Chapitre 5. Le château de Charles VIII
p. 95-206
Texte intégral
1Élevé au château d’amboise, Charles VIII en fit sa principale demeure (fig. 27, 28, 29 et 30 CC). De sa correspondance publiée, Monique Chatenet déduit qu’il séjourna 279 jours à Amboise qui détient la 3e place, après Lyon (528 jours) mais cela s’explique en partie par le déroulement des guerres d’Italie à ce moment, et Plessis-lès-Tours (402 jours).
2Charles VIII souhaita conserver les avantages sécuritaires du château qui avaient fait leurs preuves dans son enfance, tout en l’ouvrant à la vie de cour. Aussi, conservant en grande partie le donjon dans son état précédent, installa-t-il son premier logis dans celui de son père (fig. 7 CC). Dans le même temps et à partir de 1489, il mit en place l’aménagement de la seconde cour. Le dessein de Charles VIII doit être rapproché du « modelo per uno castello fà a Amboise » que le roi montre à Gentile Becchi, évêque d’Arezzo et ambassadeur de Pierre II de Médicis, qui le mentionne dans sa correspondance diplomatique d’octobre-novembre 14931. Il est peu probable qu’il s’agisse d’une maquette, mais il semble néanmoins que le roi disposait d’un document représentant le projet dans son ensemble.
ANALYSE DES FONCTIONS DE DISTRIBUTION
Le donjon
Chronologie
3Les premiers travaux de Charles VIII consistent certainement à mener à terme les constructions de son père dans le donjon. Près du logis sud où il habite, il fait élever la chapelle Saint-Hubert à l’aplomb de la chapelle du Saint-Sépulcre (fig. 30). Aucun document ne permet de dater le début des travaux. Le compte d’ameublement de 1493-1494 énonce dans son intitulé « les chapelles du chastel d’Amboyse2 », ce qui laisse conjecturer qu’il s’agit de la chapelle du Saint-Sépulcre et de la chapelle Saint-Hubert. Il spécifie dans une des lettres patentes du compte :
Comme puys naguerres nous avons fait encommencer de reparer, reddifier et de nouvel bastir noz chapelles estans en nostre chastel d’Amboise, et en iceluy chastel faire faire d’autres grans et somptueux edifices.3
4Citation ambiguë, car les verbes « réparer », « réédiffier » et « bâtir » sont employés sans distinction. Et dans le corps du texte, il n’est jamais explicitement question d’une chapelle neuve ou Saint-Hubert – cette seconde dénomination n’ayant cependant jamais été retrouvée dans les textes d’archives. Se trouvent seulement citées : « la chapelle du Sepulcre » et la « chapelle du château4 ». En 1495-1496, le compte de construction prouve que les décors sculptés n’étaient toujours pas achevés. Pierre Minart, Casin Dutrec et Cornille Deneuf sont rémunérés pour des « ymaiges de pierre à la chapelle du donjon du château ». Dans un autre article, il est spécifié :
A Cornille Deneuf ymagier pour avoir taillé en pierre en tache au temps dessusdit ung petit ymaige de Dieu tenant en une main un monde et faisant la banedicion de l’autre mis sur la porte de la chapelle du donjon dudit chastel.5
5Cette description fait référence à l’iconographie du linteau de la porte d’entrée (fig. 29). Si la sculpture du portail de la chapelle Saint-Hubert est en cours au moment de la tenue du compte de 1495-1496, l’édification d’un si petit ouvrage ne nécessite pourtant pas quatre à cinq années, d’autant que le compte atteste un chantier particulièrement actif et rapide. Par conséquent, soit l’on admet que le chantier de la chapelle débute autour de 1492 – en considérant qu’il est motivé par le mariage royal (décembre 1491) – et l’on pourrait expliquer la sculpture tardive, notamment du portail, par son délai de mise en place ; soit, on accepte que la chapelle a plutôt été édifiée vers 1493-1494 et qu’elle n’est pas concernée par le compte d’ameublement. Malgré ces légères incohérences, il est séduisant de penser que ce compte d’ameublement considérable clôt une période de travaux. Mais, même le linge de maison et les ustensiles de cuisine ont été renouvelés pour être estampillés « aux armes du seigneur ». Charles VIII avait-il pour autant modernisé les cuisines de son père ? Nous ne saurions trancher entre les deux datations qui, somme toute, ne remettent pas fondamentalement en cause la dynamique du chantier. Le chevauchement des différentes sources (les terrassements entre 1489 et 1491 – cf. p. 104, la période de construction entre 1492 et 1498 et le compte d’ameublement entre 1493 et 1494), induit que Charles VIII avait bien dans l’idée d’habiter à la fois le donjon et la seconde cour − nous y reviendrons.
Le premier logis de Charles VIII
6Notre connaissance du premier logis royal de Charles VIII et Anne de Bretagne à Amboise (fig. 27 CC) repose sur le compte de l’argenterie de Charles VIII de 1490 et le compte d’ameublement de 1493-1494. D’après ce dernier, le roi et la reine occupaient le logis de Louis XI qui, semble-t-il, conserva la même distribution (fig. 70 à 76). On relève ainsi, dans le château, les localisations suivantes :
« chambre ou couchoit ledit seigneur » ;
« chambre du roy » ;
« l’une des chambres dudit seigneur » ;
« les chambres dudit seigneur » ;
« la gallerie haulte joignant la chambre du roy » ;
« la gallerie basse de la chambre de la reine » ;
« la chambre de la reine » ;
« la chambre de retrait de la reine » ;
« [le] retrait de gobelet de la reine » ;
« l’oratoire dudit seigneur » ;
« la chapelle a la devotion du seigneur » ;
« la chapelle du chateau » ;
« la chapelle du sépulcre étant au chateau » ;
« le garde-manger de la cuisine de bouche de la reine » ;
« la cuisine de bouche de la reine ».
7Les logis du roi et de la reine sont situés par rapport aux « galeries » longeant le corps d’hôtel : en bas la reine et en haut le roi. On notera qu’à deux reprises on évoque le fait que les « galeries » longeant les logis sont fermées et chauffées6, ce qui était peut-être déjà le cas sous Louis XI (cf. p. 81 et 151). Par ailleurs, des tambours préservaient chambres et salles des courants d’air. La distribution demeurait donc identique. Les problèmes de terminologie évoqués sous Louis XI restent importants : les mêmes termes se rencontrent mais des nuances apparaissent. Les comptes de 1490-14917, 1493-1494, de 1495-1496 et de 1498 ainsi que les minutes d’Anne de Bretagne permettent de dresser le tableau suivant concernant les chambres et salles des logis de Louis XI et des Sept Vertus ainsi que du bâtiment sur Loire (tableau 1).
8Au logis de Louis XI, ce que nous appelons « grande chambre » devient la « chambre du roy » et la « chambre de la royne ». Nous les identifions comme telles grâce aux décors de satin jaune et gris à embrasses de velours noir qui se répondent8, ce qui n’est pas le cas de leur « chambre du retrait ». En effet, la chambre devient pour le roi la « chambre ou couchoit ledit seigneur » ou « la chambre du retraict du roy nostredit seigneur » et pour la reine « chambre du retrait de la royne ». Sans doute parce que les sources sont plus nombreuses mais peut-être aussi parce que les usages se définissent, la terminologie varie sensiblement. Nous développerons la question dans l’étude des bâtiments de la seconde cour (cf. p. 113).
9Les logis se composaient donc de trois pièces principales : d’est en ouest, « chambre », « chambre du retrait » et garde-robe ; et de petites annexes : retraits et études sans doute. Nous considérons toujours qu’au moins une salle – deux peut-être s’il en existe une à chaque niveau9 – précède le logis du côté de la « tour des Barons ». On note néanmoins qu’une très longue table de 15 pieds équipée de trois tréteaux, d’une selle et d’un banc de même longueur est commandée en 1493-1494 pour la « chambre de la royne », comme si celle-ci devait également lui servir de salle (cf. p. 151).
10La chapelle du Saint-Sépulcre doit rester en fonction et se trouve toujours liée au logis de la reine. Le logis du roi – qui semble y avoir été lié moins directement – comprend peut-être un oratoire ; la citation de « la chapelle a la devotion du seigneur » pourrait s’y rapporter. Le compte de 1495-1496 situe étrangement « l’oratoire du seigneur », dans « la viz de la chappelle10 ». L’hypothèse d’un hagioscope placé dans la vis et ayant vue sur la chapelle semble convaincante11. Quant à « la chapelle du chateau », elle correspond selon toute vraisemblance à la chapelle Saint-Hubert.
11En l’absence de données supplémentaires, nous admettons que, sous Charles VIII, le logis ouest abrite toujours les cuisines (cf. p. 82). La cuisine de bouche est dite de la reine, ce qui implique que le roi dispose de la sienne. Le plan du rez-de-chaussée étant symétrique, on peut supposer comme sous Louis XI que chacune des deux cuisines – au centre – ait été pourvue d’un garde-manger – aux extrémités (fig. 77 et 78). À l’instar de plusieurs châteaux du XVIe siècle (Fontainebleau, le Louvre12), les cuisines devaient se trouver surmontées à l’étage de petits logis comme sous Louis XI.
La chapelle Saint-Hubert
12Sur le plan de 1708, l’actuelle chapelle Saint-Hubert (fig. 30 et 88, 89 et 90) comme la vis la reliant au logis sont nettement détachées de ce dernier (fig. 75, 76 et 91). Créé postérieurement, l’accès à la chapelle traverse donc le logis. Les deux murs qui longent le couloir d’entrée à la chapelle sont plus épais que les autres et ressemblent à des murs porteurs : le mur occidental est le mur pignon du premier logis, tandis que l’autre, que l’on ne retrouve pas à l’étage, fut intégré à la structure pour créer l’accès voûté débouchant sur le porche dans-œuvre de la chapelle. Au rez-de-chaussée, les pièces situées à l’est du couloir se trouvent complètement isolées du reste du logis. Sans cheminée et faiblement éclairées, il est difficile de leur attribuer une fonction, mais nous n’en avons là qu’un état en 1708. Enfin, à l’étage, la tribune de la chapelle n’est accessible que depuis le premier étage du logis dit de Louis XI, par une petite terrasse couverte d’un appentis, ce qui corrobore encore un raccord postérieur de l’ouvrage au logis.
Le logis du dauphin, des espaces bien gardés
13Le logis du dauphin Charles-Orland dut reprendre l’emplacement du logis du dauphin Charles, installé à proximité immédiate du pavillon de Penthièvre13 (fig. 79). Pour définir avec certitude si ce logis s’étendait jusqu’à celui dit du Tambour, nous n’avons d’autres sources que les Vues de Jacques Androuet du Cerceau et, d’après celles-ci, ce n’était pas le cas (fig. 80, 81 et 82 ; fig. 8, 9, 10, 11, 12 CC). Le logis du Tambour se trouve à l’extrémité nord du fossé entre le logis du Donjon, disparu, et la grande salle sur la Loire. La pièce du rez-de-chaussée du logis du Tambour communique avec la salle des gardes au rez-de-chaussée de la grande salle et avec le portique oriental du logis longeant le Fossé, dont le portique supérieur reçut le nom de son garde le plus fameux, Hans Haquelebac (cf. p. 117). On peut donc supposer que le rez-de-chaussée du logis du Tambour − logis contigu à celui du dauphin – est lui aussi affecté aux gardes. Ces gardes ne sont toutefois que peu mentionnés, sinon en février 1494, au départ de Charles VIII en Italie, quand un groupe permanent de 100 archers écossais est mis en place pour surveiller les portes de la ville14.
14La confrontation des textes et des plans permet de restituer une distribution cohérente entre les logis du Tambour, du Fossé et du Donjon (fig. 80, 81 et 82 ; fig. 8, 9, 10, 11, 12 CC). La « gallerie du danjon15 » évoquée dans le compte de construction correspondait au portique ouest du 1er étage du logis du Fossé, côté donjon. Ce portique ouvrait donc sur le logis du Donjon par lequel on accédait, dans le pavillon de Penthièvre, à la « chambre et garderobe de monseigneur le daulphin16 ». Puisque le logis du Donjon ne communiquait pas avec celui du Tambour (fig. 8, 9, 10 et 11 CC), un double itinéraire se dessine : à l’ouest, en empruntant le portique, on gagnait depuis les logis royaux le logis du dauphin ; à l’est, en passant de l’autre côté du logis du Fossé, par le portique oriental du premier étage, on pouvait accéder, une fois sa construction achevée, à la grande salle. On comprend ainsi la présence d’Haquelebac dans sa « galerie » : à cause de l’obstacle créé par le mur mitoyen aux logis du Tambour et du Donjon, le portique oriental du logis longeant le Fossé devenait le passage obligé où Haquelebac devait « filtrer » les entrées.
15Par ailleurs, l’existence d’un four au rez-de-chaussée du logis longeant le Fossé, dans la chambre nommée en 1630 la « chambre du four » (fig. 84 et 85), pourrait s’expliquer par la présence des cuisines du commun qui se différencient des cuisines de bouche du roi et de la reine17. Que les différentes cuisines soient éloignées les unes des autres n’est en rien surprenant. Le Louvre avec ses pièces de services toutes regroupées à l’étage inférieur18, ou encore le palais Jacques Cœur de Bourges font en réalité figure d’exception19 9. Pour Jean Guillaume :
Dans les villes, les palais et les hôtels princiers dont l’histoire est inséparable de celle des châteaux, restent le plus souvent faits de bâtiments juxtaposés, implantés en fonction des besoins.20
16Et c’est le cas à Amboise où le rez-de-chaussée du logis longeant le fossé était occupé par huit pièces (fig. 84). Outre les cuisines, on peut supposer qu’il y ait eu des garde-manger, fruiteries, rôtisseries... Les petits logis situés au sud devant le logis des Sept Vertus que représente Jacques Androuet du Cerceau étaient sans doute issus de transformations plus tardives (fig. 92). En somme, sous Charles VIII, les rez-de-chaussée des logis du Fossé et du Tambour étaient vraisemblablement dévolus aux gardes et aux offices.
Loger la cour
17Monique Chatenet a mis en évidence combien l’entourage de la couronne était logé à l’étroit, dans les châteaux du XVIe siècle et, en particulier, chez le roi et la reine où le personnel était nombreux21. La répartition des logements, des courtisans et du personnel de maison n’était en aucun cas systématique, elle dépendait directement de la capacité du château, où tous les espaces libres étaient réservés à cet usage. Pour le petit personnel, on n’hésitait pas à aménager sommairement les combles et les couloirs. Les personnes les mieux en cour disposaient de leur propre logis composé, en général, d’une chambre, d’une garde-robe et parfois d’un retrait ; enfin, les dames de la reine et les « filles », venant parfaire leur éducation à la cour, étaient souvent installées dans le logis de leur maîtresse.
18Dans le donjon (fig. 93), le logis du Fossé présente une distribution appropriée au logement de la cour (fig. 84, 85 et 86), mais nous sommes à nouveau confrontés aux problèmes des sources. Jacques Androuet du Cerceau figure le logis du Fossé sur ses Vues et les procès-verbaux de 1630 y décrivent une enfilade de pièces (chambres, garde-robes, voire cabinets) dont la plupart sont chauffées de cheminées et desservies longitudinalement, à l’ouest et à l’est, par des portiques aux deux premiers niveaux et, verticalement, par deux vis. Cependant, au vu des observations que nous venons de formuler sur la garde du dauphin et sur les cuisines du commun, il y a tout lieu de croire que ces aménagements résultent d’états successifs. En l’absence de document contemporain de Charles VIII, rien n’interdit de penser qu’au dessus du rez-de-chaussée, attribué aux cuisines, le premier étage ait été occupé par de petits logis.
19Le compte d’ameublement de 1493-1494 fournit des informations précieuses sur la désignation et la fonction des espaces mais il s’agit là de l’ancien château puisque les constructions de Charles VIII ne font que débuter, ce qui rend les localisations très malaisées à interpréter22. Outre les espaces réservés à l’usage du couple royal, dix-neuf autres lieux sont cités, mais certains termes peuvent prêter à confusion en raison des homonymies, un même terme (chambre, horloge) pouvant aussi bien désigner un meuble qu’un immeuble. Ainsi, apparaissent :
« la cour du château » ;
« l’horloge dudit chasteau d’Amboyse » ;
« les chambres et galeries du château » ;
« la chambre près la grosse tour du château » ;
« la chambre des filles de la reine » ;
« la salle de monseigneur de Bourbon » ;
« la chambre où couche monseigneur de Bourbon audit chastel » ;
« la chambre de madame de Bourbon » ;
« une des chambres de mademoiselle de Montpensier23 » ;
« la chambre de monseigneur de Saint-André24 » ;
« la chambre de monseigneur le Prévostde Paris25 » ;
« l’une des chambres du château où couche monsieur de Querdes26 » ;
« la chambre de mademoiselle la princesse de Tarente27 » ;
« la chambre de mademoiselle de Musac » ;
« la chambre des enfants de feu monseigneur de Dunoys28 » ;
« la chambre de madame de la Guierche29 » ;
« la chambre du premier pannetier » ;
« la chambre des médecins de la reine » ;
« la chambre dudit Colinet de la Chesnay ».
20On peut ajouter à cette énumération « une petite salle […] pour faire l’office de la fourriere30 », « une garde-robe pres la chambre monseigneur le Senechal de Carcassonne31 », la « chambre du tresorier » mentionnée dans le compte de construction32, le logis de « Jean De Beyne, canonnier du roy » et celui de « messire Pagueny, ytallien et faiseur d’ymages », que nous ne saurions situer, ainsi que « la maison ou se tient audit chastel Francois Robereau pour servir au paticier du roy quant il est audit chastel33 ».
21L’intérêt de cette liste n’est pas tant d’énumérer les résidents du château, que d’apprécier la considération dont jouissent ceux qui bénéficient d’une chambre. Outre les logis royaux, le compte d’ameublement révèle que la hiérarchie sociale supposait trois modèles de logements : à deux chambres, une salle et une garde-robe, à une seule chambre et une garde-robe ou à simple chambre. Les logis les plus spacieux étaient sans doute ceux d’Anne et Pierre II de Bourbon, puisqu’est citée la salle de monseigneur de Bourbon. En outre, les dimensions imposantes de la table destinée à cette salle (11 pieds par 3, soit 3,30 x 1 m), et l’évocation, en janvier 1498, de « la couverture d’ung banc de vellour gris estant en la garde robe de mondit seigneur de Bourbon34 » indiquent combien il devait être installé confortablement au château. Au XVIIe siècle, l’appellation de la « tour Bourbon » pourrait indiquer l’emplacement de leurs logis à proximité de celle-ci35 (fig. 2 CC). Le compte de construction de 1495-1496 mentionne « la couverture d’une gallerie estant au bout dudit corps de maison du costé devers le danjon36 » et l’iconographie confirme la présence d’une coursière ceinturant et liant la tour Bourbon à la tour des Barons et au logis de Louis XI. Avec 5 m de diamètre, cette tour ne pouvait constituer que le retrait ou la garde-robe d’un logis. Finalement, le nom de la tour Bourbon dut rester alors même que ces logis avaient disparu (fig. 94).
22S’agissant de mademoiselle de Montpensier37, la formulation « une des chambres », suggère qu’elle aussi occupait un logis. Qu’une seule chambre soit citée pour certains membres de la cour, tels monsieur de Querdes, monseigneur de Saint-André, monseigneur le Prévost de Paris, mademoiselle de Musac et les enfants de feu monseigneur de Dunoys, ne certifie pas pour autant qu’ils ne disposaient pas d’autres pièces.
23Si la majorité de ces mentions se comprend aisément, quelques unes demeurent équivoques38 : les « deux pièces de ruban de soie pour garnir troys rideaux de taffetas servant au ciel de la chambre de madame de Bourbon » font référence à la chambre textile parant son lit mais, s’il est certain que la femme la plus puissante du royaume avait bien un logis à Amboise faisant sans doute pendant à celui de son époux, il en va autrement de la chambre de madame de la Guierche, première dame d’honneur de la reine, qui pose un réel problème d’interprétation. Dans les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne, sa chambre de taffetas rouge ornant sa couchette est répertoriée dans la chambre même de la reine39. La dame d’honneur comme le premier gentilhomme de la chambre du roi devait donc avoir le privilège de loger dans la chambre du souverain. Aussi, certaines des chambres du compte d’ameublement pourraient n’être que de simples parures de lit. Enfin, les médecins de la reine ou les filles de la reine étaient logés à proximité de celle-ci. Colinet de la Chesnay, maître d’hôtel du roi, marchand et tapissier, logé au château, fait quant à lui figure de « favori » du moment.
24À moins que l’ameublement ait été réalisé à l’occasion d’un événement particulier, ce qui n’est pas précisé dans le compte, on peut conclure qu’au moins une dizaine de personnes de qualité disposaient d’un logement au château. En outre, on note l’achat de garnitures pour 41 lits et couchettes, probablement pour transformer en cas de besoin tout lieu susceptible de loger la cour.
La seconde cour et la basse cour
Chronologie
25L’ampleur des travaux de terrassement commencés en 1489 laisse imaginer un secteur jusqu’alors peu construit. Le début des travaux de Charles VIII remontent en effet à cette année 1489, où les comptes de la ville dénombrent les « tours de timbereaux » pour mener les « terriers » du « pied du chastel es marais40 ». Les déblais du château étaient jetés du promontoire au bas du rempart sud et évacués par la ville. Pour interpréter les 6 480 « tours » recensés entre 1489-1490 et 1490-149141, plusieurs paramètres interviennent car il est délicat de définir avec certitude ce que recouvre le terme « terriers » : décombres, gravats, déblais − terres issues du creusement de nouvelles fondations ou de terrassement − ou bien les trois à la fois ? Le tombereau42, qui ne possède qu’un seul essieu et qui bascule dès que sa benne n’est plus clavetée à l’essieu, permet de décharger facilement. Ce type de véhicule utilitaire contient environ 2 m3 (fig. 95)43. Sachant que le foisonnement de la terre terrassée implique que 1 m3 de terre tassée in situ donne au maximum 2 m3 de terre une fois déblayée44, on peut estimer que 6 480 m3 de terre in situ furent déplacés. Une telle quantité de terre ne peut répondre qu’à des terrassements. S’il s’agissait de fondations, même exceptionnellement profondes, longues et larges − de 2 m de profondeur, sur 2 m de large et sur 100 m de long par exemple − on arriverait à environ 4 m3 de terre par mètre de fondation soit à un volume de 400 m3. En revanche, si l’on conçoit le décaissement d’une partie de la basse-cour, sur 1 m de profondeur en moyenne − ce qui concorde avec les altitudes relevées (cf. p. 56-57) − à l’emplacement de la grande salle et de l’espace qui la sépare du logis des Sept Vertus, on obtient un volume de 6 000 m3, ce qui coïncide très exactement avec la surface de cet espace. L’emprise des travaux de terrassement se lit d’ailleurs parfaitement aujourd’hui dans les mouvements de terrain du promontoire (fig. 31). Mais ce n’est là qu’un ordre de grandeur, car on ne connaît ni le profil exact du promontoire avant ces travaux ni les travaux qu’il restait à effectuer pour amender le terrain du côté de la rampe d’accès.
26Ainsi, il semble bien que dès 1489, Charles VIII projette la transformation du château dans son ensemble, et l’immense surface terrassée confirme l’ambition du dessein. De même, on comprend pourquoi les travaux réalisés dans le donjon aient été de faible ampleur. Dès 1489-1491, Charles VIII envisage sans doute de construire le logis des Sept Vertus et la grande salle dans la seconde cour (fig. 27 CC). La naissance du dauphin Charles-Orland en octobre 1492 a-t-elle eu une influence sur les projets ? En conservant le donjon et en faisant édifier dans la seconde cour les édifices à vocation de réception, Charles VIII conserve la possibilité de préserver la sécurité du donjon. Contrairement à Louis XI qui avait interdit l’accès au château à toute personne étrangère à la famille royale, Charles VIII va, au sein même du château, délimiter des espaces plus privés et d’autres plus largement ouverts à ses hôtes.
27Les travaux de terrassement de Charles VIII ne se limitent pas au secteur des logis. Les sondages de 1993 attestent le décapage de la partie nord-est du promontoire réservée au jardin qui a lieu avant l’automne 149545, date à laquelle on commande des piliers pour ce lieu46, sans que l’on puisse en préciser d’avantage la chronologie. Le niveau de circulation des galeries qui bordaient le courtil a été retrouvé en fouilles de plain-pied avec les jardins. Le volume de terre déplacée qui approche 6 000 à 7 000 m3 est évalué à partir des 4,80 m de différence de hauteur qui existent toujours entre le niveau du jardin et celui du terrain qui le domine, au-delà du mur sud en brique et pierre, couramment appelé le « mur du logis canonial » (fig. 35). Jouant un rôle capital dans le soutien des terres qui surplombent le jardin, ce mur se trouve de fait contemporain des aménagements du jardin du roi. Les buttes situées le long du rempart, au nord de la porte des Lions, représentent un volume de terre de 1 500 à 2 000 m3 qui pourrait être attribué à une partie du déblaiement du jardin47. Les buttes, toujours visibles au sud de la porte des Lions, constituent quant à elles le terrain naturel puisque le rempart est construit dessus (fig. 34). Pour les quelques 4 000 à 5 000 m3 restants, il y a tout lieu de penser qu’ils ont aussi été déversés dans les marais de la ville. Mais, contrairement à l’accord tacite passé entre Louis XI et les édiles48, la ville ne se charge pas de les débarrasser, ce qui explique l’absence de toute mention dans la comptabilité municipale. Entre 1463 et 1465, l’évacuation de la totalité des déblais de Louis XI avait coûté à la ville 74 ℓ. t. et, entre 1489 et 1491, sous Charles VIII, la ville avait dépensé pour ce poste 107 ℓ. 5 s. 8 d. t. Après 1491, les marais sont désormais lotis et le chantier de Charles VIII a pris une telle envergure, que la ville se libère de cette lourde charge financière. Durant la seule année 1495-1496, un charretier employé par le château effectue 840 tours de charroi pour évacuer des « terriers » aux marais, « terriers » qui doivent ici désigner les gravats du chantier49. Plus tard, sous François Ier, dans un fragment de compte du château, daté par Joseph de Croÿ des années 1516-151750, est encore enregistrée l’évacuation de « terriers, bourriers et fumiers » par René Langlois et Pierre Curot pour 69 ℓ. 20 s. t.51.
28Ainsi, les constructions commencent à la suite des terrassements en 1492. Les derniers folios du compte de 1495-1496 présentent des paragraphes ajoutés après le contrôle du document par la cour des comptes en 149952 ; il y est rappelé qu’Alixandre Blandin a commencé à tenir les comptes des travaux en 149253. L’étude détaillée du compte de 1495-1496 permet de préciser la chronologie des travaux. Au début de l’année 1496, la construction du logis des Sept Vertus s’achève en témoignent la pose de sa couverture ainsi que la clôture des baies de la cuisine et de « la grant gallerie haulte dudit cors de maisons54 ». Le compte précise aussi qu’en février 1496 on a meublé le logis pour l’arrivée imminente du roi :
A Jean Nesson pour le nombre de vingt huit sarreures commises par lui, atachees ou temps dessusdit au lieu de Tours ou il a esté envoyé hastivement parce que on n’en pouvit finer au lieu dudit Amboise et en avoit, ou a faire hastivement pour la venue du roy qui y est venu au moys de fevrier l’an de ce roolle, a esté payé par cedit commis, par vertu dudit roolle, comme par sa quictance cy rendue appert, la somme de 11 ℓ. 17 s. 6 d.55
29À l’automne 1495, la commande à Jean Gandillon de 50 « palles de boys » (pelles) « pour curez les doubves de la tour encomancé au Petit Fort dudit Amboise » date approximativement le début des travaux de la tour des Minimes56 : on peut considérer que les fondations sont alors terminées (fig. 27). Elle est construite jusqu’aux ⅔ de sa hauteur à la fin de l’année 1496 puisque sur les 17 baies qui percent son mur extérieur − nécessairement posées en même temps que s’élevait la maçonnerie – 11 ont été commandées. Les unes au printemps 1496 :
A Jean Baynne, canonnier ordinaire du roy notre sire, pour cinq grans treillys de fer poisans 2 900 lbz fer par lui baillé, mis et assiz au temps dessudit a la grosse tour que on fait de present au Petit Fort pour la force dudit chastel, au pris de 11 d. la livre. A esté payé par cedit commis, par vertu dudit roolle comme par sa quictance cy rendue, cy appert la somme de 132 ℓ. 18 s. 4 d.
30Et les autres à l’été :
A Jean Bayemne, canonier ordinaire du roy nostre sire, pour avoir fait, mis et assis au temps dessusdit a la grosse tour neufve que l’on fait de present faire oudit chastel du costé devers le Petit Fort six treillys de fer a six grans fenestres seurtez pour donner vue a la montee de ladite tour […].57
31À ce rythme la tour aurait dû être achevée en 1497. La parfaite correspondance des assises de pierres de cette tour, du logis sur Loire et du logis du Tambour prouve une même conception. Mais la position de ce dernier, à cheval sur le fossé du donjon, montre qu’il a été édifié en premier pour établir un lien entre les édifices du donjon et ceux de la seconde cour (fig. 34 CC).
32Les travaux du jardin doivent être alors relativement avancés. Les piliers commandés en 1495 ne peuvent correspondre à la construction des portiques le bordant, qui sont en bois58, mais on peut y voir la structure de la fontaine centrale59. Une partie des briques achetées au cours de l’année est destinée à édifier les murs des galeries, puisque c’est bien en brique et tuffeau qu’est bâti le mur de soutènement méridional, ou mur du logis de l’Armurerie (fig. 35). Enfin, il est probable que les carreaux de terre cuite soient destinés aux portiques du jardin qui sont décrits au XVIIIe siècle carrelés de « carreaux de pays » et à certains combles, sans doute à ceux du logis des Sept Vertus.
33D’autres bâtiments sont en cours de construction en 1495-1496. Au cours du 1er rôle (octobre à décembre 1495), les 7 pierres de meneaux taillées pour au moins 4 baies60, ne peuvent être destinées au logis des Sept Vertus, en cours d’achèvement, ce qui signifie que la construction d’un ou plusieurs autres corps de bâtiments a déjà débuté. Au moins 12 « petites marches » de vis de 165 cm de long peuvent correspondre à la largeur des vis des tourelles nord et sud du nouveau logis de Charles VIII sur les jardins. Les 13 « grandes marches » de 230 cm de long pourraient quant à elles concerner l’édification du grand escalier dit « escalier persé », ou de l’escalier ouest du nouveau logis de Charles VIII (fig. 96 ; fig. 9 CC), mais en aucun cas la vis octogonale de la grande salle sur Loire, puisque ses marches mesurent 193 cm de long hors-tout.
34Pour la tour Heurtault, les documents comptables sont plus rares (fig. 97). Sa construction est initiée après la tour des Minimes, sans doute en 1497, date à laquelle on achète les parcelles du pied du rempart pour l’implanter61. Elle reste inachevée à la mort de Charles VIII, en avril 1498, comme en témoigne la rupture de style des clefs de voûtes, visible dans les travées de la dernière révolution de la tour, après la porte qui donnait accès au logis des Sept Vertus en contournant le garde-corps de la cour dite du Pansage. Alors que les clefs sont jusque-là particulièrement épaisses, avec un rebord à ressauts, elles deviennent plus larges, plus plates et sont bordées de rinceaux (fig. 98 et 99). La forme des dernières clefs est à rapprocher de celles du portique du château de Gaillon, et l’une d’entre elles, bûchée, était sculptée d’un porc-épic, devise de Louis XII. Le portail sommital est orné de rinceaux exécutés par une main française (fig. 100) dont le modèle est très proche de ceux encore visibles sur le linteau de la porte au porc-épic du jardin62 (fig. 101). Ces formes, « à l’Antique », associées à la devise royale placent indéniablement ces réalisations sous le règne de Louis XII. Par ailleurs, la position maladroite des pilastres de part et d’autre de l’entablement, et non au-dessous, révèle une maîtrise bien approximative du langage italianisant caractéristique des débuts de ce décor en Val de Loire. Les sources textuelles confirment cette datation, en particulier, une quittance de 1499 en faveur de Jean Tissart pour ses tours de charroi63. Enfin, une autre quittance datée du 14 janvier 1503 (n. st.) et concernant la livraison des pierres de mâchicoulis de la tour révèle que l’ouvrage est alors en voie d’achèvement64.
35Ainsi, la mort accidentelle de Charles VIII en 1498 n’interrompit pas totalement le chantier de la tour Heurtault et du jardin qui furent achevés. Louis XII se contenta de mettre hors d’eau le nouveau logis de Charles VIII qui reçut une couverture au-dessus de son deuxième niveau, alors que la construction du troisième niveau avait été amorcée. L’achèvement du bâtiment fut l’œuvre de François Ier qui, dès le début de son règne, reprit la construction du troisième niveau65. Il devint alors le logis du roi et de la reine.
La grande salle sur la Loire
36Entre 1489, année marquant le début des travaux de terrassement de Charles VIII, et 1495, date de début du 4e compte de construction, on peut retracer approximativement la progression des travaux. La grande salle (fig. 102a et 102b) ne devient fonctionnelle qu’après 1495, date à laquelle Jean De Bayne est rémunéré pour :
Un grant treillis de fer par lui mis et assiz ou temps dessus-dit et une croissee estant soubz la gallerie de la chambre du conseil poisant mil cinquante trois livres de fer.66
37Le terme de « treillis », assez générique, est employé deux fois dans le compte pour désigner les grilles de fer des baies de la tour des Minimes qui pèsent chacune 290 kg67. Le « treillis » placé sous la « chambre du conseil », pèse 1 053 livres de fer soit 526,5 kg. Le rapport poids/surface respecte bien les proportions entre les baies de la tour des Minimes (3,30 x 0,80 m) et les croisées du bâtiment de la grande salle (1,80 x 2,25 m) car, si pour la tour des Minimes, les grilles sont fixées dans la feuillure de la baie, épousant sa surface, pour la croisée, qui ferme par des vitres, on considère que les grilles sont ancrées dans les parements latéraux. Replacer ce treillis d’après les indications du compte impose d’identifier la « galerie » qui sert de point de repère. Côté cour, la façade de la grande salle était longée d’une coursière suspendue dont les empochements existent encore (fig. 34 CC). Il semble que le « treillis » aurait pu concerner l’une des croisées du rez-de-chaussée. Placé sous la coursière de la grande salle, à une des fenêtres côté cour de la salle des gardes, le « treillis » cité à l’automne 1495 aurait donc revêtu une fonction dissuasive et symbolique. Par ailleurs, le compte mentionne une « chambre du conseil » que l’on est tenté de rapprocher de la grande salle :
A Jaque Le Moyne, drappier, pour cinq aulne ung quartier de bureau par lui baillé et livré au temps pour servir a calfustrer les huis et fenestres de la gallerie et chambre du conseil.68
38Alors que la salle du logis des Sept Vertus est qualifiée de « salle » ou de « grant salle69 », notons qu’ici on parle de « chambre du conseil ». Il pourrait s’agir de la grande salle sur Loire et de sa coursière suspendue côté cour ; à moins qu’il soit question de l’ancienne salle du Donjon. Car auparavant, comme nous l’avons vu, la salle du château occupait l’extension du logis de Louis XI70 (cf. p. 78). Pour l’année 1490-1491, les comptes de l’argenterie de Charles VIII rapportent l’achat, pour le château d’Amboise, de deux grandes « scelles » de 12 pieds de long ainsi que d’une table et une paire de tréteaux « servant en la salle ou se tient ledit conseil71 ». Et en octobre 1495, on remettait encore en état les vitres d’une « sallee pres la chappelle du donjon dudit chastel72 ». La construction d’une nouvelle salle témoigne de la volonté du souverain de séparer sa salle du conseil de son logis, et annonce déjà le changement qu’observe Monique Chatenet, à partir du règne de François Ier, quand le roi n’assiste plus quotidiennement au conseil et, que « la salle du conseil ne se confond pas […] avec la salle du roi73 ».
39Dans ce bâtiment de 25,30 m de long sur 10,10 de large, le rez-de-chaussée est coupé par un mur de refend longitudinal : une grande pièce occupe la moitié sud du bâtiment tandis que la moitié nord ouvre sur les grandes arcades (fig. 103 et 104 ; fig. 28 CC). La proximité des gardes, qui investissent aussi le rez-de-chaussée du logis du Tambour attenant ainsi qu’une partie du rez-de-chaussée du logis du Fossé où se tiennent très certainement les cuisines du commun74 (cf. p. 85), milite en faveur d’une salle pour les gardes. La fin du XVe siècle marque le début du développement des gardes rapprochées75 ; ce qui s’explique par l’ampleur que prend progressivement la cour et le besoin de protéger le couple royal de la foule. L’existence de la garde d’Anne de Bretagne est attestée par la dénomination de « perche aux bretons » qui désigne, au château de Blois, le lieu où se tenaient ses gardes. La fonction de ces pièces semble donc possible76. Selon Monique Chatenet, ce terme de « salle des gardes du roi » n’apparaît qu’à l’extrême fin du XVIe siècle pour désigner la première pièce des appartements du roi77. Dans le logis d’Henri II, c’est en effet comme « salle des gardes » que les procès-verbaux des années 1630 décrivent la pièce située au sommet de la tour des Minimes78.
40De par la proximité du logis du dauphin, situé dans le logis du Donjon entre le pavillon de Penthièvre et le logis du Tambour (fig. 2 CC), il est légitime de se demander si l’affectation aux gardes des rez-de-chaussée des logis du Fossé, du Tambour et de la grande salle résulte du projet de Charles VIII ou si, sous Louis XI, le premier de ces édifices assurait déjà cette fonction.
41Côté Loire, s’étend donc une terrasse bordée d’arcades, qui assurent le soutien du balcon de l’étage supérieur, celui de la grande salle (fig. 27 et 103 ; fig. 33 CC). Elle est à l’évidence un lieu d’agrément pour le roi et ses hôtes, comme en convainc sa communication avec trois espaces n’ayant pas de fonction de service : il donne en effet, à l’est, sur la rampe de la tour des Minimes, à l’ouest, sur le logis du Tambour, au bout duquel une petite vis descend au jeu de paume et, au nord, il dessert la grande salle par l’intermédiaire d’une vis hexagonale aux dimensions confortables (1,73 m de rayon) ; et si les gardes se tiennent là c’est précisément pour veiller sur la grande salle.
42Loin des projets du siècle suivant, la grande salle d’Amboise de 172 m2 s’inscrit dans la tradition médiévale, sa taille étant proportionnelle aux effectifs de la cour : au Louvre de Charles V79, la salle atteint 125 m2 et la chambre de parement du roi 173 m2. La salle des États de Blois (XIIIe siècle) mesure plus de 500 m2 et les salles de bal des châteaux construits par Henri II à Fontainebleau et au Louvre ou encore le projet de Catherine de Médicis pour les Tuileries atteignent 350 m2, 600 m2 et 750 m280. La grande salle de Charles VIII est couverte de voûtes d’ogives naissant d’une file de colonnes centrale. C’est sans doute le rapprochement avec le plan de la salle de Blois – de dimensions bien différentes cependant – qui explique que les architectes Victor et Gabriel Ruprich-Robert l’aient nommée la « Salle des États », nom qu’elle porte encore aujourd’hui. En réalité, les États ne se sont jamais rassemblés à Amboise ; si la comparaison blésoise est convaincante, son analogie avec la salle du palais de la Cité de Philippe le Bel doit être appelée. Bâtie dans les années 1300, longue de 70 m et large de 27, elle était pourvue de deux nefs à la charpente lambrissée séparées par une file d’arcades ; selon Jean Mesqui elle était « la plus importante du royaume » et son modèle architectural marquait la filiation du pouvoir royal81.
43Deux cheminées, l’une de style flamboyant et l’autre à « l’Antique », chauffent la grande salle et trois portes d’origine desservent la pièce (fig. 105, 106, 107 et 108). Les cheminées sont placées sur les murs pignons, légèrement décentrées vers le nord, la file de colonnes ne gênant pas leur vis-à-vis. La porte ouvrant l’escalier hexagonal sur la grande salle constitue l’accès principal primitif − nous analyserons plus loin les changements postérieurs. La porte orientale − d’origine bien que très restaurée − ouvrant sur le portique des Quatre Travées qui opère la liaison entre la tour des Minimes et le jardin, dispose du même haut-bout, soit la cheminée gothique. La porte ouvrant au premier étage du logis du Tambour, sur la salle dite « des Tambourineurs » dans les procès-verbaux de 1630, constitue quant à elle un accès dérobé, sans doute une porte de sortie et de service. La « salle des Tambourineurs » était peut-être divisée par une mince cloison comme le montrent les plans dessinés et gravés de Jacques Androuet du Cerceau ou celui de 1708 (fig. 105).
44Compte tenu de l’éloignement des cuisines − celles du nouveau logis de Charles VIII sur les jardins n’étant pas encore en service −, cette pièce équipée d’une cheminée était indispensable pour le maintien au chaud des plats et faisait office de desserte. On y accédait par la galerie orientale au permier étage du logis longeant le fossé. Toutefois, la communication verticale de ce portique avec les cuisines est complexe à déterminer en raison des états successifs des lieux qu’attestent les sources. On reconnaît bien là l’héritage du château médiéval construit par étapes successives, où l’on adapte des dispositions anciennes à des usages nouveaux82.
45Si la cheminée à « l’Antique » n’est vraisemblablement pas un ajout postérieur à l’achèvement du logis – en témoigne, dans les combles une cheminée authentique dont le conduit est placé en avant de celui de la cheminée de la salle (fig. 109 et 110) –, elle n’appartient peut-être pas au projet primitif. Moins décentrée sur le pignon que la cheminée en vis à vis, elle pourrait avoir été conçue pour se substituer au haut-bout primitif de la salle, lorsque l’on projeta de construire le nouveau logis de Charles VIII sur jardins, ce qui impliquait d’implanter, à la rencontre des deux ailes un nouvel escalier d’accès, le grand escalier « persé ». Le chantier s’étant déroulé d’ouest en est, cette modification restait facile à effectuer – nous reprendrons plus loin la discussion de l’évolution du projet.
46La cheminée comporte quelques fragments de rinceaux d’origine et un très beau médaillon représentant le profil d’Alexandre de Macédoine (fig. 111) ; ces décors inspirés de l’Antiquité ne peuvent être antérieurs à l’expédition italienne de Charles VIII83. Le tondo a été taillé dans un tuffeau local, tout à fait similaire aux pierres d’origine de la tour des Minimes. Peut-on y voir l’œuvre de Guido Mazzoni, dit Paganino84, pour lequel on remet en état un logis au cours de l’été 1496 ? Un autre compte atteste qu’il travaillait en 1498 pour le roi85, mais rien n’interdit de penser qu’il était à son service depuis quelque temps déjà.
47La coursière qui se trouvait devant la façade côté cour présentait une disposition particulièrement intéressante86. Elle avait vue sur le jeu de paume et la cour, et de là le roi pouvait s’offrir aux regards des courtisans. Avec un statut plus intimiste, la coursière faisait pendant au balcon côté Loire qui, au-delà de l’agrément visuel qu’il proposait tant au visiteur arrivant par les ponts qu’à celui qui se tenait sur le balcon, servait pour les apparitions en public à l’instar du portique du logis des Sept Vertus. Dans les portiques ou au balcon, le couple royal était donc toujours en représentation, qu’il suivît les parties de jeu de paume ou contemplât le paysage ligérien. La tragédie qui se déroula quelques décennies plus tard lors de la conjuration d’Amboise (1560), lorsque l’on afficha les têtes des protestants sur le balcon, illustre sinistrement toute la symbolique de ce lieu.
Le logis des Sept Vertus
48L’assiette du logis s’explique d’abord par l’absence de bâtiment à cet endroit et par la possibilité d’exploiter avantageusement le relief du terrain pour équiper le logis d’offices et de cuisines (fig. 112). Le premier niveau d’offices se trouve de plain-pied avec la rampe d’accès, soit environ 6 m sous le niveau du promontoire, et il serait curieux de supposer qu’on l’ait creusé à cet endroit pour gagner un niveau supplémentaire de stockage alors que le promontoire, particulièrement spacieux, offre de multiples possibilités. Monique Chatenet souligne la position particulière et symbolique du logis, à l’entrée du château, position analogue à celle que prit quelques années plus tard le logis Neuf de Blois (fig. 113 ; fig. 9 CC). Cependant, à Amboise d’autres impératifs jouèrent : en arrivant par la rampe méridionale du château, on passe certes sous le logis, mais on débouche surtout en face de la grande salle.
49La distribution du logis des Sept Vertus reste unique et n’obéit à aucun des modèles connus antérieurement dans l’architecture princière de la fin du Moyen Âge. De 40 m de long sur environ 20 m de large, le bâtiment était construit sur cinq niveaux dont deux renfermaient les offices et cuisines et un seul était logis, surmonté de deux étages de galetas. Les offices bas, installés au niveau de la rampe d’accès, étaient probablement réservés aux garde-manger et au conditionnement des denrées, comme c’était encore le cas au XVIIe siècle87 (fig. 46). En 1496, le compte de construction mentionne quant à lui « l’office basse en laquelle est retraict du goubellet du roy88 ». Plus tard, ils servaient aussi de prison89. Le niveau de la cour abritait les cuisines de bouche du roi et sans doute de la reine90 (fig. 114 ; fig. 17 CC). En 1761 le four91, peut-être d’origine, était situé dans la cuisine orientale et sa « motte » était visible depuis la cour séparant le logis des Sept Vertus de la tour Bourbon. Précédées d’un portique, les cuisines du rez-de-chaussée communiquaient avec les offices bas par l’intermédiaire des vis centrale et orientale qui desservaient l’ensemble des étages jusqu’aux galetas.
50Les logis du roi et de la reine occupent le permier étage (fig. 115a et 115b ; fig. 29 CC). L’identification des logis a été effectuée par Évelyne Thomas92, grâce aux commandes de vitrage armorié figurant dans le compte de 1495-1496, d’épées et de palmes pour Charles VIII93, de « A » et de palmes pour Anne de Bretagne :
A Gille Jourdain, victirier, pour le nombre de 49 piez et demy de pierre ouvré a « A et palmes » par lui baillee mis et assiz au temps dessusdit en la chambre et garderobe de la royne et es victres rompues tan en la grant gallerie que en la chambre du roy nostre sire […].94
51Cette identification est confirmée par les commandes de serrures. Au cours du 2e rôle, à l’hiver 1496, Martin Mennau confectionne 5 huis dont :
L’ung a entrer de la grant gallerie en la chambre du roy, ung autre a entrer de ladicte chambres en la salle, ung autre a entrer de la garde robbe de ladicte chambre et l’autre en l’allee a aller a la viz et a entré en ladicte viz.95
52La description correspond parfaitement aux dispositions du logis. Il s’agit d’une distribution tout à fait originale et particulière où, de part et d’autre d’une salle chauffée par deux cheminées, prennent place deux logis réduits à une chambre ainsi que leur garde-robe et complétés pour le roi par une galerie. Si la largeur du logis demeure plus imposante que celle du logis de Louis XI (9 m contre 6,50 m), l’espace propre à chaque logis est nettement réduit. D’après le plan de 1708 et les procès-verbaux de 1630 et 1761, le logis est divisé en trois parties égales par deux murs de refend : les trois pièces font 117 m2 chacune et à l’extrémité des chambres, des garde-robes empiètent de 30 m2, si bien que les logis du roi et de la reine sont la réplique l’un de l’autre96, si ce n’est que le logis du roi dispose avec la « grant gallerie » d’un espace complémentaire considérable97. Dans le compte d’ameublement du logis de 1498, la chambre du roi est nommée « chambre du roy » ou « grant chambre98 ». La terminologie est intéressante : sous Louis XI, c’était bien la première chambre qui était qualifiée de « grande chambre » (cf. p. 88), locution qui laisse donc à penser que, plus qu’une chambre où le roi dort, il est question ici d’une chambre de parement. On remarque aussi que les sources quelles qu’elles soient emploient indifféremment les termes de « salle » et de « grant salle » pour la pièce centrale.
53Une rampe cavalière droite permettant de monter à l’étage noble aboutit à un portique depuis lequel on accède aux deux premières pièces (fig. 116a) : la chambre de la reine et la salle. Derrière la vis centrale, s’étend la « grant gallerie » qui s’élargit devenant une galerie chauffée par une cheminée et est accessible à la fois depuis le portique et par la « chambre du roy ». La grande vis centrale est soigneusement fermée à l’ouest pour privatiser la galerie. Les « chambre et garderobe de la royne », situées juste à l’arrivée de la rampe cavalière, sont commandées par trois accès : la vis orientale qui ouvre sur un tambour à côté de la garde-robe, le portique et la salle. La chambre du roi possède des accès moins immédiats. Le premier se fait au travers de la salle. Au débouché de la rampe cavalière, on peut aussi emprunter l’étroit portique, franchir l’étranglement généré par l’escalier central et pénétrer dans la galerie dont le haut-bout est à l’ouest et qui donne sur la chambre. Enfin, la vis ouest ouvrant sur la garde-robe demeure un accès dérobé. La porte par laquelle on entre dans la salle, depuis le portique, se situe à côté de la vis centrale, du côté du logis de la reine et bien que la pièce possède deux cheminées99, le haut-bout de la salle prend vraisemblablement place du côté de la chambre du roi, à l’extrémité opposée de la porte d’entrée. Le roi gagne donc au plus vite le haut-bout en venant de sa chambre, tandis que ses visiteurs parcourent un cheminement plus long. Il est possible que l’accès par la galerie soit plutôt une sortie, ou un accès privé, la vis centrale masquant ce passage.
54Si ce logis est à rapprocher du logis Neuf de Blois, on note toutefois qu’il compte moins de pièces : une salle, deux chambres et deux garde-robes à Amboise contre une salle, deux chambres, deux garde-robes et plusieurs chambres de retrait à Blois100.
55Les circulations de service sont assurées par les trois vis, mais seules les vis les plus larges − centrale (1,60 m de rayon) et orientale (1,80 m de rayon) − montent de fond. De dimensions plus modestes (1,10 m de rayon), la vis occidentale commandant la garde-robe du roi commence au niveau des offices hauts (niveau R). Comme celle de la reine, la garde-robe du roi est précédée d’un tambour l’isolant ainsi de la circulation depuis les offices. Celui-ci est précisément mentionné dans le compte de 1495-1496 : « A lui pour la ferrure de deux huis est ans en la chambre du roy et l’autre a l’oustevient de ladite chambre101 ».
56Enfin, les deux niveaux supérieurs de galetas sont occupés par des chambres pourvues de garde-robes, probablement attribuées à l’entourage du couple royal et aux domestiques102 (fig. 116b ; fig. 19 CC).
57Soulignons que le logis des Sept Vertus est très mal relié aux bâtiments du donjon ; seule la vis occidentale établit une communication vers la tour Bourbon, mais il s’agit là d’un passage de service. Ses accès principaux que sont la rampe cavalière et la vis centrale prennent naissance dans la seconde cour, le rendant tout à la fois autonome et isolé du reste du château.
58Évelyne Thomas explique cette distribution par le fait que la reine103, duchesse de Bretagne, devait disposer d’un logis analogue à celui du roi. En effet, dans ce logis la reine recevait ses hôtes à l’égal du roi. Mais, le compte d’ameublement (1493-1494) est contemporain de la période de construction (1492-1498), elle-même précédée par le chantier de terrassement (1489-1491) ; il convient donc de s’interroger sur la volonté première de Charles VIII : voulait-il réellement déplacer le lieu de résidence du couple royal ? Pourquoi bâtir la chapelle Saint-Hubert à proximité de l’ancien logis, dans le donjon, et non près du nouveau logis, le logis des Sept Vertus ? Celui-ci, dépourvu de chapelle, pourrait avoir plutôt été conçu comme un logis d’apparat et non comme un logis à vivre au quotidien. Dans les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne104, en 1501, les chambres de l’ancien logis de Louis XI sont toujours désignées comme celles des souverains, alors que le logis des Sept Vertus est achevé depuis 5 ans et le nouveau logis de Charles VIII en chantier. Monique Chatenet est la première à avoir émis cette hypothèse. Elle a de surcroît fait le rapprochement du logis des Sept Vertus avec le logis Neuf de Blois :
Les joutes se tenant bien souvent dans les basses-cours, il est tentant d’identifier cette fenêtre que le roi a coutume d’utiliser pour saluer les foules avec l’une de celles du logis Neuf. L’implantation « face au peuple » de ce logis paraît délibérée, et celui des Sept Vertus pouvait sans doute se prêter, lui aussi, à des apparitions au balcon grâce au portique qui précède la salle au premier étage. On en vient finalement à se demander si la principale destination de ces logis n’était pas, tout simplement, de servir de toile de fond aux apparitions royales et d’abriter à l’occasion les hôtes illustres de passage.105
59Le rapprochement de ces deux logis ne serait pas complet si l’on omettait de préciser que les chambres de parement mortuaires furent dressées, telle une dernière représentation, pour Charles VIII, dans le logis des Sept Vertus d’Amboise et, pour Anne de Bretagne, dans le logis Neuf de Blois.
60Enfin – et surtout ! –, les meubles énumérés en 1498 dans le compte d’ameublement du logis des Sept Vertus qui se reconnaissent aisément dans les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne de 1500, sont recensés dans la partie nommée :
Autres acoustrements et parements baillez audit Jehan Lefevre a Amboyse qui furent autreffoiz faiz a la venue de monseigneur de Bourbon comme appert par ung inventoire faict audict Amboyse le XVIIe jour de Janvier mil IIIIC IIIIXX dix et sept [a. st.].106
61L’année 1498 [n. st.] correspond à celle du compte d’ameublement du logis des Sept Vertus, tout comme le nom du fournisseur, Jean Lefevre. Il y a donc tout lieu de croire que la décoration des logis avait été rénovée à l’occasion de la venue du duc de Bourbon qui aurait ainsi logé au logis des Sept Vertus réservé aux hôtes de marque107. Notons que précédemment dans le donjon d’Amboise comme en 1501 dans le logis Neuf de Blois, les duc et duchesse de Bourbon avaient droit à une salle et deux chambres, ce qui est précisément la disposition du logis des Sept Vertus.
62Ainsi, en reconnaissant le logis des Sept Vertus comme le logis d’apparat, peut-on expliquer la dynamique du chantier, les choix du souverain, les dispositions des autres logis, leurs accès et leur nombre.
Les lieux de loisirs
63Lieux de circulation et de rencontre, voire de promenade, les galeries et portiques d’Amboise sont particulièrement nombreux, mais souvent délicats à identifier au travers des sources. Il est possible de reconnaître « la galerie où est le serf » comme la rampe cavalière droite du logis des Sept Vertus dont le mur d’échiffre était orné de « rangiers108 » que Jacques Androuet du Cerceau a dessinés sur sa Vue du costé de la riviere de Loire (fig. 113). Celle « du jeu de paulme » était située au rez-de-chaussée de la façade est du donjon. Outre sa fonction de communication qui permettait de gagner depuis le donjon les édifices de la seconde cour, elle servait incidemment de balcon pour suivre les parties de jeu de paume. Le rôle d’Haquelebac était donc d’autant plus justifié que cette partie du château, étant le lieu des réjouissances quotidiennes, devenait un lieu de passage. De là partait la petite « viz a descendre au jeu de paulme » qui correspond sans doute aux vestiges encore visibles dans le fossé109 (fig. 117). L’achat au mois de février 1496 − à l’arrivée du roi − de « douze racquectes […] pour servir au jeu de paulme » témoigne de la réalité de ce divertissement110. Les portiques, coursières et balcons, d’où l’on pouvait aussi suivre les joutes et les spectacles, ne recouvraient donc pas seulement une fonction distributive mais jouaient un rôle primordial dans la mise en scène et en perspective de la vie de cour111.
64Tout en constituant une barrière dans la circulation interne, le logis du Tambour assurait visuellement le lien entre le donjon et les bâtiments de la seconde cour112 (fig. 32 CC). Au deuxième étage du logis du Tambour, surplombant d’un niveau les autres bâtiments, était installée la « librairie » si l’on en croit les procès-verbaux rédigés vers 1630 et quelques fragments de compte des années 1499 faisant état de travaux de « plancher » et de serrurerie au « corps de maison neuf près la librairie dudict chastel113 », qui désignerait le bâtiment sur Loire de la grande salle114. À la fin de 1495115, Charles VIII rapporta d’Italie 1 140 volumes, « en latin, françoys, italien, grec et esbrieu116 ». Par ailleurs, dans des chambres réservées aux « besoignes de Napples », on entreposa entre autres « les testes de Naples ». Étaient-elles exposées à proximité de la librairie, pour constituer une étude, a mi-chemin entre la chambre des merveilles et le cabinet de curiosité117 ? On est en droit de se le demander.
Les tours cavalières
65Faut-il encore démontrer que les tours cavalières étaient bien des accès cavaliers et charretiers (fig. 118) ? S’il est vrai que les linteaux ne sont pas très hauts, les quelques 2,80 m séparant le sol de la clef de l’arc restent suffisants pour le passage d’un cavalier, d’autant que les « grands chevaux » étaient encore de taille très modeste (1,40 m au garrot minimum et 1,46 m en moyenne en 1537118). En 1501, lors du voyage de Philippe le Beau et de son épouse Jeanne de Castille à travers la France, les visiteurs se montrent enthousiastes lors de l’étape d’Amboise :
Et touchant du chasteau, c’est ung des beaulx commenchement de beau lieu que l’on sauroit souhectier, il y a tours que chevaulx et charrioz charient depuis au piet des tours [jusqu’] en hault.119
66L’idée selon laquelle chacune des nouvelles constructions aurait été desservie par une tour cavalière − la grande salle par la tour des Minimes, et le logis des Sept Vertus par la tour Heurtault − semble réductrice. Si l’accès cavalier est incontestable du côté du logis des Sept Vertus pourvu d’une rampe droite cavalière, il est d’un point de vue pratique totalement impossible pour un cavalier de rejoindre, depuis la tour des Minimes, les arcades sur Loire sous la grande salle. Le cavalier débouche nécessairement dans le jardin. Comment expliquer alors que l’on ait bâti la tour des Minimes avant la tour Heurtault ? La volonté d’exposer une tour monumentale face à la Loire dut en partie motiver la décision. La formulation du compte insiste sur le rôle joué par la tour des Minimes dans la « fortifficacion et decoracion dudit chastel120 ». La construction de la tour Heurtault fut quant à elle probablement envisagée comme un pendant à la tour des Minimes. Sa position côté ville en faisait un élément moins ostentatoire, mais son rôle d’accès au château était primordial.
67Jacques Rigaud figure dans la Vüe costé Loire une tour inachevée à l’angle nord-est du jardin (fig. 13 CC), tour en outre mentionnée dans l’État de la consistance du domaine d’Amboise daté du 31 août 17421121, puis dans un registre recensant le domaine royal fixe de la province de Touraine en 1775122. Par ailleurs, il existe encore des pierres d’attente à cet endroit et la maison construite au pied du rempart se trouve en contre-haut de la rue, comme si en effet elle était bâtie sur un soubassement (fig. 119). Enfin, il faut peut-être prêter une attention particulière à une mention relevée dans les archives de la ville : en septembre 1498, 4 manœuvres perçoivent 50 s. t. pour avoir « tiré du moison qui estoit es doubves du Petit Fort, pres l’eglise des bons hommes123 ». Cet emplacement répond à l’extrémité de la rue Louis XI, soit au pied du jardin, à l’aplomb des pierres d’attente et la date est juste postérieure à la mort de Charles VIII, décédé en avril précédent.
68Charles VIII semble donc avoir entamé la construction d’une troisième tour cavalière à l’angle nord-est du promontoire ; ce qui s’expliquerait, comme pour la tour des Minimes, en fonction du jardin. Vers 1630, on décrit encore dans le jardin « une grande allée ou on court à la bague124 » qui témoigne – il est vrai tardivement − de l’importance des jeux équestres dans les divertissements des princes.
69Outre le modèle défensif de la tour à canon dont elles sont issues, les tours des Minimes et Heurtault constituent des modèles uniques en France de tours à rampe cavalière. La topographie escarpée du site d’Amboise motiva cette solution novatrice palliant aux problèmes d’accès au promontoire rocheux. Avant le projet de Charles VIII, il n’existait que l’ancienne rampe d’accès avec ses nombreux obstacles, la tour Garçonnet − entrée piétonne − et la porte des Lions − porte des champs. Les tours au contraire permettent d’approcher sans effort au plus près des logis. À Urbino, Frédéric de Montefeltre avait fait édifier vers 1480 par le célèbre ingénieur militaire siennois, Francesco di Giorgio Martini, la tour de la Data où une rampe hélicoïdale sur voûte annulaire dotée d’un pas d’âne constitue l’accès cavalier montant du pied de la ville à l’entrée du palais ducal125. Le même ingénieur fut chargé de la fortification des places du duché d’Urbino (Modavio, Fossombrone…). Cependant, contrairement à Amboise, la rampe d’Urbino n’est pas mise en valeur de l’extérieur. Du point de vue du modèle architectural, les tours sont à rapprocher de la grande vis à noyau creux voûtée d’ogives de l’Albrechtsburg de Meissen datée de la période 1471-14851126, mais qui ne constitue pas un accès cavalier. Enfin, le puits d’Orvieto est plus tardif mais se rattache à ce modèle architectural. Loué par Giorgio Vasari qui l’attribue à Antonio da San-Gallo, il propose lui aussi un noyau creux ouvert de baies qui éclairent une double rampe conduisant au fond, au point d’eau, hommes et animaux. Il aurait été commandé par le pape Clément VII en 1527 qui se réfugie à Orvieto après le sac de Rome127.
70Monique Chatenet rapporte qu’en 1501 l’archiduc Philippe le Beau eut l’honneur d’approcher le logis de Blois à cheval et de descendre dans le passage d’entrée du château128. En mai 1541, pour montrer à sa sœur, Marguerite de Navarre, combien le duc de Clèves était digne d’épouser sa fille, Jeanne d’Albret, le roi reçut ce dernier à Amboise avec les plus grands honneurs, parmi lesquels le privilège d’accéder à cheval jusque devant la salle du roi :
Sua Eccellenzia [il duca di Cleves] entrὸ nella terra [di Amboise] su le ventédue ore et andὸ a cavallo sino alla salla di sua Maestà […] E smontata et entrata nella salla, fece a sua Maestà reverenzia, dalla quale fa con bonissima chiera abbraciata […].129
71L’ambassadeur qui relate la scène ne dit pas dans quelle salle celle-ci eut lieu mais on peut penser à celle du logis des Sept Vertus accessible par la rampe cavalière dont l’usage est souligné dans le compte de 1495 :
A Germain Petitgars, Chrispof Lemauclerc et Jean De Lalay, couvreux d’ardoise demourans a Tours, pour avoir couvert au temps dessusdit une gallerie ou montee pour monter a cheval du pié de l’ormau estant devant l’eglise sainct Florentin dudit lieux ou grant corps de maison nouvellement fait oudit chastel avecques le pavillon estant au bout de la montee […].130
72Henri Sauval rappelle quant à lui les usages du milieu du XVe siècle au milieu du siècle suivant :
Il n’y avoit que les enfans de France, qui osassent entrer à cheval, en chariot, en coche & en litière, au Louvre, aux Tournelles & aux autres maisons royales, il falloit que les princes & les princesses descendissent à la porte, les grands seigneurs & les autres dans la rue.
Sous François I, il ne fut rien innové là-dessus, comme fait voir une lettre de Catherine de Medicis : cependant il y a quelque apparence qu’Henri II, François II & Charles IX se relâchèrent en faveur de quelqu’une de leur cour, qu’ils étoient bien aise d’obliger. Et de fait, en 1572, le dernier fit un reglement au Louvre pour empêcher que telle faveur ne passât plus, avant, sans pourtant avoir égard tout-à-fait aux remontrances de Catherine de Medicis, qui à sa priere l’informa de la police de la cour, sous François I. Veritablement ainsi que son aïeul, il ordonna au cappitaine de la porte de son palais de laisser entrer dans la cour, tant à cheval qu’autrement, sa mere, sa femme, ses freres & ses sœurs ; mais quant aux autres, pour princes qu’ils fussent, de leur faire mettre pied à terre à la porte hors de la barriere, à l’exception du roi de Navarre, des ducs de Loraine, de Savoie & de Ferrare ; faveur pourtant que François I leur avoit refusée.131
73Accéder à cheval au plus près des logis représentait donc un très grand honneur. Les tours cavalières contribuèrent ainsi à la fascination que le château royal exerçait sur les sujets.
74Rappelons enfin que les déplacements se faisaient à cheval, car les membres de la cour étaient logés pour la plupart en ville, ou aux environs dans les hôtelleries132, ou chez l’habitant. Reste à déterminer la limite jusqu’à laquelle chacun pouvait rester à cheval ; finalement, les tours étaient-elles cavalières pour tous ? Sans doute non.
75L’aspect défensif des tours cavalières de Charles VIII est sujet à interrogation (fig. 27 et 97). À partir du XVe siècle, le développement de l’artillerie lourde induit des mutations importantes dans l’architecture militaire. L’invention du boulevard puis de la tour à canon est modernisée133, dès la fin du règne de Louis XI, par le développement de rampes qui répondent au besoin de manier des armes montées sur affûts à roues134. De prime abord, la tour Heurtault évoque le château Saint-Ange de Rome avec ses proportions trapues et son antique rampe dont sont aussi inspirées la forteresse de Yedikule à Istambul, construite en 1457, et la tour Blanche de Thessalonique (attribuée à Soliman le Magnifique, entre 1520 et 1566). Considération faite des difficultés d’accès au promontoire et du caractère défensif de la place qui ne fut jamais sacrifié aux aménagements résidentiels, le problème ne se posait pas, à Amboise, dans les mêmes termes qu’en Turquie ou en Grèce, mais force est de constater que les constructeurs adoptèrent la même solution. On ne saurait toutefois considérer les tours cavalières du château d’Amboise comme des tours à canons : leurs châtelets d’entrée, bien que dotés d’un pont-levis, ne constituent pas des fortifications efficaces. Les canonnières sont mal adaptées à l’usage d’armes à feu, même épaulées, et les baies s’ouvrant à leur aplomb, bien que protégées par des grilles, sont immenses (3,30 x 0,80 m) ce qui met directement en péril l’artilleur (fig. 120). Pourtant leur esthétique s’en approche et le souci défensif n’en est pas totalement absent. Preuve en est la galerie de contremine ménagée sous la rampe de la tour des Minimes (fig. 20 CC). Tournée à l’est, vers l’extérieur de la ville, elle se situe à 3,60 m du mur extérieur de la tour. Bien que très restaurée, on sait qu’elle débouchait sur des casemates équipées de quatre canonnières à la française de calibre important (30 à 40 cm de diamètre) qui tiraient au niveau des fossés (fig. 121). Par ailleurs, le canonnier Jean De Bayne est rétribué dans le compte pour « plusieurs parties et choses par lui […] pour le fait de l’artillerie que le roy notre sire a oudit chastel ». Il emploie aussi 3 toises de « gros seaige […] pour servir et employer a bailler l’artillerie estant oudit chastel », c’est-à-dire environ 6 m de bois scié pour caler et mettre en place les pièces d’artillerie135.
76Les deux tours cavalières constituent une synthèse magnifiée de l’accès piéton, par une vis de la tour Garçonnet, qui adoptait déjà le concept de monumentale « tour-poterne », et de l’accès cavalier par une rampe droite de l’entrée méridionale du château. Le détournement du modèle de la tour à canons ne fut peut-être pas étranger à la présence sur le chantier du canonnier ordinaire du roi, Jean De Bayne, qui dut ainsi prodiguer ses connaissances. Dans le contexte des guerres d’Italie, il convient de se demander si le modèle d’Urbino était connu des Français. Jean De Bayne avait-il eu un quelconque contact avec Francesco di Giorgio Martini ? Ou cette idée était-elle tout simplement dans l’air du temps, à une époque où les grands canonniers français étaient, depuis les frères Bureau, reconnus parmi les meilleurs.
77Exception faite des quatre canonnières battant les fossés (fig. 121), les trente-cinq ouvertures de tir des tours cavalières se trouvent en allège des baies (3 x 0,80 m). Avec un petit orifice à l’intérieur (12 x 12 à 12 x 18 cm), ces canonnières présentent un large ébrasement externe et aucun système de calage (fig. 120). L’étranglement de l’ouverture se trouve au nu de l’allège interne, disposition qui joue la même fonction qu’une véritable canonnière à la française où l’étranglement est au milieu du noyau du mur. Les appuis des baies d’une même révolution montent régulièrement de trois assises de pierre pour chaque ouverture ce qui, ne correspondant pas exactement à la pente de la rampe, fait varier la hauteur des appuis entre 20 cm et 80 cm au-dessus du niveau du sol (fig. 122). On a donc privilégié la répartition uniforme des ouvertures sur la façade plutôt que la commodité d’utilisation de ces ouvertures de tir ; parce que trop basses, la plupart se révèlent malaisément utilisables pour des armes épaulées. En outre, on a vu que la taille des baies expose les hommes d’armes. De forme rectangulaire, ovale, ou couverte d’un arc segmentaire à l’extérieur (30 x 18 cm), les ouvertures de la tour Heurtault – légèrement postérieure à la tour des Minimes –, édifiée dans la ville, sont paradoxalement plus travaillées et plus ostensibles que celles de la tour des Minimes, dominant la Loire. Ces dernières sont en effet exclusivement rectangulaires et aucun travail particulier de taille de la pierre ne fut nécessaire136. Il en fut sans doute autrement à la tour Heurtault où les ébrasements externes sont plus sophistiqués ainsi qu’à la porte des Lions où l’orifice interne de la canonnière à la française est circulaire (fig. 123, 124 et 125).
78Dépourvue de galerie de contremine, la tour Heurtault montre d’imposantes canonnières basses à la française (40 à 50 cm de diamètre) prévues pour des pièces d’artillerie de gros calibre (fig. 121). La casemate interne étant obstruée, on ne sait cependant si elles étaient posées au sol ou sur essieu à roues, ce qui auraient été un véritable clin d’œil à l’origine de ces tours. Perçant le mur sur 1,60 m de profondeur, les bouches de ces canonnières étaient fermées de volets plaqués dans un tableau contre la joue de l’ébrasement. On peut notamment rapprocher ces ouvertures datant des dernières années du règne de Charles VIII, de celles de Concarneau, contemporaines du règne de Louis XII137.
79On peut ainsi supposer que ces deux tours, construites entre 1495 et 1498, aient été équipées de grosses pièces d’artillerie au niveau inférieur et de très fins canons ou de légères arquebuses aux niveaux supérieurs dont on aurait laissé dépasser ostensiblement le fût de manière avant tout dissuasive.
Le jardin
80L’étude du jardin d’Amboise (fig. 126) repose sur des informations diverses : la topographie, le lieu d’implantation du jardin étant toujours lisible ainsi que quelques éléments architecturaux (belvédères, mur de soutènement sud aussi appelé « le mur du logis canonial »), le fragment d’un compte de construction du 11 avril 1501 (n. st.)138, les comptes de l’argenterie de 1517, les Vues de Jacques Androuet du Cerceau autour de 1579 (fig. 127, 128, 129 et 130 ; fig. 8, 9, 10, 11, 17 CC), le procès-verbal d’estimation des travaux de 1761, le procès-verbal de démolition et d’aménagement du château dressé en 1806-1808, enfin, le Rapport des sondages de la terrasse est du château d’Amboise réalisé en 1993 qui valide la présence de certaines structures disparues139.
81En 1579, Jacques Androuet du Cerceau figure le jardin avec toutefois quelques différences entre ses représentations gravées et dessinées. Ce jardin est traditionnellement attribué à Charles VIII et Louis XII. Il semble cependant inconcevable que le château d’Amboise, lieu de résidence principal de Louis XI (surtout entre 1468 et 1473), de Charlotte de Savoie et de leurs enfants puis de la jeune princesse Marguerite d’Autriche, n’ait pas disposé de jardins. Compte tenu des structures défensives et des logis anciens, la situation du jardin a toute chance de remonter à une date bien antérieure. Même si les documents ne sont d’aucun secours avant 1495, où aurait-il pu être planté si ce n’est sur la terrasse nord-est du promontoire ? Au Louvre ou à Vincennes, il se trouvait aussi au-delà du fossé140.
82L’aménagement du jardin fut précédé de travaux de décaissement dont la date exacte d’exécution demeure incertaine, mais qui furent effectués avant le 1er rôle du compte de construction de 1495-1496 où est signalée la taille de piliers :
A Jean More, maçon, pour avoir taillé en tasche ou moys d’octobre l’an de ce roolle ung pillier de pierre pour servir aux galleries du jardin dudit chastel […].141
83La décision d’établir, ou plutôt de rétablir, un jardin à Amboise fut sans doute prise avant le retour de Charles VIII. Le jardin montre d’ailleurs des dispositions proches de la tradition médiévale française : il est clos de 95 m de long pour environ 35 m de large. Ces dimensions sont bien plus proches de celles du jardin du Louvre (90 x 50 m) que de celles des jardins de Blois (190 x 80 m). La filiation du jardin d’Amboise avec les horti conclusi médiévaux est encore soulignée par le décor de faux-créneaux animant le sommet du mur de soutènement142 (fig. 35 et 131). Les représentations du XVe siècle, celles de Barthélémy d’Eyck notamment, proposent ainsi des exemples de jardin au revers de courtines crénelées. Les faux-créneaux du jardin doivent être rapprochés de ceux du château du Moulin à Lassay-sur-Croisne, construit par Philippe du Moulin, chambellan de Charles VIII et Louis XII entre 1483 et 1501 (fig. 131).
84Les côtés nord et sud sont bordés de portiques et galeries lambrissées. Toutefois, l’existence d’un portique que figure Jacques Androuet du Cerceau sur le petit côté oriental peut être discutée, puisqu’une partie de la butte présente encore aujourd’hui derrière l’actuel escalier droit constitue le terrain d’origine, qui n’a pas été décaissé afin de ne pas mettre en péril les fondations du rempart oriental (fig. 35). La porte au porc-épic située au bout du jardin implique qu’une vis monte à la terrasse haute. La galerie nord dispose quant à elle de baies face à la Loire. Jacques Androuet du Cerceau reproduit aussi cette ordonnance au jardin de Gaillon qui est contemporain143. Des trois belvédères (fig. 119), le premier à l’ouest est clos et chauffé, alors que les deux autres se trouvent en plein air. Ces dispositions sont à rapprocher de celles adoptées à Urbino, à Pienza ou à Poggio Reale, où l’« on ne voit la vallée ou la mer qu’à travers des croisées ouvertes dans le mur144 ».
85L’essentiel des éléments italianisants revient au végétal planté. Ce que remarque, en 1501 à Amboise, un chroniqueur qui suit le voyage de Philippe le Beau et Jeanne de Castille à travers la France :
Tout au plus hault est le plus beau jardin que je veiz oncques et plus beau regard que de veoir bien a plain a X lieues loings, et belles grosses rivieres. C’est un paradis en ce monde, bon eir et belles eouvres.145
86Jacques Androuet du Cerceau représente des parterres à l’italienne ; mais sommes-nous seulement sûrs qu’ils aient bien existé ? L’enquête d’authenticité menée sur ses Vues souligne pour nombre d’édifices une idéalisation du lieu. Pour harmoniser son plan, Jacques Androuet du Cerceau a supprimé le tracé en crémaillère du rempart et la terrasse haute, ce qui remet en question sa représentation du portique oriental en contrebas de la terrasse, ainsi que d’un jeu de paume, derrière le logis de l’Armurerie (fig. 129). Un jeu de paume ne pouvait guère se trouver à cet endroit, à moins que celui-ci ait précisément été remplacé par les buttes, si tant est que celles-ci soient postérieures à 1630 et non antérieures à 1495. Le plan de 1708 présente trois grands carrés pour le parterre et l’on peut en restituer un quatrième en supprimant le logis d’Henri II (fig. 12 ; fig. 29 CC). La tonnelle abritant vraisemblablement une fontaine que Jacques Androuet du Cerceau figure le long du portique nord est aussi un élément d’inspiration italienne. Le compte de 1495-1496 mentionne une pierre à fontaine achetée à l’automne 1496146, soit juste après le retour de Charles VIII. Sont également rapportés les travaux infructueux réalisés par Roland De Coqueville pour tenter de faire monter l’eau au château147. En 1518, François Ier essaie à nouveau de résoudre le problème en employant un ingénieur italien148, mais Léonard de Vinci note dans un de ses carnets que le château d’Amboise a une fontaine sans eau149. Quant au « vivier du jardin dudit chastel150 » mentionné au cours de l’été 1496, il ne constitue en rien une nouveauté car c’est-là une disposition classique du XVe siècle. On sait par exemple que le château d’Angers accueillait un vivier dans les jardins s’étendant au pied du logis neuf du roi René, et ce dernier tenait à le trouver entretenu lors de ses séjours151.
87Enfin, au long du mur de soutènement du logis de l’Armurerie, la « gallerie haulte qui va du logis du roy à l’église et au logis de l’armurerie » est légendée en tant qu’orangerie sur le plan de 1708 et qualifiée « d’ancienne orangerie » dans le procès-verbal de 1761152 (fig. 127 ; fig. 18 CC). Sa création pourrait revenir au célèbre jardinier Pacello da Mercogliano ramené de Naples par Charles VIII, car il en fit construire une à Blois quelques années plus tard153. Elle communique avec le logis dit canonial qui devient sous Charles VIII, et jusqu’au départ définitif de la cour après 1560, le logis de l’Armurerie, salle d’exposition où l’on admire face aux jardins et à la Loire de rares pièces de collection154. Il convient de s’attarder sur ce logis dont Jacques Androuet du Cerceau est le seul à représenter l’élévation (fig. 129 ; fig. 9 CC). Au-dessus de la partie basse aveugle, l’ordonnance de la façade ne saurait être antérieure aux années 1530. C’est donc sans doute François Ier qui acheva cette partie, voire Henri II qui rhabilla la façade afin de l’harmoniser aux façades de son nouveau logis155.
88La prédilection pour les oiseaux dont les cages sont installées dans les pièces à vivre et à proximité des jardins où l’on vient écouter leurs chants est connue au Moyen Âge. Louis XI raffolait des oiseaux et avait transmis cette passion à Charles VIII qui, enfant, s’occupait déjà de ses propres volières156. En 1632157, « le cabinet aux oyseaux » est cité entre le paragraphe concernant la galerie du jardin et celui consacré au « logis du roy » − c’est-à-dire le logis bâti par Henri II devant le nouveau logis de Charles VIII (fig. 2 CC). Ce cabinet était peut-être situé le long de la galerie nord du jardin. La tonnelle figurée par Jacques Androuet du Cerceau abritait donc fontaine et volières. On retrouve une même disposition dans le jardin du château de Gaillon où une fontaine couverte d’une tonnelle bordée de volières trône au centre du jardin clos de galeries158.
89Les oiseaux parmi les plus recherchés étaient gardés à Amboise159, en particulier des rapaces ou « oiseaux de proye » de différentes espèces160. Les dépenses relatives aux oiseaux et à la fauconnerie sont abondamment documentées. Outre leurs achats et de nombreux transferts, est consigné leur entretien incombant au fauconnier Mattieu Framery161, demeuré au service de Charles VIII comme de Louis XI ; auprès de lui162, Gilles De Nefves est responsable de la mue des oiseaux, opération des plus délicates puisqu’elle les affaiblit un temps. Enfin, les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne signalent parmi le matériel de volerie de Charles VIII « ung petit tabour pour faire monter les herons », ou support pour les hérons, dont les combats aériens spectaculaires avec les faucons étaient particulièrement appréciés163.
90Sans que la présence d’une ménagerie soit vraiment attestée à Amboise, nous savons que le roi y faisait entretenir des lions. En 1494, dans les comptes de l’argenterie d’Anne de Bretagne, un des paragraphes se rapporte au divertissement que proposaient les fauves :
A Jeannin Le double, portier du chastel d’Amboise, pour ung asne de luy prins et achapté et lui baillé et livré du commandement d’icelle dame devant les lyons dudit lieu pour les jouer et esbattre.164
91En 1496, Vincent Gelée, clerc et payeur des œuvres du roi, est chargé du transport des lions du roi entre Paris et Amboise165. Comme à Angers pour les lions du roi René166, le compte de construction de 1495-1496 mentionne le logis des lions : « A lui pour cinq barreaux de fer pour le logeys des lyons poisans 21 lb fer167 ». On présume que leur enclos se situe dans le fossé précédant la porte dite des Lions. Sous François Ier, Jean Anthoine « garde et gouverneur des Lyons d’Amboise » fait venir un « thoreau » pour combattre avec les lions168.
Le nouveau logis de Charles VIII sur les jardins
92Si Louis XII termina le chantier interrompu à la mort de Charles VIII, il résida surtout à Blois qui devint, sous son règne, une seconde capitale. À Amboise, ses ambitions furent donc réduites. Cette période est peu documentée, mais l’étude des maçonneries permet d’affirmer qu’il acheva, outre la tour Heurtault, le nouveau logis commencé par Charles VIII (fig. 132). Il faut donc définir à quel stade d’avancement s’arrêta le projet initial et quel était-il ?
93Le logis se situe dans la partie nord du promontoire, face aux jardins, entre la tour des Minimes et la grande salle sur Loire, et perpendiculaire à celle-ci (fig. 133 ; fig. 34 CC). La tour des Minimes était construite aux deux tiers à la fin de l’année 1496 et le chantier de la grande salle, contemporain du logis des Sept Vertus, presque achevé. La date de début des travaux du nouveau logis demeure incertaine. On relève dans le compte de construction, entre l’automne 1495 et l’hiver 1496, la livraison de 12 « petites marches » de 5 pieds de long – dimensions qui correspondent aux tourelles d’escaliers nord et sud de ce logis dont le rayon interne atteint 125 cm et où l’on peut mesurer des marches de 137 à 139 cm de long, noyau compris, longueur à laquelle il convient d’ajouter une vingtaine de centimètres pénétrant dans le mur –, l’achat de 51 autres « petites marches » dont la longueur n’est pas précisée, la taille de 25 « petites marches de viz » et de 20 autres « petites marches » ainsi que le transport de 55 « petites marches169 ». Certaines marches sont donc citées plusieurs fois, ce qui interdit un décompte exact. Nous nous heurtons aux mêmes difficultés avec les « grandes marches170 » : 15 sont livrées dont 13 mesurant 7 pieds de long et une seule, dite « de viz », est taillée. Enfin, 9 marches ne reçoivent aucun qualificatif. La longueur d’environ 2,30 m des 13 marches pourrait concorder avec l’édification de la tourelle d’honneur – « escalier persé » − ou la tourelle privée ouest du nouveau logis de Charles VIII (fig. 96 et 134 ; fig. 15 et 9 CC) qui présente un rayon de 2 m sur le plan de 1708171. Le creusement des fondations du logis n’étant pas rapporté par le compte de 1495-1496, il dut avoir lieu l’année précédente.
94Après 1498, le chantier ne bénéficie plus du financement provenant des greniers à sel du royaume. À la mort de Charles VIII, Louis XII avait reporté les subventions sur d’autres chantiers172. Entre 1499 et 1505, cinq quittances non localisées pourraient correspondre à des paiements de travaux réalisés sur ce logis173. Enfin, une dernière mention datant du règne de Louis XII est à prendre en considération : dans la comptabilité de la ville, le paiement d’un manœuvre qui aide à charger de « l’ardoise prinse au chastel » pour la tour de l’Horloge en 1501-1502174, semble indiquer que, les couvertures étant achevées, le surplus des matériaux de construction est cédé à la ville.
95Deux quittances inédites témoignent aussi d’une activité constructive au début du règne de François Ier, entre 1515 et 1518. Durant l’été 1515, sont payées 6 journées de maçons, 6 de charpentiers et 15 de serruriers175. Le 12 janvier 1516 (n. st.), Pierre Trinqueau, maître-maçon, reçoit la somme de 100 s. t. « pour avoir vacqué au devysement du batimens dudit eddifice176 » et, dans une lettre datée d’août 1516177, Stazio Gadio informe François de Gonzague, marquis de Mantoue, que François Ier a entrepris d’élever un logis pour la reine. En outre, les comptes de l’argenterie de François Ier mentionnent que le roi alloue, au tout début de l’année 1518, 16 100 ℓ. t. versées en deux fois à Hugues Blandin qui est alors en charge du paiement des travaux et réparations du château d’Amboise. En mai, Jean Lombart, « paintre, deviseur demourant à Millan » est dédommagé pour son voyage à Amboise178. Enfin, le décor de la surélévation du logis à pilastres, tresses, fleurs et feuillages, caractéristique du début du règne de François Ier, justifie également cette datation (fig. 135).
96Mesurant 29,50 m sur 10,50 m, le logis se développe dans son état actuel sur 4 niveaux. Son assiette, située à cheval sur le mouvement de terrain transversal du promontoire et qui résulte de terrassements, rachète la différence de niveau d’environ 3 m, entre la seconde cour et le jardin. Le niveau de soubassement, enterré côté jardin, comprend des cuisines reconnaissables à leurs cheminées et fours, constituées de cinq pièces desservies par un couloir (fig. 92 ; fig. 17 CC). Les deux pièces septentrionales communiquent avec des caves ménagées dans le promontoire rocheux179. La pièce centrale, la plus spacieuse, présente encore une cheminée monumentale qui s’étend sur toute la largeur et qui a conservé l’ouverture d’un four sur le côté ouest (fig. 136). Les cuisines communiquaient directement avec les étages supérieurs par deux vis hors-œuvre (1,25 m de rayon). Ces dernières ouvraient par une porte à chaque niveau du logis ainsi que sur le jardin, et conduisaient dans les combles180.
97Si l’on rapproche les vestiges du décor à hermines et cordelières (fig. 137), visible dans les ébrasements des baies des deux premières pièces du logis, de celui du logis d’Anne de Bretagne à Loches181, il est vraisemblable que le logis de la reine ait pris place au rez-de-chaussée, de plainpied avec le jardin (2e niveau), et que celui de Charles VIII ait occupé le premier étage (3e niveau). La distribution aurait donc été identique à celle du logis de Louis XI, eu égard à la configuration et aux dimensions des pièces. Chaque logis aurait dû être composé, en partant du nord, d’une salle ou « grande chambre » (88 m2), d’une chambre (55 m2) et d’une garde-robe (28 m2). Ici, aucune source ne donne les noms et par conséquent la fonction exacte des pièces, que l’on peut cependant restituer.
98Du côté du jardin, les assises du logis de Charles VIII et du portique dit des Quatre Travées sont liées (fig. 138). Sur la façade orientale, côté jardin, au deuxième étage, on remarque que la baie située entre les Quatre Travées et la tourelle nord présente des moulures flamboyantes alors qu’à cet étage les autres sont à « l’Antique » ornées de cordes, de fleurs, de consoles et d’agrafes et encadrées de pilastres (fig. 139). Au même niveau, on observe dans le mur, à droite de la baie gothique et à l’aplomb des arcades des Quatre Travées, le départ d’un linteau. Juste au-dessus, on distingue l’amorce d’un garde-corps dont le profil est similaire à celui qui existe encore sur la balustrade surmontant le portique des Quatre Travées (fig. 139). Sur le pignon sud, sont toujours discernables les traces d’un ancien pignon, parallèle à l’actuel et dont le sommet se situe environ 3 m au-dessous de ce dernier (fig. 133 et 140). Dans les combles, lors de la surélévation du logis, les anciennes souches de cheminées ont été emprisonnées dans la maçonnerie des murs pignons et de refend lors de leur remploi comme conduits de cheminée.
99Cette analyse indique le sens dans lequel s’est déroulé le chantier et suggère que le bâtiment a été construit en trois campagnes. De la tour des Minimes, au nord, vers le sud, la première campagne s’arrêta au niveau de la baie gothique située au deuxième étage (fig. 139). Il était manifestement prévu de construire un logis sur trois niveaux, puisque cette baie n’a pas été conçue comme une lucarne mais bien comme une fenêtre182. Sur les pignons, les traces des anciens rampants et des souches de cheminées témoignent d’un état intermédiaire où le logis reçut une couverture au-dessus du rez-de-jardin, sans que l’on sache comment y avait été intégrée la baie du niveau supérieur. La similitude de l’actuel pignon avec celui du logis dans son état intermédiaire permet de supposer le remploi de la charpente. Cette campagne sans ambition pourrait être attribuée à Louis XII, comme en témoigne l’analyse dendrochronologique de la charpente dont les bois ont été abattus au plus tard entre 1500[d] et 1505[d] avant d’être remployés lors de la troisième campagne183. Dans un troisième temps, François Ier fit surélever (autour de 1516) d’un niveau le logis et ses tourelles d’escalier, réalisant ainsi le plan envisagé par Charles VIII.
100De même, le projet des Quatre Travées, conçu pendant la première campagne, fut revu a minima. Les piles qui reçoivent les arcs présentent les mêmes dimensions que celles de la grande salle ce qui suggère qu’elles ont été conçues comme les supports du soubassement d’un bâtiment de deux ou trois niveaux. Louis XII abandonna donc l’idée d’élever un deuxième niveau au-dessus des arcades (fig. 138).
101Le projet d’origine était plus ambitieux encore car on observe dans ce logis trois portes donnant sur le vide (fig. 140). La première est située au sommet de la tourelle hexagonale et surplombe la terrasse de la tour des Minimes ; la seconde, qui appartient à la construction de François Ier, se trouve au sommet de la tourelle nord du logis, tournée vers les Quatre Travées. Cette seconde porte semble indiquer que François Ier, suivant toujours le projet de Charles VIII, avait l’intention de raccorder le logis au niveau supérieur du portique des Quatre Travées. Enfin, au même niveau, il existe dans le pignon oriental de la grande salle sur Loire, à côté de la cheminée du comble, une troisième porte très étroite qui ouvre également sur le vide (fig. 110). On peut donc supposer qu’il était envisagé de construire tout un ensemble architectural au sommet de la tour des Minimes, ensemble qui ne fut jamais réalisé.
102Enfin, ajoutons aux éléments architecturaux encore existants, les éléments disparus qui dataient selon toute vraisemblance du projet de Charles VIII : côté cour, la tour-porche, sa petite vis et l’« escalier persé » (fig. 96 ; fig. 9 CC). Le rattachement de ces trois éléments à la campagne de Charles VIII se vérifie par l’analyse du compte de construction qui mentionne, en 1496184, de grandes marches de 230 cm de long étant sans doute destinées à l’« escalier persé » ; et aussi par la confrontation de l’iconographie – qui montre que ces éléments existent déjà sur les Vues et Plans, dessinés et gravés, de Jacques Androuet du Cerceau et qu’on les retrouve sur le plan de 1708 et sur la Troisième vüe de Jacques Rigaud (vers 1730 ; fig. 134 ; fig. 15 CC) – et des procès-verbaux qui décrivent les lieux. En particulier celui de 1761 qui est très précis : après avoir dépeint la chambre, on passe dans l’ancienne tour sur porche alors transformée en « chambre » puis dans la tourelle qui a été planchéiée aux dépens de sa vis pour en faire un « petit cabinet » :
Est une chambre à cheminée en pierre de taille faisant partie de l’avant corps cy dessus, parquetée par le bas en bois chesne en mauvais état. Icelle éclairée d’une croisée et d’une demy ensuite de laquelle est un petit cabinet à cheminée en pierre de taille faisant partie de la tourette cy dessus ayant son entrée par ladite chambre, et éclairé d’une demie croisée à l’occident. À l’orient de ladite chambre est un petit cabinet de quatre pieds et demy en dedans à pend, dans lequel aparoist vestiges d’un escalier de pierre à noyau rond.185
103D’autres arguments jouent en faveur de cette attribution à Charles VIII ; ils sont liés soit à la distribution générale du logis pour l’escalier percé – donc à son raccordement au bâtiment de la grande salle sur Loire –, soit, pour la chapelle sur porche, à des comparaisons qui attestent la diffusion de ce modèle architectural autour de 1500. La petite vis communique donc avec la chapelle sur porche – qui jusqu’à maintenant était identifiée, à tort, comme un appendice relevant des aménagements de Catherine de Médicis. En réalité, celle-ci n’avait fait que transformer en cabinet et chambre, la chapelle et sa petite vis, où le rédacteur du procès-verbal voit encore en 1761 les traces de l’ancien escalier. Ce type de chapelle sous laquelle est aménagé un passage se répand autour des années 1500 dans la région parisienne. L’étude de l’hôtel de Pierre Legendre à Paris186, qui comportait également, une chapelle sur porche propose plusieurs exemples tels que l’abside de la chapelle du château de Nantouillet, celle de l’hôtel de Cluny187, mais aussi à Beauvais, la chapelle de la maison canoniale de la rue de l’abbé-Gellée. Xavier Pagazani retient pour sa part les exemples des chapelles de l’hôtel du Bourgtheroulde à Rouen (disparue, 1499-1506), de l’hôtel des Généraux des Finances à Rouen (disparue, 1508-1511), du château de Martainville sur passage voûté (vers 1500-1505), du château de Fontaine-le-Bourg (disparue, vers 1512), du château de Tilly (disparue, vers 1530)188, et enfin du château de Gaillon qui avait été construite pour donner « l’impression saisissante de ne reposer que sur de fins piliers189 ». Ajoutons à cette liste la chapelle du logis Saint-Ouen de Rouen édifiée pour Antoine Bohier pour laquelle, au-delà de l’espace laissé libre sous la chapelle, la similitude formelle avec Amboise est très frappante (fig. 141).
104Si l’on considère que les premiers travaux de Charles VIII se concentrèrent, dans le donjon, sur l’édification d’une chapelle − la chapelle Saint-Hubert −, on imagine mal qu’il n’en ait pas été prévu une au nouveau logis. De même, à Loches, Anne de Bretagne disposait d’un oratoire occupant une petite pièce. Nous reconnaissons donc dans la tour-porche la chapelle du nouveau logis de Charles VIII, ou l’oratoire d’Anne de Bretagne de ce même logis. La distribution que proposent les plans de 1708 et de Jacques Androuet du Cerceau est tout à fait compatible avec une telle fonction. Située côté cour et accessible depuis la chambre et la vis de dégagement, le passage d’un espace à l’autre était gardé par un tambour (fig. 142a ; fig. 29 CC). La chapelle sur porche d’Amboise pourrait donc avoir inauguré ce modèle architectural.
105L’authenticité de la porte de communication entre la grande salle et la salle ou « grande chambre » de la reine est très malaisée à définir formellement tant elle est restaurée190, et il semble plus convaincant de la considérer comme une adjonction résultant des transformations de Catherine de Médicis191. En revanche, la porte de communication entre la « grande chambre » et le portique des Quatre Travées est authentique et elle justifie un tambour l’isolant et s’étendant jusqu’à la porte de la petite vis nord, côté jardin (fig. 29 CC). Ce passage était d’autant plus emprunté qu’il constituait, pour le roi installé à l’étage supérieur, le trajet le plus rapide pour gagner la grande salle et rejoindre le haut-bout de la pièce tel qu’il avait été conçu in fine, soit la cheminée à « l’Antique » (fig. 108). Il constituait par ailleurs l’accès de service des cuisines à la grande salle, une fois le nouveau logis construit.
106Sur les Vues et Plans de Jacques Androuet du Cerceau ainsi que sur le plan de 1708, l’« escalier persé » se positionne comme la grande vis desservant la grande salle et le nouveau logis de Charles VIII (fig. 96, 142a, 142b et 143 ; fig. 8, 9, 10, 11, 18 CC). De plan octogonal, chacun de ses angles est épaulé par un contrefort, son rayon interne mesure environ 1,80 à 2 m et, si l’on en croit la Vue du costé de la rivière de Loire (fig. 96 ; fig. 9 CC), il est particulièrement haut et ajouré de larges baies cintrés ce qui lui vaut sans doute son appellation d’escalier « persé » vers 1630192. Par ailleurs, les procès-verbaux établis à cette date mentionnent un escalier « double193 ». Le passage du texte est assez confus et il est difficile de localiser précisément la vis, mais on ne peut s’empêcher de confronter cette épithète et le témoignage de Willem Schellinks, peintre hollandais qui, accompagnant Lambert Doomer dans son voyage sur le bord de Loire en 1642, a visité Amboise et qualifie cette grande vis :
D’étrange quadruple escalier en colimaçon, fait en pierre. Longeant les murs, au-dessus, on a une vue très splendide et belle, à cause de la hauteur effrayante.194
107Son implantation à environ 2 m des murs gouttereaux du bâtiment de la grande salle sur Loire et du nouveau logis de Charles VIII est peu courante. De petites passerelles conduisaient à la coursière de la grande salle et dans les « grandes chambres » − ou salles − du nouveau logis. Bien que l’escalier « persé » fut essentiel à la distribution de la grande salle et du nouveau logis depuis la cour, il était étrangement placé en avant des façades et il passait devant les baies ; si bien que l’on pourrait croire qu’il avait été ajouté postérieurement. En réalité, ce n’est pas tout à fait le cas : il appartient bien au chantier de Charles VIII mais il ne fut projeté que lorsque l’on décida d’élever le nouveau logis. Cette implantation à distance des façades le mettant d’autant plus en valeur, on s’en accommoda. L’escalier « persé » relève ainsi de l’évolution du projet de Charles VIII. Il appelle la comparaison avec celui de Gaillon et lui servit probablement de modèle. S’il s’agissait bien d’une vis double, comme semblent le suggérer les sources, on peut également en rapprocher la grande vis centrale de Chambord.
108La grande salle est contemporaine du logis des Sept Vertus, ces deux bâtiments accueillant des pièces à fonction d’apparat. Dans le premier état du projet, la construction de la chapelle Saint-Hubert et le compte d’ameublement de 1493-1494 prouvent que le couple royal conservait ses logis dans le donjon. Dans l’état actuel de nos connaissances, la genèse exacte du projet ne peut être totalement cernée : le nouveau logis royal était-il prévu dès l’origine ou a-t-on décidé de sa construction seulement vers 1495 ? En tout état de cause la perspective du jardin dominant la cour au-delà du fossé a séduit les bâtisseurs et les niveaux de circulation du nouveau logis, du jardin, de la tour des Minimes et de la grande salle concordent parfaitement. En outre, la conservation du logis de Louis XI durant le temps du chantier préservait le couple royal de l’agitation des travaux. Il semble donc plus juste d’y voir le mûrissement du projet initial. Alors que dans un premier temps on envisageait de ne construire dans la seconde cour que des bâtiments de réception et d’apparat, les jardins exercèrent une attraction assez forte pour que l’on projette d’ériger un nouveau logis face à eux (fig. 27, 28, 29 et 30 CC).
109D’après la lecture du bâti, le logis du premier étage, initialement prévu pour le roi, aurait dû disposer d’un passage vers l’étage jamais construit du portique des Quatre Travées. Cet espace accessible depuis la tourelle nord et depuis l’extrémité nord de la grande chambre avait été conçu comme un portique ou une galerie qui aurait eu ainsi vue sur les jardins et sur la Loire. La galerie du roi René au château d’Angers, qui s’apparente à celle du logis des Sept Vertus, était aussi placée face aux jardins, mais accessible depuis les pièces les plus privées du logis195. Cela aurait aussi été le cas à Amboise, le visiteur arrivant par l’« escalier persé » devait attendre que le roi ouvre l’une des portes – celle de la tourelle nord pour passer sur la petite passerelle ou celle ménagée dans le mur pignon nord – pour entrer dans la galerie. Par ailleurs, cette pièce aurait éventuellement pu être en relation directe avec l’étage couronnant la tour des Minimes qui ne vit jamais le jour.
110Dans un lieu à la topographie aussi complexe qu’Amboise, la cohérence des niveaux reste un fil conducteur fort. Deux structures ont des niveaux de circulation implantés au rez-de-jardin (R+I) : les Quatre Travées et le logis de la reine. Et c’est probablement le jardin − élément essentiel du projet dès l’origine puisque la grande salle a toujours ouvert sur le jardin – qui a conditionné l’évolution du projet de Charles VIII. L’ensemble architectural qui devait surplomber la tour des Minimes, ainsi que la probable galerie qui aurait dû surmonter le portique des Quatre Travées auraient scellé l’alliance entre ces structures. Côté cour, compte tenu de la topographie, le logis de la reine se trouvait au premier étage et y étaient installés la chapelle et le lit de sa chambre (fig. 29 CC). Côté jardin, le logis n’est pas tout à fait de plain-pied : un perron de cinq marches monte à la porte d’entrée, si bien qu’à pied, on ne voit pas à l’intérieur – ce qui n’est pas le cas à cheval.
111En dépit de ses dispositions paradoxales, la tour des Minimes fut pensée comme une nouvelle entrée au château. Sa position dominante sur les logis et la seconde cour est en effet idéale, mais en revanche le fait de déboucher dans les jardins ne correspond pas aux usages. Pourtant, avec les jardins et la grande salle, ils forment un ensemble homogène pour lequel il est très délicat d’apprécier dans quelle mesure le projet primitif − où le nouveau logis de Charles VIII n’était pas prévu – fut modifié au retour d’Italie. De 25 m de haut pour 23 m de diamètre, la tour des Minimes offre deux accès : l’un au rez-de-chaussée du bâtiment de la grande salle (fig. 103) – la terrasse des arcades sur Loire, agréable promenade depuis laquelle on peut emprunter la grande vis primitive – l’autre sous le portique des Quatre Travées (fig. 138 et 144) – par la porte orientale de la grande salle, soit le haut-bout défini par la cheminée à « l’Antique ». La hiérarchie entre ces entrées veut que le roi descende de sa monture sous le portique des Quatre Travées pour rejoindre immédiatement la grande salle – et plus tard son logis. L’entrée commune et ordinaire se situe donc au-dessous, au niveau des arcades sur Loire, et demeure piétonne. Puisque seul le roi et quelques élus avaient le privilège d’accéder au promontoire à cheval, on évalue-là la débauche de moyens que demandèrent ces tours cavalières, tout du moins la tour des Minimes qui devait finalement rester piétonne pour la plus grande partie de la cour, sauf peut-être lors des joutes. La tour Heurtault, quant à elle, se comprend nettement mieux car les chevaux devaient avoir accès à la basse-cour.
LE MOBILIER
112Si Charles VIII voulait un nouveau château, ses efforts ne se limitèrent pas à la construction de nouveaux corps de logis. Dès 1493, il acheta une quantité considérable de textile, de vaisselle et de meubles. À partir de 1495, quelques objets arrivèrent d’Italie. Le logis des Sept Vertus fut en partie meublé en 1498. Un achat ponctuel d’orfèvrerie, non daté et effectué auprès de Jean Gallant196, prouve que les commandes furent multiples.
113Au résultat, dans le château d’Anne de Bretagne et Charles VIII, l’architecture flamboyante s’effaçait, au moins en période de fête, derrière un foisonnement d’étoffes. Au vu du nombre de pièces d’ornement, on peut imaginer que lors des grandes occasions le château était couvert du sol aux murailles de tapis, de tapisseries et d’étoffes somptueuses. Le souci du détail allait jusqu’à habiller des statues de dévotion de drap d’or et de taffetas blanc197. Un tel cadre avait tout pour mettre en valeur l’aspect théâtral de la vie du souverain et la distribution des espaces avait bien été pensée ainsi. Alors que le décor monumental demeurait traditionnel (pignons à pas de moineau ou à cape, lucarnes à crochets, allèges talutées, encadrement à baguettes…), le décor des intérieurs montrait un caractère cosmopolite : tapis orientaux, tapisseries de Flandres et d’Allemagne, lits de camp de Naples, ouvrages de Venise et pièces textiles venues de Bretagne ou d’Anjou paraient le château comme si le roi affichait dans sa demeure à la française ses diverses conquêtes étrangères. Si les tapisseries étaient nombreuses à Amboise, l’art de la broderie y était tout aussi présent qu’à la cour d’Anjou-Provence. Les thèmes naturalistes et héraldiques primaient et l’on adaptait le décor à la saison, aux événements ou à l’humeur. C’est donc ainsi, toujours avec un temps de retard, que les influences étrangères apparurent dans l’architecture. Le décor du château royal d’Amboise présentait de fait des caractéristiques empruntées au modèle nordique, dont la cour de Bourgogne constituait l’archétype, mais aussi au modèle méridional, illustré par la cour d’Anjou-Provence toute tournée vers l’Espagne et l’Italie.
Le Compte de 1493-1494
114Conservé aux Archives nationales sous la cote KK 332, le compte d’ameublement couvrant la période 1493-1496 a été publié en 1868 par Charles Loiseau de Grandmaison dans le Bulletin de la Société archéologique de Touraine198. Il est intitulé « Compotus particularis pagamenti ornamentorum et aliorum utensilium castri ambasie in anno 1493 » et compile en réalité une quantité importante d’achats ordonnés par Charles VIII dans six lettres patentes : la première datée du Plessis-lès-Tours le 1er octobre 1493, la seconde de Grenoble le 28 août 1494, la troisième d’Asti le 19 septembre 1494, les quatrièmes et cinquièmes de Rome les 22 et 26 janvier 1495 (n. st.), et la dernière de Lyon le 18 mai 1496. Tandis que Guy Boutevent tient le compte et effectue les paiements, le roi délègue à Colinet De la Chesnaye, son maître d’hôtel, et Raymond de Dezest, bailli d’Amboise, le soin de garnir le château avec les meubles qu’il choisit. Le roi expose son intention ainsi :
Comme puys naguerres nous avons fait encommencer de reparer, reddifier et de nouvel bastir noz chapelles estans en nostre chastel d’Amboise, et en iceluy chastel faire faire d’autres grans et somptueux edifices, lesquelz avons deliberé et contend garnir et faire fournir souffisaniment en nostre plaisir, c’est assavoir, lesdites chappelles des aournemens et beaux paremens, et nostre chastel et maison de vaisselle d’argent et autrement, ensemble de litz, linge, tappicerie, tappis et autres utencilles necessaires.199
115Le compte présente de manière traditionnelle trois parties : les copies des lettres patentes, les recettes et les dépenses. Le financement de l’ameublement est assuré par quatre sources : le prélèvement de taxes extraordinaires de la guerre versées par Louis Ponchier, notaire et secrétaire du roi, à hauteur de 11 979 ℓ. 10 s. 2 d. t. plus 880 ℓ. t., le versement par Antoine Bayart, trésorier et receveur général de Languedoc, des sommes de 14 994 ℓ. t. et de 2 500 ℓ. t., celui de François Briçonnet, receveur général des finances du roi, de 4 915 ℓ. t. et celui de Jean Lalement, receveur général de Normandie, de 2 500 ℓ. t. Soit un budget de 37 768 ℓ. 10 s. 2 d. t., un budget supérieur au prix de revient des travaux de construction de l’année 1495-1496 (cf. p. 160).
116Le chapitre des dépenses couvre l’ameublement du château, depuis le linge de maison et l’équipement de la cuisine jusqu’à la vaisselle d’argent, la décoration des chapelles et des chambres, y compris celles de la reine et du roi. Si la commande se monte à 39 700 ℓ. 8 s. t., le dernier paragraphe du chapitre des étoffes très précieuses (notamment les draps d’or), achetées à Jean Poncher, « marchand de l’argenterie du roy », stipule qu’il reste à lui payer, en 1496, 5 384 ℓ. t. La dépense réelle atteint donc 34 316 ℓ. 2 s. 3d. t.
117Le chapitre des gages et salaires précise bien que les dépenses furent réparties entre octobre 1493 et décembre 1496. Cependant, la plus grande part des achats est effectuée entre l’automne 1493 et l’hiver 1494 – 26 517 ℓ. 13 s. 6 d. t., soit 66,79 % de la dépense totale. Par la suite, entre l’hiver 1494 et l’hiver 1495, les acquisitions se limitent à deux tables d’autels en tapisserie, de grand prix – 1 450 ℓ. t. – ainsi que 1,87 aulne de drap d’or à poils bleu semé de fleurs de lys et 8,75 aulnes de drap d’or frisé à poil noir qui viennent compléter les commandes de 1493-1494 – 1 454 ℓ. 13 s. 9 d. t., soit 7,54 % de la dépense totale pour les tables d’autel et les draps d’or. Le reste des dépenses concerne des reliquats de gages, de paiements de transport et quelques ajustements ou réparations effectuées par le tapissier du roi, Lancelot Platel, sur de belles pièces anciennes – revenant à 96 ℓ. t. seulement. Enfin, en mai 1496, on commande encore des draps d’or, du velours, du satin et de la serge d’Arras – 10 382 ℓ. 5 s. t., soit 26,15 % de la dépense totale. Le premier tableau montre comment se répartissent les dépenses selon les neufs chapitres du compte (tableau 2). Les tableaux suivants présentent la répartition des dépenses au cours des quatre grandes périodes où les meubles arrivent au château ; soit : entre octobre 1493 et février 1494, en septembre 1494, en janvier 1495 (n. st.) et en juillet 1496 (tableaux 3 à 6).
118On peut classer le mobilier en huit catégories dont la provenance, la quantité, et la destination restent à déterminer : les étoffes de prix ; les tapisseries ; les tapis ; la vaisselle d’apparat ; les meubles d’apparat et de rangement ; les meubles à fonction domestique ; le linge de maison ; et les ustensiles de cuisine.
Chambres de tapisseries et tapis | 15 747 ℓ. 9 s. 10 d. t. | 39,66 % |
Draps d’or et de soie pour les chapelles | 8 899 ℓ. 3 s. 9 d. t. | 22,41 % |
Deniers payés par ordonnances du roi | 8 442 ℓ. 17 s. 2 d. t. | 21,26 % |
Orfèvrerie et vaisselle d’argent | 4 951 ℓ. 11 s. 2 d. t. | 12,47 % |
Lits, couchettes, linges de lit et façon | 2 687 ℓ. 12 s. 9 d. t. | 6,76 % |
Gages, salaires et taxations pour ce compte | 1 217 ℓ. 8 s. t. | 3,06 % |
Linge de table et façon | 327 ℓ. 16 s. 6 d. t. | 0,82 % |
Menuiserie et autres choses communes | 312 ℓ. 10 s. 9 d. t. | 0,78 % |
Vaisselle d’étain et ustensiles de cuisine | 304 ℓ. 11 s. 3 d. t. | 0,76 % |
Total | 39 700 ℓ. 8 s. t. | 100 % |
Chambres de tapisserie, leurs rideaux de taffetas et leurs franges de soie | 9 790 ℓ. 13 s. 1 d. t. |
Tapis velus | 6 220 ℓ. 2 s. 6 d. t. |
Orfèvrerie et vaisselle d’argent | 4 951 ℓ. 11 s. 2 d. t. |
Linge de maison | 2 494 ℓ. 7 s. 9 d. t. |
Salaires et gages | 1 212 ℓ. 8 s. t. |
Soie | 652 ℓ. 1 s. t. |
Table d’autel de haute lisse et damas noir pour la chapelle du seigneur | 324 ℓ. 3 s. 9 d. t. |
Vaisselle d’étain et ustensiles de cuisine | 304 ℓ. 11 s. 3 d. t. |
Menuiserie | 229 ℓ. 12 s. t. |
Doublure, réparation de tapisseries | 103 ℓ. 17 s. 3 d. t. |
Couvertures de Caen à 4 raies, de « litiers » façon de catalogne et blanches de catalogne | 100 ℓ. 7 s. t. |
Transport | 67 ℓ. 18 s. 7 d. t. |
Serge rouge | 42 ℓ. t. |
Images et crucifix en broderie (« or de masse » et soie) | 10 ℓ. t. |
Serrurerie | 11 ℓ. 59 s. 14 d. t. |
Total | 26 517 ℓ. 13 s. 6 d. t. |
Pourcentage du total des dépenses entre 1493 et 1496 | 66,79 % |
Linge de maison (confection et aménagement) | 31 ℓ. 8 s. t. |
Menuiserie (confection et aménagement) | 22 ℓ. 10 s. t. |
Serrurerie (confection et aménagement) | 4 ℓ. 2 s. t. |
Total | 58 ℓ. t. |
Pourcentage du total des dépenses entre 1493 et 1496 | 0,14 % |
« Drap d’or à poils bleu semé de fleurs de lys » (1,87 aulne) et « drap d’or frizé à poil noir » (8,75 aulnes) | 1 454 ℓ. 13 s. 9 d. t. |
Tapisseries (2 tables d’autel) | 1 450 ℓ. t. |
Menuiserie | 45 ℓ. 18 s. 4 d. t. |
Confection de rideaux de lit (gris et jaunes) | 15 ℓ. 13 s. 4 d. t. |
Doublure et réparation de tapisseries | 11 ℓ. t. |
Orfèvrerie | 10 ℓ. 10 s. t. |
Rubans | 8 ℓ. 5 s. 8 d. t. |
Transport | 70 s. t. |
« Contre-poinctier » | 13 s. 9 d. t. |
Total | 3 064 ℓ. 2 s. 10 d. t. |
Pourcentage du total des dépenses entre 1493 et 1496 | 7,54 % |
Drap d’or à poil frisé, cramoisi, velours, satin, serge d’Arras | 10 382 ℓ. 5 s. t. |
Total | 10 382 ℓ. 5 s. t. |
Pourcentage du total des dépenses entre 1493 et 1496 | 26,15 % |
Les étoffes de prix
119Entre 1493 et 1496, la commande d’étoffe de prix atteint la somme de 8 899 ℓ. 3 s. 9 d. t. soit 22,41 % de la dépense totale. Les plus prisés restent les 3 draps d’or achetés à la pièce et montant à eux seuls à la somme de 125 écus d’or jaune, soit 875 ℓ. t. Viennent ensuite les serges, les soies, les velours, les damas et le taffetas (tableau 7).
120Les provenances de ces textiles sont diverses ; si l’on pouvait se procurer les serges d’Arras ou les taffetas chez des marchands de tapisseries, les autres soieries sont acquises auprès de marchands ou de soyeux tourangeaux : Guillaume De Montbason, Jean Galocheau, Macé Proustet Pierre De Lyon, ouvriers de drap de soie200.
121Le prix du damas gris ou jaune, du velours bleu et du satin n’apparaît pas contrairement au coût de la façon des meubles réalisés dans ces matières. Il y a donc tout lieu de croire que l’on emploie des stocks antérieurs. Le montant de certaines étoffes de luxe est souvent exprimé de façon globale : par exemple, il arrive que le prix d’une chambre de tapisserie comprenne aussi ses franges de soie.
122Ces étoffes sont destinées pour quelques-unes aux parements des chapelles et pour les autres aux chambres dans lesquelles elles sont associées à des pièces de tapisseries. Quatre grandes tonalités dominent : le jaune, le gris, le rouge et le vert. Elles peuvent se combiner de trois manières. Le jaune et le gris sont dédiés aux chambres du roi et de la reine, alors situées dans le logis dit de Louis XI. Le vert et le rouge sont traités en mi-parti, tout comme le jaune et le rouge réservés à la chambre de monseigneur de Bourbon. Certaines chambres sont monochromes comme celle de la dame de la Guerche qui est rouge selon les minutes d’Anne de Bretagne. On sait que dans l’habillement l’accumulation de tissu signait le rang social du personnage. Faut-il voir dans cet éventail de couleurs la hiérarchie établie entre les personnes logeant au château ? Peut-être. Mais surtout, il faut considérer la valeur emblématique des couleurs. Le jaune et le gris qui ornaient les chambres du couple royal avaient très probablement une signification et dans les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne où ces chambres sont répertoriées, elles sont dites « a la devise du seigneur », sans autre précision comme s’il existait une correspondance évidente entre le roi et les couleurs qui le représentent201. À la suite des chambres, sont d’ailleurs énumérées :
Sept pieces de satin gris et jaulne qui servent au retraict et garde robe dudit seigneur de pareil blason comme les dessusdites.202
123Avant le départ du roi pour Naples en 1494, la description de sa tenue de chasse conjugue les mêmes coloris203. On pourrait donc penser que Charles VIII a porté pour couleurs le jaune et le gris avant l’expédition d’Italie. On sait en revanche qu’à la bataille de Fornoue, le 6 juillet 1495, Charles VIII portait pour couleurs le violet et le blanc, qui l’avaient mené à la victoire. Et l’on retrouve ces couleurs au logis des Sept Vertus, en 1498 – comme nous allons le voir. Lors de la fête donnée en l’honneur de Philippe d’Autriche et Jeanne de Castille à Blois en 1501204, la chambre de la dame d’honneur de l’archiduchesse, Madame de Halluyin, est précisément ornée de ces parures jaunes et grises, dont les embrasses de rideaux sont de grands « SS » de velours noirs « noués en façon d’une cordelière », venues du logis dit de Louis XI ; que les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne signalent en effet, dans la marge, en récolement, envoyées à Blois205.
Draps d’or à poils bleus semés de fleurs de lys : 3,37 aulnes | 50 écus d’or jaune la pièce | Chasubles et ornements de chapelles |
Draps d’or frisés à poil noir : 8,75 aulnes | 50 écus d’or jaune la pièce | Chasubles et ornements de chapelles |
Draps d’or à poil cramoisi : 13,12 aulnes | 25 écus d’or jaune la pièce | Chasubles et ornements de chapelles |
Serge d’Arras rouge, jaune, verte : 124 aulnes, 12 pièces fines (4 rouges, 4 vertes, 4 jaunes) | 6 s. t. l’aulne 7 ℓ. 10 s. t. la pièce | Rideaux de la chambre brodés de « michelets » du roi (41 aulnes, 5 lès de large) 6 Rideaux pour 2 chambres de tapisserie |
Serge rouge du Poitou : 24 pièces | 200 écus d’or la pièce couvrant lit ou couchette (sans dimension donnée) | Couvre-lits de lit ou de couchette |
Serge rouge : 12 grandes pièces et 12 petites pièces | 52 s. 6 d. t. pièce (l’une portant l’autre) | Couvre-lits de lit ou de couchette |
Soie torse et mi-torse verte, rouge, jaune, grise : 30 livres 67,75 onces 2 gros | 8 à 10 ℓ. t. la livre | Franges et galons autour des pavillons et ciels des lits |
Soie de Cologne rouge, jaune : 6 onces | 12 s. t. l’once | Orner les tours de lits |
Petite soie fort houssée : 52 aulnes | 10 ℓ. t. la livre | Garnir de franges les pentes des ciels, bords des « douciels », tours des pavillons et fentes de pavillons |
Franges de soie rouges, jaunes ou de plusieurs couleurs (non dénombrées) : 6 livres de franges rouges longues, 73 aulnes et 15 livres de franges jaunes et grises, 11 onces de soie rouge et jaune | 8 s. 4 d. t. l’once 7 ℓ. t. la livre 2 s. 6 d. t. à 7 s. 6 d. t. pour transformer la soie en frange | Agrémenter les pentes des lits (longueur des franges, quand elle est mentionnée, ½ pied et 2 doigts) et les bords de chaise |
Rubans de soie gris, jaune : 7 onces 5 gros, 18 aulnes | 13 s. 9 d. t. l’once 20 d. t. l’aulne | Orner les pavillons et rideaux des lits |
Velours noir | 7 ℓ. t. la livre | Embrasses des rideaux des chambres du roi et de la reine |
Velours bleu : 5,5 quartiers | Étoles des ornements de chapelles | |
Velours de différentes couleurs : 87,94 aulnes | 7 ℓ. 10 s. t. l’aulne | Couvrir chaires et bancs, entre autres |
Damas de plusieurs couleurs : 552,75 aulnes (gris et jaune juste façonné) | 4 ℓ. 10 s. t. l’aulne | Notamment pour les pavillons de lit |
Satin de plusieurs couleurs : 200,25 aulnes | 4 ℓ. 10 s. t. l’aulne | Satin vert pour le ciel de l’oratoire du roi et satin jaune, gris, rouge et de plusieurs couleurs pour les ciels et pentes de lit |
Damas noir : 17,62 aulnes | 70s. t. l’aulne | Ornement d’église en la chapelle |
Taffetas, rouge, vert, gris, jaune : 376,5 aulnes | 50 s. t. l’aulne | Rideaux accrochés au ciel du lit ou à l’oratoire du roi et « pièces » de textile pour les retraits et garde-robe |
124Quant aux Bourbons, à Blois, toujours en 1501, leurs logis sont cramoisis et or, notamment en raison du ciel de Milan commandé par Louis XII à ses couleurs et qui orne leur salle, ce qui est assez proche du rouge et jaune de leurs logis amboisiens206.
125Chaque étoffe a une utilisation bien définie : le drap d’or est principalement voué aux autels des chapelles. Les rideaux de lit et parfois le pavillon sont confectionnés en taffetas. Le damas est également destiné aux pavillons des lits, en particulier à ceux du roi et de la reine. La serge lorsqu’elle vient d’Arras sert au ciel des chambres et plus rarement aux rideaux207. Galons et franges agrémentent les bordures de ciel et de pavillon de lit. Enfin, le velours vert, bordé de franges d’or recouvre des chaises du logis de la reine208.
Tapisseries et broderies
126Le compte consacre 8 478 ℓ. 10 s. 3 d. t. aux tapisseries, soit 21,35 % de son budget (tableau 8). Sept marchants – Jean De Guystelle, Estienne Bodineau et André Denisot, Guillaume Mesnagier, Jean Beugnon, Françoys Drouin et Jean Le Fuzelier – vendent indifféremment des tapisseries de verdures, des chambres de tapisseries, de broderies ou des tapis. Les tapisseries sont de qualités diverses. Les plus fameuses demeurent sans doute celle de l’Histoire de Moïse, achetée 770 ℓ. t., et les tables d’autel : une Passion et une Annonciation « en grand volume et petit volume », faites d’or et d’argent sur soie, revenant à 1 750 ℓ. t. les deux, ainsi qu’un « ouvrage de haulte lisse, a histoire de Notre-Dame, sur or et soie pour la chapelle a la devotion du seigneur », coûtant 262 ℓ. 10 s. t. Issus de métiers permettant de reproduire fidèlement le dessin du carton − et non de le reproduire en effet miroir ainsi que cela se produit avec les métiers à tisser de basse lisse − les ouvrages de haute lisse sont parmi les plus prisés. À côté des chambres de tapisserie, sont seulement acquises 576 aulnes de Flandres de tapisserie de verdure et à personnages « pour servir audit chastel » ; peut-être sont-elles promises à l’ornement des murs comme une quinzaine des tapisseries conservées au château qui sont dites « de muraille » et rafraîchies (« remises a point »).
127Les chambres de tapisserie achetées en 1493-1494 se composent de 3 885 aulnes de tapisserie de Flandres et 205 aulnes de Paris. Chacune des 10 chambres citées, comprend de 7 à 11 pièces et compte entre 350 et 450 aulnes de Flandres ou une centaine d’aulnes de Paris. Parmi ces tapisseries, on différencie les verdures ou menues verdures, des tapisseries à personnages, bûcherons, petits hommes sauvages, oiseaux fort riches, ou encore pièces historiées telle l’histoire de Moïse. À l’exception de la chambre brodée de « michelets » sur serge209, les tapisseries sont en laine ou en soie, doublées de toile brune. Enfin, il est courant que de petites pièces de tapisserie − les « banchiers210 » − assorties à la chambre, soient posées sur les bancs pour compléter et harmoniser le décor.
128Le décor des chambres du roi dans le donjon peut être entièrement restitué. La grande chambre était tendue de soie et de damas dans les tons gris et jaunes avec quelques touches de velours noir, et la chambre de la reine dans les mêmes tons lui faisait pendant à l’étage inférieur. La chambre de Charles VIII − « ou couchoit ledit seigneur » − était brodée de personnages de « michelets » et les rideaux en serge d’Arras jaune, rouge et verte, disposée en bandes alternées, recevaient également des « michelets » brodés.
2 tables d’autel : une de la Passion en grand volume et petit volume, faite d’or et d’argent sur soie contenant environ 13 ou 14 aulnes de Flandres ; 1 autre d’étoffe semblable de l’Annonciation de 6 aulnes de Flandres | 1 750 ℓ. t. | Aménagement de la chapelle du château |
Chambre de tapisserie sur soie à l’histoire de Moïse : 8 grandes pièces et 3 rabats pour les pentes du ciel : 440 aulnes de Flandres | 35 s. t. l’aulne | Lits |
Chambre de menue verdure sur soie et 6 « banchiers de mêmes » : 123 aulnes Paris | 75 s. t. l’aulne | Lits |
Chambre de verdure jaune : 365 aulnes | 25 s. t. l’aulne | Lits |
Chambre de verdure à oiseaux fort riche : avec les gouttières : 308 aulnes | 30 s. t. l’aulne | Lits |
Chambre de verdure sur soie : 350 aulnes de Flandres | 25 s. t. l’aulne | Lits |
Chambre de tapisserie sur soie : 351 aulnes Flandres | 25 s. t. l’aulne | Lits |
6 pièces de tapisserie de verdure : 46,5 aulnes de Paris | 413 ℓ. t. | Pour servir à l’une des chambres du seigneur |
Chambre de tapisserie à broderie : 11 pièces compris le ciel et les pentes faites sur serge rouge à personnages de « michelets » | 400 ℓ. t. | « Pour servir en la chambre où couchoit le seigneur » |
Chambre de pareille verdure : 361 aulnes Flandres | 22 s. t. l’aulne | Lits |
Chambre de verdure : 359 aulnes Flandres | 22 s. t. l’aulne | Lits |
Chambre de verdure « a erse sur champs jaune » : 11 pièces avec gouttières et carreaux : 313,5 aulnes | 25 s. t. l’aulne | Lits |
Chambre de verdure et de broderies de personnages : 8 pièces | 200 écus d’or | Lits |
Tapisserie de verdure à personnages : 576 aulnes de Flandres | 12 ℓ. 6 d. jaune | Pour servir au château |
Chambre de menue verdure de fine étoffe à petits hommes sauvages : 9 pièces et 3 gouttières : 276,5 aulnes de Flandres | 25 s. t. l’aulne | Lits |
Ouvrage de « haulte lisse, a histoire de Notre-Dame sur or et soie » | 262 ℓ. 10 s. t. | Table d’autel pour la chapelle « a la devotion du seigneur » |
Chambre de menue verdure : 11 pièces : 347 aulnes Flandres | 12 s. 6 d. t. l’aulne | Lits |
Chambre de tapisserie à bûcherons : 7 pièces, chacune de 30 aulnes de Flandres soit 210 aulnes de Flandre | 12 s. 6 d. t. l’aulne | Lits |
5 autres pièces de menues verdures par bandes de 88,5 aulnes Flandres | 8 s. 6 d. t. l’aulne | Lits |
Façon d’un ciel de tapisserie de menue verdure | Chambre de madame de Bourbon | |
Façon d’un autre ciel fait d’une fine tapisserie de verdure | Lits |
Les tapis
129Les tapis sont commandés en très grand nombre : 237, ce qui revient à 7 593 ℓ. 11 s. 5 d. t., soit 19,12 % de la dépense totale du compte (tableau 9). Leur prix est déterminé par la taille, les matières employées, la provenance et la finesse de l’ouvrage. Les longueurs sont exprimées en aulne française (environ 1,2 m), l’aulne flamande (environ 0,7 m) étant réservée aux tapisseries provenant de cette région211. Les tapis mesurent entre 7 aulnes de long (8,26 m) pour les plus grands et 2 aulnes (2,36 m) pour les plus petits. Les largeurs sont moins variables, 1,5 à 2,5 aulnes. Le format le plus courant est de 3 à 4 aulnes de long (3,54 à 4,72 m) pour 1,5 aulne de large (1,77 m). Mais pour nombre d’entre eux, le compte d’ameublement ne distingue que les petits des grands.
130La plupart doivent être en laine, car seul l’un d’entre eux est dépeint comme « un grand tapis de soie fine a la morisque ». Ils sont qualifiés par leur finesse − fins, fort fin, gros −, par leur technique − velus, ou fins velus −, parfois, juste par leur décor − à « roes », à trois petites « roes », à grande « roe », et par leur provenance, de Turquie, « barragans », damasquin, à la « morisque », qui peut aussi indiquer les motifs. Les caractéristiques pouvant se combiner, il est essentiel de cerner l’origine de ces tapis pour se faire une idée de l’esthétique des intérieurs du château.
131S’il est malaisé de différencier, à partir d’un seul texte, un tapis qui viendrait effectivement de Turquie d’une imitation, puisque les qualificatifs « barragan » ou « de Turquie » semblent employés indistinctement, on peut supposer que les premiers qualifient les imitations tandis que les seconds sont des originaux importés. Mais ce n’est qu’une supposition car, à Paris, les tapis « barragans » définissent sans distinction des tapis à rayures très bariolés qu’il s’agisse d’imitations ou non212. Les tapis « barragans », dont il existe encore quelques exemplaires originaux au musée d’art musulman d’Istambul, sont réalisés dans des tons pourpres ou orangés. Dans les fonds d’archives notariales parisiens du XVIe siècle, se rencontrent aussi des tapis « a rozes213 », correspondant probablement aux « roes » cités dans nos sources.
132Certains tapis velus, à « roes », sont aussi damasquins. Pourtant Damas n’est pas connue pour sa production de tapis, mais pour ses étoffes ; il y a donc lieu de penser que ce terme qualifie la technique traditionnelle de Damas, où des fils de métaux précieux (en générale de l’or ou de l’argent) constituent pour certains draps la trame214. Quant au « grand tapis de soie fine a la morisque » (5,90 m x 2 m), il fait sans doute référence à l’Espagne dont la production est très inspirée de celle de l’Orient et il présente les critères d’une pièce d’exception, bien que son prix reste raisonnable (35 ℓ. t.)215.
133La plupart de ces tapis devait être posée sur les meubles (tables, dressoirs, etc.) et, sans doute les plus grands, pour les décors éphémères, accrochés au mur. Dans les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne seule une vingtaine de tapis vont par terre216. Suspendus aux côtés des pièces de tapisseries, ils étaient mis en place lors d’occasions particulières comme au mois d’octobre 1494 lorsque les Bourbons se rendirent à Amboise et que l’on para les logis, les galeries, la cour du donjon et la seconde cour. Ainsi plusieurs hommes vaquèrent :
A tendre et estendre tant en dedans des chambres et galleries dudit chastel d’Amboyse, contre les murailles des deux cours d’icelluy chastel plusieurs grans pieces de tappisseries a personnaiges et tapiz veluz, a la venue de monseigneur et madame de Bourbon audit Amboise.
134Au vu des 4 000 crochets achetés à cet effet, le décor devait être d’ampleur.
20 Grands tapis velus à plusieurs « roes » : 1 de 4,25 aulnes, 1 de 4,5 aulnes, 1 de 5 aulnes de long et 1, 45 aulnes de large, 2 de 3,75 aulnes de long et 1,5 aulnes de large, 1 de 5 aulnes de long et 1,80 aulnes de large, 1 de 3,5 aulnes de long et 1,66 aulnes de large, 1 de 5,25 aulnes de long et 1,66 aulnes de large, 1 de 7 aulnes de long et 2 aulnes de large, 1 de 4,25 aulnes de long, 1 de 4,75 aulnes de long, 1 de 4,25 aulnes de long et 1 de 1,75 aulnes, 1 de 4,75 aulnes et 1,5 aulnes de large, 1 de 4,5 aulnes de long et 2,5 aulnes de large, 1 de 5,3 aulnes de long et 2,3 aulnes de large, 1 de 4,5 aulnes de long et 1,5 aulnes de large, 1 de 5 aulnes de long et 1,66 aulnes de large, 1 de 3,12 aulnes de long et 1,3 de large, 1 de 3 aulnes de long et 1,3 aulnes de large, 1 de 3,25aulnes de long et 5 quartiers de large | 30 à 80 écus d’or pièce |
24 « barragans » fins : 4 aulnes de long et 1,3 aulne de large | 20 écus d’or couronne pièce |
8 Grands tapis velus à plusieurs « roes » fort fins : dont 3 de 4,25 aulnes de long et 1,5 aulnes de large, 1 de 4,25 aulnes de long et 1,3 de large, 1 de 4,25 aulnes de long et 1,8 de large | 65 écus d’or couronne pièce |
4 Grands tapis velus de Turquie : 2 de 7 aulnes de long et 2 de 6 aulnes de long | 80 écus d’or couronne pièce |
4 Grands tapis velus fort fin : de 5,3 aulnes de long et 2,3 aulnes de large | 60 et 80 écus d’or couronne pièce |
6 Tapis velus damasquins : 1 de 2,66 aulnes de long, 2 de 2,25 aulnes de long et 3 de 2,66 aulnes de long et 1,5 aulnes de large | 30 écus d’or couronne pièce |
18 Tapis velus damasquins fort fins | 8 écus d’or couronne pièce |
2 Grands tapis à plusieurs « roes » : 1 de 4,25 de long et 1 de 4,5 aulnes de long | 65 écus d’or couronne pièce |
3 Tapis damasquins : 1 de 7 quartiers de long et 5 quartiers de large, 2 de 2,3 aulnes de long et 5 quartiers de large, 1 de 2,3 aulnes de long et 1,5 aulnes de large | 25 à 30 écus d’or pièce |
27 Petits tapis velus à 3 « roes » | 5,5 écus pièce |
25 Tapis velus à 3 « roes » | 4,5 écus pièce |
5 Grands tapis damasquins : 3 de 2,5 aulnes de long et 1 quart d’aulne de large, 1 de 4,5 aulnes de long et 2 aulnes de large, 1 de 2,25 aulnes de long et 1,12 aulnes de large | 12 à 45 écus d’or couronne pièce 195 ℓ. 10 s. t. |
5 Tapis damasquins à 3 « roes » | 6 écus d’or pièce |
6 Tapis damasquins | 6 écus d’or pièce |
2 Grands tapis velus : 1 de 5,75 aulnes de long et 1,5 aulnes de large « lequel l’un à le poil d’un demi pied de long d’un côté et raz de l’autre », 1 de 7 aulnes de long et 1,75 aulnes de large | 60 écus d’or et 105 ℓ. t. pièce |
3 Autres tapis moyens : 2 de 2 aulnes de long et 1,12 aulnes de large et 1 de 2 aulnes de long et 5 quartiers de large | 30 écus d’or pièce |
4 Grands tapis « barragans » | 20 écus d’or couronne pièce 140 ℓ. t. |
13 Petits tapis velus damasquins gros | 4,5 écus pièce |
14 Petits tapis velus damasquins fins | 8ℓ. t. à 8ℓ. 15 s. t. pièce |
11 Petits tapis damasquins à 3 « roes » | 30 écus d’or |
12 Tapis velus damasquins | 4,5 écus pièce |
2 « Barragans » de 4 aulnes de long et 1,66 de large | 20 écus d’or pièce |
6 Tapis velus à petites « roes » | 45 ℓ. 10 s. t. |
1 Grand tapis de soie fine à la morisque | 35 ℓ. t. |
4 Autres tapis | 4,5 écus pièce |
3 Tapis velus à plusieurs « roes » | 5,5 écus |
3 Tapis velus damasquins à trois « roes » | 5 écus d’or couronne pièce |
2 Petits tapis velus damasquins | 5 écus d’or couronne pièce |
Vaisselle et orfèvrerie
135La commande d’orfèvrerie, qui revient à 4 951 ℓ. 11 s. 2 d. t. s’avère relativement importante et représente 12,47 % du budget du compte. Près de 1 510 ℓ. t. sont consacrées aux objets des chapelles. La vaisselle d’argent est principalement achetée aux orfèvres parisiens et tourangeaux217 (tableau 10). Trois orfèvres amboisiens, Raymonnet Coustelly et Pierre et Barthelemy Clabault, participent faiblement à l’ameublement en estampillant 69 pièces se trouvant déjà au château de A et de C, les initiales royales, et de fleurs de lys218.
136Les pièces de vaisselle sont-elles promises à être exposées lors des fêtes dans la grande salle du château, selon l’usage séculaire des XVe et XVIe219 ? Le compte ne distingue pas les pièces réservées à l’ornement de celles servant aux repas. La vaisselle destinée à la table de Louis XI et certaines pièces répertoriées dans l’Inventaire après décès des biens de Charlotte de Savoie présentaient les mêmes caractéristiques, à savoir des pièces d’argent doré aux armes de France220. Il est vrai que l’ornement de la vaisselle décrite dans le compte est relativement sobre et que l’on pourrait attendre davantage de pièces exposées221. L’orfèvrerie parisienne vouée aux chapelles est bien plus travaillée : coupes, calices, croix… sont pour la plupart dorés et semés de fleurs de lys.
Meubles d’apparat et de rangement
137En comparaison des textiles, les meubles de menuiserie sont très bon marché et commandés en nombre, pour un total de 312 ℓ. t. seulement (tableau 11). Les plus onéreux sont 3 coffres vendus 5 ℓ. t. pièce. Viennent ensuite, les dressoirs à 55 s. t. pièce, puis les belles tables, de noyer ou de chêne, à 40 s. t. en moyenne. Les deux grands châlits reviennent à 35 s. t. pièce, tandis que bancs, tables ordinaires, escabeaux, selles, châlits, couchettes, etc. coûtent entre 30 s. et 5 s. t. pièce.
138Jean Prunelle livre 5 coffres dont 2 dans lesquels on range l’argenterie. Ces coffres, sans ornement particulier, mesurent 6 pieds de long pour 2 de large, soit environ 2 m par 0,65 m ; 3 autres coffres, de 5 pieds de long sur 2 de large sont « de bois neuf tous taillés par devant embassemens ». Les termes employés décrivent un meuble adossé dont seule la face principale, recevant la serrure et sa ferrure, doit être ornée sans doute d’arcatures flamboyantes et d’une large plinthe. Enfin un dernier coffre, « qui autreffois a servy », est restauré pour « mettre et enfermer partie du linge ».
139Des dressoirs, l’on en commande 24 dont 4 fermant à clefs. Lorsqu’ils étaient placés dans les pièces résidentielles, les dressoirs servaient de présentoirs non seulement pour la vaisselle, mais aussi pour les livres (fig. 145). Ceux fermant à clef sont sans doute des buffets dressoirs ou des armoires dressoirs, ancêtres du cabinet222. Ils s’opposent aux simples étagères qui servent de dressoirs dans les pièces de service.
140Les tables sont livrées au nombre de 28. De dimensions variables et reposant sur des tréteaux (fig. 146), certaines sont spécialement fabriquées pour des pièces bien définies. Sept prennent place dans les chambres ; la plus grande de 15 pieds de long (presque 5 m) pour la chambre de retrait de la reine. Les autres mesurent autour de 5,5 pieds (environ 1,80 m)223.
141On achète « neuf grandes tables garnies de troys treteaulx de boys de chêne pour servir a asseoir la tapisserie du château d’Amboise ». Est-ce la tapisserie du maréchal de Gié constituée de plusieurs pièces historiées224, dont le maître Rigault a la charge et qui est transportée à Amboise au cours de l’année 1493-1494 ? Deux tables sont dites rondes : la première est » mise et servant de chaise » dans la chambre du premier panetier, sans doute une table basse ; la seconde est mise en « la chambre de retrait de la reine », sans doute une « roue à lire et écrire225 », table bien connue par l’iconographie qui tiendrait son nom de sa forme, bien que le terme n’ait jamais été rencontré dans les textes. Son emplacement vérifie qu’elle puisse servir de pupitre (fig. 147).
142Une dizaine de chaises couvertes est commandée. Le mot de chaise fait référence à la chaire (fig. 148), différenciant la personne qui l’occupe du commun des gens présents assis sur un banc ou une selle. Elle est réservée au roi, à la reine, aux hôtes de marque. Toutes de bois, recouvertes de tissu ou de cuir rouge et bordées de franges, seule celles de la chambre de la reine sont tendues de velours vert. Selles, escabeaux et bancs accompagnent les tables. Quarante bancs mesurant chacun 5 à 6 pieds de long, soit la longueur de ces dernières, leur sont adjoints dans les chambres et les cuisines Enfin, se singularise :
Ung banc de boys de six piedz de long par deux piedz et demy de large, tout en chassillé devant et derriere et tendu a sangles par dessus […] une perche, faicte a petitz barreaulx carrez servans audit banc.
143La description concorde avec celle d’un banc à façades et à dossier (fig. 149) encore dit banc à perches226.
144On fait également l’acquisition de 121 escabeaux. L’escabeau est un « siège d’une place sans dossier dont le dessus est en bois plein. Monté sur pieds ou sur panneaux verticaux, il affecte des formes diverses (carrée, rectangulaire, triangulaire…)227 ». Sans doute polyvalents leur destination n’est jamais précisée.
145En 1493, le château se dote de 5 lits et 11 couchettes228. Les couchettes mesurent 6 pieds de long (2 m) sur 5 de large (1,65 m). La « couchette enfoncée jusqu’a terre mise en la chambre de retrait de la reine » évoque un couchage amovible car elle est dite « rouleresse ».
146Ainsi, d’apparat ou utilitaire, les meubles variaient peu dans leurs modèles et se distinguaient par l’ornement textile. Les sièges étaient quant à eux hiérarchisés.
Le linge de maison
147Pour équiper lits et couchettes, mais aussi les cuisines, il fallut quantité de linge ce qui revint à la somme de 3 330 ℓ. 4 s. 10 d. t., soit 8,38 % du budget total du compte (tableau 12). Les longueurs sont exprimées en aulnes, sans doute françaises (1,20 m) ; ce n’est pas précisé. Gillette Dumasse, marchande lingère de Tours, procure la quasi-totalité du linge et avec 22 ouvrières se charge de la confection de : 466 aulnes de futaine blanche de Milan, (652 m linéaires), 32 aulnes de fine futaine blanche de Milan, 49 aulnes de toile, 1 152 aulnes de toile de lin (soit 1 612 m) et pas moins de 3 859 aulnes (soit 5 402 m) de toile blanche, pour faire matelas (« coutil229 »), oreillers, housses, draps et couettes230.
12 Dressoirs neufs | 55 & t pièce | |
12 Dressoirs garnis de serrures fermant à clefs | 4 à 50 s. t. pièce et 3 à 52 s. t. pièce | |
73 Escabeaux et 14 bancs de chêne neufs | 30 ℓ.8 s. 4 d. t. | |
18 Bancs | 24 s. t. pièce | |
9 Grandes tables de chêne garnies chacune de 3 tréteaux | 40 s. t. pièce | Pour servir à asseoir « la tapisserie dudit chastel » |
3 Coffres de bois neufs sculptés « par devant embassemens » de 5 pieds de long et 2 pieds de large | 100 s. t. pièce | Pour le linge et « autres choses » achetés récemment |
48 Escabeaux de chêne | 3 s. 4 d. t pièce | |
6 Bancs de bois neufs : 1 de 6 pieds de long et 5 de 5,5 pieds de long | 25 s. t. pièce | |
48 Escabeaux | 3 s. t. pièce | |
2 Grands coffres de 6 pieds de long et 2 pieds de large, garnis de serrures et crampons | 60 s. t pièce | Pour mettre la vaisselle d’argent |
4 Tables de chêne et leurs tréteaux : 1 de 9 pieds de long et 2 pieds 4 doigts de large, 1 de 8,5 pieds de long et 2 pieds 4 doigts de large, 2 de 6 pieds de long et 2 pieds 2 doigts de large | 22 s 6 d. t. pièce | |
1 Coffre d’occasion | 60 s. L pièce | Pour le linge et « autres choses » achetés récemment |
3 Tables de noyer et leurs tréteaux : 1 de 8 pieds de long, 1 de 7 pieds, 1 de 6,5 pieds, 1 de 7,5 pieds | 30 à 50 s. t. | |
4 T ables de chêne : 2 de 7 pieds de long, 1 de 6,5 pieds de long, 1 de 6 pieds de long | 85 s. t. | |
2 Tables de chêne et ses tréteaux | 20 s. t. et 40 s. t. pièce | |
3 Couchettes de bois | 15 s. t. pièce | 1 dans la chambre de madame de Bourbon 1 dans la chambre de monseigneur le Prévoit de Paris 1 dans la chambre de monseigneur de Saint-André |
12 Escabeaux | 3 s. 4 d. t pièce | |
2 Grands châlits de 6,5 pieds de long et 6 pieds de large | 17 s. 6 d. t. pièce | Chambre des filles de la reine |
1 Grande table de chêne de 11 pieds de long et 3 pieds de large et ses 2 tréteaux | 35 s. t. | Salle de monseigneur de Bourbon |
2 Couchettes roulantes | 15 s. t. pièce | Chambre de madame de Bourbon |
1 Table ronde servant de chaise | 30 s. t. | Chambre du premier panetier |
1 Table de noyer et ses tréteaux | 25 s. t. | |
1 Châlit | 20 s. t. | Chambre où couche monsieur de Querdes |
1 Couchette de bois | 20 s. t. | Chambre de Colinet De la Chesnaye |
1 Couchette de 6 pieds de long et 6 de large | 20 s. t. | Chambre de madame de Bourbon |
1 Châlit de 6,5 pieds de long et 6 pieds de large | 20 s. t. | |
1 Table de 9 pieds de long et ses tréteaux | 20 s. t. | Chambre des médecins de la reine |
1 Table de chêne de 15 pieds de long et ses 3 tréteaux, son banc et sa selle de 15 pieds de long | 20 s. t. | Chambre de la reine |
1 Châlit de 6,5 pieds de long et 6 pieds de large garni d’« enfonceure » | 20 s. t. | Chambre des médecins de la reine |
1 Table et ses 2 tréteaux | 20 s. t. | Chambre du retrait de la reine |
1 Couchette enfoncée jusqu’à terre | 20 s. t. | Chambre du retrait de la reine |
1 Chaise de bois (par la suite couverte de velours vert) | 20 s. t. | Chambre du retrait de la reine |
3 Potences de bois | 5 s. t. pièce | Pour pendre les torches dans la cour du château |
Modification d’une couchette de bois | 15 s. t. | Chambre près la grosse tour du château |
1 Couchette de bois | 15 s. t. | Chambre des enfants de feu monseigneur Dunois |
2 Tables servant de dressoirs : 1 de 7 pieds de long, 1 de 5,5 pieds de long | 7 s. 6 d. t. pièce | Cuisine de bouche de la reine |
1 Couchette de 5,5 pieds de long et 4,5 pieds de large | 15 s. t. | Chambre de mademoiselle de Musac |
1 Table de 5,5 pieds de long et ses tréteaux | 11 s. t. | Chambre de mademoiselle de Montpensier |
2 Dressoirs : 1 de 7 pieds | 10 s. t. | Garde-manger de la cuisine de bouche de la reine |
2 Contrefeux | 5 s. t. pièce | 1 pour la galerie haute de la chambre du roi 1 pour la galerie basse de la chambre de la reine |
1 Écrin | 7 s. 6 d. t. | Chambre de la reine |
2 Selles de 7 pieds de long | 3 s. 4d. t. pièce | Cuisine de bouche de la reine |
1 Ais de 7 pieds de long et 1,5 pieds de large | 5 s. t. | Croisée de la cuisine de bouche de la reine |
2 Ais de 5 pieds de long et 1,5 pieds de large | 5 s. t. | Pour faire dressoirs au retrait du gobelet de la reine |
1 Écrin | 5 s. t. | Chambre de mademoiselle la princesse de Tarente |
1 *[sic] | 5 s. t. | En la galerie haute joignant à la chambre du roi |
8 Serrures de dressoirs neuves et garnitures des 8 dressoirs | 11 ℓ. 12 s. 8 d. t. |
|
3 Serrures pour 3 coffres | 22 s. 6 d. t. pièce |
148Elle « garnit » 41 lits et couchettes et les oreillers, avec 3 714 livres de plume neuve, ayant ou non conservé son duvet, soit 1 tonne 857 kg de plume. Les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne signalant entre autres « troys grans litz de duvet de signe garniz de soille de bocassin231 », il semble que le terme « garnir » signifie qu’elle confectionne notamment des édredons.
149Enfin, l’atelier de la même lingère transforme 234 aulnes de « nappes plaines » blanches en 120 « nappes plaines de cuisine » et 480 serviettes de cuisine. Elle vend en outre 240 serviettes à l’œuvre de Venise. Aux XVe et XVIe siècles, l’expression « à l’œuvre de Venise » désigne différentes combinaisons de motifs mouchetés et quadrillés d’une toile façonnée sur le métier et à laquelle la saillie de certains fils donne un aspect particulier232. Enfin, elle marque l’ensemble de ce linge de trois fleurs de lys ou des « armes du roy et de la royne233 ».
7 Pièces de tapisserie blanche à l’œuvre de Damas, ouvrage de linge fin aux armes du roi et de la reine : 183 aulnes de Flandres | 45 s. t. l’aulne | |
160 aulnes de futaine blanche de Milan | 5 s. t. l’aulne | Housses de matelas de 8 grands lits : 2 de 25 aulnes et 6 de 20 aulnes |
306 aulnes de futaine blanche de Milan | 5 s. t. l’aulne | Housses de matelas de 15 couchettes : 15 aulnes pour chaque couchette 73 Housses d’oreiller |
19 Grands coutils de Caen | 10 ℓ. 10 s. t. pièce | 19 Housses de matelas de grands lits |
3 Petits coutils de Caen | 7 ℓ. t. pièce | 3 Housses de matelas de couchettes |
3492,5 livres de plume neuve avec son duvet | 12 ℓ. 10 s. t. le cent | Remplir 41 lits et couchettes |
32 aulnes de fine futaine blanche de Milan | 8 s. 4 d. t. l’aulne | 24 Housses d’oreiller |
221,5 livres de fin duvet | 5 s. t. la livre 55 ℓ. 7 s. 6 d. t. | Remplir les 73 housses d’oreiller |
49 aulnes de toile | 8 s. 4 d. t. l’aulne | 49 Housses d’oreiller moyen |
576 aulnes de toile de lin blanche | 6 s. t. l’aulne | 45 Housses de lit de 27 grands lits (15 aulnes de toile par housse) et 18 couchettes, à mettre par-dessus les housses de futaine et coutil. |
576 aulnes de toile de lin | 7 s. t. l’aulne | 64 Draps de lits de 3 lès de large et 3 aulnes de long chacun |
864 aulnes de fine toile blanche | 8 s. 4 d. t. l’aulne | 96 Grands draps de lit de 3 lès de large et 3 aulnes de long chacun |
140 aulnes de toile blanche | 7 s. t. l’aulne | 20 petits draps de couchettes de 2,5 lès de large et 2,66 aulnes de long |
384 aulnes de toile blanche | 7 s. 6 d. t. l’aulne | 36 Draps de lits de 3 lès de large et 3 aulnes de long chacun |
168 aulnes de toile blanche | 6 s. 8 d. t. l’aulne | 24 draps moyens de 2,5 lès de large et 2,66 aulnes de long : 14 aulnes par paire |
452 aulnes de toile blanche | 5 s. t. l’aulne | 20 petits draps de couchettes de 2 lès et 2,5 aulnes de long : 10 aulnes par paire ; 33 draps de 3 lès de large et 3 aulnes de long : 8 aulnes par paire ; 11 draps de 2 lès de large et 2,5 aulnes de long : 10 par paire |
1851 aulnes de toile blanche | 6 s. t. l’aulne | 164 draps moyens de 3 lès de large et 3 aulnes de long : 18 aulnes par paire ; 75 draps de 2 lès de large et 2,5 aulnes de long : 10 aulnes par paire |
Façon du linge ci-dessus énumérés et fil tanné employé à marquer de 3 fleurs de lys les lits, oreillers, draps de lit et autre linges | 165 ℓ. 5 s. t. | |
4 mantes de Catalogne blanche | 7 ℓ. t. la pièce | |
66 aulnes de fins tabliers ouvragés à l’œuvre de Venise | 37 s. 6 d. t. l’aulne | 8 tabliers de 2 aulnes de large et 4 aulnes de long ; 14 de 3,5 aulnes de long et 2 aulnes de large |
40 aulnes de fins tabliers ouvragés à l’œuvre de Venise | 25 s. t. l’aulne | 6 tabliers de 1,5 aulnes de large et 3,5 aulnes de long |
31 aulnes de tabliers ouvrés | 13 s. t. l’aulne | 12 tabliers de 5 quartiers de large et 2,5 aulnes de long |
240 serviettes ouvragées à l’œuvre de Venise | 13 s. t. la douzaine | 240 serviettes ouvragées à l’œuvre de Venise |
234 aulnes de nappes plaines blanches | 116 aulnes à 3 s. 6 d. t. l’aulne | 72 nappes plaines de cuisine |
240 serviettes « plaines blanches » | 36 s. t. la douzaine | 240 serviettes plaines blanches |
10 ℓ. 6 s. t. |
Les ustensiles de cuisine
150Avec 0,76 % de la dépense totale du compte, la commande d’ustensiles et matériel de cuisine, bien qu’importante, reste très modique, atteignant 304 ℓ. 11 s. 3 d. t. (tableau 13). Chaudrons, tournebroches, crémaillères et chandeliers ordinaires en fer, en cuivre, en fonte ou en airain demeurent dans les offices. Les matériaux étant plus communs, les sommes consacrées sont bien moins élevées, mais néanmoins équivalente à celle des meubles de menuiserie.
151Ces chiffres impressionnants ont été interprétés comme la preuve formelle de l’existence de nouveaux bâtiments au château qu’il était nécessaire de meubler, mais ils doivent être nuancés. D’abord, ces achats correspondent le plus souvent à un renouvellement du mobilier utilitaire. De plus, certains sont commandés par la nécessité de marquer le mobilier aux armes ou aux initiales du roi et de la reine. Enfin, aucun nouveau bâtiment n’est mentionné, sauf dans les lettres patentes du roi. À cette date, la chapelle Saint-Hubert n’est pas encore achevée − en tout cas le décor sculpté − et les meubles et objets de cuisine ne peuvent être destinés aux offices du logis des Sept Vertus qui n’est couvert qu’à la fin de l’année 1495. Aussi, ce compte indique-t-il la volonté des souverains de s’établir à Amboise, mais il semble bien hasardeux de le considérer comme un repère chronologique dans l’avancement des travaux.
152Le compte d’ameublement permet donc de restituer une partie du décor de certaines pièces, en particulier les chambres du roi et de la reine (tableau 14) ; mais rappelons, d’une part, que les souverains habitaient le logis de Louis XI dont ils avaient complété l’ameublement et, d’autre part, que nombre de meubles ne sont pas localisés. Les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne que nous allons étudier précisent notre vision de leurs logis car y sont inventoriées chacune des pièces des deux chambres de damas jaune et gris confectionnées en 1493-1494 pour les chambres du roi et de la reine. Ainsi, les deux chambres se répondaient-elles dans les tons jaune et gris. Leurs oratoires et leurs « retraicts et garderobes » recevaient ces mêmes parements jaunes et gris234. Les minutes décomptent par ailleurs :
Quatre litz de camp de damas gris et jaulne garniz de frange de mesme et a chacun acoustrement y a une C. Quinze rideaulx pour lesdits quatre litz de camp de taffetas gris et jaulne.235
153Les quatre lits de camp, qui sont des lits d’apparat que l’on différencie des châlits ou couchettes, semblent donc indiquer soit qu’il y avait plusieurs lits dans les chambres, soit que les chambres de retrait – selon la dénomination dont nous avons convenu (cf. p. 97) – recevaient également des lits d’apparat jaunes et gris. Rappelons en outre que la chambre privée du roi – « ou couchoit ledit seigneur » – accueillait la somptueuse chambre de broderie à « michelets » et que dans celle de la reine se trouvait la couchette à pavillon rouge de la dame de la Guerche. Ce sont donc semble-t-il des pièces à l’ameublement relativement chargé car, pour être complet, il faut ajouter de nombreux tapis, qui selon le compte servent « aux chambres du chastel », ainsi que d’autres meubles. Les 24 dressoirs, dont 12 fermant à clefs, restent sans affectation particulière tout comme les 108 escabeaux de qualités diverses.
Chambre de retrait de la reine | Chambre de la reine | Chambre « couchoit le seigneur » | Chambre du roi |
- 1 Table et ses 2 tréteaux | - 1 Écrin, | - 1 Chambre de tapisserie à broderie : 11 pièces compris le ciel et les pentes faites sur serge rouge à personnages de « michelets » | - Pavillons, ciels et rideaux gris et jaune et embrasses de velours noirs en SS |
Le compte d’ameublement du logis des Sept Vertus de 1498
154Le compte d’ameublement du logis des Sept Vertus a été publié en 1894 par Alfred Spont dans la Correspondance historique et archéologique236. Conservé à la Bibliothèque nationale de France sous la cote ms. fr. 20877, il occupe les pages 43 à 45 d’un recueil de diverses comptabilités compilées par Roger de Gaignères237. Pour la première fois, le logis y reçoit son appellation des Sept Vertus. En 1498, il était achevé depuis deux ans lorsque l’on compléta son mobilier, qui est très ponctuellement mentionné par le compte de 1496-1496 lorsque de la soie torse jaune, rouge et verte est commandée pour confectionner « des franges au ciel de la chambre du roy estant au grant corps de maison238 ». L’énoncé du compte de 1498 est sans équivoque :
Pour faire ce qui s’ensuit sur lesquelles objets ont esté depuys livrés par lesdits tappissiers au chastel d’Amboise pour servir a l’amesnaigement du grant corps d’ostel neuf des Sept Vertus dudict chastel d’Amboyse par le commandement dudit sieur.239
155Charles VIII fait appel à ses fournisseurs habituels : Jean Lefèvre et Lancelot Platel, tapissiers ordinaires du roi, et Guillaume Mesnagier, marchand demeurant à Tours240. Révélant les associations de matières et de couleurs choisies pour ce lieu de prestige et d’apparat, les achats se concentrent sur les étoffes destinées aux pièces du troisième niveau, étage des logis jumeaux, et en particulier aux lits. Le compte distingue la « grant chambre » ou « chambre du roy » (la chambre occidentale), la « grant salle » (la pièce centrale) et la chambre orientale, celle de la reine (fig. 27 et 29 CC). On commande pour la « grande chambre » une dizaine d’aulnes de drap d’or, cramoisi et autres, pour couvrir le grand lit et deux carreaux. Pour un lit de camp rapporté de Naples, 28,75 aulnes de velours violet et gris sont achetées et transformées en pentes, ciel et couverture mi-partie qui s’accordent avec les trois rideaux du lit issus de 31,5 aulnes de satin noir et violet.
156On affichait donc ostensiblement le violet que portait Charles VIII à la victoire de Fornoue dans ce logis de réception dont on refaisait la décoration pour recevoir monseigneur de Bourbon241. Le lit de camp qui portait cette couleur était-il le lit d’apparat ? La question reste entière puisqu’il existait rappelons-le dans cette « chambre estant au bout de la grant salle dudit corps d’ostel » un « grant lit » richement orné de pourpre et d’or.
157Dans la garde-robe de la grande chambre, on fait un « doceret », c’est-à-dire une tête de lit avec un dais en velours noir242, dont les pointes sont couvertes de velours violet et noir. En outre, on recouvre de velours gris le dressoir prenant place dans cette pièce. La chambre orientale est également meublée d’un lit de camp venu de Naples que l’on habille comme le précédent. Dans la garde-robe, le « doceret » est réalisé en velours blanc et les pentes du lit, en velours violet et noir. Ici ce sont les couleurs de Charles VIII au complet qui sont apposées.
158Ces étoffes composaient donc un décor assez sombre de violet, gris et noir dans lequel quelques pointes de lumières étaient apportées par le grand lit d’apparat de la grande chambre, or et pourpre, ou par un dosseret de velours blanc243. On constate dans ce nouveau logis l’absence de chambre de tapisserie, comme si un changement de mode s’opérait, annonçant la richesse irisée de l’ornement tissé des Valois244.
Les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne
159Les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne se composent de listes dressées pour recenser la présence des meubles et organiser les déplacements de la cour. Ces listes ont été établies dans deux demeures de la reine : Amboise et Nantes qui devaient servir de garde-meuble245. Nous nous concentrerons sur celles d’Amboise.
160Rédigées pour la première fois en 1494, elles furent mises à jour et récolées jusqu’en 1501, date du déménagement de la cour pour Blois246. On y reconnaît les meubles acquis entre 1493 et 1498. Contrairement aux comptes d’ameublement qui ne délivrent que les compléments d’aménagement du château, ces minutes donnent une idée d’ensemble du décor, même si la totalité des meubles ne s’est pas trouvée simultanément à Amboise puisqu’on les déplaçait constamment. Sont ainsi répertoriées quelques 1 700 pièces : 385 tapis, 548 pièces de tapisserie247, plusieurs couvertures et quelques meubles.
161On y reconnaît notamment les tapis décrits plus hauts, les chambres royales de damas jaune et gris à embrasses de velours noir, les meubles du logis des Sept Vertus ainsi que les meubles présents à Blois en 1501 pour la réception de l’archiduc d’Autriche et de son épouse (cf. p. 156). Les tapisseries historiées comptent parmi les pièces les plus précieuses. Les histoires illustrent les thèmes de la chevalerie et de la mythologie, thèmes qui reviennent en force à l’avènement de Charles VIII. Elles ne constituent qu’environ 10 % des tapisseries (64 pièces). Les sujets plus légers constituent la majeure partie du décor : verdures menues, grosses, sur soie ou sans soie, de Flandres ou de Paris représentaient des lapins, personnages, « volerie », « volerie et rivière », hérons ou « hérons d’argent », personnages de broderie et arbres d’or ou encore personnages de chasse. On trouve aussi des thèmes métaphoriques : « Une toille noir taincte pour mectre au long d’une muraille ou il y a ung homme qui porte une hote en laquelle sont rapportez des ratz248. » Les décors amovibles sont en effet nombreux : 10 pièces à menue verdure sur soie et des carreaux reçoivent des « oyseaux et petites bestes rapportés249 ». Les pièces dites « rapportées » sont des sujets souvent brodés que l’on pique sur les tapisseries pour créer un décor éphémère et renouvelable à souhait250. Enfin, quelques pièces viennent de Nantes, entre autres, 4 carreaux de soie rouge à lévriers d’or, oiseaux et fleurs de soie verte. Ces thèmes de la chasse et de la nature étaient adoptés unanimement par les cours européennes à la fin du XVe siècle. L’équipement de chasse de Charles VIII jaune et gris, qui apparaît également dans les minutes, peut directement être mis en rapport avec ce goût251. Enfin, quelques pièces armoriées complètent le décor solennel des tapisseries exposées dans les grandes occasions.
162Les pièces brodées figurent en grand nombre. La serge verte est brodée de feuillages, la sergette rouge de rameaux et genêts. Trois pièces de « taffetas cramoisy semée de la devise de la vigne ou il y a personnaiges de femmes rapportés les unes qui vendengent et les autres en deux cuves le tout de broderies de soye et d’or252 » paraissent particulièrement remarquables. Certaines couvertures sont aussi richement brodées comme cette « grande couverture de lit de velour cramoisy sertie de herons d’argent et ung cheval au myllieu qui tient a ung arbre, de mesme ledit ciel253 ». En Anjou-Provence, quelques décennies plus tôt, l’art de la broderie « suscite un intérêt au moins égal à celui de la tapisserie et entre directement en compétition avec elle254 ».
163Dans les meubles personnels d’Anne de Bretagne, assorti aux quatre pièces d’une tenture de satin cramoisi « sertie de cordellieres d’or et de rameaulx d’orengiers255 », on trouve un parement de lit :
D’armynes mouchetées bordées de velour cramoisy sertie de cordellieres et quatre carreaulx de velour cramoisy brodez de fil d’or au costé et d’autres armoyees aux armes de France et à l’oranger d’argent dont y a deux grans et deux moyens.256
164Les pièces de ce décor armorié, que l’on retrouve à Blois en 1501 dans la chambre de la reine257, renvoie à celui du logis des Sept Vertus : dans la « chambre neufve du roi » les vitres portaient palmes et épées et dans sa « grant gallerie » des épées, devise qu’il avait arborée durant sa campagne italienne, et en particulier à Fornoue ; aux vitres de la « grant salle » et des « chambre et garderobe de la royne » étaient apposées à cette devise le « A » de son épouse258. Au nouveau logis de Charles VIII, l’ébrasement des baies à l’étage de la reine reçoit comme ornement, rappelons-le, un semis de fleurs de lys et d’hermines et un encadrement d’arbres écotés auxquels sont attachées des aumônières.
LE CHANTIER DE CONSTRUCTION D’APRÈS LE REGISTRE DE COMPTES DE 1495-1496
165Le compte de construction du château d’Amboise de l’année 1495-1496 est conservé par la fondation Saint-Louis, au château même d’Amboise. Il a été publié de manière fragmentaire par Louis de Grandmaison en 1912259. C’est un document unique, précieux et complexe à exploiter. Il ne concerne qu’une partie restreinte du château où se déroulent les travaux qu’il est difficile de localiser car les lieux sont rarement précisés. À l’automne 1495, premier trimestre du compte, le logis des Sept Vertus est en cours d’achèvement puisque sa charpente est déjà posée et il reçoit sa couverture à la fin du second trimestre. Les matériaux de construction ne lui sont donc pas destinés. En revanche, ils intéressent sûrement la « tour encomancé au Petit Fort dudit Amboise », appelée aussi « grosse tour » qui désigne l’actuelle tour des Minimes, et le jardin ; mais les travaux portent-ils sur ces seuls bâtiments ?
166Le compte est divisé en 4 rôles couvrant chacun une période de 3 mois : octobre, novembre et décembre pour le 1er rôle, janvier, février et mars pour le 2e, avril, mai et juin pour le 3e et juillet, août et septembre pour le 4e et dernier. Dans chaque rôle, les paiements sont répartis en chapitres rapportant les dépenses relatives :
– aux maçons ; | – aux « bouzilleurs » ; |
– aux manœuvres ; | – aux enduiseurs ; |
– aux « perriers » ; | – aux lattes, chanlates ; |
– à la pierre de taille ; | – à l’achat d’ardoise ; |
– aux tailleurs de pierre ; | – aux clous, fer et acier ; |
– aux briques, tuiles et carreaux ; | – aux civières ; |
– à la chaux ; | – aux seaux (« fallotz, godetz et seilles ») ; |
– aux charpentiers ; | – aux pelles de bois ; |
– aux couvreurs ; | – à la graisse, l’huile et aux chandelles ; |
– aux « plombeurs » ; | – au cordage ; |
– à l’achat de plomb d’étain et de soudure ; | – à la ferrure ; |
– aux peintres et « ymagiers » ; | – à la menuiserie ; |
– aux couleurs ; | – aux serruriers ; |
– au charbon ; | – à la vitrerie ; |
– au bois carré ; | – aux « nates » ; |
– aux scieurs de long ; | – aux charrois ; |
– aux barreaux ; | – aux autres dépenses communes. |
Le financement et la gestion du chantier
167Les folios 2ro à 4vo du compte sont consacrés aux vidimus des lettres patentes du roi qui ordonne, pour la quatrième année consécutive, les travaux de construction du château d’Amboise, et qui délègue ses pouvoirs à Raymond de Dezest, « conseiller et tresorier de France260 ». Celui-ci reçoit l’entière gestion du chantier pour lequel il signe les « simples quittances ». Il est rémunéré « pour ses peines et labeurs qu’il a cy devant eues et prins chacun jour pour le fait et conduicte des grans et simptueux ediffices et bastimens que fait et a intencion faire icelluy seigneur en son chastel d’Amboise261 ». Il est donc le maître de l’ouvrage par délégation royale et reçoit pour cela 40 ℓ. t. par mois, soit 480 ℓ. t. par an. Il est assisté d’Alixandre Blandin, receveur d’Amboise, « commis par ledit seigneur a tenir le compte et faire les paiemens desdits ediffices ». Ce compte est le « IIIIe d’Alixandre Blandin » dont la rémunération annuelle est de 150 ℓ. t. À la fin du compte de 1495-1496, il touche la totalité des gages qui lui est due depuis 1492, et auxquels s’ajoutent divers remboursements de paiements qu’il a avancés, revenant à la somme de 959 ℓ. 13 s. 9 d. t.262
168Le chantier est financé, d’une part, par des décharges levées sur la recette de trois changeurs du trésor du roi dans les territoires rédimés, ou sur les recettes suffisantes de certains receveurs − dont Amboise − et, d’autre part, par prélèvement de 5 d. t. sur chaque minot, quart ou quintal de sel vendu dans tous les greniers et chambres à sel du royaume tant en pays de langue d’oïl que d’oc, Normandie, Picardie, Bourgogne ainsi que partout où la gabelle est en cours263. Débutant en octobre 1492, cette levée doit financer 6 années de chantier. Le présent compte rapporte le détail des recettes (fos 5ro à 31vo) et dépenses (fos 32ro à 285ro) de la quatrième année. De Louis XI à Louis XII, les souverains eurent largement recours à ce mode de financement264.
169Les 36 620 ℓ. t. levées par décharges se répartissent comme suit : Nicolle Herbelot, changeur du trésor du roi, récolte et délivre 8 000 ℓ. t. levées sur Bordeaux, 11 500 ℓ. t. sur le Rouergue, 500 ℓ. t. sur le Berry, 6 000 ℓ. t. sur Toulouse, 6 500 ℓ. t. sur Rouen, 1 500 ℓ. t. sur le Maine et 500 ℓ. t. sur Amboise. Loys Poncher, notaire et secrétaire du roi, livre 120 ℓ. t. prélevées sur les « frais extraordinaires des greniers ». Enfin, Antoine Bayard, trésorier et receveur général de Languedoc, Forez, Lyonnais et Beaujolais, baille, pour sa part, 2 000 ℓ. t. Quelques 7 323 ℓ. 15 d. t. sont prélevés sur la recette des greniers à sel du royaume. Au total, 43 943 ℓ. 15 s. t. sont rassemblées pour financer les travaux de construction d’une année au château d’Amboise. Les travaux de ce compte coûtèrent 30 278 ℓ. t. Les dépenses entre les quatre rôles sont quasiment constantes : 24 % au 1er rôle, 23 % au 2e, 29 % au 3e et 24 % au 4e (graphique 15).
170Le chantier de Charles VIII, même en comparaison de ceux de François Ier, peut être considéré comme un très grand chantier. À Fontainebleau, Chambord et sans doute au Louvre, ce dernier dépense en moyenne entre 22 200 et 32 337 ℓ. par an, mais avec de très grandes disparités puisqu’en 1533 et 1534, Chambord absorbe à lui seul 60 000 ℓ. par an265.
171Les dépenses se divisent en deux groupes : d’un côté, les frais matériels (équipement du chantier, matériaux et transport) et, de l’autre, la rémunération de la main-d’œuvre. La part revenant aux matériaux et à la main-d’œuvre varie sensiblement. Au cours des 1er, 2e et 4e rôles, la main-d’œuvre représente respectivement 53 %, 56 % et 60 % du budget, contre 47 %, 44 % et 40 % pour les frais matériels ; au cours du 3e rôle, la tendance est inversée puisque la main-d’œuvre coûte 33 % du budget et les frais matériels 67 % (graphique 16).
Les frais matériels
L’équipement du chantier
172Le compte fournit peu d’informations sur l’outillage mais les pièces confectionnées par les maréchaux et l’achat de cordages ou de bois nous renseignent indirectement.
Loges, ateliers et engins de levage
173Il existe sur le chantier plusieurs ateliers sans doute spécialisés dans la maçonnerie et la taille des pierres : taille des ogives, des parements, des croisées... La commande d’un « petit charronneau garny de rous […] pour servir amener les grosses pierres d’ung hastellier et [sic] l’autre » est signalée dans le compte266. Pour le transport des matériaux, le chantier fait une consommation importante de 13 civières roulantes (« rolleresse »), couramment appelées « charrettes à quatre bras267 », et de 41 civières à bras, aussi dites « brancard à fardeau268 ».
174Lors de la construction de la tour des Minimes, une loge de maçons est construite au Petit Fort269. Cet espace, bien connu sur les chantiers, est notamment documenté à la cathédrale de Sens : « La loge était le centre de la vie communautaire des maçons : c’est là qu’ils travaillaient, taillaient les pierres, préparaient les assemblages sur les dessins que leur avait donnés le maître de l’œuvre. C’est là aussi qu’ils déposaient leurs outils, et parfois qu’ils mangeaient et se reposaient270. » En outre, de par l’usage abondant du plomb sur le chantier du château et la présence de « plombeurs fondeurs », on peut supposer que les ouvriers disposaient d’une « chambre du plomb » comme à Sens271.
175Le compte indique également qu’une parcelle de terrain était louée du côté de la rue de la porte Heurtault, au pied du logis des Sept Vertus, pour stocker pierres, chaux et sablon272. Le puits carré (2 x 2 m) situé devant le logis des Sept Vertus dut servir dans un premier temps de monte-charge − avant de devenir le puits des cuisines (fig. 2 CC).
176Pourtant essentiels, les engins de levage ne sont pas consignés. Seul engin cité273, celui destiné au nouveau puits du logis des Sept Vertus ; mais en 1496, le logis étant habitable, l’engin doit être utilisé à puiser l’eau. Dans les minutes de l’hôtel d’Anne de Bretagne, vers 1500, est néanmoins répertorié « ung angin de fer à deux roux qui a servy à monter des traines et autres grosses pièces de boys dudict chastel274 ».La question est de savoir s’il est possible d’installer des engins de levage en haut du promontoire pour monter, depuis la ville, les matériaux de construction évitant ainsi d’emprunter la rampe d’accès au château ou la porte des Lions275. Seule une expérimentation sur le terrain pourrait le démontrer. Cependant, compte tenu des dépôts qui se trouvent au pied du promontoire, du côté de la porte Heurtault et de la loge localisée au Petit Fort, il semble que l’on ait levé les matériaux préalablement apprêtés. Les pierres sont livrées épannelées. Il est possible que les ateliers mentionnés dans les archives de la ville sur le bord de Loire aient servi au chantier castral276. On sait que les engins peuvent être remisés pendant plusieurs années si l’on en n’a pas l’utilité impérieuse. Durant l’année 1495-1496 il est, en effet, possible de travailler sur l’épaisseur du mur ou sur la rampe de la tour des Minimes, laquelle ne montre aucun trou d’échafaudage. Cependant, la pose de la charpente du logis des Sept Vertus nécessite d’y avoir recours.
177Durant cette année, le chantier ne fait pas non plus une grande consommation de cordes ou de chaînes. Une seule chaîne est commandée pour le nouveau puits277. Les cordes, de plusieurs types, sont qualifiées de grosses cordes, cordes, ficelles ou « corde fouet ». Leur longueur est rarement précisée, le poids en définissant les prix278. On achète ainsi 181 kg de corde, qui pourrait être appropriée au fonctionnement des engins ; 58 kg de « corde ficelle » plus légère et donc pas moins longue, pour servir sans doute aux échafaudages ; enfin la commande de « corde fouet » s’élève à environ 16 m279.
178Chaque maçon possède en propre son marteau taillant, ou plutôt son manche de marteau façonné à sa main et auquel on adapte une pointe régulièrement aiguisée, dont le chantier supporte le coût. Il en est fait un usage intensif puisqu’en un an, sont forgées par le maréchal 8 140 pointes de marteaux280, nombre qui correspond à une consommation moyenne de 4 pointes par an et par maçon, ce qui représente un poste de dépense finalement assez restreint, de 25 ℓ. t. par an, soit 1,23 d. par pointe. Les maçons peuvent aussi aiguiser, au besoin, leur marteau sur une pierre de grès que leur fournit Guillaume Senault, maître-maçon281. D’après les quelques traces d’outils encore visibles dans la tour des Minimes, il s’agissait de brétures.
179En 1495-1496, sont achetées 6 scies de cuivre spécialement conçues pour couper la pierre de porphyre rapportée de Naples :
A luy [Yvonnet Robet, fondet et bossetier,] pour six seyes faictes dudit cuivre pour servir a syer et coupper la pierre de porefire qui a esté amené de Napples pour le fait desdits ediffices.282
180On ne sait guère comment a été utilisée cette pierre rare, dont les principaux gisements étaient épuisés dès la fin de l’Antiquité, mais elle a bien été taillée. Roche magmatique d’une dureté extrême, sa taille est très difficile et le plus simple est de procéder par abrasion283, d’où le recours à une scie en cuivre, relativement souple, dont la lame ne risque pas de casser.
181Au cours de l’année 1495-1496, 193 pelles de bois sont commandées, à raison d’une cinquantaine par trimestre. Elles servent à « curez [tant] les doubves de la tour encomancé au Petit Fort dudit Amboise que ailleurs284 », soit, entre autres, celles de la tour des Minimes, qui sont sans doute encombrées par les résidus de pierre. Les pelles fournies par Jean Gandillon, marchand d’Amboise, sont facturées 9 d. pièce. Des seaux servent aussi couramment : on compte ainsi 156 « seilles » et 114 « godetz ». Ils sont en bois, fabriqués par les tonneliers. Les « godets » coûtent 6 d. contre 12 d. t. pièce pour les « seilles » ce qui induit la contenance plus importante de celles-ci.
182Les maçons se servent de quelques rares pinces dont on ignore l’usage exact285 ; peut être pour soulever les pierres286 ? Au cours de l’année, Carye Gilbert, maréchal, en forge 5 au prix de 20 d. pièce. La fabrication par Florentin Moyer, maréchal de la « chausseure de six bouloners pour servir a faire le mortier au pris de 20 d.287 » et encore 2 boloners, « pour servir a destramper la chaulx et faire le mortier des maçons288 », laisse supposer qu’il s’agissait de cuves destinées à la préparation du mortier. Par ailleurs, on rétribue le même maréchal : « Pour avoir asseré huit marres et huit picz […] aupris de 20 d. piece289 ». Selon les termes encore employés aujourd’hui dans le bâtiment, les marres sont des « grandes pioches, des pelles larges et recourbées290 ».
La pierre
183D’après les observations de terrain, les bâtiments de Charles VIII sont pour l’essentiel construits en tuffeau, la brique étant réservée à quelques parements intérieurs. Le compte ne révèle pas à quels bâtiments étaient destinées les pierres. Comme nous l’avons dit (cf. p. 106), les deux tiers de la tour des Minimes sont élevés durant l’année 1495-1496. Une grande partie des matériaux fut utilisée à sa construction.
184La pierre constitue un poste de dépense très important, le second après la rémunération des maçons et représente 16,5 % du budget total, soit 6 188 ℓ. 13 s. 11 d. t. (graphiques 17 et 18).
185Selon le compte, la pierre provient de 10 carrières situées le long des vallées de la Loire et du Cher : Malvau, Lussault-sur-Loire, Limeray, Les caves près du Coudray, Belleroche, Les Terriz, Saumur, Bourré, Saint-Aignan et La Ronde « près Loches » (fig. 35 CC). Leur distance par rapport au chantier est variable, de 2 km pour Malvau, à environ 110 km pour Saumur. Il est souvent spécifié que la pierre est livrée « au port dudit Amboise », plus rarement « audit chastel » et exceptionnellement « sur ladicte perriere » pour le cas de la pierre de La Ronde. À la fin du XVe siècle, plusieurs ports sont aménagés à Amboise, mais le plus usité se situe en amont du pont, à l’entrée de la ville et quasiment au pied du promontoire, à une distance qui doit varier de 50 à 100 m en fonction de la saison et du niveau du fleuve (fig. 41 CC). Lorsque la pierre est livrée au château, aucune précision ne permet de déterminer si elle est déposée au pied ou au sommet du promontoire. Mais le « port de la pierre » et l’« atellier » sont mentionnés dans les archives de la ville sur le bord de la grève291.
186Avec 11 401 quartiers pour l’année 1495-1496, la carrière de Bourré produit le plus gros contingent de pierres (tableau 19). Bourré est située sur la rive droite du Cher, à 3 km en amont de Montrichard. Cette pierre est acheminée par voie d’eau comme les autres, ce qui implique qu’elle descend le Cher jusqu’à Saint-Mars-la-Pile (35 km), puis remonte la Loire jusqu’à Amboise (28 km). Lussault, située à 6 km à l’ouest d’Amboise, en bord de Loire, fournit 8 987 quartiers. Les textes différencient parfois la « perriere du roy » ou Bas-Lussault, de celle du Haut-Lussault292. Viennent ensuite, Malvau (8 962 quartiers) à 2 km d’Amboise, et Saint-Aignan (1 244 quartiers, 1 475 si l’on compte celle des Terriz et de Belleroche qui sont en réalité des noms de carrières de Saint-Aignan), située sur la rive gauche du Cher. L’acheminement est identique au précédent mais le lieu est un peu plus éloigné d’Amboise, puisque 16 km le séparent de Bourré. Enfin, placée entre l’Indre et le Cher, la carrière la moins facilement accessible est celle de La Ronde. La pierre est transportée par la route, en passant par Chédigny293.
187Les carrières de Limeray, Saumur, Les Terriz et Belleroche (à côté de Saint-Aignan294) ainsi que Les Caves près le Couldray assurent un approvisionnement d’appoint. Enfin, la pierre dure est commandée en petite quantité. On en dénombre 25 quartiers durant l’année alors que les « perriers » à la tâche en transforment plus de 9 000 quartiers295, mais les pierres de Lussault ou de La Ronde sont parfois qualifiées de dures296, rendant l’identification de cette pierre délicate.
188La courbe de répartition des mesures de hauteur d’assises dans la tour des Minimes montre un aspect polymodal atypique. Si 9 ensembles différents apparaissent (fig. 150), la césure entre chacun d’eux n’est pas nette et il est difficile de proposer une fourchette de hauteur correspondant à un module. Un nombre si élevé de modules de hauteur est particulièrement rare et, au vu de l’ampleur du chantier, il faut sans doute émettre l’hypothèse d’une organisation de la taille de la pierre quelque peu inhabituelle, expliquant l’emploi de modules faiblement espacés, permettant une perte minimale de matériau. Il serait sans doute intéressant de rechercher s’il n’existe pas en réalité 2 lots cohérents de 4 à 5 modules de hauteur ; une légère différence de modules pourrait ainsi exister entre le tuffeau jaune et le tuffeau blanc. On distingue en effet ordinairement trois grands types de tuffeau : le tuffeau blanc de bonne qualité, qui est largement exporté ; le tuffeau jaune, plus grossier, qui est destiné à un usage essentiellement local, et enfin le tuffeau gris de qualité médiocre, qui est surtout employé à l’époque contemporaine. De couleurs et de textures différentes, au sein même d’une carrière leurs qualités varient en fonction des bancs de pierre exploités. Peut-être opère-t-on aussi un choix entre tuffeau blanc et tuffeau jaune existant en un même lieu. Depuis le XIe siècle, la hauteur des quartiers de pierre est standardisée pour faciliter leur mise en œuvre297. Certaines carrières offrent la possibilité d’exploiter des pierres de taille aux dimensions particulières. Dans le compte, on différencie ainsi le quartier et le grand quartier de La Ronde et de Saumur298.
189Les constructeurs possédaient une indéniable connaissance de la pierre : plusieurs carrières étaient nécessaires pour répondre à la demande considérable du chantier d’Amboise et chaque type de tuffeau, blanc ou jaune, était employé en fonction de ses qualités mécaniques. Cependant, il est difficile de définir l’utilisation de chaque pierre à partir du seul compte de construction car, appartenant à des couches géologiques proches, le tuffeau jaune et le tuffeau blanc affleurent à proximité l’un de l’autre. Les 8 987 quartiers de pierre de Lussault qui sont livrés en 1495-1496 représentent environ 30 % de la pierre achetée cette année-là. D’après la carte géologique299, une partie des carrières de pierre de Lussault produit du tuffeau jaune, pierre plus dure que le tuffeau blanc qui a pu être employée à l’édification des soubassements de la tour des Minimes dont le chantier débute cette année-là. Quant aux pierres de calcaire dur que l’on observe encore dans la vis hexagonale de la grande salle ou dans la petite de la herse, elles pourraient correspondre aux pierres de La Ronde.
190La masse volumique des tuffeaux300, qui est proportionnelle à leur porosité (de 35 % à plus de 50 %), varie de 1,20 à 1,65 g/cm3. Pour la plupart des tuffeaux, la résistance à la compression approche 9 MPa, mais les extrêmes atteignent 5 MPa et plus de 20 MPa301. Les pierres les plus légères sont en général moins résistantes à la compression et leur emploi est réservé aux voûtes. Parmi les carrières évoquées dans le compte, celle de Bourré fournit les « pierres pendans », ce que nous appellerions les pierres de voûtains, ou voussoirs. Les quelques 11 000 pierres constituant encore aujourd’hui les deux tiers inférieurs des voûtains de la tour des Minimes représentent seulement le tiers des 30 970 « pierres pendans » achetées au cours de l’année 1495-1496.
191Les pierres de Lussault et de Malvau sont livrées, outre les quartiers cités précédemment, en sentines de moellon : 547 pour Malvau et 62 chalandées pour Lussault. Les marches, pavés et piliers, dont on précise pour certains la destination au jardin, sont souvent réalisés en pierre de La Ronde302. La carrière des Terriz, caractérisée par une production très variée, fournit une pierre utilisée essentiellement pour des organes de soutien ce qui semble impliquer une forte résistance à la compression. La pierre de Belleroche n’apparaît qu’au cours du 1er rôle, soit entre les mois d’octobre et de décembre 1495. Cette pierre convenant à de multiples usages, ses qualités sont sans doute proches de celles de la pierre des Terriz ou de Saint-Aignan303. La pierre de Saint-Aignan semble en effet la plus polyvalente. Pouvant être mise en œuvre sous forme de parement, de pierre longue, de pièce de soutien ou de pierre pour voûtains, elle est la seule à être utilisée pour chacune des 15 catégories relevées dans le compte304 (tableau 19). Notons que les traités de Philibert Delorme et de Félibien, repris en 1685 par l’architecte Jules-Hardouin Mansart au moment des travaux de Louis XIV à Chambord, correspondent aux connaissances empiriques des « perriers » des vallées ligériennes305.
192La pierre est livrée sous plusieurs formes désignées en fonction de leur gabarit pour les parements ou de leur utilisation, pour les baies, les voûtes… Ainsi, elle peut être livrée en « quartiers » : au cours de cette même année 1495-1496, on dénombre 34 432 quartiers de pierre. Elle peut aussi l’être sous une forme grossièrement équarries, alors nommée selon sa fonction et ses dimensions : « accouldoire », « meneau », « pierres pour augives », « pierre pour clef », « pierres pour courges », « pierres pour doubleaux », « pierres pour clervoies », « pierres pour corbeaux », « pierres pour piliers », « pierres pour claveaux », « pierres pendans » ou encore « pierres parpins », ou sous forme de « blotz » et « demi blotz ». Enfin, elle peut être livrée sous forme de « moisons », terme désignant les moellons décomptés en « sentine » ou en « chalandée », laquelle est équivalente au chargement d’une gabarre. Si l’on se réfère aux chargements de pavé mentionnés dans les comptes, la ville achète, en 1498, 4 chalandées représentant 40 pippes de pavé. Sachant que les pippes contiennent environ 500 litres306, chaque pippe doit peser entre 700 et 850 kg. Le chargement d’une gabarre ordinaire atteint donc 7 à 8,5 tonnes. Mais il n’est pas non plus exclu que les marchands de matériaux aient à leur disposition des gabarres plus imposantes307.
193Les quartiers sont des pierres de taille employées en parement. La taille d’un quartier de pierre est très variable d’une région à l’autre et change aussi en fonction de l’époque. Les commandes de la fin du Moyen Âge ou du début de l’époque moderne stipulent parfois des longueurs moyennes pour les quartiers de pierre et beaucoup plus rarement des hauteurs ou des épaisseurs pour des pierres à usage spécifique308. Pour le chantier d’Amboise, les normes établies sont connues par un acte de réception de livraison de pierres datant du 14 janvier 1503309. La commande est passée à Jean Thoreau ou Terreau, or Jean, Macé et Artuys Terreau apparaissent déjà dans le compte de construction du château de l’année 1495-1496 en tant que carriers vendant de la pierre de Limeray ou de la pierre des Caves près du Couldray310.
194En 1503, la livraison de pierre de Bourré et de Saint-Aignan précise les dimensions suivantes :
quartiers de Saint-Aignan : 2,5 pieds de long ;
quartiers de Bourré : 2 pieds de long ;
clefs pour fermer les voûtes en pierre de Saint-Aignan : 2 pieds en carré et 2,5 pieds d’épaisseur ;
corbeaux de pierre de Saint-Aignan pour « machicoly » : 5 pieds de long par 4 pieds ;
corbeaux de pierre de Saint-Aignan pour « machicoly » : 2 pieds de long ;
parpaings de Saint-Aignan : 3 pieds de long pour 1,5 pieds de large pour 1,25 pieds de haut ;
« blocz » de Saint-Aignan : 3 pieds de long pour trois pieds de large pour 14 pouces de haut ;
« pierres pendans » : sans dimension particulière.
195Les études menées sur les appareils en Val de Loire avant le XVIe siècle traduisent non l’emploi d’un gabarit uniforme pour une commande de pierre mais une dispersion plus ou moins grande par rapport à la moyenne des pierres employées lors d’une phase de construction, comme le montre ici l’exemple de la tour des Minimes. Pour la pierre de Saint-Aignan, 2,5 pieds n’est donc pas la longueur uniforme de chaque quartier, mais bien la longueur moyenne que devait présenter chaque lot de 100 quartiers − puisqu’ils étaient achetés au cent.
196Les dimensions moyennes des pierres varient en fonction des carrières et, sur les 10 provenances répertoriées, seules 2 longueurs moyennes de quartiers sont données par les textes. S’il est impossible d’aboutir, à partir du compte de construction, au calcul du volume mis en œuvre au cours de l’année 1495-1496, l’observation du parement de la tour des Minimes construit à cette époque permet de proposer un ordre de grandeur. Malgré une grande disparité des longueurs des pierres (entre 190 et 917 mm), la longueur moyenne de chaque centaine de pierres ne varie pas de plus de 5 % : elle est ainsi toujours comprise entre 45,29 mm et 50,71 mm, soit 30 cm en dessous de la norme théorique des quartiers de Saint-Aignan (2,5 pieds = 80 cm). Les quartiers de Saint-Aignan comptent donc parmi les plus longs car les 1 244 quartiers de Saint-Aignan achetés en 1495-1496 représentent, en linéaire, environ 6 % du total des 34 432 quartiers. En outre, les pierres mesurées présentent une hauteur moyenne de 30 cm pour une trentaine de centimètres de profondeur. Au cours de l’année 1495-1496, environ 1 300 m3 de pierre de taille sont ainsi mis en œuvre.
197Enfin, le terme courant de « blocz » ou « blotz » ou de « demi blotz » désigne des pierres bien calibrées311. La livraison de l’année 1503 donne pour longueur 3 pieds, soit un peu moins de 1 m, pour hauteur 14 pouces, soit une cinquantaine de centimètres et, pour profondeur 3 pieds. Le fait que la profondeur soit précisée autorise à penser qu’ils sont employés dans des endroits apparents où un petit et un grand côté sont visibles, très probablement aux pierres d’angles des entrées d’ébrasement de baies.
198Pour se rendre compte de la quantité que peuvent représenter ces 34 432 quartiers de pierre, on estime qu’au XIXe siècle un carrier extrait approximativement 8 000 pierres de taille par an312. En 1862, le port de Cunault313, qui était des plus actifs dans l’exploitation tuffelière en Anjou, exporte 21 000 tonnes de tuffeau314. Le tuffeau a une densité moyenne de 1,4 lorsqu’il est sec, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il est mis en œuvre car, gorgé d’eau, il doit approcher d’une densité de 1,7. En considérant des blocs de 50 x 30 x 30 cm, ce qui correspond à un volume de 45 dm3, chaque bloc aurait pesé 70 kg au maximum. Toutefois, il ne s’agit pas ici de parallélépipèdes rectangles et les pesées réalisées sur le terrain suggèrent plutôt une masse égale ou inférieure à 50 kg315. Ces quartiers étant transportés par voie d’eau devaient être chargés et déchargés puis acheminés jusque sur le chantier lui-même. Compte tenu des problèmes d’accès au site, non-négligeables à Amboise, puis d’échafaudages et de levage, une masse moyenne d’environ 40 à 50 kg par quartier semble acceptable. Aussi, le chantier de construction du château aurait-il consommé, uniquement en quartiers de pierre, autour de 1 500 tonnes de tuffeau en un an. Nous n’avons joint à ce calcul ni les moellons, ni les innombrables pierres achetées au détail. Autre point de comparaison, la tour des Minimes compte environ 17 000 quartiers de pierre de taille jusqu’au niveau des parties sommitales restaurées, soit à peine la moitié du nombre de quartiers achetés cette année-là. L’ampleur du chantier est ainsi établie et l’on comprend d’autant mieux la multiplication des lieux d’approvisionnement : une unique carrière aurait-elle été capable de répondre à une telle demande ? Certes non, d’autant que le tarissage soudain d’une d’entre elles était redouté, en témoigne le paiement à Pierre Patin, « perrier de Lussault », d’une quittance certifiant, d’une part, qu’il avait réservé l’intégralité de sa production au château entre 1494 et 1496 et, d’autre part, que la carrière pourrait assurer cette production durant les années à venir :
A Pierre Patin, pierrier demourant a Lussault, pour les pierres tant taillé que moison, qui depuis le penultieme jour de mars l’an mil CCCC quatrevings quatorze avant Pasques jusques au derrenier jour de septembre ou temps de ce rolle IIIIc IIIIxx seize ont esté tirrees, prinses et levees pour emploier ou fait desdits ediffices en une perriere estant audit lieu appartenant audit Patin. Et que on y poura trouver bonnes au temps advenir pour le fait dessusdit a esté tauxé et ordonné par ledit tresorier comme dessusdit audit Patin et de son consentement tant pour luy que pour ses sucseheurs [sic] pour lesquelz il s’est fait fort la somme de six livres tournois, en oultre la somme de quatre livres tournois qui ou quartier de janvier, fevrier et mars audit en CCCC quatre vings quatorze fut baillee et paiee audit Patin pour la cause que dessus ainsi que par certifficacion dudit tresorier et quictance dudit Patin ataichee a icelle qui sont cy rendues ; peult apparoir pour ce cy 6 ℓ. t.316
199Le prix des matériaux ne reflète pas seulement l’éloignement des lieux d’approvisionnement. Certaines pierres sont plus prisées que d’autres, sans doute en fonction de leur qualité intrinsèque. Le compte indique le prix « au cent » et les quantités commandées individuellement demeurent très variables, allant de 5 à 1 355 quartiers317.
200Sont ainsi relevés les prix suivants :
la pierre de Malvau revient à 5 ou 6 ℓ. t. au cent, livrée au port ;
la pierre de Lussault est à 8 ℓ. t pour une livraison au port ;
la pierre de Bourré coûte 8 ℓ. t. lorsqu’elle arrive au port et 10 ℓ. t. lorsqu’elle arrive au château (ce qui est très rare) ;
la pierre de Saumur, qui fait pourtant partie des carrières les plus éloignées, ne coûte que 5 à 8 ℓ. t., même sous forme de grands quartiers318. Elle est livrée au port et compte tenu des quelques 110 km qui doivent être parcourus à contre courant sur la Loire, son prix faible indique sans doute une moindre qualité ;
la pierre des Terriz atteint 27 ℓ. t. le cent, livrée au port ;
les pierres de Saint-Aignan et de Belleroche, qui sont les plus coûteuses, entre 25 et 30 ℓ. t. le cent pour être livrées au port, se prêteraient à la sculpture.
201Enfin, pour ce qui est des blocs : le coût de ces pierres calibrées, toujours vendues à l’unité, est très variable et dépend de leur nature, mais il reste nettement supérieur à celui des quartiers. Il est compris entre 7 à 8 s. t. et 25 s. Vendus au cent, ils reviennent à un prix compris entre 35 ℓ. t. et 125 ℓ. t., soit 7 à 25 fois plus élevé que celui des quartiers. Leur transformation par les tailleurs de pierre n’estjamais mentionnée, ce qui confirme bien qu’ils sont utilisés avec peu d’ajustement, sinon peut-être par des appareilleurs sur l’ouvrage même, et explique qu’ils soient plus coûteux à l’achat.
202On constate donc que les transports remontant le courant, nécessairement plus lents, n’ont pas pour autant influencé le choix des constructeurs car la sélection d’une pierre dépendait surtout de l’utilisation projetée. En témoignent leur appellation, les pierres arrivent souvent grossièrement épannelées sur le chantier ce qui permet aussi de réduire au minimum la charge transportée par gabarres et charrois.
La brique
203À l’échelle du compte, le coût de revient de la brique est très modéré et ne représente que 4 % de la dépense totale : 468 ℓ. t. (graphiques 17 et 18). Le travail de la brique est peu documenté sur le chantier ; cependant les mentions s’y rapportant permettent de localiser approximativement les travaux qui l’emploient et qui ne sauraient concerner la tour des Minimes, entièrement construite en tuffeau. La quantité de briques employées est importante : 268 750 toutes catégories confondues. Le compte en différencie trois sortes : 65 000 briques, 193 750 grosses briques et 10 000 petites briques. À titre comparatif, à Douai, pays de la brique par excellence, en 1394, on commande 249 000 briques pour la construction du front d’Esquerchin-Ocre qui allait durer 4 ans. Ce front de 295 m de long se compose d’une courtine de 2 à 4 m de hauteur, flanquée de quatre tours319. Fondations et soubassements sont en pierre commune d’Antoing et grès, le reste en brique. Les 249 000 briques constituent ainsi environ le quart de la construction de ce front, soit une tour de 5 à 6 m de diamètre et 70 m de courtine – ce qui correspond, pour le parement de la face interne et de la face externe du mur à une surface développée comprise entre 280 et 560 m2.
204On remarque qu’aucune brique n’est commandée au cours du 4e rôle qui couvre les mois de juillet, août et septembre 1496 et que l’achat le plus important a lieu durant le 1er rôle (octobre, novembre, décembre 1495), représentant avec 130 750 grosses briques, environ la moitié du nombre total de briques livrées. Quand leur provenance est précisée, elles arrivent au port d’Amboise depuis Autrèche et Montlouis320. Autrèche se situe à une quinzaine de kilomètres au nord d’Amboise (fig. 35 CC) ; le transport des briques se fait par charroi puis par eau. Montlouis-sur-Loire se trouve à 16 km en aval d’Amboise, sur la rive gauche de la Loire.
205Les dimensions de chacune des trois catégories de briques et leur emploi ont pu être déterminés sur le terrain. La grosse brique rencontrée dans la grande salle est utilisée sur une double épaisseur en carreaux-panneresses321 ; 200 grosses briques (22 x 11 x 5,5 cm) étant nécessaires pour parementer 1 m2 de maçonnerie, elles couvriraient 968 m2.
206La brique (11 x 6 x 5,5 cm) a été retrouvée dans les tourelles circulaires du nouveau logis de Charles VIII (1,25 m de rayon intérieur). Peu de panneresses, environ trois par assise, sont présentes mais elles prouvent bien, là aussi, une double épaisseur de parement. Au nombre de 65 000, elles couvriraient environ 160 m2. Enfin, la petite brique (10 x 8,5 x 4,5 cm) s’observait ponctuellement associée aux grosses briques dans le mur de soutien méridional du jardin (avant restauration), constitué d’une alternance d’assises de briques et de pierres (fig. 35 et 131). Tandis que le cœur du mur est élevé en petite brique et en moellon, le parement emploie, sous forme de placage, grosse brique et pierre de taille. Les pierres présentent une épaisseur d’environ 10 cm de manière à correspondre à celle des briques et il n’existe pas de carreaux panneresses. Dans les niches, les grandes briques sont utilisées pour les parties planes du dossier du banc, alors que la petite brique apparaît dans les angles incurvés. Les 10 000 petites briques du compte n’auraient permis de construire que 45 m2 de maçonnerie. Enfin, le mur du logis des Sept Vertus, toujours visible dans la rampe d’accès (fig. 151), présente une mise en œuvre encore différente : les assises de carreaux alternent avec les assises de panneresses.
207Le prix de revient des briques est donné au millier et varie entre 20 s. t. pour les petites briques, 23 s. 2 d. t. pour les briques ordinaires et 26 s. 8 d. t. pour les grosses briques. Les maçonneries en grosse brique sont moins coûteuses puisque 1 000 grosses briques couvrent une surface deux fois supérieure à celle couverte par autant de petites briques. Aussi, le mètre carré de maçonnerie de parement en grosse brique revient-il à environ 3 s. 10 d. t. En supposant que les quartiers de pierre mesurent en moyenne 50 x 30 x 30 cm, 6 quartiers sont nécessaires pour monter 1 m2 de parement322. Le prix de revient est donc très variable : un parement en pierre de Bourré coûte 9 s. 6 d. t. le mètre carré contre 30 s. t. pour un parement en pierre de Saint-Aignan. Ajoutons au prix de la matière brute, celui de la main-d’œuvre qui transforme le quartier en pierre de taille et qui est rémunérée 40 s. t. le cent, le mètre carré de pierre de Bourré revient à 11 s. 10 d. t. et à 32 s. 4 d. t. en pierre de Saint-Aignan.
208L’économie que représente la construction en brique − 2 à 6 fois moins chère – est réduite par une consommation plus élevée de mortier. Celle-ci est compensée par l’épaisseur du parement de pierre de taille, trois fois supérieure. Mais, de fait le coût du mortier est négligeable. Un parement de pierre était ainsi 2 à 5,5 fois plus cher qu’un parement de brique (tableaux 20 et 21).
La chaux
209La chaux demeure un poste de dépense relativement important : le 4e des matériaux et le 7e toutes dépenses confondues (graphiques 17 et 18). Coûtant entre 10 s. et 11 s. 16 d. t. la pippe, 1 340 ℓ. t. sont dépensées à ce titre. Durant l’année 1495-1496, le chantier s’approvisionne en chaux à hauteur de 2 813 pippes. En Touraine, la pippe mesure deux poinçons et le poinçon vaut entre 240 et 260 litres et, à Tours même, 265,16 litres323. On peut donc supposer que les pippes amboisiennes approchent 500 litres. En un an, 1 400 000 litres de chaux sont donc livrés pour le château.
210Selon Daniel Prigent324, la chaux représente en moyenne 30 % de la masse du mortier une fois sec, ce que vérifient nos analyses de mortiers ; nos calculs ne peuvent prétendre à des valeurs exactes car on ne sait si la chaux arrive vive sous forme de pierres calcinées325 ou s’il s’agit de chaux éteinte sous forme de pâte. En supposant que la chaux arrive vive326, comme sur les chantiers de la ville, et en considérant qu’elle a été en grande partie utilisée durant l’année, car elle se conserve mal, un minimum de 4 220 000 litres de mortier fut préparé soit 4 200 m3. À titre comparatif, la construction du corps de logis du château de Montsoreau, qui dura entre 5 et 10 ans, demanda la mise en œuvre de 3 320 m3 de mortier327 ; mais rappelons que la brique, absente à Montsoreau, consomme énormément de mortier.
211La quantité de sable328, ou « sablon », employée pour le mortier est tout aussi difficile à évaluer car, par exemple, « Jean Legier, perrier de Malvau » est rémunéré 5 s. t. par jour pour « amener du sablon audit port » durant 7 journées avec sa sentine329. On ignore à quelle distance du port il va chercher le sable et donc combien de voyages il effectue dans la journée. On compte de la même manière, au cours du 4e rôle (été 1496)330, 17 autres journées employées à ce transport. Les paveurs étant quant à eux tenus de fournir « pavé, sablon, charroy et autres choses a ce necessaires331 », notre analyse du sable consommé pour le mortier n’est pas faussée. Quant à l’emploi du sable, on observe d’une manière générale à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque Moderne que la granulométrie de l’agrégat du mortier est relativement régulière ce qui induit un tamisage ou tri préalable.
Volume de mortier pour 1 m2 de parement | Quantité de chaux | Prix de revient de 1 m2 de parement : parement + mortier | |
Petite brique (parement double de 6 cm d’épaisseur) | 25 242 cm3 | 1/6 de pippe, soit environ 84,14 litres | 5 s. 2 d. t. + 1 s. 8 d. t. = 6 s. 10 d. t. |
Brique ordinaire (parement double de 8,5 cm d’épaisseur) | 31 050 cm3 | 1/5 de pippe soit environ 103,5 litres | 4 s. 6 d. t. + 2 s. t. = 6 s. 6 d. t. |
Grosse brique (parement double à carreaux et panneresses de 11 cm d’épaisseur) | 37 950 cm3 | 1/4 de pippe soit environ 126,5 litres | 3 s. 10 d. t. + 2 s. 6 d. t. = 6 s. 4 d. t. |
Bourré (pour environ 30 cm d’épaisseur) | 31 200 cm3 | 1/14 de pippe, soit environ 34,6 litres | 11 s. t. + 2 s. 3 d. t. = 13 s. 3 d. t. |
Saint-Aignan (pour environ 30 cm d’épaisseur) | 31 200 cm3 | 1/14 de pippe, soit environ 34,6 litres | 32 s. t. + 2 s. 3 d. t. = 34 s. 3 d. t. |
212La chaux est commandée à « Jean Bourré, chaussinnier demourant a Rilly332 » (actuellement Rillé-sur-Loire, à 11 km en amont d’Amboise, sur la rive gauche). Les manœuvres préparent le mortier pour les maçons dans une grande cuve, en bois cerclée de fer333, contenant l’eau nécessaire. On peut imaginer que l’utilisation de « cinq toise de gouttieres pour servir aux maçons a faire couler le mortier du hault en bas » signifie que l’atelier préparant le mortier est resté sur le promontoire pendant les travaux de la tour des Minimes et qu’un tel système est mis en place pour éviter d’employer des poulies, des cordes et des sceaux qui auraient mobilisé à l’évidence plus d’ouvriers334. Ces gouttières commandées à Pierre Beauhardi, couvreur, doivent être en bois car elles ne coûtent que 3 s t. la toise. Douze autres toises de gouttières dont l’utilisation n’est pas précisée sont commandées au même couvreur au cours du 4e rôle.
Le bois
213Comme pour les autres matériaux, la quantité de bois achetée paraît considérable mais assez restreinte ramenée à l’échelle du chantier, puisque c’est à peine 1 % du budget qui y est employé (graphiques 17 et 18). Une grosse commande a lieu durant le 1er rôle, au mois d’octobre. On achète à « Jean Verron, marchant de boys demourant a Vouvrey sur Loire, unze cens trois quarterons et demy gros boys carré » et, à Robin Rousseau, « troys quarterons d’autres boys carré335 ». L’unité n’est pas précisée mais lors du 2e rôle, l’achat de bois carré est calculé en toises ; il y a donc tout lieu de penser que c’est bien l’unité adoptée dès le 1er rôle. Au total, durant le 1er rôle, sont achetés 2 375 m linéaire de gros bois carré et 150 m linéaires d’autres bois carré.
214À raison de 12 ℓ. t. le cent, le « gros boys carré » représente un poste de dépense important (1 420 ℓ. 10 s. t.), alors que le poste d’« autre boys carré », coûtant 8 ℓ. t. le cent, ne revient au cours du 1er rôle qu’à 6 ℓ. t. Le bois vient de Vouvray (située à proximité immédiate d’Amboise, à 8 km sur la rive droite. On peut s’étonner de ce que l’on exploite peu le bois de la forêt d’Amboise qui relève pourtant du domaine royal. Une unique mention en fait état : 3 journées de charroi furent effectuées par « Loys Amangeart avec son charroy a troys chevaulx, pour amener du boys carré audit chastel tant de la forest dudit lieu que du port de la riviere au pris de 10 s. t. par jour336 ».
215Au cours du 2e rôle, on commande au même marchand « seize cens soixante deux toises de boys carré commun » à 8 ℓ. t. le cent, ce qui correspond à environ 3 324 m linéaires de bois. Il fournit aussi 75 toises de chevrons337, soit 150 m, à 7 d. t. la toise ; mais on sait, dans ce cas précis, qu’ils sont prévus pour la construction de la loge des maçons au Petit Fort. En outre, on achète à « maistre Robert Trustain, une grosse piece de boy carré » à 20 s. t. dont on ne connaît ni les dimensions ni la destination338.
216Pour aborder les normes du bois carré outre le fait qu’il est équarri, l’étude de Montsoreau distingue deux catégories : les fûts dont on fait les charpentes mesurant 20 à 25 cm de diamètre et ceux portant les planchers atteignant 50 à 60 cm de diamètre. En se cantonnant à ces données, le gros bois carré d’Amboise serait dévolu aux poutres des planchers et le bois carré commun aux charpentes. Cependant, les journées de scieurs de long − qui ne sont que 2 puis 3 − signifient une transformation du bois : 64 journées de 2 compagnons au 1er rôle et 11 journées au 2e rôle, auxquelles s’ajoutent 14 jours d’un scieur travaillant seul « a syer du boys carré, a faire repartaige et autres petiz boys pour le fait desdits ediffices339 ». Il faut donc supposer que certains bois – sans doute les plus gros − ont été équarris en quartiers ou transformés en planches. La part de bois de brin sur le chantier reste impossible à évaluer.
217Les différentes catégories de pièces de bois sciées, leurs qualités, leurs dimensions et leurs utilisations spécifiques sont connues340. Ainsi, dans un même fût, les premières planches sciées, de second choix, sont employées « dans les cintres, les échafaudages ou mises en œuvre dans les communs du château ». Les plus belles planches peuvent atteindre un demi-pouce (1,49 cm) d’épaisseur. À Amboise, les bois fendus en quartiers (« repartaige ») ou sciés (« seaige ») ont pu être affectés à la pose de planchers et de lambris, notamment dans les combles et dans les portiques, mais aussi aux échafaudages. Un gros bois carré pouvant être débité en quartiers, ces indications ne permettent pas d’attribuer formellement le bois livré à tel ou tel édifice. Il est donc réparti au rythme du chantier.
218La pose de charpente suppose l’intervention consécutive des couvreurs. Au cours du 1er rôle, les charpentiers, qui effectuent 1 806 journées, doivent œuvrer au logis des Sept Vertus, puisqu’il est couvert durant cette période, à l’exception de sa rampe droite cavalière. La charpente de ce logis est sans doute levée dans le gros bois carré qui vient d’être livré − coupé en quartiers ou non. Avec un total de 5 700 m de gros bois, nous dépassons les chiffres de Montsoreau, où c’est » un linéaire de 4 900 m de bois de brin équarris » qui est » nécessaire pour les charpentes de couvertures341 ». Enfin, il est à noter que le débitage et les éventuelles moulurations entraînent des pertes importantes dépassant 50 %342, mais que les menuisiers fournissent généralement ce bois.
219Au cours du 2e rôle, les scieurs de long interviennent peu, ce qui correspond à la livraison de bois carré commun. Parallèlement, le travail des couvreurs diminue : le travail par marché passe à 100 ℓ. t., contre 600 ℓ. t. au cours du 1er rôle, et le travail à la tâche ne compte que 25 journées. Les couvreurs opèrent alors à la rampe cavalière droite du logis des Sept Vertus et en divers endroits, notamment aux « galeries du danjon343 ».
220Les charpentiers ne sont pas tenus de fournir le bois de charpente, pourtant Robin Rousseau complète le gros approvisionnement du 1er rôle par « troys quarterons d’autres boys carré344 », ce qui prouve que malgré les chiffres considérables, le calcul est fait au plus juste. Au cours du 3e rôle, ne figure aucun achat de bois de charpente et durant le rôle suivant c’est exceptionnellement un charpentier, Macé Huguet, qui est rétribué pour avoir « baillé et livré 73 toises de boys carré » au prix dérisoire de 2 s. la toise ce qui pourrait signifier que le bois était de moindre qualité et sans doute employé aux structures temporaires servant aux travaux de maçonnerie345.
221Sur le terrain, les trous de boulins ne s’observent que dans les noyaux des tours cavalières alors que ce mode d’échafaudage correspondait à la solution la plus pratique et la plus usitée346. Nous avons évoqué la possibilité de travailler sur l’épaisseur du mur des tours, mais pour les logis il est nécessaire d’échafauder et donc d’avoir à disposition des planches ou des claies, ce qui se vérifie dans le 4e rôle du compte par l’achat de « 23 clayes de boys par eulx baillees et livrees au temps dessusdit pour servir a chauffauder pour le fait desdits ediffices au pris de 7 d. piece347 ». Outre le système d’échafaudages employant les boulins, il en est un autre soutenu par une structure verticale à deux rangs de perches :
Il s’agit d’un échafaudage indépendant qui est plus compliqué à mettre en place et à stabiliser, mais il respecte les parements de l’édifice ; il ne laisse alors aucune trace dans l’élévation, et seule la fouille permet parfois de l’identifier. Il n’y a aucun avantage à mettre en place conjointement des ancrages muraux et des paires de perches.348
222Cette technique peut être corrélée au paiement de journées de charretiers qui amènent durant le 1er rôle, depuis la forêt d’Amboise deux « chartee[s] de perches depuis ladite forest jusques audit chastel pour chauffaulder ou pour employer a faire lesdits chaffaulx349 ». Ce type d’échafaudage employait généralement de la corde. La consommation qu’en fait le chantier n’est pourtant pas considérable mais on peut en rapprocher, la grande quantité de clous commandée et la diversité de leurs types350. En outre, pour échafauder, Florentin Moyer, maréchal forge des « goncz neufz351 », terme dont le sens reste incertain. Au cours du 4e rôle, à l’approche de la mauvaise saison, 50 charretées de perches sont apportées pour couvrir provisoirement la tour des Minimes de chaume352, observation déjà faite à Gisors où « le chaume était utilisé dans le seul but de protéger des frimas de l’hiver353 ».
223Enfin, le bois des échafaudages (claies, perches…) était sans doute récupéré autant que possible et remployé d’un lieu à l’autre ce qui exclut d’en rencontrer des mentions dans le compte. À Sens où, sur 27 années de compte de la fabrique de la cathédrale les achats de bois pour les échafaudages ne font l’objet que de 34 articles, Denis Cailleaux conclut que ces « éléments une fois acquis étaient utilisés sur une longue période354 ». Outre les perches pour les échafaudages, l’un des charretiers rapporte « depuis la forest dudit Amboise jusques audit chastel 35 courbes355 ». Ces « courbes » livrées au moment de la construction de la tour des Minimes pourraient correspondre à des cintres pour les baies ou pour les voûtes comme à la cathédrale de Sens356.
Le métal
224Le métal tient une place capitale. Outre le fer, sont aussi utilisés le cuivre, l’« estaing poix », le plomb et le laiton. Si l’achat des ferrures représente 5 % du coût annuel des frais en matériaux (642 ℓ. 8 s. 9 d. t.), l’achat de la matière première brute reste assez dérisoire à l’échelle du compte, environ 1 %. En revanche, le chapitre « etain, plomb et souldure » monte à 12 % de la part consacrée aux frais matériels, soit 5 % du budget total (graphiques 17 et 18). Travaillé par les serruriers, les maréchaux et les forgerons, sa mise en œuvre apparaît plus rustique lorsqu’il est forgé par ces deux derniers corps de métier.
225La provenance de la matière première est variable. Certains ouvriers la fournissent eux-mêmes mais parfois on l’achète auprès d’un marchand. Au prix de 24 s. t. les 100 livres, c’est un matériau assez bon marché. Ainsi, Jean de Maslines, marchand demeurant à Amboise, fournit cette année-là la quantité importante de 11 516 livres de fer.
226Au cours du 2e rôle (hiver 1496), on met en fabrication 12 barres de fer, destinées à des tirants pour le logis des Sept Vertus. Jean De Bayne forge ainsi 8 grandes barres, pesant 577 livres pour « la voulte de la gallerie au bout de la monte a cheval357 », et 4 grandes barres, pesant 424 livres « pour servir a tenir les pilliers de pierre358 ». De plus, selon cette tradition de « la pierre armée359 », on peut supposer que les supports de pierre sont consolidés d’un ceinturage de fer, utilisant le surplus de matériau.
227Les forgerons ne fabriquaient pas les clous, commandés à un marchand amboisien, en général Jean De Maslines. À Sens ou à Gisors, le chantier s’alimentait directement auprès des ateliers de cloutiers360. Nous avons relevé 10 sortes de clous différents, dont les distinctions dépendent à l’évidence d’une tradition locale, à cet égard les rapprochements avec le chantier du pont de Tours sont probants361. On distingue ainsi les clous des couvreurs − à latte ou à latte et ardoises − de ceux des charpentiers. Cependant, la plupart des couvreurs étaient défrayés pour avoir fourni les clous nécessaires à la couverture362. Les clous « palastreretz » étaient destinés à la charpenterie, mais nombre de clous restent non identifiés. Les clous becdane363, les clous de Gien et les clous à chaland sont utilisés tout au long de l’année et en grande quantité. Leur prix est très variable (tableau 22).
228Il apparaît au chapitre de l’« achapt de plomb, estain et souldeure ». Son cours est à 23 ℓ. 19 s. 2 d. t. le millier de livres et le coût de revient du plomb brut s’élève à environ 1 000 ℓ. t. pour l’année364. Le succès du plomb sur les chantiers est dû à son point de fusion bas (327,4 ° C) qui facilite les soudures et à sa grande résistance à la corrosion qui permet son emploi à l’extérieur365. D’après le compte, 84 400 livres de plomb sont commandées au cours de l’année (approximativement 42 200 kg366). Son usage n’est pas précisé mais son pesage l’est367.
229Dans le compte, l’emploi du plomb se réduit à plomber :
A plomber tant aux lucanes du grant corps de maison que aux galleries et ailleurs ou il a esté necessaire audictchastel.368
230Ce terme de plomber recouvre toutes les utilisations du plomb, que nous résumons. Le volume acheté de ce matériau est de 3,72 m3 pour l’année369. On sait qu’à Chartres, par exemple370, les tables de plomb pèsent 68 kg pièce et mesurent 2,5 m par 0,60 m pour 4 mm d’épaisseur. Cela représenterait 617 tables permettant de couvrir 925 m2. On ne sait trop où localiser une telle couverture. Le seul endroit adéquat serait la plate-forme ayant vue sur la Loire dans le donjon mais aucune mention n’autorise cette hypothèse ; quant aux logis, ils sont couverts d’ardoises ou de tuiles. À la fin du Moyen Âge, le plomb est couramment employé à confectionner des épis de faîtage, des plaques et des bavettes de plomb polychromes à destination purement ornementale comme l’attestent les vestiges retrouvés sur les toits de Châteaudun371, ou de l’hôtel Jacques Cœur de Bourges. On peut imaginer, pour la demeure royale, le plus grand faste développé sur les toitures mais le compte indique l’emploi d’autres métaux pour ces décors : « 3 banderolles de cuivre pour la girouette de laiton de la petite tour du Rousselet372 ». En outre, pour assurer l’étanchéité des couvertures, le plomb est posé sur les toits après la couverture d’ardoises. En témoigne, à Amboise, la tâche qui incombe à 3 couvreurs de changer les ardoises cassées sur le toit du logis des Sept Vertus après le passage des « plombeurs373 ». Gouttières, chéneaux et tuyaux d’évier peuvent aussi être recouverts de plomb ; d’ailleurs les gouttières apparaissent au chapitre « Lathe, chanlate et goutieres », ce qui prouve bien qu’elles sont en bois.
Sortes de clou | Nombre | Prix |
Clous a « troys coups » | 9 200 au cours des 3e et 4e rôles | 12 d. t. le cent |
Chevilles | 1 700 au cours du 4e rôle | 1 d. t. pièce |
Clou « guigueczon » | 10 850 au cours des 2e, 3e et 4e rôles | 4 s. 2 d. t. le millier |
Clous « guigneez » | 2 100 au cours du 1errôle | 5 d. t. le cent |
Clous « becdane » | 17 725 au cours des 4 rôles | 23 s. 4 d. t. à 33 s. 4 d. t. le millier |
Clous « de Gien » | 25 012 au cours des 4 rôles | 16 s. 8 d. t. le millier ou 20 d. t. le cent |
Clous « palastreretz » | 1 400 au cours des 1er et 4e rôles | 12 d. t. le cent |
Clous « a lathe et ardoises » | 23 225 au cours des 3e et 4erôles | 5 s. t. le millier |
Clous « a lathe » | 17 700 au cours des 1er et 2erôles | 5 s. t. le millier |
Clous « a chalan » ou « chalain » | 17 650 au cours des 4 rôle | 12 d. t. le cent |
Clous « chevilles » | 775 au cours du 1errôle | 8 s. 4 d. t. le cent |
231Même si des épis de faîtage et des bavettes ornent les toitures du château, les quelques 42 tonnes de plomb n’ont pu être employées uniquement à cet usage. Dans un édifice religieux, le scellement des structures de pierre et de fer entre elles (agrafes, goujons…) revêt une grande importance374. Lors de l’inventaire du dépôt lapidaire, nous avons rencontré à la base d’acrotères et de flammes de lucarnes − il est vrai renaissantes (du XVIe siècle) − des goujons de fer scellés au plomb avec calage de bois. Les scellements des vitraux ne sont pas non plus négligeables. Pour la cathédrale de Sens375, la masse de 10 m linéaires de plomb à sertir les pièces de verre a été évaluée à 2 kg. Au château d’Amboise en 1495-1496, les vitres du logis des Sept Vertus sont mises en place. Elles sont ornées d’« espees et plames [sic] et bordes de A376 » à l’étage des logis royaux, et des « panneaux de voirre blanc » ferment les « demi croisées des offices » du même logis. Mais on répare aussi « les victres de sept croisees aux chambres du donjon dudit chastel377 » pour lesquelles l’emploi du plomb est précisé et 57 losanges de verres sont remis à certaines croisées des logis du donjon378. De plus, lors de réparations effectuées sur certaines fenêtres, Jean Durant, vitrier, est payé pour avoir « mis du plomb ou il en falloit379 ».
232Enfin, n’oublions pas toutes les étanchéités faites de scellements au plomb. Aujourd’hui encore nous en avons encore un bel exemple restauré, entre les dalles de pierre du balcon dit « des conjurés » qui borde la grande salle face à la Loire (fig. 27 ; fig. 33 CC).
233Les « plombeurs » consomment aussi de la graisse et du charbon en quantités importantes, mais sans que celles-ci ne soient différenciées de celles qu’utilisent les maréchaux380, les serruriers ou même les peintres. Ainsi, 737 « sommes de charbon » sont commandées au cours de l’année, ce qui revient à une consommation de 134 à 237 « sommes » pour chaque rôle, au prix unitaire de 3 s. 9 d. S’il est évident que le charbon sert à fondre le plomb, à forger ou même aux peintres, la quantité de graisse infime (7 livres) pourrait avoir servi à graisser les roues des chariots et à la pose des grilles dans les maçonneries381.
234La quantité d’« estaing poix » s’élevait à 660,5 livres. La poix est vendue entre 3 s. et 3 s. 4 d. t. par un marchand de Blois mais son usage n’est jamais spécifié. La poix résine est habituellement employée par les soudeurs qui frottent leurs soudures « pour empêcher que leur fer à souder, qu’ils y appliquent, ne s’y étame382 ».
235Les « fondeurs et bossetiers » travaillent le cuivre ; la matière première est acquise auprès de marchands demeurant à Blois ou à Tours. Le cuivre est un matériau relativement bon marché, à peine plus cher que le fer, revenant à 3 s. t. la livre. Les 118 livres commandées durant l’année 1495-1496 sont transformées en poulies pour le nouveau puits383, fontaines, scies à découper la pierre de porphyre ramenée d’Italie et en « quinze mouchetes de cuyvre [...] pour servir aux lampiers de la chapelle dudit chastel384 ».
Les matériaux de couverture
236L’ardoise est fournie par les couvreurs. On ne connaît donc ni son cours, ni la quantité utilisée. Briques, tuiles et carreaux sont vendus par le même marchand pour 4 % de la dépense en frais matériels du compte et moins de 2 % de la dépense totale (graphiques 17 et 18). Si l’on en croit les fournitures en tuiles et lattes à tuiles, on couvre de ce matériau un ou plusieurs bâtiments. A priori, il s’agit de bâtiments de moindre importance, comme le confirment les procès-verbaux des XVIIe et XVIIIe siècles, les bâtiments principaux étant couverts d’ardoises. On commande au total 15 500 tuiles, à raison de 9 500 au cours du 2e rôle, puis 3 000 durant les 3e et 4e rôles. C’est un matériau bon marché acheté 21 s. 8 d. le millier à « Jean Pertuys dit Canine », tuilier, qui fournit aussi des briques et des carreaux. Il en est commandé 93 400 au prix de 16 s. 7 d. t. le millier, à raison de 44 000 au cours du 1er rôle puis, dans les suivants, 30 000, 7 000 et 12 000. On ne connaît ni le corps de métier chargé de carreler, ni leur destination, ni leurs dimensions et nous sommes dans l’incapacité d’évaluer les surfaces recouvertes. Toutefois, le procès-verbal de 1761 décrit la galerie du jardin carrelée « en carreaux de pays385 ». Dans le même procès-verbal, les autres lieux carrelés se limitent aux bâtiments de la basse-cour, mais on sait qu’il est courant que les combles soient carrelés ; rappelons que le logis des Sept Vertus vient de recevoir sa couverture et qu’il développe environ 750 m2 de combles.
237À Amboise, le décor prédominant était, nous l’avons vu, textile, mais sans doute n’était-ce là qu’un décor de fête. Le compte consigne les commandes de pigments pour les peintres (« coulleurs ») en proportions importantes (graphiques 17 et 18). Au cours de l’année, ce ne sont pas moins de 2 112 ℓ. 13 s. 10 d. t. qui leurs sont consacrées, soit le 5e poste de dépense frais matériels et main-d’œuvre confondus qui monte à 7,5 % du budget total.
Le transport
238Les charretiers occupent une place notable dans l’organisation du chantier et leur rémunération revient à 4 % du budget total (557 ℓ. 6 s. 7 d. t.). Le travail est comptabilisé en « tours de charroy », en journées de charretiers ou en nombre de tombereaux (« tumberees »). Les 1 120 journées de charretiers se répartissent en 393 journées au cours du 1er rôle, 164,5 journées au cours du 2e, 188 au 3e et 375 durant le 4e rôle.
239Les attelages les plus courants, à 3 chevaux, représentent plus de 90 % des voyages et sont loués 10 s. ou 11 s. 3 d. t. par jour. Ils acheminent du bois de la forêt d’Amboise et effectuent aussi le transport des pierres de la carrière de La Ronde386. Certains attelages à 2 chevaux – dont on ignore l’usage mais qui servent vraisemblablement au transport de charge sur le chantier même – sont facturés entre 4 s. 8 d. et 6 s. 8 d. par jour. Enfin, le déblaiement des « terriers » – terme qui recouvre nous l’avons vu (cf. p. 104) les décombres, gravats et déblais – est facturé en « tours de charroy » sans que le temps de travail ne soit précisé et assuré par des tombereaux387.
240Les voituriers par eau interviennent au cours de l’été 1496 (4e rôle) pour apporter du sable à faire le mortier, le pont étant alors hors d’usage, ce qui nous renseigne indirectement sur l’exploitation du « sablon » : il est tiré sur la rive droite de la Loire et il était manifestement acheminé d’ordinaire par « charroy ». Puisqu’aucune mention n’apparait dans les autres rôles, on peut supposer que son extraction incombe aux manœuvres.
La main d’œuvre
241L’organisation du chantier se comprend à travers le nombre d’ouvriers employés. Près de 700 ouvriers travaillent au château de l’automne 1495 à l’été 1496. Le paiement de la main-d’œuvre constitue sur l’année 50 % de la dépense totale, soit autour de 16 000 ℓ. t. (graphiques 16 et 23).
Les maçons, les tailleurs, les « ymagiers », les « perriers » et les manœuvres
242Le paiement des ouvriers de la pierre (maçons, tailleurs de pierre, « perriers » y compris les manœuvres) représente près de 30 % de la dépense totale, 62 % des salaires et monte à quelques 9 300 ℓ. t. (graphiques 16 et 23).
243Le chantier est sous les ordres de trois maîtres-maçons388 : Colin Byart, Guillaume Senault et Loys Amangeart. Colin Byart est toujours cité le premier dans le compte, ce qui pourrait être l’expression d’une plus grande considération, mais il reçoit, comme les deux autres, 6 s. 3 d. t. par jour. Au cours du 1er rôle, il travaille 70 journées et touche la somme de 21 ℓ. 17 s. 6 d. t. Guillaume Senault et Loys Amangeart reçoivent quant à eux 20 ℓ. 6 s. 3 d. t. pour 65 journées. Sans être maître-maçon, Pierre Bridonneau, simple maçon, gagne lui aussi 6 s. 3 d. t. par jour.
244On recense 13 catégories de rémunérations. Au cours du 1er rôle, Martin De Brucelle, maçon, vient effectuer 16 journées payées 15 s. par jour. Gagnant plus du double des maîtres-maçons, il est sans doute appelé à Amboise pour accomplir une tâche particulière que nous n’avons pas découverte. La répartition des salaires demeure sensiblement similaire durant les 4 rôles (tableau 24).
245Un même maçon peut être rémunéré 3 s. 9 d. par jour au cours du 1er rôle (automne 1495), puis 4 s. 2 d. par jour au cours du 4e rôle (été 1496)389.
246Pour ce qui est des effectifs de l’année 1495-1496, 60 % d’entre eux sont présents tout au long du chantier et plus de 20 % d’entre eux se retrouvent dans 2 ou 3 rôles ; le renouvellement de la main-d’œuvre se limite donc à moins de 20 %. Mais, au-delà du nombre de maçons qui œuvrent au chantier, le nombre de journées de travail est sans doute plus parlant pour évaluer l’avancement des travaux. Dans le 1er rôle, 9 313 journées de maçons sont effectuées, dans le 2e, 7 626, dans le 3e, 7 331 et dans le 4e, 6 937 journées. Le travail des maçons est donc allé en décroissant et ce n’est pas à la belle saison que l’on compte le plus de journées mais à l’automne 1495. Par ailleurs, le nombre maximum de maçons présents sur le chantier atteint 171 personnes au cours du 2e rôle alors qu’ont été effectuées 1 687 journées de travail de moins qu’au 1er rôle où les maçons sont 157. Cette augmentation d’effectifs à la fin de l’année 1495 pourrait s’expliquer par la perspective de la « venue du roy390 » qui doit rentrer d’Italie d’un moment à l’autre. Au mois de février 1496, la présence du roi est en effet attestée391. Cependant, on constate aussi que le nombre de maçons suit le rythme des saisons et compense ainsi la variation des heures de jour.
247Le nombre de journées ouvrées par trimestre varie entre 74 et 45 pour 80 % des maçons et des manœuvres. Le temps de travail moyen se situant autour de 55 journées, il faut compter en principe 296 à 220 jours de travail par an. Certains ouvriers fournissent probablement une main-d’œuvre d’appoint en travaillant moins de 20 jours ; on remarque qu’ils correspondent souvent au 20 % des effectifs qui ne participe qu’à un seul rôle.
248Le compte différencie le chapitre « tailleur de pierre » du chapitre « perriers ». Au chapitre « tailleur de pierre », les hommes sont des « maçons », payés à la tâche. Au chapitre « perriers », les hommes sont rémunérés à la journée pour aller extraire de la pierre, durant le 1er rôle à Malvau et durant le 4e aux Caves.
249Au cours de l’année 1495-1496, les tailleurs de pierre sont entre 13 et 27. Ils façonnent aussi bien les pierres les plus ordinaires – quartiers de pierre ou de pierres dures, pavés, marches, piliers et « pierres pendans », « pierres de clervoyes » qui désignent les claveaux des baies cintrées – que les pierres moulurées – pierres d’ogives. L’éventail des rémunérations est dicté par le temps de travail passé et la pénibilité ainsi que par la spécialisation de la tâche. Ainsi, tailler 100 quartiers de pierre de taille est rétribué 40 s. t. (2 ℓ. t.) ; 100 « pierres pendans » rapportent entre 4 s. 3 d. t. et 6 s. 8 d. t. ; les pavés reviennent à 20 s. t. la toise392. La taille des nervures d’ogives à 3 s. t. pièce se révèle le travail le plus prisé, car le plus délicat. Cependant, il est bien difficile d’étalonner le travail des ouvriers et les rémunérations ne sont pas toujours cohérentes à nos yeux. Par exemple Pierre Chaimeleau, maçon, reçoit 4 ℓ. 10 s. t. « pour avoir taillé en tache au temps dessusdit ung pillier de pierre dure contenant huit piedz de long », puis 32 s. t. (1 ℓ. 12 s. t.) « pour avoir taillé quatre petiz pilliers de pierre de la perriere de La Ronde » et 25 s. (1 ℓ. 5 s. t.) pour « avoir taillé ung autre petit pillier de pierre dure393 ».
250Quant aux « perriers », au nombre de 16 dans le 1er rôle et de 2 dans le 4e, rémunérés à la journée et non à la tâche, durant la période hivernale (2e rôle), ils n’œuvrent pas sur le chantier. Ces hommes constituent donc une main-d’œuvre d’appoint (1er et 4e rôles), pour soutenir le rythme du chantier. L’extraction du tuffeau se pratiquant en carrières souterraines394, il est probable qu’en hiver les carriers travaillent sous terre, à l’abri des intempéries, et qu’à la belle saison ils optent pour un travail à l’air libre ; en été 5 d’entre eux apparaissent au chapitre des tailleurs de pierre ou des maçons. En hiver, lorsque les glaces entravaient la circulation fluviale, l’extraction de pierre continuait mais on commandait dans les carrières les plus proches de Lussault et Malvau395. Ponctuellement, en période de crue ou lorsque la Loire charriait des glaces, on devait acheminer la pierre par la route. En effet, des journées de charretiers comptabilisées sans autre indication de trajet pourraient s’y rapporter. Enfin, 9 rotées de bois sont achetées au cours du 2e rôle « pour servir a faire du feu pour degeller les pierres pour faire besoigner les maçon au temps d’iver396 » ; et un scieur de long est payé pour 8 rotées de bois « baillées et livrées au mois de decembre pour chauffer et dejeler lesdites pierres pendans dont les voultes ont esté faictes397 ».
251Enfin, on remarque que les sculpteurs, au nombre de trois seulement – Pierre Minart, « maistre ymagier », Casin Dutrec, « ymagier », et Cornille Deneuf, également « ymagier » – sont énumérés au chapitre des « peintres et ymagiers ». Leurs patronymes évoquent leur région d’origine flamande. Ils travaillent pendant les quatre rôles. Casin Dutrectse trouve sous la direction de Pierre Minart. Au 1er rôle, ils sont rémunérés à hauteur, pour le maître, de 10 ℓ. t. par mois et, pour les deux autres, de 7 ℓ. t., ce qui équivaut à des salaires élevés, semblables, voire supérieurs à celui des maîtres-maçons qui gagnent 21 ℓ. t. par trimestre. Au cours des rôles suivants, ils sont payés à la journée, des salaires comparables, pour 64 à 72 jours de travail. La tâche de Pierre Minart, identique dans les 4 rôles, est définie comme suit :
Besoigner de son mestier au temps dessusdit a faire des ymaiges en pierre pour la chappelle dudit lieux aupris de 10 ℓ. t. par moys par marché fait avecques lui comme appert par les roolles precedents […].398
252Cornille De Neufve semble jouir d’une certaine autonomie. Sa subordination à Pierre Minart n’est jamais signalée ; au cours du 2e rôle, il est rémunéré à la tâche (10 ℓ. 70 s. t.) et son travail est précisément décrit :
A Cornille Deneuf ymagier pour avoir tailler en pierre en tache au temps dessusdit ung petit ymaige de Dieu tenant en une main un monde et faisant la banedicion de l’autre mis sur la porte de la chapelle du donjon dudit chastel […]. A lui pour avoir parachevé en tache ung ymayge de Sainct Thomas en pierre estant en ladite chappelle […].399
253Le décor intérieur de la chapelle, en particulier la frise et les clefs de voûte aux contours très découpés (fig. 88, 89 et 90), sont typiques des œuvres flamboyantes de Bourgogne et rappellent celles du monastère de Brou dont on sait qu’il a été édifié par des maîtres flamands400. Aussi, est-il légitime de se demander si les ornements ne doivent pas être attribués à ces artistes. Si tel est le cas, le délai de leur venue pourrait être la cause du retard pris par le chantier de la chapelle puisqu’ils n’interviennent qu’au début de l’année 1496. Ces sculptures, recevant parfois le nom évocateur de dentelle de pierre, ne semblent pas pouvoir être taillées sur des pierres laissées en attente. Elles seraient sculptées puis posées au moment du montage de la maçonnerie.
254Une ébauche de l’organisation du chantier se dessine : la multiplicité des types de pierres et leurs destinations semblent signifier que les maîtres-maçons menaient plusieurs ouvrages à la fois, afin de ne pas ralentir la marche du chantier et d’éviter ainsi le renouvellement trop important des maçons. Certains hommes, perriers, spécialistes de la pierre, travaillaient aussi bien à son extraction, qu’à sa taille et à sa mise en œuvre.
255L’effectif des manœuvres doit être mis en relation avec celui des maçons. Leurs salaires ne sont pas forcément plus bas et ils sont plus homogènes, variant entre 3 s. et 3 s. 4 d. par jour ; quelques-uns touchent 2 s. 6 d. Ils sont 85 à 98 manœuvres sur le chantier. Le nombre de journées de travail effectuées passe de 5 323 au 1er rôle, à 3 617 au 2e, à 4 468 au 3e et à 5 148 au 4e. Le rapport entre le nombre des maçons et celui des manœuvres est donc de 1,6 au 1er rôle et au 3e, de 2,1 au 2e et de 1,3 au 4e. Ces proportions sont assez variables d’un chantier à l’autre et peuvent s’inverser allant jusqu’à 2 à 3 manœuvres pour 1 maçon401. Ces variations numériques traduisent sans doute l’avancement du chantier, l’édification de certaines structures moins ornées progressant plus rapidement que d’autres et demandant moins de manœuvres.
256Nous n’avons aucune indication directe sur l’organisation des équipes de travail. Les 60 % de maçons présents tout au long de l’année constituent l’équipe permanente du chantier. Si nous sommes certains que le chantier de maçonnerie est mené par Colin Byart, Guillaume Senault et Loys Amangeart, le salaire homologue de Pierre Bridonneau infère qu’il assure une charge similaire. Mais nous ne connaissons rien du rôle réel des maîtres-maçons à Amboise. Quelles tâches assurent-ils concrètement ? Il est probable que la conception générale des plans et la réalisation des gabarits pour les éléments moulurés soient de leur seule responsabilité, comme à Gisors402.
257Sur le chantier de la croisée de transept de la cathédrale de Sens, Martin Chambiges assume trois obligations :
La première était d’établir le projet, de dresser les plans, de fournir les modèles de la future construction et de proposer des solutions adaptées aux problèmes techniques qui pouvaient apparaître au cours du chantier. La deuxième consistait à choisir, à réceptionner et à sélectionner les fournisseurs La troisième était de diriger les ouvriers et de leur répartir les tâches.403
258Les « moules » ou « molles » ne figurent pas dans le compte mais nous pouvons rapprocher du travail des maîtres-maçons, « ymagiers » ou sculpteurs « neuf paux de parchamin […] pour faire des pourtraiz pour les paintres et une main de papier fin404 », à l’instar de ce qu’Étienne Hamon rappelait dans son ouvrage :
En dehors de ces formes rigides destinées à un usage prolongé et conservées dans la loge, il faut imaginer les maîtres maçons dessinant sur des carnets ou sur des feuilles volantes d’innombrables croquis provisoires destinés à guider le travail des tailleurs de pierre, dans la confection d’ornements notamment.405
259À Sens comme à Gisors, les « maçons ordinaires » sont au nombre de 14 à 12 selon les années. Avec 171 maçons œuvrant au cœur de l’hiver (2e rôle), l’échelle du chantier d’Amboise est tout autre, n’étant comparable qu’au très grand chantier du pont Notre-Dame à Paris, où « à partir de juin 1500, les échevins désignèrent “cinq principaux maçons et tailleurs de pierre” qui devaient avoir chacun quatorze maçons et tailleurs sous leurs ordres406 ». Un autre exemple nous est donné en 1495 à Amboise : sur le chantier de la tour de l’Horloge, 5 à 9 maçons étaient sous les ordres du maître-maçon Berthelot Cretien. Si nous nous fions aux effectifs des équipes les plus nombreuses, nous pouvons fonder l’hypothèse qu’à Amboise elles étaient composées de 8 à 14 hommes ; ce qui pour le 2e rôle aurait constitué 12 à 20 équipes.
260Un chantier d’une telle ampleur demande une organisation très rigoureuse. Les équipes devaient se scinder en 4 brigades, chacune placée sous la responsabilité de l’un des trois maîtres-maçons, Colin Byart, Guillaume Senault et Loys Amangeart, ou de leur homologue, Pierre Bridonneau. Cependant, la topographie escarpée du site et la probabilité que des manœuvres soient venus gonfler les effectifs de chaque équipe laisse à penser qu’elles aient plutôt été composées de 8 ouvriers pour faciliter la coordination et la communication entre eux. Ainsi, chaque chef de brigade aurait dirigé 5 équipes, soit une quarantaine de maçons, et chacune d’elles devait avoir à sa tête un chef d’équipe, ce qui induit une haute qualification de la main-d’œuvre et une capacité à travailler de façon relativement autonome.
261La multiplicité des constructions en cours ressort de l’étude du compte, et la division du site en secteurs topographiques semble aller de soi pour optimiser le rendement. Colin Byart, Guillaume Senault, Loys Amangeart et Pierre Bridonneau s’étaient probablement attribué chacun un secteur. À l’évidence, la tour des Minimes aurait constitué un des pôles du chantier avec sa loge située au Petit Fort. Le jardin, avec ses galeries et le logis de l’Armurerie, aurait formé un deuxième pôle. Le front de Loire du jardin destiné à soutenir la galerie nord et ses belvédères aurait également pu être rattaché au secteur de la tour cavalière. Le troisième pôle aurait pu se situer autour de la grande salle sur Loire dont les maçonneries sont liées à la tour des Minimes, ce qui présuppose un avancement simultané des deux édifices, bien que le début de la construction de la grande salle fût antérieur puisqu’elle exigeait que le promontoire soit parementé à son aplomb. Enfin, le quatrième pôle comprenait sans doute le nouveau logis de Charles VIII. Sur le terrain, cette organisation très schématisée s’assouplissait nécessairement. Chaque secteur aurait dû disposer de sa loge mais rappelons que le chantier emploie entre 13 et 27 tailleurs de pierre qui, théoriquement, sont les seuls à réaliser le travail de taille ce qui limite d’emblée la place nécessaire à leur ouvrage. Si les tâches les plus délicates devaient en effet être accomplies dans la loge, il est probable que la préparation des simples quartiers de pierre par exemple, qui constituait le travail largement majoritaire, ait été effectuée sur les bords de Loire, à proximité immédiate du « port de la pierre », où se trouvaient les dépôts de pierres livrées, tant que les conditions climatiques le permettaient, ce qui avait l’énorme avantage d’obvier au nettoyage des déchets de taille. La stéréotomie très particulière de la tour des Minimes milite en faveur d’appareilleurs retaillant sur place chacune des pierres ne suivant pas le réglage de l’assise et présentant un décrochement (fig. 122). Ces hommes sont comptés parmi les autres, sans aucune distinction ; à moins que ce ne soit Louis Amangeart qui ait assuré cette tâche. En 1522, à Chambord, il apparaît parmi les 4 « appareilleurs », rémunéré à hauteur de 10 s. par jour407. Sa présence sur les deux chantiers appuie d’autant plus les comparaisons formelles que nous avons soulignées entre le grand escalier double, hélicoïdal à noyau creux de Chambord et la tour des Minimes (cf. p. 191).
Les charpentiers
262Au cours de l’année 1495-1496, les charpentiers effectuent 4 082,5 journées mais le travail se répartit très inégalement entre les 4 rôles et leur rémunération ne coûte que 5 % de la totalité des salaires (812 ℓ. 15 s. 2 d. t.), soit à peine 2,5 % du budget total (graphiques 16 et 24). Ainsi, au 1er rôle on compte 1 806 journées de charpentiers attribuées essentiellement à la charpente du logis des Sept Vertus. Ensuite, le nombre de journées va en décroissant : au 2e rôle, 1 533 journées employées aux différentes galeries, au 3e, 569 journées et, au 4e, tout juste 174.
263La charpenterie est sous la direction de Pierre Bryant408, maître-charpentier, qui reçoit un salaire équivalent à celui des maîtres-maçons, à savoir 6 s. 3 d. par jour. Sous ses ordres, « Robin Rousseau aussi charpentier ayant la charge et conduicte du fait de la charpenterie desdits ediffices » gagne 5 s. t. par jour. Puis, viennent 4 charpentiers payés journellement 4 s. 2 d. t. Enfin, pour les deux premiers rôles seulement, 35 charpentiers reçoivent un salaire allant de 3 s. 9 d. à 2 s. 7 d. t.
Les couvreurs
264Le coût de revient des couvertures est assez réduite à l’échelle du compte, et atteint 2 % de la dépense consacrée aux salaires. Cependant, les couvreurs travaillent principalement aux 1er et 2e rôles (graphiques 16 et 23).
265Au cours du 1er rôle, une équipe de trois couvreurs venant de Tours travaille par marché à couvrir la majorité du logis des Sept Vertus409. En considérant une charpente dont la pente est de 60 degrés − ainsi qu’on le rencontre sur les bâtiments de la fin du Moyen Âge en Touraine −, on peut évaluer la surface de couverture à 1 250 m2, pour laquelle ils sont rémunérés 600 ℓ. t. main-d’œuvre et matériaux compris. Au cours du 2e rôle, 25 autres couvreurs travaillant à la tâche réalisent les galeries notamment410.
Les maréchaux et serruriers
266Les maréchaux fabriquaient essentiellement les pointes de marteau, les « treillis » ou grilles ainsi que des ferrures et des serrures pour les édifices défensifs tels que la tour des Minimes411. Les serruriers étaient quant à eux chargés de ferrer les baies et les portes des logis. Ils exécutent diverses pièces (sans doute les gonds, les pentures et les loquets, etc.) qui, sauf quelques serrures sophistiquées, ne sont pas détaillées dans le compte de 1495-1496 (graphiques 16 et 23).
267Au titre de canonnier ordinaire du roi, Jean De Bayne touche 19 ℓ. t. par trimestre412, outre les différents travaux pour lesquels il est rémunéré à la tâche. Il réalise les pièces les plus volumineuses ou exceptionnelles413, telles que 5 paires de « lampiers » pesant 376 livres pour le logis des Sept Vertus ainsi qu’« ung espy de fer mis sur la grant viz dudit grant corps de maison poisant 96 lbz414 », « deux crappaudeaux de fer poisans cinquante six lbz de fer » ou encore 85 crochets de fer415. L’ouvrage le plus monumental qui lui revient reste les « deux grans portes de fer pour servir a la porte et entree de la grosse tour encommancee a faire au Petit Fort dudit Amboise416 », qualifiant les vantaux de la porte de la tour des Minimes.
268À ses côtés travaillent occasionnellement deux maréchaux payés à la tâche : Florentin Moyer et Carie Gillebert. Ils sont principalement chargés d’aiguiser et acérer les outils : « picz », « mares » et « boulons ».
269Durant les 4 rôles, œuvre un serrurier, renommé au vu de son origine éloignée et de son statut avantageux : « Pierre Hervé dit De Dignen », breton si l’on en croit son surnom, est rémunéré « tant pour lui que pour deux de ses serviteur ouvriers dudit mestier pour leurs peines et sallaires d’avoir besoigné de leur dit mestier au temps dessusdit chacun jour ordinairement qui sont trois moys entiers a faire serrures et autres choses pour le fait desdits edifices au pris de 15 ℓ. t. par moys417 ». Jean Amassart, également serrurier, reçoit, quant à lui un salaire mensuel bien moins flatteur qui s’élève à 70 s. t. par mois, soit 3 ℓ. 10 s. t. Les autres serruriers, 4 à 8 selon les rôles, sont payés à la tâche ce qui explicite le détail de leur ouvrage. Ainsi, ils fabriquent des « serrures a boce », ou « a boce, a coureil », des « serrures truffieres et des serrures communes ». La grande majorité de ces serrures est destinée au logis des Sept Vertus dont le second œuvre doit être achevé au plus vite pour l’arrivée du roi au mois de février 1496418. Enfin, ils fournissent 1 400 crochets pour « tendre la tappicerie audit chastel au pris de 3 s. 4 d. le cent419 » et des crampons pour attacher les huisseries.
270La commande de 22 aulnes de « drap rouge420 » correspond à la toile que l’on rencontre sous les ferrures bien conservées des meubles et des huisseries. Son emploi indique que les ferrures présentent des platines ou des pentures découpées, voire des motifs centraux ajourés.
Les plombeurs
271Les « plombeurs » effectuent 807 journées, à raison de 200 par rôle, ce qui revient à 254 ℓ. 43 s. 12 d. t. et représente qu’à peine 1 % de la dépense totale (graphiques 16 et 23). On retrouve tout au long du compte la même équipe de 4 « plombeurs » aux côtés de Jean Rousseau, maître-plombeur, Loys Coustelly, Antoine Fevre et Pierre Thibault. Le premier touche 10 s. t. par jour tandis que les autres gagnent 6 s. t. par jour, 4 s. 2 d. t. ou 3 s. 9 d. t.
Les enduiseurs et les « bouzilleur »
272Parmi les travaux de finition, le « bouzilleur » qui pose le torchis est payé au mètre carré de plancher ou de cloison réalisé tandis que les enduiseurs effectuent 367 journées de travail. Ces deux corps de métier constituent des postes de dépenses minimes représentant moins de 0,5 % du budget total (graphiques 16 et 24) : 85 ℓ. 9 s. 2 d. t. pour les enduiseurs et 30 ℓ. 16 s. 8 d. t. pour le « bouzilleur ».
273Le « bouzilleur » réalisait les cloisons et les plafonds ou planchers en torchis : amalgame de foin et de terre appliqué sur des éclisses de bois puis enduit. Cette tâche revient à Jean De Benoist, seul « bouzilleur » employé sur le chantier. Il œuvre au cours des 1er, 2e et 4e rôles mais on ne connaît pas réellement sa cadence de travail puisque les surfaces qu’il recouvre vont du simple au quadruple. Il est rémunéré 5 s. t. la toise, au 1er trimestre pour 40 toises de plancher, au 2e trimestre pour 184 toises et au 4e pour 83,6 toises421.
274Les surfaces exprimées en toise sous-entendent des toises carrées. Au 1er rôle, les 40 toises réalisées ne correspondent pas à la totalité des planchers du corps de logis principal des Sept Vertus qui mesure 40 m de long sur 10 de large et comporte 2 niveaux principaux planchéiés. Elles sont complétées, durant le 2e rôle, par 184 toises de plancher « es chambres, galleries, viz, galatas du grant corps de maison nouvellement fait audit chastel appellé les cuisines et fourny de toutes choses a ce necessaires422 ». Parties de ces travaux doivent être dévolues à l’isolation des combles du même logis. Enfin, durant le 3e rôle, il achève d’enduire le logis des Sept Vertus, notamment la garde-robe du roi ainsi que les logis de Jean De Bayne, canonnier du roi et celui de l’artiste italien nommé Pagueny, logis qui, sans doute installés dans des bâtiments anciens, demandent des restaurations423.
275Au cours des 2 premiers rôles, Jean Gayet et Jean Laurens, enduiseurs, passent chacun 65 journées, puis 129 journées424, à « enduire les galleries, viz et autre lieux ou il est convenable audit corps de maison au pris de 5 sols425 ». Ils travaillent donc au logis des Sept Vertus et la nécessité d’enduire en divers endroits infère que certaines parties, notamment les galeries et les vis, soient bâties en moellon ou en pan-de-bois. La faible épaisseur des cloisons des garde-robes levées sur le plan de 1708 corrobore leur construction en pan-de-bois.
276Au cours des 3e et 4e rôles, les travaux concernent la tour des Minimes ; ainsi, Jean Gayet, sans doute aidé de manœuvres, vaque durant 62 et 63 journées à « joindre et bauchir les voultes de la monte de la grosse tour que on fait de present audit chastel au pris de 4 s. 2 d. par jour426 ». Pour cette tâche, son salaire quotidien a diminué de 15 %.
Les manœuvres
277Il nous faut encore saisir l’organisation quotidienne du chantier. Le rôle des manœuvres n’est jamais évoqué alors que leur nombre est considérable. Il y a tout lieu de croire qu’ils aient été polyvalents et répartis, chaque jour, au gré des besoins du chantier et des différents corps de métiers comme à Sens (graphiques 16 et 23).
Les peintres
278Une douzaine de peintres427, hommes et femmes, réalisent 499 journées pour orner « les galleries du danjon428 », mais aussi pour étoffer et peindre « une chambre et garde robe du grant corps de maison fait nouvellement audit chastel », ou encore pour peindre les entretoises des plafonds429. Il est donc avéré que le logis des Sept Vertus était rehaussé de peintures murales et si l’iconographie n’en est jamais précisée, on peut la supposer fraîche et naturaliste (graphiques 16 et 23).
Les charretiers
2794 % du budget total est accordé à la rémunération des charretiers soit 557 ℓ. 6 s. 7 d. t. (graphiques 16 et 24). Travaillant avec leurs chevaux et charroi, le coût de revient d’une journée est fonction de l’importance de l’attelage. L’attelage à 6 chevaux430, qui est le seul de cette ampleur, vaut entre 12 s. 6 d. et 25 s. t. par jour431. Il n’estpas employé moins de 198 journées, sans doute pour les charges très lourdes.
280Loys Amangeart, l’un des trois maîtres-maçons, se charge de voiturer au château un grand pilier, des petites marches et du pavé provenant de la carrière de La Ronde. D’autres font le même trajet432, mais pour de nombreux voyages ni la nature du chargement ni le trajet ne sont précisés. Pierre Bryays, charretier, est quant à lui rémunéré 10 ℓ. 10 s. t. pour 840 « tumberees de terriers ostees et menees avec son charroy du pié dudit chastel devers la porte Heurtault jusques es mairees dudit lieu433 ».
281Durant la période que nous avons retenue, le site d’Amboise, naturellement protecteur, fut aménagé sans être affaibli. Trois nouveaux accès furent créés au prix de trois ouvrages qui renforcèrent avec ostentation le caractère imposant de la forteresse : les tours Garçonnet, des Minimes et Heurtault. Si l’analyse montre l’efficacité toute relative des tours cavalières, elles demeuraient pourtant impressionnantes et des plus dissuasives ; citons à propos qu’au XVIe siècle « les chroniqueurs italiens disaient, le plus sérieusement du monde, que c’était “la ville la plus susceptible de résister aux Turcs” dans toute la chrétienté434 », et au vu des maigres fortifications de la ville seul le château avait pu forger une telle identité à Amboise.
282Dans la seconde cour, les espaces étaient clairement délimités, tandis qu’à la fin du règne de Charles VIII l’attrait du jardin se manifesta avec force. De Louis XI à François Ier, le château d’Amboise comprenait ainsi trois logis qui révèlent trois tendances : tout d’abord, les surfaces des pièces changèrent peu, mais on préféra disposer de pièces plus larges sous Charles VIII que sous Louis XI, sans doute s’affranchissait-on enfin du modèle castral philippien où les corps de logis devaient s’adapter au revers des courtines (tableau 25). Par ailleurs, la conception d’ensemble du projet permit de prévoir des cuisines dans les étages de soubassement des deux logis principaux, reliées aux logis par des vis. La grande salle, pourtant destinée à accueillir festins et assemblées, restait moins bien desservie par les offices et liée, au moins dans un premier temps, au donjon. Les logis comportaient une chapelle, dont l’accès était attenant au logis de la reine, le roi ne disposant d’aucun lieu de culte similaire. La galerie restait quant à elle une pièce commandée par le logis du roi435. Enfin, alors même que la vie de cour du couple royal tenait une place de plus en plus importante dans leur emploi du temps, les retraits existants dans le logis dit de Louis XI, disparaissaient étrangement dans les logis suivants. Mais à Amboise, dans ce château démesuré, n’avait-on pas en réalité substitué des logis privés aux pièces de retraits et fait ériger des logis entièrement dévolus aux fonctions d’apparat ? Les aménagements et la distribution de ces nouveaux bâtiments révèlent la constante exposition de la personne du roi dans sa vie de cour qu’elle soit d’obligation ou d’agrément.
283Quant aux tours cavalières, réalisées notamment par Colin Biart, elles constituent de véritables chefs-d’œuvre, tant sur le plan esthétique que sur le plan de l’innovation et de la maîtrise technique, et appartiennent aussi bien à l’architecture civile qu’à l’architecture militaire. Non qu’aucune rampe ait jamais été construite, mais à Amboise on décida d’édifier deux tours d’environ 25 m de diamètre pour 23 m de haut dont la rampe tourne autour d’un noyau creux. De par leur profil défensif, elles annoncent une nouvelle tendance de l’architecture castrale : ne se détachant que progressivement du modèle philippien où résidence et défense se côtoyaient – modèle qui garda toute sa symbolique −, les bâtisseurs détournèrent des éléments défensifs à des fins ornementales. Finalement, ces tours imposantes et massives constituaient de parfaits trompe-l’œil d’ouvrages militaires. La filiation des tours cavalières avec les tours à canon à rampe hélicoïdale est incontestable et l’ingéniosité de l’ouvrage pourrait être due à la présence du canonnier du roi sur le chantier, Jean De Bayne. Quant au modèle architectural, l’escalier à double révolution et noyau creux de Chambord, qui offre une stéréotomie très proche des tours cavalières d’Amboise, se présente comme leur descendant direct (fig. 152).
284La formation des maîtres-maçons amboisiens reste l’un des points les plus délicats à appréhender. Auprès de quel grand maître ces ouvriers ont-ils fait leur apprentissage ? Les comptabilités de la ville mentionnent Martin Chambiges à trois reprises, en août et septembre 1473, sous les ordres d’André Lorès436, qui est alors le seul dans la ville à porter, à cette date, le titre de maître-maçon. Et au vu de la rareté du patronyme il y a tout lieu de croire qu’il s’agit bien du grand maître-maçon parisien des années 1500 qu’Étienne Hamon qualifie d’« insaisissable » car trop peu d’œuvres peuvent lui être attribuées avec certitude437. Si jusqu’à présent sa carrière pouvait sembler essentiellement tournée, entre 1490 et 1505, vers les grands chantiers religieux que furent les portails sud et nord de la cathédrale de Sens, de Beauvais et les portails occidentaux de celle de Troyes, et peut-être aussi les façades de la Sainte-Chapelle du palais de la Cité et de Saint-Gervais, il convient pourtant d’admettre qu’il avait dû recevoir une formation polyvalente. Sa présence aux ponts d’Amboise souffrirait de ne pas être mise en rapport avec le chantier castral ; c’est même là la seule explication valable. Or en 1473, Simon Duval porte le titre de « maître des œuvres du roi à Amboise » lorsqu’il reçoit de Louis XI le titre de « maître des œuvres de la ville de Paris438 ». Ainsi y a-t-il tout lieu de penser que Martin Chambiges travailla sous ses ordres et qu’il fut le chef de file des chantiers amboisiens439.
Notes de bas de page
1 Abel Desjardins, Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, documents recueillis par Guiseppe Canestrini, Paris, 1859, tome I, p. 340 : « Commincia a dare disegni di muraglie ; e ci fece mostrare suo modello per uno Castello fà à Amboise, la quale vuole fare città, condurvi una acqua ; e continuamente vi mura, che veramente fia si regia ch’io scrissi in hoc distico : Carolus Octavus primus me erexit in urbem ; Hunc fontem, hos muros, heac mihi templa dedit Ambosa. » On note à ce propos l’interprétation abusive de Sylvain Chaumet dans son ouvrage récent qui écrit : « Charles VIII fait élaborer dès 1493 un “modello”, c’est-à-dire une maquette, du futur édifice. Il poursuit ainsi l’édification des logis royaux entrepris par son père Louis XI : celui de la reine au sud et celui du roi au nord, jugés plus digne du jeune couple royal. » Nous verrons plus loin que l’affectation et la fonction des logis que suggère l’auteur sont erronées. (Les décors à drôleries du château d’Amboise. Un aspect de la culture de cour vers 1500, Amboise, 2012, 65 p.)
2 C. Loiseau de Grandmaison, « Compotus particularis pagamenti… », op. cit., p. 253-304.
3 Id.
4 Il convient de rester prudent car les deux dénominations pourraient désigner le même bâtiment.
5 FSL, Compte 1495-1496, fo 80ro.
6 L. Grandmaison, « Compotus… », op. cit., p. 290 : « Pour deux contrefeuz, en la gallerie haulte de la chambre du roy et l’autre en la gallerie basse de la chambre de la royne ». Et AN, KK 76, fo 69ro, mars 1491 (n. st.).
7 Compte de l’argenterie de Charles VIII, 1490-1491 : AN, KK 76. Les comptes de l’argenterie de la jeune Marguerite d’Autriche, alors fiancée à Charles VIII mentionnent ses « chambre et retrait », mais sans que l’on sache où les situer. Ils livrent par ailleurs une partie du mobilier de la chambre : AN, KK 80, fo 149 et suivant mars et mai 1485 : « […] Pour avoir fait ung challit en manière d’un de camp fait a coupletz et dont il a payé la sereure et pour avoir fait ung marchepié, ung banc et une chaire tourneresse et autres parties qu’il a faictes en la chambre de ladite dame […] ».
8 L. Grandmaison, « Compotus… », op. cit., p. 253-304 ; et BnF, ms. fr. 22335, p. 163.
9 Notons bien que le terme de « salles » est employé au pluriel dans le compte de 1491 (n. st.), la salle de la reine n’étant cependant pas explicitement nommée (notamment AN, KK 76, fos 39vo et 79ro).
10 Ibid., fo 222vo.
11 Au château d’Angers, l’oratoire ouvre sur la chapelle par un fenestrage (Jacques Mallet, « Les châteaux d’Angers et de Saumur sous Louis Ier d’Anjou », dans Le palais et son décor au temps de Jean de Berry, Alain Salamagne [dir.], Tours, 2010, p. 146).
12 M. Chatenet, La cour de France…, op. cit., p. 88-92.
13 FSL, Compte 1495-1496, fos 95vo-96ro et 163vo.
14 BnF, ms. NAF 7644, fos 14-19, publié dans Jean Vatout, Souvenirs historiques des résidences royales de France, tome VI : Château d’Amboise, Paris, 1845, vol. II, p. 396-401.
15 FSL, Compte 1495-1496, fos 95vo-96ro.
16 Id.
17 M. Chatenet, La cour de France…, op. cit., p. 80-81.
18 A. Salamagne, « Le Louvre de Charles V », op. cit., p. 89.
19 Jean Mesqui, « Les ensembles palatiaux et princiers en France aux XIVe et XVe siècles », dans les Actes du colloque international tenu au Mans du 6 au 8 octobre 1994, Palais royaux et princiers au Moyen Âge, sous la direction d’Annie Renoux, Le Mans, 1996, p. 51-70.
20 J. Guillaume, « Le legs du XIVe siècle », op. cit., p. 213.
21 M. Chatenet, La cour de France…, op. cit., p. 66-75.
22 C. Loiseau de Grandmaison, « Compotus particularis pagamenti… », op. cit., p. 253-304.
23 Il s’agit de Louise de Bourbon (1483-1561), dauphine d’Auvergne puis duchesse de Montpensier, (M. Chatenet et P.-G. Girault, Faste de cour, op. cit., p. 163).
24 Il s’agit de Guichard d’Albon, seigneur de Saint-André de 1480 à 1550, fils de Gilles d’Albon et Jeanne de La Palisse. Il est fidèle au duc de Bourbon (Louis Moréri, Le grand dictionnaire historique ou le mélange curieux de l’histoire sacrée et profane, Paris, 1759, tome Ier, p. 295).
25 Il s’agit de Jacques d’Estouteville, chevalier, seigneur de Beynes, Blainville, la Faye, baron d’Ivry, chambellan du roi et prévôt de Paris entre 1449 et 1500 (Claire Béchu, Florence Greffe et Isabelle Pébay, Minutier central des notaires de Paris, minutes du XVe siècle de l’étude XIX, Paris, 1993, 1050 p.).
26 Monsieur des Querdes appartient au conseil du roi Charles VIII en 1484 (A. Bernier, Procès-verbaux des séances du conseil de régence du roi Charles VIII pendant les mois d’août 1484 à janvier 1485, Paris, 1836, p. 96, 180, 201, 219 et 230).
27 Il s’agit de Charlotte d’Aragon, princesse de Tarente, dame et demoiselle de la reine Anne de Bretagne entre 1496 et 1498 (D’après BnF, ms. NAF, 9175, fos 357-360. Caroline Zum Kolk, La maison des reines de France au 16e siècle. Nobles, officiers et domestiques (1494-1590). Base de données mise en ligne sur Cour-de-France.fr le 19 décembre 2077 : http://cour-de-France.fr/article131.html
28 Il s’agit de François II d’Orléans-Longueville (1478-1512).
29 Il reste assez difficile de déterminer avec certitude qui porte ce titre en 1493. En 1456, Jeanne de Tucé est dame de la Guierche ; en 1482 et 1489, Jean Carbonnel, chevalier et chambellan de Charles VIII, est seigneur de la Guierche ; enfin, Florimon Robertet, notamment trésorier de France et conseiller de Charles VIII, est seigneur de la Guierche en 1505 mais on ne sait depuis combien de temps. Sa fille Françoise (1519-1580) est dame de la Guierche (Philippe de Comines, Mémoires de messire Philippe de Comines, seigneur d’Argenton où l’on trouve l’Histoire des rois de France Louis XI et Charles VIII, tome II, Londres et Paris, 1747, p. 309). Mais compte tenu des variations orthographiques, il est plus convainquant de considérer qu’il s’agit de madame Mathurine du Perrier qui, en 1496-1498, est dame de la Guerche et première dame d’honneur de la reine. On comprend ainsi qu’elle dorme dans la chambre de la reine comme nous le détaillons plus loin (d’après BnF, ms. NAF, 9175, fos 357-360). Caroline Zum Kolk, La maison des reines…, op. cit.
30 AN, KK 76, fo 73ro, mars 1491 (n. st.).
31 Ibid.
32 Il s’agit de dame Charlotte d’Aragon, princesse de Tarente, dame et demoiselle de la reine Anne de Bretagne (d’après BnF, ms. NAF 9175, fos 357-360). C. Zum Kolk, La maison des reines de France…, op. cit.
33 Ibid., fo 134vo : « Pour un four a faire outre pastez fait en la maison [...] ».
34 BnF, ms. fr. 22335, p. 10, 16 janvier 1498.
35 ADIL, C 655, doc. 2, fo 2vo.
36 FSL, Compte 1495-1496, fo 140ro.
37 Louise de Bourbon-Montpensier (v. 1483-1561), fille de Gilbert, comte de Montpensier et de Claire de Gonzague (M. Chatenet et P.-G. Girault, Fastes de cour…, op. cit., p. 42).
38 C. Loiseau de Grandmaison, « Compotus particularis pagamenti… », op. cit., p. 253-304.
39 BnF, ms. fr. 22335, p. 165, mai 1494.
40 ACA, CC 107, 1489-1490.
41 Ibid. et CC 108, 1490-1491.
42 Ibid., fo 28vo.
43 Jean-Louis Libourel, Voitures hippomobiles, Paris, 2005, p. 150.
44 Et au minimum 1,3 m3.
45 V. Belbenoit, É. Lorans, S. François, La terrasse est…, op. cit.
46 FSL, Compte 1495-1496, fo 73ro.
47 Seule une investigation archéologique pourrait valider la nature des terres constituant les buttes (8 m de large, 63 m de long et 3 m de haut) situées au nord de la porte des Lions. Mais elles pourraient aussi avoir été créées pour épauler le rempart oriental à l’époque moderne et provenir, par exemple, des décombres résultant de la démolition du logis du Fossé A. BnF, est, Hd 135 t. 4, dossier 1629 (extrait du Conseil d’État) : Devis de restauration du château d’Amboise en 1708, fo 5 : « La démolition de plusieurs vestiges de batimens du même côté et huit cent toises cubes ou environ de terre qui ont étés portées aux deux côtés de la porte pour servir d’épaulement dans les temps de guerre, le transport d’icelles partie dans la cour et partie dans la campagne. »
48 ACA, BB 1, fo 33ro, assemblée du 24 octobre 1467 : « Et pour ce que les esleuz ont dit qu’il n’y a point d’argent a la ville pour faire les choses dessusdictes et ouster lesdits terriers, Jean Gaudion, Jean Durruau et Pierre Chasne ont dit qu’ils sont contents de fournir de chascun un tumbereau, deux chevaulx et un homme pour ouster lesdits terriers au pris de V s. t. par jour pour chacun d’eux. Et de attendre le paiement sur l’annee a venir qui commencera le premier jour de fevrier prochain venant. Et commenceront à besongner quant on vouldra et que ledit Burre fera dilligence de mener ausdits terriers troys hommes pour chacun tumbereaux par jour. [signature] Aguillon. »
49 FSL, Compte 1495-1496, fo 224ro.
50 J. de Croÿ, Nouveaux documents…, op. cit., 1894, p. 18-20.
51 ACA, II 2, en 1499.
52 FSL, Compte 1495-1496, fo 283ro.
53 Ibid., fo 282vo.
54 Ibid., fo 78ro et fos 94vo-95ro.
55 Ibid., fo 141vo.
56 FSL, Compte 1495-1496, fo 89ro.
57 Ibid., fo 219ro-vo et fos 272vo-273ro.
58 ADIL, C 950, fo 8ro-vo.
59 Achat d’une pierre pour fontaine : FSL, Compte 1495-1496, fo 252vo.
60 On ne sait pas si le terme de meneaux désigne aussi les traverses qui ne sont jamais mentionnées. Sont également citées 6 pierres à « faire clerevoyes ».
61 Joseph-François Boulay de la Meurthe, publie une « Pièce relative à la construction du château d’Amboise », Bulletin de la Société archéologique de Touraine, 1874-1876, tome III, p. 66-69 (original : Archives départementales de la Vienne, H 3, liasse 8).
62 Évelyne Thomas, « L’originalité des rinceaux français. », dans les Actes du colloque tenu à Tours du 1er au 4 juin 1994, L’invention de la Renaissance. La réception des formes « à l’antique » au début de la Renaissance, Jean Guillaume (dir.), Paris, 2003, p. 177-186.
63 BnF, ms. fr. 26106, Pièce 162, en octobre, novembre et décembre 1498, payé le 8 avril 1499.
64 BnF, ms. fr. 26108, fo 417, 14 janvier 1503. Publié dans : J. de Croÿ, Nouveaux documents…, op. cit., p. 8-25.
65 La chronologie des travaux du nouveau logis de Charles VIII qui fait face aux jardins se comprend par une approche croisée des sources et du bâti.
66 FSL, Compte 1495-1496, fo 90. La phrase est boiteuse car les croisées sont en pierre et non en fer. Nous supposons qu’il voulait écrire « en une coissee ».
67 Ibid., fos 219ro et 272vo.
68 Ibid., fo 98ro.
69 Ibid., fo 163vo : « A lui pour deux croisees de voirre ouvré a palme, espees et bordees de A contenans 48 piez de voirre mises et assiez en la grant salle dudit corps de maison [...] ».
70 ACA, BB 1, fo 15, 5 mai 1465.
71 AN, KK 76, fo 73vo et fo 74ro-vo, mars 1491 (n. st.).
72 FSL, Compte 1495-1496, fo 95vo.
73 M. Chatenet, La cour de France…, op. cit., p. 155.
74 Le rez-de-chaussée du logis du Tambour correspond peut-être à la « chambre du pillier » mentionnée dans les procès-verbaux de 1630 : ADIL, C 655, doc. 2, fo 14ro.
75 M. Chatenet, La cour de France…, op. cit., p. 140-141.
76 Leur appellation actuelle de « salle des gardes nobles » et de « promenoir des gardes » est une invention récente liée aux visites publiques.
77 M. Chatenet, La cour de France…, op. cit., p. 140-141.
78 ADIL, C 655, doc. 3, fo 21ro.
79 A. Salamagne, « Le Louvre de Charles V… », op. cit., p. 91-94.
80 Cette salle date du XIIIe siècle et son nom vient de la réunion des États de 1576.
81 Jean Mesqui, « Les ensembles palatiaux et princiers en France aux XIVe et XVe siècles », dans les Actes du colloque international tenu au Mans du 6 au 8 octobre 1994, Palais royaux et princiers au Moyen Âge, Annie Renoux (dir.), Le Mans, 1996, p. 51-70.
82 Au palais de la Cité, les cuisines étaient si éloignées, qu’un réchauffoir avait été prévu à côté de la grande salle (Jean Mesqui, Châteaux et enceintes de la France médiévale, tome II : De la défense à la résidence, Paris, 1993. Et « Les ensembles palatiaux… », op. cit.).
83 Dans les fragments du dépôt lapidaire du château de Gaillon les médaillons des anciennes galeries de la cour présentent une facture très proche de celui de la cheminée d’Amboise. (Jean Guillaume, « Le temps des expériences. La réception des formes “à l’antique” dans les premières années de la Renaissance française » dans les Actes du colloque tenu à Tours du 1er au 4 juin 1994, L’invention de la Renaissance. La réception des formes « à l’antique » au début de la Renaissance, Paris, 2003, p. 143-176. Et plus particulièrement fig. 42).
84 FSL, Compte 1495-1496, fo 269ro.
85 BnF, ms. fr. 11350, fo 1vo. Publié par Anatole de Montaiglon, « État des gages des ouvriers italiens employés par Charles VIII », Archives de l’Art français, tome I : 1851-1852, p. 108-117.
86 La présence, sur tous les clichés antérieurs aux restaurations, de crochets auxquels elle était suspendue et leur connexion avec les maçonneries originelles prouvent leur authenticité.
87 ADIL, C 655, doc. 2, fo 5vo.
88 FSL, Compte 1495-1496, fo 158vo.
89 ADIL, C 950, fo 1vo.
90 Celle du roi est mentionnée à plusieurs reprises. Nous supposons que la reine disposait de la sienne. FSL, Compte 1495-1496, fo 160ro : « A Moricet Bricet, serrurier, pour la ferrure d’une croissee et demye ; estant ladite croissee en la cuisine de bouche du roy et la demye croisee dessus ».
91 Ibid., fo 3vo.
92 É. Thomas, « Les logis royaux… », op. cit., p. 51.
93 FSL, Compte 1495-1496, fo 163ro-vo.
94 Ibid., fo 223ro.
95 Ibid., fo 162vo.
96 Jacques Androuet du Cerceau représente à tort une salle plus grande que les chambres.
97 Ibid., fos 162vo-163ro.
98 La « grant chambre » ne peut pas concerner la salle car la garde-robe de la « grant chambre » est citée (BnF, ms. fr. 20877, fos 43-44).
99 Jacques Androuet du Cerceau ne représente qu’une seule cheminée du côté de la chambre du roi et non deux (fig. 115 ; fig. 8 CC).
100 À Amboise, Jacques Androuet du Cerceau est le seul à figurer une porte de communication entre le logis du roi et la petite tour circulaire (fig. 115 ; fig. 8 CC), ce qui remet en cause la validité de cette porte. Cependant, si la porte existait bien, la tour aurait pu accueillir un retrait. Cf. à propos des retraits, M. Chatenet et P.-G. Girault, Fastes de cour…, op. cit., p. 65-72, en particulier p. 69 et fig. 17 p. XVI.
101 FSL, Compte 1495-1496, fo 161vo.
102 Ibid., fo 162ro : « A lui pour quatre gons et quatre paumelles mises en deux huis de garde robbes es galatas de ladite maison [...] ».
103 É. Thomas, « Les logis royaux… », op. cit., p. 53-55.
104 BnF, ms. fr. 22335, fo 164.
105 M. Chatenet, La cour de France…, op. cit., p. 204. Et M. Chatenet et P.-G. Girault, Fastes de cour…, op. cit., p. 72-76.
106 BnF, ms. fr. 22335, p. 9.
107 À Blois, les Bourbons disposaient également d’une salle et de deux chambres lors de la réception de l’archiduc d’Autriche Philippe le Beau et de son épouse Jeanne de Castille en 1501 (M. Chatenet et P.-G. Girault, Fastes de cour…, op. cit., p. 90-92).
108 FSL, Compte 1495-1496, fos 163vo et 219vo.
109 Ibid., fo 162ro.
110 Ibid., fo 168ro.
111 Monique Chatenet consacre une partie importante de son étude sur La cour de France au XVIe siècle au « château à l’épreuve des fêtes » (op. cit., p. 217-257).
112 Évelyne Thomas ne fait pas la même lecture des archives que nous. Aussi considère-t-elle que le « logis neuf » dont il est question dans le fragment de compte publié par l’abbé Bosseboeuf (L.-A. Bossebœuf « Comptes de Louis XI… », op. cit., p. 10-11) correspond au nouveau logis de Charles VIII dont nous traitons ici et non au bâtiment de la grande salle sur Loire. Il semble que cette divergence de point de vue vient d’une lecture différente des procès-verbaux de 1630 : elle place la librairie entre l’extrémité est de la grande salle sur Loire et l’extrémité nord du nouveau logis de Charles VIII et non au dernier niveau du logis du Tambour.
113 L.-A. Bosseboeuf, « Comptes de Louis XI… », op. cit., p. 9-11 (d’après : ACA, GG 18).
114 Par plancher on peut aussi entendre plafonds et même lambris.
115 D’après une pièce du portefeuille Fontanieu (vol. 149) publié par J. Vatout, Souvenirs historiques…, op. cit., p. 401-402.
116 BnF, ms. fr. 22335, p. 65 sq. : « La declaracion des relliques, relliquaires, ornemens d’esglise, paremens d’autel, tableaux, vaisselle d’or et d’argent, tapiceries de drap d’or, soye et layne, tappiz, accoustremens de escuierie, litz de camps, livres en latin, francoys, ytalien, grec et esbrieu. […] Et est assavoir que ou dit inventaire, vers la fin, y a ung article contenant que plusieurs livres tant en parchemin que en papier, à la main et en mosle, tant de esglise que autres, qui estoient oudit chasteau d’Amboise, ont esté baillez et livrez par ledit Raymon de Dezestoudit maistre Jean Benard ; contenant les dictz livres en nombre de unze cens quarente, de toutes sortes, apportez de Napples, sans estre autrement specifiez. […] Desquieulx livres la declaracion sera facite par le menu ou chappitre des livres. Aussi y a ou dict inventaire declaré par le menu qui sera escript ou dict chappitre des livres autrefois apportez de Nantes. »
117 FSL, Compte 1495-1496, fos 162ro et 222vo. Patricia Falguières, Les chambres des merveilles, Paris, 2003, 140 p. Olivier Impey et Arthur Macgregor, The Origins of Museums: the Cabinets of Curiosities in Sixteenth and Seventeenth Century Europe, New York, 2001, 431 p.
118 Jean-Pierre Digard, Histoire du cheval, Arles, 2007, p. 96 ; d’après J. Bougler, « La race et les livres généalogiques », Ethnozootechnie, no 29, 1982, p. 69-72 ; et J. Mulliez, Les chevaux du royaume. Histoire de l’élevage du cheval et de la création des Haras, Montalba, Paris, 1983, p. 347.
119 Cité dans M. Chatenet et P.-G. Girault, Fastes de cour…, op. cit., p. 32 (d’après relation de Vienne : anonyme, « Reise des Erzherzogs Phipipp nach Spanien, 1501 » édité par Joseph Chalmel, Die Handschriften der k. k. Hofbibliotek in Wien im Interesse der Geschichte, besonders der öestereichischen, Wien, 1841, tome II, p. 573).
120 FSL, Compte 1495-1496, fo 153ro.
121 ADIL, C 633, fo 53 : « Une place vague deppendante du château et dans laquelle sont les fondements d’une tour commencée à bâtir par le roy Charles Huit ».
122 ADIL, A7, fo 405 : « L’emplacement d’une grosse tour, attenant au couvent des Minimes, sur lequel il a été construit un jardin et quelques bâtiments par le Sieur Louis Royer, en vertu d’arrêt du conseil de l’année 1740, à la charge de payer quarante solz de redevance au domaine. »
123 ACA, CC 113, fo 29vo.
124 ADIL, C 655, doc. 5 fo 5vo.
125 Andreas Tönnesmann, « Le palais ducal d’UrbinoUrbino (Italie). Humanisme et réalité sociale », dans les Actes du colloque tenu à Tours du 6 au 10 juin 1988, Architecture et vie sociale. L’organisation intérieure des grandes demeures à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, Jean Guillaume (dir.), Paris, 2003, p. 137-153.
126 Friedrich Mielke, « Les escaliers allemands de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance », dans les Actes du colloque tenu à Tours du 22 au 26 mai 1979, L’escalier dans l’architecture de la Renaissance, Jean Guillaume (dir.), Paris, 1985, p. 189-206.
127 Giorgio Vasari, Vies des peintres, sculpteurs et architectes, tome VII, Paris, 1841, p. 17-18.
128 M. Chatenet, P.-G. Girault, Fastes de cour…, op. cit., p. 40.
129 Nous adressons tous nos remerciements à Monique Chatenet qui nous a signalé cette mention [Carmelo Occhipinti, Carl teggio d’arte degli ambasciatori estensi in Francia (1536-1553), Scuola normale, Pisa, 2001, p. 61 : Amboise, 9 mai 1541].
130 FSL, Compte 1495-1496, fos 139vo-140ro.
131 Henri Sauval, Histoire et recherche des antiquités de la ville de Paris, Paris, 1724, tome I, p. 190.
132 ACA, CC 124, fo 27ro, 1er mars 1511 (n. st.), logement du « general de Beaune » au Cheval blanc.
133 Alain Salamagne, « Aux origines de la fortification bastionnée : le boulevard d’Antoing et la famille monumentale des boulevards de plan polygonal », Revue des archéologues et historiens d’art de Louvain, tome XXV, 1993, p. 31-62.
134 N. Faucherre, Les citadelles du roi…, op. cit., tome I, p. 85-97.
135 FSL, Compte 1495-1496, fos 152ro et 154vo.
136 Le compte de construction ne mentionne aucune rémunération propre à cette tâche qui devait être accomplie par des tailleurs de pierre ou des maçons ordinaires.
137 Nicolas Faucherre, « Concarneau, la ville close : une enceinte de la seconde moitié du XVe siècle », Congrès archéologique de France, Finistère en 2007, p. 65-83, et plus particulièrement p. 76-77.
138 BnF, Pièces Originales 2334, fragment de compte du 11 avril 1501.
139 Vincent Belbenoit, Élisabeth Lorans, Serge François, La terrasse est du château d’Amboise (Indre-et-Loire). Rapport de sondages, 1993, 28 p. 24 fig. et 10 cl. (manuscrit dactylographié).
140 Jean Guillaume, « Y a-t-il un “jardin de la Renaissance” ? », introduction aux Actes du colloque tenu à Tours du 1er au 4 juin 1992, Architecture, jardin et paysage. L’environnement du château et de la villa aux XVe et XVIe siècles, Paris, 1999, p. 7-8. « Le jardin mis en ordre, jardins et château en France du XVe au XVIIe siècles », p. 103-136.
141 FSL, Compte 1495-1496, fo 73ro.
142 Nous soulignons la restauration outrageante qui a dernièrement été faite de ce pan de mur, où tous les matériaux sans exception ont été remplacés. Une vis donnant accès au logis de l’Armurerie a été mise au jour sans qu’aucun suivi archéologique n’ait été mené.
143 Françoise Boudon, Claude Mignot, Jacques Androuet du Cerceau. Les dessins des plus excellents bâtiments de France, Paris, 2010, p. 127 : Vue à vol d’oiseau (d’après The British Museum, Londres, 1973, U 1352).
144 J. Guillaume, « Le jardin mis en ordre… », op. cit., p. 104-107.
145 Cité dans M. Chatenet et P.-G. Girault, Fastes de cour…, op. cit., p. 32 (d’après relation de Vienne : anonyme, « Reise des Erzherzogs Phipipp… », op. cit., p. 573).
146 FSL, Compte 1495-1496, fo 252vo.
147 Ibid., fos 226vo-227ro.
148 AN, KK 289, fos 481vo-482ro: 10 mars 1517.
149 Pedretti Carlo, Leonardo da Vinci, The royal palace at Romorantin, Cambridge, Massachusetts, 1972, fig. 133, reproduction du Codex Atlanticus 296 r-a, ca. 1518 : « Studies for the mechanism of a fontain, with the note : “Amboise has a royal fountain without water” ».
150 FSL, Compte 1495-1496, fo 226ro : « A Jean de Faret, potier de terre, pour treize toises de tuaulx de terre par lui faiz, baillez et livrzés autemps dessusdit pour servir au vivier du jardin dudit chastel […] » ; et fo 161ro pour la serrure à bosse de ce même vivier.
151 AN, P 1334 5, fo 138vo, pièce 98 (1453) ; P 1334 6, fo 68, pièce 27 (7 janvier 1456) ; P 1334 8, fo 67vo, pièce 44 (27 juillet 1464) ; P 1335, cotes 147, 148, et P 1334 8, fo 125, pièce 282 (14 décembre 1465) ; P 1334, fo 243vo, pièce 59 (7 mars 1474). François Comte et Alain Salamagne, journée d’étude tenue au CESR le 20 mars 2008, Château et paysages : maisons de plaisance, parcs et jardins, 1re partie, les origines médiévales, Université de Tours, CESR.
152 ADIL, C 655, doc.3, fo 21vo et C 950, fo 9ro.
153 AN, KK 289, fo 288, 7 mars 1518.
154 Leroux de Lincy, « Inventaire des vieilles armes conservées au château d’Amboise », Bibliothèque de l’École des chartes, 2e série 1847-1848, p. 412-422.
155 Le dépôt lapidaire du château conserve des baies classiques attribuables au logis d’Henri II ou à ce logis de l’Armurerie.
156 Didier Le Fur, Charles VIII, op. cit., p. 34-35, d’après BnF, ms. fr. 20489, fo 87. Et Georges Bricard, Jean Bourré, seigneur du Plessis…, op. cit., p. 211.
157 ADIL, C 655, doc. 3 fo 3.
158 F. Boudon, Cl. Mignot, Les dessins des plus excellents…, op. cit., p. 124-129.
159 AN, KK 62, fo 94vo, septembre 1470.
160 BnF, ms. fr. 6759, fo 78vo, 23 mai 1471.
161 BnF, ms. fr. 6602, fo 30, 12 mai (sans année).
162 AN, KK 75, fo 42vo, 10 mars 1486.
163 BnF, ms. fr. 22335, p. 190-191. En janvier 1470, Lemoussin est remboursé d’1 écu qu’il a distribué aux gens qui ont chassé un héron hors les bois près d’Amboise pour le plaisir du roi (AN, KK 62, fo 20).
164 AN, KK 84, fo 90 ro-vo.
165 XIX/12, 2 septembre 1497, dans Claire Béchu, Florence Greffe, Isabelle Pébay, Archives nationales. Minutier central des notaires de Paris, minutes du XVe siècle de l’étude IX, inventaire analytique, Paris, Archives nationales, 1993, no 3733.
166 AN, P1334 8, fo 161 vo, pièce 78 (20 février 1467) : « La maison des lyons ». Et P 1334, fo 19, pièce 100 (9 juillet 1454) : « A esté fait venir Guillaume Sebille, garde des lyons dudit seigneur roy de Secile, auquel a esté dit que ledit seigneur vouleit faire venir encores ung lyon et que om appointast de luy faire un logeys, ainsi qu'il est contenu es lettres du dit seigneur ».
167 FSL, Compte 1495-1496, fo 160vo.
168 AN, KK 289, fo 533ro et suivant, 1517. KK 100, fo 58vo, mai 1529.
169 FSL, Compte 1495-1496, fo 66vo : « A lui pour neuf petites marches de ladite perriere chacune de cinq piedz de long ». Et fos 70vo, 71ro, 119vo, 121ro-vo, 122vo, 127vo et 128vo.
170 FSL, Compte 1495-1496, fo 67ro : « A lui [Pierre de Beaulieu, perrier de la perriere de La Ronde pres Loches,] pour deux autres grans marches de pierres de ladite perriere par lui baillez et livrez ». Et fos 67ro-vo et 131ro.
171 Cette longueur ne pourrait en aucun cas concorder avec la vis octogonale de la grande salle sur Loire, puisque ses marches mesurent 193 cm de long tout compris.
172 D. Cailleaux, La cathédrale en chantier…, op. cit., p. 196-197.
173 BnF, ms. fr. 26106, Pièce 162, 1499. ms. fr. 20579, Pièces 275 et 276, 11 juillet 1501. Pièce 332, 15 janvier 1501. Pièce 261, 9 mai 1505. ms. fr. 20579, Pièce 274, 9 juillet 1505.
174 ACA, CC 117, fo 37ro.
175 BnF, Pièces Originales 365, Pièces nos 2 à 7.
176 Archives du Service historique de la Défense, Vincennes A.1.b. 1625, vol. 2. Génie (69 pièces) no 5 – Amboise.
177 Hamilton-Smith, « François Ier, l’Italie et le château de Blois : nouveaux documents, nouvelles dates », Bulletin monumental, tome 147-IV, 1989, p. 307-323 et plus particulièrement p. 321 : « S. M. li monstrὸ tutto il castello, il pallatio et le fosse che’l vole farli atorno, et le stantie che’l fa fare hora per la regina. »
178 AN, KK 289, fo 511vo, 1518.
179 La descente de cave présente des pierres au layage régulier et dont les modules de hauteur des assises sont numérotés de chiffres romains qui attestent le fait qu’il ne peut s’agir d’un réaménagement contemporain.
180 Nous considérons que les plans d’Androuet du Cerceau et de 1708 résultent de modifications postérieures, à attribuer notamment à Henri II et Catherine de Médicis.
181 Jean Guillaume, « Le logis royal de Loches », Congrès archéologique de Touraine, 155e session, 2003, p. 239-253.
182 Dans le cas contraire, des coups de sabre se liraient de part et d’autre de ses parements.
183 Christian Dormoy, Expertise dendrochronologique d’échantillons provenant de la charpente du logis Charles VIII-François Ier au château d’Amboise (37400), Archéolabs, N/Ref. ARC08/R3612D/1, réalisée en 2008.
184 FSL, Compte 1495-1496, fo 67vo.
185 ADIL, C 950, fo 6vo.
186 Groupe de recherche de l’université de Paris sous la direction d’André Chastel, « Les vestiges de l’hôtel Le Gendre et le véritable hôtel de la Trémoïlle », Bulletin monumental, tome CXXIV, 1966, p. 129-165.
187 L’art des frères d’Amboise. Les chapelles de l’hôtel et du château de Gaillon, exposition présentée du 3 octobre 2007 au 14 janvier 2008 au musée national de la Renaissance, château d’Écouen, Paris, 2007, p. 19-55.
188 Xavier Pagazani, Manoirs de Haute-Normandie, 1450-1600 : ébauche d´une synthèse, mémoire de DEA d’histoire de l’art, Claude Mignot (dir.), université François-Rabelais de Tours, CESR, 2002, 3 vol. (manuscrit dactylographié).
189 Xavier Pagazani, La chapelle de Gaillon, catalogue de l’exposition tenue octobre 2007 au 14 janvier 2008 au musée national du Moyen Âge – Thermes et hôtel de Cluny et au musée national de la Renaissance, château d'Écouen, Paris, 2007, p. 76-77.
190 Jacques Androuet du Cerceau est le seul à ne pas la représenter (fig. 143 ; fig. 8 CC).
191 En passant par la grande salle, le parcours pour rendre visite à la reine était allongé, ce qui correspond au cérémonial du milieu du XVIe siècle.
192 ADIL, C 655, doc. 3, fos 18-20.
193 Ibid., fos 17vo-18ro : « Plus, en la porte de l’escallier double à venir du donjon ausdites chambres, mettre une serrure et ung crampon en pierre. Aux grands galletaces du donjon joignant lesdites chambres faire une clef à la porte et faire quatre grandes fenestres aux lucarnes du galtace avecq leurs ferures et courray. Plus, en la grande chambre en galtace de dessus ladite salle du bal, faire une porte du costé de la vis persé avecq sa ferrure et serrure. »
194 Il s’agit là d’une traduction. Il convient donc de rester prudent car on peut également se demander si le qualificatif « quadruple » ne s’applique pas au nombre de révolutions, puisqu’il semble que la vis surplombait le faîtage des toits des bâtiments (Stijn Alsteens et Hans Buijs, Paysages de France dessinés par Lambert Doomer et les artistes hollandais et flamands des XVIe et XVIIe siècles, Paris, 2008, p. 167-176 et 363).
195 J. Guillaume, « La galerie… », op. cit., p. 33-42.
196 BnF, ms. fr. 8310, fos 224vo-225vo.
197 BnF, ms. fr. 22335, p. 185 : « Ung ymaige de notre dame de Pytié [a] qui a esté osté de quelque ornemens de broderie, une estolle et cinq fanons de drap d’or raz blanc garniz de croix rouges et doublez de taffetas blanc, frangez de soye blanche et fil d’or. »
198 Nous respectons l’orthographe de la publication sauf pour quelques erreurs notoires que nous signalerons (C. Loiseau de Grandmaison, « Compotus particularis pagamenti… », op. cit., p. 253-304. [d’après AN, KK 332]).
199 Id.
200 J. Heers, Louis XI, op. cit., p. 199 et B. Chevalier, Tours ville royale, op. cit.., (1983), p. 238-251.
201 BnF, ms. fr. 22335, p. 163.
202 Id.
203 Ibid., p. 191 : « Item, quatre peizes [sic] de chausses de drap jaulnes et grises des chauses du feu roy, bandees par le hault. »
204 M. Chatenet et P.-G. Girault, Fastes de cour…, op. cit., p. 69-70.
205 BnF, ms. fr. 22335, p. 165.
206 Ibid., p. 90-92.
207 Lorsqu’elle venait du Poitou, elle était employée à faire des couchettes.
208 C. Loiseau de Grandmaison, « Compotus particularis pagamenti… », op. cit., p. 292 (d’après AN, KK 332).
209 Michelet ou michaut est un personnage légendaire, symbole de lubricité : Dictionnaire du moyen français ; http://www.cnrtl.fr/definition/dmf/michaut
210 Erreur systématique de transcription « bauchier » et non « banchier ».
211 L’aune de Paris faisait environ le double de l’aune de Flandres, d’Angleterre ou de n’importe quel autre pays. On comptait douze aunes de Flandres pour sept aunes de France. Or l’aune de Paris mesure trois pieds sept pouces, soit environ 1,2 m. L’aune de Flandre devait mesurer entre 0,64 et 0,7 m. (Hubert Delesalle, « Aunes de France et aunes de Flandres, Notes sur le mesurage des anciennes tapisseries de Beauvais », Revue d’histoire des sciences et de leurs application, 1965, vol. 18, no 18-3, p. 305-308. Et Pierre Charbonnier et Abel Poitrineau, Les anciennes mesures locales…, op. cit., p. 106).
212 Sylvie Charton-Le Clech, Chancellerie et culture au XVIe siècle (les notaires et secrétaires du roi de 1515 à 1547), Histoire notariale, Toulouse, 1993, p. 150. Enza Milanesi, Le tapis, les provenances, l’art, l’histoire, Milan, 1997, Paris, 1999, 200 p. Sarah B. Sherrill, Tapis d’Occident du Moyen Âge à nos jours, New-York, Paris, 1995, p. 29-30.
213 Id.
214 Francisque-Michel, Recherches sur le commerce, la fabrication et l’usage des étoffes de soie, d’or et d’argent et autres tissus précieux en occident, principalement en France pendant le Moyen Âge, tome II, Paris, 1854, p. 200-225.
215 La taille des tapis constitue une donnée essentielle. En Orient, les centres de production ruraux s’opposent aux centres citadins, voire aux ateliers de cour qui produisaient en nombre des tapis, moins marqués ethniquement et plus grands. Les petits tapis, souvent issus du monde nomade, qui mesurent 80 cm à 120 cm de large pour 150 cm à 200 cm de long, présentent des motifs simples et géométriques qui sont réalisés sur des ateliers transportables de petite taille. Les tapis de taille moyenne font 150 cm à 200 cm de large pour 220 cm à 270 cm de long ; ils sont issus d’ateliers citadins qui travaillent sur des métiers verticaux et sont exclusivement destinés au commerce, intérieur ou extérieur. Les motifs à médaillons apparurent dans ces ateliers dès la fin du XVe siècle. À la même époque, les cartons dessinés par des artistes firent leur apparition et la noblesse locale, ou étrangère, commanda des exemplaires rarissimes, dont les plus précieux étaient en soie et de grande taille (E. Milanesi, Le tapis, les provenances…, op. cit., 200 p.).
216 Les mentions sont nombreuses. Notamment dans BnF, ms. fr. 22335, p. 1, 30 janvier 1496 (n. st.) : « Quinze tapiz que ungs que autres a grant poil pour servir a metre par terre lesquelx sont en une balle », et p. 2 : « Ung grant tappiz veluz pour servir de nattes par terre ».
217 De Lange, Guillaume Marcel et Philleze Protet, André Adam.
218 Erreur de transcription : « H » et non « A » (C. Loiseau de Grandmaison, « Compotus particularis pagamenti… », op. cit., p. 296).
219 N. de Reyniès, Mobilier domestique, vocabulaire…, op. cit., tome I, p. 583.
220 L’étude de la vaisselle reste cependant assez sommaire ; les prix et le poids de chaque pièce sont rarement donnés si bien qu’il n’est pas possible de comparer la valeur de la vaisselle de Louis XI à celle de Charles VIII (S. Cassagne-Brouquet, Louis XI, le mécénat…, op. cit., p. 114-117).
221 La vaisselle du duc de Bourgogne était en or par exemple.
222 N. de Reyniès, Mobilier domestique, vocabulaire…, op. cit., tome I, p. 511 et 539.
223 Ibid., p. 296-297.
224 C. Loiseau de Grandmaison, « Compotus particularis pagamenti… », op. cit., p. 294.
225 N. de Reyniès, Mobilier domestique, vocabulaire…, op. cit., tome I, p. 372-373.
226 Ibid., p. 136-137.
227 Id.
228 Ibid., p. 222.
229 La toile des matelas était en coutil (« coetilz ») de Caen (pour 3 couchettes) et en grand coutil de Caen (pour 9 grands lits), étoffe de laine tissée serrée réputée pour cet usage. Certains lits étaient recouverts de couvertures de Caen à raies (5) ou de couvertes de lit façon de Catalogne (6) : BnF, ms. fr. 22335, p. 187. Alain Becchia (dir.), La draperie en Normandie du XIIIe au XXe siècle, Rouen, 2003, 545 p.
230 Pour équiper un châlit, les draps faisaient trois laizes (« lez ») de large et deux laizes pour une couchette. La laize est la distance entre deux lisières de tissu. Compte tenu de la largeur des châlits et couchettes on peut estimer la laize à environ 1 m, ce qui voudrait dire que plus de 5 400 m2 de toile blanche furent transformées pour la seule literie.
231 BnF, ms. fr. 22335, p. 187.
232 Mélanges, Société de l’Histoire de Normandie, Rouen, 1891-1907, note 24.
233 C. Loiseau de Grandmaison, Compotus aliorum…, op. cit., p. 269.
234 BnF, ms. fr. 22335, p. 163.
235 Ibid., p. 164.
236 p. 369-372.
237 Recueil de pièces originales formé par Gaignières pour l’histoire du costume (XIVe-XVIe siècles), ancienne cote Gaignières 1029, 1 et 2.
238 FSL, Compte 1495-1496, fos 144ro et 167ro.
239 BnF, ms. fr. 20877, fo 43.
240 Id.
241 BnF, ms. fr. 22335, p. 9.
242 N. de Reyniès, Mobilier domestique, vocabulaire…, op. cit., tome I, p. 23.
243 Les chambres abritaient aussi une « chaize de satin gris broché, une autre petite chaize à fenestre couverte de vellour cramoisy, deux cheizes de drap d’or dont l’ung est frizé et l’autre raz » : BnF, ms. fr. 22335, p. 10.
244 A. Kraatz, Parures d’Or et de Pourpre…, op. cit., p. 53-57.
245 C. Vrand, Les collections d’objets…, op. cit. ; Lucie Gaugain, « Minutes de l’hôtels récolées de pièces d’ameublements de la reine Anne de Bretagne, effectuées notamment à Amboise », dans les actes du colloque tenu au château de Suscinio du 5 au 8 septembre 2007, Habiter le château au Moyen Âge, sous la direction d’Alain Salamagne et Jean Kerhervé, (sous presse).
246 BnF, ms. fr. 22335, p. 183, 1500 et 1501.
247 Nous avons comptabilisé chacune des pièces constituant les « histoires » ou les tapisseries, et exclu les carreaux et les « banchiers ». Des 548 tapisseries, 41 sont à broderie et 37 en damas satiné.
248 BnF, ms. fr. 22335, p. 171. Ce même thème se trouve au plafond de la salle du Plessis-Bourré.
249 Ibid., p. 155 et 164.
250 Françoise Piponnier évoque « l’appliqué » : « Permettant d’obtenir un décor en cousant sur un fond des pièces d’étoffes de diverses couleurs, l’“appliqué” est une technique très anciennement attestée, plus prisée selon certains auteurs dans l’Europe septentrionale germanique et scandinave » (« Du palais aux tentes de guerre… », op. cit., p. 285).
251 BnF, ms. fr. 22335, p. 190-191.
252 Ibid., p. 150.
253 Id.
254 F. Robin, La cour d’Anjou…, op. cit., p. 148.
255 BnF, ms. fr. 22335, p. 149.
256 Ibid., p. 151.
257 M. Chatenet et P.-G. Girault, Fastes de cour, op. cit., p. 86.
258 FSL, Compte 1495-1496, fo 163ro-vo : « A lui pour les victres de deux croissee de voirre ouvré a espees mises en la grant gallerie dudit corps de maison contenant 34 piez de voirre », « A lui pour une autre croisee de voirre ouvré espees et plames mises et assizees en la chambre neufve du roy contenant 34 piez », « A lui pour deux croisees de voirre ouvré a palme, espees et bordees de A contenans 48 piez de voirre mises et assiez en la grant salle dudit corps de maison ».
259 L. de Grandmaison, « Compte de la construction… », op. cit.
260 FSL, Compte 1495-1496, fos 2-4 et 281vo : « A Raymond de Dezest, conseiller du roy nostre sire et tresorier de France et commis affaire les ediffices et bastimens de son chastel d’Amboize par lectres patentes dudit seigneur, desquelles le vidimus est coppié et rendu au commencement du compte fini 493 pour ses gaiges, tauxacions et salaires quy luy esté ordonnéz par ledit seigneur […]. »
261 Id.
262 Ibid., fo 282vo : « A Alixandre Blandin, commis dessus nommé a tenir le compte et faire les payemens des deniers a luy ordonnéz par ledit seigneur pour les ediffices et bastimens de son chastel d’Amboize. Lequel le 4e jour d’avril l’an mil 497 [a.st.] a fait remonstrer a feu roy Charles dernier trepassé que Dieu absoille comme dès l’an mil 480 et douze il fut par lui commis et depputé a l’exercice de ladite commission de laquelle comission, tauxacion lui avoit esté faicte par ledit seigneur pour les annees finies mil 493, 94 et 95 ».
263 Sur les financements des chantiers par la gabelle à la fin du Moyen Âge : Étienne Hamon, « Le financement du chantier de la tour nord de la cathédrale de Bourges au début du XVIe siècle », dans Du projet au chantier : maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre aux XIVe-XVIe siècles, Odette Chapelot (dir.), Paris, 2007, p. 117-139 et p. 128-131.
264 Denis Cailleaux, La cathédrale en chantier. La construction du transept de Saint-Etienne de Sens d’après les comptes de la fabrique, 1490-1517, Paris, 1999, p. 191-205.
265 Monique Chatenet, « Le coût des travaux dans les résidences royales d’Ile-de-France entre 1528 et 1550 », dans les actes des colloques tenus à Tours en 1983-1984, Les chantiers de la Renaissance, Jean Guillaume (dir.), Paris, 1991, p. 115-129 et plus particulièrement p. 118-119.
266 FSL, Compte 1495-1496, fo 229ro.
267 Didier Boisseuil, « Le pont sur la Loire à la fin du Moyen Âge », Recherches sur Tours, tome VI, Tours, 1992, p. 83.
268 Id.
269 FSL, Compte 1495-1496, fo 147ro.
270 D. Cailleaux, La cathédrale en chantier…, op. cit., p. 254.
271 Ibid., p. 258.
272 FSL, Compte 1495-1496, fo 226vo.
273 Ibid., fo 263ro.
274 BnF, ms. fr. 22335, p. 189, 20 décembre 1500.
275 Louis Francis Salzmann, Building in England down to 1540. A Documentary History, Oxford University Press, 1992, 637 p.
276 ACA, CC 96, fo 18vo, 2 décembre 1473.
277 FSL, Compte 1495-1496, fo 158vo.
278 Ibid., fo 89vo.
279 Ibid., fo 151vo.
280 Ibid., fo 90vo.
281 Ibid., fos 126vo-127ro.
282 Ibid., fo 208ro.
283 Dictionnaire universel théorique et pratique du commerce et de la navigation, Paris, 1860, tome II, p. 1187.
284 FSL, Compte 1495-1496, fo 89ro.
285 Ibid., fo 153vo.
286 Nous n’avons jamais observé de trou de louve, mais il faudrait pour cela pouvoir examiner toutes les faces des blocs, ce qui reste impossible sur un édifice en élévation.
287 FSL, Compte 1495-1496, fo 90vo.
288 Ibid., fo 273ro.
289 Ibid., fo 90vo.
290 Jean de Vigan, Dicobat, Ris-Orangis, 1996, p. 573.
291 ACA, CC 96, fo 18vo, 2 décembre 1473 et CC 104, fo 45vo, janvier 1483 (n. st.).
292 FSL, Compte 1495-1496, fo 254vo. La nature géologique des sols indique deux types de tuffeau à Lussault : du tuffeau blanc en bord de Loire et du tuffeau jaune sur les hauteurs. La pierre dure est parfois dite de Lussault ; dans ce cas, il pourrait s’agir du tuffeau jaune. La « perrière du roy » qui se trouve à Lussault pourrait quant à elle être une carrière de tuffeau blanc. Cependant, les appellations ne sont pas assez systématiques pour cerner avec certitude les différences entre ces deux pierres.
293 FSL, Compte 1495-1496, fo 68ro-vo.
294 Ibid., fo 199ro.
295 Ibid., fo 134ro.
296 Ibid., fos 37ro et 131ro.
297 Daniel Prigent, « La pierre de construction et sa mise en œuvre : l’exemple de l’Anjou » dans Utilis et lapis in structura. Mélanges offerts en Hommage à Léon Pressouyre, Paris, 2001, p. 461-474.
298 FSL, Compte 1495-1496, fo 67vo.
299 Carte géologique du BRGM : http://www.geoportail.fr/visu2D.do?ter=metropole
300 D. Prigent, « La Loire et les matériaux… », op. cit., p. 236.
301 Id.
302 Au cours de l’année, 21 petites marches de 165 cm de long, 13 grandes marches de 231 cm de long, 76 autres petites marches, 1 pilier de 230 cm de long, 2 grands piliers, 22 corbeaux, 1 grande pierre pour la fontaine, 18 pierres de 1 m à 1,3 m de long et 200 m de pavé sont taillés en pierre de La Ronde.
303 La pierre de Saint-Aignan est également employée au chantier de Chateaudun en 1512. M. Chatenet, Le château de Chateaudun (1450-1520), mémoire de maîtrise, Jean Guillaume (dir.), CESR, 1970, tome II, P.J. XLV.
304 Au cours de l’année, 2 piliers, 2 grands piliers, 9 petites marches et 1 toise de pavé large sont taillés en pierre de Saint-Aignan par exemple.
305 André Mussat, « Le rapport de l’Académie royale d’Architecture sur la provenance et la qualité des pierres employées dans les anciens édifices de Paris et de ses environs demandé en 1678 par Colbert surintendant des Bâtiments », Revue générale d’Architecture et des Travaux publics, vol. 10, 1852, p. 194-344.
306 P. Charbonnier et A. Poitrineau, Les anciennes mesures…, op. cit., Clermont-Ferrand, 2001, p. 105.
307 Quelques grosses gabarres transportaient jusqu’à 60 tonnes en Anjou au Bas Moyen Âge et au XVIe siècle, mais elles étaient assez rares.
308 André Mussat, « La rivière et la carrière : l’exemple des Pays de la Loire » dans les Actes des colloques tenus à Tours en 1983-1984, Les chantiers de la Renaissance, Jean Guillaume (dir.), Paris, 1991, p. 11-26.
309 Joseph de Croÿ, Nouveaux documents pour l’histoire de la création des résidences royales des bords de Loire par Joseph de Croÿ,… Amboise, Blois, Chambord, jardins du château de Blois, parc de Chambord, 1894, Paris, p. 8-25 et pièce justificative p. 189-190. BnF, ms. fr. 26108, fo 417, 14 janvier 1503 (n. st.).
310 FSL, Compte 1495-1496, fos 55ro, 66ro et 245ro.
311 FSL, Compte 1495-1496, fo 125ro.
312 J.-Y. Hunot, E. Litoux et D. Prigent, « Un chantier de construction du XVe siècle : le château de Montsoreau (Maine-et-Loire) », dans les Actes du colloque de Château-Thierry tenu du 18 au 21 octobre 2005, Pierre du patrimoine européen, François Blary, Jean-Pierre Gély et Jacqueline Lorenz (dir.), Paris, 2008, p. 195-206.
313 Cunault (rive gauche de la Loire, 15 km de Saumur), comme tous les villages qui s’étendaient depuis Montsoreaujusqu’aux Rosiers-sur-Loire, vivait de l’exploitation des carrières de tuffeau. La pierre y était d’une qualité rare et jusqu’au XIXe siècle plus de 80 % de la population étaient carriers de père en fils.
314 Viviane Manase, « Histoire des ports en Anjou », La revue des Pays de la Loire, 303, Arts, Recherches et Créations, no XLIX, 2e trimestre 1996, p. 29-35.
315 D. Prigent, communication personnelle.
316 FSL, Compte 1495-1496, fo 278vo-279ro.
317 Ibid., fos 62ro et 251ro-vo.
318 Ibid., fo 66ro.
319 Alain Salamagne, Construire au Moyen Âge, les chantiers de fortification de Douai, Lille, 2001, p. 30, 70 et 164.
320 FSL, Compte 1495-1496, fo 73vo.
321 La surface des 4 murs de la grande salle atteint approximativement 350 m2.
322 Avec l’épaisseur des joints d’un parement (2 cm en moyenne) on atteint bien 1 m2 de maçonnerie.
323 P. Charbonnier et A. Poitrineau, Les anciennes mesures locales…, op. cit., p. 105.
324 J.-Y. Hunot, E. Litoux et D. Prigent, Un chantier de construction du XVe siècle…, op. cit., p. 195-206.
325 Sur la chaux vive : Stéphane Büttner, Arnaud Coutelas, Christine Oberlin, Bénédicte Palazzo-Bertholon, Daniel Prigent et Franck Suméra, Arnaud Coutelas (dir.), Le mortier de chaux, Paris, 2009, p. 58-60.
326 C’est très souvent le cas car une fois la chaux éteinte sa durée d’utilisation est assez courte. Si l’on ne prend pas le soin de la garder à l’abri de l’air elle se solidifie en 24 à 48 heures.
327 J.-Y. Hunot, E. Litoux et D. Prigent, Un chantier de construction du XVe siècle…, op. cit., p. 195-206.
328 À propos du transport de l’agrégat du mortier se reporter à : S. Büttner, A. Coutelas, C. Oberlin, B. Palazzo-Bertholon, D. Prigent et F. Suméra, Le mortier de chaux, op. cit., p. 65-70.
329 FSL, Compte 1495-1496, fo 253vo.
330 Ibid., fo 278ro-vo.
331 Ibid., fo 202ro.
332 Ibid., fo 205vo.
333 Ibid., fo 229ro.
334 Ibid., fo 78ro.
335 FSL, Compte 1495-1496, fo 85vo.
336 Ibid., fo 224vo.
337 Ibid., fo 147ro.
338 Id.
339 Id.
340 Gilles Blieck, « Le bois et sa mise en œuvre d’après les sources comptables. L’exemple du château dit de Courtrai à Lille de 1390 à 1500 », dans les Actes du colloque de Lons-le-Saunier tenu du 23 au 25 octobre 1997, Le bois dans le château de pierre au Moyen Âge, Jean Michel Poisson et Jean-Jacques Schwien (dir.), Besançon, 2003, p. 71.
341 J.-Y. Hunot, E. Litoux et D. Prigent, Un chantier de construction du XVe siècle…, op. cit., p. 195-206.
342 Ibid., p. 203.
343 FSL, Compte 1495-1496, fo 140ro : « Pour avoir couvert au temps dessusdit une gallerie ou montee pour monter a cheval du pié de l’ormau estant devant l’eglise sainct Florentin dudit lieux au grant corps de maison nouvellement fait audit chastel avecques le pavillon estant au bout de la montee et fournir d’ardoise fine, lathe, chanlate, clou grant et petit et autres choses necessaires a ladite construction conpreins en ce la couverture d’une gallerie estant au bout dudit corps de maison du costé devers le danjon dudit chastel et autres choses que lesdits couvreulx ont fourny et fait en oultre et par-dessus leur marché de la couverture et gallerie dudit grant corps de maison ».
344 Id.
345 Id.
346 Philippe Bernardi, Andréas Hartmann-Virnich, Nicolas Reveyron et Jean Tardieu, L’échafaudage dans le chantier médiéval, Lyon, 1996, 142 p.
347 FSL, Compte 1495-1496, fos 280vo-281ro.
348 P. Bernardi, A. Hartmann-Virnich, N. Reveyron et J. Tardieu, L’échafaudage dans le chantier…, op. cit., p. 23-29.
349 FSL, Compte 1495-1496, fo 97ro.
350 Roland Bechmann, Les racines des cathédrales, Paris, 1981, p. 252.
351 FSL, Compte 1495-1496, fo 90vo.
352 Ibid., fo 277vo.
353 É. Hamon, Un chantier flamboyant…, op. cit., p. 214.
354 D. Cailleaux, La cathédrale en chantier…, op. cit., p. 354.
355 FSL, Compte 1495-1496, fo 97ro.
356 D. Cailleaux, La cathédrale en chantier…, op. cit., p. 359.
357 Avec une densité de 7,3, on peut estimer que chaque barre de fer représente 4 900 cm3.
358 Ibid., fos 152vo-153ro.
359 Alain Erlande-Brandenburg, « La pierre armée aux XIIe et XIIIe siècles », dans les Actes du colloque de Noyon tenu les 16 et 17 novembre 2006, L’homme et la matière : l’emploi du plomb et du fer dans l’architecture gothique, Arnaud Timbert (dir.), Paris, 2009, p. 121.
360 D. Cailleaux, La cathédrale en chantier…, op. cit., p. 383 et É. Hamon, Un chantier flamboyant…, op. cit., p. 223.
361 D. Boisseuil, « Le pont sur la Loire… », op. cit., p. 83-84.
362 FSL, Compte 1495-1496, fo 270ro.
363 Un bédane ou un bec d’âne est» en menuiserie, un ciseau d’acier pour évider les embrèvements et mortaises ; sa section est légèrement biseauté en trapèze » (J. de Vigan, Dicobat, op. cit., p. 129).
364 FSL, Compte 1495-1496, fo 208vo.
365 Arnaud Timbert (dir.), Actes du colloque tenu à Noyon les 16-17 novembre 2006, L’homme et la matière : l’emploi du plomb et du fer dans l’architecture gothique, Paris, 2009, 231 p.
366 Avec une densité de 11,3, ces 42 200 kg correspondent à environ 3 734,5 litres de plomb.
367 FSL, Compte 1495-1496, fo 281ro.
368 Ibid., fo 207ro.
369 La densité du plomb est de 11,3.
370 Paul Benoit, « Fer et plomb dans la construction des cathédrales gothiques », dans L’homme et la matière…, op. cit., p. 55.
371 Annick Texier, Jannie Mayer, « La polychromie des plombs de couverture du XIIIe au XVIe siècle », dans L’homme et la matière…, op. cit., p. 207-214.
372 FSL, Compte 1495-1496, fo 142ro-vo.
373 Ibid., fo 262vo.
374 A. Timbert, L’homme et la matière…, op. cit., p. 21, pl. XXIV.
375 P. Benoit, « Fer et plomb dans la construction… », op. cit., p. 58.
376 FSL, Compte 1495-1496, fo 95ro.
377 Id.
378 Id.
379 Id.
380 Ibid., fos 146vo, 151vo et 168ro.
381 Ibid., fo 89ro.
382 Jean-Élie Bertrand, Descriptions des arts et métiers faites ou approuvées par messieurs de l’académie royale des sciences de Paris. Avec figures en taille-douce. Nouvelle édition, publiée avec observations, et augmentée de tout ce qui a été écrit de mieux sur ces matières, en Allemagne, en Angleterre, en Suisse, en Italie, Tome 13 contenant l’art de la peinture sur verre et de la victrerie ; et l’art du plombier et fontainier, Neufchatel, 1781, tome 13, p. 621.
383 FSL, Compte 1495-1496, fos 141vo-142ro.
384 Ibid., fo 141vo.
385 Id.
386 Ibid., fo 120vo.
387 Ibid., fo 224ro.
388 Ibid., fo 32vo.
389 Voir le cas de Colas Habert (Ibid., fos 99ro et 229vo).
390 Ibid., fo 159ro.
391 Ibid., fo 138vo.
392 La mesure semble linéaire, comme pour le quartier ; il n’est jamais question de toise carrée. Cependant, rien n’est certain car pour tailler une toise de pavé, les tailleurs sont rémunérés cinq fois plus que pour tailler cent pierres de voûtains.
393 FSL, Compte 1495-1496, fos 69ro-70ro.
394 Sur l’extraction du tuffeau : Daniel Prigent, « Exploitation et commercialisation du tuffeau blanc (XVe-XIXe siècle) », Annales de Bretagne et des Pays de l’ouest (Anjou, Maine, Touraine) : mines, carrières et sociétés dans l’histoire de l’ouest de la France, Jean-Luc Marais (dir.), tome 104, 1997, no 3, p. 67-80 et plus particulièrement p. 70. Daniel Prigent, « L’exploitation du tuffeau en Maine-et-Loire », Dossiers histoire et archéologie, 1986, no 106, p. 85-88. Et Daniel Prigent, « Les techniques d’exploitation du tuffeau en Anjou » dans Pierre et métal dans le bâtiment au Moyen Âge, Odette Chapelot et Pierre Benoit (dir.), Paris, 1985, p. 255-270.
395 La carrière de Bourré ne livre que 305 quartiers au cours du 2e rôle contre 2 487 au cours du 3e rôle et 2 850 « pierres pendans » contre 19 940.
396 FSL, Compte 1495-1496, fo 168ro.
397 Ibid., fo 85vo.
398 Ibid., fo 80ro.
399 Id.
400 Marie-Françoise Poiret, Le monastère de Brou : le chef-d’œuvre d’une fille d’empereur, Paris, 1994, 126 p.
401 Com. Pers. Alain Salamagne et Daniel Prigent.
402 É. Hamon, Un chantier flamboyant…, op. cit., p. 264.
403 D. Cailleaux, La cathédrale en chantier…, op. cit., p. 240.
404 FSL, Compte 1495-1496, fo 84vo.
405 É. Hamon, Un chantier flamboyant…, op. cit., p. 264-266.
406 Ibid., p. 302.
407 Monique Chatenet, Chambord, Paris, 2013, p. 232.
408 FSL, Compte 1495-1496, fo 74ro.
409 Ibid., fo 78ro.
410 Ibid., fo 140ro.
411 Ibid., fos 89vo-90ro et 219ro.
412 FSL, Compte 1495-1496, fo 152ro.
413 Id.
414 Id.
415 Ibid., fo 152vo.
416 Ibid., fo 153ro.
417 FSL, Compte 1495-1496, fo 221ro.
418 Ibid., fo 159ro : « A Jean Nesson, pour le nombre de vingt huit sarreures comme par lui attachees au temps dessus dit au lieu de Tours ou il a esté envoyé hastivement parce que on en pouvoit finer au lieu dudit Amboise et en avoit on a faire hastivement pour la venue du roy qui y est venu au moys de fevrier l’an de ce roolle ».
419 Ibid., fo 149vo.
420 Ibid., fo 270vo.
421 Ibid., fo 86ro.
422 Ibid., fo 148ro.
423 Id., et fo 269ro.
424 Ibid., fo 148ro-vo.
425 Ibid., fo 86ro.
426 Ibid., fo 215ro.
427 Ibid., fos 208vo-214ro : Anthoine Bryant « maistre paintre », Balthazar Furet « aussi maistre paintre », Jean Famiert, peintre, Francoys Briant, Jean Bryant, Jean Enerard, Guillaume Urban, Pasquier Delariviere, Bertrand Girauldet, Leonnet Benoist, Prothays De Portenille, peintres, Marie Coudrau et Daulphine sa fille, « paintresses ».
428 Ibid., fo 210ro.
429 Id.
430 FSL, Compte 1495-1496, fos 195, 164ro et 554.
431 On notera que le nom de ce charretier a systématiquement été découpé dans le registre de compte.
432 Martin Palu, Pierre Charruau, Mathurin Dumyn, Michaud D’Espaigne, Pierre Poupineau, Colas Lepaige, Pierre Davy et Pierre Fontenelle.
433 FSL, Compte 1495-1496, fo 224ro.
434 Colette Beaune, « Comment vit et meurt un enfant royal ? » dans Anne de Bretagne, une Histoire, un mythe, Paris, 2007, p. 51.
435 On observe toutefois au logis dit de Louis XI deux galeries superposées. Mais on comprend là, par leur très faible emprise au sol, que l’on a fermé et chauffé les portiques pour isoler les chambres des souverains de la cour du donjon.
436 Martin Chambiges travaille en août et septembre 1473 aux réparations des piliers des ponts de Loire, sous la direction d’André Lorès, maître-maçon. ACA, CC 96, fos 12 et 15. Fo 13vo : « A André Lores, Laurent Maillart, Jean Hameau, Martin Chambiges et Denis Chainguy, maçons, la somme de six livres tournois. C’est assavoir audit Lores maistre maçon la somme de 30 s. t. qui pour six jours au pris de 5 s. t. par jour ; audit Laurens Maillart, Jean Hameau et Martin Chambiges, a chacun d’eulx, 25 s. t. pour chacun six journées au pris de 2 s. 6 d. par jour qu’ilz ont besongné en sepmaine commencent le lundi XXIIIe jour d’aoust dernier passé a reparer et habiller aucuns des pilliers des ponts de pierre de la vieille Loire pour la grant neccessité qu’ilz en avoient, comme appert par mandement et quictance daté du premier jour de septembre mil IIIC LXXIII cy rendu, pour ce cy ladicte somme de 6 ℓ. t. ». Sur Martin Chambiges, consulter : Florian Meunier, Martin Chambiges (vers 1460-1532), l’architecte : luxe des cathédrales flamboyantes, thèse de l’École des chartes, 1999, 2 vol.
437 Étienne Hamon, Une capitale flamboyante. La création monumentale à Paris autour de 1500, Paris, 2011, 320 p., et en particulier p. 203-205.
438 ADEL, E 2744 publié par Lucien Merlet en 1886 [Registre et minutes des notaires du comté de Dunois (1369-1676), Chartres, 1886, p. 31-32].
439 Lucie Gaugain, « Le chantier royal du château d’Amboise : un passage obligé pour les architectes français de la fin du XVe siècle ? Simon Duval, Martin Chambiges, Colin Biart et les autres », Revue de l’Art, no 183, 2014-1, p. 29-36.
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