Le dialogue humaniste au service de l’écriture de soi : La última batalla y final congoja… de Jerónimo de los Ríos Torquemada (1593)
p. 313-323
Texte intégral
1Afin d’éclairer mon approche de ce texte centrée sur son écriture, je dirai d’abord quelques mots de mon cheminement. Mes premières recherches m’ont permis de mettre en évidence le caractère commun à tous les dialogues humanistes écrits en castillan (DH), qui fonde la spécificité du genre : son hybridité entre discours philosophique et mimesis littéraire. C’est-à-dire la tenue de discours abstraits, conceptuels, sur des sujets très variés en rapport avec tel ou tel aspect des préoccupations contemporaines, par des personnages qui ne sont que des porte-paroles. Au fil des articles qui ont suivi, je me suis efforcée de mettre en lumière l’importance culturelle de ce genre dans l’Espagne de Charles Quint et de Philippe II – plus de cent auteurs dont certains ont écrit plusieurs recueils comportant un nombre très variable d’œuvres d’extension tout aussi variable et dont certaines ont été traduites dans les pays voisins1. Il m’est apparu que les dialoguistes ont joué un rôle déterminant, quoique jusqu’à maintenant ignoré, dans la genèse de la littérature castillane du siècle d’or. Non seulement ils ont fait advenir à la dignité de l’écrit des pans entiers de la langue orale par la variété des sujets abordés2, mais ils ont également ébauché les stratégies modernes de représentation d’elle-même en discours de la société espagnole, à travers la mimesis de la conversation et leurs diverses tentatives de littérarité3.
2Dans cette optique, l’écriture du dialogue de Jerónimo de los Ríos Torquemada offre un intérêt tout particulier. L’auteur a recours à la forme du dialogue humaniste pour traiter un thème qui s’inscrit dans une tradition séculaire, celle de l’Ars moriendi4. Un sujet, faut-il le dire, fort peu illustré par les dialoguistes espagnols qui centrent leur intérêt sur les questions posées par la formidable transformation du monde que connaît leur époque : sur plus d’une centaine d’auteurs entre 1520 et 1600, très rares sont ceux qui consacrent un dialogue à la mort5. Le choix de cette forme par Ríos Torquemada, plutôt que de celle du traité, n’est pas anodin : en effet la polyphonie propre au DH élargit le champ de la réflexion à travers son explicitation discursive. Quelques décennies plus tôt, le médecin Montaña de Monserrate n’avait-il pas déjà exploité ces possibilités nouvelles du genre en faisant suivre expressément son Traité d’anatomie d’un Colloque dont seule la forme conversationnelle lui permettait d’exprimer des interrogations existentielles, incompatibles par leur nature même avec le niveau discursif d’un traité6 ?
3Ríos Torquemada reprend le thème de la bonne mort – magistralement illustré dans la première moitié du siècle par Alejo Venegas dans un gros traité intitulé Agonie du passage dans la mort7 – mais ce qui fait son intérêt majeur, c’est qu’il utilise les potentialités discursives du genre de telle sorte qu’il transforme dans son essence même la portée expressive de la mimesis littéraire. Quelles sont les modalités de cette transformation ?
LES PRÉCÉDENTS DE L’ÉCRITURE AUTOBIOGRAPHIQUE DANS QUELQUES DIALOGUES HUMANISTES
4Le Diálogo de las Transformaciones de Pitágoras et le Crotalón, rédigé le premier au tout début des années 1530 et le second vers la fin des années 15508, attribués aujourd’hui au même auteur, Cristobal de Villalón, offrent tous deux une série de récits autobiographiques : ceux que son coq fait à un savetier. La structure fictionnelle, empruntée à Lucien et à Apulée, qui repose sur le concept de métempsychose, laisse toute liberté à l’auteur pour narrer ce qu’il lui plaît sur le ton de la satire et faire rire autant que réfléchir.
5Fort différent est le Viaje de Turquía, écrit vers le milieu du siècle également. La matière du dialogue est constituée par le récit autobiographique que fait l’un des interlocuteurs de sa capture en Méditerranée, de sa longue captivité à Constantinople, ainsi que de sa fuite et retour en Espagne. Ce récit est ancré dans le contexte géographique et sociohistorique méditerranéen d’alors avec des notations d’une remarquable exactitude (concernant par exemple les prix donnés en différentes monnaies), cette narration attirant en contrepoint force remarques et critiques sur l’Espagne de Charles Quint par le biais du questionnement des deux autres interlocuteurs9. Du point de vue de l’écriture, ce dialogue se signale par son extraordinaire économie discursive qui utilise avec un art consommé les ressources de l’oralité tant au plan de la syntaxe (temporalité verbale, pronoms), que du lexique (jeu sur ses virtualités polysémiques) pour en tirer des effets aussi variés qu’inattendus qui font la richesse de ce texte à la fois profond et drôle10.
6Une dizaine d’années plus tard, c’est une sorte de petit récit picaresque qu’introduit Collazos dans ses Colloquios11. Deux des interlocuteurs, gentilshommes sévillans, décident d’emmener le troisième, un Flamand, voir l’une des curiosités de la ville, une courtisane retirée des affaires et devenue sage avec le temps, qui conte volontiers sa vie hasardeuse après que sa mère lui eut enseigné à séduire pour le dépouiller, tout homme montrant quelque signe de richesse. Cette courte narration au passé apparaît comme une variation littéraire destinée à divertir le lecteur en le mettant en garde, au passage, contre les folies de l’amour.
7Les textes cités ont en commun cette caractéristique qu’en aucun cas leur auteur n’interfère dans les discours de l’interlocuteur censé raconter sa vie (ou « ses vies »). De plus, comme le veut le genre, ils sont émaillés de nombreuses références extratextuelles socio-historiques qui constituent la toile de fond de ces conversations et ont pour fonction d’assurer la crédibilité didactique du texte, par la connivence ainsi établie avec les lecteurs contemporains12. Ceux-ci pouvaient, encore mieux que nous, en reconnaître l’authenticité factuelle, garantie de la véridicité du discours.
8Il en va tout autrement avec le dialogue de Ríos Torquemada. L’un des interlocuteurs assume la fonction de narrateur, en même temps qu’il est à la fois le sujet et l’objet de son propre discours. C’est par la seule vertu de l’écriture qu’il donne une consistance existentielle à l’univers intérieur dans lequel il nous introduit, le temps de l’expérience cruciale qu’il rapporte.
LA ÚLTIMA BATALLA Y FINAL CONGOJA… DE JERÓNIMO DE LOS RÍOS TORQUEMADA
L’auteur
9L’approbation du roi nous apprend que Ríos Torquemada vivait à Valladolid, où son livre a été imprimé, et avait le titre de Licenciado, titre universitaire qui permettait d’enseigner. C’est tout ce que nous savons. Nicolás Antonio mentionne l’ouvrage dans sa Biblioteca nova, sans rien dire de l’auteur. Par ailleurs, si nous considérons le texte, le registre familier de certaines expressions, aussi bien que, par exemple, l’accent mis sur le pouvoir révolutionnaire des apôtres, ces simples pêcheurs qui n’avaient ni lettres ni noblesse, laissent penser que le Licenciado était d’origine modeste.
L’édition du dialogue : un paratexte caractéristique de l’Humanisme
Le long titre
10La dernière bataille et l’ultime angoisse avec lesquelles le démon afflige l’homme à l’article de la mort pour le faire désespérer de son salut. Avec la résistance qu’il faut lui opposer pour obtenir la victoire. En récitant le psaume 120 J’ai levé les yeux vers les montagnes13. Il résume non seulement le contenu du texte et le propos de l’auteur mais indique, en outre, sa structure conceptuelle.
11L’auteur complète le titre de son dialogue avec cette indication formelle : « Il est écrit en “dialogismes” entre le Malade, la Tentation, la Prudence et la Foi14. » Dialogismo et non Diálogo : cette indication est significative car elle témoigne de la conscience proprement littéraire qu’a Ríos Torquemada d’infléchir le genre en lui imprimant une variante dont nous verrons toute l’importance. Selon la définition du Diccionario de Autoridades15, le dialogismo est en effet « une figure rhétorique et une sorte de Prosopopée que l’on fait, quand une personne réelle ou supposée, conduit toute seule une pensée en se posant les questions et les réponses comme si elle parlait avec quelqu’un d’autre16 », forme que ce dictionnaire distingue donc du dialogue. J’y reviendrai.
Les sous-titres
12En effet, la reprise de chacun des versets du psaume ponctue, à la manière caractéristique du genre, les différents moments de cette conversation particulière. Chacun des versets est d’abord cité en latin par un des personnages qui, ensuite, le répète en espagnol et le glose à des fins didactiques : cette répétition permet typographiquement de faire apparaître, en gros caractères et bien détachés du texte, ces versets latins comme autant de sous-titres indiquant un tournant dans la réflexion. Repris dans la table des matières, ils permettent d’en suivre le développement. Ce procédé de surimpression de sous-titres conceptuels intercalés dans le texte indépendamment de l’interlocution, fait partie du paratexte fréquent des DH17. Mais il faut noter, dans le cas présent, le souci proprement littéraire de l’auteur d’intégrer discursivement ces versets dans l’économie du texte : seule la présentation typographique et la table des matières les font apparaître comme des sous-titres.
13Comme c’est alors l’usage, les références des très nombreuses citations sur lesquelles s’appuie l’argumentation des interlocuteurs, sont données en marge du texte.
14Le livre a été publié chez Andrés de Merchán et le privilège accordé en 1593, mais il était terminé en mai 1591, si l’on en croit la dédicace à Don Francisco de los Cobos18 ; l’approbation du Père Juan de Sigüenza, de la Compagnie de Jésus, est de juin 1592, l’autorisation royale de juillet de la même année.
LE TEXTE
15Le texte est assez court : 108 folios in-8°, 18 lignes par folio. Il s’ouvre avec cette indication : Thema, suivi d’une citation de l’Apocalypse : Descendit ad vos diabolus, habens iram magnam, sciens quod modicum tempus habet (« Le diable est descendu parmi vous, en proie à une très grande colère sachant qu’il lui reste peu de temps »). Citation qui annonce la teneur dramatique de la situation qui va suivre. J’en résumerai d’abord le déroulement.
16Le dialogue, cela était courant, commence in medias res. Le premier interlocuteur porte un nom générique qui le désigne par l’état qui le caractérise dans le dialogue : « Malade ». Il commence en évoquant sa situation passée et les péripéties de la crise traversée par une série de métaphores topiques : dans cette vallée de larmes, gouffre de malheurs et vaste mer de tribulations, il avait fait plus de la moitié du chemin19 – il avait donc dépassé la trentaine – quand après des tracas et soucis de tous ordres, tombé gravement malade, il s’est senti mourir. Il s’efforçait de prier, quand apparut une femme d’apparence respectable et affectueuse. C’est « Tentation ».
17Suivent alors quelques échanges entre celle-ci et Malade. Puis, nous apprenons, qu’au bord du désespoir, Malade récita le premier verset du psaume 120, Levavi oculos meos in montes unde veniet auxilium deum, qu’il glose comme suit : « J’ai levé les yeux vers les hauteurs, qui sont les cieux, parce que si de là je ne reçois pas d’aide je n’ai d’où en avoir20. » Surgirent alors « Prudence » et « Foi » : leur apparition surprend l’agonisant et donne lieu à une courte scène de reconnaissance (agnition). Prudence lui reproche son peu de foi, et celui-ci, soulagé, glose le deuxième verset : Auxilium deum a Domino qui fecit coelum et terram (« Cette aide m’est venue du Seigneur, lequel a fait le ciel et la terre21 »). Tentation reprend la parole. L’agonisant s’évanouit une première fois et Prudence lui reproche sa faiblesse, en récitant le 3e verset : Non det in conmotionem pedem tuum, nec dormitet qui custodit te (« Que celui qui te garde ne laisse pas ton pied trébucher ni ne s’assoupisse22 »). L’agonisant se reprend, mais c’est Prudence qui parle : elle invective Tentation, et sa démonstration, avec force citations des textes sacrés, met cette dernière en fuite. Le répit qui s’ensuit est, cependant, de courte durée, comme l’annonce un nouveau verset dit par Prudence, Ecce non dormitavit nec dormiet qui custodit Israel, qu’elle traduit ainsi : « Regarde comme Celui qui est le gardien de son peuple ne dort ni ne dormira pas23. » En effet, le conflit va atteindre son point culminant avec le retour de Tentation à la tête d’une armée de péchés – « horribles visions ». L’agonisant s’évanouit une seconde fois, Prudence s’efforce de le réanimer et le réconforte en citant un nouveau verset, Dominus custodit te, Dominus protectio tua super manum dexteram suam, qu’elle répète : « Le Seigneur est Celui qui te garde, Lui te défendra : il a sa main droite posée sur toi24. » Elle lui fait une nouvelle recommandation avec le verset Per diem sol non uret te, neque luna per noctem, qu’elle reprend quelques lignes après (« Les rayons du soleil ne te brûleront pas ni la fraîcheur de la lune ne te fera de mal la nuit25 ») et qui annonce l’intervention de sa compagne, Foi, demeurée jusque-là silencieuse.
18Foi attaque violemment Tentation dans une longue harangue, qu’elle termine par un nouvel encouragement à l’agonisant avec ce verset : Dominus custodit te ab omni malo custodiat animam tuam Dominus (« Le Seigneur te protège et que le Seigneur protège ton âme du mal26 »). Tentation résiste encore mais Prudence la met en fuite définitivement. Avec le dernier verset, Dominus custodiat introitum tuumy exitum tuum ex hoc nunc et usque in seculum (« Que le Seigneur te protège à l’entrée et à la sortie, que le Seigneur soit ton gardien à la sortie de cette vie présente de ton exil et à l’entrée de la vie à venir […] jusqu’à la fin du siècle27 »), elle annonce la joie de l’agonisant et la fin du dialogue, suivi de la Chanson d’action de grâce de Malade à la Vierge.
19Cet aperçu permet de faire déjà deux remarques d’ordre structurel. La première est que le discours autobiographique de Malade, on l’a compris, enchâsse et sous-tend tout le dialogue. La seconde a trait à la répartition inégale de la récitation et/ou glose des versets entre l’agonisant et ses deux interlocutrices, répartition qui orchestre en quelque sorte la polyphonie des voix dans le déploiement de ce récit à la première personne d’une crise agonistique.
LA FORMALISATION DISCURSIVE DES INTERLOCUTEURS
20Les quatre protagonistes sont représentés typographiquement comme les interlocuteurs d’un dialogue courant : Malade, Tentation, Prudence et Foi. Ces noms apparaissent sans article comme les noms habituels des interlocuteurs du dialogue. De la sorte, ces quatre interlocuteurs apparaissent comme s’ils étaient dotés de la même nature : il y a une confusion voulue dans la représentation écrite de l’interlocution, entre la réalité humaine objective d’un personnage, prototype d’une situation, et les trois figures allégoriques. Cependant, quand Malade parle de l’une ou l’autre de ses interlocutrices, l’article est réintroduit, notons-le.
21Derrière cette apparence conversationnelle habituelle au dialogue humaniste, Malade apparaît de suite comme un interlocuteur très particulier, complexe autant que déterminant. Il assume les fonctions de narrateur « locuteur-énonciateur28 » et, en tant que tel, celles de narrateur actuel et metteur en scène, en même temps qu’interlocuteur agonisant dans le passé. L’interlocution proprement dite commence avec l’apparition de Tentation. Voyons maintenant le détail du jeu interlocutif.
Malade, narrateur actuel (locuteur-énonciateur) metteur en scène, et interlocuteur agonisant dans le passé
22Malade, narrateur actuel, je l’ai dit, rapporte comment, méditant sur sa mort prochaine, il trouva une consolation à ses maux, en disant pour lui-même les paroles du prophète Jérémie : In Domino confido.
Un double registre verbal
23À ce moment-là, comme si elle déclenchait la mémoire du narrateur, la citation latine est suivie de sa glose, faite au présent par l’agonisant : « J’ai confiance dans le Seigneur, j’ai confiance dans Celui qui a fait le ciel et la terre29. » Dès le début, le narrateur se met donc en scène lui-même et s’exprime sur un double registre verbal, celui du narrateur actuel qui parle de lui au passé, et celui de l’agonisant qui s’exprime au présent, le passé narratif sous-tendant le présent de ce monologue intérieur. Ensuite, il évoquera de même au présent, les réactions sensibles, physiques et émotionnelles éprouvées par l’agonisant lors de cette crise. Le narrateur se souvient : il a été une première fois au bord de l’évanouissement : « Une sueur froide m’envahit, mes cheveux se dressaient d’effroi, de sorte qu’avec la gravité de ma maladie, mes forces s’en allèrent me laissant à peine conscient30. » Et il donne la parole à l’agonisant qui constate sa solitude existentielle : « Je ne sais qui pourrait me secourir, je ne sais qui pourrait m’aider31. » L’emploi de ce présent crée l’illusion que le narrateur revit la scène avec le lecteur et, par là même, il introduit tout naturellement le présent d’interlocution qui fut celui de ses échanges avec ses interlocutrices. Ce présent du monologue intérieur coïncide avec celui de l’interlocution proprement dite du dialogue. Tout le texte va être structuré par l’alternance de ce double registre verbal selon des modalités variées, nous le verrons. Malade, le narrateur actuel, accompagne en quelque sorte la parole de l’agonisant dont il se fait le metteur en scène.
Le narrateur metteur en scène
24Le personnage assume cette fonction de metteur en scène tout au long du texte, en donnant la parole à chacune des interlocutrices de l’agonisant. Il est l’ordonnateur de l’ensemble de ces dialogismes. Il y a une exception, toutefois, lors de la dernière réplique de Prudence à Tentation. J’y reviendrai.
25Il est encore metteur en scène par sa double fonction d’énonciateur et de locuteur. Au début, lorsqu’il introduit la première interlocutrice, Tentation, il avertit préalablement le lecteur de la fausseté du personnage et du piège tendu par son apparence humaine rassurante. Voici comment :
Malade. – […] l’ancien ennemi, responsable de tout orgueil, père de tout mal, origine de tous les maux de l’âme, se comportant selon son habitude se présenta devant moi, sans revêtir une forme effrayante ni comme une vision infernale, mais, pour que je ne fuie pas ses attaques, avec le corps fantastique d’une très honnête femme, dans un long vêtement noir, et l’apparence d’une femme âgée, l’air grave, les yeux baissés et pleins de larmes, comme si mon état suscitait sa compassion. Celle-ci, que je ne reconnus pas, à cause du contraste entre ce qu’elle montrait d’elle-même et ce qu’elle renfermait au dedans, s’approcha de moi, qui, épouvanté de cette aventure, restait ébahi : s’asseyant au chevet de mon lit, elle commença à promener doucement ses mains avec tendresse depuis mon visage jusqu’à mon cœur, et, les y tenant immobiles sans qu’il fût en mon pouvoir de les ôter, avec des paroles d’amour et emplies de fausse compassion et de tromperie, elle commença à me dire : Tentation. –…32
26Après la première tirade de Tentation, Malade reprend la parole, au passé d’abord, pour relater les effets sur lui d’un tel discours dans la bouche d’une personne d’apparence aussi respectable et attentionnée. Puis il se met à nouveau en scène lui-même, en usant de la même formule conjuguée cette fois à la première personne : « je commençai à dire », pour introduire un verset du psaume 24 implorant le secours divin :
Malade. – Affligé par des paroles qui menaçaient mon âme de tant de souffrances, croyant qu’une personne d’une telle autorité ne pouvait abriter que toute la vérité, hérissé de me voir si près des peines de l’enfer, je commençai à dire : « Seigneur montre-moi Tes chemins et enseigne-moi Tes voix, guide-moi Seigneur dans Ta vérité et enseigne-moi parce que Tu es mon Dieu et mon Sauveur. » Et disant cela, ma voix sortant à peine de mes lèvres, tout tremblant et vacillant, je trouvai un peu de force pour pouvoir répondre :
– Si tu as de la peine pour moi, tu as raison si tu es convaincue de ce que tu dis comme tu me l’as fait voir pour que je ne me fie pas à la grâce et à la miséricorde divine, mais je ne veux ni cesser de craindre parce que je suis pécheur ni cesser d’espérer dans la miséricorde, etc.33
27Remarquons l’habileté de l’auteur qui se sert du présent du psaume, à valeur universelle, pour lui donner en outre, dans le contexte, la valeur personnelle de son utilisation singulière et particulière, ce qui a pour effet, encore, d’actualiser la scène. Malade, narrateur actuel, accompagne en quelque sorte la parole de l’agonisant dont il se fait le metteur en scène, faisant suivre son discours indirect au passé du discours direct au présent de l’interlocuteur agonisant : l’imprimeur a reflété typographiquement ce changement de voix avec un point à la ligne et un tiret.
28Lorsqu’ensuite Malade introduit les deux autres interlocutrices, Prudence et Foi, il note d’abord la soudaineté de leur apparition, indiquant par là au lecteur la surprise de l’agonisant : nous retrouvons là une autre trace de la distinction entre l’énonciateur et le locuteur, dont le narrateur développe le rôle en esquissant une scène d’agnition. La présentation qui suit des nouvelles venues réunit l’énonciateur et le locuteur dans la série filée de métaphores poétiques qui entraînent l’imagination du lecteur vers le domaine céleste :
Malade. – Je venais de dire ces mots quand, soudain, je vis en ma présence une très belle jeune fille, dont le visage resplendissait comme les rayons du soleil, ses vêtements étaient d’une valeur inestimable, sa beauté paraissait céleste et sa grâce excéder celle que peut donner la nature humaine. Elle amenait avec elle une autre jeune fille semblable à elle, qu’elle tenait par la main, et quiconque les aurait vues les aurait prises pour des Anges et je les pris pour tels, croyant que Dieu avait entendu mes clameurs et que dans sa grâce il les avait envoyées pour me venir en aide. Mais la première, en se montrant quelque peu irritée, commença à me dire : Prudence. –…34
29Le recours systématique à la formule « elle commença à me dire » et ses quelques variantes « elle me répondit », « elle répliqua à nouveau », « elle commença à me réprimander », « elle commença à dire ainsi », « je commençai à dire »35, etc., introduit la parole conversationnelle. L’alternance entre le discours narratif indirect au passé et le discours direct de l’interlocution dialogique ainsi introduit, permet d’établir en parallèle une double temporalité à l’intérieur même du discours autobiographique de Malade. Celui-ci, au cours d’une même intervention, utilise le passé narratif propre à son récit et le présent dialogique qu’il partage avec ses interlocutrices.
30Le comportement discursif de Malade offre des variantes appréciables : il est narrateur actuel, narrateur et locuteur agonisant se parlant à lui-même, narrateur et interlocuteur agonisant dialogique. Sur ses 17 prises de paroles, l’interlocuteur agonisant n’intervient que cinq fois, au début de la conversation proprement dite et à la fin, tandis que ses trois autres interventions correspondent à des moments-clés : lors de sa reconnaissance implorante de Prudence et Foi, puis à deux moments de crise et de faiblesse surmontée. Ce rôle limité de l’interlocuteur agonisant en fait une sorte de spectateur de la controverse entre Prudence et Tentation, dont les interventions gagnent alors en extension, ce qui concorde du point de vue de la mimesis fictionnelle avec la réalité physique de la faiblesse de l’agonisant.
31Parallèlement, le recours du narrateur au discours indirect s’intensifie, ce qui apporte une variété interlocutive appréciable.
32Enfin, paradoxalement, ce double registre discursif établit une distinction nette entre Malade et ses interlocutrices, distinction qui correspond à la radicale hétérogénéité des deux réalités représentées. Il y a, d’une part, simple et évidente, la réalité objective, corporelle, sensible, de Malade qui rapporte au passé une expérience d’agonie vécue. Mais cette expérience comporte une réalité imaginaire, subjective, à laquelle le présent confère un semblant de crédibilité, donc de réalité.
33Malade, narrateur, parle de lui au passé, nous laissant supposer qu’il est guéri, mais le présent dialogique confère une réalité à ses interlocutrices à travers lui (narrateur) et sa propre voix (interlocuteur).
Le jeu interlocutif : les interlocutrices
34Un examen attentif du discours des interlocutrices met en lumière la richesse des moyens stylistiques utilisés par Ríos Torquemada pour animer, au sens théâtral du terme, des exposés dont la matière est celle des sermons ou des traités religieux.
35C’est d’abord le recours à une syntaxe propre à l’oralité, comme par exemple lorsque Tentation tente de désespérer Malade avec la répétition à quatre reprises du verbe dire36, une série d’interrogations et une antithèse en guise de conclusion :
N’as-tu pas entendu dire ce que dit Jacques dans la Lettre canonique ? À quoi sert, mes frères, que quelqu’un dise qu’il a la foi s’il n’a pas les œuvres, la foi seule suffirait-elle à le sauver ? Et ce qu’il dit ensuite : la foi sans les œuvres est morte. Si de cette façon la foi est morte, comment peut-elle donner la vie ? Si elle ne peut donner la vie, celle du ciel, elle ne peut que donner la mort en enfer. Et ce qu’il dit plus loin : la foi sans les œuvres est morte.37
36Cette syntaxe s’accompagne d’un registre lexical familier comme lorsqu’elle interpelle ensuite Prudence :
Oh, comme tu te trompes, si avec tes vaines paroles de feinte consolation tu penses m’avoir défaite pour que je ne te réponde pas ni te confonde, et celui qui t’a prise pour le défendre ne peut pas savoir le piètre secours qu’il peut recevoir de toi. Et je veux te répondre à ce que tu as dit d’abord de la miséricorde du Seigneur, car même s’il en est ainsi que tu dis, que la miséricorde de Dieu ne conduit personne en enfer, au moins tu ne pourras pas dire qu’elle conduise qui que ce soit au paradis…38
37Tout en utilisant, notons-le, une terminologie qui rappelle le débat scolastique et souligne son opposition : concluir, responder, confundir, defensora, quiero responderte (« je veux te répondre »), avec ensuite, à nouveau, la répétition du verbe « dire » – répétition qu’il faut interpréter comme une marque voulue d’oralité39.
38Prudence, qui n’est pas en reste, termine sa harangue sur le même ton, proche de la comédie : « Ferme ton bec, menteuse et cesse de dire des paroles pleines de fausseté40. » Comme elle reproche sa faiblesse à Malade sur le ton d’une mère qui gourmanderait son fils : « Oh, faible et couard et de peu de forces et de cœur41 » ; « Oh faible et couard, homme sans aucun courage42. »
39C’est, ensuite, une utilisation subtile des pronoms qui, sémantiquement contextualisés dans le discours, suggèrent que l’interlocutrice qui parle s’adresse alternativement à celle qu’elle entend contredire et à Malade. Ainsi, dans sa troisième intervention, Tentation s’adresse à Prudence et, tout-à-coup, le lecteur comprend qu’elle s’est tournée vers l’agonisant, puis qu’elle revient directement à Prudence :
Toute la vie est dépensée en vanités, en paroles oiseuses et après tu voudrais qu’ils confessent en une heure les péchés d’une année entière ? Oh, misère de toi, benêt, qui es abusé, même s’il te restait dix années de vie, elles ne suffiraient pas à confesser les méfaits que tu as commis. Et avec tes fausses raisons tu le fais vivre avec l’espoir de trouver dans la mort un repos qu’il n’aura pas…43
40De même, plus tard, Foi répond à Tentation pour nier toute valeur à ses arguments et s’exprimer en tant que telle, puis l’apparition d’un tú dans son discours, fait comprendre au lecteur qu’elle parle à Malade.
41Enfin, l’emploi du singulier et du pluriel ainsi que des pronoms dans le cours des longs développements de Tentation, Prudence et Foi met l’accent sur la volonté de l’auteur d’entretenir l’illusion conversationnelle dans un but didactique, dans un discours dont la teneur est celle du traité pour ne pas dire d’un sermon.
DISCURSIVITÉ ET SENS DU TEXTE : LES DIALOGISMOS DE J. DE LOS RÍOS TORQUEMADA
42Il y a indéniablement une visée didactique propre au genre par l’intermédiaire de Malade, narrateur actuel d’une expérience passée singulière et particulière, à travers laquelle il s’agit de faire passer un message universel : un message de foi et de confiance en la miséricorde divine, tourné donc vers cette vie et, ce faisant, l’auteur se fait l’écho des controverses religieuses de l’époque. Ce texte est bien un dialogue humaniste.
43Mais en même temps, il repousse sinon dépasse les frontières formelles du genre, de plusieurs manières et, ce faisant, écrit « autre chose ». C’est d’abord, nous l’avons vu, le rôle déterminant d’ordonnateur du récit attribué à Malade à travers la trouvaille que représente le parallélisme discursif de sa double temporalité. Son récit d’une expérience personnelle, singulière et particulière, fonde la cohérence de l’ensemble du texte à visée universelle. Le personnage acquiert une dimension inédite : celle de sa perception intime de soi dans sa propre durée vitale. L’expérience passée a laissé des traces dans son psychisme. Là apparaît la trouvaille novatrice dans toute sa dimension. En effet, les dialogues humanistes se caractérisent par le fait d’être des conversations sur des sujets d’époque, auxquels les interlocuteurs demeurent extérieurs dans le présent de la conversation car c’est leur intellect qui s’exprime, selon une démarche de raison qui garantit l’objectivité de leurs discours. S’ils se réfèrent à leur expérience vécue, et vérifiable par autrui, c’est pour la mettre en jeu dans la discussion, comme un joueur sortirait un atout dans une partie de cartes. Tout au plus le récit de vie est-il devenu sujet de conversation, de réflexion et de discussion.
44Il en va tout autrement des Dialogismos de Ríos Torquemada. La conversation est celle du personnage avec lui-même, selon la définition du terme en espagnol. Ce texte évoque la réalité visible du personnage de Malade agonisant dans son lit, avec quelques éléments représentatifs, sa faiblesse physique illustrée par les deux évanouissements rapportés par le narrateur ; mais, surtout, il met en scène sa réalité intérieure, celle de sa conscience. Il dit sa solitude existentielle, ses angoisses et ses doutes que matérialisent tour à tour les interventions contradictoires et virulentes de ses interlocutrices. Il est remarquable que l’on puisse tout aussi bien donner de ce texte une interprétation rationnelle : ces figures allégoriques ne seraient-elles pas des hallucinations causées par la fièvre ? Il est également symptomatique que, dans son unique intervention, Foi se refuse à répondre aux arguments de Tentation :
Je ne veux pas répondre à tes objections théologiques, ni apporter en témoignage de mon intention véritable les autorités de saints et très savants docteurs, des hommes en qui l’Église catholique romaine a confiance et tient pour véridiques, car ton effronterie te fera nier tout ce que la foi présuppose.44
45Ce discours reflète l’unité psychique reconquise du narrateur. Autrement dit, l’expression de la foi retrouvée par celui-ci, après l’évocation de tous les motifs de doute surmontés (sont évoquées les hantises de l’époque avec Mahomet, Luther et mêmes des athées).
46Je conclurai en insistant sur la trouvaille de cette une écriture novatrice. Par son traitement particulier de la forme dialoguée, l’auteur réussit à « représenter » une véritable expérience de soi, une expérience intérieure, une expérience limite, pourrait-on dire, en la donnant comme une sorte de spectacle intime auquel il convie son lecteur. Narrateur actuel, guéri par conséquent, et interlocuteur passé agonisant, le personnage, par le va-et-vient entre passé et présent, incarne une durée, celle inscrite dans son psychisme, et surtout témoigne lui-même de sa propre transformation. C’est en cela qu’il annonce le protagoniste du roman moderne, dont il incarne au plus haut degré l’existence problématique : ce dialogue n’est-il pas, en fin de compte, un art de vivre jusqu’à la dernière minute plutôt qu’un art de mourir ?
47Les stratégies d’écriture de Ríos Torquemada font « imploser » la discursivité tournée vers l’extérieur et soucieuse d’objectivité qui caractérise le DH : ses dialogismos recréent un univers, au sens fictionnel du terme, celui de la conscience du narrateur. Il témoigne en cette fin de siècle de la capacité littéraire à exprimer le Moi de l’individu : à ma connaissance, il est le premier (avec les maladresses du pionnier) à franchir ce pas décisif dans la genèse de l’écriture romanesque moderne. Il revenait sans doute, paradoxalement, à un texte de nature religieuse de marquer l’avènement en littérature de la conscience individualiste moderne avec cette représentation immanente de l’intériorité du soi.
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Notes de bas de page
1 Cf. J. Ferreras, Les dialogues espagnols du XVIe siècle ou l’expression littéraire d’une nouvelle conscience, 2 vol., Lille, Université de Lille, 1985, p. 15-46 ; Los diálogos humanísticos del siglo XVI en lengua castellana, Murcia, Universidad de Murcia, 2003 et 2008, p. 21-54.
2 Cf. Id., « Géneros literarios en la España del siglo xvi : el Diálogo humanístico, crisol de experimentaciones literarias », dans C. Strosetzki (dir.), Aspectos históricos y culturales bajo Carlos V. Aspekte der geschichte und Kultur unter Karl V, Madrid/Frankfurt am Main, Iberoamericana/Vervuert, coll. « Studia Hispanica », vol. 9, 2000, p. 288-308 ; réédité dans Cuadernos Americanos. Nueva época, 94, Mexico, UNAM, 2002, p. 127-146.
3 Cf. Id., « Las marcas discursivas de la conciencia individualista en el diálogo humanístico del siglo xvi », Criticón, 81-82, 2001, p. 207-227 (sur la notion de littérarité, cf. G. Genette, Fiction et diction, Paris, Le Seuil, 1991).
4 Cf. V. Infantes, Las danzas de la muerte. Génesis y desarrollo de un género medieval (siglos xiii-xvii), Salamanca, Universidad de Salamanca, 1997.
5 Citons les Diálogos de la preparación a la muerte de Don Pedro de Navarra y Labrit, Tolosa, Jacobo Colomerio, 1565 ( ?) ; le sixième dialogue du recueil de Hector Pinto, Imagen de la vida christiana, ordenada por diálogos […] el sexto, de la memoria de la muerte, Madrid, Pierre Cusin, 1572, réédité en 1573 et 1579.
6 Cf. J. Ferreras, « Du traité au dialogue : les enjeux linguistico-philosophiques de l’humanisme », dans P. Guérin (dir.), Le Dialogue ou les enjeux d’un choix d’écriture (pays de langues romanes), actes du colloque international de l’université Rennes 2 (17-18 octobre 2003), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 177-202.
7 Agonía del tránsito de la muerte, suivi de Breve declaración de las sentencias y vocablos obscuros que en el libro de la muerte se hallan, édition critique avec introduction et notes de M. Zuili, Paris, L’Harmattan, 2001.
8 Cf. A. Vian Herrero, introduction à son édition du Diálogo de las transformaciones de Pitágoras, Barcelona, Sirmio, 1994, p. 96 et 160-164.
9 Cf. Voyage de Turquie, trad. J. Ferreras, G. Zonana, Paris, Fayard, 2006.
10 Cf. J. Ferreras, « Apuntes sobre la escritura del Viaje de Turquía », El Siglo de Oro en escena. Homenaje a Marc Vitse, Toulouse, Presses universitaires du Mirail/Consejería de Educación de la Embajada de España en Francia, 2006, p. 297-309.
11 Cf. A. Vian Herrero, « Úrsula de los Coloquios de Baltasar de Collazos (1568) y las tradiciones literarias de la interlocutora y de la pícara », dans C. Couderc, B. Pellistrandi (dir.), « Por discreto y por amigo ». Mélanges offerts à Jean Canavaggio, Madrid, Casa de Velázquez, coll. « Bibliothèque de la Casa de Velázquez », vol. 88, 2005, p. 453-470, ici p. 453 et 469-470.
12 Ces références sont multiples. Elles se rapportent au décor conversationnel – à travers les commentaires des interlocuteurs des Diálogos de Pedro Mexía sur les maisons de Séville au cours de leur promenade ; l’évocation des jardins du monastère dans les Nombres de Cristo de Luis de León ou ceux du palais de Benavente dans les Colloquios de Antonio de Torquemada – ou bien les interlocuteurs dont l’auteur lui-même sont des personnages historiques – cas du célèbre Diálogo de la lengua de Valdés, mais aussi du Norte de los estados, du Père Francisco de Osuna – ou bien encore sont évoqués des événements contemporains, etc.
13 La última batalla y final congoja con que afflige el demonio al hombre en el artículo de la muerte, para hazerle desesperar de su salvación. Con la resistencia que se le ha de hazer para alcançar la victoria. Declarando el psalmo 120 Levavi oculos meos in montes.
14 Va en Dialogismo entre el Enfermo, la Tentación, la Prudencia, y la Fe.
15 Premier dictionnaire officiel de la langue, 1729.
16 « Figura retórica y especie de Prosopopeya, que se comete cuando uno, sea supuesto o verdadero, dirigiendo a solas un pensamiento, se hace preguntas y respuestas como si hablasse con otro. Es voz puramente latina Dialogismus y la trae Covarrubias en su Tesoro. » C’est moi qui souligne. Ni le Littré, ni le Robert, ni le Dictionnaire d’analyse de discours de Maingueneau ne donnent une définition équivalente.
17 Cf. J. Ferreras, « El Diálogo humanístico : características del género y su reflejo tipográfico, algunas observaciones para futuras ediciones », dans P. Jauralde, D. Noguera, A. Rey (dir.), La edición de textos, Actas del I Congreso internacional de Hispanistas del Siglo de Oro, Madrid (junio de 1987), London, Tamesis Books Limited, 1990, p. 451-457, ici p. 455.
18 Il faut lire Diego de los Cobos, fils du très influent secrétaire de Charles Quint, Francisco de los Cobos. Il s’agit d’une erreur manifeste comme il apparaît dans la suite de la dédicace, avec l’allusion à Doña María de Mendoza, sa mère (et l’épouse de Francisco de los Cobos). Cette dédicace, très conventionnelle, ne dit rien de la facture du texte.
19 Thomas Kempis, Dante, auxquels l’auteur ajoute l’écho moderne des aventures maritimes péninsulaires.
20 « Levanté mis ojos en las alturas, que son los cielos, porque si de allí no me viene la ayuda no sé de donde la tenga » (f° 18v°).
21 « Esta ayuda del Señor me vino, el cual crió el cielo y la tierra… » (f° 32v°).
22 « No dexe moverse tu pie, ni se adormezca aquel que te guarda » (f° 41r°).
23 « Mira como no duerme ni dormirá el que es guarda de su pueblo » (f° 62r°).
24 « El Señor es el que te guarda, el te defenderá : sobre ti tiene su mano derecha » (f° 69v°).
25 « No te quemarán los rayos del sol en el día ni el sereno de la luna en la noche te podrá hazer daño » (fo 76vo).
26 « El Señor te guarda de mal y el Señor guarde de mal tu ánima » (f° 94v°).
27 « El Señor te guarde a la entrada y a la salida, el Señor sea tu guarda a la salida de esta vida presente de tu destierro y a la entrada de la vida venidera […] desde agora hasta el fin del siglo » (fo 104vo).
28 L’énonciateur constate les faits énoncés et le locuteur exprime un jugement sur ceux-ci : voir la distinction de P. Charaudeau, D. Maingueneau, Dictionnaire d’analyse du discours, Paris, Le Seuil, 2002, p. 351.
29 « Confío en el Señor, confío en el hazedor del cielo y de la tierra » (f° 4v°).
30 « Cercóme un frío sudor, respeluzábanse los cabellos con el espanto, el cual junto con la gravedad de mi enfermedad, enflaquecierón mis fuerças dejándome con muy poco sentido » (fos 16v°-17r°).
31 « No sé quien me socorra, no sé quien me ayude » (f° 17r°).
32 « Enfermo. – […] el antiguo enemigo, cabeça de toda soberbia, padre de toda maldad, principio de todos los daños del ánima, executando el oficio de sus costumbres se me puso delante, no en forma espantosa ni visión infernal, porque no huyese sus combates mas en un cuerpo phantástico de muy honesta muger, con un hábito negro y largo, adreçada como persona de muchos días : la presencia muy grave, los ojos muy baxos y llenos de lágrimas, como si la compassión de mis fatigas a ello la moviera, la cual no siendo de mí conoscida, con la desconformidad de lo que en sí mostrava a lo que dentro traía encerrado, se llegó a mí, que espantado de tal novedad estava como atónito y sentándose a la cabecera de mi lecho, me començó a traer las manos blandamente y con mucho regalo encima de mi cara baxando hasta el corazón, donde teniéndolas quedas sin que yo solo por mí tuviesse poder para quitarlas, con palabras muy amorosas y llenas de fingida compassión y engaño me començó a dezir : Tentación. –… » (fos 5v°-6v°).
33 « Enfermo. – Afligido con palabras que con tanto dolor amenazaban mi ánima pareciéndome que en persona de tanta autoridad no podía caber sino toda verdad, respeluznado de verme tan cerca de las penas del infierno comencé a dezir : “Señor muéstrame tus caminos y enséñame tus carreras ; guíame Señor en tu verdad y enséñame, porque Tu eres mi Dios y mi Salvador (psal. 24).” Y diziendo esto, pudiendo apenas salir la voz de mis labios, todo temblando y titubeando cobré algún esfuerzo para poder responder :
– Si de mí te duele, es con razón si sientes lo que dizes como me lo has puesto delante para que desconfíe de la merced y misericordia de Dios, mas ni quiero dexar de temer porque soy pecador, ni dexar de esperar en su misericordia, etc. » (f° 9v°-10r°).
34 « Acabando de dezir estas palabras súbitamente vi en mi presencia una muy hermosa donzella, cuyo gesto resplandecía como los rayos del sol, sus vestidos eran de inestimable valor, su hermosura parecía celestial, y su gracia exceder a la que puede dotar naturaleza humana. Traía en su compañía otra donzella asida de la mano de la misma manera, que ninguno las viera que no las juzgara por Ángeles, y yo los tuve por tales, pareciéndome que Dios uviesse oído mis clamores y las avía enviado en mi favor y ayuda. Mas la primera, mostrándose algo enojada començó a dezirme : Prudencia. –… » (f° 19r°-20r°).
35 « començó a dezirme », « me començó a dezir », « me respondió », « tornó a replicar », « comenzó a reprehenderme », « comenzó a decir así », « comenzé à dezir ».
36 Cf. infra. C’est moi qui souligne.
37 «¿No has oído dezir lo que dize Santiago en la Carta Canónica? “¿Qué aprovecha hermanos míos si alguno dixere que tiene fe y no tuviere las obras, por ventura podrá le salvar la fe sola ?” Jacob 2. Y lo que dize más adelante : la fe sin obras es muerta. Si la fe de esta manera es muerta, ¿cómo puede dar vida? Si no puede dar vida, que es en el cielo, por fuerça ha de dar la muerte en el infierno. Y lo que dize más adelante: la fe sin obras es muerta» (f° 13r°).
38 «O cuán engañada vives, si con tus vanas palabras llenas de fingido consuelo piensas haberme concluido para que no te responda y confunda, y el que por defensora te ha tomado no conocerá la poca ayuda que de ti puede recibir. Y quiero responderte a lo que primero dixiste de la misericordia del Señor, que aunque sea assí lo que dizes, que la misericordia de Dios no lleva a ninguno al infierno, a lo menos no podrás dezir que lleva a ninguno al paraíso…» (f° 33r°).
39 Cf. citation supra note 38. On trouve cette même marque stylistique dans le Voyage de Turquie, op. cit.
40 «Pues cierra la boca, engañosa, y no hables más palabras llenas de falsedad…» (f° 61r°).
41 «O flaco covarde y de pocas fuerças y coraçón…» (f° 40v°).
42 «O flaco covarde, hombre sin ningún esfuerzo…» (f° 69r°).
43 «Toda la vida se gasta en vanidad, en palabras ociosas y después ¿quieres que se confiesen en una hora lo que han peccado en un año? ¡Oh, malaventurado de ti, simple, que estás engañado, que aunque tuviesses diez años de vida, no bastarían a confesar las malas obras que has hecho! Y con tus falsas razones le hazes vivir con esperança de que en la muerte tendrá el reposo que le faltará…» (f° 38r°-39r°).
44 «No quiero responder a tus objectiones teologales, ni trayendo para prueba de mi intención verdadera auctoridades de sanctos y doctísimos doctores varones a quienes la Iglesia Católica Romana da crédito y tiene por muy averiguado, que según tu desvergüenza negarás todo lo que la fe presupone…» (f° 78v°).
Auteur
Université Paris Ouest Nanterre La Défense
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