Chapitre 2. Appartenance et exclusion du Corpus Ecclesiae
p. 183-199
Texte intégral
AD SIMILITUDINEM DEI (?)
1Dans l’Ancien Testament, l’harmonie qui caractérise l’apparence du monde sensible s’explique par l’ordre que Dieu a établi lors de la création : tel un architecte, il a composé et disposé chaque élément de l’univers « avec mesure, nombre et poids1 ». Ainsi, pour paraphraser le Livre d’Isaïe (40, 122), Dieu a mesuré de sa main l’eau de la mer, évalué les dimensions du ciel, jaugé la poussière de la terre et pesé les montagnes3. Toutefois, aucune indication de mesure n’est donnée à propos de la création des êtres humains. Dans la Genèse, on lit seulement qu’ils ont été créés à partir d’une matière préexistante qui est informe – à partir de la poussière prise du sol pour Adam (Genèse 1, 7) et à partir de la côte d’Adam endormi pour Ève (Genèse 3, 21). L’apparence que Dieu a donnée aux hommes est pourtant loin d’être anodine : toujours selon la Genèse (1, 26), ils ont été créés « à l’image comme à la ressemblance de Dieu » (ad imaginem et similitudinem Dei4).
2Le même passage de la Septante introduit deux termes distincts pour décrire l’apparence donnée aux hommes lors de la création : imago est évoqué par eikon et similitudo par homoisis. Comme Christian Heck5 le souligne, aussi ténue soit elle, cette distinction terminologique est importante, puisqu’elle sert de fondement aux commentaires patristiques repris et développés par la pensée médiévale. D’une part, « eikon/imago/image » induit une relation en miroir entre Dieu et les hommes. D’autre part, « homoisis/similitudo/ressemblance » induit l’idée que le reflet est légèrement déformé : les hommes sont seulement « à l’image de Dieu » et non « des images de Dieu ».
3Les textes le soulignent à l’envi : la seule image de Dieu, l’unique ressemblance parfaite, est Jésus-Christ, c’est-à-dire le Verbe incarné6. Au commencement, Adam et Ève ne sont donc pas égaux à Dieu, mais ils sont « à sa ressemblance », c’est-à-dire au plus près de sa perfection. Ce temps de concorde entre Dieu et les hommes est de courte durée : en goûtant le fruit défendu, Adam et Ève rompent l’harmonie originelle. Les conséquences de leur désobéissance sont immédiates : ils sont chassés du jardin d’Éden, condamnés à souffrir et à mourir. Autrement dit, déjà images imparfaites de Dieu, à cause du péché originel, Adam et Ève perdent totalement la ressemblance. L’humanité est alors plongée dans une « région de dissemblance » (Regio dissimilitudinis). C’est le temps de la disharmonie, qui se caractérise par le péché et par l’errance des âmes. L’expression Regio dissimilitudinis ne se trouve pas ad litteram dans la Bible mais dans l’exégèse néotestamentaire7. Elle est utilisée principalement pour désigner la région de perdition d’où revient le fils prodigue de la parabole racontée dans l’Évangile de Luc (15, 11-32). Pour le Fils Prodigue, comme pour Adam et Ève, la dissemblance est donc négativement connotée : plus on s’éloigne de Dieu, plus on déforme son image, plus on s’éloigne de l’harmonie originelle. Au contraire, si on imite le Christ, la plus parfaite des ressemblances, alors on se rapproche de Dieu et de l’harmonie originelle. L’idéal chrétien tend par conséquent à ce qu’il n’y ait plus que du semblable8 : celui qui est dissemblable des autres membres du Corpus Ecclesiae ne peut lui appartenir, il en est exclu (ex-communicare). Ainsi, le deutéronome (23, 1) est extrêmement clair à propos de la nécessaire intégrité des corps : « L’homme aux testicules écrasés, ou à la verge coupée, ne sera pas admis à l’assemblée de Yahvé [ecclesiam Domini]. »
4La pensée visuelle a établi la même corrélation que la pensée religieuse entre l’apparence des corps et l’état de l’âme : exception faite du corps souffrant du Christ ou des martyres9, un corps déformé reflète la corruption de l’âme, alors qu’un corps harmonieux reflète sa pureté. Le beau et le laid, l’harmonieux et le disharmonieux, ne se comprennent donc qu’en rapport avec les notions de bien et de mal10 : « Le cœur de l’homme lui change le visage soit en bien, soit en mal », signale l’Écclesiastique (13, 25). Dans le Nouveau Testament, cette correspondance entre l’apparence du corps et l’état de l’âme est particulièrement utilisée à propos de la Résurrection des corps : contrairement aux corps glorieux et éclatants des justes, qui seront ressuscités à l’image du Christ, les corps des impénitents seront laids et difformes11. Comme Anne-Sophie Molinié le souligne, les images de résurrection expriment également cette corrélation entre la déformation des corps et le péché « en présentant aux spectateurs des corps misérables soumis au péché, réceptacles du mal, et des corps saints, reflets de l’humanité divine. […] Toute la laideur intérieure due au péché est ainsi traduite dans l’enveloppe charnelle de ces êtres suppliciés. Ils deviennent monstrueux12. » L’iconographie religieuse fournit d’autres exemples de personnages dont l’apparence trahit la corruption de l’âme. On pense aux vieillards dans le thème de Suzanne au bain et aux hommes « rivalisant de laideur13 » qui escortent le Christ dans les Portement de croix de Jérôme Bosch ou de Lotto respectivement conservés à Gand et au Louvre14.
5Dans les lignes qui suivent, nous proposons d’analyser l’apparence des personnages dans les Crucifixions et dans les Lamentations à la lumière de cette corrélation scripturaire et théologique entre le rapport ressemblance/dissemblance et le rapport proximité/éloignement dans l’ordre du spirituel.
ENTRE RESSEMBLANCE ET DISSEMBLANCE : LES DISCIPLES ET LES ENNEMIS DU CHRIST
6Dans son ouvrage sur l’image du corps dans la peinture toscane15, Véronique Dalmasso prouve que le mauvais larron agit comme une « contre-figure16 » du Christ : les gestes désordonnés, le corps agité et le visage déformé ont pour fonction de choquer le regard et de détourner l’identification spéculaire du spectateur. À l’inverse, même si elle est imparfaite, la ressemblance du bon larron avec le Christ est une invite au mimétisme. Les images laissent en effet apparaître un type du larron impénitent qui correspond à la description des criminels et des « vilains » dans la littérature du XIVE siècle : à la différence du Christ, qui se caractérise par une certaine clarté de la peau et des cheveux, le mauvais larron présente une carnation, une chevelure et une pilosité plutôt sombres. De même, alors que l’attitude du Christ est calme et qu’il présente une expression faciale de sérénité, le mauvais larron s’agite sur sa croix et grimace. Les nombreuses analyses de Véronique Dalmasso sont parfaitement convaincantes. Qu’il nous soit donc permis de nous inscrire dans le prolongement de sa réflexion, mais en élargissant l’observation aux personnages qui sont réunis au pied de la croix. Nous pourrions multiplier les exemples, mais nous n’en prendrons qu’un seul qui présente le double avantage de n’être pas utilisé par Véronique Dalmasso et de n’avoir jamais fait l’objet d’une analyse iconographique approfondie17 : la Crucifixion attribuée au Maître de la Croix des Piani d’Invrea conservée au Musée des Beaux-Arts de Tours (ca. 1330, pl. XXIV, fig. 30).
7Comme le veut la tradition, le Christ crucifié se trouve sur l’axe vertical médian, entouré par les deux larrons légèrement en retrait. Dans les deux tiers inférieurs de l’image, de nombreux personnages se pressent aux pieds des trois croix. La composition établit une distinction nette entre deux groupes qui se répartissent de part et d’autre du Christ. Au vu de l’identité des personnages, l’un doit se comprendre comme le groupe des disciples et, l’autre, comme le groupe des ennemis. Les yeux de ces derniers, beaucoup plus nombreux, ont d’ailleurs été grattés par un spectateur, mais on ignore exactement à quelle époque. En tout cas, ils s’entassent dans la partie droite de l’image, en contrebas de la croix du mauvais larron. Autrement dit, les amis se trouvent à la droite du Christ et les ennemis à sa gauche, ce qui est loin d’être anodin : il s’agit de l’emplacement le moins valorisé dans les Écritures18.
8La portée eschatologique de cette organisation bipartite semble ne faire aucun doute lorsqu’on observe l’apparence des personnages. En effet, exactement comme les élus dans les images du Jugement dernier, les disciples présentent des points communs avec le Christ, alors que ce n’est pas le cas des ennemis. Le contraste est particulièrement frappant si, comme Véronique Dalmasso le fait pour bien d’autres exemples, on compare les deux larrons. D’abord, comme le Christ, le bon larron est mort et arbore un visage serein, alors que le mauvais est encore vivant et que son visage exprime l’effroi à cause de la bouche entrouverte et des sourcils froncés. Ensuite, le visage du bon larron emprunte quelques traits au Christ : même menton pointu, même nez fin et droit qui s’oppose au nez épaté du mauvais. Enfin, comme le Christ, le bon larron a une barbe et des cheveux blonds, alors que le mauvais a une barbe et des cheveux noirs. De la sorte, la blondeur commune du Christ et du larron repenti est renforcée par contraste avec les cheveux bruns du mauvais larron. D’un côté, la clarté (ou la luminosité) de la chevelure – comparable au fond d’or – paraît refléter la pureté de l’âme, tandis que, de l’autre, l’aspect terne de la chevelure trahit les sombres pensées du mauvais larron. Cette opposition s’étend aux autres personnages. Du côté des disciples, la Vierge Marie, Madeleine et Jean sont blonds : ils retrouvent un peu d’harmonie avec le divin et sont offerts en exemple au spectateur grâce à leur comportement irréprochable (Vierge Marie), à leur pénitence (Madeleine) ou à leur fidélité (Jean). À l’inverse, du côté des ennemis, ceux qui continuent de commettre des péchés sont aussi bruns que le mauvais larron.
9Seul le cavalier avec la monture blanche fait exception : alors qu’il se trouve du côté des ennemis, il porte une barbe et des cheveux assez clairs pour être comparés à la blondeur de Jésus et de ses disciples. L’identité de ce personnage est toutefois loin de contredire l’hypothèse de la concordance entre l’apparence des personnages et leur appartenance – ou non – au Corpus Ecclesiae. Ce cavalier correspond en effet au Centurion qui, selon les Évangiles synoptiques, se convertit après que le Christ a expiré sur sa croix19. Il présente par conséquent une certaine dualité entre son ancien statut de bourreau du Christ et son nouveau statut de pénitent : il est en quelque sorte une figure liminaire entre le bien et le mal. Le représenter uniquement comme un ennemi du Christ est donc certainement impensable dans l’Italie du deuxième quart du XIVe siècle. C’est pourquoi, du moins c’est l’hypothèse que nous défendons, il se trouve du côté des ennemis tout en partageant une certaine conformité avec le Christ par la chevelure. L’apparence des personnages dans les Lamentations fonctionne exactement comme dans les Crucifixions. D’un côté, une blondeur commune caractérise souvent les disciples du Christ – c’est-à-dire les membres du Corpus Ecclesiae –, alors que, de l’autre, l’aspect disharmonieux des corps se renforce par contraste avec l’apparence du Christ qui sert de modèle : les cheveux et la carnation des ennemis sont plus ternes, les corps sont plus agités et les expressions faciales sont plus marquées. Dans certains cas, les bourreaux sont même animalisés. Il en va ainsi dans le panneau de Rosso Fiorentino conservé à Sansepolcro.
L’ANIMALITÉ DU BOURREAU : LE PANNEAU DE ROSSO FIORENTINO À SANSEPOLCRO
10On connaît bien le contexte de la commande du panneau de Rosso Fiorentino conservé dans l’église San Lorenzo à Sansepolcro20 (pl. XXIV, fig. 31). D’après les contrats notariés, la commande émane de la confrérie de la Sainte Croix, la plus ancienne de la ville21. Selon David Franklin, la fondation de cette confrérie n’est pas documentée, mais elle est mentionnée dans les archives dès 1339. Ses statuts sont modifiés une première fois en 1364 et une seconde fois en 1521. Il semble donc que la réalisation du panneau de Rosso Fiorentino résulte de cette seconde réforme interne. Le 20 février 1523, suite à la modification de ses statuts, la confrérie signe en effet un contrat pour la rénovation de l’intérieur du chœur de l’église San Lorenzo, ainsi que pour le cadre du nouveau retable qui ornera l’autel majeur. En 1525, la confrérie reçoit de la commune la permission de construire une nouvelle chapelle destinée à servir d’écrin au crucifix qui se trouvait sur l’autel avant la rénovation. Or, dans ce document, que publie David Franklin22, le sujet du retable qui remplacera le crucifix est déjà défini :
Atteso i Magnifici Conservatori et Vexilliferi la petitione a loro facta per el priore et homini dela compagnia de Santi Croci menbro dela nostra communità che in la ghiesa di decta compagnia hanno facto al altare magiore uno ornamento dorato assai bellissimo nel quale entro a essere una taula con la depositione di croci del nostro Signore quale è data a fare, et havendosi a movere el crucifisso el quale insino al presente è stato al decto altare per manternerlo per lo advenire et acresere la devotione antica di essa chiesa.23
11La confrérie définit donc le sujet du retable bien avant de passer commande à Rosso Fiorentino. Le contrat qui unit le peintre et les commanditaires – également publié par David Franklin – est signé trois ans plus tard, le 23 septembre 1527. Les termes sont clairs. La confrérie attend de Rosso Fiorentino une Descente de croix, peut-être sur le modèle de celle qu’il réalise pour Volterra en 1521 : In qua quidem tabula et pictura pingere debeat honorifice Corpus sive immago Domini nostri videlicet deposto de croce, cum aliis figuris et imaginibus que veniunt et interveniunt in mistero ac depositione predicta et toto misterio esse debeat cum finis coloribus et aliis ornamentis condecentibus24. Pourtant, comme le signale David Franklin « Rosso transposed the Deposition aspect of the theme to a later moment25 ». L’historien d’art situe ce « moment » après la Descente de croix et avant la Mise au tombeau26, ce qui est difficilement contestable bien que l’image ressortisse à une ambivalence comparable à celle que nous avons relevée dans la Pala Caponi de Pontormo27. D’un côté, le corps du Christ n’est pas franchement déplacé, ce qui correspond au thème de la Lamentation. De l’autre, l’attitude de Jean induit une ambivalence : comme il tient le Christ sous les aisselles, on est en droit de penser qu’il est en train de soulever le corps ou, au contraire, de le déposer. Il apparaît donc impossible de savoir si la Lamentation vient de commencer ou est en train de s’achever. Concernant la Pala Capponi, nous avons conclu que le sujet est volontairement indéterminé afin de condenser plusieurs étapes de l’histoire du Salut et de correspondre, par extension, à différentes étapes du rituel eucharistique. Nous réitérons l’hypothèse pour le panneau de Rosso Fiorentino, d’autant que la confrérie de la Sainte Croix ne participe annuellement qu’à deux fêtes – la Vraie Croix et la Fête-Dieu.
12Quoi qu’il en soit du sujet du panneau, pour lequel nous garderons un titre générique, ce sont les personnages réunis autour du corps inerte du Christ qui nous intéressent. Les disciples sont groupés dans les deux tiers inférieurs de l’image. Parmi eux, Madeleine se reconnaît à sa position aux pieds du Christ et Joseph ainsi que Nicodème à leur âge avancé. La Vierge Marie, exceptionnellement vêtue d’un manteau vert en référence aux couleurs de la confrérie28, s’évanouit les bras écartés en croix. Clairement identifiables ou non29, tous les personnages qui sont groupés autour de celle qui est donnée à voir comme la co-Rédemptrice de l’humanité présentent les critères de beauté et d’harmonie définis plus haut : même si certains présentent des signes de vieillesse, aucun corps ni aucun visage n’est déformé par des rictus de douleur ou de souffrance. À l’inverse, dans le tiers supérieur de l’image, deux hommes présentent des postures plus agitées. L’un est vraisemblablement en train de descendre de l’échelle et le tissu qui lui ceint les reins s’envole en formant une grande courbe en forte rupture avec le format. L’autre, dans le coin supérieur droit, pointe son index en direction de la Vierge : son bras tendu rend sa posture très dynamique. Surtout, à droite du pied de la croix, juste au-dessus de la Vierge, on distingue une figure proprement inhumaine (fig. 53). L’étrange visage tient à la fois du singe, du chien, du lion et de l’homme. En effet, les dents sorties et la forme de la bouche font moins penser à un homme qu’à un animal menaçant. De plus, le nez est petit et retroussé, comme celui d’un singe. De même, les globes oculaires proéminents, les yeux révulsés enfoncés dans leurs orbites, surmontées de paupières saillantes et les sourcils froncés, augmentent l’animalisation du personnage. Pourtant, il est bien humain : on reconnaît des oreilles d’homme et, surtout, une main qui tient un bâton, dont il est impossible de déterminer s’il s’agit d’une arme. Ce personnage frappant est un « hommeanimal30 ».
13Comme le souligne Roberto Paolo Ciardi31, la figure dépeinte par Rosso Fiorentino correspond parfaitement au type de la figure maléfique décrite dans les traités de physiognomonie qui se développent au XVIe siècle. Par exemple, à propos des yeux, citons Pomponio Gaurico, qui est le premier à appliquer les principes de la physiognomonie pour la théorie de l’art dans le chapitre De physiognomonia de son De sculptura publié en 1504 :
Occuli magni, mobiles lucidique qui toruum contueantur, simul et supercilia porrigantur, agrestioris, crudi rapaciorisque animi hominem indicabunt, Tales enim sunt aprorum lumporumque. […] Prominentes oculi quei sese extra mittant, quibusque in circuli speciem tumor circumducitur, aut contra, quos ueluti castrorum fossa circundederit, dolosum, stolidum, hominem ineptissimum significabunt.32
14La physiognomonie prend ses racines dans l’Antiquité, en particulier dans certains écrits d’Aristote comme l’Histoire des animaux. Le philosophe est en effet le premier à interpréter les traits du visage par comparaison avec ceux des animaux : il considère que les ressemblances qui existent entre certaines morphologies humaines et animales révèlent chez les hommes des particularités psychologiques ou morales liées aux animaux auxquels ils s’apparentent. Or, comme Laurent Baridon et Martial Guédron le soulignent, au Moyen Âge, avec la traduction des traités antiques et arabes, la physiognomonie animale est utilisée comme un outil dans l’entreprise de moralisation de la société que mène l’Église. La scolastique impose donc peu à peu des parallèles entre les tempéraments humains, les péchés et les animaux – vicieux et mortels par nature33. L’aspect bestial du personnage, qui contraste avec le visage de la Vierge se trouvant juste en dessous, traduirait par conséquent la corruption de son âme : selon toute vraisemblance, il est l’un des bourreaux du Christ et il fonctionne comme une personnification du mal, un emblème du déicide. De même que pour le mauvais larron, son aspect extérieur reflète sa laideur intérieure mais, loin d’être seulement enlaidi, il est ici réduit à l’état d’animal. Dépourvu d’âme et contraint de suivre les pulsions que son corps lui impose, il est forcément exclu du Corpus Ecclesiae et voué à la damnation. Sans l’éliminer totalement, cette figure ne permet toutefois aucunement d’avancer l’hypothèse selon laquelle le peintre florentin avait connaissance des traités de physiognomonie. Donner aux adversaires de la foi des têtes de brutes bestiales était en effet courant : l’animalité ressortait par contraste avec la beauté du Christ. Dans l’Ancien Testament, qui préfigure le Nouveau, les tortionnaires du Christ sont déjà assimilés à des animaux menaçants, comme des chiens ou des lions.
15Premièrement, dans les psaumes. Ainsi, au psaume 17 (11-12) les ennemis du Christ sont des lions féroces34 et, au psaume 35 (17), des lionceaux35. Au psaume 22 (13-1936), ils sont tout à tour des taureaux, des lions et des chiens et, au psaume 117 (12), ils sont des abeilles. Deuxièmement, dans l’Épître de Pierre (5, 8), le diable est comparé à un lion rugissant auquel les chrétiens doivent résister : « Soyez sobres, veillez. Votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant circule, cherchant qui engloutir ». Troisièmement, dans le Livre des Juges (14, 5-7), le premier ennemi contre lequel Samson se bat est un lion qu’il terrasse à mains nues, grâce à l’aide de Dieu. Quatrièmement, dans l’épisode bien connu de Daniel jeté dans la fosse, raconté dans le Livre de Daniel (6), les lions apparaissent comme les ennemis de la foi. À ces références, nommant explicitement des animaux, ajoutons deux autres, mentionnant uniquement les crocs menaçants des ennemis. La première est au Psaume 34 (16) : « Ils me provoquent, ils se moquent de moi, ils grincent des dents contre moi. » La seconde est dans le Livre de Job (16, 9-10) : « Sa colère me déchire et m’attaque, il grince des dents contre moi, mon adversaire aiguise ses yeux contre moi. Ils ont ouvert leur bouche contre moi, pour m’insulter, ils ont frappé mes joues, ensemble, ils s’ameutent contre moi. »
16À partir du XIIIe siècle, des chiens ou – moins souvent – des lions apparaissent dans les thèmes liés à la Passion du Christ. Comme dans les textes, ils sont assimilés aux bourreaux selon quatre modalités, que James Marrow répertorie37. Partons de la solution la plus simple vers la plus complexe. Première solution : les chiens se trouvent simplement auprès des méchants qui entourent le Christ et tournent vers lui leurs crocs agressifs. Deuxième solution : ils présentent une posture identique à celle d’un ennemi. Troisième solution, plus surprenante : les bourreaux sont présentés dans la posture du chien – par exemple, à quatre pattes aux pieds du Christ qui est attaché à la colonne pour la Flagellation. Quatrième solution, qui est adoptée par Rosso Fiorentino pour le panneau de Sansepolcro : les bourreaux gardent leurs corps humains, mais ils prennent le visage d’un animal étrange et menaçant.
17Dans le panneau de Rosso Fiorentino, la laideur et la beauté semblent se renforcer l’une l’autre par contraste. Autrement dit, la beauté du Christ et des personnages qui le pleurent se manifeste d’autant plus que la monstruosité du bourreau « homme animal » est proche. Cette confrontation entre harmonie (beauté) et disharmonie (laideur) aurait donc pour fonction à la fois d’exercer une attraction/répulsion sur les membres de la confrérie de la Sainte Croix, et de dispenser un enseignement d’ordre eschatologique. En effet, les images du Jugement dernier et, plus généralement, celles qui montrent les élus en Paradis prouvent qu’ils sont traditionnellement traités comme une entité collective, plutôt que comme une assemblée d’individualités. Ainsi, Anne-Sophie Molinié constate que « peu d’éléments interviennent pour individualiser les ressuscités. Ils sont en général réunis en petits groupes de figures pressées les unes contre les autres ou isolées et disposées frontalement. Ils sont, selon les cas, nus ou habillés, mais sans que les peintres aient saisi là l’occasion de leur attribuer des signes distinctifs. Hommes et femmes ne sont pas toujours reconnaissables. C’est leur assemblée, plus que les individus qui la forment, qui fait sens38. » De même, Jérôme Baschet insiste sur la ressemblance des élus qui sont inclus dans le sinus d’Abraham : « […] l’uniformisation des figures rassemblées dans le sein d’Abraham ne souffre que de rares exceptions. Ainsi, toute différence d’âge s’abolit. […] Cette uniformisation des âges accompagne (et favorise) un effacement de la distinction des sexes. […] Les distinctions sociales sont également supprimées, et aucun signe ou vêtement, caractéristique d’un statut ou d’une fonction, n’apparaît39. » Pareillement, Daniel Russo déclare à propos de la représentation de la Cour céleste dans l’iconographie italienne : « Ainsi, la foule des saints guide-t-elle les regards vers le point crucial de la représentation en le fixant comme un seul être. […] Les personnages de la cour céleste se ressemblent tous : leur type physique est universel, donné de toute éternité40. »
18Dès lors, on peut émettre l’hypothèse que le groupe des disciples dans les Lamentations agit comme un avant-goût de la vision béatifique qui montre les membres de l’Ecclesia unis dans la compagnie de Dieu. Les ennemis, quant à eux, représentent ces « Autres », exclus de la communauté. Il y a là, semble-t-il, une valeur à la fois ecclésiologique, mais aussi, anthropologique et sociale de l’image : elle montre la puissance du Christ qui réunit tous les hommes en un seul corps – l’Ecclesia universalis – dont la société temporelle est, d’une certaine manière, la traduction visible. De fait, dans la société urbaine, comme dans les images, ceux qui sont exclus de l’ordre chrétien sont affublés de signes distinctifs. En effet, afin d’exclure les Juifs de l’harmonie communautaire et de limiter leur rôle socio-économique41, en 1215, le concile de Latran IV édicte une série de mesures qui ont pour conséquence, sous prétexte d’éviter les mariages mixtes, de permettre leur identification. Le soixante-huitième décret édicté par le concile s’intitule Ut Iudaei dicernantur a Christianis in habitu (« Les Juifs se distingueront des chrétiens par leurs habits ») et il stipule que « ces gens, de l’un et l’autre sexe, seront distingués publiquement des autres gens par la nature de leur habit42 ». Les marques qui sont imposées aux Juifs sont bien connues et sont repérables dans les images dès la seconde moitié du siècle43. Or, outre le pileum cornutum, les tabulae44, la rouelle ou l’étoile de David, Bernhard Blumenkrantz45 a bien démontré que ces signes s’accompagnent de faciès disharmonieux tels que nous avons pu les observer dans la Crucifixion tourangelle ou dans le panneau de Rosso Fiorentino. La disharmonie des bourreaux dans les images de la Passion pourrait donc bien concourir à discriminer le peuple juif et à le désigner explicitement comme déicide. En tous les cas, cela permet de comprendre le fort intéressement des communautés religieuses, féminines comme masculines, aux figures de la Vierge, de Madeleine et de Jean et à la configuration ecclésiale révérée au Christ Sauveur qu’elles constituent : une Lamentation apparaît comme une image du vivre ensemble dans le respect de la foi – appel qui répond par contraste aux attaques extérieures auxquelles l’Ecclesia doit faire face. De fait, le nombre des Lamentations augmente lorsqu’il faut faire face à la montée des hétérodoxies liées au sacrement eucharistique, aux XIIIe et XVIe siècles. Sans doute est-ce aussi la raison pour laquelle les franciscains, microcosmes de l’Ecclesia, particulièrement soucieux de leur image et en proie à leurs querelles internes ont si activement participé à l’élaboration et à la diffusion de l’image. Mieux encore, la configuration habituellement utilisée pour le Christ est transférée à saint François. Or, si on considère que le transfert de la forme équivaut à un transfert du sens, on peut avancer l’hypothèse que l’ambition de ce type d’image est de montrer la communauté franciscaine unie et toute entière subordonnée à celui qui est son fondateur.
LA LAMENTATION AUTOUR DE SAINT FRANÇOIS
19Grâce aux recherches menées depuis les années 1970 sur les structures de la parenté au Moyen Âge et à la Renaissance46, on sait que l’ensemble de la société chrétienne (l’Ecclesia) se structure sur des liens de parenté spirituelle induits par le Baptême. Socialement, ce sacrement est en effet compris comme une nouvelle naissance pour l’individu, qui devient membre de la communauté. L’intégration à la communauté par l’entremise du Baptême se pense doublement sur le mode de la parenté spirituelle. D’une part, c’est grâce au rituel baptismal que s’instaurent les liens les plus actifs de la parenté spirituelle : le parrainage et le compérage (entre parents biologiques et parents spirituels47). D’autre part, c’est grâce au Baptême que s’établit la filiation du chrétien avec Dieu. Cette filiation est d’ailleurs l’un des fondements de la prière du Pater Noster.
20En devenant des fils de Dieu, les chrétiens deviennent aussi les frères du Christ et frères entre eux. L’affirmation de ce lien direct avec Dieu a un corollaire d’importance : les liens du sang sont largement dévalués au profit des liens spirituels. Cette concurrence existe dès les origines du christianisme et s’exprime dans les Évangiles eux-mêmes48. Ainsi, le Christ rappelle en Matthieu 10 (37) : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi et celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi, n’est pas digne de moi. » Dans l’Évangile de Luc (14, 26), « Si quelqu’un vient à moi et ne hait pas son père et sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs et même sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » Et, chez Marc (3, 34-35), il rejette le lien biologique qui l’unit à la Vierge Marie au profit du lien spirituel qui l’unit à tous les autres membres de la communauté : « Et regardant ceux qui étaient assis autour de lui : “Voici, dit-il, ma mère et mes frères : car quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère”49. »
21En toute logique, si la parenté spirituelle structure l’ensemble de l’Ecclesia, elle structure également ses microcosmes cléricaux, pas seulement sa branche laïque. De fait, l’ordination est une réitération significative du Baptême : en entrant dans les ordres, il convient d’abandonner sa famille biologique afin d’intégrer sa famille spirituelle. Les titulatures cléricales agissent en tant que preuves audibles de ce constat : par exemple, « pape » vient du latin papa, papatus, qui signifie « père nourricier » et « abbé » vient de abbas, abbatis, père. Pareillement, l’ordre franciscain qui s’est pensé comme une composante idéale de l’Ecclesia, à la fois dans les textes et dans les images, se structure sur cette germanité généralisée de tous ses membres : ils s’appellent « frères » entre eux et se font appeler ainsi par les laïcs. Mieux encore, la structure interne de l’ordre franciscain montre que la parenté spirituelle agit comme une véritable alternative à la hiérarchie.
22Les modalités du gouvernement de la communauté franciscaine, qui devient un ordo dès 1220 dans les sources pontificales50, révèlent un fonctionnement interne institutionnel et donc hiérarchisé51. Au sommet de l’organisation, le « ministre général », à qui les frères doivent obéissance. Sa prérogative principale, définie dans la Regola Bullata de 1223, est de fixer la date et le lieu des chapitres de la Pentecôte52. À l’échelon inférieur, se trouvent les « ministres provinciaux », chargés de diriger les provinces. Ils sont assistés des « custodes » qui participent à leur élection. Enfin, dans l’Epistola toti Ordini, qui déploie la hiérarchie complète de la communauté, apparaissent les gardiens. De plus, les deux Règles successives affirment que la communauté est placée sous l’autorité directe du siège apostolique. Pourtant, tout en admettant cette subalternation au pape – et donc au Christ dont il est le représentant sur terre –, les écrits de saint François se caractérisent par une insistance sur l’égalité des membres de la communauté53. De fait, dans la Regola non bullata de 1221, quand il en décrit l’organisation, saint François exige :
De même, que tous les frères n’aient aucun pouvoir ni domination, surtout entre eux. Car, comme le Seigneur dit dans l’Évangile : « Les princes des peuples les dominent, et ceux qui sont plus grands exercent sur eux le pouvoir54 », il n’en sera pas ainsi parmi les frères. Et quiconque voudra devenir plus grand parmi eux, qu’il soit leur ministre et serviteur. Et que celui qui est plus grand parmi eux devienne comme le plus petit. […] Et que nul ne soit appelé prieur mais que tous soient d’une manière générale appelés frères mineurs.55
23Afin de contourner les difficultés induites par le passage de la fraternité (fraternitas) à l’institution (ordo), saint François opère un bouleversement sémantique et place les relations hiérarchiques induites par le fonctionnement de la communauté dans des rapports de parenté spirituelle56 : nous avons recensé l’appellation « frère » et ses déclinaisons plusieurs centaines de fois dans ses écrits. Ainsi placé dans une logique de parenté, l’ordre peut s’administrer sans véritable rapport de domination : la filiation induit une hiérarchie, mais elle est équilibrée par le lien horizontal de la fraternité. De plus, l’organisation de l’ordre apparaît en étroite conformité avec l’organisation générale de l’Ecclesia, à laquelle il appartient et avec laquelle il se confond. Comme les Évangiles, les écrits de François nient les liens du sang au profit des liens spirituels. Aussi, dans la Regola non Bullata, il rappelle, en écho à la parole prononcée par le Christ en Luc 14 (26) : « Si quelqu’un veut venir à moi et ne hait pas père et mère et épouse et fils et frères et sœurs et jusqu’à son âme, il ne peut être mon disciple57. » De même, dans les Psaumes des mystères du Seigneur Jésus, également appelés l’Office de la Passion du Seigneur, la parenté charnelle est dépréciée à plusieurs reprises face à la parenté spirituelle. Par exemple, dans le psaume 5 pour Sexte : « Je suis devenu un étranger pour mes frères et un passant pour les fils de ma mère58. »
24Comme dans l’organisation générale de l’Ecclesia, au sein de la parenté spirituelle que saint François élabore pour sa communauté, la place du père est généralement laissée à Dieu (ou au Christ). Les franciscains sont donc avant tout les fils de Dieu, frères du Christ et frères entre eux. La conversion du fondateur lui-même a valeur de paradigme : à en croire la Légende majeure, son hagiographie officielle, après s’être dépouillé de ses vêtements devant son père et l’évêque d’Assise, saint François scelle verbalement sa transformation par une substitution du père céleste au père biologique : « Fin ad ora chiamato te, padre sulla terra, d’ora in poi invece posso dire con tutta sicurezza : Padre nostre, nel quale ho riposto ogni tesoro e ho collocato tutta la fiducia e speranza59. » S’il ne s’octroie jamais la place du père dans la famille spirituelle que constitue sa propre communauté, saint François s’attribue volontiers le rôle de la mère, ce qui lui permet d’affirmer un nouveau point commun avec le Christ, son modèle60. Le florilège des transgressions sexuelles de saint François a déjà été dressé par d’autres61, nous nous contenterons donc de citer les mots que saint François adresse à Frère Léon : « Salut et paix de ton frère François. Je te dis ceci, mon fils, comme une mère [sicut mater]62. » Les textes qui fondent la légende du saint fondateur exploitent à l’envi cette comparaison de saint François avec une mère protectrice et nourricière. Ainsi, dans sa célèbre vision nocturne racontée dans la Légende des trois compagnons, saint François se rêve en tant que poule noire (mère) qui peine à rassembler ses poussins (la multitude des frères qui constituent la communauté) sous ses ailes63. Dans les hagiographies comme dans les textes autographes, la maternité de saint François fonctionne toutefois en adéquation avec la fraternité absolue. Autrement dit, la maternité spirituelle induit bien un rapport hiérarchique entre François et ses frères, mais il n’est que temporaire, circonstancié et même réversible : le fondateur reste toujours le fils de Dieu, mais il peut aussi devenir le fils de l’un de ses frères ( !). Aussi, dans la Vita Prima, quand saint François est de plus en plus malade, c’est Élie, alors ministre général, qui assume auprès du fondateur un rôle maternel64.
25À la différence des textes, dans les images, la maternité de la communauté franciscaine n’est attribuée qu’à saint François. Grâce aux travaux de Dominique Donadieu Rigaut65, on sait que l’ordo donne à voir sa naissance à travers deux thèmes principaux : le don de la Règle et, surtout, la mort du fondateur. Or, les images de la mort du fondateur – et donc de la naissance de la communauté – reprennent le schème d’une Lamentation autour du Christ mort. Outre que cela nous permet de confirmer que le thème de la Lamentation peut se comprendre comme une configuration ecclésiale, ce réemploi présente au moins deux avantages. Premièrement, il renforce le parallèle que la dévotion franciscaine établit entre le Christ et saint François. Deuxièmement, il permet à l’ordo de se donner à voir, non seulement en tant que tel, mais aussi, en tant que microcosme de l’Ecclesia soumis à la fois au charisme de son fondateur et, surtout, à l’autorité du Christ Sauveur. Trois exemples suffiront à montrer que la communauté franciscaine qui se forme autour du fondateur – mourrant ou déjà mort – présente des échos plastiques similaires à ceux qui unissent les disciples autour du Christ mort. Toutefois, contrairement aux personnages réunis autour du Christ mort, pour les disciples réunis autour de saint François la ressemblance la plus tangible passe par le vêtement qui est un vecteur d’uniformisation de la communauté.
26Symbole de pauvreté et de dénuement, le vêtement franciscain se compose de la robe de bure brune en forme de croix et de la cordelette qui fait office de ceinture. Dans sa Vita prima, Thomas de Celano raconte comment saint François façonne lui-même l’habit au cours de la seconde étape de sa conversion66. Alors que, dans la première étape, François se dépouille magistralement de ses habits devant l’évêque et les habitants de la ville d’Assise, dans la seconde, après avoir entendu prêcher l’Évangile de Matthieu (10, 7-10), « si scoglie dai piedi i calzari, abbandona il suo bastone, si accontenta di una sola tunica, sostituisce la sua cintura con una corda. Da quell’istante confeziona per sé una veste che riproduce l’immagine della croce, per tener lontane tutte le seduzioni del demonio ; la fa ruvidissima, per crocifiggere la carne e tutti i suoi vizi e peccati, e talmente povera e grossolana da rendere impossibile al mondo invidiargliela !67 »
27Le vêtement permet aux frères de s’affirmer en tant que groupe – ou en tant que membre du groupe – et d’être identifiés comme tel par le restant de la communauté. La prise d’habit constitue donc le premier rituel qui permet de quitter le monde pour intégrer l’ordre68. Inversement, lorsqu’un frère est exclu de l’ordo fratrum minorum, il est immédiatement dépouillé de la vêture franciscaine avant de rejoindre le monde69. Dans les images comme dans la société, les personnes qui appartiennent à la communauté franciscaine sont identifiables grâce au vêtement qui se transforme donc en attribut. En tant qu’attribut, le vêtement franciscain est toutefois plus actif au niveau de la communauté que de l’individu. Autrement dit, la robe de bure symbolise par métonymie l’ordo dans son intégralité : un personnage apparaît comme franciscain avant d’être saint Antoine, saint Bernardin, etc. Lorsque la fraternité se donne à voir, c’est à travers le groupe ou à travers quelques-uns de ses représentants qui renvoient à l’intégralité du groupe. Par conséquent, dans les images, les frères se ressemblent et peuvent, semble-t-il, se dupliquer à l’infini.
28La miniature du feuillet 79vo du manuscrit conservé à l’Institut Historique des Capucins à Rome (ca. 1457, fig. 5470) accompagne le quatorzième chapitre de la Légende majeure qui raconte la mort du fondateur. Avant de mourir, saint François se dépouille une troisième et dernière fois de ses vêtements, puis s’allonge à même la terre. Regardons les sept frères qui entourent le fondateur. Logiquement, tous sont vêtus de la robe de bure brunâtre qui les associe grâce à la répétition chromatique. De plus, tous sont tonsurés, ce qui engendre une ressemblance physique certaine, d’autant que les cheveux restants sont bruns. À la chevelure analogue s’ajoutent des visages similaires, imberbes et juvéniles, très ressemblants à celui du fondateur. Certains des frères présentent aussi une posture similaire, qui se fonde sur une composition symétrique. Sur l’axe vertical médian de la miniature, deux frères, assis en arrière du corps de saint François, sont en effet tournés l’un vers l’autre, l’échine légèrement courbée vers le corps du fondateur qui se meurt. Ces deux personnages se font donc symétriquement pendants. La seule différence se localise au niveau des mains : le frère de gauche les cache sous sa robe, tandis que le frère de droite les croise sur ses cuisses. Pareillement, les deux frères qui se situent au niveau de la tête de saint François, contre le bord gauche de la miniature, présentent une posture et une gestuelle analogues. D’abord, ils se tiennent debout. Ensuite, chacun plie un bras et pose sa main sur sa poitrine. Enfin, la main libre se pose sur le premier nœud de la cordelette qui sert de ceinture. Une différence cependant : l’un porte le capuce remonté sur la tête et pas l’autre. Aux pieds de saint François, deux autres frères, debout et penchés en avant, se répondent également. De plus, les deux corps semblent fusionner en un seul : au niveau des membres inférieurs, le bas des deux robes de bure se confond. Il est donc difficile d’établir avec précision où commence l’une et où se termine l’autre. Surtout, seulement trois pieds sont visibles : il est malaisé d’attribuer le pied du milieu à l’un ou à l’autre des deux frères. En réalité, ce pied appartient au frère qui est le plus à droite : les orteils servent de signes indiciels.
29La miniature du feuillet 60 du manuscrit Vittorio Emanuele 411 conservé à la Bibliothèque nationale de Rome (seconde moitié du XIVe siècle, fig. 5571) montre elle aussi l’ultime dépouillement de François. Le corps dénudé du fondateur allongé par terre est entouré d’une multitude de frères en robe de bure qui représentent la communauté dans son intégralité. Comme dans la miniature précédente, la répétition chromatique contribue à associer les frères et à les identifier en tant que groupe. De plus, tous sont tonsurés et présentent des visages analogues : aucun ne se distingue par une différence physique ou par une marque de vieillesse. Tous sont bruns, imberbes et présentent des joues creuses avec une mâchoire anguleuse. À la différence de la miniature du manuscrit de l’Institut historique des Capucins, qui montre sept frères distribués de manière plus ou moins espacée, le groupe est très serré et les frères, plus nombreux, s’échelonnent en profondeur, sur deux rangées. La communauté semble ainsi pouvoir s’étendre à l’infini. De plus, l’alignement isocéphalique des têtes semble insister sur l’égalité de chacun de ses membres.
30La fresque de la basilique inférieure d’Assise, attribuée au Maestro di San Francesco (ca. 1260-1265, fig. 5672) montre deux catégories de frères73 : tous sont unis par des répétitions visuelles, mais de légères différences matérialisent les deux groupes. Derrière la tête du fondateur, les trois personnages qui orchestrent la messe d’adieu constituent le premier groupe. Ils sont tonsurés et vêtus à l’identique : des vêtements liturgiques blancs par-dessus la robe de bure. Leurs visages sont similaires et sont caractérisés par un nez long et fin. Les deux frères qui sont aux extrémités de ce trio présentent une même gestuelle dans la manipulation de leur cierge : une main au-dessus de l’autre. Plus près du corps de saint François, un quatrième frère appartient vestimentairement au trio : il porte les vêtements liturgiques blancs par-dessus la robe de bure et manipule un encensoir. Toutefois, son visage est différent de celui des trois autres : il est barbu. Physiquement, il ressemble donc davantage aux frères du second groupe, qui se situent en avant du corps inerte de saint François. Eux aussi sont au nombre de trois, mais ils ne portent que la robe de bure, non le vêtement blanc. Comme le frère qui porte l’encensoir, ils sont bruns et barbus. Deux sont agenouillés et le troisième est debout derrière eux. Bien que la fresque soit détériorée, on devine que le bas des robes des deux frères agenouillés se confond pour n’en faire qu’une : les deux corps semblent se séparer au niveau de la taille. Selon Dominique Donadieu-Rigaut, qui repère elle aussi le procédé plastique « dans un mouvement à contre-courant […] ces deux figures agissent en tandem pour offrir une version décomposée (en deux temps) de l’incrédulité de saint Thomas74 ». Le premier touche en effet la plaie et le second s’émerveille de la vision, paume ouverte. Plus encore, grâce aux deux groupes de frères, les deux versants de l’ordre – c’est à-dire sa branche laïque (le groupe des simples frères) et sa branche cléricale (ceux qui portent les vêtements liturgiques) – sont reliées : « Une ligne en fragment de cercle, invisible, (relevant de la construction de l’image) relie la cordelette du prêtre à celle de François, puis au bras du compagnon qui effleure la plaie, soudant ainsi en un même arc les deux facettes de l’ordre75. »
31Au vu de cette correspondance formelle et sémantique très édifiante entre les images de Lamentation autour du Christ mort et les images de la mort de saint François, on ne peut qu’être étonné de constater que c’est la Stigmatisation du fondateur – et non sa mort – qui se trouve en vis-à-vis de la Lamentation sur la pierre d’onction du premier programme de la basilique inférieure d’Assise. Tentons donc maintenant de comprendre ce parallèle entre Stigmatisation et Lamentation qui a laissé tant d’historiens de l’art dubitatifs.
Notes de bas de page
1 Sur les remarques qui suivent, voir notre article « Ad imaginem et similitudinem Dei ? Les personnages qui entourent le Christ mort à l’épreuve de l’harmonie avec le divin », Médiévales, 2014, 66, non paginé.
2 Livre d’Isaïe (XL, 12) : Quis mensus est pugillo aquas et caelo palmo disposuit, modio continuit pulverem terrae et libravit in pondere montes et colles in statera ?
3 D’après le Livre de Job (28, 25), Dieu règle également le poids du vent : Qui fecit ventis pondus et aquas appendit in mensura.
4 Et ait Deus : « Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. » Sur ces deux notions, cf. Paul Lamarche, « Image et ressemblance », Dictionnaire de spiritualité ascétique et mystique, Paris, 1971, vol. VII, col. 1 401-1 406 ; Robert Javelet, « Image et ressemblance aux XIe et XIIe siècles », Dictionnaire de spiritualité…, op. cit., col. 1 425-1 426 et Image et ressemblance au XIIe siècle : de saint Anselme à Alain de Lille, thèse de théologie, Université de Strasbourg, 1967.
5 Christian Heck, « Rejet des apparences ou vérité des formes : ressemblance spirituelle et mimésis dans la peinture médiévale », dans Jean-Charles Herbin (dir.), La représentation de l’invisible au Moyen Âge, Valenciennes, 2011, p. 101.
6 Cf. notamment l’Épître de Paul aux Colossiens (1, 15) : « Il [Jésus] estl’image du Dieu invisible » (Imago Dei Invisibilis).
7 Sur la Regio Dissimilitudinis, notion très riche, voir François Châtillon, « Regio dissimilitudinis », Mélanges Podechard. Études de sciences religieuses offertes pour son éméritat au doyen honoraire de la faculté de théologie de Lyon, Lyon, 1945, p. 85. Étienne Gilson, « Regio dissimilitudinis de Platon à saint Bernard de Clairvaux », Mediaeval Studies, 1947, 9, p. 108-130. Pierre Courcelle, « Tradition néo-platonicienne et traditions chrétiennes de la “Région de dissemblance” », dans Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 1957, t. XXIV, p. 5-33 et « Témoins nouveaux de la “Région de dissemblance” », Bibliothèque de l’École des Chartes, 1960, 118, p. 20-36.
8 Cf. Didier Lett, « L’“expression du visage paternel”. La ressemblance entre le père et le fils à la fin du Moyen Âge : un mode d’appropriation symbolique », Cahiers de recherches médiévales, 1997, 4, http://crm.revues.org//index972.html (consulté le 10 avril 2014).
9 La nuance est introduite par saint Augustin. Cf. Umberto Eco, Storia della brutezza, Turin, 2007, p. 44.
10 Cf. Nella Arambasin, « Beauté et laideur au regard du sacré », Communication, 1995, 60, p. 141.
11 Cf. en particulier l’Épître aux Philippiens (3, 20-21) et l’Épître aux Corinthiens (15, 50-53).
12 Anne Sophie Molinié, Corps ressuscitants et corps ressuscités. Les images de la résurrection des corps en Italie centrale et septentrionale du milieu du xve au début du XVIIe siècle, Paris, 2007, p. 92-93. Voir également Jérôme Baschet, Les justices de l’au-delà. Les représentations de l’Enfer en France et en Italie (XIIe-XVe siècle), Rome, 1993.
13 Anne Sophie Molinié, Corps ressuscitants et corps ressuscités…, op. cit., p. 92.
14 On peut également penser à Judas. Cf. notamment Ingrid Westerhoff, « Der Moralisierte Judas Mittelalterliche Legende, Typologie, Allegorie im Bild », Aachener-Kunstblatter, 1995-1997, 61, p. 85-156.
15 Véronique Dalmasso, L’image du corps dans la peinture toscane (v. 1300-v. 1450), Rennes, 2006, en particulier p. 169-211.
16 Ibid., p. 175.
17 Pour une analyse attributioniste, cf. récemment Andrea de Marchi, Un insolito trittico domenicano e uno sguardo fresco sulla pittura ligure del primo Trecento, Paris, 2013. Du même auteur, voir également la notice consacrée au panneau dans Italies. Catalogue des musées de la région Centre, Orléans, Paris, 1996, p. 45-51.
18 Sur la symbolique de la droite et de la gauche, voir Robert Hertz, « La prééminence de la main droite. Étude sur la polarité religieuse », dans Robert Hertz (dir.), Sociologie religieuse et folklore, Paris, 1970, p. 84-109. Pierre Bertrand, La symbolique de la droite et de la gauche au Moyen Âge et au début des temps modernes. Études d’anthropologie sociale et d’iconographie, thèse de doctorat, Université de Paris I, 1998.
19 Marc (15, 39), Matthieu (27, 55-56), Luc (23, 47-48).
20 Cf. David Franklin, « New Documents for Rosso Fiorentino in San Sansepolcro », Burlington Magazine, 1989, 131, p. 817-827 repris dans Rosso in Italy : The Italian Career of Rosso Fiorentino, Londres, 1994, p. 157-183.
21 À noter que Vasari mentionne la « Compagnia di Battuti ». Sur la confraternité de la Sainte Croix à Sansepolcro, voir James Banker, Death in the Community : Memorialization and Confraternities in an Italian Commune in the Late Middle Ages, Londres, 1988, p. 151.
22 David Franklin, « New Documents… », art. cit., annexe 1, p. 825.
23 Ibid., annexe 3, p. 826.
24 Ibid., annexe 4, p. 826.
25 David Franklin, Rosso in Italy…, op. cit., p. 168.
26 Loc. cit.: « Christ is physically placed on the Virgin’s lap by John the Evangelist and Nicodemus at a moment after the Crucifixion and before the Entombment. »
27 Cf. infra p. 59-65.
28 Pour cette hypothèse, voir David Franklin, Rosso in Italy…, op. cit., p. 170.
29 Par exemple, l’identité de la femme voilée qui se trouve à droite de la Vierge pose problème. Selon David Franklin, il s’agit de sainte Claire mais, selon Carlo Falciani, il s’agit de Sainte Scolastique. Cf. Roberto Ciardi et Antonio Natali (dir.), Pontormo e Rosso : la maniera moderna in Toscana, 1494-1994, Actes du colloque Progetto appiani di Piombino de Volterra (23-24 septembre 1994), Florence, 1996, p. 272. L’identification de Jean n’est pas non plus évidente. On est tenté de l’identifier au jeune homme qui pleure en enfouissant son visage dans ses main, le long du bord droit du panneau. Cette position correspond en effet à celle que le même peintre attribut à l’apôtre dans sa Descente de croix de Volterra.
30 Ce néologisme est le titre d’une exposition qui s’est tenue à Strasbourg en 2004, sous la direction de deux spécialistes de la physiognomonie : Laurent Baridon et Martial Guedron. Cf. Laurent Baridon et Martial Guedron (dir.), Hommeanimal, Catalogue d’exposition (Strasbourg, musée archéologique Galerie Heitz, musée de l’œuvre de Notre Dame, 7 avril-4 juillet 2004), Strasbourg, 2004.
31 Roberto Paolo Ciardi, « Il Rosso e Volterra », dans Mariagiulia Burresi et Roberto Paolo Ciardi (dir.), Il Rosso e Volterra, Catalogue d’exposition (Volterra, Pinacoteca communale, 15 juillet-20 octobre 1994), Florence, 1994, p. 49-50.
32 Pomponio Gaurico, De sculptura, André Chastel (dir.), Paris, 1969, p. 139 : « Des yeux grands, mobiles et lumineux, s’ils ont un regard farouche et si les sourcils font saillie, indiqueront un homme d’esprit frustre, cruel et rapace ; car tels sont les yeux des sangliers et des loups. […] Les yeux globuleux et protubérants, entourés d’une enflure circulaire, ou bien ceux qui entourent un fossé comme dans une forteresse, révèlent l’homme trompeur, stupide et tout à fait inepte. » Mentionnons également le traité plus tardif de Giovan Battista della Porta, De humana physiognomonia, 1584, fac-similé de l’édition de 1586, Naples, 1986. Ce traité est en effet d’importance puisqu’il est le premier à déduire le caractère d’un personnage à partir de comparaisons morphologique avec des animaux, images à l’appui.
33 Sur les tempéraments humains, voir notamment Raymond Klibanski, Erwin Panofsky et Fritz Saxl, Saturn and Melancholy. Studies of Natural Philosophy, Religious and Art, Londres, 1979, trad. fr., Saturne et la mélancolie, Paris, 1989, p. 169 sq.
34 « Ils marchent contre moi, maintenant, ils m’encerclent, ils ont l’œil sur moi pour me terrasser. Leur apparence est celle d’un lion impatient d’arracher et d’un lionceau tapi dans sa cachette. »
35 « Seigneur, combien de temps verras-tu cela ? Soustrais mon âme à leurs ravages, aux lionceaux ma personne. »
36 « Des taureaux nombreux me cernent, de fortes bêtes de Bashân m’encerclent ; contre moi baille leur gueule, lion lacérant et rugissant. […] Des chiens nombreux me cernent, une bande de vauriens m’entoure ; comme pour déchiqueter mes mains et mes pieds. » Il faut noter que dans l’exégèse traditionnelle, les animaux du psaume 21 sont associés aux Juifs. Pour une recension, voir le très daté John Mason Neale, A Commentary on the Psalm from Primitive and Medieval Writers, Londres, 1860, vol. 1, p. 256-260 et 265-266.
37 James Marrow, Passion Iconography in Northern European Art of the Late Middle Ages and Early Renaissance. A Study of the Metaphor into Descriptive Narrative, Bruxelles, 1979, fig. 2-14.
38 Anne Sophie Molinié, Corps ressuscitants et corps ressuscités…, op. cit., p. 82.
39 Jérôme Baschet, Le sein du père. Abraham et la paternité dans l’Occident médiéval, Paris, 2000, p. 169-170.
40 Daniel Russo, « La cour céleste dans l’iconographie italienne des derniers siècles du Moyen Âge », dans Le peuple des saints : croyances et dévotions en Provence et Comtat Venaissin, Actes de la table ronde d’Avignon (Institut de recherches et d’études sur le bas Moyen Âge avignonnais, Palais des Papes, 5-7 octobre 1984), Avignon, 1987, p. 293 et 295.
41 Cf. Michael Camille, The Gothic Idol : Ideology and Image-Making in Medieval Art, Cambridge, 1989, p. 218. Danièle Sansy, « Juifs et musulmans à la fin du Moyen Âge », dans Nathalie Nabert (dir.), Le mal et le diable, Paris, 1996, p. 126-127.
42 Pour une édition et une traduction de ce décret, Cf. Giuseppe Alberigo, Les conciles œcuméniques. Les décrets, Paris, 1994, t. 2/1, p. 566-567.
43 Pour une recension commentée des différents signes épinglés ou cousus sur les vêtements afin de distinguer les chrétiens des non-chrétiens, cf. Michael Camille, The Gothic Idol…, op. cit., p. 165-195. Jean-Louis Schefer, L’hostie profanée : histoire d’une fiction théologique, Paris, 2007, p. 18-22.
44 Sur les tables de la loi comme signe distinctif, voir particulièrement Ruth Mellinkoff, « The Round-Topped Tablets of the Law: Sacred Symbols and Emblem of Evil », Journal of the Jewish Art, 1974, 1, p. 28-43.
45 Bernhard Blumenkranz, Le Juif médiéval au miroir de l’art chrétien, Paris, 1966. Cf. également Jean-François Fau, L’image des Juifs dans l’art chrétien médiéval, Paris, 2005, chap. 6, p. 89-97.
46 Dans une bibliographie abondante, nous renvoyons à Anita Guerreau-Jalabert, « Sur les structures de la parenté dans l’Europe médiévale », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 1981, 36, p. 1028-1049. Du même auteur, « La parenté dans l’Europe médiévale et moderne : à propos d’une synthèse récente », L’Homme, 1989, 29, p. 69-93 ; Les relations de parenté dans le monde médiéval, Actes du colloque d’Aix-en-Provence (Université de Provence, Centre universitaire d’études et de recherches médiévales, 1989), Aix-en-Provence, 1989. Françoise Héritier-Augé et Élisabeth Copet-Rougier (dir.), La parenté spirituelle, Paris, 1995. Joyce Hill et Mary Swann (dir.), The Community, the Family and the Saint. Pattern of Power in Early Medieval Europe, Actes du colloque de Leeds (Université de Leeds, 4-7 Juillet 1994 et 10-13 juillet 1995), Turhnout, 1998. Didier Lett, Famille et parenté dans l’Occident médiéval. V-XVe siècle, Paris, 2000.
47 Cf. notamment Anita Guerreau-Jalabert, « Spiritus et caritas. Le Baptême dans la société médiévale », dans Françoise Héritier-Augé et Élisabeth Copet-Rougier (dir.), La parenté spirituelle, op. cit., p. 133-203. Jérôme Baschet, Le sein du père…, op. cit., p. 39.
48 Cf. particulièrement Didier Lett, L’enfant des miracles. Enfance et société au Moyen Âge (XII-XIIIe siècle), Paris, 1997, p. 219-229.
49 Cf. aussi Matthieu (13, 49-50) et Luc (8, 21).
50 Didier Lett, L’enfant des miracles…, op. cit., p. 15.
51 Voir en particulier Giulia Barone, « Note sull’organizzazione amministrativa e la vita delle province nei primi decenni di storia francescana », dans Studi sul medioevo cristiano offerti a Raffaelo Morghen per il 90 anniversario dell’Istituto storico italiano (1883-1973), Rome, 1974, p. 57-70. Théophile Desbonnets, De l’intuition à l’institution. Les franciscains, Paris, 1983. Felice Accrocca, « Francesco e la sua Fraternitas. Caratteri e sviluppi del primo movimento francescano », dans Felice Accrocca et Antonio Ciceri (dir.), Francesco e i suoi frati. La Regola non bollata : una regola in cammino, Milan, 1998, p. 9-124.
52 Saint François d’Assise, Deuxième Règle (8, 1-2), Théophile Desbonnets, Jean-François Goddet, Thadée Mathura et Damien Vorreux (dir.), Écrits, Paris, 2003, 8, 1-2, p. 192-193. Sur les ministres généraux, voir en particulier Rosalind Brooke, Early Franciscan Government. Elias to Bonaventura, Cambridge, 1959.
53 Cf. Michael Cusato, La renonciation au pouvoir chez les frères mineurs au XIIIe siècle, thèse de doctorat sous la direction d’André Vauchez, Université Paris IV, 1991. Jacques Dalarun, François d’Assise ou le pouvoir en question. Principe et modalités du gouvernement des frères mineurs, Paris, 1999.
54 Matthieu (20, 25).
55 Saint François d’Assise, Première Règle, Théophile Desbonnets, Jean-François Goddet, Thadée Mathura et Damien Vorreux (dir.), Écrits, op. cit., p. 132-134.
56 La règle pour les ermitages est particulièrement claire à ce sujet. Id., Règle pour les Ermitages, Théophile Desbonnets, Jean-François Goddet, Thadée Mathura et Damien Vorreux (dir.), Écrits, op. cit., p. 200-201 : « Que ceux qui veulent rester religieusement dans les ermitages soient trois frères ou quatre au plus, que deux d’entre eux soient les mères et aient deux fils ou au moins un. »
57 Id., Première Règle, Théophile Desbonnets, Jean-François Goddet, Thadée Mathura, Damien Vorreux (dir.), Écrits, op. cit., p. 124-125.
58 Saint François d’Assise, Psaumes des mystères du Seigneur Jésus (1, 7-8), Théophile Desbonnets, Jean-François Goddet, Thadée Mathura et Damien Vorreux (dir.), Écrits, op. cit., p. 298-299.
59 Saint Bonaventure, Légende majeure (2, 4), op. cit., p. 211. Voir aussi Thomas de Celano, Vita Prima… (6), op. cit. et Vita Secunda (7). On trouve déjà la même substitution dans les écrits autographes de saint François. Cf. notamment la Première Règle (22, 33) et la Lettre aux fidèles 1 (1, 7). Sur la nudité de saint François, voir Richard Trexler, Naked before the Father: The Renunciation of Francis of Assisi, New York, 1989. Damien Boquet, « Écrire et représenter la dénudation de François d’Assise au XIIIe siècle », Rives méditerranéennes, 30, 2008, http://rives.revues.org/2333 (consulté le 10 avril 2014).
60 Cf. infra p. 179-180 sur la devotion à Jésus notre mère.
61 Cf. Notamment Hester Goodenough-Gelber, « A Theater of Virtue: The Exemplary World of Saint Francis of Assisi », dans John Howley (dir.), Saints and Virtues, New York, 1987, p. 15-35. Jacques Dalarun, François d’Assise, un passage. Femmes et féminité dans les écrits et les légendes franciscaines, Arles, 1997.
62 Saint François d’Assise, Lettre à frère Léon, Théophile Desbonnets, Jean-François Goddet, Thadée Mathura et Damien Vorreux (dir.), Écrits, op. cit., p. 266-267.
63 Anonyme, Légende des trois compagnons (16, 63), Vergilio Gamboso et Feliciano Olgiati (dir.), Fonti Francescani, Assise, 1986, p. 740.
64 Thomas de Celano, Vita Prima… (98), op. cit., p. 280 : « E siccome qualla malattia si aggravava di giorno in giorno e sembrava peggiorare per la mancanza di ogni cura, frate Elia, che Francesco aveva scelto come madre per sé. »
65 Dominique Donadieu-Rigaut, Penser en image…, op. cit.
66 Sur la conversion de François selon Thomas de Celano, voir Maurice de Beer, La conversion de saint François d’Assise selon Thomas de Celano : étude comparative des textes relatifs à la conversion en Vita I et Vita II, Paris, 1963.
67 Thomas de Celano, Vita Prima… (9, 21), op. cit., p. 219.
68 Sur la représentation de ce rituel dans les différents ordres monastiques et religieux, voir Dominique Donadieu-Rigaut, Penser en image…, op. cit., p. 79-125.
69 Dans la deuxième Règle (13, 1), saint François s’exprime clairement sur ce sujet : « Si l’un des frères, à l’instigation du diable, forniquait, qu’on le dépouille de l’habit qu’il a perdu par sa honteuse iniquité ; qu’il l’abandonne totalement et qu’on le chasse complètement de notre religion.
70 L’image est publiée par Dominique Donadieu-Rigaut, Penser en image…, op. cit., p. 123.
71 Ibid., p. 120.
72 Fresque, dimensions inconnues, Assise, basilique inférieure, premier programme, nef.
73 Cf. Dominique Donadieu-Rigaut, Penser en image…, op. cit., p. 208.
74 Loc. cit.
75 Loc. cit.
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