Li due Petrarchisti
Un cas d’évolution de la forme dialogue entre le XVIe et le XVIIe siècle
p. 365-373
Texte intégral
1Dans l’avertissement au lecteur de son Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo), Galilée prend soin de justifier la forme littéraire qu’il a choisie pour son exposition, en mettant l’accent sur la possibilité de détours et sur la malléabilité offertes par le dialogue contrairement au traité :
J’ai pensé aussi qu’il serait bon de présenter ces idées sous la forme d’un dialogue : comme il n’est pas contraint à observer rigoureusement les lois mathématiques, il laisse place à des digressions qui parfois ne sont pas moins intéressantes que le sujet principal.1
2D’un semblable espace, ouvert à détours et digressions, ponctué de voies secondaires si nombreuses qu’elles peuvent parfois faire perdre le chemin principal, Il Petrarchista attribué à Ercole Giovannini représente un très bon exemple. Mais j’ai voulu présenter à ce colloque une communication ayant pour sujet ce texte presque inconnu parce que sa partition dialogique constitue également une occasion privilégiée pour observer certaines dynamiques de transformation de la forme dialogue entre le XVIe et le XVIIe siècle : nous avons affaire ici au cas inusité de la réécriture d’un autre dialogue, de la continuation d’un précédent discours par rapport auquel l’œuvre au second degré devient un supplément (pour utiliser la terminologie de Gérard Genette2), se présentant explicitement comme Il secondo Petrarchista, à savoir la suite du Petrarchista de Niccolò Franco.
3Il Petrarchista de Giovannini a été publié à Venise en 1623 dans le volume intitulé Li due Petrarchisti, qui reprend également Il Petrarchista de Franco, imprimé, quant à lui, pour la première fois à Venise en 1539, mais reproduit ici dans une édition expurgée3. L’auteur auquel le dialogue est attribué, Ercole Giovannini da Capugnano, frère du dominicain Girolamo Giovannini4, est une figure mineure dans le panorama de la poésie burlesque de la seconde moitié du Cinquecento : en l’absence de recherches systématiques dans les fonds manuscrits des bibliothèques, il ne nous est parvenu de sa production qu’une description du couronnement du pape Grégoire XIV5 et quatre capitoli que l’on peut lire dans le recueil Delle rime piacevoli del Berni, Casa, Mauro, Varchi, Dolce, et d’altri Auttori, publié en 1603 à Vicence par ce même éditeur Barezzi qui, vingt ans plus tard, imprimera Li due Petrarchisti6. Une notice biographique contenue dans ce recueil nous apprend qu’Ercole Giovannini meurt à Rome en 1591, à l’âge de 27 ans7 : si cette information est vraie et sauf homonymie, le dialogue a été sans doute remanié par Girolamo ou par d’autres auteurs, ou par Barezzi lui-même, puisque les références aux personnages contemporains introduites par les interlocuteurs permettent d’en circonscrire l’action entre 1597 et 1603, c’est-à-dire six à douze ans après la mort de Giovannini8.
4À la différence du Petrarchista originel qui rapporte le voyage à Fontaine de Vaucluse du personnage de Sannio en recherche de quelques informations sur la personnalité de Laure afin de composer un commentaire sur l’œuvre de Pétrarque, le dialogue de Giovannini se déroule dans la demeure du poète toscan à Arquà : ainsi Franco évoque-t-il l’un des lieux imprégnés de l’esprit de Pétrarque, le lieu qui a vu la naissance de son amour, tandis que Giovannini, de son côté, conduit le lecteur dans la maison où Pétrarque a rendu son dernier souffle ; et c’est sous le signe de la mort que tout le dialogue va se développer.
5Il Petrarchista de Giovannini est le guide le plus complet de ce lieu voué au culte du poète qui ait été imprimé avant le Petrarcha redivivus de Giacomo Filippo Tomasini, publié à Padoue en 16359 ; et l’on s’aperçoit que l’objectif principal de ce dialogue réside indubitablement dans sa visée didactique et divulgative : il a pour objet non seulement la description des lieux où Pétrarque a vécu à partir de 1370 et où se trouve son tombeau, mais, ainsi que le déclare le sous-titre, l’explication de toutes les actions du poète10, et donc la rédaction d’un précis biographique. C’est pourquoi Giovannini, en adoptant une dynamique maître/élève et redoublant ainsi le rapport entre auteur et lecteur, a choisi la typologie du dialogue entre deux interlocuteurs, le noble Claudio Gozzadini, qui part de Bologne pour visiter Arquà, et le noble Padouan Giovanni Paolo Valabio, qui assume la tâche d’accompagner Gozzadini dans sa visite et de répondre à toutes ses questions. Cette dynamique verticale maître/disciple se transforme toutefois, de temps en temps, en dynamique horizontale fondée sur la commune admiration pour Pétrarque et sur la découverte de manuscrits du poète, ce qui permet de constituer la base d’un dialogue proche d’un véritable débat entre les deux personnages (même si parfois ce débat se réduit à un échange d’impressions sur les lieux de leur visite).
6Après le préambule du narrateur sur les circonstances du voyage de Gozzadini et de sa rencontre avec Valabio, et après la description détaillée du paysage d’Arquà – dont l’auteur, en en relevant les défauts, nous dépeint l’image d’un lieu peu agréable mais convenant parfaitement au recueillement intellectuel du poète –, les deux personnages entrent physiquement dans la maison de Pétrarque, « fonctionnelle et commode, plus que fastueuse et imposante11 ». Le décor de ce « dialogue en action » change alors au fur et à mesure que les deux protagonistes se déplacent d’une pièce à l’autre discutant des objets qu’ils voient et dont ils fournissent la description au lecteur (par exemple la sculpture de Lucrèce romaine, la chaise du poète, son chat empaillé qu’il aurait aimé plus que Laure, les fresques inspirées des situations et des métaphores du Canzoniere commandées par Paolo Valdezocco au milieu du XVIe siècle, ou encore les aiguilles à coudre, les épingles, le peigne – c’est-à-dire les reliques mortelles – de Laure12). Autrement dit, la scénographie coïncide avec le sujet du dialogue, le lieu où il se déroule devient sa matière, en parallèle à l’articulation du discours d’une chambre de la mémoire à l’autre suivant la biographie et la production du poète. Il faut signaler, en particulier, qu’au début des indications fournies par Valabio, les peintures qui embellissent le petit bâtiment sont décrites succinctement comme des tableaux représentant Pétrarque et Laure en conversation, ce qui anticipe le « dialogue des morts » que Laure et Pétrarque vont instaurer par lettres dans la suite de l’œuvre. En effet, arrivé dans le petit bureau, Valabio montre à Gozzadini une clé avec laquelle il peut ouvrir les coffres qui contiennent les documents du poète et accéder aux secrets de Pétrarque13. Le petit bureau, la bibliothèque du poète, correspondent bien au lieu recueilli propre au dialogue humaniste, séparé du reste du monde ; néanmoins, à partir de ce moment les protagonistes du débat ne sont plus les deux personnages, mais plutôt les documents retrouvés dans la maison, non seulement parce qu’ils sont lus et commentés par les interlocuteurs, mais surtout parce qu’ils instaurent, de manière croissante au fil de l’œuvre, un dialogue entre eux-mêmes et avec d’autres textes. Ce dialogue affranchit les documents des propos de Valabio et de Gozzadini et les rend porteurs d’une instance discursive autonome.
7Les informations sur la vie, les lieux et les œuvres de Pétrarque sont donc fournies au visiteur – et, par lui, au lecteur –, principalement à travers les textes que Valabio et Gozzadini trouvent dans les tiroirs du bureau du poète. Déjà, dans le Pétrarquiste de Niccolò Franco le personnage de Sannio récitait à Coccio, son interlocuteur, plusieurs morceaux extraits de lettres écrites ou reçues par Pétrarque, qu’il avait vues en France et qu’il avait apprises par cœur ; mais dans le deuxième Petrarchista, les deux personnages se lisent l’un à l’autre, dans le présent de l’action, les lettres de Pétrarque, de Laure et d’autres personnages. Si ces lettres, dans la fiction du dialogue, sont bien dans les mains des interlocuteurs, dans la matérialité de l’édition elles sont insérées en italiques, avec en-têtes et espacements typographiques, créant une apparence de reproduction directe : elles sont aussi dans les mains des lecteurs. Les secrets de Pétrarque – et il faut rappeler que dans le frontispice du Petrarchista de Franco le mot secreti désigne le sujet du dialogue14 – ne sont pas donc rapportés par l’échange dialogique, mais sont montrés directement au lecteur, et la lecture des interlocuteurs devient superflue. Cette différence de traitement des inédits et des apocryphes pétrarquistes se traduit par le procédé linguistique tendant à présenter les documents par le verbe udire (« écouter ») dans le premier Petrarchista, et le verbe vedere (« voir ») dans le Petrarchista de Giovannini ; si Franco, par exemple, introduit de cette façon un extrait de lettre : « San. – […] Mais écoute, Coccio, si tu veux être étonné, de quelle façon Pétrarque dans une autre lettre répondait à Benvenuto da Imola, […] car en la lisant, je l’ai gravée dans ma mémoire […]15 », Giovannini fait avancer la succession des manuscrits de la façon suivante : « Val. – Il vous plaît de voir cette copie dont le titre dit : Lettre écrite à Naples à mon Roi ? Gog. – Bien sûr que je veux la voir, ces papiers ne sont-ils pas tous des pierres précieuses ? Val. – Alors, écoutez-la16. »
8À ce propos, il y a à la fin du second dialogue une réplique significative de Gozzadini : alors que Valabio lui demande s’il lui reste quelque chose d’autre à voir, il se dit plus que satisfait de sa visite17. La satisfaction de l’interlocuteur, la plénitude de la connaissance sont atteintes non seulement à travers l’écoute et le débat, mais surtout par la vision directe des lieux et des manuscrits de Pétrarque. L’emploi du verbe vedere, justifié par la fiction de l’œuvre, accorde une plus grande autonomie aux documents, et tend à configurer le dialogue comme un véritable recueil de textes où les parties dialoguées se voient progressivement réduites à une sorte de ponctuation entre les documents, ne retrouvant leur centralité qu’à la fin, quand les deux interlocuteurs quittent la maison pour visiter le sépulcre de Pétrarque18. Explicite à cet égard l’affirmation suivante de Gozzadini, qui déclare que la vision s’est désormais imposée sur le discours et que le dialogue doit s’autolimiter pour faire place aux découvertes documentaires : « Gog. – Mais je ne voudrais pas vous retenir par un trop long discours, c’est pourquoi je veux voir ce qu’il y a de bel et bon dans cette sacoche19. »
9Par ailleurs, ces documents occupent la majeure partie du Petrarchista, soit environ 60 % du texte de Giovannini : plus de la moitié du dialogue – on le voit – n’est donc pas proprement dialogique.
10Le premier manuscrit retrouvé est une lettre envoyée à un destinataire inconnu, où Pétrarque justifie le fait qu’il n’a pas loué, dans les Rerum vulgarium fragmenta, le nez de Laure : il s’intitule Discorso mio, perché non ho parlato del Naso della mia bella Laura. La lettre, dit le personnage de Gozzadini, est si longue qu’il faut s’asseoir pour en écouter la lecture, ce qui souligne l’interruption du dialogue et l’insertion documentaire dans le texte. Ainsi, d’une part, le passage en revue des documents débute par une sorte de mise en abîme qui présente un dialogue en forme de lettre-discours ; d’autre part, le dialogue – le Petrarchista tout court – place ce passage en revue sous le signe de l’intertextualité dialogique, la question du nez de Laure étant discutée dans la Civile conversation de Stefano Guazzo20. Plus en général, le dialogue entier est entraîné par le « travail de la citation », qui se déploie surtout grâce aux renvois aux œuvres de Pétrarque (qui prennent quelquefois la forme de traductions directes de lettres du poète21) et au Petrarchista de Franco. Parmi les documents découverts il y a par exemple certaines lettres qui permettent à Giovannini de rendre compte au lecteur du couronnement poétique de Pétrarque, étape de sa biographie rappelée également dans le Petrarchista de Franco mais qui dans le dialogue de Giovannini assume une plus grande importance et fournit une occasion de digression sur le mécénat des intellectuels au XVIe siècle22. D’autre part, la traduction du testament du poète qu’on lit à la fin du second Petrarchista confirme la description de ce document faite par Sannio dans le premier dialogue23.
11Un autre pli heureusement retrouvé dans les coffres d’Arquà contient les lettres échangées entre Laure et Pétrarque. De ces lettres, les personnages du premier Petrarchista avaient déjà déploré l’absence, une absence qui, après la découverte faite dans la maison du poète, se révèle aux yeux du lecteur comme une disparition temporaire, vraisemblable et justifiée : le second dialogue comble ainsi, dans le cas présent, les lacunes du premier24. Dans l’ensemble, ce groupe de lettres – qui est indiqué comme un corpus séparé et doté de son propre titre, Lettere della mia Laura25 – retrace l’histoire des amours de François et Laure, depuis l’initiale défiance et pudeur de la femme, en réalité éprise dès la première rencontre avec Pétrarque26, jusqu’au moment où, une fois son sentiment avoué, elle finit par blâmer le poète et l’accuser de ne pas l’aimer autant qu’il le manifeste publiquement par ses écrits. Ces lettres forment le contre-chant dialogique du Canzoniere, ou mieux de sa lecture romanesque idéalisée, se présentant au lecteur comme les fragments épars d’une relation amoureuse réduite à la dimension d’une nouvelle bourgeoise, d’un récit en prose dans lequel Laure a perdu son auréole et le poète doit en même temps se dégager des soupçons d’un mari jaloux, faire front à l’hostilité d’un père qui veut préserver l’honnêteté de sa fille et éteindre les soudaines fureurs de l’aimée27. Il s’agit d’une typologie intertextuelle qui, d’une part, comme les réponses en vers de I sonetti, le canzoni et i trionfidi M. Laura in risposta di M.F. Petrarca attribuées à Stefano Colonna et publiées à Venise en 155228, prétend enregistrer les voix intérieures de la femme et du poète ; de l’autre, cherche à évoquer l’histoire prosaïque d’où les vers de Pétrarque ont jailli grâce à un processus tourmenté de sublimation. La « fiction du non-fictif » des lettres (expression de Jean Rousset qu’on peut appliquer également fort bien au paradoxe du dialogue littéraire29) simule une plus grande spontanéité de l’âme et un degré plus élevé d’approximation à la vérité des sentiments. Le portrait d’après nature de Laure qui en dérive fait donc pendant à la description du portrait de Laure, peint par Simone Martini, dans le Petrarchista de Franco, puisqu’il s’agit, dans les deux dialogues, de démystifier la mythologie de Laure et de ramener sa figure dans les frontières de la quotidienneté30.
12Laure, par exemple, démontrant ses vertus d’exégète (et les vertus d’exégète parodique de l’auteur), déplore certaines poésies de son soupirant qui, sous une apparence d’éloge, dissimulent à son avis des reproches et expriment une attitude dédaigneuse à son égard31, alors que François, par sa lettre en réponse confiée à une servante fidèle à la femme, cherche à la convaincre que ses inquiétudes n’ont pas de raison d’être32. En particulier, dans la première lettre du pli, Laure rapporte un dialogue entre plusieurs dames qui s’est déroulé chez elle et pendant lequel elles ont commenté la chanson Ben mi credea passar mio tempo omai (RVF 207) : le dialogue sur les manuscrits du poète introduit donc une lettre qui, à son tour, rapporte un dialogue ayant pour objet le commentaire de textes de Pétrarque33. Dans ce cas, de même que Valabio et Gozzadini échangent leurs impressions sur les documents retrouvés, les deux amants (par lettres) et le groupe des dames (dans le dialogue rapporté) exposent leurs différents points de vue au sujet du même texte, créant ainsi un jeu de miroirs entre les trois occasions de dialogue et un parfait parallélisme entre les deux formes de dialectique : la forme dialogique et la forme épistolaire34. On peut observer ici une zone de frontière entre le dialogue et l’ébauche de roman épistolaire formée par les Lettere della mia Laura, ou, plutôt, le moment où, sous le signe de différentes instances dialogiques, la forme nouvelle essaie de se détacher de la forme ancienne, désormais réduite à n’être que le véhicule d’un contenu indépendant de son articulation35. On comprend bien que la fonction du dialogue est devenue à peu près, dans le cours de l’œuvre, celle d’un prétexte pour permettre, par le truchement des lettres, le dialogue entre le poète et son aimée, ce que j’ai appelé le « dialogue des morts » et qui est placé au centre du Secondo Petrarchista.
13Et c’est surtout ici que le dialogue se réalise dans sa nature d’hypergenre36 disponible au « dialogue » avec d’autres formes (la nouvelle, la lettre, l’anecdote, le document officiel, la traduction) et aussi au « dialogue » avec soi-même. Cheminant avec les personnages dans la lecture des apocryphes, on s’aperçoit en effet que les renvois aux lettres de Pétrarque citées dans le dialogue de Franco se multiplient, culminant dans certaines lettres de Laure qui dialoguent directement avec les lettres du poète présentes dans le premier Petrarchista. Tandis que, dans le premier dialogue, Pétrarque annonce à Laure qu’il a quitté Fontaine de Vaucluse, dans le second dialogue Gozzadini lit une lettre dans laquelle la femme se désespère de la décision de partir prise par le poète et se met en colère contre lui37 ; de la même façon, si dans le premier Petrarchista Pétrarque écrit à Laure qu’il est tombé de cheval au retour de son couronnement à Rome, dans le Petrarchista de Giovannini elle lui répond en déplorant sa chute et en lui redisant son amour pour lui38. Notamment dans ce dernier cas où la relation entre les deux dialogues se fait plus étroite et joue également sur les détails : de même que Franco précise le lieu où la lettre a été écrite (la ville de Bologne), Giovannini ajoute une indication chronologique (le 1er décembre). Ainsi, l’instance dialogique, déjà transposée dans l’échange épistolaire entre Laure et Pétrarque, subit un nouveau déplacement, déborde du texte, et de dialectique entre deux interlocuteurs devient dialectique entre deux textes, dialogue entre deux dialogues.
14On peut donc reconnaître dans le semi-sérieux Petrarchista de Giovannini une sorte de stratification dialogique, ou mieux une série de formes discursives concentriques par rapport auxquelles le dialogue de Valabio et Gozzadini assume la fonction charnière : le centre, tant idéal que matériel, est occupé par le dialogue épistolaire entre Laure et Pétrarque ; autour de lui s’articule le dialogue entre les interlocuteurs Valabio et Gozzadini, qui constitue la modalité choisie par l’auteur pour faire connaître au lecteur la maison d’Arquà et la biographie du poète, et qui en même temps configure le cadre général de la fiction à travers laquelle les lettres et les documents apocryphes de Pétrarque peuvent être insérés dans la partition de l’œuvre ; enfin, au niveau le plus large, le dialogue intertextuel entre le premier et le second Petrarchista (et aussi entre le second Petrarchista et les œuvres du poète ou sur le poète), dont il appartient au lecteur de repérer les traces. En suivant ces traces, la lecture du second dialogue arrive à modifier rétrospectivement la lecture du premier, en limitant la portée de la critique contre le pétrarquisme le plus aveugle au profit d’informations sur la vie et les œuvres de Pétrarque, en accentuant en revanche la dimension narrative de la première œuvre, et faisant apparaître le premier Petrarchista comme un dialogue presque inachevé dont les attentes suscitées chez le lecteur trouvent leur dénouement dans la seconde partie. Toutes ces instances discursives semblent remplacer l’interaction verbale et la coopération intellectuelle du dialogue humaniste, et permettent de considérer Li due Petrarchisti comme un seul dialogue divisé en deux journées qui se répondent, quoique se déroulant à soixante ans d’intervalle. Cette structure en deux parties, qui, comme dans le Canzoniere, semble représenter l’horizon de la vie (Fontaine de Vaucluse) et l’horizon de la mort (Arquà), peut également être vue comme la métaphore suggestive de la vitalité du dialogue humaniste et de son crépuscule, dont la lumière rémanente éclaire déjà d’autres formes.
Bibliographie
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Li due Petrarchisti Dialoghi di Nicolò Franco & di Ercole Giovannini : Ne’quali con vaga dispositione si scuoprono bellissime Fantasie, nuoui, & ingegnosi Secretti sopra il Petrarca ; E si danno a leggere molte Lettere Missive, e Responsive, che lo stesso Petrarca in lingua Toscana scrisse…, Venetia, Appresso Barezzo Barezzi, 1623.
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Notes de bas de page
1 Cf. G. Galilei, Dialogue sur les deux grands systèmes du monde, traduit de l’italien par R. Fréreux avec le concours de F. de Gandt, Paris, Le Seuil, 1992, p. 42 (en italien : G. Galilei, Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo tolemaico e copernicano, edizione critica e commento a cura di O. Besomi e M. Helbing, 2 vol., Padova, Antenore, 1998, vol. I, p. 6 : « Ho poi pensato tornare molto a proposito lo spiegare questi concetti in forma di dialogo, che, per non esser ristretto alla rigorosa osservanza delle leggi matematiche, porge campo ancora a digressioni, tal ora non meno curiose del principale argomento. »)
2 Cf. G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Le Seuil, 1982, p. 225-229, en particulier p. 226 : « Mais enfin le supplément évoque bien l’idée d’une addition facultative, ou pour le moins excentrique et marginale, où l’on apporte à l’œuvre d’un autre un surplus qui relève plutôt du commentaire ou de l’interprétation libre, voire ouvertement abusive. »
3 Li due Petrarchisti Dialoghi di Nicolò Franco, & di Ercole Giovannini : Ne’ quali con vaga dispositione si scuoprono bellissime Fantasie, nuovi, & ingegnosi Secretti sopra il Petrarca ; E si danno a leggere molte Lettere Missive, e Responsive, che lo stesso Petrarca in lingua Toscana scrisse…, Venezia, Barezzo Barezzi, 1623. Roberto Bruni, dans N. Franco, Il Petrarchista, a cura di R.L. Bruni, Exeter, University of Exeter, 1979, p. 112-118, fournit une description de cette édition et des différences entre l’editio princeps du Petrarchista de Franco et la rédaction expurgée imprimée par Barezzi. Le dialogue de Giovannini est inséré dans le volume à la suite du Petrarchista de Franco, avec un frontispice autonome et une nouvelle numérotation des pages (p. 1-198) : « il | petrarchista | dialogo | di ercole giovannini | Nel quale si spiegano tutte le Attioni del Petrarca, la sua | Coronatione, e Cittadinanza di Roma ; gli Amori ; | le Peregrinationi ; e le Solitudini, ch’esso | ha passato in questa vita : | E leggonsi vari Discorsi, Inuettive, ed’altre Curiosità | singolari : & molte sue Lettere scritte | [sur deux colonnes] [colonne de gauche] Al Re Roberto di Napoli, | Al Conte dell’Anguillara, | A Madonna Laura, | A Tomaso Messinese, | Al Cardinal Colonna, | A Giouanni Boccaccio, | [colonne de droite] A Giacopo Garatori, | A M.T. Cicerone, | Ad Anneo Seneca, | A T. Liuio, | A M. Varrone, | Alla Città di Fiorenza, | [à nouveau au centre de la page] Et ad altri molti nella fauella Toscana : | E Molte altre cose notabili ci sono, non piu intese, ne | viste in luce. | Con licenza de’Superiori, & Priuilegio. | [marque typographique] | in venetia, m dc xxiii. | [filet] | Appresso Barezzo Barezzi. » Le titre du dialogue est rappelé au début du texte, mais avec une remarquable variation qui le désigne comme la véritable suite du premier Petrarchista (« Il secondo Petrarchista Dialogo d’Ercole Giovannini » ; et cf. la fin du dialogue de Franco, p. 109 : « il fine | Del primo Petrarchista di Nicolò Franco »). Giovanni Mario Crescimbeni affirme aussi qu’il existe aussi une édition autonome du dialogue de Giovannini (cf. G.M. Crescimbeni, Dell’istoria della volgar poesia, Venezia, Basegio, 1730-1731, p. 322 ; E. H. Wilkins, Studies on Petrarch and Boccaccio, edited by A.S. Bernardo, Padova, Antenore, 1978, p. 136).
4 Sur Girolamo Giovannini, cf. U. Rozzo, « Erasmo espurgato dai “Dialogi piacevoli” di Nicolò Franco », dans Erasmo, Venezia e la cultura padana del’500, Atti del XIX Congresso Internazionale di Studi Storici. Rovigo, Palazzo Roncale (8-9 maggio 1993), a cura di A. Olivieri, Rovigo, Minelliana, 1995, p. 193-208 ; Id., « L’espurgazione dei testi letterari nell’Italia del secondo Cinquecento », dans La censura libraria nell’Europa del secolo XVI, Convegno internazionale di studi, Cividale del Friuli (9-10 novembre 1995), a cura di U. Rozzo, Udine, Forum, 1997, p. 219-271 ; E. Pierazzo, « Un intellettuale a servizio della Chiesa : Girolamo Giovannini da Capugnano », Filologia e critica, XXII, 1998, p. 206-248 ; R.M. Ridolfi, « Giovannini, Girolamo », Dizionario biografico degli italiani, vol. 56, Roma, Istituto della Enciclopedia Italiana, 2001 ; sur l’expurgation des Dialogi piacevoli de Franco opérée par Giovannini, cf. F. Pignatti, « Invenzione e modelli di scrittura nei “Dialogi piacevoli” di Niccolò Franco », dans Cinquecento capriccioso e irregolare. Eresie letterarie nell’Italia del classicismo, Seminario di letteratura italiana. Viterbo (6 febbraio 1995), a cura di P. Procaccioli, A. Romano, Manziana, Vecchiarelli, 1999, p. 99-110 ; N. Franco, Dialogi piacevoli, a cura di F. Pignatti, Manziana, Vecchiarelli, 2003, p. 48 et 73-77.
5 La incoronatione della santità di n. s. pp. Gregorio XIIII nuouamente fatta in S. Pietro di Roma […] dal sig. Ercole Giouannini, Venezia, Giovanni Antonio Rampazetto, 1590 (et Verona, Discepolo, 1591). À Ercole Giovannini (poète burlesque) est erronément attribuée La incoronatione della santità di N. S. PP. Leone XI, fatta in S. Pietro di Roma, Venezia, ad instanza d’Iseppo Marcello, 1605 (cf. ad vocem, Le edizioni veneziane del Seicento. Censimento, a cura di C. Griffante, con la collaborazione di A. Giachery, S. Minuzzi, Milano, Editrice Bibliografica, 2006; Catalogue of Seventeeth Century Italian Books in the British Library, London, The British Library, 1986).
6 Cf. à ce sujet D. Romei, « Poesia satirica e giocosa nell’ultimo trentennio del Cinquecento », http://www.nuovorinascimento.org/n-rinasc/saggi/pdf/romei/cinquec.pdf (consulté le 4 décembre 2014), 21 agosto 1998, p. 11, 16 et 31. Dans le troisième volume du recueil de Barezzi sont erronément attribués à Giovannini le CapitoloDella Quartana al Duca di Fiorenza de Pierre l’Arétin (« Nel tempo, che volavano i pennati », fos 129v°-132v°), le Capitolo, nel qual mostra non voler esser chiamato Messere de Francesco Sansovino (« Signor Tomaso vi faccio sapere », fos 123v°-125v°) et le Capitolo in lode del Pulice (« Afferma ogni spirto pidocchioso », fos 126r°-127r°), remaniement d’un capitolo de Lodovico Dolce ; en revanche, le Capitolo in lode della Minestra di Lasagne (« Cantaro altri la menta, altri la fava », fos 127v°-129v°), le Capitolo, nel qual si duole d’uno, che l’habbia biasmato, acciò non habbia un certo officio appresso un Principe (« Quella buona persona, che vi scrisse », fos 132v°-133v°, attribué à Gabriele Simeoni par Domenico Maria Manni, Le veglie piacevoli …, vol. 2, Venezia, Zatta, 1762, p. 72), le Capitolo, co’l quale rende gratie de’favori havuti dal sudetto Sig. Clarissimo (« Se mai beessi al fonte di Parnaso », fos 134r°-135v°) et le Capitolo in lodo della Rogna, a Messer Desiderio suo fratello (« Non tengo, che sia danno, né vergogna », fos 135v°-139r°). Selon Romei (« Poesia satirica e giocosa… », art. cit., p. 31), l’auteur du Petrarchista et l’auteur des quatre capitoli burlesques, frère de Girolamo et de Desiderio, ne sont que deux homonymes. Cf. aussi D. Zanini da Capugnano, La cronaca contadina (1447-1630), introduzione, testo critico e note di A. Giacomelli, Bologna, Pàtron, 1994, p. 41-51.
7 Cf. Delle rime piacevoli del Borgogna, Ruscelli, Sansovino, Doni, Lasca, Remigio, Anguillara, Sansedonio, E d’altri vivac’Ingegni […] Libro Terzo, dans le recueil Delle rime piacevoli del Berni, Casa, Mauro, Varchi, Dolce, et d’altri Auttori…, Vicenza, Barezzo Barezzi, 1603, fos A4v°-A5r° : « Ercole Gioannini è di Capugnano luogo su’l Bolognese ; haveva un ingegno molto bello, e candido, et ha composto altre cose in volgare, che forse usciranno in luce. Essendo a i servigi del signor cavallier Visconte favoritissimo di papa Gregorio XIV. morì in Roma l’anno 1591. e di sua età 27. et prometteva bei frutti di sé, quando fosse vissuto. » Dans ce recueil, ses capitoli sont dédiés à Tommaso Morosini. Les indications biographiques ont été reprises par Giovanni Fantuzzi, Notizie degli scrittori bolognesi, IV, Bologna, Stamperia di San Tommaso d’Aquino, 1784, p. 174-175 : Fantuzzi ajoute que Giovannini entre au service de « Visconte » (le cardinal Alfonso Visconti) alors que ce dernier est à Bologne comme « Presidente dell’Acqua delle tre Legazioni ».
8 Cf. E. Giovannini, Il Petrarchista, in Li due Petrarchisti, éd. cit., p. 39 : « Val. Di gratia non siate tanto fiero nemico dell’età nostra, poscia che vedesi producitrice ancora di Mecenati. Alfonso d’Este [mort en 1597] sì fattamente portossi co’l Pigna, che benché uscito fusse di Favano picciola terra Modenese, e figliuolo d’un Speciale, con tutto ciò divenne governatore quasi assoluto di quello Stato ; Antonio Montecatini filosofo acutissimo [mort en 1599] ; Gasparo Sardi diligentissimo istorico ; il Vico da Parma, et il Legorio Napolitano Antiquarii ; et il Cavalier Guarini di grido, e di fama illustrissimo [mort en 1612]. Gog. – Ritornate pur a dirmi de’morti [à l’exception de Guarini ?]. Val. – Questi morirono quasi hier l’altro, ma per contentarvi udite quali, et quanti sieno li Signori, che abbracciano gli addottrinati […] ; Iacomo Buoncompagno [mort en 1612] Duca di Sora […] hora usa ogni diligenza, perché sia composta la vita del suo Pontefice Gregorio tredicesimo, con gli eloquenti inchiostri di Giovanni Pietro Maffei Gesuita [mort en 1603] » (j’ai modernisé orthographe et ponctuation). La mention de Girolamo Gabrielli, propriétaire de la demeure d’Arquà à partir de 1603 (cf. ibid., p. 12) est probablement une interpolation. Enfin – autre donnée qui attend une vérification –, l’épître dédicatoire de l’éditeur Barezzi fait soupçonner que le personnage de Giovanni Paolo Valabio, protagoniste du dialogue, sur lequel je n’ai pas trouvé jusqu’à ce moment d’informations, est peut-être un pseudonyme qui cache « Tomaso Valabio Monaco Camaldolense, Et Priore meritissimo delle Carceri », auquel Li due Petrarchisti est dédié : « [dans le dialogue] tutto viene narrato, e felicemente spiegato, dal Molto Illustre Signor Giovanni Paolo Valabio congiuntissimo di sangue, e di spirito con Esso Lei, che s’io non erro, (et error certo non prendo) Egli, et Ella sono una istessa cosa, né altra differenza ci veggo, se non nel Nome » (cf. Li due Petrarchisti, éd. cit., f° a2v°).
9 Pour ce qui concerne le pèlerinage pétrarquien et le dialogue de Giovannini, voir H. Hendrix, « The Early Modern Invention of Literary Tourism : Petrach’s Houses in France and Italy », dans H. Hendrix (dir.), Writers’ Houses and the Making of Memory, New York/London, Routledge, 2008 ; J.B. Trapp, « Petrarchan Places. An Essay in the Iconology of Commemoration », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 69, 2006, p. 1-50 ; P. Sabbatino, « In pellegrinaggio alle dimore poetiche del Petrarca. Gli itinerari, le reliquie di Laura e il ritratto di Simone Martini nel “Petrarchista” di Nicolò Franco », Studi rinascimentali, 1, 2003, p. 61-82; La Casa di Francesco Petrarca ad Arquà, a cura di M. Magliani, testi di M. Banettin, M. Callegari, V.C. Donvito, M. Magliani della Biblioteca Civica di Padova, Milano, Skira, 2003, p. 90 ; J.B. Trapp, « Petrarch’s Inkstand and his Cat », dans Il passaggiere italiano. Saggi sulle letterature di lingua inglese in onore di Sergio Rossi, a cura di R. S. Crivelli, L. Sanpietro, Roma, Bulzoni, 1994, p. 23-40 ; A. Moschetti, « Gli oggetti relitti da F. Petrarca nella casa di Arquà », dans Parma a Francesco Petrarca, Convegno nazionale (9-10 maggio 1934), Parma, Fresching, 1934, p. 163-180 ; A. Graf, Attraverso il Cinquecento, Torino, Chiantore, 1926, p. 40-43. Cf. aussi G.F. Tomasini, Petrarcha redivivus, a cura di M. Ciavolella, R. Fedi, traduzione di E. Bianchini, T. Braccini, Pistoia, Libreria dell’Orso, 2004 (réimpression de l’édition de Padoue, 1635).
10 Le verbe spiegare (cf. supra note 3), qui figure dans le frontispice du dialogue (ainsi que dans le morceau du Dialogue galiléen cité au début de cette communication), caractérise en effet la visée didactique et l’intention explicative du texte.
11 E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 8 (« [la maison] è d’utile, e commoda, più che pomposa, e superba »).
12 La présence des reliques de Laure est un détail que Giovannini reprend de Franco : « San. – L’aver visto l’effige di Laura viva, saria stato pochissimo, se messer Roberto non me n’avesse mostro cose di maggior importanza, sì come fu un paio di forficette da l’unghie dei piedi, una scuffia da notte, un pelatoio da ciglia, una caraffella dove teneva i belletti, un nettadenti e molti fragmenti d’un orinale » (cf. N. Franco, Il Petrarchista, éd. cit., p. 40). Les reliques mortelles de Laure ont la fonction, dans le dialogue de Giovannini, de réduire génériquement la sublime image de la femme à une dimension quotidienne, tandis que dans le premier Pétrarquiste elles assument un caractère beaucoup plus avilissant, du fait qu’elles sont des objets de toilette : en particulier, les nombreux fragments du vase de nuit de Laure sont une allusion aux fragmenta vulgaires que le poète a composés en sublimant la beauté peu distinguée de son aimée. Pour une mention de la chatte empaillée contemporaine au dialogue et en relation avec l’amour du poète pour Laure, cf. A. Tassoni, La secchia rapita. II. Redazione definitiva, edizione critica a cura di O. Besomi, Padova, Antenore, 1990, VIII, XXXIII 3-XXXIV 6 (et cf. aussi la note de Gasparo Salviani à cet endroit du poème).
13 Cf. E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 17 : « Val. – […] Ora voglio farvi intendere cose forse non più sapute, et che a rari soglionsi mostrare, et io poco fa quando parlar mi vedeste con quel galant’huomo [Gabrielli], mi feci dar questa chiave, perché interamente io vi facesi [sic] rimaner contento della mia compagnia : essendo come v’ho detto per iscoprirvi secreti del Poeta, che non vi sarà disgrato l’havermi conosciuto. » L’articulation du dialogue suit donc l’architecture interne de la maison et les chambres du poète deviennent « chambres de la mémoire » évoquant sa biographie et sa production (cf. L. Bolzoni, La stanza della memoria, Torino, Euinaudi, 1995).
14 Cf. N. Franco, Il Petrarchista, éd. cit., p. 1 : « Dialogo […] nel quale si scuoprono nuovi secreti sopra il Petrarca » ; et cf. supra le frontispice de Li due Petrarchisti.
15 « San. – Ma odi, Coccio, se vuoi stupire, in che maniera il Petrarca per un’altra lettera rispondea a Benvenuto da Imola, […] perché leggendola me la scrissi ne la memoria […] », (N. Franco, Il Petrarchista, éd. cit., p. 64).
16 « Val. – Vi piace di vedere questa copia di cui il soprascritto dice : Lettera scritta a Napoli al mio Re ? Gog. – Come se la voglio vedere, non sono gioie tutte queste carte ? Val. – Uditela » (E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 65).
17 Cf. ibid., p. 197 : « Val. – Vi resta altro da vedere ? Gog. – Io sono più che sodisfatto, et obligatissimo alla vostra nobile gentilezza […]. Signor Valabio mi chiamo vinto da voi in tutto. »
18 Le Petrarchista de Giovannini termine en effet par l’image du sépulcre de Pétrarque, réalisant ainsi la volonté de Sannio : « e nel fine de l’opra [le commentaire sur Pétrarque], la sepoltura del poeta col suo epitafio, nel modo istesso, che si vede in Arquà » (cf. N. Franco, Il Petrarchista, éd. cit., p. 106).
19 « Gog. – […] Ma io non vorrei, che col lungo mio discorrere troppo vi trattenessi, per tanto voglio vedere in questa saccoccia che di buono, e di bello vi sia posto » (E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 146 ; c’est moi qui souligne).
20 Cf. S. Guazzo, La civil conversazione, a cura di A. Quondam, 2 vol., Panini, Modena, 1993, vol. I, p. 312 : « il Cavaliere […] essendo un bel naso grande ornamento della faccia, non sapeva per qual cagione il Petrarca nel lodar l’altre belle parti di madonna Laura, non avesse mai fatto molto menzione di questa : se forse egli non la tacque perch’ella avesse il naso o schiacciato o camuso o gibbuto o torto o smisurato in grossezza o in lunghezza. – Quando alla sua donna – rispose il signor Guglielmo – fosse toccato in sorte un naso deforme, si sarebbono adombrate tutte l’altre sue bellezze ; ma io voglio darmi a credere ch’ella l’avesse ben formato e di quella misura che in bellissimo viso si richiede. E se non ne fece motto, non me ne maraviglio, conciosiaché non solamente egli, per quello ch’io abbia osservato, ma tutti i gravi poeti, lodando le bellezze del capo, cioè i capelli, la fronte, le ciglia, gli occhi, le guancie, la bocca, le labbra e i denti, hanno sempre tacciuto il naso e l’orecchie, forse perché essendo ricettacoli d’escrementi, avrebbono alquanto avvilita la maestà della riverenda poesia ; massimamente il naso, il quale non fu nominato da poeta, né in lode né in biasimo, e par quasi ch’egli sia più tosto soggetto da romanzi e da capitoli bernieschi, dove piacevolmente si ragiona degli uomini nasuti. » La lettre-discours de Pétrarque, exemple d’intertextualité entre dialogues, est une réponse directe au dialogue de Guazzo : « Voi mi ricercate, c’havendo io, non più in generale, ma distintamente lodato quella gran Donna da ciascuna di quelle parti del corpo, che honestamente nomar si potevano, o almen delle più degne, non mi piacesse di lodarla espressamente del Naso. […] Questo è parte centrica del volto, e come tale da lei dipende la bellezza, et la diformità di tutte l’altri della faccia […]. Io non ho taciuto per coprir co’l silentio qualche diffetto del Naso di costei […]. Non m’ha isgomentato il timore di far sovenire altrui qualche schiffezza per esser il Naso rivo, e canale, onde si purga il capo […]. Doveranno gli huomini dire, che le laudi date alle altre membra di costei, servono tutte ad honorar quetamente il Naso ancora » (cf. E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 19-22). Comme l’a montré Emanuela Scarpa, Giovannini répond ici au dialogue de Guazzo en suivant et en plagiant la Lezzione sopra un dubio, come il Petrarca non lodasse Laura espressamente del naso, publiée à Venise (Dusinelli, 1581) : sur ce point, et plus en général sur l’intertextualité de Li due Petrarchisti, cf. E. Scarpa, « Per il naso di Laura », Rivista di letteratura italiana, XII, 2-3, 1994, p. 457-480. À ce propos, cf. aussi le dernier chapitre de A. Quondam, Il naso di Laura. Lingua e poesia lirica nella tradizione del Classicismo, Modena, Panini, 1991.
21 Si dans les dernières pages du premier Petrarchista Sannio présente une épître « retrouvée » de Pétrarque (traduction de Fam., XII, 2), dans le second dialogue les deux interlocuteurs découvrent une série de lettres écrites par Pétrarque qui sont en vérité – au-delà de quelques morceaux – la traduction intégrale de Fam., IV, 4-8 ; XI, 5 ; XXIV, 3-6 et 8, et de Sen., II, 1 (cf. respectivement E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 27-28, 30-31, 32-34, 65-68, 69-70, 174-178, 155-171 et 148-150). Le Petrarchista de Giovannini présente d’autre part la lettre de Pétrarque à Leonardo Beccanugi (cf. ibid., p. 77-78) qui figure aussi dans le dialogue de Franco. Cf. E.H. Wilkins, Studies on Petrarch and Boccaccio, éd. cit., p. 136-137. L’œuvre de Giovannini tend donc à se configurer comme un véritable dialogue-collage.
22 Cf. E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 36-40.
23 Cf. ibid., p. 178-186 ; N. Franco, Il Petrarchista, éd. cit., p. 76-77.
24 Cf. ibid., p. 69 (« Coc. – Eraci appo questa lettra, la risposta di Laura ? San. – Non c’era risposta alcuna […].V’erano lettre, che troppo chiaramente mostravano, che le cose erano andate tra loro, molto a la stretta. Pure con tutto il buono accordio, ci accadevano tuttavia degli sdegni, come suole tra innamorati ») et 73-74 (« Coc. – Eraci la copia di qualche lettra scritta da madonna Laura al Petrarca ? San. – Io non ne viddi pur una, per dire il vero. Non però, una sola lettera giudicai che Laura scrivesse al Petrarca, per una risposta del Petrarca a Laura ; ma stimai poi che più tosto fusse stata ambasciata a bocca. Eccetto se vogliam credere, che il Petrarca non avesse registrate in quaderno le lettre di Laura per buon rispetto, stimando, che le cose da lei ricevute, più tosto in core, che in libro si doveano serbare »).
25 Cf. E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 86-113. Le titre du pli està la page 85 : « Gog. – […] Vi piace che io vegga questi altri invogli di carte ? Val. – Vedeteli pure. Gog. – O come olezano, o che odore muschiato, cosa poderosa ha qui dentro da rinchiudersi, vedendo con quanta leggiadria stanno legati. Et essendo voi per vedere ogni cosa, veggiamo questa ancora. Val. – Aprite, et sodisfate al vostro, et al mio desiderio. Gog. – Così dice questo scritto : Lettere della mia Laura. Hora udite la prima » (et cf. aussi p. 106 : « Gog. – […] Ma seguitiamo le Lettere di Laura »).
26 Cf. ibid., p. 104 : « Io Messer Francesco da niun altro, che da amore fui astretta ad amarvi, et sin che amore viverà nel Mondo convien che io v’ami, che così di fare a lui da prima, che vi vidi promisi, adunque non dite che amore duri picciol tempo in cor di Donna. »
27 Cf. ibid., respectivement p. 93 et 110, 106-107 et 102.
28 Cf. R. Fedi, « Sole e pensosi. Censura, parodia, fortuna di un sonetto petrarchesco (RVF 35) », Lingua e stile, vol. XXVI, 3, settembre 1991, p. 465-481 ; G. Arbizzoni, « Una riscrittura cinquecentesca del Petrarca : I sonetti, le canzoni et i triomphi di M. Laura », dans Scritture di scritture. Testi, generi, modelli nel Rinascimento, a cura di G. Mazzacurati, M. Plaisance, Roma, Bulzoni, 1987, p. 539-547.
29 J. Rousset, « Le roman par lettres », dans Forme et signification. Essais sur les structures littéraires de Corneille à Claudel, Paris, Librairie José Corti, 1962, p. 75.
30 Cf. N. Franco, Il Petrarchista, éd. cit., p. 38-40 (« San. – […] in quel volto di Laura [peint par Simone Martini], io vidi de la sbiacca, e de la grana, e de la vernice, come in quegli di tutte l’altre. Egli mi parea che lucesse, come una maschera modanese. Non ci viddi quei miracoli, né quella neve, né quelle rose, che tante fiate disse il Petrarca […]. Erano [les cheveux] biondi onestamente, ma non tanto com’egli scrisse […]. E più ti dico, che guardai molto bene a le mani, né ci viddi tanta bianchezza, quanta io stimava, per quello che ne disse il Petrarca ») ; E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 90-91 (« Voi [Pétrarque] primamente fatte la mia [de Laure] bellezza smisurata, et dite, che mai Donna in beltà mi fu eguale. Sopra questo modo di lodare, molti se ne rideranno, massime vedendo che toltane la vostra penna, niun altro testimonio appare di sì rara bellezza […]. Per il che temo, che non si dica da quelli che le vostre rime leggeranno, non ch’io mi sia tale quale voi mi fatte, ma che voi così fingeste, a forza de gli favori da me ricevuti »). Cf. aussi R.L. Bruni, « Parodia e plagio nel Petrarchista di Nicolò Franco », Studi e problemi di critica testuale, 20, 1980, p. 61-83 ; R. Rinaldi, « “O petrarchisti, che vi venga il cancaro”. Nicolò Franco e la parte del vero nel codice lirico cinquecentesco » ; S. Bortot, « L’antipetrarchismo petrarchesco di Nicolò Franco », dans Il Petrarchismo. Un modello di poesia per l’Europa, a cura di F. Calitti, L. Chines, R. Gigliucci, Roma, Bulzoni, 2006, respectivement vol. I, p. 443-463 et vol. II, p. 165-188 ; F. Pignatti, « Niccolò Franco (anti) petrarchista », dans Autorità, modelli e antimodelli nella cultura artistica e letteraria tra Riforma e Controriforma, a cura di A. Corsaro, H. Hendrix, P. Procaccioli, Manziana, Vecchiarelli, 2007, p. 131-195.
31 Cf. E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 86-93. Sur l’exégèse comique à la Renaissance voir Cum notibusse et comentaribusse. L’esegesi parodistica e giocosa nel Cinquecento, Seminario di Letteratura Italiana. Viterbo (23-24 novembre 2001), a cura di A. Corsaro, P. Procaccioli, Manziana, Vecchiarelli, 2002, et les trois volumes Ludi esegetici, testi proposti da F. Pignatti, M. Plaisance, D. Romei, Manziana, Vecchiarelli, 2005-2010.
32 Cf. E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 94-95 ; sur le détail romanesque de la servante, cf. p. 95 : « Vedete ancora con quanti prieghi, con quanti pianti ho cercato, che questa vostra serva sia portatrice della mia lettera, il che non havrei fatto, se haver a far con qual dite voi pensato havessi. […] Io amando quanto voi l’honor vostro, ho havuto risguardo a mandarla non per persona che vi conosca, ma che sappia anco l’intimo del cuor vostro. »
33 La terminologie employée par Laure est à cet égard explicite : « commento », « ghiose », « espositioni » (cf. ibid., p. 86-89).
34 Dans le dialogue en effet, aussi que dans les lettres, « chacun voit de son point de vue et selon son caractère propre ; autant d’angles visuels que de personnages » (J. Rousset, « Le roman par lettres », art. cit., p. 74).
35 Cf. D. Maingueneau, « Le Dialogue comme hypergenre », dans P. Guérin (dir.), Le Dialogue ou les enjeux d’un choix d’écriture (pays de langues romanes), actes du colloque international de l’université Rennes 2 (17-18 octobre 2003), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 43 : « Si – comme la lettre d’ailleurs – le dialogue a été si constamment utilisé, c’est que, de par sa proximité avec l’échange conversationnel, il est d’un usage extrêmement souple. Au seizième siècle il a ainsi pu représenter la forme dominante dans laquelle s’est coulé le débat intellectuel, alors qu’au dix-septième c’est l’hypergenre épistolaire qui a pris sa place. »
36 Cf. ibid., p. 42 : « Les hypergenres (“dialogue”, “lettre”, “journal”, etc.) permettent de “formater” un texte : ce ne sont pas de genres de discours, c’est-à-dire des dispositifs de communication socio-historiquement définis, mais des modes d’organisation textuelle aux contraintes pauvres, qu’on retrouve à des époques et dans des lieux très divers et à l’intérieur desquels peuvent se développer des mises en scène de la parole très variées. »
37 Cf. N. Franco, Il Petrarchista, éd. cit., p. 68-69 ; E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 99-100. L’occasion du voyage n’est pas peut-être la même dans les deux lettres, mais la contiguïté thématique est sensible : par exemple, si dans le premier dialogue Pétrarque écrit « Verrà pur sempre meco la vaga imagine de la vostra bellezza, per testificare ai testimoni dei miei gridi, da quai occhi son accecato, da quai capegli legato, e da che mano ferito », dans le second Laure décline le même topos : « Di gratia scrivetemi quando vi siate per partire, e quando per ritornare. Dandomi qualche sicurtà, che io sia per dovervi rimaner scolpita nel cuore sì fattamente come publicate c’hor mi vi ritrovo. »
38 Cf. N. Franco, Il Petrarchista, éd. cit., p. 79-80 (adaptation de Fam., V, 10) ; E. Giovannini, Il Petrarchista, éd. cit., p. 111-113. Je désire remercier Corinne Masetti : son amitié et ses enseignements m’ont accompagné durant la préparation de cette communication.
Auteur
École normale supérieure, Pise
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