Chapitre 6. La maison seigneuriale : les « dehors »
p. 185-226
Texte intégral
Jadis noz peres se contentoient de faire bastir un bon corps d’hostel, un pavillon ou une tour ronde, une basse-court de mesnagerie, et autres pieces necessaires à loger eux et leur famille, sans faire des bastimens superbes, comme aujourd’hui on fait, grands corps d’hostel, pavillons, courts, arrierecourts, bassecourts, galleries, salles, portiques, perrons, ballustres et autres. On n’observoit point tant par dehors la proportion de la Geometrie, et de l’Architecture, qui en beaucoup d’édifices a gasté la commodité du dedans.
Bernard de Girard du Haillan, Les causes de l’extreme cherté qui est aujourd’huy en France…, Paris, 1574.
1Ce texte teinté de reproches à l’encontre des seigneurs qui consacrent leurs ressources à l’ostentation illustre bien l’évolution lente mais profonde des mentalités entre la seconde moitié du XVe siècle et la seconde moitié du XVIe1. Pendant ce long siècle, une rage de bâtir sévit, en effet, parmi les Grands du royaume, mais pas seulement : la noblesse petite et moyenne, du reste encouragée plus ou moins directement par le roi et les Grands, contribua largement au phénomène de relèvement du royaume après les destructions des guerres et au renouvellement de l’architecture française.
2Les maisons nobles haut-normandes connurent au cours de cette période faste une évolution marquée, mais non linéaire : elle est faite, pour reprendre l’expression de Claude Mignot, de continuités, de ruptures et d’avatars2. Cependant, ces tendances de fond, dont les contemporains n’ont pas toujours eu conscience, sont souvent difficiles à isoler et à mettre en évidence. Le poids des traditions, les préférences formelles et distributives, la capacité ou au contraire l’inaptitude des architectes et des maîtres-maçons à répondre aux nouvelles exigences de leurs commanditaires, l’expérience faites par certains gentilshommes normands de la vie à la cour et à l’étranger, l’émulation et les modes propres à certains milieux, enfin, la publication de recueils de modèles de « maisons aux champs », de traités d’architecture et d’agronomie sont autant d’éléments qui ont forcément pesé, à des degrés divers, sur la conception des édifices de cette période.
3Les maisons des gentilshommes sont en effet plus que leurs résidences. Dans un monde encore largement rural, où l’autorité et le pouvoir appartiennent aux propriétaires fonciers nobles et où la terre constitue la « vraie » richesse, stable et transmissible, les maisons seigneuriales expriment la suprématie de la classe nobiliaire. Généralement plus instruits et mieux éduqués que leurs prédécesseurs, les gentilshommes utilisent aussi leurs maisons pour exprimer leur culture et leur goût. Enfin, plus élaborées que celles de leurs tenanciers et de leurs voisins roturiers, leurs demeures offrent le cadre adéquat à une sociabilité raffinée et d’une grande complexité.
PLACE ET « FIGURE » DE LA MAISON NOBLE
4Disons-le d’emblée : qu’il soit éloigné ou à proximité de l’entrée, qu’il soit isolé, flanqué de murs de clôture, de corps de logis secondaires ou de bâtiments annexes, qu’il soit de plan en L, en U, allongé ou massé, le logis seigneurial répond à un principe d’ostentation qui lui est attaché et le différencie immédiatement des autres bâtiments : par sa place, sa forme et son traitement, la maison noble se donne à voir. C’est l’une des constantes du logis seigneurial haut-normand et, d’une manière plus générale, de la demeure noble, ce qui n’a pas échappé à Alexandre de Laborde au début du XIXe siècle :
Nous ne pouvons nous empêcher de nous récrier sur la manie ancienne de bâtir tous les châteaux à la vue des grandes routes pour les faire admirer des passants, et à côté des maisons de village pour les faire valoir.3
La place du logis seigneurial
5Dans la majorité des domaines, souvent modestes, le bâtiment principal est isolé dans un enclos unique de grandes dimensions, comme à Anquetierville, Le Hérault ou Longuelune4 (fig. 34). Il est dans ce cas séparé des bâtiments agricoles et situé à peu de distance de l’entrée, sans doute moins pour des raisons pratiques que pour le principe d’ostentation déjà évoqué : placé ainsi, isolé et différencié des autres bâtiments, le logis noble est clairement visible dès l’entrée. Bien plus, sa façade antérieure ou postérieure, flanquée de la tour d’escalier, organe prestigieux puisqu’il est le rappel évident des tours des châteaux5, est orientée vers le chemin d’accès et l’entrée, de sorte que le passant ou le visiteur, en la voyant, comprend immédiatement l’appartenance du maître des lieux au second ordre. Parmi ces édifices relativement modestes, deux logis se distinguent par la clarté de l’effet recherché. À Auffay et à Commanville, tous deux bâtis au commencement du XVIe siècle, la façade arrière, tournée vers la route menant au domaine et visible de loin, présente une sobre alternance d’assises de brique et de pierre et les trois tours qui la flanquent lui donnent un aspect défensif que renforce la taille réduite des ouvertures (fig. 119a). Ce n’est pas tout : après avoir aperçu depuis la route l’austère silhouette, le visiteur pénétre dans la cour où il découvre une façade toute différente, sans tour, avec des percements plus larges et des murs au traitement décoratif recherché, motifs en losanges ou en carrés répétés en frises alternées (fig. 119b).
6D’une manière générale, la prise en compte des points de vue6 sur le bâtiment principal devait être l’une des grandes préoccupations des architectes, des maîtres-maçons et des commanditaires, à la fois pour placer la maison et déterminer la distribution. C’estle cas, on l’a vu, à Auffay et à Commanville. La même préoccupation se retrouve un peu plus tard aux Rocques, à Sénitot, à Tilly et à Acquigny, où les faces du bâtiment ont reçu un traitement différent selon l’endroit d’où elles pouvaient être vues : cour, jardin d’agrément ou cour de service7.
7Dans d’autres cas, c’est la volonté de montrer le logis au visiteur qui a déterminé son emplacement, autant que celle de marquer la continuité de l’occupation du site. On ne s’étonnera donc pas de trouver certains logis dressés à côté d’une motte castrale, voire sur l’ancienne motte qui le surélève, comme au Plain-Bosc et à Piencourt8. Au reste, ces deux volontés ont sans doute donné lieu à une autre disposition qui a connu un vif succès en Haute-Normandie au cours du XVIe siècle. Dès les années 1490, certains logis présentent un rez-de-chaussée surélevé par un niveau semi-enterré de caves et de celliers, comme à La Motte, Commanville, Houlbec et Auffay, disposition qui permet aux gentilshommes de renouer avec une tradition : le visiteur doit gravir les marches d’un perron extérieur (certes modeste) pour atteindre la grande salle9. Cette disposition présente d’autres avantages fonctionnels : les pièces de stockage peuvent être aérées par de plus grands soupiraux, ce que ne manquent pas d’approuver les auteurs de traités d’agronomie et d’architecture du siècle10 ; le rez-de-chaussée est surélevé « pour le descharger seulement des vapeurs de terre », autrement dit pour être mieux préservé de l’humidité du sol11 ; les vues sont plus étendues à partir des pièces principales, qui ouvrent de plus en plus souvent sur un jardin12. Aussi, dès le milieu des années 1520, comme déjà à Coussay dans le Poitou à partir de 151913, on trouve associés rez-de-chaussée surélevé et jardin en contact direct avec le logis (Les Rocques, Le Bus, Sénitot, Tilly), les deux allant semble-t-il de pair, parfois même sans niveau semi-enterré : à Beuzeville-la-Grenier, bâti dans la décennie 1550, le soubassement est plein. Ce n’est qu’à partir des années 1560, comme en Île-de-France14 (mais bien après la demeure royale de Madrid au bois de Boulogne15), peut-être à la suite de la publication des recueils de modèles de Jacques Androuet du Cerceau (Logis domestiques, vers 1550 ; Livre d’architecture de Jaques Androuet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastiments tous differens…, 155916), qu’on eut l’idée de placer les offices au sous-sol, comme à Bailleul (vers 1565) ou à Mentheville17 (1595-1606). Toutefois, cette disposition, qui a certes l’avantage de débarrasser le rez-de-chaussée des offices et ainsi de tenir la domesticité à l’écart, fut loin d’emporter l’adhésion des gentilshommes normands qui furent peu nombreux à placer les offices en sous-sol18.
8D’autres manoirs, plus nombreux19, où la maison noble se dresse également dans une cour unique, participent d’une autre organisation des bâtiments : dépendances agricoles et logis bordent la cour. Si l’organisation diffère du groupe précédent, on peut faire les mêmes observations : le logis est toujours isolé des bâtiments agricoles et se donne à voir dès l’entrée. En revanche, on doit constater que l’importance de ces domaines est plus variée (baronnie, plein-fief, quart ou huitième de fief) et, surtout, qu’ils ont un point commun : le jardin borde le logis ou, du moins, il se situe dans sa proximité immédiate. Cette observation suggère que le désir des seigneurs d’avoir un jardin sous leurs fenêtres a déterminé l’emplacement du bâtiment principal et, partant, l’organisation à l’intérieur du pourpris. On doit cependant nuancer ce propos, comme invite à le faire l’exemple de Clères. L’organisation des bâtiments autour de la cour est certainement plus ancienne que l’implantation du jardin : on devine que la place de la maison noble en bordure du manoir a permis, après coup, de placer le jardin au plus près (fig. 33).
9Il faut noter aussi que le souci de défense a pu être aussi déterminant dans le choix de l’implantation que le désir d’avoir un jardin à proximité : ainsi regroupés en bordure de la cour, les bâtiments, avec leurs hauts murs, participent à la protection du manoir. Les exemples d’Ango et de La Valouine, où ce souci transparaît clairement en raison de la présence de fossés, tourelles, tours ou pavillons munis de petites meurtrières, semblent étayer ce que l’exemple de Clères suggérait. Pour le reste, Clères, comme le manoir d’Ango, se singularise par l’emplacement du logis au-dessus de l’entrée, permettant ainsi de garder le contrôle de l’accès à la cour.
10Pour les domaines restants, de statut juridique plus important, l’implantation du logis est plus variée : la demeure peut être en fond de cour face à l’entrée20, sur le côté21 ou encore, plus rarement, isolée au centre de la cour22.
11Il faut cependant reconnaître que cette classification est toute relative. D’abord, parce que les cours de ces édifices ont souvent plusieurs entrées, de sorte que, selon l’endroit par où entre le visiteur, le logis lui apparaît sur le côté ou de face. Ensuite, parce que, au sein d’un même type d’organisation, les aménagements peuvent être radicalement différents : la cour, parfois traitée en plate-forme fossoyée, peut être réglée sur le logis qui se dresse au fond (par exemple La Motte, Houlbec, Brécourt, Le Bec-Crespin), ou au contraire dilatée en largeur (Ételan, Fontaine-le-Bourg, Heubécourt, Le Bois-Rosé).
L’orientation du logis noble
12À en croire Philibert Delorme, auteur du premier traité d’architecture français, l’orientation du logis doit être fonction des « quatre parties du monde » (les points cardinaux) et « des vents qui en procèdent » (Subsolanus à l’est, Fanonius à l’ouest, Auster au sud et Boreas au nord), mais aussi du relief du site et de la présence ou non d’un cours d’eau23. Ce propos se fonde sur les préceptes des auteurs de traités « rustiques » de l’antiquité, de Varron, Caton, Columelle ou Pline, et surtout de Vitruve, qui précise que les « regions du Ciel » doivent commander l’emplacement des bâtiments dans son célèbre De architectura libri decem (Les dix livres de l’architecture), traduit pour la première fois en langue française par Jean Martin en 154724. Delorme en explique les raisons :
Et notez je vous prie, que cecy ne servira seulement pour la santé des habitans, mais aussi pour la conservation des biens et vivres de la maison. Qui me faict dire hardiment, que la cognoissance des vents est de plus grande importance et consequence qu’on ne pourroit penser. De sorte qu’il vaudroit trop mieux à l’Architecte, selon mon advis, faillir aux ornements des colomnes, aux mesures et fassades (ou tous qui font profession de bastir s’estudient le plus) qu’en ces belles reigles de nature, qui concernent la commodité, l’usage, et prouffit des habitans, et non la decoration, beauté, ou enrichissement des logis, faictz seulement pour le contentement des yeux, sans apporter aucun fruict à la santé et vie des hommes.25
13Une majorité importante des maisons nobles de Haute-Normandie présente une orientation selon les points cardinaux – l’ouest remportant les suffrages – ou selon les vents dominants tels que décrits par l’architecte français. Elles répondent donc à des principes ancestraux (dont Delorme ne fait que perpétuer la mémoire) et il faut croire que les commanditaires et les maîtres-maçons haut-normands les connaissaient et y portaient déjà une attention particulière. Mais si l’on suit la démonstration de Delorme, il faut aussi supposer que l’emplacement même des pièces à l’intérieur de ces logis orientés était le fruit de mûres réflexions de la part des intervenants, parce « qu’en esté, il convient changer la chambre et habitation chaude, ou, si vous voulez, estivale, en celle qui sera froide et hybernale, et la froide en chaude ». Nombre de demeures présentent en effet leurs chambres au nord (Archelles, Beuzeville-la-Grenier, Le Bourgtheroulde, Fleury), au sud (Bonnemare) ou les deux (Bailleul-la-Campagne, Le Bec-Crespin, Brécourt, Fontaine-le-Bourg, Le Hérault). Les premières devaient donc être pensées pour être habitées essentiellement en été, les secondes en hiver, les dernières en toutes saisons. Ce qui est pour nous un des indices permettant de comprendre si ces demeures sont conçues comme des résidences secondaires ou principales.
14Toujours en suivant les préceptes des anciens, Philibert Delorme distingue des vents intermédiaires, équidistants des vents cardinaux, qui correspondent aux orientations nord-ouest (Caurus), nord-est (Aquilo), sud-est (Eurus) et sud-ouest (Africus). Plusieurs demeures sont orientées de sorte que leurs angles (ou leurs tours d’angle lorsqu’elles en sont munies) regardent les points cardinaux. Tel est le cas au Bus, à Bailleul (Angerville-Bailleul) et à Ételan. C’est cette orientation que Delorme semble privilégier à la fois dans son œuvre bâtie (à Saint-Maur-des-Fossés qu’il cite en exemple) et dans son propos, car il donne une description très détaillée et rigoureuse « des autres membres, et parties du bastiment, lesquelles on pourra tourner et accommoder vers le lieu et vent qui leur sera propre, selon la situation de la place où l’on voudra bastir ». Delorme pousse si loin ses recommandations qu’il est quasiment impossible de les mettre en pratique. Et pourtant, à Acquigny qui précisément est peut-être l’œuvre du maître26, la maison remplit tous les critères : elle est tournée vers Caurus, ce qui « tempèr[e] la fassade » ; « la partie regardant le vent nommé Africus est propre à construire chambres et lieux contre l’injure du froid, pour l’aspect et ouverture qu’elles auront contre la partie chaude du monde. Et telles sont ou doivent estre les ouvertures et aspects des salles pour se trouver temperées » ; « où nous avons situé le vent Aquilo, sont les vrayes habitations d’esté, pour estre fraiches, à cause du regard qu’elles ont vers les parties froides, qui resistent aussi à corruption et putrefaction. Par quoy elles sont fort bonnes, et propres pour garder bledz, huiles, vins, fruicts, grains, lards, et choses semblables pour la provision de la maison » : dans la demeure normande, la chambre « d’esté » et sa garde-robe sont au premier étage, au-dessus de la cuisine et du garde-manger (fig. 65).
15D’autres commanditaires normands, néanmoins, tournent résolument le dos à toutes ces « belles reigles de nature », soit pour privilégier la « décoration, beauté, ou enrichissement des logis » (comme à Auffay qu’on a évoqué plus haut), soit parce que des « sujétions et contraintes » héritées de l’époque médiévale les y obligeaient, soit pour d’autres raisons encore27. Parmi ces maisons campagnardes non orientées, un petit groupe se remarque par sa cohérence : Les Rocques à Villequier, Les Mottes à Montfort-sur-Risle, Le Hom, La Folletière, ainsi que le château d’Annebault, ont en commun d’être des demeures de plaisance en bordure d’un cours d’eau. Pour toutes ces demeures, c’est la volonté de profiter des magnifiques vues ou de pouvoir détourner le cours de la rivière et ainsi créer un vaste jardin d’eau qui l’a emporté sur toute autre considération ; la maison est alors tournée vers les parterres du jardin (fig. 42, 120).
Du corps simple au corps double en profondeur
Le logis du seigneur est élevé en forme de donjon […].
Jacques Androuet du Cerceau, Livre pour les champs, Paris, 1582, modèle XXVII.
16On pourrait penser que les partis de plan des maisons nobles s’inscrivent dans une typologie éprouvée dont Jacques Androuet du Cerceau déploie dans ses publications toute la gamme pour « instruire ceux qui voudront bastir, soient de petit, moyen ou grand estat » et particulièrement les « seigneurs, gentilshommes et autres qui voudront bastir aux champs28 ». Force est de constater que la grande majorité des gentilshommes haut-normands restent attachés à des formes simples, établies de longue date dans la province, et qui ont peu à voir avec les modèles de Du Cerceau.
Les préférences de plan-masse à la fin du XVe siècle
17Le type dominant de la fin du Moyen Âge – et du premier quart du XVIe siècle –, qui caractérise principalement les domaines les plus modestes, est le corps simple de plan rectangulaire, flanqué de la tour d’escalier en façade antérieure ou postérieure, présentant deux niveaux habitables, le rez-de-chaussée et le premier étage, le comble ne l’étant pas29 (fig. 34b). Seule exception, le logis de Perriers, qui, malgré le statut de baronnie du domaine, adopte ce parti relativement modeste. Dans l’imaginaire des hommes du XVIe siècle, on l’a dit, la tour d’escalier, souvent le seul élément vertical qui scande une façade du logis, est le signe de la demeure noble30. Nul doute que ce type architectural, très répandu, trouve son origine dans les nombreuses maisons nobles qui ont fleuri au XIIIe siècle dans la campagne normande (moins la tour d’escalier hors-œuvre qui fait son apparition à la fin du XIVe ou au début du siècle suivant31) et dont Chauvincourt, Prey et Anquetierville, réaménagés au XVe ou au XVIe siècle, conservaient l’image toujours vivante (fig. 31).
18Un second type, qui doit être considéré comme une variante du premier et qui est promis à un bel avenir en Normandie, est le logis de plan rectangulaire allongé, flanqué d’au moins deux tours en façade arrière. Sans que l’on puisse dire s’il est traditionnel dans la région, ce parti se trouve employé de manière quasi simultanée à Houlbec (1494-1505, fig. 21) et à La Motte à Saint-Mards-de-Fresnes (1496-1505).
19À Caumare, les bâtiments, bordés par des fossés sur leur face externe, adoptent un plan en équerre (un logis principal accompagné d’une aile basse en retour où sont des annexes), plan qui se développe autour d’une petite cour fermée. Ce parti, qui, simplifié (sans tourelles ni fossés), se retrouve à Caltot peu après, date assurément des siècles précédents : les murs en brique et pierre de la fin du XVe siècle remploient des maçonneries antérieures en petit appareil de pierre calcaire.
20À Ételan (fig. 43, 121), reconstruit probablement par Guillaume Picard après la donation du domaine que lui fit Louis XI (1468), on retrouve le plan à deux corps de logis et chapelle juxtaposés sur le même alignement déjà employé à la fin du XIIIe ou au début du XIVe siècle à la proche maison des champs de La Vigne32 (fig. 122). Ce parti se retrouve employé avec quelques variations à Normanville et à Clères vers 1500 (fig. 33).
21Un autre type architectural, porteur encore de toute la symbolique féodale, est la maison « en forme de donjon », qui n’est ni plus ni moins qu’une tour maîtresse (au programme réduit) dont la Normandie possède de remarquables spécimens des XIIe et XIIIe siècles, par exemple à Arques-la-Bataille et à Gisors. Deux édifices semblent réintroduire en Haute-Normandie ce type traditionnel bien après les destructions de la guerre de Cent Ans. Il faut toutefois préciser que tous deux s’inscrivent dans une conjoncture particulière : Argueil est bâti dans les années 1470 après les ravages perpétrés dans cette partie de la province par Charles le Téméraire en 1472 ; Thevray l’est vers 1489, après la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (28 juillet 1488) au cours de laquelle le duc d’Orléans, au service duquel était sans doute déjà attaché le seigneur de Thevray, est fait prisonnier (fig. 35b, 123). Cette symbolique s’affirme par une tour-résidence qui renferme une cave et les pièces principales superposées sur trois niveaux : à Argueil, les annexes et l’escalier sont logés dans les tourelles qui cantonnent le corps de plan rectangulaire divisé en deux pièces par niveaux ; à Thevray, ces éléments sont placés dans un avant-corps qui flanque le front antérieur de la tour, de plan octogonal (fig. 113).
22Dans les dernières décennies du XVe siècle, on bâtit donc en suivant les variantes possibles des plans masses des siècles précédents. Du reste, il n’est pas rare, on l’a évoqué, qu’une partie des bâtiments anciens soit remployée, comme à Caumare (passage charretier, cellier et bâtiment annexe en retour, du XIIIe ou XIVe siècle), à Ételan (cave, murs gouttereaux), à Anquetierville (murs pignon et gouttereau du logis du XIIIe siècle) ou, encore, à Thevray, qui, comme le fait valoir son commanditaire en 1489, est une antique fortification constituée d’une « motte ancienne, d’anciennes murailles et fondements, de grands fossés larges et profonds33 ». Ce constat vaut encore pour le siècle suivant, au cours duquel certains gentilshommes n’hésitent pas à habiter des logis vieux de trois siècles, à Prey dans les années 1520 ou à Chauvincourt dans les années 1550 (fig. 31).
23On devine de ce qui précède que le plan-masse dominant en Haute-Normandie est un bâtiment isolé, rectangulaire, formé d’un ou plusieurs corps juxtaposés sur le même alignement. À l’opposé, le type le moins représenté numériquement est celui constitué de bâtiments entourant une cour34. L’écart entre ces deux types est tel que les résultats rendent certainement compte d’une réalité : le logis de plan massé ou rectangulaire, isolé, semble avoir la préférence des seigneurs haut-normands. La forme même de ces logis appelle quelques commentaires, car ils sont pour la plupart flanqués ou cantonnés de tours et comprennent un étage habitable surmonté d’un haut comble. Par ces caractéristiques, non seulement la maison noble se distingue de l’habitat paysan, mais elle prend aussi une valeur symbolique particulière. En effet, la forme de ces logis rappelle, à un degré moindre il va de soi, le « donjon », architecture féodale par excellence qu’Uwe Albrecht tient pour l’un des modèles importants de l’architecture médiane de la fin du XVe siècle35. Dans la seconde moitié du XVIe, lorsque l’on préfère placer l’escalier dans-œuvre36, les logis sont cantonnés de tours ou de tourelles en encorbellement, fait assez rare pour être signalé37 (fig. 38b). Faut-il croire qu’afin de conserver au logis seigneurial le signe le plus évident de son rang, on a voulu pallier l’absence de la tour d’escalier hors-œuvre par des tours d’angle ?
24Cette préférence marquée pour le plan massé ou rectangulaire allongé se lit, du reste, dans les textes : la demeure de Fontaine-le-Bourg est une « grand’maison » (1517), Martainville une « grande maison en forme de chasteau » (1545), Le Bus une « maison forte » (1582), Glisolles une « haulte maison » (1599), Chauvincourt et Chambray un « grand corps de logis » (1629 et 1692), mais encore Fleury une « grande croix d’hostel » (1672) – ce qui décrit précisément sa forme primitive, avec quatre toits en pavillon cantonnés aux angles par des pavillons plus petits et plus bas38 (fig. 17). Ces mentions sont intéressantes, mais une autre l’est davantage, car c’est le commanditaire lui-même qui en donne la description : en 1602, Florestan Ricarville décrit la demeure qu’il vient de bâtir comme un « petit chasteau », en réalité une maison plate, sans fossé, mais flanquée de pavillons39 (fig. 13).
Renouvellement, évolution
25Certains gentilshommes haut-normands et leurs architectes, tout en conservant cette préférence pour un parti de plan traditionnel, vont renouveler la conception de la maison noble en créant des demeures d’une complexité sans égale à leur époque.
26Une première innovation capitale apparaît à Martainville, vers 1495, qui est peut-être le premier édifice en France où se voit le doublement d’un corps de logis isolé40 (fig. 44). Avant Chenonceau (vers 1513), qui prit vraisemblablement modèle sur lui, et, à une autre échelle, Chambord, La Muette, Challuau et Saint-Élix (vers 1540), Martainville inaugure le parti des édifices « en forme de donjon », qui connut un succès constant jusqu’au début du XVIIe siècle, succès d’ailleurs relayé par Du Cerceau, qui en publie des modèles très variés avant 1550 dans ses Logis domestiques et dans son Livre d’architecture de 155941. Bizarrement, ce parti peut-être né en Normandie, relativement apprécié dans le reste du domaine royal42, n’eut pas de postérité immédiate localement : sans doute était-il jugé trop novateur. Si l’on excepte Le Bus (vers 1525-1535), avec son plan mixte asymétrique, à la fois simple et double en profondeur (fig. 124), il faut en effet attendre la décennie 1560 pour le voir réapparaître dans cette partie de la province, dans une configuration promise à un bel avenir. Deux maisons nobles contemporaines, Bailleul et Fleury, comprennent, vers 1565, un corps double en profondeur planté au milieu d’espaces d’agrément (la cour aménagée en préau et le jardin, fig. 39, 40). De plan massé, ouvertes en tous sens sur le jardin et d’une architecture soignée (fig. 17, 60), elles préfigurent – par ces aspects et toutes proportions gardées – les maisons de plaisance des deux siècles suivants. Dix ans plus tard, Baptiste Androuet du Cerceau s’inspirera largement de ce parti normand pour Fresnes, à Ecquevilly (fig. 47). Par la suite, le succès du plan double en profondeur ne se dément pas, assuré par des édifices tels qu’Ormesson (vers 1578-1580, fig. 50), Montmort-Lucy (fin des années 1570) et La Chaux-Mont-gros (début du XVIIe siècle), ainsi que par Du Cerceau qui publie plusieurs modèles de ce type architectural en 158243.
27Deux édifices exceptionnels, Acquigny et Bonnemare, bâtis au cours de la décennie 1550, se distinguent par leur parti de plan singulier. Acquigny adopte, en effet, un plan en équerre centré, qui dérive du corps simple de plan rectangulaire flanqué en façade arrière d’une tour d’escalier (fig. 65).
28C’est précisément l’impression saisissante que l’architecte a voulu suggérer : celle d’un corps de logis rectangulaire que l’on aurait plié en deux à angle droit. De fait, il a composé son logis avec deux corps d’égale longueur et hauteur placés en équerre et traités symétriquement par des percements se répondant autour d’un axe central matérialisé, dans l’angle rentrant, au-dessus des deux portes d’entrée, par une élégante tourelle sur trompe. Pour souligner cette composition, l’architecte d’Acquigny a uni les toits des deux corps et disposé une frise dorique continue au sommet des murs des deux façades et de la tourelle. Finalement, les élévations sur cour des deux corps constituent une seule façade. Au milieu du XVIe siècle, cette impression devait paraître bien plus évidente au visiteur, car plusieurs maisons aux champs normandes, de plan quadrangulaire, s’organisaient de la même manière : les façades de Martainville (fig. 2, 44), Fontaine-le-Bourg (fig. 57) et Tilly (fig. 16, 58) possédaient au centre un motif vertical fort, marqué par une tourelle semi hors-œuvre sur cul-de-lampe placée au-dessus de l’entrée. Où l’architecte d’Acquigny a-t-il trouvé l’idée d’un tel parti de plan ? On peut penser aux modèles de « maisons à construire à la campagne » que donne Serlio dans ses Livres VI et VII, encore à l’état de manuscrits dans les années 155044. Acquigny ressemble fort, en effet, aux « caprices » du maître bolonais, qui développe des édifices isolés de plan en H, en croix ou octogonal. Il s’en explique pour un de ses modèles : « J’étais en train de réfléchir à la forme inusitée qui pouvait être utilisée pour faire une habitation à la campagne, laquelle serait agréable à regarder de loin : il m’est venu à l’esprit que le moulin à vent était une belle chose à voir. Pour cela, je décidais d’agencer un édifice ayant en partie cette forme45. » Nul doute que c’est dans cet état d’esprit que l’architecte d’Acquigny a conçu son édifice, en prenant à son compte une forme singulière pour l’adapter à un programme architectural local. À cette date, il n’est cependant pas le seul à suivre ce précepte de Serlio : en 1555-1556, Philibert Delorme soumet à Catherine de Médicis un projet d’édifice en forme de triangle équilatéral46. Dix ans plus tard, un brillant architecte propose au duc d’Uzès et à son épouse un plan pentagonal pour leur château de Maulnes47. Mais à ce moment, l’intérêt porté aux « formes inusitées » s’est déjà propagé chez les curieux d’architecture français grâce à la publication par Du Cerceau, en 1559, de nombreux « bâtiments étranges » ou « bâtiments à plaisir » au plan circulaire, en H, en étoile ou en croix48.
29Au reste, les recherches de Serlio et ces demeures « étranges » françaises, réalisées (Acquigny, Fleury avec sa forme en « croix d’hostel », Maulnes) ou seulement projetées, s’inscrivent dans une réflexion plus générale, à l’échelle de l’Europe, sur le thème de la petite villa ou du château de chasse de forme simple (au plan centré et symétrique, tel le plan en forme d’étoile qu’adopte la résidence de l’archiduc Ferdinand du Tyrol près de Prague) et destinée à de courts séjours, réflexion à laquelle participent de grands noms, tels Peruzzi (villa Farnésine, 1511), Vignole (villa de Caprarola, 1556) et Palladio (villa Rotonda, 156649). À ce titre, elles préfigurent les « maisons de campagne » extraordinaires de plan en V couché ou en X, que développent à une autre échelle, aux XVIIe et XVIIIe siècles, Boffrand et Briseux en France, Fischer von Erlach au palais Althan à Vienne (1690) et Filippo Juvarra au château de Stupinigi aux environs de Turin50 (1729-1731).
30À Bonnemare (vers 1560), le plan, en soi, est assez traditionnel dans la province : un corps rectangulaire allongé cantonné de pavillons. Mais on peine à le reconnaître car, de toute évidence, il forme avec les portiques sur jardin qui le flanquent un ensemble cohérent (fig. 18, 125). Celui-ci présente de fortes parentés avec plusieurs œuvres de Delorme ou qui lui sont attribuées51. La façade principale du logis, dans son état restitué, avec ses deux pavillons carrés sur portique et ses toits en carène (fig. 59), rappelle le logis de l’hôtel de Saincthon, rue Payenne à Paris52 (après 1560, fig. 126). Le plan rectangulaire allongé cantonné à chaque extrémité de deux pavillons entre lesquels prend place une petite terrasse fait penser, en moins développé, au Château Neuf de Saint-Germain-en-Laye (1557-1559, fig. 19). Si l’on prend en compte les deux longs portiques en aile de chaque côté (réalisés seulement par Henri IV, mais dont les dessins et gravures de Du Cerceau conservent selon toute apparence le projet initial de Delorme), la ressemblance entre les deux édifices est frappante, d’autant que ces portiques sont couverts par une charpente à petits-bois, qui les rapproche immanquablement de l’œuvre de Delorme53. On ne peut douter que Bonnemare fut construit suivant l’œuvre du maître à Saint-Germain-en-Laye.
L’esthétique des toits
31Encore au XVIe siècle, dans la pure tradition de la « manière française », il est de règle de couvrir chaque corps de bâtiment, chaque tour, chaque pavillon par un toit individuel. En Haute-Normandie, cette tradition se prolonge durant le siècle, excepté après l’insertion dans l’œuvre de l’escalier rampe sur rampe ou en vis : l’escalier n’est visible de l’extérieur que par les seuls décrochements des fenêtres dans la façade, comme à Beuzeville-la-Grenier, Saffray, Le Plain-Bosc et Chambray. Cela ne veut pas dire pour autant que les gentilshommes normands se soient désintéressés des effets que pouvaient produire les toits. Au contraire, très tôt, ils semblent avoir porté un intérêt particulier – et parfois singulier – à leur forme et au traitement des couvertures, autrement dit à la façon d’animer les parties hautes de la maison noble.
32Peu après 1489 semble-t-il, à Thevray, la tour-résidence de Jacques de Chambray est couverte par des toits en pavillon dont le profil en fer de hache (une courbe parfaite) semble peu usité dans le reste du royaume et contribue fortement à accentuer le volume vertical de la tour (fig. 35b, 123). Cette forme est obtenue en plaçant les arbalétriers à leurs places habituelles tandis que les poinçons auxquels ils sont assemblés sont plus longs qu’à l’accoutumée, la panne faîtière étant placée à un ou deux mètres au-dessus du point d’assemblage de ceux-ci. Mais c’est à Gaillon, dans les premières années du XVIe siècle, que ce parti esthétique prend toute sa mesure : le châtelet d’entrée, le « pavillon sur le jardin » et la chapelle se couvrent de tels toits, très étirés en hauteur, d’autant que leur sommet est animé par des épis et une crête de faîtage en plomb doré et peint (fig. 83 - reprise ci-dessus). L’auteur anonyme d’un dessin représentant le château au XVIe siècle semble avoir été subjugué par ces hautes toitures : il en a exagéré démesurément la hauteur et les motifs en plomb pour mieux rendre compte de l’effet que ceux-ci produisaient sur le spectateur54. Au même moment, entre 1498 et 1509, on adopte la même forme pour couvrir les chapelles du chœur de l’église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors55. À Tilly, vers 1535, les toits en pavillon en fer de hache, les hautes lucarnes et le grand lanternon couronnant l’escalier postérieur, très ouvragés, sont encore directement inspirés des parties hautes de Gaillon56 (fig. 16). On aurait pu croire que cette forme flamboyante, qui non seulement appuie l’effet pittoresque des hautes toitures mais qui accentue aussi la verticalité des corps de bâtiment, serait passée de mode après 1540, d’autant qu’elle nécessitait une plus grande dépense en bois et induisait de grands combles perdus. Il n’en fut rien. Au moment même où Lescot cherche au contraire à réduire les défauts des combles traditionnels en inventant le prototype du comble brisé au bâtiment neuf du Louvre57, plusieurs demeures de qualité en Normandie sont encore couvertes avec des toits en fer de hache, près de cinquante ans après Gaillon : à Mesnières (vers 1545, fig. 84), à Acquigny (1547-1557), à Bonnemare (après 1555) et à Bailleul (vers 1565, fig. 60b). Passé le milieu des années 1560, on n’en trouve plus d’exemples, sinon dans l’architecture religieuse (chœur de l’église d’Arques, 157558) et dans un rare modèle de papier d’un dessinateur anonyme de l’entourage de Jacques Androuet du Cerceau59.
33Un autre parti esthétique des toits, encore plus impressionnant, trouva un écho en Normandie plus qu’ailleurs en France. À Tilly encore, bâti entre 1528 et 1535, les deux toits en pavillon en fer de hache couvrant le bâtiment étaient isolés par une étroite terrasse que dominait la silhouette du grand lanternon de la tour d’escalier, traduisant ainsi à l’extérieur les divisions internes60 (fig. 16). Comme on l’a vu plus haut, la petite terrasse séparant les deux pavillons n’a pas de précédent en dehors de Chambord (fig. 26). Comme au château royal, toits en pavillons et toits coniques, souches de cheminées, hautes lucarnes et grand lanternon coiffant la tour d’escalier qui se dresse librement au-dessus de la terrasse confèrent à Tilly une somptueuse silhouette féerique61. Ce parti spectaculaire n’a pas connu, semble-t-il, le même succès dans le reste du domaine royal : on le voit seulement à Anet, où Philibert Delorme l’utilise pour rendre visible depuis la cour les parties hautes de la chapelle62, puis dans l’œuvre graphique de Jacques Androuet du Cerceau, qui en publie de nombreuses variantes dans ses recueils de modèles63.
34Les Normands semblent apprécier particulièrement les couvrements en terrasse. Dès la fin du XVe siècle, le pavillon d’escalier d’Ételan (vers 1494), les pavillons Notre-Dame et Saint-Romain de l’hôtel archiépiscopal de Rouen (à partir de 149564), le corps d’entrée de l’hôtel de Bourgtheroulde à Rouen (vers 1501-150665) et la galerie sur cour doublant en partie la Grand’Maison de Gaillon (vers 1507-150866) étaient couverts par des terrasses en plomb sur solives. La Normandie, il est vrai, avait l’avantage d’être à proximité du plus grand fournisseur européen de plomb, l’Angleterre, où les toits en terrasse couverts de plomb sont légion67.
35On retrouve ce parti à Fleury (1562-1570), dans un dernier développement extraordinaire (fig. 17). À l’instar de Chambord, le corps central était sommé de quatre gros pavillons isolés par des terrasses qui laissaient certainement voir le lanternon central couronnant l’escalier. Mais l’architecte de Fleury s’est livré à un jeu encore plus complexe et novateur. Au lieu de cantonner par de hauts pavillons un corps principal plus bas à la manière française, il a surélevé le corps central par un niveau d’attique et a abaissé les pavillons d’angle d’un demi-étage, créant ainsi une composition pyramidante. On ne sait pas si Fleury fut imité, mais Jacques Androuet du Cerceau donne un modèle de ce type en 1582, dans son modèle VI68. Nous avons vu plus haut d’où provenait ce parti69. L’étagement en pyramide des volumes a pour seul précédent le modèle de château royal, directement inspiré de Chambord, du Livre VI de Serlio, où un immense pavillon se dresse librement au milieu de pavillons plus petits et plus bas (fig. 48). L’architecte anonyme de Fleury a donc eu accès, directement ou indirectement, aux dessins du maître bolonais, ce qui conforte notre attribution à Baptiste Androuet du Cerceau, dont le père avait été en contact avec Serlio70.
36Le couvrement du corps de logis par une terrasse entre des toits en pavillons introduit une autre idée : les toits en pavillon signalent à l’extérieur les divisions internes, de sorte que le corps de logis, isolé, semble constitué d’un agrégat de pavillons. Ce parti, on le sait, était apparu pour la première fois à une tout autre échelle aux châteaux royaux de Madrid et de Chambord71. En Normandie, Tilly est peut-être le premier édifice à mettre en œuvre cette nouvelle conception, directement imitée à Fleury-la-Forêt. Dans les années 1540, d’autres signes évidents de l’intérêt porté à la multiplication des toits en pavillon se discernent au château de l’amiral de France à Annebault (vers 1544-154972), qui semble introduire plusieurs nouveautés dans la province : le bâtiment, un grand logis rectangulaire, comporte deux gros pavillons de part et d’autre d’un troisième, plus étroit et plus élevé, qui abrite un escalier rampe sur rampe dans-œuvre (fig. 28) ; l’ensemble est flanqué, non par les tours circulaires attendues, mais par deux pavillons carrés plus élevés que les corps principaux, qui abritent des annexes. Pour la première fois en Normandie, le pavillon d’escalier est isolé des toits voisins, qui forment des volumes indépendants, et les tours sont remplacées par des pavillons carrés, de sorte que la demeure semble constituée de multiples pavillons. Ce parti, qui n’est guère développé dans l’immédiat en Normandie, trouve des échos à La Folletière (vers 1585, fig. 86) puis seulement au XVIIe siècle, à Beaumesnil (1631-1640, fig. 127) et à Balleroy, œuvre de François Mansart (à partir de 1631), promoteur d’une formule particulièrement riche d’avenir73.
37Une autre mode eut cours en Normandie dans les années 1540-1560 : le toit en carène renversée et le toit à l’impériale, qui participent du même dessin (le profil est identique, seul le plan change74). Vers 1508, les tours d’escalier et le « pavillon estant au milieu du jardin » de Gaillon étaient couverts de « coupolettes » qui s’apparentent déjà à cette forme75 (fig. 128). S’agit-il d’une création « spontanée » ou existe-t-il des précédents ? On l’ignore76. En revanche, on sait que ces formes ont plu, car la tour d’escalier de Tilly est couverte de la même façon vers 1535 (fig. 16) et, vers 1540, au manoir de Jean Ango, les toits de la tour d’escalier et du superbe colombier qui se dresse au centre de la cour prennent une forme galbée (fig. 102, 111). Un autre élément de réponse est à chercher au manoir d’Herbouville, à Saint-Pierre-le-Vieux (Seine-Maritime), situé à quelques kilomètres seulement à l’ouest du manoir d’Ango : le logis, datable des années 1540 ou 1550, présente un corps rectangulaire couvert par un toit en carène renversée, avec une toiture d’ardoises en écailles de poisson77 (fig. 129). Le rapprochement avec Gaillon semble plus évident : on sait que plusieurs bâtiments de la magnifique résidence du légat, notamment le pavillon du jardin et la tour d’escalier, sont couverts de ce type d’ardoises taillées à partir de 150878. Le prototype archiépiscopal a donc eu une postérité et ce type de toiture commence à se répandre en Normandie dans les années 1530 : outre Tilly, on le retrouve dans les années 1550 à Beuzeville-la-Grenier et à Saffray, et vers 1580 aux Ifs, où les tours et tourelles qui flanquent le corps principal sont couvertes de « coupolettes » à ardoises en écailles de poisson (fig. 38b). Mais la province normande n’est pas seule concernée : en Angleterre, les parties hautes des tours d’escaliers de Thornbury Castle (Gloucestershire), bâti vers 1511-1521, présentent cette forme et de manière plus étonnante encore, les petits pavillons d’escalier de Longleat (Wiltshire), rebâti après un incendie dans les années 1568-1569, sont couverts par des toits en dôme taillés d’écailles de poisson en pierre79. En France, Du Cerceau dans ses Logis domestiques (avant 1550), couvre exclusivement ses bâtiments d’ardoises en écaille de poisson, bien qu’il n’utilise à aucun moment les formes en carène renversée ou à l’impériale. Dans ses recueils de modèles suivants (1559 et 1582), moins précis, il ne donne pas d’information sur les couvertures. En revanche, il dessine des toits en carène pour plusieurs modèles du recueil de Lyon et de son Livre de 158280. Du Cerceau peut donc avoir joué un rôle dans la diffusion de cette forme et dans l’emploi de ce type de couverture. Autant qu’on puisse en juger, Pierre Lescot réserve la couverture en écailles de poisson au seul château de Vallery. En revanche, Philibert Delorme, dont on s’interroge encore sur les liens avec la Normandie, en fait grand usage : les toits qu’il présente dans ses deux traités (1561 et 1567) prennent quasi systématiquement la forme en carène couverte d’ardoises en écailles de poisson, qu’il semble affectionner tout particulièrement, y compris dans son œuvre bâtie81 (fig. 130). Delorme a-t-il vu de tels toits lors de ses différents séjours en Normandie, notamment lorsqu’il était à Dieppe, à faible distance des manoirs de Varengeville et d’Herbouville, ou encore à Gaillon ? On s’interroge d’autant que cette forme semble toujours associée chez lui à la charpente à petits bois dont il se dit l’inventeur. Dans cette création, Delorme a été guidé par le souci de trouver une solution à des problèmes distributifs (rendre les combles plus habitables), structurels (couvrir des bâtiments d’une plus grande portée) et économiques (pallier la pénurie de bois). Si à Gaillon et au manoir d’Ango, il ne peut s’agir que d’un parti esthétique, à Herbouville, l’emploi d’un toit en carène, certes porté par une charpente traditionnelle, suppose une certaine économie de grands bois et rend les combles habitables en les débarrassant des pièces de charpente qui, habituellement, les encombrent. Herbouville témoigne des recherches en cours en Normandie pour résoudre ces problèmes. On ne sait si Delorme avait vu Herbouville, mais les solutions qu’il apporte trouvent un terrain favorable en Normandie : un édifice témoigne de l’utilisation, du vivant de Delorme, de la charpente à petits bois dans la province. Bonnemare, bâti pour le maître des requêtes et commissaire du roi Nicolas Le Conte, présente en effet des toits en carène portés par une remarquable charpente à petits bois qui vient d’être datée par des analyses dendrochronologiques de l’hiver 1560-156182 (fig. 131). Mais la technique semble avoir fait long feu : si le parti de Bonnemare se retrouve en 1620 à La Petite Heuze83, on ne trouve plus d’exemple de ce type de charpente avant la fin du XVIIIe siècle84. Néanmoins, forme et technique ne sont pas nécessairement liées : la forme en carène renversée, encore employée dans la province avec une charpente traditionnelle à Beaumesnil (pavillon d’escalier, fig. 127), a si bien proliféré en Normandie que les Anglais la tenaient pour un topique de l’architecture française85.
38Si les architectes normands restent fidèles aux techniques traditionnelles et aux combles élevés soulignant les volumes, ils continuent d’employer en même temps des combles aux profils animés parce qu’ils cherchent des effets de contraste et de gradation : à Bailleul (vers 1565), aux Ifs (vers 1580-1590), à La Folletière (vers 1580-1590) et à Beaumesnil (1631-1640), les combles des corps principaux sont à pentes droites tandis que les toits des tours ou des pavillons sont en fer de hache (Bailleul), à l’impériale (Les Ifs, La Folletière, Beaumesnil) ou en dôme (Bailleul). C’est déjà dans cet esprit que l’architecte de Tilly (1528-1535) et celui d’Acquigny (1547-1557) multiplient les formes de toits, pour créer un effet de gradation contrasté, en trois temps : à Tilly, toit en poivrière des tours qui cantonnent la façade antérieure, en pavillons en fer de hache du corps central et en « coupolette » de la tour d’escalier et son lanternon visibles derrière, au-dessus de la composition (fig. 16) ; à Acquigny, petit toit en dôme pour la tourelle sur trompe centrale, toits à pentes droites pour les corps principaux et toits étirés en fer de hache pour les pavillons postérieurs (fig. 30). Ils jouent aussi sur les différents types de couvertures : plomb ou ardoises en écailles de poisson pour les toits en dôme (à godrons à Acquigny), ardoises rectangulaires pour les corps principaux. Mais l’architecte d’Acquigny emploie aussi des noues pour relier les toitures des deux corps principaux disposés en équerre, formule destinée à un succès extraordinaire au XVIIe siècle86.
39D’une manière plus anecdotique peut-être, enfin, on trouve en Normandie, exclusivement dans le pays de Bray, le terroir le plus au nord de la province, un autre type de toit : le toit en bâtière à pignons en pas de moineau, que l’on trouve au Flot, à Archelles, à Montebourg à Ouville-l’abbaye, à la maison du bailliage à Arques, à Auppegard, à Thierceville à Bazincourt-sur-Epte (fig. 132). Ce type de toit apporte à ces édifices une silhouette nordique que ne dément pas leur analyse : comme beaucoup de demeures aux champs des anciens Pays-Bas méridionaux, les murs pignons de ces logis sont raidis par un ou plusieurs tirants métalliques ancrés87.
Le logis plus ouvert : volonté récréative et nouveautés techniques
Comme celuy qui voit du haut d’une fenestre
Alentour de ses yeux un paisage champestre,
D’assiette different, de forme et de façon,
Icy une riviere, un roché, un buisson
Se presente à ses yeux, et là s’y represente
Un tertre, une prerie, un taillis, une sente,
Un verger, une vigne, un jardin bien dressé, […].
Pierre de Ronsard, « Élégie à Louis des Masures », Les Amours, Lm. X, 155288.
40La volonté d’ouvrir la maison noble sur l’extérieur, qui participe à l’intérêt naturel dans une demeure aux champs porté par les habitants au jardin et au paysage, a eu des conséquences capitales sur son architecture au cours du XVIe siècle. Nous verrons plus loin que ce désir a eu de grandes répercussions sur le jardin qui borde directement ou tend désormais à environner le logis, mais aussi sur le logis lui-même, dont l’accès permet de se rendre aisément au jardin89. Ce phénomène a aussi généré des innovations techniques qui touchent à la fois la maçonnerie, la menuiserie et le vitrage, et ont permis d’ouvrir plus largement les pièces sur l’extérieur.
41Pour comprendre ce changement, il faut d’abord avoir une idée claire de la situation précédente. Sans vouloir remonter trop loin, rappelons qu’une nette progression s’observe dès le XIVe siècle dans l’évolution de la fenêtre et du verre à vitrage. Le remplacement de la baie géminée par le meneau et les traverses en pierre, qui divisent la croisée (et lui donnent son nom90), a l’avantage de permettre un compartimentage des modes de clôture. Ce glissement d’un type à un autre semble aller de pair avec l’usage du verre blanc qui se généralise dans les demeures de qualité, civiles ou publiques, comme les résidences royales ou princières et l’hôtel de ville ou le Clos des Galées à Rouen91. Un nouvel essor intervient dans la seconde moitié du XVe siècle, qui concerne cette fois les maisons urbaines et les manoirs ruraux : la partie haute de la fenêtre est vitrée tandis que la partie basse est fermée par des volets, des claires-voies, du papier ou de la toile huilés. Le manoir du Hérault (vers 1500) possède encore de telles croisées et demi-croisées munies de leurs volets intérieurs coulissants (fig. 133). Ce n’est qu’à partir du début du XVIe siècle que la partie basse de la fenêtre, mobile, est vitrée : la fenêtre est désormais pourvue d’une croisée à quatre ou six guichets ouvrants, tous vitrés et dotés chacun d’un volet intérieur. Le logis des Rocques, à Villequier (vers 1525), en conserve un très bel exemple, où les claires-voies (maintenant remontées dans une porte) sont ornées de superbes motifs de candélabres (fig. 134). Cette évolution s’accompagne d’une transformation des ferrures et surtout de la menuiserie. Les travaux du Centre de recherche des Monuments historiques ont bien montré les progrès intervenus au XVIe siècle dans la constitution du châssis, marqués d’abord par une amélioration des raccordements destinée à accroître l’étanchéité, puis par l’apparition du châssis dormant92. Dans le même temps, le châssis ouvrant est renforcé pour porter un verre, plus lourd que le papier ou la toile, garni de plomb et de vergettes de fer. Un net changement intervient aussi dans la façon de construire la maison noble : la fenêtre est désormais plus largement ouverte en hauteur, celle-ci s’élevant jusqu’au plafond à l’intérieur, comme à Ételan, à Martainville ou à Beuzevillela-Guérard pour ne citer que des exemples de la fin du XVe siècle.
42Mais un changement plus important encore intervient à partir du début des années 1540 en Haute-Normandie, province qui semble avoir été le théâtre d’innovations techniques et morphologiques décisives. Le premier signe de ce changement se voit au manoir du célèbre Jean Ango. Par un heureux hasard, la fenêtre concernée se trouve parfaitement datée par le millésime « 1542 » gravé sur l’un des pilastres qui l’encadrent : peut-être pour la première fois dans la province – si ce n’est en France –, la grande fenêtre en pierre est munie de traverses en bois93 (fig. 80). L’explication de cette innovation, qui touche à la fois l’encadrement maçonné et la menuiserie de la fenêtre, doit tenir au fait qu’au manoir d’Ango, les pièces s’éclairent uniquement sur la cour, le mur gouttereau extérieur étant aveugle pour des raisons de défense (fig. 99). Il est donc évident que c’est ici la recherche d’un meilleur éclairage des pièces qui a pesé sur l’apparition de ce type de fenêtres. L’exemple n’est cependant pas isolé en Normandie. Les fenêtres à traverses de bois se répandent très rapidement, dès 1546-1550 à Longuelune, où toutes les grandes fenêtres qui donnent sur la cour sont dépourvues de traverses de pierre (fig. 135), à Mentheville à la fin du siècle et surtout à Bailleul (vers 1565), où les nombreuses fenêtres ouvrent sur le jardin étendu sur trois côtés de la demeure (fig. 60).
43Poussées plus avant, les mêmes recherches techniques visent à substituer le croisillon en bois au croisillon en pierre, sans qu’on puisse préciser leur origine, tant les innovations se généralisent rapidement94. Les premiers exemples documentés dans ce domaine concernent Paris – mais d’autres situés ailleurs ont pu échapper aux chercheurs. Guy-Michel Leproux a récemment retrouvé plusieurs textes qui attestent ce remplacement, d’abord, semble-t-il, en 1548 dans une maison de la rue du Foin, puis, plus sûrement, en 1558 au Louvre rebâti pour Henri II95. Au même moment, un hôtel du Mans construit pour Jean de Vignolles, un petit officier du roi, présente de grandes fenêtres démunies de croisillons en pierre96. En Normandie, c’est au petit manoir du Flot, à Bully, bâti pour un riche marchand rouennais, daté précisément de 1560, que le croisillon en pierre entier est remplacé, peut-être pour la première fois, par un croisillon en bois (fig. 132). Cette innovation ne concerne pas seulement la menuiserie (le châssis dormant est assemblé à la croisée en bois), mais elle touche également à la maçonnerie : la plate-bande, en pierre (façade sur cour) ou en brique (côtés est et ouest), est désormais constituée de claveaux réguliers qui permettent un parfait report des charges de la maçonnerie sur les côtés. Le meneau, qui porte habituellement le linteau ou la platebande, n’est donc plus nécessaire. La nouveauté du petit logis normand tient également à l’emplacement des percements : les murs pignons de la demeure s’ouvrent par de grandes fenêtres sur l’extérieur. Bien sûr, le plan massé commandait en partie cette disposition (fig. 100). Il est aussi vraisemblable que l’implantation du jardin sur le côté du logis ait poussé à percer de grandes fenêtres ouvertes sur les parterres – ce qui n’est recevable que pour l’un des murs pignons. J’ajoute que cette nouveauté est rendue possible par une tradition normande : à l’intérieur, le lit n’est pas adossé au mur pignon portant la cheminée comme il est habituel ailleurs en France au XVIe siècle, mais face à lui, ce qui offre la possibilité de percer les murs de chaque côté de la cheminée97. Comment expliquer l’apparition de telles nouveautés dans un logis si modeste, si isolé ? Une première explication doit tenir à sa localisation dans la paroisse de Bully, site de l’une des plus anciennes verreries normandes, celle du Lihut. De plus, la qualité de verre blanc obtenue à cette époque par les verreries normandes fait que, dès les années 1540, à Paris notamment, le verre normand, appelé « de France », s’impose pour les constructions de prestige98. C’est le cas au Louvre, comme à la maison mancelle de Jean de Vignolles. Il convient donc de mettre en parallèle l’apparition de la croisée en bois et les progrès techniques dans l’art du verre, qui, comme l’a montré Jean-François Belhoste, tend à gagner en finesse et en translucidité.
44Si l’origine des innovations est encore hypothétique, on peut cependant dresser à grands traits l’histoire de leur réception dans la province et dans le reste du royaume. Peu après, chacune des quatre façades de Fleury-la-Forêt (1562-1570) est largement ouverte par des fenêtres monumentales (2,75 × 1,57 mètres) équipées de châssis dormant à double croisillon en bois – elles ouvraient sur les parterres du jardin et de la cour qui environnaient le logis de tous côtés (fig. 17, 40). Plus encore qu’au Flot, on a su tirer parti de l’innovation : les fenêtres présentent des proportions très élancées, inconnues jusqu’alors dans les maisons nobles normandes. Est-ce là encore pure coïncidence si Fleury est situé dans la forêt royale de Lyons en bordure de laquelle sont établies les verreries de La Haye, de La Croix-des-Mallets et de Martagny ? et si Pierre de Courcol, le commanditaire de Fleury, approvisionna le chantier du château de Montargis d’une « grande quantité de voirre » pour Renée de France99 ? Les maîtres verriers des forêts de Lyons et d’Eawy devaient participer aux mêmes recherches tendant à laisser passer le maximum de lumière tout en permettant de regarder à l’extérieur100. Mais là encore, et pour couper court à toute recherche un peu vaine de l’origine de la formule, les inventions techniques vues à Fleury se retrouvent au même moment aux Tuileries (peu après 1564), dont les fenêtres sont à double croisillon en bois (fig. 136), peut-être à l’aile de la Belle-Cheminée de Fontainebleau (1565) et à Maulnes101 (après 1566). En Normandie – ce n’est sans doute pas fortuit –, la plupart des édifices nobles dont les fenêtres sont munies de croisées en bois se trouvent dans le pays de Bray où sont localisées les verreries. Ainsi, le logis des Brûlins, bâti dans les années 1570, est situé dans un territoire essarté de la forêt de Lyons – ainsi que dans le voisinage de Fleury et des verreries déjà citées102. L’observation vaut aussi pour Archelles (après 1567), Ernemont-sur-Buchy (vers 1590) et La Valouine (vers 1592-1602, fig. 13d), tous situés dans le pays de Bray. L’innovation se répand assez rapidement en dehors de cette zone : au logis de Limeux (vers 1562-1570), à Brécourt (après 1577), à Bourdenis (1580), à La Pommeraye (vers 1587-1588), à La Folletière (vers 1585) et à Jouveaux (vers 1590). Le recueil de modèles pour « bastir aux champs » de Du Cerceau publié à Paris en 1582 témoigne, enfin, que ce type de fenêtres connaît désormais une diffusion nationale :
A chacun estage y a quatorze croisees, qui […] ne seront que fenestres sans mesneau : les chassis y posez feront les croisees de paneaux.103
45Il faut cependant relativiser le succès de la formule, dans la mesure où d’autres maisons nobles haut-normandes, bâties au cours de la période, n’en présentent pas, comme Chambray (vers 1578-1585), Mesnil-Jourdain (après 1580) et Senneville (vers 1580). D’ailleurs, ce phénomène n’est pas propre à la Normandie : à Paris et dans le reste du royaume, le meneau en bois ne supplante définitivement le meneau en pierre qu’au début du XVIIe siècle104.
46Comme on l’a vu au Flot, l’innovation tient aussi au percement des murs pignons par de grandes fenêtres : la salle et les chambres sont ainsi généreusement éclairées chacune par trois fenêtres. Par la suite, il devient plus courant d’ouvrir les petits côtés de la maison par de larges baies percées de chaque côté de la cheminée : il en est ainsi à La Folletière (vers 1585) et plus tard au Val d’Arques (vers 1630-1635), où les salles s’éclairent par six grandes fenêtres. Fait significatif, l’innovation apparaît là où la maison noble est isolée dans un paysage de fond de vallée (La Folletière) ou là où le jardin s’étend autour de la maison (Fleury, Le Val d’Arques).
47L’intérêt marqué pour le jardin et le paysage portait naturellement les gentilshommes normands à ouvrir leur demeure en tous sens. Mais un gentilhomme bas-normand, Antoine Garaby de La Luzerne, atteste aussi qu’un autre usage était attaché à ces fenêtres, plus grandes et plus nombreuses, et s’en amuse :
Il [Jacques Moisant de Brieux] a ce que cherchoit ce Magistrat antique
Qui, pour se faire voir jusqu’en son domestique
Vouloit que sa maison fist jour de toute part.105
48Les immenses baies étaient donc autant pour voir que pour « le plaisir d’estre veu ». Plus nombreuses, elles offraient ainsi la possibilité aux habitants de la maison – le seigneur et sa famille –, probablement vêtus de leurs plus beaux atours, de se mettre en scène de manière luxueuse et de se donner en spectacle aux personnes se promenant dans les allées des jardins. Au sens propre comme au figuré, elles étaient le cadre de la représentation sociale nobiliaire.
Maisons plates, de plaisance ou « en forme de châteaux » et « petit château »
Martainville, qui est un quart de fief logé d’une grande maison en forme de chasteau.
Lots et partages des biens de Jacques II Le Pelletier, 2 juin 1545106.
Le chef-mois [de La Valouine] est logé et basty d’ung petit chasteau.
Aveu rendu au roi par Florestan de Ricarville, 15 janvier 1602107.
49Contrairement à d’autres provinces de France, la grande majorité des demeures nobles de Haute-Normandie sont, on l’a dit, des « maisons plates », non fossoyées, pourvues de faibles ouvrages défensifs lorsqu’elles en possèdent. Seule l’indispensable tour d’escalier, parfois augmentée d’une petite construction annexe pour loger les latrines, flanque le corps, comme à Anquetierville et Beuzeville-la-Guérard au XVe siècle ou Mentheville à la toute fin du siècle suivant. Il faut monter de plusieurs échelons dans la hiérarchie sociale du propriétaire et dans le statut des fiefs pour trouver des éléments défensifs : plate-forme fossoyée ou simple fossé, tours munies de meurtrières pour armes à feu légères. Ainsi, les « maisons » de baronnies et plein-fiefs de haubert, parfois appelées « châteaux », sont généralement accompagnées de douves et de pont-levis (Fontaine-le-Bourg, Clères, Acquigny, etc.), car ces éléments de fortification sont soumis à une permission royale108. Cette belle classification, de la petite maison plate au château, reste d’une manière générale de rigueur jusqu’à la fin du XVI e siècle. Cependant, comme je l’ai montré ailleurs, le désir de certains seigneurs résidant en ville, essentiellement des notables de Rouen, de vivre autrement à la campagne a contribué dès la seconde moitié du XVe siècle à brouiller la hiérarchie109.
50À ce moment, en effet – mais peut-être était-ce déjà le cas avant –, la maison aux champs n’est pas nécessairement chargée des références aristocratiques usuelles. De manière étonnante, ce phénomène touche la demeure de nombreux nouveaux venus dans la noblesse (alors qu’on aurait pu croire que, plus que ceux d’ancienne extraction, ils auraient eu à cœur de donner à leur logis un aspect nobiliaire marqué) : de Guillaume Picard, général des finances de Normandie, qui fait bâtir en 1468 la maison plate d’Ételan (un plein-fief) dépourvue de tout ouvrage défensif, réel ou fictif110, au munitionnaire de l’armée royale Robert de Varennes, qui fait construire Longuelune à partir de 1546, en passant par le marinier Pierre Busquet, enrichi semble-t-il dans la guerre de course, qui fait dresser vers 1525 la « maison blanche » des Rocques en bord de Seine – une maison disposée sur une terrasse naturelle qui n’ouvre que sur le fleuve et les jardins (fig. 42b) –, les exemples sont nombreux. Cette image, contraire à celle du château, s’explique par la volonté de leurs commanditaires de posséder, à faible distance de Rouen où ils vivaient, une résidence agréable, offrant des vues sur le paysage alentour. Le programme est celui d’une villa et la forme – qui ne tient en rien du château – est celle d’une maison « de plaisance ». D’une certaine manière, ce ne serait donc pas le château qui ferait le noble en Haute-Normandie, mais le statut de la terre qui donne son titre au propriétaire (baron, châtelain, seigneur, etc.) et le mode de vie de celui-ci qui suffit à montrer son appartenance au second ordre.
51Au même moment, à l’inverse, la « maison » de Martainville, simple quart de fief, prend une « forme de chasteau » : Jacques Le Pelletier, riche armateur et conseiller échevin de Rouen où il réside, fait dresser un logis de plan massé, cantonné de grosses tours et bordé par un fossé, dans la volonté évidente de rappeler les tours maîtresses médiévales (fig. 2). Comme les hommes du XVIe siècle qui assurément n’étaient pas dupes, il ne faut en effet pas s’y tromper : exception faite des meurtrières et des murs faits pour résister à des « larrons », cet appareil militaire n’a de valeur que symbolique. D’ailleurs, pour le reste, Martainville est résolument tourné vers l’agrément : son vaste jardin est aisément accessible par une porte ménagée au pied de la tour d’escalier. En outre, s’il est peut-être le premier exemple en Normandie de l’emploi d’un dispositif défensif sans efficacité réelle, la formule est promise à un bel avenir. Ainsi, les logis de plan massé de Bailleul et de Fleury calqués sur celui de Martainville quelque soixante ans plus tard, sont cantonnés de pavillons carrés sur soubassement bastionné (fig. 49). Bien mieux, ces pseudo-bastions sont munis sur l’angle de petits piédestaux évoquant les guérites des fortifications modernes : les formes militaires fictives évoluent au même rythme que les formes réelles, même si elles relèvent du principe posé à Martainville.
52Martainville semble être le premier jalon d’une série à redécouvrir, qui touche aussi bien de simples seigneuries que des plein-fiefs et des baronnies : Fontaine-le-Bourg, Tilly, Acquigny, Bailleul, Fleury en sont d’autres jalons. Bâti sur une plate-forme fossoyée, Acquigny s’affirme comme un château, même si les fossés sont sans doute autant pour l’ornement que pour la défense (fig. 29, 30). Le logis, isolé sur cette plate-forme aménagée en jardin, apparaît en revanche comme une maison plate, sans caractère militaire, ce qui montre que le glissement d’une typologie à une autre ne tient plus désormais qu’au fossé, à quelques éléments de défense ou à la présence de pavillons d’angle. Philibert Delorme en a d’ailleurs parfaitement conscience lorsqu’il propose dans son traité une variation de la maison de plaisance de Saint-Maur-des-Fossés : il lui suffit d’ajouter « quatre pavillons sur les quatre coings » pour qu’elle soit « en forme de chasteau111 ». Acquigny est le siège d’une baronnie, signe que, dès ces années, « le château commence à flirter avec la maison de plaisance112 ». De plan savant, ouverts de plusieurs côtés sur les jardins et d’une architecture soignée, Acquigny, Bailleul, Fleury préfigurent, on l’a dit, les maisons de plaisance des siècles suivants.
LES FAÇADES
53Il peut sans doute paraître inutile de s’interroger sur la composition des façades de 1450 à 1598, tant le sujet, amplement discuté, semble désormais aller de soi : le langage architectural flamboyant domine jusqu’aux années 1505-1510, puis, à partir de ce moment, les architectes assimilent le vocabulaire de la Renaissance et mettent au point des ordonnances qui régissent toutes les compositions jusqu’à l’autre rupture, celle des années 1630-1640113. Cependant, à y regarder de plus près, on observe que si les motifs employés se retrouvent ailleurs en France, les façades de Normandie ne ressemblent pas tout à fait aux façades de l’Île-de-France ou du Val de Loire. Comment expliquer cette dissemblance ?
54Comme l’a démontré Jean Guillaume en partant d’une proposition de Serlio dessinée et commentée dans le Livre IV, il y a des « ornamenti » que l’on peut emprunter à une autre culture et « il costume », la manière, qui est propre à un milieu114. Par conséquent, cette « grille d’analyse permet seule de comprendre ce qui s’est passé en France à condition d’identifier ces habitudes d’une façon moins superficielle que Serlio115 ». Au cas particulier, cette méthode analytique peut être appliquée pour chaque milieu ou chaque région. Il faut regarder de plus près qu’on ne l’a fait jusqu’ici les formes créées et observer de loin, dans la longue durée, les « préférences formelles » du milieu normand qui ont conditionné l’assimilation et la création de nouveaux motifs.
Le goût des fortes articulations plastiques et des grandes surfaces murales
55Pour comprendre les particularités de l’articulation des façades normandes, il est important d’avoir une idée claire, non seulement de ce qui se fait dans le reste du domaine royal, mais aussi de ce qui précède.
56En France – je résume ici l’analyse éclairante de Jean Guillaume116 –, la façade des édifices civils de la seconde moitié du XVe siècle est généralement animée par le jeu des travées verticales des fenêtres plus que par leur rythme. Ainsi les fenêtres superposées sont-elles liées entre elles par des pilastres, de section carrée ou triangulaire (dans le cas de l’architecture flamboyante), placés de chaque côté et qui montent du pied de la façade jusque sous la corniche qui la couronne. Ces lignes de composition verticales restent plus marquées que les moulures horizontales, à la fois parce qu’elles sont plus saillantes et parce qu’elles les traversent. Il s’agit d’un véritable système décoratif, car ces membres architecturaux très fins ne donnent pas l’illusion d’être porteurs et, précisément, ils n’ont pas toujours de rapport avec la structure du bâtiment. Ce système connaît quelques variantes selon les régions et l’époque : les allèges lient parfois les fenêtres entre elles, tandis qu’ailleurs on double le larmier marquant les niveaux par un corps de moulures horizontales placé au niveau de l’appui des fenêtres et les reliant les unes aux autres. Comme l’a remarqué Jean Guillaume, les Français voient dans la façade une paroi continue, homogène, animée (et non structurée) par des membres en léger relief. Cette conception est à l’opposé de l’ordonnance italienne, qui voit la façade comme une structure, avec ses éléments porteurs (les ordres) et son remplissage (le mur). Le système français était prêt à accueillir le nouveau langage architectural venu d’Italie, mais seulement comme un « enrichissement » : le vocabulaire change radicalement, mais la syntaxe reste la même.
57En Haute-Normandie, deux manières d’organiser les façades semblent avoir coexisté. La première consiste à agencer les façades par des contreforts placés en fonction de la structure interne du bâtiment, c’est-à-dire au droit des murs de refend et des poutres maîtresses qui portent les planchers pour les contrebuter117. Ces membres architecturaux sont épais, tectoniques, au contraire des fins pilastres de la manière française. En cela, cette manière que je qualifierais volontiers de normande si son aire géographique était limitée à la Normandie118, est à l’imitation des formes de l’architecture religieuse. Cependant, les fenêtres percées dans le mur, moins larges que celles des églises, ne sont pas directement flanquées par les contreforts et ne sont pas forcément superposées : la travée de fenêtres n’est pas toujours employée en Normandie. De nombreuses petites demeures nobles du XIIIe au XVe siècle présentent des façades structurées (et non animées) de cette manière : les logis de Boos, de Betteville, de Chauvincourt et de Beuvreuil à Dampierre-en-Bray, pour ne citer qu’eux (fig. 31, 137). À Gaillon (1454-1463), le logis du château créé par Nicolas Duval pour l’archevêque Guillaume d’Estouteville, appelé « paveillon » dans les textes et que figure en plan le projet des travaux de Georges d’Amboise dit « plan de Poitiers » (vers 1498), possède encore une façade structurée par de petits contreforts de section carrée placés en fonction des divisions internes119 (fig. 45). Le palais du Neuf-Marché à Rouen (1498-1508), construit pour abriter l’Échiquier permanent de Normandie, est encore organisé de cette façon (fig. 138). Mais, dans ce cas, l’architecte a adopté ce système peut-être moins pour suivre une tradition constructive que pour marquer une continuité : il reprend la structure et la forme générale de la salle de l’Échiquier du duché de Normandie construite à Caen au XIIe siècle.
58Ce système structurel connaît une inflexion à la fin du XVe siècle, qui tient sans doute à une évolution de l’art de bâtir, mais aussi à un nouveau parti pris esthétique : la volonté d’introduire dans la façade la travée de fenêtres. À l’intérieur, les poutres, moins épaisses qu’autrefois, sont multipliées et disposées de chaque côté des fenêtres. À l’extérieur, les fenêtres sont percées les unes au-dessus des autres, dans une succession verticale – la travée. Dans cette logique, les contreforts, de section alternativement carrée et triangulaire, s’ils tendent à être moins épais qu’autrefois, conservent néanmoins des proportions plus importantes que celles de simples pilastres : leur saillie par rapport au nu du mur est supérieure à 30 centimètres. Ainsi, à la manière normande, les petits contreforts contrebutent toujours les poutres, tandis qu’à la manière française, la succession verticale des baies est mise en valeur puisque les fenêtres sont désormais directement encadrées par les contreforts. La façade gagne ainsi en régularité, tout en conservant la forte articulation plastique des édifices antérieurs. Déjà, en 1460, aux façades de la salle des États de l’archevêché de Rouen, Nicolas Duval avait resserré le rythme des petits contreforts (sans doute pour des raisons structurelles tenant aux grandes dimensions de la pièce), de sorte que les contreforts sont placés de chaque côté des fenêtres (fig. 7). Ce système ne réapparaît qu’à l’extrême fin du XVe siècle, encore à l’archevêché de Rouen (1495), puis dans une série d’édifices des premières années du XVIe siècle : l’hôtel de Bourgtheroulde (1501-1506, fig. 8) et le logis abbatial de Saint-Ouen à Rouen (1502-1504, fig. 82), la maison dite de « Pierre Delorme » à Gaillon (1508), le château de Dangu (vers 1500), la « grande maison » de Radeval aux Andelys (vers 1510-1515). À la Grand’Maison de Gaillon, si les contreforts portent sur un culot placé à mi-hauteur du rez-de-chaussée, l’effet général de la façade reste le même. À l’hôtel des généraux des finances à Rouen (1508-1511), les contreforts sont remplacés par des pilastres, mais ceux-ci sont plus saillants que les pilastres habituels et le décor qui orne leur fût n’est pas, comme on l’attend, un fin candélabre sculpté en faible relief : le candélabre est composé d’éléments très saillants, qui semblent « s’échapper de leur cadre120 ». De fait, le dessinateur du Livre des Fontaines, lorsqu’il figure l’hôtel, retient tout particulièrement les forts effets plastiques de la façade qui la structurent : il dessine de petits contreforts à la place des pilastres. On observera que le nouveau système n’est utilisé désormais que dans les bâtiments du pouvoir dans la province et les grandes demeures, hôtels particuliers, résidences ecclésiastiques urbaines et châteaux, alors que les petites et moyennes maisons nobles à la campagne en sont dépourvues. Enfin, on observera également, au regard de ce qui précède, l’extrême nouveauté que dut représenter en Normandie le pavillon d’entrée de Gaillon (1508), qui offre le premier exemple clair d’un quadrillage, à la fois français et à l’antique : des pilastres et des bandeaux horizontaux continus animent les façades121 (fig. 139).
59La seconde manière est, pour ainsi dire, à l’opposé de la première. La façade, entièrement dégagée d’éléments porteurs ou de contrebutements verticaux en saillie, est presque nue : elle est seulement animée par les cordons de moulure horizontaux (les larmiers et la corniche) et par les moulures d’ébrasement des baies. La façade, très sobre, presque austère, s’organise uniquement par ses niveaux clairement différenciés. L’attention du spectateur est retenue par l’importante surface murale, sans scansion hormis les cordons horizontaux, et, au contraire, par les (rares) éléments de décor, aux fenêtres, aux lucarnes (lorsque le logis en est doté) et à la porte. Les plus anciens exemples de ce type remontent au XIIIe ou au XIVe siècle, mais ils sont rares : ce sont les manoirs de Honguemare-Guenouville, dans l’Eure, et La Vigne, en Seine-Maritime (fig. 122b). En revanche, ils sont nombreux dans la seconde moitié du XVe siècle : Ételan, Beuzeville-la-Grenier (logis primitif), Perriers-sur-Andelle, Fontaine-le-Bourg (logis primitif), Beuzevillela-Guérard, Martainville (premier état), ainsi que l’aile Dunois de Châteaudun bâtie par le Normand Nicolas Duval (fig. 140). À la différence de la première manière, la seconde a connu un réel succès pendant tout le XVIe siècle dans les maisons campagnardes des petits et moyens gentilshommes haut-normands122. On voit plusieurs raisons à ce phénomène. Bien sûr, le coût modique de la mise en œuvre explique sans doute que des gentilshommes aux revenus modestes aient choisi ce parti dès le XVe siècle, mais dans la mesure où il fut également adopté pour des édifices de qualité, on doit y voir une autre explication : la préférence de certains gentilshommes pour le rythme marqué des niveaux et, surtout, pour les grandes surfaces murales, qui, dès la seconde moitié du XVe siècle, commencent à être animées par le jeu des matériaux qui les composent. On l’a vu plus haut, dans les années 1470-1480, les murs sont composés d’assises alternées de briques et de pierres non saillantes, qui renforcent l’accent horizontal marqué par les larmiers et la corniche123. Un peu plus tard, l’apparition du mur de brique à parties vives en pierre accroît encore l’intérêt pour les grandes surfaces murales : les larmiers, en pierre, se distinguent clairement sur le fond rouge-orangé de la brique, généralement décoré de motifs en brique surcuite ou à glaçure (fig. 81). Cet intérêt marqué pour la surface murale animée, l’accent horizontal des façades et les contrastes de couleurs des matériaux devait être de grande conséquence pour la suite.
60Comme dans la manière précédente, une inflexion se remarque à la fin du XVe siècle. La nouveauté réside dans le traitement des lucarnes. Lorsque la maison noble en possède (pour les demeures les plus relevées), les lucarnes en pierre sont désormais accostées de pilastres et présentent un décor de pinacles, de crochets et de choux frisés. C’est le cas à Fontaine-le-Bourg (logis primitif, fig. 85), à Martainville (fig. 2), à Ételan (après les modifications de Louis Picard vers 1494, fig. 32b), à Clères, mais aussi à Châteaudun dès les années 1460. Les lucarnes de pierre ouvragées qui se détachent sur les grands toits d’ardoises surmontés d’épis de faîtage accentuent le flamboiement des parties hautes et couronnent une façade austère : le contraste est saisissant. Il faut sans doute aussi mettre en relation certains de ces édifices de plus grande qualité pour le traitement particulier de l’escalier, ou, plus exactement, de l’entrée du logis. À Châteaudun comme à Ételan, la cage de l’escalier est d’une forme inhabituelle, largement ouverte sur la cour ; surtout, l’élévation de la cage est structurée par des contreforts surmontés de pinacles qui encadrent les ouvertures, suivant la première manière normande décrite plus haut. Autrement dit, les lignes horizontales qui animent la façade sont interrompues par les verticales, très accentuées, de la cage de l’escalier, ce qui a pour effet d’opposer clairement sa verticalité au reste de la façade. Cet effet est d’autant plus manifeste qu’il est accompagné par un traitement différencié des deux parties : la façade, sans décor ou presque, et l’élévation de la cage, ornée de réseaux flamboyants aveugles et à jour. On ne sait pas où Nicolas Duval a trouvé l’idée du traitement de l’escalier de Châteaudun qui a peut-être inspiré l’architecte d’Ételan, et trouve un écho à Martainville, vers 1500.
61Construit vers 1495 pour Jacques Le Pelletier, Martainville présentait certainement avant l’intervention de 1500 une façade continue, animée seulement par des larmiers et les ébrasements moulurés des fenêtres ; l’escalier était rejeté en façade arrière et l’entrée se faisait au centre de la façade principale directement par une porte, qui ne devait être ni très grande ni très ornée. Le fait que l’escalier de Martainville était rejeté à l’arrière a certainement aidé l’architecte de Jacques Le Pelletier en charge des travaux à imaginer une solution nouvelle. Son idée était, comme à Châteaudun, de souligner en façade l’accès au logis, si ce n’est que l’architecte ne disposait pas du volume vertical de la cage d’escalier. Aussi a-t-il joué avec un autre élément : le chevet d’une chapelle qu’il a placé au-dessus de l’entrée sur un cul-de-lampe légèrement saillant, disposition que l’on rencontre dans bon nombre d’édifices antérieurs, Mehun-sur-Yèvre et l’hôtel de Jacques Cœur pour ne citer qu’eux124 (fig. 2). En outre, pour accentuer le mouvement ascendant et sans doute aussi pour une raison pratique, il a eu l’idée de placer au-dessus du chevet une tourelle abritant l’escalier secondaire qui dessert une chambre haute et les deux niveaux de comble. Ces choix l’ont conduit à inventer une nouvelle composition qui introduit un puissant motif vertical au centre d’une façade organisée par étage. La tourelle d’escalier, plus haute et dont le traitement rappelle le couronnement des tours d’angle, forme avec celles-ci une sorte de motif pyramidant emboîté dans la composition principale, composition qui eut un succès immédiat et prolongé dans la province : elle a plus ou moins directement inspiré Fontaine-le-Bourg (vers 1512), Tilly (vers 1528-1535, fig. 16), Acquigny (vers 1555, fig. 30) et encore Bailleul (vers 1565, fig. 60b).
62Ainsi, en Normandie, il existe au début du XVIe siècle deux systèmes de façade, opposés mais cohérents, qui vont déterminer le mode d’utilisation des formes nouvelles venues d’Italie ou inventées dans les grands chantiers royaux et princiers contemporains. A priori, tous deux peuvent s’accorder assez aisément avec les élévations à ordres superposés : la première manière, parce que la façade est structurée par des éléments tectoniques, la seconde, parce que les niveaux sont clairement différenciés. Néanmoins, par d’autres aspects, l’un comme l’autre s’opposent inconditionnellement à l’adoption des ordres : dans la première manière, les lignes horizontales, à peine exprimées, ne peuvent servir de structure d’accueil à l’entablement, tandis que dans la deuxième, le mur nu, perçu comme une surface continue, n’offre aucune possibilité pour l’insertion des supports. Ce paradoxe explique la diversité des formules d’abord adoptées puis, dans un second temps, l’émergence de deux formules nouvelles, qui connaîtront une fortune extraordinaire dans la province.
La façade mise en ordres
63Le château de Mesnières (vers 1545) offre peut-être le premier exemple en Haute-Normandie d’une utilisation claire des ordres à l’échelle d’une façade. Mais avant de l’analyser, arrêtons-nous un instant sur une autre façade de ce château : celle du corps de galerie à droite de la cour, datable des années 1520 – les parties hautes (premier étage, lucarnes et toiture) ayant été ajoutées au XIXe siècle (fig. 93). De petits contreforts encore gothiques d’esprit, de section carrée et triangulaire, disposés de part et d’autre des fenêtres, rythment le rez-de-chaussée suivant la première manière normande. La façade évoque en effet bon nombre d’édifices du début du XVIe siècle qu’on a déjà vus (maison dite de Pierre Delorme à Gaillon, hôtel abbatial de Saint-Ouen à Rouen…). Les seules lignes horizontales sont le cordon mouluré, peu saillant, qui souligne le soubassement (continu, car il traverse les contreforts) et la corniche, qui semble portée par les contreforts. D’évidence, cette organisation a déterminé dans les années 1540 l’emploi des ordres à la façade en fond de cour.
64Cette dernière est rythmée, en effet, par des colonnes superposées, adossées à la paroi et portées par des piédestaux, qui lui confèrent un relief et une plasticité rare en France à cette date125. Un entablement, peu saillant, ressaute à l’aplomb des colonnes ioniques du rez-de-chaussée. À l’inverse, l’entablement supérieur est très développé, continu et fortement saillant. Aussi, parce que les colonnes corinthiennes du premier étage sont trop fines, cet entablement ne semble pas porté par elles mais par la succession verticale des piédestaux et des colonnes qui rythment la façade sur toute sa hauteur : aux petits contreforts composés d’éléments gothiques de section alternativement carrée et triangulaire du corps de galerie, on a substitué à la façade en fond de cour des éléments classiques126. Dans cet exemple, les motifs employés sont tous empruntés à l’architecture de la haute Renaissance (les ordres, les moulures, tous les ornements) et leurs proportions, au cas particulier, sont correctes. Mais la manière de structurer la façade reste la même, si bien qu’il n’y a aucune opposition entre les travées Renaissance et les travées flamboyantes du corps de galerie, pourtant antérieures d’une vingtaine d’années.
65Le changement de vocabulaire ne fut pas aussi radical en Normandie que pourrait le laisser supposer le seul exemple de Mesnières. À l’hôtel d’Escoville à Caen et au château de Fontaine-Henry, tous deux bâtis dans les années 1530, l’architecte (sans doute Blaise Le Prestre127) avait déjà substitué aux contreforts gothiques une superposition de colonnes sur piédestaux adossées à la paroi. Dans ces deux exemples, il est vrai, les proportions et le vocabulaire sont peu canoniques, mais tous les éléments principaux sont en place – les colonnes comportent une base, un fût et un chapiteau. Comme dans les édifices de la fin du Moyen Âge, la façade reste fortement articulée par des éléments verticaux très saillants, qui partent du sol et s’achèvent à la corniche ; les fenêtres sont superposées mais ne sont pas liées entre elles par des pilastres. Deux caractéristiques rapprochent tout particulièrement l’hôtel d’Escoville de deux édifices rouennais du début du XVIe siècle : l’aile dite du Palais-Royal de l’Échiquier de Normandie (l’actuel palais de Justice) et l’hôtel abbatial de Saint-Ouen (fig. 82, 138). Comme dans ces édifices, les lucarnes de l’hôtel sont liées par de petits arcs aux pinacles qui couronnent la superposition verticale des colonnes et qui semblent les contrebuter. Ce sont certainement aussi les mêmes édifices rouennais qui ont donné l’idée à l’architecte caennais d’un nouveau motif : le gâble en accolade qui souligne la plate-bande des fenêtres, traverse le larmier horizontal situé au-dessus pour s’inscrire sur l’allège de la fenêtre supérieure, à l’aplomb du meneau, si bien que la travée devient un champ décoratif continu. À l’hôtel d’Escoville, l’architecte ayant substitué le chambranle à l’ébrasement mouluré gothique, il a l’idée de joindre, dans le même esprit, les fenêtres entre elles en faisant légèrement ressauter leur allège. Comme l’a rappelé Jean Guillaume, le motif de l’allège en saillie, né à Rome au palais de la Chancellerie, a connu un succès extraordinaire en France128. Il apparaît ici de manière précoce.
66L’une des préoccupations (consciente ou non) des architectes normands fut certainement de modifier le moins possible l’effet général de la façade, tout en introduisant les formes nouvelles. C’est ainsi qu’ils substituèrent, comme on vient de le voir, le chambranle à l’ébrasement mouluré à partir de la fin des années 1530 (hôtel d’Escoville et « casino » de l’hôtel Duval de Mondrainville à Caen et Mesnières). Ils introduisirent aussi un second corps de moulures correspondant aux appuis de fenêtres, mais dans tous les cas, ce cordon ressaute au droit des piédestaux et reste moins saillant, de sorte que l’effet de continuité verticale est conservé (galerie du logis abbatial de Saint-Amand à Rouen, hôtel d’Escoville, Mesnières). Lorsque, dans les années 1520, les pilastres sont substitués aux contreforts de l’époque précédente (galerie de l’hôtel du Bourgtheroulde et hôtel dit de Romé à Rouen), comme déjà à l’hôtel des généraux des finances en 1508, ils montent toujours du pied de la façade jusqu’à la corniche, ils sont plus saillants que les moulures horizontales et semblent liés à la structure interne du bâtiment. Au manoir du Bus dans le Vexin normand (vers 1530), on ne peut pas parler de pilastres mais plutôt de dosserets ou de « jambes », à la manière francilienne (Nantouillet, Écouen). Cependant, comme les petits contreforts de l’époque précédente, ils encadrent les fenêtres et reposent sur des piédestaux au niveau du soubassement ; aucun chapiteau ne les couronne et les moulures horizontales ressautent en les croisant (fig. 141). Cependant, au Bus, si le système reste le même, le relief et la plasticité de la façade sont atténués. Les bâtisseurs normands abandonnent en effet progressivement les fortes articulations plastiques au profit du « quadrillage français » de la façade. Après l’hôtel d’Escoville, le château de Fontaine-Henry et Mesnières, on ne trouve plus d’exemple de façades structurées dans la province.
67Dans ce que nous avons appelé la seconde manière normande, les bâtisseurs substituent aux moulures gothiques ornant les ébrasements des baies les moulures classiques. Ces nouvelles moulures ont cependant beaucoup de mal à s’imposer, alors que, paradoxalement, Gaillon offre l’un des premiers exemples en France de leur usage (pavillon d’entrée, 1508). C’est avec un décalage de presque dix ans par rapport au Val de Loire (logis de Saint-Ouen à Chemazé, Chenonceau) que la Normandie commence réellement à les employer, mais, à ce moment (au début des années 1520), le traitement diffère radicalement des édifices ligériens et même de Gaillon : la doucine, souvent assez plate, est préférée (Heubécourt, Caltot, Mesnières) ; quart de rond et talon sont rendus plus lisibles en restant nus et séparés par de fins réglets (Le Bus, Emfrayette, fig. 141, 165). L’innovation décisive, là encore en décalage d’une dizaine d’années (à partir du milieu des années 1530), est l’introduction de la bande, large et profonde, au milieu des moulures de l’ébrasement : à Tilly vers 1528-1535, au manoir d’Ango vers 1540 et à Longuelune vers 1546 (fig. 80, 135). Cet élément plat, qui rappelle les fasces du chambranle, impose une nouvelle conception de l’ébrasement, qui, progressivement, tend à disparaître : à Mesnières, ébrasement muni d’une bande et chambranle à une seule fasce se confondent (vers 1540) ; au manoir d’Ango, en cours de chantier, on passe de l’ébrasement muni d’une bande à la solution mixte d’un ébrasement associé à un chambranle à doucines (vers 1542) ; au Taillis, vers 1545, le chambranle (à crossettes au premier étage) a remplacé l’ébrasement (fig. 143b).
68Il ne faudrait cependant pas croire que le chambranle fait disparaître partout l’ébrasement dans la seconde moitié du XVIe siècle. Si le premier est employé au Taillis, à Bonnemare (1560) et aux Fossés (vers 1565), les Normands lui préfèrent le plus souvent une simple moulure, généralement un quart de rond qui adoucit l’angle entre la surface du mur et le tableau de la fenêtre (Saffray, Archelles), voire la seule arête de la baie (Le Plain-Bosc, Ernemont-sur-Buchy, La Pommeraye, fig. 46).
69À l’opposé de cette tendance vers une plus grande sobriété du traitement de la fenêtre, les bâtisseurs normands accostent parfois, dès les années 1520, les fenêtres d’un ordre de pilastres, avec corniches et appuis, à Auffay (vers 1523) et au manoir d’Ango (vers 1540, fig. 80). Ces cadres de fenêtres ne sont pas sans évoquer les fenêtres-édicules all’antica de certains palais italiens du XVe et du XVIe siècle129. Ce cadre semble suspendu sur le nu du mur, car il est traité avec des matériaux différents de celui-ci et porte seulement sur de petits membres architecturaux, presque abstraits à Auffay, ou de petites consoles à volutes au manoir d’Ango, puis de simples éléments décoratifs en fin de chantier, vers 1542. À l’inverse, il peut apparaître comme partie intégrante du mur, car il peut être traité avec les mêmes matériaux que lui, comme au Flot (1560, fig. 132) et à La Valouine (1592, fig. 13d), où pilastres, chapiteaux et frontons sont en briques. Mais le motif connaît une mutation sous l’influence des grands chantiers contemporains : Delorme à Anet et aux Tuileries (fig. 136) et Lescot au Louvre, prenant modèle sur les niches imaginées par Michel-Ange à la Laurentienne de Florence, introduisent de petites consoles en gaine (légèrement plus large en haut qu’en bas), parfois ornées de glyphes, sous les appuis des fenêtres. Ces petits membres, sans base, semblent pendre sous les appuis de fenêtres plus que les porter130. Ils apparaissent en Normandie au Flot (1560) et sont encore utilisés à La Valouine (1592), où ils sont lisses mais en gaine, ou droits mais à décor de glyphes.
Le goût de la polychromie, des tables et des bossages
70La seconde manière normande, on l’a vu, marque aussi un intérêt pour les grandes surfaces murales animées par le jeu des matériaux et pour les lignes horizontales accentuées. Dans les premières décennies du XVIe siècle, on relève peu de changements dans ce domaine, si ce n’est que l’animation du parement par des motifs devient plus systématique. À Martainville déjà, les murs sont partout enrichis de motifs de briques surcuites, principalement des étrésillons. Trois édifices des années 1500-1510, Auffay, Commanville, Riville, tous situés dans la vallée de la Durdent, se distinguent par un parement composé d’assises alternées et de motifs géométriques exécutés avec des matériaux variés, briques rouges et vernissées noires, pierres calcaires blanches, grès et silex noirs et blonds (fig. 119b). L’emploi mêlé de la brique, du silex et de la pierre confère à ces édifices un chromatisme et une fantaisie sans précédent en Normandie, que leurs toits bleutés d’ardoise accentuent encore.
71Il est habituel de voir dans ces motifs et dans l’utilisation des matériaux variés un jeu pittoresque ou une manière d’identification de l’architecture normande – ce qu’ils sont effectivement. Mais ils ne sont pas que cela. Lorsqu’ils sont disposés en frise comme à Auffay, Commanville ou Riville, mais aussi dans bien d’autres édifices, ces motifs parallèles aux larmiers et à la corniche accentuent la division par étages de la façade. À Tilly (vers 1528-1535), l’effet est d’autant plus puissant que l’architecte s’émancipe du rapport des dehors avec les divisions internes des étages (fig. 16) : il supprime le larmier traditionnel situé au niveau des planchers pour dégager une surface murale plus importante sous les appuis des fenêtres qu’il souligne par un corps de moulures très saillant et il enrichit la surface murale ainsi dégagée par des lignes de briques surcuites parallèles au corps de moulures. Le soubassement, traité en damier, et la corniche au sommet des murs sont eux aussi continus, de sorte que l’articulation dominante de la façade repose sur ces puissantes lignes horizontales. Au manoir de Jean Ango (élévation sur cour du corps de galerie, vers 1540), le cordon mouluré à hauteur du plancher est conservé et, comme souvent en France, il est doublé par un second cordon à hauteur d’appui (fig. 102). Mais l’effet produit est bien différent. L’espace entre les deux cordons est seulement animé par une alternance de tables en losange et en cercle sans qu’aucune ligne verticale vienne recouper les horizontales : on cherche à donner l’illusion, non d’un entablement comme ailleurs en France, mais d’une large frise qui court sur toute la longueur de la façade et semble se détacher d’un fond composé de motifs d’étrésillons en grès et silex. À Bonnemare (vers 1560), l’effet obtenu par les motifs de briques surcuites est encore différent (fig. 59, 112). La façade sur cour est réglée par les ordres, dorique au rez-de-chaussée, ionique à l’étage, traités en pierre blanche de Vernon se détachant sur un fond de brique. En outre, l’architecte audacieux de Bonnemare a orné entièrement le mur de brique d’étrésillons en brique surcuite. À quelque distance du bâtiment, l’effet produit sur le visiteur est celui d’une ossature porteuse en pierre blanche à l’intérieur de laquelle serait tendu un fin réseau en treillage. Les hommes du XVIe siècle devaient être particulièrement sensibles à cette impression. Il était courant, en effet, de construire dans les jardins ou contre leurs murs des structures en bois (tonnelles, clôtures, pavillons ou bâtiments ouverts), sur lesquelles étaient fixés des fils de fer ou des lattes disposés en treillage pour recevoir des plantes grimpantes, comme en témoigne nombre d’enluminures et de gravures des XVe et XVIe siècles131 (fig. 142) ; à Tilly par exemple, les murs de brique côté jardin comportent de tels motifs en briques surcuites sur lesquels étaient autrefois attachées par des fils de fer des végétaux132. À Bonnemare, le message était clair : la façade à motifs de treillages annonce au visiteur la destination de la demeure : une agréable et élégante maison dédiée aux plaisirs agrestes, qui se dresse au fond d’une cour en préau, tel un énorme pavillon de jardin, et dont l’escalier, traversant, ouvre sur un vaste espace planté situé à l’arrière (fig. 18). On serait tenté d’identifier l’architecture brique et pierre normande à la destination de ces demeures – les maisons de campagne de gentilshommes citadins –, alors que des villes comme Rouen ne semblent pas avoir développé une architecture brique et pierre. Cette identification vaut pour bon nombre d’entre elles, tels Martainville, Fontaine-le-Bourg, Tilly, Le Vièvre ou La Petite Heuze (qui calque le traitement de Bonnemare). Au reste, le message s’adressait peut-être avant tout au propriétaire lui-même : fuyant le tumulte et les tracas de la ville, où les hautes maisons projettent plus d’ombre dans les rues étroites qu’elles ne se donnent à voir, il découvre à l’arrivée dans son domaine, ouverte sur son cadre de verdure, une architecture riante et colorée, qui, par sa seule vue, réjouit et promet les délices du séjour à venir.
72En Haute-Normandie, la polychromie n’est donc pas qu’un jeu décoratif « rustique » ou vernaculaire que l’on pourrait opposer à l’architecture savante d’une manière nationale ou à l’art royal133 : elle contribue à souligner l’articulation de la façade, y compris savante comme à Bonnemare, ou à mettre en valeur divers signes (chiffres du seigneur, croix au chevet de la chapelle de Martainville, devises et monogrammes du roi et de la reine à Ménilles, fig. 90). On comprend surtout que les Normands ont le goût de jouer avec les matériaux afin d’obtenir le maximum d’effets de surface et, partant, on comprend tout l’intérêt qu’ils vont porter par la suite à l’emploi du bossage et des tables.
73L’avenir est en effet aux tables et aux bossages, dont Le Taillis, bâti vers 1545, donne le premier grand exemple en Normandie (fig. 143). Comme bon nombre de maisons campagnardes, la façade est organisée par étages : les lignes de composition horizontales sont ici fortement exprimées par des entablements très développés, saillants et continus ; chaque niveau est animé par un ordre de pilastres, dorique au rez-de-chaussée, ionique au premier étage. Les travées de fenêtres sont à peine marquées, car les pilastres disposés de chaque côté ne sont pas liés verticalement. Comme à l’hôtel d’Escoville, l’allège des fenêtres ressaute au droit des chambranles, mais l’effet est ici inverse. Au Taillis, l’allège en saillie ne souligne pas les travées puisque l’entablement coupe le motif vertical, mais, au contraire, elle individualise chaque fenêtre en la séparant clairement des piédestaux qui portent les pilastres disposés de chaque côté. Ainsi les pilastres ne flanquent pas les fenêtres, mais le trumeau qui constitue avec eux un motif indépendant. Cette organisation de la façade, inédite en France à cette date, doit beaucoup aux modèles gravés de Serlio (Livre IV134). Les tables saillantes, nues et lisses, qui occupent la quasi-totalité de la surface disponible entre les pilastres, se retrouvent aussi dans le Livre VII, encore à l’état de manuscrit au moment de la construction du Taillis135 (fig. 73, 74). À n’en pas douter, c’est ce motif et, plus encore, le jeu sur la surface murale qui a plu à l’architecte du Taillis. Aussi, non seulement il le répète à tous les trumeaux mais il a l’idée de traiter les métopes de la frise dorique comme autant de minuscules tables, motif d’origine italienne136, qui apparaît au même moment au portail de la basse-cour d’Anet et se voit plus tard aux manoirs du Flot et de La Chapelle (fig. 144). Du coup, l’allège en saillie des fenêtres, les piédestaux qui portent les pilastres, les fûts des pilastres, nus et lisses, apparaissent, eux aussi, comme autant de tables animant la façade. L’effet est saisissant : la surface murale est entièrement fragmentée par des tables de dimensions différentes, de plans faiblement détachés les uns des autres et séparés par des canaux plus ou moins fins créant des zones d’ombres plus ou moins contrastées entre des surfaces qui au contraire accrochent la lumière (fig. 76, 143). Comme l’a justement analysé Jean Guillaume à propos du bossage français (mais le propos peut s’appliquer aux tables), « les ornements ajourés de l’art flamboyant, les souples feuillages détachés sur les fonds noirs, ont ici une sorte d’équivalent abstrait137 ». En réalité, l’effet est encore plus subtil au Taillis : les plans différents, les surfaces distinctes et les espaces plus ou moins étroits entre les éléments créent un jeu chromatique constitué d’une infinité de nuances comprises entre le blanc et le noir.
74La composition du Taillis ne semble pas avoir été imitée mais le principe d’un jeu abstrait et subtil de la surface murale, qui constitue en quelque sorte une réponse de l’architecture en pierre de taille à la polychromie du brique et pierre, ne pouvait que plaire aux Normands. Aussi les bossages créés entre 1545 et 1550 par Pierre Lescot, à l’hôtel de Ligneris (Carnavalet), au Louvre et à Vallery, et par Philibert Delorme, à Anet, vont-ils trouver en Normandie un public particulièrement réceptif aux possibilités qu’ils offrent138.
75Plus que le bossage raffiné de l’hôtel de Ligneris, c’est celui imaginé pour le pavillon du roi au Louvre et à Vallery qui connaît une réception favorable dans la province normande. Pour ces édifices, Lescot a en effet imaginé un bossage dont la surface est plate (piquetée à l’hôtel de Ligneris, vermiculée au Louvre et à Vallery) et les angles chanfreinés ; chaque pierre est séparée des autres par des refends qui créent une ombre forte, ce qui donne au bossage plus de relief et le rend plus lisible à distance (fig. 62). De son côté, Delorme habille la façade du cryptoportique d’Anet d’un bossage plat, lisse et continu, aux assises séparées par des refends, ce qui donne l’illusion de grandes tables horizontales.
76Peu après (dans les années 1550), l’architecte d’Acquigny a l’idée de croiser les deux inventions (fig. 61). Il reprend toutes les caractéristiques du bossage imaginé par Lescot, excepté son traitement de surface : il remplace le piquetage ou les petits canaux sinueux de Lescot par une surface lisse, comme le bossage continu en table de Delorme. Autrement dit, à Acquigny, la chaîne harpée en bossages apparaît comme autant de petites tables lisses et chanfreinées. Ce n’est pas tout. L’architecte d’Acquigny aurait pu appliquer la chaîne comme l’a imaginée Lescot au Louvre et à Vallery, c’est-à-dire fragmentée et portée à chaque niveau par un piédestal mouluré correspondant aux allèges des fenêtres139. À Acquigny, fidèle à ce que j’ai appelé la première manière normande, l’architecte a créé des chaînes harpées continues, du pied de la façade jusqu’à la corniche, et disposées de chaque côté des fenêtres. L’effet de continuité verticale est conservé, d’autant que, suivant les modèles de Lescot, l’entablement est interrompu au droit de chaque travée par une table (fig. 30).
77L’idée de Lescot au Louvre et à Vallery, que formule plus tard Delorme dans son Premier tome de l’architecture, est de bâtir « sans aucunes colonnes et piliers » en substituant aux ordres les chaînes harpées, fragmentées par étages comme une superposition de colonnes ou de pilastres140. L’architecte d’Acquigny, pleinement conscient du sens donné au motif, applique cette logique à sa façade. Comme les chaînes harpées sont continues, il ne peut s’agir que d’un ordre colossal et, partant, l’architecte traite comme tel le sommet du mur : un entablement à l’échelle de la façade, avec de grands triglyphes à l’aplomb de chaque chaîne harpée. Autrement dit, l’architecte d’Acquigny ne s’est pas contenté d’appliquer un motif formel sur un système normand, il s’est aussi approprié son sens. De la même façon, si Acquigny est une synthèse heureuse des grands modèles contemporains, son architecte a également su en prendre le contre-pied : comme Lescot à Vallery, qui se fonde sur la manière de bâtir traditionnelle du brique et pierre dans une région, la Bourgogne, dénuée de tradition dans ce domaine, le maître d’œuvre d’Acquigny, dans une Normandie dominée par cette architecture, emploie au contraire pour sa façade un bel appareil de pierre de taille.
78Les chaînes harpées à bossage lisse eurent un succès immédiat et prolongé en Normandie, d’abord, comme à Acquigny, dans une architecture en pierre de taille, aux Mottes et à Bailleul (fig. 60b), puis dans l’architecture brique et pierre ou, autre nouveauté venue de l’Île-de-France, dans une architecture « moellon et brique141 », qui fait son apparition en Haute-Normandie à la fin de la décennie 1560, à Fleury, Thevray, Brécourt (fig. 17, 35b, 51a). Mais elles ont surtout conforté les Normands dans leur idée de jouer avec la surface murale, notamment à « ceux qui veulent faire petites dépenses » pour reprendre l’expression de Delorme142. Aussi bossages et tables, contre toute logique constructive, s’émancipent-ils parfois de la valeur qui leur était attribuée jusqu’ici pour devenir des motifs autonomes que l’on peut décliner, combiner, répéter et multiplier à l’envi dans un nombre stupéfiant de variations. Au Flot (1560), le bossage, en pointe de diamant, calqué sur un modèle du Livre IV de Serlio (1537), est utilisé comme une petite table : multipliée, elle anime la surface murale (fig. 69, 70). Les possibilités de combinaisons sont encore augmentées par le jeu des matériaux et par les traitements de surface. À Fleury et à Brécourt, l’enduit ocre des trumeaux que délimitent les chaînes harpées à bossage en brique est piqueté (comme le bossage de l’hôtel de Ligneris de Lescot) et enrichi de tables rectangulaires ou à crossettes en brique – dont Du Cerceau donne les modèles en 1559 (fig. 17, 49, 51a). À Chambray peu après 1578 (fig. 145), comme déjà au Taillis, trumeaux et allèges de fenêtres sont animés par des tables en briques, très saillantes – elles sont au même nu que le bossage des chaînes qui encadrent les fenêtres. Mais certaines des tables sont elles-mêmes ornées de petites tables en pierre sculptée, plus raffinées. Tous les bossages sont en saillie un sur deux (lisses, piquetés ou cernés d’un fin canal). Tables et bossages créent une composition décorative abstraite faite de plans si faiblement détachés les uns des autres et de surfaces traitées si différemment que l’on peine à savoir où se trouve le nu du mur. Le traitement décoratif des murs du château du Bec-Crespin (vers 1580) n’est qu’une réitération plus poussée de la composition de Chambray. Les tables, en pierre blanche lisse, aussi petites que les métopes de la frise du Taillis, sont disposées en quinconce ou en frise (fig. 76) – François Gabriel reprendra le motif, répété à outrance, au château de Fervaques en Basse-Normandie143 (1598-1608). S’ajoutent à côté de ces petites tables de plus grandes, en bossage en pointe de diamant sur fond bleuté en silex, à cadre mouluré ou lisse, blanc ou noir, qui donnent l’illusion de tables incrustées dans la façade. Cette virtuosité à agencer les matériaux par leur texture, leur densité, leur couleur, donne parfois un caractère orfévré à la façade. Dans les deux dernières décennies du siècle, on arrive à une saturation de la surface murale par la multiplication de tables ou de chaînes en bossage.
79Après ce foisonnement d’inventions, on observe à la fin du XVIe siècle un resserrement autour de deux formules : la travée rustique (Bourdenis, Le Bec-Crespin, Le Val d’Arques) et la travée « modénaturée144 » (les fenêtres à chambranle sont liées entre elles, comme déjà à l’hôtel d’Escoville, par leur allège en saillie, à La Petite Heuze, Beaumesnil, Cany, Graveron), l’une comme l’autre pouvant être adoptée, alternativement, avec ou sans tables multipliées sur toute la surface du mur.
Notes de bas de page
1 Le renouveau de l’architecture française semble être un lieu commun chez les commentateurs depuis le début du XVIe et surtout dans la seconde moitié du siècle. On le retrouve encore chez Estienne H., Apol. XVIII, 1566 (cité par Bonnaffé E., Études sur la vie privée de la Renaissance, Paris, 1898, p. 101) ; La Noue F. de, Discours politiques et militaires du seigneur de La Noue, Basle, 1587, p. 195 ; Guyon L., Les diverses leçons de Loys Guyon, sieur de La Nauche, Lyon, 1604, p. 230-234.
2 Mignot C., « La villégiature cardinalice… », art. cit.
3 Laborde A. de, Description des nouveaux jardins de la France et de ses anciens châteaux, Paris, 1808, p. 71.
4 Voir aussi Beuzeville-la-Grenier (fig. 38), Caltot (fig. 88), Clères (fig. 33), Le Flot (fig. 100), Les Fossés (fig. 41), manoir d’Ango (fig. 99), Le Plain-Bosc (fig. 101), La Valouine (fig. 13b).
5 Guillaume J., « Le château français du milieu du XVe au début du XVIe siècle : formes et sens », in B. Chevalier et P. Contamine (dir.), La France de la fin du XVe siècle…, op. cit., spécialement p. 221-224.
6 Ce n’est pas un endroit précis qui correspondrait à ce qu’on appellera plus tard le « point de distance », c’est-à-dire le point d’où l’on peut contempler au mieux une façade, même s’il le préfigure. Au début du XVIIe siècle, Jacques Gentillâtre recommande encore que les faces de la demeure se présentant à la vue dès l’approche soient décorées plus somptueusement que les autres [Châtelet-Lange L., « L’architecte entre science et pratique : le cas de Jacques Gentillâtre », in J. Guillaume (dir.), Les traités d’architecture de la Renaissance, Paris, 1988, spécialement p. 400].
7 Les façades absolument symétriques de Tilly et d’Acquigny invitent à reconnaître la prise en compte d’un axe privilégié pour les regarder. Le lanternon d’escalier de Tilly ne peut se voir entre les deux toits en pavillon que sur cet axe, tandis que le visiteur d’Acquigny estorienté par le pont d’accès à la plate-forme qui est placé dans l’axe de la façade.
8 Sur Piencourt (Eure), voir Beaumont F. et Seydoux P., Gentilhommières…, op. cit., p. 306.
9 Benoit-Cattin R., « Le manoir en Haute-Normandie (XIIe-XIVe siècles) », Histoire de l’art, no 9/10, 1990, spécialement p. 39.
10 Parmi d’autres, voir Delorme P., Le premier tome…, op. cit., fos 52r° et 63 sq.
11 L’Aubespine C. de, « Histoire particulière de la court du roy Henry II », in L. Cimber et F. Danjou, Archives curieuses de l’histoire de France…, 1re série, t. 3, Paris, 1835, spécialement p. 301-302. Delorme P., Le premier tome…, op. cit., f° 54r°.
12 Serres O. de, Le théâtre d’agriculture…, op. cit., sixiesme lieu, chap. I, p. 783 (voir le texte cité p. 276).
13 Guillaume J., « Un prélat aux champs : Denis Briçonnet à Coussay », in M. Chatenet (dir.), Maisons des champs…, op. cit., p. 145-150.
14 Chatenet M., « Les maisons de papier… », art. cit., p. 73-74.
15 Chatenet M., Le château de Madrid au bois de Boulogne, Paris, 1987.
16 Androuet du Cerceau J., Logis domestiques, op. cit., bâtiments B et F ; Id., Livre d’architecture…, op. cit., 1559, modèles I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII et XXII.
17 On peut encore citer Archelles (après 1567), Chambray (après 1578), Jouveaux (vers 1580-1590) et La Valouine (entre 1592 et 1602, fig. 13b).
18 Sur les 41 édifices de la seconde moitié du XVIe siècle étudiés ici, seuls les six cités dans le texte et à la note précédente possèdent des offices en sous-sol. Sur les raisons probables de la désaffection des gentilshommes pour cette disposition, voir p. 243.
19 19 édifices sur 39 étudiés pour ce sujet.
20 Ce sont Archelles, Bailleul-la-Campagne, Bailleul, Le Bec-Crespin, Bonnemare, Le Bourgtheroulde, Brécourt, Chambray, Ételan, Fleury-la-Forêt, Fontaine-le-Bourg, Heubécourt, Houlbec, Limeux, Les Loges, Martainville, La Motte, Les Mottes, La Folletière, Les Rocques, Sénitot, Le Hom et Thevray.
21 Chambray, La Chapelle, Goderville, Perriers et Normanville.
22 Martainville, Tilly, Acquigny.
23 Delorme P., Le premier tome…, op. cit., f° 13v° sq.
24 Ibid., fos 14 et 15. Voir Architecture ou Art de bien bastir, op. cit., livre I, chap. VII et VIII, f° 9 sq. ; livre VI, chap. IX, f° 95v°. Dans son traité écrit au début du XVIIe siècle, Jacques Gentillâtre propose encore d’orienter la demeure en fonction des règles climatologiques et pratiques de Vitruve (Châtelet-Lange L., « L’architecte… », art. cit., spécialement p. 399).
25 Delorme P., Le premier tome…, op. cit., livre I, chap. VI et VII, f° 14.
26 Voir plus loin p. 194-196.
27 Voir p. 93-104 (L’« assiette » du manoir) et p. 152-156 (Les différents types d’enclos et leur organisation).
28 Androuet du Cerceau J., Logis domestiques, op. cit. ; Id., Livre d’architecture…, op. cit., 1559 ; Id., Livre d’architecture…, op. cit., 1582. Tous les types de « maisons aux champs » de 1582 ont été récemment analysés par Chatenet M., « Les maisons de papier… », art. cit.
29 Tels qu’Anquetierville, Les Loges, Beuzeville-la-Guérard, Beuzeville-la-Grenier et Héronchelles.
30 Sur ce sujet, voir p. 186, 228 et référence note 5 page précédente.
31 Benoit-Cattin R., « Le manoir… », art. cit.
32 En dernier lieu, voir Pitte D., « Le Mesnil-sous-Jumièges… », art. cit.
33 Quevilly H., « Deux châteaux… », art. cit., p. 483-484.
34 Ce type est représenté par moins de 15 % des édifices étudiés ici.
35 Albrecht U., « Maison forte… », art. cit., p. 215-216.
36 Rampe sur rampe ou en vis dans-œuvre, il sépare la grande salle et la seconde pièce, comme à Archelles, au Plain-Bosc et à Saffray.
37 Voir plus loin au sujet de l’escalier, p. 228-234.
38 Document 4, Fontaine-le-Bourg, 16/04/1517 ; document 15, aveu du Bus, 13/11/1582. AD Seine-Maritime, 14 H 1281, liasse no 3 : lots et partages de Martainville, 02/06/1545 ; 2 B 418, pièce no 73 : aveu de Glisolles, 25/06/1599 ; 2 B 386, pièce no 160 : aveu, 07/04/1672. AD Eure, E 144 : aveu de Chauvincourt, 05/05/1629 ; E 132 : aveu de Chambray, 20/08/1692.
39 Document 20 : aveu, 15/01/1602.
40 L’idée était dans l’air du temps : bâti par François Briçonnet entre 1499 et 1504, le petit château de Candé, à Monts (Indre-et-Loire), présente lui aussi un plan double en profondeur, mais dans une conception beaucoup plus traditionnelle (sur cet édifice, voir Sassier M.-F., Candé, entre rêve et réalité, Tours, 2008).
41 Sur le sujet, voir Chatenet M., « Les maisons de papier… », art. cit., p. 75. Androuet du Cerceau J., Logis domestiques, op. cit., bâtiments C et E) ; Id., Livre d’architecture…, op. cit., 1559, modèles V, X, XI, XII, XVIII, XXVIII, XXXII, XXXIX et XLIII. Selon moi, le modèle XVIII et les suivants, qu’ils soient seuls, isolés ou multipliés et reliés par des corps bas, sont des variantes sur le thème du « donjon » de plan massé.
42 En Touraine, le plan double en profondeur, qui fait peut-être son apparition à Candé (voir note 40) et se retrouve à Chenonceau, est surtout employé dans les années 1520-1530 (par exemple à Valmer, commune de Chançay, et à La Côte, commune de Reugny, en Indre-et-Loire). Ces édifices s’ouvrent largement sur d’impressionnants jardins aménagés en terrasses. Sur le sujet, voir Pagazani X., « Les demeures des champs des maires de Tours (1462-1528) », in M. Boudon-Machuel et P. Charron (dir.), Tours 1500. Art et société à Tours au début de la Renaissance, Actes du colloque tenu à Tours, 10-12 mai 2012, à paraître.
43 Sur Fleury, Bailleul et Fresnes, voir p. 110-113. Sur la mode des édifices « en forme de donjon », voir : Chatenet M., « Les maisons de papier… », art. cit., p. 75.
44 Les « case per fare alla villa » (Serlio S., Il settimo libro d’Architettura, Francfort[-sur-le-Main], 1575) sont publiées pour la première fois en 1575, mais une bonne partie du matériel était déjà prête en 1542 et la rédaction de l’ouvrage achevée avant la mort de Serlio en 1554 [Scotti A., « Un exemple de la fortune du Settimo Libro à l’époque baroque : la villa en forme de moulin à vent de Serlio », in S. Deswarte-Rosa (dir.), Sebastiano Serlio à Lyon. Architecture et imprimerie, Lyon, 2004, p. 204-210].
45 « Io andava pensando di che inusitata forma si potesse fare un’habitatione alla campagna, la quale fosse piacevole à riguardanti da lontano : et mi cadde nell’animo che un molino da vento par bella cosa da vedere. Perilche deliberai di voler disporre uno edifico, che havesse in parte quella forma : quantunque quello sia mobile, et questo stabile. » (Serlio S., Tutte l’Opere…, op. cit., p. 28)
46 Delorme P., Nouvelles inventions pour bien bastir et a petits fraiz, Paris, 1561, f° 31v°. Sur ce projet, voir Pérouse de Montclos J.-M., Philibert de l’Orme…, op. cit., p. 353.
47 Chatenet M. et Henrion F. (dir.), Maulnes, archéologie d’un château de la Renaissance, Paris, 2004, spécialement p. 96-97, 190 et 199-202.
48 Androuet du Cerceau J., Livre d’architecture…, op. cit., 1559, modèles XVI (croix), XXVIII (triangle), XXXV (cercle), XXXIX (H), XL (carré), XLIII (croix développée) et XLIX (étoile). Sur ces modèles, voir Chatenet M., « Des modèles pour l’architecture française », art. cit., p. 201 et fig. 298.
49 Sur le sujet, voir Chatenet M. et Henrion F. (dir.), Maulnes…, op. cit., p. 192-195.
50 Briseux C.-E., L’art de bâtir des maisons de campagne…, t. 1 (1743), Paris, 1743-1761, pl. 143 ; Boffrand G., Livre d’architecture, Paris, 1745, pl. XIX (projet non exécuté pour Malgrange, près de Nancy).
51 Voir l’analyse détaillée de Bonnemare (notice 13).
52 Pérouse de Montclos J.-M., Philibert de l’Orme…, op. cit., p. 254.
53 Kitaeff M., « Le château neuf… », art. cit., p. 73-139. Les galeries n’étaient pas encore construites en 1594.
54 Dessin aujourd’hui conservé au Nationalmuseum de Stockholm (coll. Cronstedt). En dernier lieu, voir Taburet-Delahaye E., Bresc-Bautier G. et Crépin-Leblond T. (dir.), France 1500…, op. cit., p. 70-71.
55 Hamon E., Un chantier flamboyant…, op. cit., fig. 130 et 138.
56 Pagazani X., « Le château de Tilly… », art. cit., p. 18-19.
57 Pérouse de Montclos J.-M., « Du toit brisé et de quelques gallicismes de l’aile Lescot du Louvre », Bull. de la société d’histoire de l’art français, Paris, 1980, p. 45-51.
58 Hamon E., « Arques-la-Bataille, église Notre-Dame-de-l’Assomption », Congrès archéologique de France…, op. cit., p. 13 et note 30. La charpente, dont la pose intervient très longtemps après le début des travaux, doit certainement sa forme au projet initial, daté par Étienne Hamon vers 1515 (p. 12).
59 BM Lyon, ms. 6246, Ly 72-73, f° 61v° (publié par Deswarte-Rosa S. et Régnier-Roux D., Le recueil de Lyon…, op. cit.). Il s’agit d’une variante du modèle XX du Livre d’architecture de Du Cerceau de 1582.
60 Les arêtiers des pavillons, ainsi que la porte qui donnait primitivement accès entre les deux pavillons à une petite terrasse, sont à leur place originelle dans le toit unique actuel.
61 Voir p. 87-88.
62 Pérouse de Montclos J.-M., Philibert de l’Orme…, op. cit., p. 264.
63 Androuet du Cerceau Logis domestiques, op. cit., bâtiments C et E ; Id., Livre d’architecture…, op. cit., 1559, modèle XVI ; Id., Livre d’architecture…, op. cit., 1582, modèles VI, XX, XXX et XXXVIII.
64 Bardati F., « Le palais archiépiscopal de Rouen », art. cit., p. 122.
65 Lettéron I. et Gillot D., Rouen…, op. cit., p. 68-70 et 146.
66 Pagazani X., « La “grant viz”… », art. cit., p. 83-88.
67 Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 277-289.
68 Androuet du Cerceau J., Livre d’architecture…, op. cit., 1582. L’étagement des volumes passe presque inaperçu du fait de la représentation à vol d’oiseau.
69 Voir p. 114-117.
70 On en trouve en effet des variations dans l’entourage de Du Cerceau (BM Lyon, ms. 6246, Ly 25, f° 23v°, Ly 32-34, f° 25v°, Ly 60, f° 50r° ; Ly 89-90, fos 77v° et 78r° [publié par Deswarte-Rosa S. et Régnier-Roux D., Le recueil de Lyon…, op. cit.]) et chez Du Cerceau lui-même (Livre d’architecture…, op. cit., 1582, modèle VI), ainsi que plus tard chez Perret J., Architectura et perspectiva, Francfort-sur-le-Mein, 1602, bâtiment C. Sur les liens entre Du Cerceau et Serlio, voir Frommel S., « Jacques Androuet du Cerceau et Sebastiano Serlio : une rencontre décisive », in J. Guillaume (dir.), Jacques Androuet du Cerceau…, op. cit., p. 123-139.
71 Sur le sujet, voir l’analyse de Guillaume J., « Château, jardin, paysage… », art. cit., spécialement p. 22.
72 Voir p. 89-90, note 61 p. 106 et fig. 28.
73 Sur le sujet, voir Babelon J.-P. et Mignot C. (dir.), François Mansart. Le génie de l’architecture, Paris, 1998, p. 75-76.
74 Le profil de ces toits associe courbes et contre-courbes, seuls leurs plans diffèrent : plan orthogonal pour le premier, plan centré pour le second.
75 Chastel A. et Rosci M., « Un château français en Italie. Un portrait de Gaillon à Gaglianico », Art de France, no 3, 1963, p. 103-113.
76 Pérouse de Montclos J.-M., « La charpente à la Philibert de l’Orme. Réflexions sur la fortune des techniques en architecture (XVIe-XVIIe siècles) », in J. Guillaume (dir.), Les chantiers de la Renaissance, op. cit., spécialement p. 32, indique que l’usage des toits en carène était connu au Moyen Âge, mais on ignore si de tels toits ont réellement existé, car aucun n’a été repéré jusqu’ici.
77 Herbouville est fautivement daté du XVIIe siècle [Dupont-Danican J.-F. et Jamme P. (dir.), Gentilshommes et gentilhommières…, op. cit., p. 214-215 ; Id., Le patrimoine des communes…, op. cit., p. 626].
78 Deville A., Comptes et dépenses…, op. cit., p. 272 : marché de couverture du 30/01/1508 (n. st.).
79 Girouard M., Life in the English Country House. A Social and Architectural History, Londres, 1984. Parmi d’autres, on peut encore citer: Richmond Palace, dans le Surrey (Girouard M., Robert Smythson and the Architecture of the Elizabethan Era, Londres, 1966); Burghley House, dans le Northamptonshire, remanié vers 1570-1580; The Stand, Swarkeston, dans le Derbyshire, vers 1631-1632.
80 BM Lyon, ms. 6246, Ly 19, f° 22r°, Ly 54, f° 45r°, Ly 85, f° 73r°, Ly 87, f° 75r°, Ly 127, f° 113r°; Androuet du Cerceau J., Livre d’architecture…, op. cit., 1582, modèles XXXIIII et XXXVII.
81 Delorme P., Nouvelles inventions…, op. cit., f° 18r° ; Id., Le premier tome…, op. cit., fol 253v° et 254v°. Auxquels il faut ajouter les gravures publiées dans les éditions posthumes : oratoire en brique et pierre, chapelle d’Anet, chapelle à coupole vitrée, baignerie de plan centré, etc.
82 Les analyses ont été réalisées par le laboratoire Dendrotech à Rennes. Rapport à la Drac de Haute-Normandie (CRMH).
83 Les Grandes Ventes, Seine-Maritime. Datation par le laboratoire Dendrotech à Rennes. Sur cet édifice, voir Dupont-Danican J.-F. et Jamme P. (dir.), Gentilshommes et gentilhommières…, op. cit., p. 254-255.
84 Hôtel de Crosne (Rouen, 53, avenue Gustave-Flaubert), construit entre 1784 et 1787.
85 Pérouse de Montclos J.-M., « La charpente à la Philibert de l’Orme… », art. cit., p. 37.
86 Mignot C., « L’articulation des façades dans l’architecture française de 1550 à 1630 », in J. Lafond et A. Stegmann (éd.), L’automne de la Renaissance, 1580-1630, XXIIe Colloque international d’études humanistes tenu à Tours, 2-13 juillet 1979, Paris, 1981, spécialement p. 353. Jacques Androuet du Cerceau en donne de très rares exemples, préférant jouer sur les volumes constrastés (Androuet du Cerceau J., Livre d’architecture…, op. cit., 1559, modèles III et XIII ; Id., Livre d’architecture…, op. cit., 1582, modèles II et XXIX).
87 De Jonge K., « Images inédites de la villégiature dans la périphérie de Bruxelles, XVIe-XVIIIe siècles. Maisons des champs et maisons de plaisance », in M. Chatenet (dir.), Maisons des champs…, op. cit., p. 269-282.
88 Texte cité par Fontaine M.-M., « La vie autour du château : témoignages littéraires », in J. Guillaume (dir.), Architecture, jardin, paysage. L’environnement du château et de la villa aux XVe et XVIe siècles, Actes du colloque tenu à Tours, 1er-4 juin 1992, Paris, 1999, p. 259-293, spécialement p. 272.
89 Voir p. 279-290.
90 Benoit-Cattin R., « Le manoir… », art. cit.
91 Belhoste J.-F., « La Normandie… », art. cit., 299-303.
92 Centre de recherches sur les Monuments historiques, Menuiseries de fenêtres, t. 1, Paris, 1992.
93 Toutes les fenêtres du logis concerné sont de ce type. Leur encadrement en pierre ne montre aucun arrachement et l’appareillage ne présente aucune trace de traverses en pierre.
94 Dans cette enquête, il faut prendre en compte à la fois le type de fermeture et le bâtiment dans lequel celle-ci s’insère. Ainsi la nouveauté n’est pas la même si le croisillon est en bois et la fermeture un simple papier huilé, ou si le croisillon est en bois dans un bâtiment en pan de bois (le croisillon fait alors partie de la structure) et porte des vitres, ou encore si le croisillon est en bois dans un bâtiment en pierre (la maçonnerie ne pouvant porter sur un frêle meneau en bois, la platebande doit être clavée pour un report des charges sur les côtés de l’ouverture) et la fermeture une vitrerie. Pour les deux premiers cas, voir les exemples donnés dans Tiercelin A., « Les fenêtres à croisées bretonnes des XVIe et XVIIe siècles », Bull. monumental, no 170, 2012-1, p. 31-40.
95 Leproux G.-M., « Le second œuvre dans l’architecture de la Renaissance : à propos des fenêtres du Louvre de Pierre Lescot et de quelques dessins de menuiserie du règne d’Henri III », Documents d’histoire parisienne, no 7, 2007, spécialement p. 47. Trois marchés sont passés le même jour (14/02/1558) pour les menuiseries du Louvre. Cependant, le nouveau type de châssis dormant n’est employé qu’aux petites fenêtres de l’étage-attique du corps principal et du pavillon du roi, ainsi qu’aux grandes fenêtres des cabinets dans ce pavillon.
96 Castel D. et Chatenet M., « Jacques Androuet du Cerceau et l’hôtel de Vignolle du Mans », Bull. monumental, no 166, 2008-2, spécialement p. 126 et note 68.
97 Sur la place du lit en Normandie, voir p. 249-250.
98 Belhoste J.-F., « La Normandie… », art. cit., p. 302-303.
99 Voir p. 82 et note 37, p. 105.
100 Belhoste J.-F., « La Normandie… », art. cit., spécialement p. 299-303.
101 Chatenet M. et Henrion F. (dir.), Maulnes…, op. cit., p. 131-132 : le dessin de Du Cerceau conservé au British Museum (Inv. 1972 U. 847) et un procès-verbal de visite de 1788 attestent la présence de menuiseries avec croisillon en bois aux grandes fenêtres. Aux Tuileries, les fenêtres figurées par Du Cerceau sont à meneaux en pierre dans les vues à vol d’oiseau (Boudon F. et Mignot C., Jacques Androuet du Cerceau. Les dessins des plus excellents bâtiments de France, Paris, 2010, p. 172-173 et 178-179), mais en bois pour les élévations (p. 180-183), ce qui correspond peut-être à un changement de parti en cours de réalisation. À Fontainebleau, les fenêtres ne portent pas les traces qu’aurait laissées la disparition de traverses en pierre.
102 Ce modeste logis a également le mérite de posséder le seul exemple conservé de ce type de menuiserie (sans son vitrage d’origine).
103 Androuet du Cerceau J., Livre d’architecture…, op. cit., 1582, modèle I, f° 5v°. La même remarque vaut sans doute aussi pour les modèles suivants bien qu’il n’en soit pas fait état.
104 Centre de recherches sur les Monuments historiques (présenté par D. Bontemps), Menuiseries de fenêtres, op. cit., t. 1 ; Babelon J.-P., Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, Paris, 1991, p. 98 ; Belhoste J.-F. et Leproux G.-M., « La fenêtre parisienne aux XVIIe et XVIIIe siècles : menuiserie, ferrure et vitrage », Fenêtres de Paris, XVIIe et XVIIIe siècle, Paris, 1997, p. 15-43 ; Leproux G.-M., « Le second œuvre… », art. cit., spécialement p. 50.
105 Garaby de La Luzerne A., Sonnet à M. de Brieux…, s.d. (vers 1633-1635), cité par Fontaine M.-M., « L’intérêt pour l’architecture… », art. cit., p. 61.
106 AD Seine-Maritime, 14 H 1281, liasse no 3, copie de l’acte orig., 02/09/1577, 4e lot.
107 Document 20 : aveu pour La Valouine, 15/01/1602.
108 Les autres sont Le Bec-Crespin, Chambray et Thevray.
109 Pagazani X., « Maisons des champs autour de Rouen… », art. cit.
110 Les murs de clôture, les rares meurtrières qui les percent par endroits et le fossé au nord de la cour sont les seuls éléments de défense du manoir.
111 Delorme P., Le premier tome…, op. cit., fos 17v° et 18r°.
112 Chatenet M., « Les maisons de papier… », art. cit., p. 71.
113 Mignot C., « L’articulation des façades… », art. cit. ; Guillaume J., « Modèles italiens et manière nationale. L’invention d’une architecture nouvelle en France au milieu du XVIe siècle », in M. Seidel (dir.), L’Europa e l’arte italiana, Venise, 2000, p. 236-253 ; Id., « Le temps des expériences. La réception des formes “à l’antique” dans les premières années de la Renaissance française », in J. Guillaume (dir.), L’invention de la Renaissance…, op. cit., p. 143-176.
114 Id., « Modèles italiens et manière nationale… », art. cit., p. 238.
115 Loc. cit.
116 Guillaume J., « Le temps des expériences… », art. cit., p. 145-146.
117 Il s’agit bien de contreforts, car ces membres architecturaux sont statiques (ils contrebutent le mur et sont fondés dans le sol), contrairement à des pilastres ou à des dosserets.
118 Ce qui reste encore à démontrer.
119 Lardin P., « Les travaux d’aménagement… », art. cit. ; Pagazani X., « Gaillon, le palais d’été de l’archevêque de Rouen Georges Ier d’Amboise », Le château de Gaillon. Fastes de la Renaissance en Normandie, cat. expo., 27 février-12 mai 2008, Musée départemental des Antiquités, Rouen, 2008, p. 4-11.
120 Guillaume J., « Le temps des expériences… », art. cit., p. 85.
121 Je ne reviens pas sur le sujet, qui a été amplement analysé par Jean Guillaume, « Modèles italiens et manière nationale… », art. cit.
122 Pour ne citer que ces exemples : Les Rocques, Ernemont-sur-Buchy, La Pommeraye, Les Fossés à La Puthenaye.
123 Voir p. 133.
124 Faucherre N., « Enjeu symbolique… », art. cit.
125 On en trouve toutefois quelques exemples dans d’autres provinces, au château de Bournazel, près de Rodez, et à Montigny-sur-Aube (Bourgogne).
126 L’effet porteur est renforcé par la présence de consoles sous cet entablement, entre les colonnes.
127 Faisant E., Le château de Fontaine-Henry, Caen, 2010.
128 Guillaume J., « Le temps des expériences… », art. cit., p. 241.
129 Parmi d’autres : les fenêtres ajoutées par Michel-Ange au palais Medici-Riccardi à Florence (1548).
130 Guillaume J., « De l’Orme et Michel-Ange », « Il se rendit en Italie »…, op. cit., spécialement p. 279-280.
131 Parmi d’autres : Sainte Anne et sa parenté, dans les Heures d’Étienne Chevalier, Jean Fouquet, peinture sur parchemin, vers 1452 (BnF, ms. nouv. acq. lat. 1416, f° 1v°) ; Mars, la réparation des tonnelles, dans le Livre d’heures à l’usage de Rome, atelier de Simon Bening, Bruges ou Gand, peinture sur parchemin, vers 1510-1520 [AM Rouen, ms. 3028 (Leber 142), f° 3v°]. Sur le sujet, voir Antoine E. (dir.), Sur la terre comme au ciel. Jardins d’Occident à la fin du Moyen Âge, Paris, 2002, no 81.
132 Sur le sujet, voir p. 303-305. À Esclavelles, pour citer un autre exemple, la façade tournée vers le jardin présente un décor d’étrésillons en brique surcuite.
133 Cette thèse, qui oppose architecture savante et architecture polychrome, est avancée par Gloton J.-J., « La polychromie dans l’architecture normande au XVIe siècle », L’information d’histoire de l’art, no 2, 1957, p. 185-189.
134 Serlio S., Tutte l’opere…, op. cit., f° 153.
135 Sur la « table en panneau », voir Titeux C., « Transformations et usages d’un motif : la table en panneau », Histoire de l’art, no 54, 2004, p. 45-57.
136 Antonio da Sangallo l’Ancien l’utilise à l’église San Biagio à Montepulciano (à partir de 1518).
137 Guillaume J., « Modèles italiens et manière nationale… », art. cit., p. 246.
138 Ibid., p. 245-246.
139 Comme aux angles du palais Farnèse à Rome, qui a servi de modèle à Lescot.
140 Delorme P., Le premier tome…, op. cit., fol 252v°-253r°.
141 Sartre J., Châteaux…, op. cit.
142 Ibid.
143 Since M.-H., « Les jeux chromatiques de François Gabriel… », art. cit., spécialement p. 348-350.
144 Mignot C., « L’articulation des façades… », art. cit., p. 347.
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