné par la Vierge ou le défunt trônant sous un gable, qui repose sur des colonnes flanquées de vertus. Leur décor délivre un message univoque et attendu qui consiste en une célébration des mérites du défunt et de sa famille. Les mérites sont à la fois salués par les vertus-cariatides et par les inscriptions gravées161. L’éloge de la famille se manifeste par la figuration de la lignée sur le flanc du sarcophage, comme dans le Tombeau de Marie de Hongrie qui montre les sept fils de la défunte, Charles Martel (1271-1295), Louis de Toulouse (1274-1297), Robert le Sage, Philippe Ier d’Anjou, Raymond Bérenger, Pierre (1292-1315) et Jean.
110En plus de véhiculer un message banal, les vertus emploient une iconographie qui, sur plusieurs points, s’avère relativement conventionnelle. Même si leur nombre varie en fonction de la quantité de colonnes qui supportent les sarcophages, elles puisent presque exclusivement dans le septénaire. Seule l’Humilité supplante parfois une vertu théologale, surtout durant la seconde moitié du XIVe siècle. Elles adoptent en outre fréquemment la même forme, celle de jeunes femmes élégantes, têtes nues, parfois ailées, vêtues de robes longues et amples (fig. 91). Leur physionomie suit souvent les mêmes caractéristiques : un visage plein, un cou gracile, des cheveux ondulés et coiffés en arrière, des yeux en amandes, des lèvres fines. Enfin, elles sont presque toujours figurées avec les mêmes attributs : la Charité est pourvue de deux cierges ou d’un enfant qu’elle allaite, la Foi d’un calice, l’Espérance d’un bouquet de fleurs ou d’un oiseau, la Prudence d’un serpent et/ ou d’un livre, la Justice d’une épée et d’une balance, la Force de la dépouille d’un lion qu’elle traîne par une patte, la Tempérance d’une épée liée à son fourreau.
111Les attributs se figent surtout à partir des années 1340. Les sculpteurs copient alors les personnifications des premiers tombeaux, surtout celles dues à Tino di Camaino, sans apporter de modifications majeures. Ce phénomène s’avère d’autant plus frappant que les vertus-cariatides deviennent un élément très répétitif de la sculpture campanienne de la seconde moitié du XIVe siècle. Pour preuve, entre la mort de Robert Ier en 1343 et le début du XVe siècle, plus d’une douzaine de tombeaux exécutés pour la famille royale et son entourage direct les emploie : le Tombeau de Sanche de Majorque, réalisé vers 1345-1352 par Pacio Bertini da Firenze, démantelé au XIX e siècle et dont la Charité est conservée au musée des Beaux-Arts de Lyon162 ; le Tombeau de Bartolomeo Brancaccio, évêque de Trani, exécuté dans les années 1340 par un anonyme pour San Domenico Maggiore ; le Tombeau de Ludovico, Giannotto, Antonello et Manella Caracciolo, réalisé en 1347 par un anonyme pour San Lorenzo Maggiore ; le Tombeau de Tommaso III Sanseverino, réalisé à partir de 1358 par un élève de Tino di Camaino dans l’église de Mercato San Severino ; le Tombeau de Cristoforo et Tommaso d’Aquino, sculpté vers 1357 par un anonyme pour San Domenico Maggiore ; le Tombeau de Francesco della Ratta, comte de Caserta, réalisé en 1359 par un élève de Tino di Camaino pour le Dôme de Casertavecchia ; le Tombeau de Raimondo del Balzo, comte de Soleto, sculpté vers 1375 également par un élève de Tino di Camaino pour la basilique Santa Chiara ; le Tombeau de Filippo Sangineto, officier de Robert Ier, achevé en 1377 par le Maestro Durazzesco (actif v. 1370-1380) pour Santa Maria della Consolazione d’Altomonte ; le Tombeau d’Isabella del Balzo, deuxième épouse de Raimondo del Balzo, réalisé vers 1390 par un élève de Tino di Camaino pour Santa Chiara ; le Tombeau de Charles d’Anjou-Duras, exécuté vers 1400 par un anonyme pour San Lorenzo Maggiore ; le Tombeau de Jeanne d’Anjou-Duras et Robert IV d’Artois, réalisé vers 1400 par un anonyme également pour San Lorenzo Maggiore ; le Tombeau d’Agnès et Clémence d’Anjou-Duras, filles de Charles d’Anjou-Duras, sculpté vers 1400 par Antonio Baboccio da Piperno (1351-1435) pour Santa Chiara.
112La formule des vertus-cariatides soutenant un sarcophage ne se cantonne pas à la Campanie angevine, mais rencontre aussi une certaine fortune en Toscane. Dès les années 1330-1350, elle est employée par un élève de Tino di Camaino pour le Tombeau de Simone et Francesco de’Pazzi, aujourd’hui appuyé contre le flanc nord de la basilique Santa Croce à Florence. Les musées florentins renferment par ailleurs plusieurs vertus-cariatides qui prouvent que d’autres monuments funéraires toscans ont suivi le modèle campanien. Le musée national du Bargello conserve ainsi une cariatide de la Force, sculptée vers 1320 par Tino di Camaino et provenant peut-être du Tombeau de l’évêque Antonio d’Orso163, de la Prudence, réalisée vers 1320-1330 par un anonyme, et de la Justice, exécutée vers 1330-1340 par l’atelier de Tino di Camaino. Le Museo Bardini conserve deux personnifications de la Force, l’une exécutée vers 1350-1375 par un continuateur de Tino di Camaino, l’autre vers 1400 par Baboccio da Piperno.
113Le succès de l’imagerie angevine à Florence est certainement dû à l’immense renommée acquise par Robert Ier dans cette cité. Les Florentins considéraient Robert le Sage, qui les gouverne de 1313 à 1321, comme un souverain exemplaire, légitime parce que vertueux. La preuve en sont les propos de Giovanni Villani à son sujet :
Ce roi Robert fut le plus sage roi qui fût parmi les chrétiens depuis cinq cents années, aussi bien de sens naturel que de science, comme très grand maître en théologie et suprême philosophe. Il fut un souverain doux et affectueux, aimant notre Commune, de toutes les vertus doté […].164
114Les mêmes idées apparaissent dans le sermon que Remigio dei Girolami (1235-1319) compose pour la visite du souverain à Florence. Robert Ier réunirait, selon lui, les deux qualités principales du souverain juste, la clémence et l’équité165. Non seulement les Florentins font du roi de Naples un exemple de vertu, mais ils l’imaginent aussi comme le sauveur du peuple « italien », autrement dit comme le défenseur de la liberté contre les régimes tyranniques. Cette position est partagée par d’autres communes toscanes, notamment par Prato dont les citoyens commandent spécialement un manuscrit pour l’offrir roi, le Regia carmina166. Cet ouvrage consiste en un texte versifié en latin composé par le poète Convenevole da Prato (v. 1270-1338) comprenant une série d’enluminures qui célèbre Robert en le présentant comme le protecteur des vertus167. Les folios 10vo et 11ro le figurent ainsi trônant face à une femme affligée personnifiant l’Italie qui le supplie de la libérer du joug terrible de la tyrannie et de restaurer le régime des vertus. Viennent ensuite Rome et Florence (pl. X, fig. 84), puis les vertus théologales et cardinales qui sollicitent à tour de rôle son intervention. Cette série d’enluminures constitue un cas très intéressant pour appréhender le rôle que l’imagerie morale joue dans la propagande artistique du Trecento. Il témoigne du processus qui conduit les républiques toscanes à s’approprier la thématique du prince vertueux développée par la famille d’Anjou et prouve que les communes considèrent les vertus comme les principes fondamentaux du pouvoir, quelle que soit la forme du régime politique qui les pratique.
La concorde des vertus
115Afin de légitimer leur régime, les communes du centre de la péninsule élaborent des images qui vantent leurs qualités morales. En général, ces images consistent en plusieurs personnifications, le plus souvent les vertus théologales et cardinales, rassemblées autour d’un personnage ou d’un édifice symbolisant la commune. Dans le Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti, les vertus sont ainsi regroupées autour d’un homme personnifiant Sienne et son gouvernement (fig. 29). Les initiales « C S C V » inscrites autour de sa tête correspondent, semble-t-il, à la devise de la commune, « Commune Senarum Civitas Virginis ». Afin de renforcer sa légitimité et à travers lui celle des Neuf, le personnage suit les conventions figuratives habituellement réservées aux monarques et emploie une iconographie qui procède du thème du bon prince. Il est d’abord fortement valorisé en étant assis sur un trône dont les montants apparaissent sous le tissu qui couvre le banc et en étant sensiblement plus grand que l’ensemble des autres protagonistes. Il est ensuite figuré strictement de face, dans une posture hiératique, et avec des gestes codifiés. Enfin, il arbore les attributs et les vêtements d’un souverain : un sceptre, le sceau de la commune, une tunique noire, une chlamyde blanche incrustée de pierres précieuses et une toque bordée de fourrure. La référence à l’imagerie du prince vertueux est d’autant plus manifeste que les vertus obéissent à la composition qui figure habituellement le thème. Elles sont équitablement disposées autour de la commune tout en étant orientées dans sa direction et tiennent ostensiblement leurs attributs pour montrer qu’elles les destinent à leur souverain, exactement comme les vertus de la Bible d’Anjou (fig. 90).
116Situé à une vingtaine de kilomètres de Sienne seulement, le cycle du Palazzo Corboli à Asciano procède également du thème du prince vertueux168. La fresque des Vertus cardinales (fig. 30) obéit en effet au même agencement que le Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti, c’est-à-dire à celui d’un personnage central symbolisant le souverain idéal, en l’occurrence Aristote, cantonné de vertus. Sa partie supérieure ayant été endommagée à la suite de l’abaissement du plafond de la salle où elle se trouve, seules les vertus des compartiments inférieurs sont clairement identifiables. Il s’agit, à gauche, de la Force qui porte la dépouille d’un lion et, à droite, de la Tempérance qui tient deux pichets dont elle transvase le contenu. Les compartiments supérieurs figuraient très certainement les deux autres vertus cardinales, comme le laissent entendre les tituli.
117Le cycle s’apparente fortement au décor de la salle des Neuf. Pour cause, il fut vraisemblablement réalisé par des élèves d’Ambrogio Lorenzetti, Cristoforo di Bindoccio et Meo di Pero, et il prend place dans un palais édifié par une famille siennoise, les Bandinelli. Pour saisir la valeur de la filiation, il faut prendre en considération l’histoire particulière du village d’Asciano à la fin du Moyen Âge. Après un lent processus qui s’étend tout au long du XIIe siècle, le bourg d’Asciano quitte le domaine féodal Dei Conti della Scialenga pour entrer dans la sphère d’influence de la commune de Sienne. En 1218, soit quelques années après la construction du Palazzo Corboli, il accueille un magistrat siennois chargé de l’administration de la justice, puis, dans le deuxième quart du XIVe siècle, il devient le chef-lieu de l’une des circonscriptions militaires de Sienne. Son intégration au contado s’achève finalement le 17 août 1369, lorsque ses habitants obtiennent la citoyenneté siennoise169. Si rien ne permet de confirmer l’hypothèse avancée par Maria Monica Donato selon laquelle le cycle aurait été réalisé à l’occasion de cet événement, il est tout cas certain que celui-ci cherchait à rattacher Asciano à la ville « mère » en reprenant précisément les thèmes développés par la salle des Neuf. De ce fait, comme le programme d’Ambrogio Lorenzetti, il accorde une place prépondérante à la pensée aristotélicienne étant donné qu’il fait du philosophe grec le principal organisateur de l’ordre moral en le figurant au milieu des vertus.
118Très sensible à l’imagerie angevine, Florence s’intéresse également au thème du Bon gouvernement et de ses vertus, comme le prouve le cas remarquable de la Loggia dei Priori (fig. 92). La Loggia dei Priori – dite Loggia dei Lanzi depuis le XVIe siècle – est élevée entre 1376 et 1382 par Francesco Talenti (v. 1300-1369) et Benci di Cione170. Sa construction débute à un moment déterminant pour l’affirmation de l’identité républicaine florentine face aux grandes puissances de la péninsule, puisque, en 1375, la ville du lys entre en conflit avec le Saint-Siège dans la guerre dite des Huit Saints (1375-1378). Ce conflit déséquilibré pousse les humanistes florentins, entre autres le chancelier Coluccio Salutati (1331-1406), à faire de Florence la chef de file des communes libres luttant contre les régimes tyranniques. La Loggia s’inscrit dans ce projet. Elle revêtait en effet une dimension symbolique forte aux yeux de la cité car elle jouait un rôle particulier lors des manifestations politiques. Elle servait notamment à investir les gonfaloniers et les prieurs, et à abriter les représentants du gouvernement pendant les cérémonies publiques171. En d’autres termes, avec ses grandes arcades ouvertes sur la place de la Seigneurie, elle formait une sorte de scène où les dignitaires et les aspirations de la république se donnaient à voir. Le cycle de vertus qu’elle porte conforte cette interprétation. Il emploie les mêmes arguments que le Bon gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti, mais, au lieu de figurer les vertus autour d’une personnification, il les rassemble autour d’un édifice symbolisant sous une forme concrète les institutions du régime politique.
119Le cycle a été sculpté entre 1383 et 1385 par Jacopo di Pietro Guidi, Pietro di Giovanni d’Ambrogio et Giovanni Francesco di Fetti sur des dessins, semble-t-il, d’Agnolo Gaddi (v. 1350-1396172). Il comprend sept statues des vertus canoniques. Les vertus théologales sont disposées sur la façade la plus courte, celle qui fait face au Palazzo Vecchio, et les vertus cardinales sur la façade la plus longue, celle qui s’ouvre sur la place de la Seigneurie. Plus que d’être de simples ornements décoratifs, ces vertus constituaient l’élément déterminant du message qu’entendait véhiculer la Loggia. C’est la raison pour laquelle elles sont fortement mises en valeur. Étant disposées dans les écoinçons des arcs, elles dominent l’ensemble de l’édifice ce qui les rend parfaitement visibles depuis l’ensemble de place de la Seigneurie. De plus, à l’exception de la Charité, elles sont figurées dans des cadres triangulaires trilobés dont la complexité contraste nettement avec la simplicité du dessin de l’architecture. Enfin, au Trecento, elles étaient rehaussées de couleur et placées sur des fonds en céramique bleu semés d’étoiles, ce qui contribuait à les détacher de la monochromie terne de la pietra serena. La simplicité de leur iconographie permettait de surcroît de les rendre lisibles d’assez loin. Elles adoptent la forme de personnifications ailées assises en trône et sont pourvues d’attributs et d’attitudes relativement conventionnels, surtout pour la seconde moitié du XIVe siècle : un calice et une croix pour la Foi ; une gerbe de feu et un enfant pour la Charité ; le regard tourné vers les cieux et les mains jointes en prière pour l’Espérance ; un miroir et un serpent pour la Prudence ; une épée et une balance pour la Justice ; deux pichets pour la Tempérance ; une colonne et un bouclier pour la Force. Tant du point de vue de l’iconographie que de la mise en œuvre, les vertus se détachent donc nettement de la Loggia pour s’affirmer comme des images marquantes de la place de la Seigneurie au Trecento.
120Comme Sienne, Florence s’appuie sur le thème du Bon gouvernement pour véhiculer ses aspirations politiques. En 1393, afin de légitimer sa domination sur San Miniato dont elle a fait la conquête en 1347, elle fait peindre une Vierge à l’Enfant entourée des vertus (pl. XII, fig. 93) dans la salle du conseil du palais communal de cette ville. Attribuée à Cenni di Francesco et au Maestro della Madonna Lazzaroni et commandée par Luigi Guicciardini (1370-1441), représentant de Florence au conseil communal de San Miniato, cette fresque figure les vertus du septénaire autour de le Vierge allaitant l’Enfant-Jésus173. Son iconographie, relativement originale dans un édifice civique, procède de deux sources principales. D’un côté, elle découle de la formule de la Vierge accompagnée des vertus diffusée par les ordres mendiants et employée par Cennni di Francesco lui-même dès 1375-1380 dans le panneau du Vatican (fig. 14). De l’autre, elle s’apparente au thème du Bon gouvernement, comme l’attestent les vertus théologales qui s’inspirent de celles peintes par Ambrogio Lorenzetti dans la salle des Neuf (fig. 37). Les trois vertus sont effectivement disposées de la même manière, c’est-à-dire volant au-dessus de la scène, avec la Charité au sommet, la Foi à gauche et l’Espérance à droite. Leur iconographie est de plus très comparable : la Charité est vêtue de vêtements rouges et tient un cœur enflammé, la Foi porte une croix qu’elle appuie contre son épaule gauche, l’Espérance contemple le visage du Christ. En faisant de la sorte à la fois appel au répertoire des ordres mendiants et au thème du Bon gouvernement, Luigi Guicciardini renforçait un peu plus le pouvoir de légitimation des vertus.
121Si l’emploi de l’imagerie morale dans la propagande politique est surtout le fruit des républiques, les régimes autocratiques portent aussi un intérêt notable aux vertus. Le Compendium moralis philosophiae de Luca Manelli débute ainsi par une composition singulière avec, en bas de page, Bruzio Visconti trônant sur l’Orgueil personnifié par un soldat cornu. Le condottiere est accompagné de trois sages de l’Antiquité – Valère Maxime, Sénèque, Aristote – et de trois docteurs de l’Église – Thomas d’Aquin, Ambroise, Augustin – qui soutiennent d’une main le bas de l’encadrement végétal de la page. Les méandres de cet encadrement forment une suite de médaillons dans lesquels sont figurées les cités qui « bénéficient » des bienfaits de la famille Visconti. En conséquence, malgré la réputation passablement mauvaise de Bruzio Visconti – l’historiographe novarais Pietro Azario (1312-v. 1366) le compare à Néron174 –, l’enlumineur n’hésite pas à faire de son commanditaire le protecteur vertueux de l’« Italie ».
122La famille Visconti semble en fait avoir joué un rôle particulier dans la diffusion du thème du prince vertueux dans le Nord de l’Italie, surtout avec Gian Galeazzo Visconti. Le Livre d’heures de celui-ci, aujourd’hui à la Biblioteca Nazionale Centrale à Florence (Ms. Banco Rari 397 et Ms. Landau-Finaly 22), comporte des enluminures qui célèbrent ses vertus suivant des modalités relativement proches de l’imagerie angevine. Le manuscrit a été enluminé en deux temps175 : d’abord, dans les années 1390, pour Gian Galeazzo, par Giovannino de’Grassi (actif v. 1370-1398) et son atelier ; puis, dans les années 1430, pour Filippo Maria Visconti (1392-1447), par Luchino Belbello da Pavia (actif v. 1430-1462). Son décor associe plusieurs épisodes de l’Ancien Testament à des vertus. Le roi David (fig. 94) y apparaît ainsi en prière avec, en guise de bordure, la Justice qui tient une épée et la Tempérance qui verse le liquide d’un pichet dans un autre. Toutes deux brandissent un heaume coiffé des emblèmes des Visconti, une guivre et une sphère bleue. Il va sans dire que l’association du roi David aux cimiers de Gian Galeazzo permettait de dresser un parallèle entre les vertus du souverain de l’Ancien Testament et celles du duc, lequel était également comte de Vertus, petite cité champenoise reçue en dot en 1360 lors de son mariage avec Isabelle de Valois (1348-1372).
123Enfin, le décor de la loggia du palais Trinci à Foligno, peint entre 1411 et 1421, indique que les régimes autocratiques ne s’approprient pas seulement le thème du prince vertueux, mais aussi celui plus républicain du Bon gouvernement176. Le décor s’agence en deux ensembles exécutés en deux campagnes distinctes : le premier, attribué à Giovanni di Corraduccio (v. 1370-1440), comprend les vertus cardinales et le deuxième, dû à Andrea di Cagno (actif v. 1418-1446), les vertus théologales et la Concorde. Ces deux séries rappellent à la fois la Loggia dei Priori et la salle des Neuf. Comme à Florence, les vertus cardinales sont disposées dans les écoinçons des arcs de la façade et, comme à Sienne, le cycle est associé aux effets générés par le Bon gouvernement. Les vertus théologales et la Concorde trônent ainsi devant un mur crénelé derrière lequel apparaissent des scènes brossant le portrait d’un territoire où règne la quiétude : des hommes chassent paisiblement, tandis que d’autres cueillent des fruits et dénichent des oiseaux.
124Les vertus du palais Trinci procèdent de la même recherche de légitimité que l’imagerie toscane. Il semble en effet que les vertus théologales et leurs effets ont été exécutés à un moment assez instable pour le clan Trinci, à savoir entre 1415 et 1421, pendant le règne commun des trois fils d’Ugolino III (?-1415177). Pour cause, alors que les vertus cardinales célèbrent des valeurs morales conformes aux aspirations d’un seigneur de la stature d’Ugolino, les effets du Bon gouvernement avec la Concorde cherchent à justifier le pouvoir consensuel des fils en montrant les principes surnaturels qui guident leur action commune. L’hypothèse selon laquelle le programme dérive des modèles toscans se trouve renforcée par les rapports étroits qui reliaient Foligno à Florence et à Sienne. Plusieurs membres de la famille Trinci ont participé à la vie civique des deux républiques178. Ugolino I (?-1338) et Corrado I (?-1343) ont été podestats de Florence et Corrado fut nommé Capitano de’Quattrini de Sienne en 1341. De leur côté, les Florentins détachèrent à plusieurs reprises des podestats à Foligno, comme Giovanni Strozzi en 1322 et Albano Frescobaldi en 1340. Pendant leur séjour, ces derniers résidaient dans l’ancien Palazzetto del Podestà qui avait alors pour loggia l’actuelle loggia du Palazzo Trinci, lequel ne fut construit qu’en 1389-1407. Au regard de ces informations, tout laisse penser que la loggia constituait un lieu idéal pour afficher le projet politique des Trinci, d’autant que, au Trecento, la mise en œuvre du Bon gouvernement était étroitement liée à l’activité du podestat, c’est-à-dire à l’administration de la justice.
La république comme modèle d’équité
125Durant la seconde moitié du XIIIe siècle, la notion de justice connaît de nombreux changements dans les villes du Nord et du centre de la péninsule. En quelques décennies seulement, le système judiciaire communal se transforme radicalement. Le droit est saisi par la politique et les juristes s’impliquent plus fréquemment dans les activités gouvernementales179. Les moralistes donnent de surcroît une place considérable à la Justice dans la hiérarchie morale. Thomas d’Aquin en fait la pierre angulaire du Bon gouvernement en affirmant son excellence sur toutes les autres vertus morales180. Sur ce point, le dominicain s’appuie sur Aristote qui l’envisage comme la manifestation du Bien, voire comme une entité s’opposant littéralement au Vice, lequel se confond lui-même avec l’Injustice :
[…] la Justice n’est pas une partie de la vertu, mais la Vertu tout entière, et son contraire, l’Injustice, n’est pas non plus une partie du vice, mais le Vice tout entier.181
126Par l’intermédiaire du Stagirite, le monde communal renoue avec la philosophie et les croyances romaines qui considéraient la Justice comme « […] la maîtresse et la reine de toutes les vertus », selon les propres mots de Cicéron, et comme une déesse protectrice du droit légal182.
127La conception antique de la Justice christianisée par saint Thomas se répand chez les lettrés toscans, notamment par l’intermédiaire de la vulgarisation de l’Éthique à Nicomaque de Brunetto Latini. Dans le même temps, l’iconographie de la Justice rencontre d’importants changements qui sont étroitement liés au développement du droit. La théologie inscrit alors la pratique de la loi au cœur de la morale et conçoit la législation comme un outil nécessaire au maintien de la concorde entre les hommes183. L’attention que les clercs portent à cette discipline trouve un relais appuyé chez des théoriciens de la politique, tel Marsile de Padoue (v. 1275-1342) qui, dans le Defensor pacis, imagine l’appareil législatif comme la clé de voûte du Bien.
128Conformément à cette lecture, la Justice se transforme progressivement en la manifestation de l’aequitas divina, c’est-à-dire en l’expression terrestre de l’ordre divin, comme le confirment quelques-uns des manuscrits du Code de Justinien enluminés durant la première moitié du XIVe siècle. Le Digestum vetus conservé à la Biblioteca Nazionale Universitaria à Turin (Ms. E. I. 1) et enluminé par le Maestro del 1328 montre ainsi la Justice gouvernant le monde à la manière d’un souverain omnipotent. Assise sur un trône monumental, coiffée d’une couronne, la personnification tient un glaive dont elle oriente la pointe en direction d’une mappemonde qu’elle brandit de la main gauche. Le Digestum vetus de la Bibliothèque nationale de France (fig. 59) célèbre d’une façon comparable la toute-puissance de la vertu. Il la figure sous la forme de l’empereur Justinien, assis sur un trône monumental au milieu des six autres vertus du septénaire, qui donne l’ordre à ses soldats de décapiter un condamné sans succomber aux sacs remplis de pièces que des notables lui apportent pour le corrompre.
129L’iconographie de la Justice rencontre un succès considérable dans l’art monumental, surtout avec l’image de la Dame à la balance qui devient un poncif des programmes décoratifs des palais de justice184. De façon plus générale, les édifices à vocation judiciaire constituent des lieux privilégiés pour la figuration des vertus. En s’affichant sur leurs murs, les valeurs morales rappellent les principes qui régissent le déroulement des procédures. À Padoue, les vertus peintes par Giusto de Menabuoi vers 1370-1380 dans le Salone du Palazzo della Ragione sont réparties sur les murs en fonction de l’emplacement des différents tribunaux185. À Florence, la fresque de la Vérité arrachant la langue de la Méchanceté peinte par Taddeo Gaddi sur les murs du tribunal de la Mercanzia, disparue mais connue grâce à la description qu’en donne Giorgio Vasari, proposait une image adaptée à un public composé de juristes186.
130Les images de la Justice ne se répandent pas uniquement dans les édifices à fonction juridique mais aussi dans les palais civiques. La Justice occupe effectivement une place déterminante dans la pensée politique qui la considère comme la vertu essentielle de l’accomplissement de la cité. Dante en fait « la meilleure ouvrière » de l’état de paix187. Plus qu’une vertu présidant à l’accomplissement des lois, le Justice est perçue comme la valeur décisive de l’établissement d’un monde meilleur. Dans la salle des Neuf, elle est traitée comme l’un des sujets principaux du Bon gouvernement (fig. 29). Elle y apparaît à deux reprises, une première fois parmi les vertus assises sur le banc et une deuxième fois à gauche où elle fait figure d’équivalent au souverain personnifiant la Commune (pl. XIII, fig. 95). Comme lui, elle reçoit son inspiration des cieux par l’intermédiaire d’une vertu d’origine divine, en l’occurrence la Sagesse. L’attention particulière que lui porte le cycle est renforcée par les nombreuses inscriptions qui font l’éloge de ses propriétés tout en insistant sur la nécessité de son intervention. Le titulus qui court sous les Effets du Bon gouvernement constate ainsi que la cité qui lui obéit s’assure une vie « douce et tranquille » car les « bienfaits viennent d’elle »188. Les bienfaits dont il est question reposent sur un système juridique équitable qui compense les inégalités entre les hommes, tel que l’Éthique à Nicomaque le définit, c’est-à-dire à partir de la double nature de la Justice, commutative et distributive189. C’est à ce système que renvoient les deux plateaux de la balance que porte la personnification190. Dans le plateau de gauche se tient un ange vêtu de rouge qui décapite un condamné tout en couronnant un élu s’avançant une palme à la main : il s’agit de la « iustitia distributiva ». Dans le plateau de droite se tient un deuxième ange vêtu de blanc qui tend aux citoyens siennois les mètres et les mesures devant permettre de compenser les inégalités : il s’agit de la « iustitia comutativa ».
131Par son association à la notion d’équité, la Justice répond exactement à la signification que lui donne le droit antique. Elle rejoint la déesse Aequitas dont elle reprend précisément l’attribut, une balance à deux plateaux qui symbolise l’équilibre parfait, donc le partage équitable. Cette iconographie, qui apparaît surtout sur les monnaies romaines, traverse le Moyen Âge par l’intermédiaire des traités juridiques, comme en témoignent les Quaestiones de iuris subtilitatibus datant du XIIe siècle qui constatent que la Justice pèse « […] sur des plats mis parfaitement en équilibre par les mains de l’Équité […]191 ». Les imagiers du Trecento exploitent volontiers la métaphore jusqu’à confondre la vertu cardinale avec l’équité. Dans la chapelle Scrovegni, la personnification devient elle-même une figure de l’équilibre puisque ses mains soupèsent littéralement les deux plateaux de l’attribut. Dans d’autres cycles, sa dimension équitable est signifiée par une gestuelle compliquée, voire maniérée, traduisant son application à maîtriser les plateaux. Ainsi, sur la façade du Bigallo, elle lève la balance à bout de bras, et, dans la salle du Baillage du Palazzo Pubblico, elle la tient entre le pouce et l’index, paume tournée vers le spectateur. Dans ces deux exemples, comme dans la majorité des occurrences, la balance figurée n’est pas une balance à colonne mais une balance à fléau, c’est-à-dire une balance suspendue. En tenant le fléau, la personnification apparaît comme le principe absolu qui régule l’équilibre des deux plateaux. Seule la balance du Bon gouvernement est figurée avec une colonne (pl. XIII, fig. 95). Dans ce cas cependant, le maintien de l’équité s’avère bien plus complexe. La colonne de l’instrument est tenue par la Sagesse en équilibre sur la tête même de la Justice, laquelle assure la stabilité des deux plateaux en adoptant une gestuelle compliquée mais parfaitement maîtrisée : mains grandes ouvertes et paumes tournées vers le sol, elle appuie simultanément ses pouces sur leur bord. L’équilibre de la pesée est finalement garanti par deux cordes attachées aux plateaux qui sont tenues par la Concorde figurée au-dessous. L’attribut que tient cette vertu souligne finalement l’impartialité de la procédure : le rabot permet de gommer les inégalités car, comme Sénèque l’écrit, le fondement de l’équité trouve sa source dans l’égalité192.
132Dans le contexte toscan, la Justice acquiert une importance telle que les communes la conçoivent comme une forme de gouvernement idéal. De ce point de vue, la fresque peinte en 1415 par Pietro di Miniato (v. 1366-1450) dans la salle du conseil du palais communal de Prato s’avère particulièrement édifiante (fig. 96). La Justice y trône sur une est rade en train de couronner de laurier un putto qui porte le blason du commanditaire, Niccolò di Giovanni da Uzzano (1359-1431), gonfalonier de Florence et podestat de Prato en 1415. Sur la tenture semée de fleurs de lys qui ferme le fond sont accrochés ses attributs, la balance et l’épée, et sur l’est rade est inscrit « J’ai aimé la Justice et je hais l’iniquité193 ». La scène est en outre encadrée par une large bordure qui comprend le blason de Florence et six médaillons avec les autres vertus du septénaire qui tiennent les emblèmes des grandes familles de Prato en plus de leurs attributs. L’iconographie de cette image s’inscrit donc parfaitement dans le thème du Bon gouvernement puisque, comme dans les cycles florentins et siennois, elle rassemble les vertus autour d’une personnification figurant les aspirations de la commune.
La calomnie des vertus
133Pour renforcer l’idée selon laquelle leur régime est le plus vertueux qui puisse exister, les républiques communales élaborent un discours visant à dénoncer les gouvernements autocratiques. Dès le XIIIe siècle, nombreux sont les lettrés qui critiquent durement les régimes tyranniques194. Dans le De tyranno, Bartolo da Sassoferrato (1314-1357) définit la tyrannie comme une forme d’autorité illicite, obtenue par la force, et comme un pouvoir arbitraire exercé par la peur195. En Toscane, ce réquisitoire prend un accent moral. Cecco d’Ascoli juge ainsi que « ceux dont la voix clame toujours “Ô tyrannie, Ô bonne chose” n’ont cure d’être renommés pour leur vertu196 ». Plus encore, Matteo Villani dénonce la tyrannie en employant des termes issus directement du champ lexical du péché. Il imagine ce régime comme une maladie de l’âme, voire une manifestation du vice lui-même, et compare la rage inapaisable du tyran à la soif insatiable de l’avare. Il brosse ainsi un portrait terrible du seigneur de Ravenne, Bernardino I da Polenta (?-1358), lequel était, selon lui, « […] dissolu et mondain, d’une luxure effrénée, cruel et âpre seigneur, et ennemi de tous ceux qui s’élevaient en vertu197 ».
134La critique florentine des régimes tyranniques se développe surtout après le règne de Gautier VI de Brienne (1302-1356). En mai 1325, après avoir perdu la ville de Pistoia, les guelfes de Florence placent leur ville sous la bienveillance de Robert Ier. Le roi de Naples confie alors la commune à son fils Charles de Calabre qui envoie Gautier de Brienne pour l’administrer. Celui-ci abuse de son titre de vicaire et, le 8 septembre 1342, avec l’appui de quelques patriciens, se fait nommer seigneur de Florence à vie. Le 15 juillet 1343, les Florentins renversent ce pouvoir illégitime et chassent Gautier de leur ville. Suite à cet événement, la commune commande deux fresques destinées à dénoncer la tyrannie instaurée par le duc : la première, disparue, est exécutée par Giottino (1324-1369) pour le palais du podestat, la deuxième est réalisée par Orcagna pour la prison des Stinche198. Ces deux fresques employaient un vocabulaire figuratif qui, suivant le modèle des peintures infamantes, avait pour vocation d’avilir Gautier de Brienne en désignant son immoralité. La fresque du podestat figurait le duc entouré de bêtes maléfiques pour signifier, comme l’écrit Giorgio Vasari, sa « nature et ses qualités199 ». Celle des Stinche, aujourd’hui conservée au Palazzo Vecchio (fig. 97), montre le duc chassé par les Florentins sur les encouragements de sainte Anne en employant un répertoire à l’accent fortement moral. Le geste d’accusation de la sainte reprend celui du Christ lors du Jugement dernier et la fuite du duc rappelle l’iconographie vétérotestamentaire d’Adam chassé du Paradis. L’image assimile donc l’outrage à la commune à une sorte de déviance morale conduisant à la damnation. Plusieurs éléments puisent en outre directement dans le répertoire des vertus et des vices. Gautier de Brienne est poursuivi par un personnage masculin ailé qui porte une colonne et qui brandit une épée : il s’agit vraisemblablement d’une vertu, la Force ou la Constance, puisqu’il est couronné d’un nimbe polygonal. Le tyran serre par ailleurs contre lui une créature hybride, un scorpion à tête d’homme, qui rappelle l’attribut de la Trahison dans le Mauvais gouvernement d’Ambrogio Lorenzetti. Pour terminer, il est affublé de caractéristiques physionomiques péjoratives rappelant les propos de Giovanni Villani qui affirmait que Gautier était « cupide, avare et disgracieux ; très petit de personne, vilain et barbu200. » Il convient enfin d’ajouter que le message dépréciatif délivré par l’iconographie était auparavant renforcé par des inscriptions. Le titulus qualifiait le duc d’« Aspro Tiranno » et la légende disait :
Avare, traitre et puis cruel, luxurieux, injuste et parjure, jamais ne tint son état sûr.201
135Parmi tous les maux que les républiques attribuent à la tyrannie, l’Injustice est celui qui est le plus fréquemment dénoncé. Alors qu’il ne fait pas partie du septénaire canonique, son importance au sein du système moral ne cesse de croître au cours du XIVe siècle, même chez les ordres mendiants. Dans la Somme théologique, saint Thomas lui consacre une question entière et en fait la cause d’un bon nombre de péchés, tandis que, dans le couvent augustin de Tolentino, il est le seul vice intégré à la série de vertus du Cappellone.
136Dans les communes toscanes, le thème de l’Injustice s’avère très prolifique. Les artistes inventent des images qui s’évertuent à prévenir du danger que ce vice représente. Entre 1329 et 1332, Giotto exécute une fresque dans le Salone Grande du palais du podestat à Florence qui propose une variante originale du thème du bon juge. Aujourd’hui disparue, cette fresque consistait en une personnification de la commune qui recevait l’aide des vertus pour se défendre d’une horde de voleurs202. Son iconographie est connue grâce à une description de Giorgio Vasari :
Dans la grande salle du palais du podestat de Florence, pour faire peur au peuple, il (Giotto) peignit la Commune qui est volée par beaucoup ; il la figura sous l’aspect d’un juge, le sceptre en main et assis, la balance en équilibre au-dessus de la tête, à cause des raisons justes administrées par elle, et aidée de quatre figures : la Force avec l’âme, la Prudence avec les lois, la Justice avec les armes et la Tempérance avec les paroles […].203
137Cette composition a été réemployée dans une série de reliefs – dessinés par Giotto lui-même d’après Giorgio Vasari – sculptés dans les années 1330 par les Siennois Agostino di Giovanni (actif v. 1310-1347) et Agnolo di Ventura (actif v. 1300-1349) pour le Tombeau de Guido Tarlati (?-1327), évêque et seigneur d’Arezzo, dans le Dôme d’Arezzo204. La commune y est figurée sous deux formes de gouvernement radicalement opposées : une première fois en seigneurie, celle de Guido Tarlati qui apparaît sous les traits d’un magistrat parfaitement intègre dispensant avec impartialité la Justice grâce à l’aide de conseillers avisés ; une deuxième fois comme un régime corrompu – le titulus précise « il commune pelato » –, c’est-à-dire sous l’aspect d’un souverain détroussé par une horde de voleurs.
138La métaphore consistant à figurer la commune dépouillée par des voleurs est récurrente dans la pensée politique italienne. Elle s’inscrit dans le thème plus vaste de la calomnie des vertus. Ce thème apparaît d’abord dans les traités de moralité, par exemple dans les Documenti d’amore qui figurent la Constance assaillie par la Flatterie, la Superbe, la Consanguinité et la Corruption (fig. 72). Il est également employé dans la propagande politique, comme le prouve la série de peintures murales que Cola di Rienzo fait peindre pour critiquer le gouvernement romain. L’Anonimo Romano rapporte que l’une des peintures montrait Rome personnifiée par une femme naufragée, « la robe fendue jusqu’à la poitrine, les cheveux défaits, comme si elle voulait pleurer », accompagnée par les vertus cardinales qui déploraient son abandon205. Mais c’est sans doute le Palazzo Corboli qui en propose la version la plus aboutie. L’inscription endommagée du médaillon des Vertus cardinales rapporte que la Tempérance pleure les agressions brutales de ses « fils », aux « âmes bestiales et aux cœurs pervers », qui l’ont abandonnée206. Les « fils » dont il est question correspondent aux souverains à la réputation vicieuse, Absalom, Agamemnon, Phalaris, Néron, Pompée, Priam, Scipion Émilien et Cyrus, qui prennent place autour de la Légende de Barlaam figurée en pendant du médaillon des vertus (fig. 98). Ces tyrans sont dépeints à l’instant le plus déshonorant de leur vie, c’est-à-dire au moment de leur mort : Absalom agonise pitoyablement accroché par les cheveux aux branches d’un arbre, le roi Agamemnon est assassiné par Égisthe et Clytemnestre, le tyran Phalaris est lapidé par son propre peuple en colère, l’empereur Néron se suicide lâchement en se transperçant avec son glaive, le général Pompée et l’empereur Cyrus sont décapités comme de vulgaires criminels, le roi de Troie Priam est tué par le cruel Néoptolème, le général Scipion Émilien est poignardé par une troupe de soudards engagés pour le tuer.
139Cette série de morts infamantes remplit ici un objectif moral double. D’une part, elle dénonce le vice d’Orgueil qui, aux yeux des républiques, est à l’origine de l’injustice des régimes autocratiques. Elle donne ainsi une perspective historique à la Légende de Barlaam, laquelle montre comment l’Orgueil conduit irrémédiablement l’homme à sa perte. Cette légende, due à saint Barlaam, imagine un homme fuyant une licorne qui se réfugie dans un arbre et qui, trop distrait par le miel qui coule de ses branches, ne s’aperçoit pas que deux rats en rongent la base et qu’un dragon se prépare à le dévorer. D’autre part, elle met en lumière les valeurs morales de la république défendues par les Hommes illustres, entre autres par Trajan, Lucius Manius Torquatus et Gaius Fabricius Luscinus, qui sont figurés dans le médaillon des vertus cardinales avec Aristote (fig. 30). La présence de tels personnages issus de l’histoire romaine inscrit la complainte des vertus dans une perspective humaniste et prouve, s’il en était besoin, que la propagande politique communale investit l’imagerie morale d’une problématique supplémentaire : celle de la moralisation de l’Antiquité.
Notes de bas de page
1 Campagnola Stanislao da, « Gli ordini religiosi e la civiltà comunale in Umbria », dans Francesco Ugolini (dir.), Storia e arte in Umbria nell’età comunale, actes de colloque, Gubbio, 26-30 mai 1968, Pérouse, 1971, p. 469-532.
2 Benevolo Giancarlo, « Gli agostiniani e Bologna nel Trecento », dans Giancarlo Benevolo, Massimo Medica (dir.), I corali di San Giacomo Maggiore. Miniatori e committenti a Bologna nel Trecento, Ferrare, 2003, p. 11-36.
3 Ibid., p. 13.
4 Thomas d’Aquin, Summa theologica, op. cit., IIa-IIae, q. 170, a. 1, 3 : Praeterea, principalius est in intentione legislatoris inducere ad virtutes quam vitia prohibere, ad hoc enim vitia prohibentur, ut virtutum impedimenta tollantur.
5 Sur les lois somptuaires, voir Muzzarelli Maria G., Campanini Antonella (dir.), Disciplinare il lusso. La legislazione suntuaria in Italia e in Europa tra Medioevo ed età moderna, Rome, 2003.
6 Ottaviani Grazia N. (dir.), La legislazione suntuaria. Secoli XIII-XVI. Umbria, Rome, 2005, p. 48-49.
7 Sur les statuts de Sienne, voir Ceppari RidolfiMaria A., « Un caso toscano : Siena », dans Maria G. Muzzarelli, Antonella Campanini (dir.), Disciplinare il lusso…, op. cit., p. 59-75.
8 Sacchetti Franco, Il Trecentonovelle, édité par Emilio Faccioli, Turin, 1970, XXIII et XXXII.
9 Paolo da Certaldo, Libro di buoni costumi, op. cit., § 32 : « Come il corpo ha due occhi corporali, così l’anima dee avere due occhi spirutuali, e l’uno tenere aperto a la groglia di paradiso e l’altro a le pene de lo ‘nferno. E così facendo, mai non offenderai Iesu Cristo benedetto, avendo timore de le pene de lo ‘nferno e fede e speranza de’beni di vita eterna. »
10 Ibid., § 343 : « Grandissimo e pessimo peccato è quello de l’avarizia, ed è quello peccato il quale molto offende l’anime nostre, ed è quel peccato che più gente vi pecca […]. »
11 Ibid., § 289 : « Uso converte natura : e però guarti da le male usanze, ché non saresti di sì buona natura che, facendo male usanze, che tu non diventassi reo. Simile, t’ausa a buoni costumi, ché come t’auserai così perseverrai : e però usa i buoni costumi. Sempre abbi nel cuor tuo buoni pensieri, però ch’avendo buoni pensieri dentro nel tuo cuore, di fuori non aoperrai male. »
12 Giovanni di Paolo Morelli, Ricordi, édité par Vittore Branca, Florence, 1956, p. 250 et 270 : « E di poi hai apparato, fa che ogni in dì, un’ora il meno, tu istudi Vergilio, Boezio, Senaca o altri autori, come si legge in iscuola. Di questo ti seguirà gran virtù nel tuo intelletto […]. »
13 Ibid., p. 270 : « E di continovo, e nelle scuole e di fuori, vogliti ritrovare, usare e praticare co’giovanetti tuoi pari, che istudino come tu e sieno persone da bene, costumati e vertudiosi ; e con loro sia ardito e coraggioso al parlare, a scherzare, all’azzuffare, ma non da male animo, per adattarsi al fare degli altri giuochi appertenenti a simile età. E questi ispassi, o altri più vertudiosi, come nelle scuole della musica o dello ischermire o d’altri ispassi dilettevoli, si vogliono usare a tempi non si istudi, come di meriggio a tempo di state, la sera uscito di scuola, il dì delle feste. »
14 Sur les traités de moralité, voir Romagnoli Daniela, Le Goff Jacques (dir.), La città e la corte : buone e cattive maniere tra Medioevo ed età moderna, Milan, 1991, trad. fr., La ville et la Cour. Des bonnes et des mauvaises manières, Paris, 1995, p. 58-69.
15 Albertano da Brescia, « Liber de doctrina dicendi et tacendi » : la parola del cittadino nell’Italia de Duecento, édité par Paolo Navone, Florence, 1998, chap. I.
16 Garbini Giovanni, « Sulla Vita scolastica de Bonvesin da la Riva », Studi Medievali, 31, 2, 1990, p. 705-737.
17 Dauphiné James, « Bonvesin da la Riva : “De quinquaginta curialitatibus ad mensam” », dans Manger et boire au Moyen Âge, actes de colloque, Nice, 15-17 octobre 1982, 2 vol., Paris, 1984, II, p. 7-20.
18 Les quatre exemplaires les plus anciens de la Somme le roi sont : les manuscrits de la British Library, Londres, Ms. Add. 28162 et Ms. Add. 54180, dont les folios 111 et 156 sont conservés au Fitzwilliam Museum, Cambridge, Ms. 192 et Ms. 368 ; le manuscrit de la Bibliothèque nationale de France, Paris, Ms. Français 938 ; le manuscrit de la bibliothèque Mazarine, Paris, Ms. 870. Voir Kosmer Ellen, A Study of the Style and Iconography of a Thirteenth-Century « Somme le Roy » with a Consideration of the Other Illustrated « Somme » Manuscripts of the Thirteenth, Fourteenth and Fifteenth Centuries, 2 vol., PhD, Yale University, New Haven, 1973 ; Sterling Charles, La peinture médiévale à Paris, 1300-1500, Paris, 1987, I, p. 44-47.
19 Sur les exemplaires « italiens » de la Somme le roi, voir Moleta Vincent, « The Somme le roi from French Court to Italian City-State », dans Patronage in the Trecento, Florence, 1986, p. 125-158 ; Spagnesi Alvaro, « Appunti sui codici miniati che riportano la versione Toscana della “Somme le Roi” di Zucchero Bencivenni », dans Melania Ceccanti, Maria Cristina Castelli (dir.), Il codice miniato. Rapporti tra codice, testo e figurazione, actes de colloque, Cortone, 20-23 octobre 1988, Florence, 1988, p. 335-350 ; Citton Giuliana, « Immagine e testo : le miniature della Somme le Roi e le loro tradizione italiana », Cultura neolatina : rivista di filologia romanza, 54, 1994, p. 263-302 ; Sciacca C. (dir.), Florence at the Dawn of the Renaissance…, op. cit., p. 201-203.
20 Ser Zucchero Bencivenni a peut-être rédigé la vulgarisation de la Somme le roi vers 1310 à Avignon. Francesco Bruni suggère que le lettré a pris connaissance du traité par l’intermédiaire du dominicain Remigio dei Girolami : Libru di li vitii et di li virtuti, édité par Francesco Bruni, 3 vol., Palerme, 1973, p. 317-321.
21 Les copies conservées de la traduction de Zucchero Bencivenni datant du Trecento sont le manuscrit Rediano 102 (Biblioteca Medicea Laurenziana, Florence, vers 1320), le manuscrit II. VI. 16 (Biblioteca Nazionale Centrale, Florence, vers 1320), le manuscrit Barberiniano Latino 3984 (Biblioteca Apostolica Vaticana, Rome, vers 1380), le manuscrit 1466 (Biblioteca Riccardiana, Florence, fin du XIVe siècle) et le manuscrit Italien 91 (Bibliothèque nationale de France, Paris, fin du XIVe siècle).
22 Le manuscrit Rediano 102 compte neuf enluminures sur les vertus : f° 48v°, Jardin des vertus ; f° 60v°, Force et Humilité ; f° 64r°, Humilité ; f° 74 v°, Fidélité ; f° 80 v°, Prouesse ; f° 91r°, Miséricorde ; f° 105v°, Chasteté ; f° 128v°, Sobriété, Excès.
23 Le manuscrit II. VI. 16 compte onze enluminures sur les vertus : f° 11v°, Prudence ; f° 12v°, Tempérance ; f° 13v°, Justice ; f° 18v°, Humilité ; f° 30v°, Prouesse ; f° 47v°, Miséricorde ; f° 55r°, Chasteté ; f° 75v°, Sobriété ; f° 80v°, Gourmandise ; f° 84r°, Acédie ; f° 85v°, Avarice.
24 Le manuscrit Barberiniano Latino 3984 compte huit enluminures sur les vertus : f° 39r°, Jardin des vertus ; f° 52r°, Christ crucifié avec les vertus théologales ; f° 56r°, Humilité ; f° 61v°, Miséricorde ; f° 71r°, Larmes de la pénitence et Chevalier combattant les vices ; f° 81v°, Conseil, Miséricorde ; f° 113v° et 114r°, Vertueux fuyant les vices.
25 Le manuscrit Italien 91 comprend neuf enluminures sur les vertus : f° 23r°, Jardin des vertus ; f° 30v°, Prudence, Force, Tempérance et Justice ; f° 32v°, Humilité ; f° 35v°, Amitié ; f° 37v°, Patience ; f° 40v°, Prouesse ; f° 46r°, Miséricorde ; f° 53r°, Chasteté ; f° 64v°, Sobriété.
26 Dans le manuscrit Italien 91, certaines annotations s’adressent autant au destinataire du traité qu’à l’enlumineur à qui elles donnent des recommandations sur les personnifications à figurer.
27 Sur les enluminures du manuscrit Barberiniano Latino 3984, voir Boskovits Miklós, A Corpus of Florentine Painting. The Fourteenth century. The Painters of the MiniaturistTendency, III, IX, Florence, 1984, p. 226 ; Bellosi Luciano, « Miniature del “Maestro della Carità” », Prospettiva, 65, 1992, p. 24-30 ; Sciacca C. (dir.), Florence at the Dawn of the Renaissance…, op. cit., notice 39.
28 Ms. Barb. Lat. 3984, f° 56r° : « Uno che se mira semedesimo ignudo. »
29 Loc. cit. : « questi piangne la sua povertà ».
30 Loc. cit. : « Questi mostra l’acqua sua al medio. »
31 Ms. Barb. Lat. 3984, f° 56v° : « E chi sente suo dolore e sua malatia elli corre volentieri al medico, e chi sente i malvagi homori nel corpo, lieto è quanto elli li puote purgare e gittare fuori. Et perciò è il terzo grado d’umiltade li suoi peccati e li suoi mali confessare e suo cuore purgare. »
32 Ibid., f° 56r° : « si monstra dinançi altrui ignudi e inferno ».
33 Ibid., f° 56v° : « Lo primo grado di umiltade si è conoscere sua povertà e sua difalta, che siccome dice santo Bernardo, umiltà è quella virtù che fa l’uomo se medesimo spregiare e tenere a vile quand’elli si conosce veracemente. »
34 Ibid., f° 114r° : « Que che fugge la luxuria. »
35 Loc. cit. : « Que che fugge la avaritia. »
36 Loc. cit. : « Que che sta un peniteça fugge tutti vitii. »
37 Ms. Barb. Lat. 3984, f° 81r° : « lagrima di cotritione ».
38 Viti Paolo, Sebregondi Ludovica, Zaccaria Raffaella M., Il notaio. Immagini di una professione, Florence, 2002.
39 Villani Giovanni, Nuova cronica, édité par Giovanni Porta, 3 vol., Parme, 1991, livre IX, X : « Nel detto anno 1294 morì in Firenze uno valente cittadino il quale ebbe nome ser Brunetto Latini, il quale fu gran filosafo, e fu sommo maestro in rettorica, tanto in bene sapere dire come in bene dittare. E fu quegli che spuose la Rettorica di Tulio, e fece il buono e utile libro detto Tesoro, e il Tesoretto, e la chiave del Tesoro, e più altri libri in filosofia, e de’vizi e di virtù, e fu dittatore del nostro Comune. »
40 Sur Li Livres dou Trésor, voir Latini Brunetto, Trésor, édité par Pietro G. Beltrami, Paolo Squillacioti, Plinio Torri et Sergio Vatteroni, Turin, 2007 ; Roux Brigitte, Mondes en miniatures. L’iconographie du Livre du Trésor de Brunetto Latini, Genève, 2009.
41 Latini B., Trésor, op. cit., I, I : « Et se aucuns demandoit por quoi cist livres est escriz en romans, selonc le langage des Francois, puisque nos somes Ytaliens, je diroie que ce est por II raisons : l’une, car nos somes en France ; et l’autre porce que la parleure est plus delitable et plus commune à toutes gens. »
42 Roux Brigitte, « L’iconographie du Livre du Trésor : diversité des cycles », actes du colloque La città e il libro, Florence, 4-7 septembre 2002, Florence, 2002, http://www.florin.ms/brunettolatino.html (consulté le 12 janvier 2015).
43 Sur la traduction toscane, voir Mascheroni Carla, « I codici del volgarizzamento italiano del Trésor di Brunetto Latini », Aevum, 43, 1969, p. 485-510.
44 Roux B., Mondes en miniatures…, op. cit., p. 106.
45 Sur le manuscrit Plutei 42, 19, voir Ciardi Dupre dal Poggetto Maria G., « L’uomo, il lavoro, l’ambiente nelle miniature laurenziane », Prospettiva, 7, 1976, p. 72-79 ; Degenhart Bernard, Schmitt Annegrit, Corpus der Italienischen Zeichnungen. I, Süd und Mittelitalien, 1300-1450, Berlin, 1968, II, p. 167.
46 Latini Brunetto, Il tesoro de Brunetto Latini vulgarizzato da Bono Giamboni, édité par Luigi Gaiter, 4 vol., Bologne, 1880, VI, XVII : « Ma l’uomo che’è forte secondi la verità, debbe fare tutto il contrario, chè quando viene alle battaglia si sta forte, e teme più la vergogna che la morte. »
47 Ibid., VI, XXXI : « Castitade è temperamento di mangiare e bere, ed in altre dilettazioni corporali. E quello, lo quale adopera temperamento in queste si è molto da lodare, e’l soperchio in queste coe si è molto da biasimare. »
48 Ibid., VII, XXI.
49 Latini Brunetto, Il tesoretto, édité par Julia B. Holloway, New York, 1981. voir Scariati Irene M., Dal « Tresor » al « Tesoretto »: saggi sur Brunetto Latini e i suoi fiancheggiatori, Rome, 2010, notamment p. 79-124.
50 Ciardi Dupre dal Poggetto Maria G., « Nuove ipotesi di lavoro scaturite dal rapporto testo-immagine nel “Tesoretto” di Brunetto Latini », Rivista di Storia della Miniatura, actes de colloque, 1-2, 1996-1997, p. 89-98 ; Harding Catherine, « Visualizing Brunetto Latini’s Tesoretto in Early Trecento Florence », Word and Image, 19, 2003, p. 230-246.
51 Latini B., Il tesoretto, op. cit., v. 2400-2415.
52 Sur Francesco da Barberino, voir notamment Canteins Jean, Francesco da Barberino : l’homme et l’œuvre au regard du soi-disant « fidèle d’amour », Milan, 2007.
53 Boccace, Genealogie deorum gentilium libri, édité par Vincenzo Romano, Bari, 1951, livre IX, VI : Memini insuper, est o raro, Franciscum da Barbarino traxisse testem, hominem quidem honestate morum et spectabili vita laudabilem ; Villani Filippo, Philippi Villani De origine civitatis florentie et de eiusdem famosis civibus, édité par Giuliano Tanturli, Padoue, 1997, p. 39 : Franciscus, civilia jura canonesque professus, ex opido Barberini Valliselsae sumpsit originem. Hic citra legum canonumque peritiam, quibus doctus fuit ; abunde aliis etiam studuit disciplinis, praesertim poeticis, non tamen ut versus ex arte componeret, sed ut poetarum figmenta intelligeret. Morum sane perscrutator eximius fuit, fluentesque lascivia mores severissime indignatus, quo potuit stylo corripere et arguere conatus est : quos cum gentiles vulgus appellat nobilitate sanguinis autrice provectos, jam paene extinctos, et parvum rusticis pectoribus inhaerentes brutalibus explosis ritibus, conatus est ad memoriam revocare, ut si inde fieri posset novum […].
54 Ce manuscrit, découvert en 2003, est aujourd’hui conservé dans une collection privée. Il compte environ 70 pages enluminées qui figurent la vie du Christ, les Planètes, les Âges de la vie et des personnifications dont voici la liste : f° 1r°, Tristesse ; f° 1v°, Vanité et Joie ; f° 2r°, Gourmandise ; f° 2v°, Ébriété ; f° 78v°, Laus ; f° 117r°, Miséricorde ; fos 169v°-170r°, Espérance. Voir Sutton Kay, « The Lost “Officiolum” of Francesco da Barberino Rediscovered », The Burlington Magazine, 147, 2005, p. 152-162.
55 Il existe quatre autres manuscrits des Documenti d’amore, certes dépourvus d’images mais qui comportent suffisamment de place pour en recevoir. Il s’agit du manuscrit Barberiniano Latino 4028 réalisé entre 1310 et 1324 et conservé à la Biblioteca Apostolica Vatican, des manuscrits Banco Rari 72, Magliabechiano VII 683 et Riccardiano 1060 datant des XIVe et XVe siècles et conservés à la Biblioteca Nazionale Centrale à Florence.
56 Sur les deux manuscrits du Vatican, voir Nardi Valeria,» Le illustrazione dei “Documenti d’amore” di Francesco da Barberino. Il rapporto fra testo e immagine nei più antichi manoscritti di un poema in volgare e la produzione miniatoria a Firenze agli inizi del Trecento », Ricerche di Storia dell’Arte, 51, 1993, p. 49-51 ; MacLaren Shelley, « Shaping the Self in the Image of Virtue: Francesco da Barberino’s I Documenti d’amore », dans Reindert L. Falkenburg, Walter S. Melion, Todd M. Richardson (dir.), Image and Imagination of the Religious Self in Late Medieval and Early Modern Europe, 2007, Turnhout, p. 71-104.
57 Le traité comporte un commentaire qui laisse entendre que Francesco da Barberino a conçu les enluminures en personne : « Comment as-tu eu les figures qui sont présentées dans la Cour d’Amour et dans différentes parties du livre ? Qui donc te les a peintes, puisque tu n’es pas peintre toi-même ? […] il en est comme tu le dis et cependant la nécessité et la grâce d’Amour m’en inspirant ont fait de moi sinon le peintre du moins le dessinateur de ces figures. » Francesco da Barberino, I Documenti d’amore…, op. cit., II, III, 351 : Quomodo has figuras que presentantur in curia et in aliis libri partibus habuisti quis tibi pinsit cum te sciam penitus non pictorem. […] De secundo sic dicas quod et si non pictorem designatorem tamen figurarum ipsarum me fecit necessitas amoris gratia informante.
58 Voici, par exemple, ce que Francesco da Baberino écrit au sujet de l’Espérance : « Poi si guardate ben la sua figura/ che gia sol per lectura/ non si poria veder sua derittura » (Francesco da Baberino, I Documenti d’amore…, op. cit., III, 4).
59 Ibid., I, 39 : « Questa e docilitate,/ achui l’officio dinsegnar e dato,/ eguardate suo stato,/ che negliantichi regna sapiença./ Siche veglia sua essença/ per magistero bacchetta richiede./ Nela cathedra siede/chanora ereverença le convené […]. »
60 Loc. cit. : Dic ergo Docilitas est quidam actus virtutibus qui data notitia de vitiorum causa nos eis edocet disciplina resistere.
61 Francesco da Barberino, I Documenti d’amore…, op. cit., II, 339-340 : « Mo ti ritorino ai primi insegnamenti/ li quali si posson trare/ veggendo pinte stare/ queste figure ne coninciamenti/ che sol da quelle comeglie gia detto/ si puote exemplo torre./ chile vuole in quor porre/ di questa donna sera figlio ellecto. »
62 Ibid., I, 24-25 : Istius quidem Probitatis et Audaciae ac Curialitatis de qua dictum est supra si formas pictas queris, vide Florentie ubi bellum inter Curialitatem et Avaritiam et sequaces et Probitatem et Codardiam et sequaces in figuris representavi et dicta vulgaria que sunt ibi, cum novitatibus aliis circum pictis.
63 Voir Sutton K., « The lost “Officiolum”… », art. cit., p. 156.
64 Francesco da Barberino, I Documenti d’amore…, op. cit., II, 12 : Gloria quod gloria in hiis a quibus non indigne possidetur est gratia. In aliis est dampnosum consortium.
65 Gilbert Creighton, « The Fresco by Giotto in Milan », Arte Lombarda, 47, 1977, p. 31-81.
66 Dorez Leone, La Canzone delle virtù e delle scienze di Bartolomeo di Bartoli da Bologna, Bergame, 1905.
67 Sur les enluminures de la Canzone delle virtù e delle scienze, voir Toscano Gennaro, D’Urso Teresa, Mulas Pier Luigi, Stirnemann Patricia, Enluminures italiennes. Chefs-d’œuvre du musée Condé, catalogue d’exposition, Chantilly, Musée Condé, 27 septembre 2000-1er janvier 2001, Paris, 2000, p. 12-20.
68 Chantilly, Musée Condé, Ms. 599, f° 1r° : Incipit cantica ad gloriam et honorem magnifici militis domini Brutii, nati incliti ac illustris principis domini Luchini Vicecomitis de Mediolano, in qua tractatur de virtutibus et scientiis vulgarizatis.
69 Azario Pietro, Cronaca della Lombardia e dei Visconti, 1250-1362. Chronicon de gestis principum vicecomitum, édité par Ludovico A. Muratori, Pavie, 1997, XVI, col. 320.
70 Dorez L., La Canzone delle virtù e delle scienze…, op. cit., p. 22.
71 Chantilly, Musée Condé, Ms. 599, f° 1v° : « Oi, Agustin, cinto de la gran stola/ del Spirito Santo, a mi de la tua pace/ dame, doctor verace,/ sì che i tuoi testi a mi facian rubriche/ e le mie rime amiche […]. »
72 Schmidt G., « “Andreas me pinxit”. Frühe Miniaturen von Nicolò di Giacomo und Andrea di Bartoli in dem Bologneser Offiziolo der Stiftsbibliothek Kremsmünster », dans Wiener Jahrbuch für Kunstgeschichte, 26, 1973, p. 57-73.
73 Paris, Bibliothèque nationale de France, Ms. Nouv. Acq. Lat. 2508.
74 Chantilly, Musée Condé, Ms. 599, f° 3v° : « La terza donna ch’l nostro apetito/ ch’à ‘ l soperchio dexio, domma e refrena,/ sempre è d’onestà piena/e volze al suo castel discreta chiave :/ avre e serra suave,/ cum vol raxone a la cupiditate,/ et in sobrietate/ s’aviva, con fà ‘l corpo in nui per l’alma/ e de vertù gran palma/ produce e fructo bon suo dolce lito. »
75 Neri Lusanna Enrica (dir.), Percorrendo giardini di virtù. Affreschi del Trecento a Firenze nel Canto dei Pecori al Boldrone, Todi, 2005 ; Zachmann Daniela, Wandmalerei in Wohnhäusern toskanischer Städte im 14 Jahrhundert : im Spannungsfeld von elitärem Selbstverständnis und kommunlen Wertesystem, thèse de doctorat, EPHE, Paris, 2012.
76 Sur la série de vertus du musée des Beaux-Arts de Budapest, voir Previtali Giovanni, « Affreschi di Cola Petruccioli », Paragone. Arte, 193, 1966, p. 33-42 ; Fehér Ildiko, « Il ciclo di affreschi allegorici del Palazzo Isidori di Perugia alla luce delle ultime ricerche e restauri », Bulletin du musée hongrois des Beaux-Arts, 92-93, 2000, p. 179-188 ; Dunlop Anne, Painted Palaces : The Rise of Secular Art in Early Renaissance Italy, Philadelphie, 2009, p. 110-111.
77 Le titulus précise : « io te darò vigore/ quando fortuna te facesse/ aspreçça. ce el ferro non resiste/ a mia forteçça. »
78 « voglieme l’occhio aprire/ meco sperando che verde/ colore darà giusto/ fructo dopo ‘l fiore. »
79 Sur le Palazzo Minerbi, voir Ragghianti Carlo L., Gli affreschi di Casa Minerbi a Ferrara, Pérouse, 1970 ; Dunlop Anne, « Allegory, Painting and Petrarch », Word and Image, 24, 2008, p. 77-91.
80 Sciacca C. (dir.), Florence at the Dawn of the Renaissance…, op. cit., notice 58.
81 Feldges-Henning Uta, « The Pictorial Programme of the Sala della Pace : A New Interpretation », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 35, 1972, p. 145-162.
82 Gilles de Rome, De Bono comuni, édité par Emilio Panella, dans « Dal bene comune al bene del comune. I trattati politici di Remigio dei Girolami nella Firenze dei bianchi-neri », Memorie Domenicane, 16, 1985, p. 123-168, 12 : Ex qua ratione apparet quod civis naturaliter preamat civitatem sibi quia scilicet in civitate plus habundat et virtus intellectualis et moralis sive etiam theologica quam in uno cive per se […].
83 Valentiner Wilhelm R., « Tino di Camaino in Florence », Art Quarterly, 17, 1954, p. 117-133.
84 Voir Becherucci Luisa, Brunetti Giulia, Il Museo dell’Opera del Duomo a Firenze, 2 vol., Venise, 1970, p. 230 ; Paolozzi Strozzi B., Bormand M. (dir.), La primavera del Rinascimento…, op. cit., notice I. 5.
85 Sur l’emplacement initial des vertus, voir Kreytenberg Gert, « Le sculture Trecentesche all’est erno e all’interno », dans Cristina A. Luchinat (dir.), La cattedrale di Santa Maria del Fiore a Firenze, 2 vol., Florence, 1995, p. 68-95 ; Id., « Tino di Camaino statuengruppen von den drei Portalen des Florentiner Baptisteriums », Pantheon, 55, 1994, p. 6-10.
86 Sur la Charité du Museo Bardini, voir Levin William R., « The Trecento Overdoor Sculptures for the Baptistery in Florence and their Cinquecento Replacements », Studies in Iconography, 26, 2005, p. 205-242.
87 Sur les vertus du campanile, voir Donato Maria M., Parenti Daniela (dir.), Dal Giglio al Davido : arte civica a Firenze fra Medioev° e Rinascimento, catalogue d’exposotition, Florence, Galleria dell’Accademia, 14 mai-8 décembre 2013, Florence, 2013, p. 176.
88 Kiel Hanna, Il Museo del Bigallo a Firenze, Florence, 1977, p. 4.
89 Paolozzi Strozzi B., Bormand M. (dir.), La primavera del Rinascimento…, op. cit., notice III. 12.
90 Panofsky Erwin, Renaissance and Renascences in Western Art, 2 vol., Stockolm, 1960, trad. fr., La Renaissance et ses avant-courriers dans l’art de l’Occident, Paris, 1976, notamment p. 150.
91 Himmelmann Nikolaus, « Nudità ideale », dans Salvatore Settis (dir.), Memoria dell’antico nell’arte italiana, 3 vol., Turin, 1984-1986, II, p. 202-269. Voir également Bergstein Mary, « Istoria and Meaning at the Porta della Mandorla », dans Margaret Haines (dir.), Santa Maria del Fiore: The Cathedral and its Sculpture, Fiesole, 2001, p. 99-114.
92 Les vertus sont figurées à de nombreuses reprises dans le complexe San Marco, entre autres dans le décor de la Porta Maggiore datant du XIIIe siècle, dans les chapiteaux de l’arcade du Palazzo Ducale sculptés vers 1340-1355 par l’atelier de Filippo Calendario, sur les pinacles de la façade nord de la basilique attribués à Niccolò di Pietro Lamberti et dans le cycle de la Porta Foscari sculpté vers 1438-1442 par Bartolomeo Bon.
93 Sur le studium du quartier de la cathédrale, voir Verdon Timothy, « “Alza la voce con forza” : l’iconografia del campanile e l’annuncio cristiano », dans Timothy Verdon (dir.), Alla riscoperta di piazza del Duomo in Firenze. 3. Il campanile di Giotto, Florence, 1994, p. 85-116 ; Toker Franklin, The Florence Duomo Project, on Only Ground: Liturgy, Architecture and Urbanism in the Cathedral and Streets of Medieval Florence, Turnhout, 2009, p. 99.
94 Sur la signification du baptistère dans le monde médiéval, voir Dietl Albert, « La decorazione plastica del battistero e il suo programma », dans Chiara Frugoni (dir.), Benedetto Antelami e il battistero di Parma, Turin, 1995, p. 71-98.
95 Sur la moralisation d’Hercule, voir Ettlinger Leopold E., « Hercules Florentinus », Mitteilungen des Kunsthistorischen Institutes in Florenz, 16, 1972, p. 121-142.
96 Fulgence, Fabii Planciadis Fulgentii V.C. Opera, édité par Rudolf Helm, Stuttgart, 1970, III, 4 : Denique a virtute gloriae quasi ab Hercule superatur ; nam denegato sibi terrae tactu commoritur altiusque elevatus materna non potuit mutuari suffragia, quo evidentem suae rei fabulam demonstrasset ; Bonsignori Giovanni, Ovidio Metamorphoseos vulgare, édité par Erminia Ardissino, Bologne, 2001, VII, 2.
97 Donato Maria M., « Hercules and David in the Early Decoration of the Palazzo Vecchio : Manuscript Evidence », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 54, 1991, p. 83-98.
98 Cité dans ibid., p. 85 : Ipse premens geminos elisi parvulus angues,/ disieci ingratas urbes, sevosque tirannos/ oppressi, dirasque feras et tartara vici./ Terrarum domitor quandom, nunc voce perenni/ per celebror claros populos ; virtutis imago/ nunc michi persimilis, talem Florentia sedem/ exibuit, proprioque tenet servatque sigillo.
99 Sur la Compagnia della Misericordia, voir Levin William R., The « Allegory of Mercy » at the Misericordia in Florence: Historiography, Context, Iconography, and the Documentation of Confraternal Charity in the Trecento, Dallas/ New York/ Londres, 2005.
100 Les tituli précisent : « exu/ rui dedis/ tis mihi manduc/ are » ; « siti/ vi et ded/ isti mihi bib/ ere » ; « hospes/ eram/ colle/ gistis me » ; « nud/ us eram et operuistis/ me » ; « infi/ rmus era/ m visitast/ is me » ; « in carcere eram ve/ nistis ad me » ; « nullus/ de mise/ ricordia/ dei des/ speret. »
101 Kreytenberg Gert, « Un tabernacolo di Giovanni di Balduccio per Orsanmichele a Firenze », Boletín del Museo Arqueológico Nacional, VIII, 1990, p. 37-57 ; Caglioti Francesco, « Giovanni di Balduccio at Orsanmichele : The Tabernacle of the Virgin before Andrea Orcagna », dans Carl Brandon Strehlke (dir.), Orsanmichele and the History and Preservation of the Civic Monument, Washington, 2012, p. 75-110.
102 Finiello Zervas Diane (dir.), Orsanmichele a Firenze, 2 vol., Modène, 1996, p. 451-452.
103 Thomas d’Aquin, Summa theologica, op. cit., IIa-IIae, q. 48.
104 Ibid., IIa-IIae, q. 82 et 104.
105 Ibid., IIa-IIae, q. 136-137.
106 Ibid., IIa-IIae, q. 143.
107 Voir Bernard de Clairvaux, Liber seu tractatus de charitate, dans PL, 184, col. 598.
108 Giordano da Pisa, Prediche del Beato Fra Giordano da Rivalto, édité par les fratelli Masi, Bologne, 1820, II, p. 77 : « Città tanto suona come amore e per amore s’edificaro le cittadi ; perocché si dilettaro le genti di stare insieme. »
109 Borsook Eve, The Companion Guide to Florence, Londres, 1973, p. 87.
110 Verdon Timothy, « La Piazza e la Carità : gli istituti dei aiuto fraterno intorno al Duomo », dans Timothy Verdon (dir.), Alla riscoperta di Piazza del Duomo in Firenze, Florence, 1997, 6, p. 7-39.
111 Baron Hans, « Franciscan Poverty and Civic Wealth as Factors in the Rise of Humanistic Thought », Speculum, 13, 1938, p. 1-37 ; Wilkins David G., « Donatello‘s Lost Dovizia for the Mercato Vecchio : Wealth and Charity as Florentine Civic Virtues », The Art Bulletin, 65, 1983, p. 401-422.
112 Cecco d’Ascoli, L’Acerba, op. cit., II, 9, v. 17-19 : « È più beato el dare eh’el recevere,/ E de vertute recevendo l’omo/ Quando e quanto dico corno devere. »
113 Todeschini G., Richesse franciscaine…, op. cit., p. 174-175.
114 Buonaccorso da Montemagno, Orazioni di Giovane Buonaccorso da Montemagno il giovine con le rime di Buonaccorso da Montemagno il vecchio, édité par Michele dello Russo, Naples, 1862, p. 37 : « Che le ricchezze sieno sottoposte alla necessità di nostra vita, assai mi pare essere manifesto. Consideriamo la necessità privata, donde si preparano a noi le case e gli edificii, ne’quali usiamo tranquilla quiete di noi e di nostra famiglia ? Dalle ricchezze. Donde abbiamo i vestimenti suppellettili e opportuni ornamenti ? Dalle ricchezze. Donde abbiamo i cibi, e supplementi per noi e per li nostri ? Dalle ricchezze. Donde facciamo i nostri figliuoli litterati e virtuosi ? Donde maritiamo noi le nostre figliuole ? Dalle ricchezze. »
115 Bergstein Mary, « Marian and Politics in Quattrocento Florence : The Renewed Dedication of Santa Maria del Fiore in 1412 », Renaissance Quarterly, 4, 1991, p. 673-720.
116 Latini B., Il tesoretto, op. cit., v. 112-118 : « O Tesoro comincia,/ al tempo ke Fiorença/ fioria e fece frutto,/ sì ch’ell’era del tutto/ la donna di Toscana. »
117 Gilles de Rome, De Bono comuni, op. cit., 13 : Denique flos exfloritus est et odor fame ipsius conversus est in horribilem fetorem infamie, iuxta prophetiam appellationis vulgaris civium : non enim « Fiorença », ut persone extranee, sed « Firençe » ipsam appellant.
118 Chelazzi Dini Giuletta, « Osservazioni sui miniatori del Panegerico di Roberto d’Angiò », dans Ciardi Duprè Dal Poggetto (dir.), Scritti di storia dell’arte in onore di Ugo Procacci, 2 vol., Milan, 1977, I, p. 140-145. Le manuscrit de la British Library compte deux copies du XIVe siècle : la première se trouve à l’Österreichische Nationalbibliothek à Vienne (Ms. Series Nova 2639), la seconde à la Biblioteca Nazionale Centrale à Florence (Ms. Banco Rari 38).
119 Londres, British Library, Ms. Royal. 6. E. IX, f° 13r° : Flos florum flore, Florencia/ crescit honor requirit virtutis.
120 Camelliti Vittoria, « Civitas e Caritas. Una Madonna giottesca al Bargello : una allegoria della città di Firenze », Critica d’arte, 8, 70, 35-36, 2008, p. 111-124.
121 Bowsky William M., « The Buon Governo of Siena (1287-1355): A Medieval Italian Oligarchy », Speculum, 37, 1962, p. 368-381.
122 Luchaire Julien, « Le Statut des Neuf gouverneurs et défenseurs de la Commune de Sienne (1310) », Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École française de Rome, 21, 1901, p. 243-304.
123 Bindo Bonichi, Rime di Bindo Bonchi da Siena edite ed inedite, Francesco Zambrini, Pietro Bilancioni (dir.), Bologne, 1867, p. 78.
124 Ibid., p. 186 : « Gli asin del mondo sono i mercatanti/ e’cavalier qu’ch’han per vizio onori,/ e li tiranni son gli uomin maggiori,/ chi in corte è duca son cani latranti./ E porci son i cherci e mal usanto,/ e lupi sono i malvagi pastori,/ ipocreti son li consigliatori […]. »
125 Ibid., p. 46-49.
126 Sur le décor du Palazzo Pubblico, voir Brandi Cesare (dir.), Palazzo Pubblico di Siena. Vicende costruttive e decorazione, Milan, 1983.
127 Voir Carli Enzo, Simone Martini : « la Maestà », Naples, 1996 ; Bagnoli Alessandro, La Maestà di Simone Martini, Milan, 1999 ; Castris Pierluigi L. de, Simone Martini, Milan, 2003, p. 20-24.
128 « […] diletti miei, ponete nelle menti/ che li devoti vostri preghi onesti/ come vorrete voi farò contenti./ ma se i potenti a’debil’fien molesti/ gravando loro o con vergogne o danni/ le vostre orazion non son per questi/ né per qualunque la mia terra inganni. »
129 « lex s[piritu]s vite i[n] [christo] ih[es]u/ libera me a lege/ peccati [et] mortis/ sac[ra]m[en] ta legis noue/ s[unt]/ vii/ baptismus/ crisma/ eucharistia i/ [d est ]/ d [omini c]orp[us]/ penitentia/ extrema u[n]tio i/ [d est ]/ oelu[m]/ s[anctum]/ ordo/ et matrimoniu[m]. »
130 Sur l’attribution des médaillons, voir Carli E, Simone Martini…, op. cit., p. 89.
131 Ap. 17 : 4-5.
132 Dans la Psychomachie, l’attribut de la Discorde consiste en une « scissa palla » (Prudence, Prudence, op. cit., III, p. 665). Sur ce point, voir Vuilleumier-Laurens Florence, « Allégories en affrontement : une version sérielle de la stoa poikilè », dans Colette Nativel (dir.), Le noyau et l’écorce…, op. cit., p. 233-253.
133 Agnolo di Tura del Grasso, Cronache senesi, dans Rerum Italicarum Scriptores. Raccolta degli storici italiani dal cinquecento al millecinquecento, édité par Alessandro Lisini et Fabio Iacometti, XV (VI), Bologne, 1939. p. 526 : « Maestro Ambrogio Lorenzetti dipentore da Siena dipinse quella nostra Donna con quelle virtù cardinalo che sonno su la logia in palazzo de’signori. » Sur ce point, voir Borghini Gabriele, « La decorazione », dans Cesare Brandi (dir.), Palazzo Pubblico di Siena. Vicende costruttive e decorazione, Milan, 1983, p. 323.
134 « mandat(um) nov(um) do/ vobis ut diligatis invi[cem]. » Jean, 13 : 34 : Mandatum novum do vobis ut diligatis invicem sicut dilexi vos ut et vos diligatis invicem.
135 Bowsky William M., A Medieval Italian Commune. Siena under the Nine, 1287-1355, Berkeley/Los Angeles, 1981.
136 Sur la contribution de Lippo Vanni au décor du Palazzo Pubblico, voir Cairola Aldo, Carli Enzo, Le « Palazzo Pubblico » de Sienne, Rome, 1965, trad. it., Il « Palazzo Pubblico » di Siena, Rome, 1964, p. 193.
137 Les sources la nomment tour à tour salle Nouvelle, salle du Bailliage, salle du Pape et salle des Prieurs. Voir Southard E. C., The Frescoes in Siena’s Palazzo Pubblico…, op. cit., p. 371-372.
138 Sur le cycle de Spinello Aretino, voir Rajam Margaret T., The Fresco Cycle by Spinello Aretino in the Sala di Balia, Sienne : Imagery of Pope and Emperor, PhD, University of Michigan, Anne Arbor, 1977.
139 Sur le cycle des Hommes illustres de Taddeo di Bartolo, voir Guerrini Roberto, « “Dulci pro libertate”. Taddeo di Bartolo : il ciclo di eroi antichi nel Palazzo Pubblico di Siena (1413-1414). Tradizione classica ed iconografia politica », Rivista Storica Italiana, 112, 2000, p. 510-565.
140 Brandi Cesare, « Un candelabro dipinto da Lippo Vanni », dans Cesare Brandi (dir.), Pittura a Siena nel Trecento, Turin, 1991, p. 203-210 ; Christiansen Keith, « Mattia di Nanni’s Intarsia Bench for the Palazzo Pubblico, Siena », The Burlington Magazine, 139, 1997, p. 372-387.
141 Sur les tituli de l’anté-chapelle, voir Rubinstein Nicolai, « Political Ideas in Sienese Art: The Frescoes by Ambrogio Lorenzetti and Taddeo di Bartolo in the Palazzo Pubblico », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 21, 1958, p. 179-207.
142 « iustitia omnium virtutum preclarissima regna conservat/ propter iniustitiam transferuntur regna de gente in gentem. » Gilles de Rome, De regimine principum, dans Aegidii romani, Opera omnia, I, édité par Francesco del Punta et Concetta Luna, Florence, 1993, I, 2, 11 : Iustitia omnium virtutum preclarissima regna conservat.
143 Thomas d’Aquin, Somme théologique, op. cit., Ia-IIae, q. 9, a. 2 : « Ainsi donc, comme il était au pouvoir du Créateur que les choses fussent, alors qu’elles n’étaient pas encore en elles-mêmes, ainsi est -il au pouvoir du Créateur, quand elles sont en elles-mêmes, qu’elles ne soient plus. Elles sont donc toutes mobiles en raison de la Puissance qui est en un autre, Dieu, puisque par lui elles ont pu être produites, à partir du néant, à l’être, et elles peuvent être, à partir de l’être, réduites au néant […]. Cependant, la matière première présente avec la terre cette ressemblance d’être sous-jacente aux formes, et avec l’eau, de pouvoir être informée par des formes diverses. En ce sens donc la terre est appelée “déserte et vide” ou “invisible et inorganisée”, parce que la matière est connue par la forme (donc, considérée en elle-même, on la dit invisible ou déserte) ; et sa Puissance est remplie par la forme. »
144 Fratini Corrado, « La decorazione duecentesca e trecentesca », dans Francesco F. Mancini (dir.), Il Palazzo dei Priori di Perugia, Pérouse, 1997, p. 253-278 ; Garibaldi Vittoria, Il portale del Palazzo dei Prori di Perugia : « Entra puro, move securo », Pérouse, 2006.
145 Molnár Péter, « De la morale à la science politique. La transformation du miroir des princes au milieu du XIIIe siècle », dans L’éducation au gouvernement et à la vie. La tradition des règles de vie de l’Antiquité au Moyen Âge, actes de colloque, Pise, 18-19 mars 2005, Paris, 2009, p. 181-204.
146 Thomas d’Aquin, De regno ad regem Cypri, dans Sancti Thomae de Aquino. Opera omnia, XLII, édité par Hyacinthe F. Dondaine, Rome, 1979, p. 419-446.
147 Latini B., Trésor, op. cit., II, LXIV : « Seignouries sont de .iii. manieres, l’une des rois, la seconde est des bons, la tierce est des communes, laquele est la très millour entres ces autres. »
148 Thomas d’Aquin, De regno ad regem Cypri, op. cit., IV, 8 : […] nullus principatum habere potest perpetuum, nisi per viam tyrannicam […].
149 Boureau Alain, « Le prince médiéval et la science politique », dans Ran Halévi (dir.), Le savoir du prince. Du Moyen Âge aux Lumières, Paris, 2002, p. 25-51.
150 Raban Maur, Tractatus de anima, dans PL, 110, col. 118 : His itaque quatuor virtutibus quasi solidissimis columnis, omnis regiae dignitatis honos decusque attollitur : feliciterque cuncta gubernantur atque exornantur. Rathier de Vérone, Praeloquiorum libri sex, dans PL, 136, col. 208 : Hae quatuor ita regales proprie noscuntur esse virtutes, ut cum his quilibet etiam rusticus rex non incongrue dici ; sine his, nec ipse universam pene monarchiam obtinens mundi, quanquam abusive, rex valet juste vocari : male enim imperando, ut ait qui supra, summum imperium amittitur.
151 Sur la renommée de Robert Ier au Trecento, voir l’étude de Kelly Samantha, The New Salomon. Robert of Naples (1309-1343) and Fourteenth-Century Kingship, Leyde/Boston, 2003.
152 Boyer Jean-Paul, « Une théologie du droit. Les sermons juridiques du roi Robert de Naples et de Barthélemy de Capoue », dans Françoise Autrand, Claude Gauvard (dir.), Saint Denis et la royauté. Études offertes à Bernard Guenée, Paris, 1999, p. 647-659.
153 Sur le mécénat de Robert Ier, voir notamment Bruzelius Caroline, The Stones of Naples. Church Building in Angevin Italy, 1266-1343, New Haven/Londres, 2004.
154 Sur la Bible d’Anjou, voir Clerq Charles de, « Le miniaturiste napolitain Christophe Orimina », Gutenberg Jahrbuch, 1968, p. 52-65 ; Avril François, « Trois manuscrits napolitains des collections de Charles V et de Jean de Berry », Bibliothèque de l’École des Chartes, 127, 1969, p. 291-328.
155 Les tituli inscrits sur les nimbes précisent : « Curtisia », « Puritas », « Discretio », « Lialta ».
156 Rex Robertus/ rex expertus in omni scientia.
157 Sur les vertus du Tombeau de Robert Ier d’Anjou, voir Michalsky Tanja, « Die Repräsentation einer Beata Stirps. Darstellung und Ausdruck an den Grabmonumenten der Anjous », dans Otto Gerhard Oexle, Andrea von Hülsen-Esch (dir.), Die Repräsentation der Gruppen. Texte-Bilder-Objekte, Göttingen, 1998, p. 187-224 ; Dombrowski Damian, « “Cernite”, vision und persona am grabmal Roberts des Weisen in S. Chiara zu Neapel », dans Joachim Poeschke, Britta Kusch, Thomas Weigel (dir.), Praemium virtutis : Grabmonumente und Begräbniszeremoniell im Zeichen des Humanismus, actes de colloque, Munich, Westfälisches Landesmuseum für Kunst und Kulturgeschichte, 15-16 février 2002, Munich, 2002, p. 37-53.
158 Sur la formule des vertus dans les tombeaux angevins, voir Bock Nicolas, « Kanon und Variation : Virtus an Grabmälern in Neapel und Rom », dans Joachim Poeschke, Britta Kusch, Thomas Weigel (dir.), Praemium virtutis : Grabmonumente und Begräbniszeremoniell im Zeichen des Humanismus, actes de colloque, Westfälisches Landesmuseum für Kunst und Kulturgeschichte, Munich, 15-16 février 2002, Munich, 2002, p. 15-34.
159 Sur le Tombeau de Marie de Hongrie, voir Vitolo Paola, « Imprese artistiche e modelli di regalità al femminile nella Napoli della prima età angioina », dans Patrizia Mainoni (dir.), « Con animo virile » : Donne e potere nel Mezzogiorno medievale (secoli XI-XV), Rome, 2010, p. 263-319.
160 Sur le Tombeau de Catherine d’Autriche, voir Aceto Francesco, « Tino di Camaino a Napoli. Una proposta per il sepolcro di Caterina d’Austria e altri fatti angioini », Dialoghi di Storia dell’Arte, 1, 1995, p. 10-27.
161 Sur les inscriptions des tombeaux angevins, voir Michalsky Tanja, Memoria und Repräsentation : Die Grabmäler des Königshauses Anjou in Italien, Göttingen, 2000, p. 239-347.
162 Sur la Charité du musée des Beaux-Arts de Lyon, voir Collectif, L’Europe des Anjou : aventure des princes angevins du XIIIe au XVe siècle, catalogue d’exposition, Fontevraud, Abbaye royale de Fontevraud, 15 juin-16 septembre 2001, Paris, 2001, cat. 34. D’après un dessin de Jean-Baptiste Seroux d’Agincourt, le Tombeau de Sanche de Majorque comprenait également l’Humilité : voir Seroux d’Agincourt Jean-Baptiste, Histoire de l’art par les monumens : depuis sa décadence au IVe siècle jusqu’à son renouvellement au XIVe siècle, 6 vol., Paris, 1823, II, p. 419.
163 Selon Gert Kreytenberg, la Force du Bargello proviendrait plutôt du Tombeau de Patriarca Gastone della Torre, sculpté à partir de 1318 pour la basilique Santa Croce. Voir Kreytenberg Gert, « Tino di Camainos Grabmäler in Florenz », Städel-Jahrbuch, 7, 1979, p. 33-60.
164 Villani G., Nuova cronica, op. cit., livre XII, 10 : « Questo re Ruberto fu il più savio re che fosse tra’Cristiani già fa cinquecento anni, sì di senno naturale sì di scienza, come grandissimo maestro in teologia e sommo filosofo. Dolce signore e amorevole fu, e amicissimo del nostro Comune, di tutte le virtù dotato […]. »
165 Voir Boyer Jean-Paul, « Florence et l’idée monarchique. La prédication de Remigio dei Girolami sur les Angevins de Naples », dans La Toscane et les Toscans autour de la Renaissance, Aix-en-Provence, 1999, p. 366-367.
166 Convenevole da Prato, Regia Carmina dedicati a Roberto d’Angiò re di Sicilia e di Gerusalemme, édité par Cesare Grassi, 2 vol., Milan, 1982.
167 Sur le Panégyrique de Robert Ier, voir Eichberg Barbara B., « Die theologisch-politische Bedeutung des Allerheiligenbildes im Panegyrischen Lobgedicht an Robert von Neapel. Ein Beitrag zur spätmittelalterlichen Herrscherikonographie », Concilium Medii Aevi, 2, 1999, p. 29-57 ; Sciacca C. (dir.), Florence at the Dawn of the Renaissance…, op. cit., p. 41-42.
168 Sur le cycle du Palazzo Corboli à Asciano, voir Donato Maria M., « Un ciclo pittorico ad Asciano (Siena), Palazzo Pubblico e l’iconografia “politica” alla fine del Medioevo », Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa, 18, 3, 1988, p. 1105-1272.
169 Ibid., p. 1115.
170 Sur la Loggia dei Priori, voir Kreytenberg Gert, « Die figurenkonsolen der Loggia dei Lanzi in Florenz », Mitteilungen des Kunsthistorischen Institutes in Florenz, 24, 1980, p. 274-282 ; Cassidy Brendan, « Politics and Civic Ideals in Trecento Sculpture », dans Phillip Lindley, Thomas Frangenberg (dir.), Secular Sculpture. 1300-1550, Stamford, 2000, p. 11-32.
171 Sur la fonction de la Loggia dei Priori, voir Montesano Marina, « Arte, potere, società », dans Luigi Lotti (dir.), Storia della civiltà Toscana, I, Comuni e signorie, Florence, 2000, p. 433.
172 Sur la contribution d’Agnolo Gaddi à la conception des vertus de la Loggia dei Priori, voir Pope-Hennessy John, Italian Gothique Sculpture, Londres, 1955, rééd., Londres, 1996, p. 65.
173 Voir Southard E.C., The Frescoes in Siena’s Palazzo Pubblico…, op. cit., p. 525-527 ; Donato M.M., Parenti D. (dir.), Dal Giglio al David…, op. cit., p. 27.
174 Azario Pietro, Chronaca della Lombardia e dei Visconti, 1250-1362, Chronicon de gestis principum vicecomitum, Pavie, 1997, XVI, col. 320.
175 Sur les Heures de Gian Galeazzo Visconti, voir Meiss Millard, Kirsch Edith W., The Visconti Hours, New York, 1972.
176 Sur les vertus du palais Trinci à Foligno, voir Mancini Francesco F., « La Loggia delle Virtù, allegoria di un governo illuminato », dans Giordana Benazzi, Francesco F. Mancini (dir.), Il Palazzo Trinci di Foligno, Pérouse, 2001, p. 300-330.
177 Sur l’histoire de la famille Trinci, voir Sensi Mario, « La signoria dei Trinci : escesa di un famiglia », dans Giordana Benazzi, Francesco F. Mancini (dir.), Il Palazzo Trinci, op. cit., p. 3-28 ; Delzant Jean-Baptiste, « Magnificus dominus ». Pouvoir, art et culture dans les seigneuries d’Italie centrale à la fin du Moyen Âge, thèse de doctorat, Université Paris-Sorbonne/Università degli Studi di Firenze, Paris/Florence, 2013.
178 Ambrosi Giovanni, « Due Trinci podestà di Firenze nel XIV secolo », Bollettino Storico della Città di Foligno, 2, 1978, p. 115-142.
179 Sur la pratique de la justice à la fin du Moyen Âge, voir Jacob Robert, Images de la Justice. Essai sur l’iconographie judiciaire du Moyen Âge à l’âge classique, Paris, 1994 ; Sbriccoli Mario, « La triade, le bandeau, le genou. Droit et procès pénal dans les allégories de la Justice du Moyen Âge à l’âge moderne », Crime, histoire et sociétés/Crime, History and Societies, 9, 1, 2005.
180 Thomas d’Aquin, Summa theologica, op. cit., IIa-IIae, q. 58, a. 12.
181 Aristote, Éthique à Nicomaque, op. cit., V, 4.
182 Cicéron, Les devoirs, traduit par Maurice Testard, Paris, 1965, III, VI, 28 : […] haec enim una virtus omnium est domina et regina virtutum. Sur le culte de Iustitia dans le monde romain, voir Derks Ton, Gods, Temples and Ritual practices. The Transformations of Religious Ideas and Values in Roman Gaul, Amsterdam, 1998.
183 Thomas d’Aquin, Summa theologica, op. cit., Ia-IIae, q. 90, a. 3 : Dicendum quod lex proprie, primo et principaliter respicit ordinem ad bonum commune. Ordinare autem aliquid in bonum commune […].
184 Zdekauer Lodovico, « Iustitia, immagine e idea », Bullettino Senese di Soria Patria, 20, 1913, p. 384-425.
185 Sur le décor peint du Palazzo della Ragione, voir Berti Enrico, Bozzolato Giampiero, Tenenti Alberto (dir.), Il Palazzo della Ragione a Padova. Dalle pitture di Giotto agli affreschi del’400, Rome, 1992 ; Frojmovi Eva, « Giotto Allegories of Justice and the Commune in the Palazzo della Ragione in Padua: A Reconstruction », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 59, 1996, p. 24-47.
186 Vasari G., Le vite de’più eccellenti pittori…, op. cit., I, p. 208 : « Ritornò a Fiorenza e dipinse il tribunale della Mercatanzia Vecchia, nella quale istoria con poetica invenzione figurò il tribunale de’sei uomini, magistrato di detta città, i quali stanno a vedere cavare la lingua alla Bugia dalla Verità, la quale è vestita di velo su lo ignudo, e la Bugia ammantata di nero, scritto sotto a queste figure i versi che seguono : “La pura Verità per ubbidire/ Alla santa Giustizia che non tarda,/ Cava la lingua a la falsa Bugiarda”. »
187 Dante, De Monarchia, édité par Pier G. Ricci, Milan, 1965, XI, I, 14 : Cumque inter alia bona hominis potissimum sit in pace vivere ut supra dicebatur et hoc operetur maxime atque potissime iustitia.
188 « volgiete gliocchi a rimirar costei/ voi che reggiete che qui figurata/ [e] p[er] sue cielle[n] çia coronata/ laqual se[m]pra ciascun suo dritto rende/ guardate quanti ben’vengan da lei/ e come è dolce vita e riposata/ quella dela citta ove servata/ questa vi[r] tu kepiu daltra risprende/ ella guard[a] e difende/ chi lei onora [e] lor nutrica [e] pascie/ da la suo lucie nascie/ el meritar color coperan bene/ [e] agliniqui dar debite pene. »
189 Voir Latini B., Trésor, op. cit., II, XXVIII, 7.
190 Gibbs Robert, « In Search of Ambrogio Lorenzetti’s Allegory of Justice. Change to the Frescoes in the Palazzo Pubblico », Apollo, 149, 1999, p. 11-16.
191 Quaestiones de iuris subtilitatibus, édité par Ginevra Zanetti, Florence, 1958, 4, 43-47 : Iustitia vero una cum prole generosa solis his que illic aderant inuigilare contenta erat : causas enim et Dei et hominum crebris advertebat suspiriis easque lance prorsus equabili per manus Equitatis trutinabat […].
192 Sénèque, Lettres à Lucilius, traduit par François Préchac et Henri Noblot, 5 vol., Paris, 1958, XXX, 11 : Prima autem pars est aequitatis aequalitas. Sur ce point, voir Skinner Quentin, « Ambrogio Lorenzetti : The Artistas Political Philosopher », dans Hans Belting, Dieter Blume (dir.), Malerei und Stadtkultur in der Dantezeit…, op. cit., p. 85-104, trad. fr., L’artiste en philosophe politique. Ambrogio Lorenzetti et le Bon gouvernement, Paris, 2003, p. 69-70.
193 « dilexi iustitiam et odi iniquitatem. »
194 Turchetti Mario, Tyrannie et tyrannicide de l’Antiquité à nos jours, Paris, 2001, p. 260-290.
195 Quaglioni Diego, Politica e diritto nel Trecento italiano : il « De Tyranno » di Bartolo da Sassoferrato, 1314-1357. Con l’edizione critica dei trattati « De Guelphis et Gebellinis », « De regimine civitatis » et « De Tyranno », Florence, 1983.
196 Cecco d’Ascoli, L’Acerba, op. cit., I. 2, v. 16-18 : « Altri che loro voce sempre sclama/ “O tirannia, o cosa benegna !”,/ non curan di vertù posseder fama. »
197 Villani Matteo, Cronica. Con la continuazione di Filippo Villani, édité par Giuseppe Porta, Parme, 1995, IX, 13 : « Costui fu dissoluto e mondano, e di sfrenata lussuria, crudele e aspro signore, e nimico di tutti coloro che montassano in virtù. »
198 Sur ces fresques, voir Crum Roger J., Wilkins David, « In the Defense of Florentine Republicanism: Saint Anne and Florentine Art, 1343-1575 », dans Kathleen Ashley, Pamela Sheingorn (dir.), Interpreting Cultural Symbols, Saint Anne in Late Medieval Society, Athènes/Londres, 1990, p. 130-133.
199 Vasari G., Le vite de’più eccellenti pittori…, op. cit., I, 626 : « Intorno alla testa del duca erano molti rapaci e d’oltre sorti, significanti la natura e qualità di lui […]. »
200 Villani M., Cronica…, op. cit., V, 12 : « Signore, cupido e avaro e male grazioso ; piccoletto di persona, e brutto e barbuto. »
201 Baldinucci Filippo, Notizie de’professori del disegno da Cimabue in qua, 6 vol., Turin, 1768-1820, I, p. 286 : « Avaro, traditore, e poi crudele/ lussurioso, ingiusto, e spergiuro,/ giammai non tene suo stato sicuro. »
202 Sur la fresque disparue de Giotto, voir Donato Maria M., « Dal comune rubato di Giotto al comune sovrano di Ambrogio Lorenzetti (con una proposta per la “Canzone” del Buon governo) », dans Arturo C. Quintavalle (dir.), Medioevo : immagini e ideologie, actes de colloque, Parme, 23-27 septembre 2002, Parme, 2005, p. 483-509.
203 Vasari G., Le vite de’più eccellenti pittori…, op. cit., II, p. 116 : « Nella sala grande del Podestà di Fiorenza, per mettere paura a i popoli dipinse il commune ch’è rubato da molti ; dove in forma di giudice con lo scettro in mano a sedere lo figura, e le bilance pari sopra la testa, per le giuste ragioni ministrate da esso, et aiutato da quattro figure, dalla Fortezza con l’animo, dalla Prudenzia con le leggi, dalla Giustizia con l’armi e dalla Temperanza con le parole […]. »
204 Sonnay Philippe, « Paix et Bon gouvernement à propos d’un monument funéraire du Trecento », Arte Medievale, 4, 1990, p. 187-188.
205 Anonimo R., Cronica, op. cit., XVIII : « Era pento uno grannissimo mare, le onne orribile, forte turvato. In mieso de questo mare stava una nave poco meno che soffocata, senza tomone, senza vela. In questa nave, la quale per pericolare stava, stava una femina vedova vestuta de nero, centa de cengolo de tristezze, sfessa la gonnella da pietto, sciliati li capelli, como volessi piagnere. […] Nella aitra isola staievano quattro femine colle mano alle gote e alli inuocchi con atto de moita tristezze, e dicevano così : “Donne virtute fosti accompagnata. Ora per mare vai abannonata.” Queste erano quattro virtù cardinale, cioène Temperanza, Iustizia, Prudenza e Fortezze. »
206 « benignio re che i quor feroci e crudi/ subito volger fai e far pieto si/ move quei di costor c opera male/ sin/ gnior tu vedi nullo e che mi scudi/ da l ira loro ma feri e furiosi/ mi sono e chi piu puo duro m asale/ non […] tenperança lor cotale/ ma come figli cari li t ratai/ e senpre li driçai/ co ragion ne/ sensibili diletti/ ora a vilani afetti/ ciascuno s […] l animo bestiale/ non dando el quor/ perverso ad altro mai/ che a disorati e diletevol guai. »
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