Chapitre 4. Le Chantier
p. 107-144
Texte intégral
1Une vingtaine de documents (adjudications, contrats, devis et marchés de réparations ainsi que quelques mentions marginales dans des aveux, des testaments et des inventaires de biens meubles) confortés par l’analyse archéologique des bâtiments et les récents travaux d’Étienne Hamon, Philippe Lardin et Florian Meunier qui ont renouvelé les connaissances sur les chantiers de la fin du Moyen Âge et du début des Temps modernes en Normandie1, suffisent à dresser à grands traits un tableau de la construction des demeures campagnardes au cours de la période qui nous occupe.
LE COMMANDITAIRE, L’ARCHITECTE ET LE MAÇON
Le commanditaire
2En nombre, ce sont les officiers du roi, à son service personnel ou dans les cours souveraines, qui construisent le plus, avec 42 chantiers sur les 86 étudiés. Viennent ensuite, à une certaine distance, les gentilshommes vivant aux champs (35 chantiers). Cet effectif est essentiellement composé de gentilshommes de petite noblesse qui tirent leurs principaux revenus de leurs fiefs et qui ont donc à cœur de bien ménager leurs domaines. En règle générale, c’est l’unique chantier de leur vie. Loin derrière, on trouve les officiers de villes ou de grands seigneurs (cinq chantiers), les prélats (trois chantiers) et les aventuriers ou capitaines de navire (trois chantiers2). Dotés de ressources financières importantes, les officiers du roi ou les notables rouennais entreprennent parfois plusieurs chantiers à la fois ou successivement. Ainsi, Guillaume Picard fait construire sa maison campagnarde d’Ételan (entre 1468 et 1475) avant de faire bâtir « plusieurs grans et sumptueux ediffices » à Rouen (1474-14803) ; Jacques Le Pelletier, après avoir terminé la construction de Martainville (vers 1495), y fait faire presque aussitôt des modifications et des embellissements (vers 1500) ; Claude Le Roux embellit son hôtel rouennais (vers 1532) en même temps qu’il construit sa maison aux champs de Tilly (1528-1535) ; Gabriel de Chambray bâtit une maison de plaisance à Thevray (vers 1566-1570) avant de reconstruire sa demeure principale de Chambray (vers 1578-1588). L’étude de ce milieu fait ressortir une inflexion. Alors qu’à la fin du XVe siècle et encore dans la première moitié du XVIe, les demeures de qualité sont élevées par des notables de Rouen, tels Jacques Le Pelletier, conseiller de la ville (Martainville, vers 1495), Antoine Bohier, abbé de Fécamp et conseiller de l’Échiquier (Fontaine-le-Bourg, vers 1512), Claude Le Roux, conseiller du parlement (Tilly, vers 1528-1535), ou de Dieppe, comme Jean Ango, vicomte de la ville (Les Maillets, vers 1535-1542), dans la seconde moitié du siècle, les plus belles constructions sont presque toutes le fait des officiers du roi, souvent membres de son entourage immédiat. Ainsi, Louis de Silly, conseiller et chambellan d’Henri II, bâtit Acquigny (vers 1547-1557) et Nicolas Le Conte, maître des requêtes de l’hôtel et commissaire en Normandie, Bonnemare (1560d) ; Bertrand de Bailleul, sans doute valet de chambre ordinaire de Charles IX, construit Bailleul (vers 1565) et Pierre de Courcol, vicomte de Lyons, élève Fleury (vers 1562-1568) ; Gabriel de Chambray et Henri Jubert, deux gentilshommes de la chambre d’Henri III, bâtissent respectivement Chambray (vers 1578-1585) et Brécourt (vers 1577-1580), tandis que Nicolas Romé, conseiller du conseil privé, érige Le Bec-Crespin (vers 15854).
3Il faut également souligner le rôle des femmes commanditaires. On a vu plus haut que les gentilshommes donnaient procuration à leur épouse pour gérer leurs affaires en leur absence. Ainsi ne fait-il aucun doute que Charlotte Luillier à Ételan, Isabeau Roussel à Normanville, Anne de Laval à Acquigny ou Jeanne d’Angennes à Chambray, déjà citées, ont pris une part active, non seulement à la gestion du chantier, mais aussi aux choix de certains partis architecturaux5.
Architectes6 et maîtres-maçons
4Il paraît évident que nombre de petites maisons seigneuriales ont dû être bâties par des maîtres-maçons et artisans locaux. Du moins le fait est-il assuré pour l’ensemble des réparations et remaniements documentés. Les travaux sont entrepris par des maçons ou maîtres-maçons des paroisses environnantes, au Bec-Crespin (Jean Dronyer de Honfleur et Cardin Roussel d’Épouville, en 1491-14927), à Perriers-sur-Andelle (Jean de Caux, de 1497 à 1500, qui travaille ensuite à Gaillon à partir de 15038) et à Fontaine-le-Bourg (Bernard Du Quesne de Saint-Georges-sur-Fontaine, de 1554 à 15599). Le journal du sire de Gouberville l’atteste également : Gilles Picot emploie toujours les mêmes maçons de la proche paroisse du Theil pour les réparations du Mesnil-au-Val10. L’origine géographique des maîtres-maçons ne doit pas étonner. Un document nous renseigne, en effet, sur la procédure qui devait être souvent employée par les seigneurs pour recruter les artisans. En 1555, les officiers de la baronnie de Fontaine-le-Bourg, qui dépend de l’abbaye de Fécamp, après avoir établi la liste des réparations à faire dans le domaine, se rendent séparément dans des paroisses du pays à l’issue de la messe dominicale et aux marchés pour faire « scavoir à tous en general […] s’il estoit aucune personne quy voulust encherir et mectre a prix les repparacions du chesteau et manoir dudit lieu de Fontaines-le-Bourg au rabais11 ». Sont ainsi visitées les paroisses de Fontaine-le-Bourg, Ratiéville, Saint-Georges-sur-Fontaine, Montérolier, Clères, Cailly et Montville, distantes au plus d’une quinzaine de kilomètres de Fontaine-le-Bourg. Les artisans intéressés étaient ainsi invités à se présenter à la maison du vicaire général de l’abbé, à Rouen, pour exposer le prix qu’ils estimaient pour les travaux. Au lieu et à la date fixés, « aprez plusieurs encheres au rabaiz sur ce miser par plusieurs et diverses personnes », c’est finalement Bernard Du Quesne, de Saint-Georges-sur-Fontaine (à trois kilomètres de Fontaine-le-Bourg), qui emporte le marché. Dans ce cas, il s’agit de réparations, certes importantes puisque les travaux ont duré cinq ans, mais qui ne demandent pas le même niveau de compétences qu’un chantier de construction. Il n’est guère douteux que le mode de recrutement et les aptitudes souhaitées variaient selon l’importance des travaux et la qualité du commanditaire. Pour bon nombre de petits seigneurs, la connaissance directe d’un maçon habitant une paroisse proche ou la recommandation d’un seigneur voisin devaient suffire. « Et si par fortune ils [les clients] demandoient à quelques uns l’advis de leur deliberation et entreprinse », écrit Delorme dans son Premier tome de l’architecture (1567), « c’estoit à un maistre maçon, ou à un maistre charpentier, comme l’on a accoustumé de faire, ou bien à quelque peintre, quelque notaire, et autres12 ».
5La situation est toute différente pour d’autres gentilshommes qui gagent à l’année divers artisans. Ainsi, Jacques de Chambray, seigneur de Thevray, conseiller et chambellan du duc d’Orléans, a son maçon et son menuisier attitrés13. Anne de Laval, baronne d’Acquigny, a son menuisier (originaire de Bordeaux) : « Anthoyne de Brey, maistre serrurier de madame de La Roche-Guyon, demeurant en la parroisse d’Acquigny » (1566, 156714). Quant à la main-d’œuvre, elle est fournie à bon marché par les hommes des paroisses dépendantes de la seigneurie, comme l’atteste le testament de Jacques de Chambray : « Je laisse aulx parroissiens de chacunne des parroisses de Theuvray, saint Lambert, saint Aubin, Le Chastellier, Le Nouyer, et Rubromont, huictlivres tournois pour la satisfaction des corvées et plaisir qu’il m’ont faicts en mes édifices de Theuvray15. » De même, le seigneur du Mesnil-Jourdain peut compter sur ses « vassaux [qui] sont obligés à la réparation et entretien desdits fossés16 ». Mais tous les gentilshommes, semble-t-il, ne faisaient pas preuve de la libéralité que montre Jacques de Chambray dans son testament. Ainsi les vassaux dépendants de la baronnie du Bec-Crespin obtiennent-ils du roi l’exemption « d’édifier et construire duement » et des droits de « charoits, servages », en 1465, 1573, 1595 et 161117.
6Certains commanditaires se prévalaient de quelques connaissances en architecture, suivant là une vieille tradition18. En l’absence d’un architecte, la part du maître de l’ouvrage dans l’élaboration du projet devait être parfois décisive. Ainsi, Louis Picard, de retour d’Italie, fait construire à Ételan un pavillon d’escalier d’une forme tout à fait inhabituelle, largement ouverte par de grandes arcades et sans doute couverte en terrasse à l’origine (fig. 32b, 43). Il n’est guère douteux que Louis Picard eut une part non négligeable dans la conception de la tour d’Ételan. En revanche, on s’interroge sur Martainville, bâti au même moment pour Jacques Le Pelletier, grand bourgeois et armateur, conseiller de la ville de Rouen (fig. 2, 44). Tout comme à Ételan, le plan-masse, l’emploi des matériaux, le traitement des façades et des cheminées, le décor sculpté, les techniques d’assemblage de la charpente sont des topiques de l’architecture haut-normande de l’époque. Cependant, le plan double en profondeur, où la symétrie s’applique à toutes les dispositions internes (murs de refend, portes, fenêtres, cheminées, latrines, meurtrières), est à ma connaissance sans précédent en France, de même que la distribution avec l’introduction d’un système de circulation constitué à chaque niveau d’un couloir central couplé avec l’escalier, qui permet de hiérarchiser clairement les espaces. Le parti architectural relève indéniablement de ce que les traités du XVIe siècle nomment ratio19, c’est-à-dire la régularité en termes d’axes de symétrie et d’orthogonalité. Et, partant, Martainville se rattache à d’autres édifices, contemporains ou postérieurs, où une telle exigence se manifeste : le projet non réalisé pour Gaillon (vers 1498), les châteaux du Verger (vers 1500), de Bury (1511), ou encore de Chenonceau (1514) qui doit l’essentiel de son plan à Martainville. L’apparition de ce phénomène dans ces édifices coïncide avec la première expédition d’Italie, à laquelle ont participé leurs commanditaires, Jacques Le Pelletier compris, bien que de manière indirecte. En effet, Le Pelletier se rend à la cour et devant le roi, à Lyon, lors des préparatifs en mars 1494 pour en revenir au mois d’avril20. Si l’on admet que le plan de Martainville n’a pas d’antécédents en France et trouve bien son origine dans ce séjour lyonnais de Le Pelletier, peut-on envisager que l’architecte qui l’a conçu était lui-même à la Cour ? J’ose à peine émettre une telle hypothèse qu’aucun texte ne vient étayer : on ne peut que constater l’originalité de Martainville. Quoi qu’il en soit, en prenant un peu de champ, on voit que les innovations capitales d’Ételan et de Martainville sont dans l’air du temps. Les gros pavillons de l’archevêché à Rouen (à partir de 1495), le corps de logis sur rue de l’hôtel de Bourgtheroulde (vers 1500) et la petite galerie doublant la Grand’Maison de Gaillon (vers 1505) sont couverts en terrasse21 ; la cage de la grande vis de Gaillon comme celle d’Ételan s’ouvre largement sur la cour22 ; et si le projet de Gaillon (vers 1498, fig. 45) ne montre pas la même exigence de symétrie et d’orthogonalité que Martainville, du moins révèle-t-il une volonté de régulariser le château dans un site qui ne s’y prêtait guère23. Ces innovations, vite diffusées, rendent particulièrement délicate la recherche de leur origine et la part de chacun des intervenants – commanditaires, architectes et maçons –, y compris lorsque les travaux sont documentés24.
7Que certains gentilshommes se soient piqué d’avoir des connaissances en architecture ne fait guère de doute. Ceci doit être particulièrement vrai dans la seconde moitié du XVIe siècle, car l’époque voit paraître quantité de livres d’architecture et de recueils de modèles qui leur sont directement destinés25. Tel est le cas, par exemple, du Livre d’architecture de Jacques Androuet du Cerceau de 1559, comme s’en ouvre l’auteur dans sa dédicace à Henri II :
J’ay composé, taillé, et imprimé jusques au nombre de cinquante bastimens, tous differents, pour servir aux princes, grands seigneurs, gens de moyen, et petit estat de vostre royaume : affin que chacun selon sa capacité, et faculté, s’en puisse servir et ayder.26
8Le même, dans son Livre publié en 1582, plus explicite encore, signale dans le titre les « plants et élévations de bastiments pour seigneurs, gentilhommes et autres qui voudront bastir aux champs27 ». Claude II Le Roux, seigneur du Bourgtheroulde, possède plusieurs de ces ouvrages dans sa bibliothèque en 159128. Néanmoins, l’analyse de certaines demeures de qualité permet d’assurer que des architectes hautement qualifiés sont intervenus sur leur chantier. Elle permet aussi d’en dresser le portrait-robot, faute, dans la plupart des cas, de connaître leur identité.
9Un seul nom est parvenu jusqu’à nous, celui de Pierre De la Rue, qui passe un marché le 15 février 1580 par lequel il s’oblige envers « Messire Jacques de Bauquemare, chevalier, sieur de Bourdeny, premier président au parlement [de Normandie], à bâtir et édifier une maison et chapelle au manoir seigneurial dudit lieu [de Bourdenis], moyennant 183 écus soleil29 » (fig. 9). De la Rue est-il seulement l’entrepreneur ou a-t-il aussi établi les plans et les « modèles » ? Difficile de le dire, car ce marché reste malheureusement introuvable aujourd’hui. Cependant, ce que l’on sait par ailleurs de l’activité de Pierre De la Rue, toujours qualifié de « maistre masson et tailleur de pierre » et jamais d’architecte, le présente plutôt comme un exécutant et un entrepreneur. En effet, son activité, attestée de 1559 à 1588, consiste à fournir de la pierre pour les réparations du château de Fontaine-le-Bourg (1559), à être maître juré des réparations des prisons de la vicomté de Lyons (1567), à dresser un boulevard en terre pour les fortifications de Rouen (1569), à construire, outre la maison noble et la chapelle de Bourdenis (1580), une résidence à La Pommeraye pour le conseiller au parlement Nicolas Puchot (1587-1588, fig. 4630). Qu’il soit établi à Charleval laisse à penser qu’il a aussi œuvré sur le chantier royal. On doit peut-être également lui attribuer la construction des maisons seigneuriales de Pierre de Courcol à Fleury (vers 1562-1567), située à faible distance de Charleval, et de Jacques de Saint-Ouen à Ernemont (vers 1585-1590), dont le plan et le traitement des façades sont presque en tout point identiques à ceux de La Pommeraye. La qualité des commanditaires de Pierre De la Rue (le conseil de la ville de Rouen, la princesse Renée de France, le premier président du parlement de Normandie, un conseiller de ce parlement et, peut-être, le roi Charles IX) témoigne qu’il est un maître-maçon recherché, sans doute capable d’une meilleure qualité d’exécution que d’autres. Cependant, il est vraisemblable qu’à l’occasion, Pierre De la Rue ait proposé ses propres dessins à des commanditaires de moindre volée : les points communs relevés entre les petites maisons campagnardes contemporaines de La Pommeraye et d’Ernemont invitent à le penser. A-t-il donné aussi les dessins pour Bourdenis ? Ou Jacques de Bauquemare s’est-il adressé à un « donneur de protraits et faiseurs de desseings31 » ? Rien n’est sûr.
10Pour les autres maisons nobles de Haute-Normandie, on ne peut que formuler des hypothèses faute de documents, avec toute la prudence que cet exercice demande, à partir de mentions indirectes, de l’analyse des bâtiments, de la localisation de ceux-ci et du statut du commanditaire. Ainsi, c’est peut-être à un autre membre de la famille De la Rue que l’on doit la construction de la maison campagnarde du Bourgtheroulde au début du XVIe siècle. La présence de Jean De la Rue, « maçon tailleur d’image » de Rouen, est en effet attestée au Bourgtheroulde après 1517. Guillaume II Le Roux, seigneur du lieu, fait ériger en collégiale l’église paroissiale cette année-là et, à la suite de cette fondation, fait bâtir un chœur « beau et somptueux » et la tour-clocher de l’église par Jean De la Rue32. C’est peut-être aussi à ce dernier que l’on doit la célèbre galerie de l’hôtel de Bourgtheroulde de Rouen qui appartient aux Le Roux33. On peut donc légitimement penser qu’avant d’œuvrer à l’église collégiale, Jean, ou son père Nicolas, qui exerçait la même profession, a travaillé à la construction de la maison seigneuriale du lieu pour le même commanditaire. Faut-il pousser plus loin l’hypothèse et dire que la famille De la Rue, véritable dynastie de maîtres-maçons normands, était attachée au service de l’une des plus importantes familles de parlementaires de la province, les Le Roux ? Dans ce cas, la construction du manoir seigneurial de Tilly serait due également à Jean De la Rue. Mais de cela aussi on ne peut être assuré sans documents. On observera seulement que la famille Le Roux s’est attaché les services d’une autre famille d’artistes talentueux dans les années 1520-1530 : les maîtres-verriers Jean et Engrand Le Prince, alors à l’apogée de leur art, qui travaillent pour elle aux verrières des églises de Saint-Vincent de Rouen, Notre-Dame de Louviers, Saint-Laurent du Bourgtheroulde et Saint-Ouen d’Infreville34.
11D’autres familles de maîtres-maçons et d’architectes sont implantées dans la province. On connaît, bien sûr, les Leroux, Jacques et Rouland, qui se succèdent comme maîtres des œuvres de maçonnerie de la cathédrale de Rouen, les Le Signerre, Michel et Pierre35, les Chenevières, dont le plus connu, Jean, fit une brillante carrière à Rome36, les Theroulde à Rouen et à Caudebec37, les Pontif à Rouen38 ou encore les Grappin à Gisors39. Il faut aussi citer, individuellement, Pierre Delorme, Pierre Fain, Simon Vitecoq, Robert Fresnelles, ainsi que Roger Noblet, appelé « architector » en 1514, mais dont on ignore presque tout40. Il ne fait guère de doute que tous ces maîtres-maçons et architectes ont œuvré régulièrement sur des chantiers publics et privés dans la province. J’en veux pour preuve Rouland Leroux, qui bâtit l’hôtel des généraux des finances à Rouen, Pierre Delorme, qui travaille pour Georges d’Amboise à Rouen et à Gaillon et pour Antoine Bohier au logis abbatial de Saint-Ouen à Rouen41, mais aussi Jean Le Conte, maître des œuvres de maçonnerie du roi dans le bailliage de Rouen, qui achète pour son propre compte, sans doute pour un chantier privé, vingt-deux tonneaux de pierre de Saint-Leu à la fabrique de la cathédrale en 149942. On peut encore citer Robert Grappin, maître des œuvres de l’église de Gisors, qui travaille vraisemblablement aux fortifications bastionnées du château de la ville vers 1538-1543 et qui est appelé en février 1542 par Adrienne d’Estouteville pour moderniser son château de Trie43, ou Guillaume Marchant, maître des œuvres de maçonnerie du roi au bailliage de Gisors en 154344. La carrière de ce dernier et celle de son fils, bien connues, sont intéressantes car elles se partagent entre la clientèle normande et la cour. Guillaume Marchant n’œuvre pas seulement dans le bailliage de Gisors dans les années 1540-1550 : en 1543, il est maître-maçon de la duchesse d’Étampes à Challuau ; en 1545, il travaille à l’hôtel parisien de Jean Du Val, trésorier de l’épargne, et, en 1551, à celui de Jacques Marcel, autre financier de François Ier ; vers 1555, il construit le château de Vallery pour le maréchal de Saint-André, certainement sous la conduite de Pierre Lescot45. Son fils, aussi prénommé Guillaume, débute sa carrière comme « maître architecte du roi » Charles IX au pavillon d’entrée de l’Arsenal à Paris en 1568 et au chantier de Charleval de 1570 à 157446. Après la mort du roi (30 mai 1574) qui met un terme au vaste chantier, il entre au service du cardinal de Bourbon, archevêque de Rouen, pour lequel il travaille à la Chartreuse de Gaillon, sans doute aux nouveaux corps de galerie du château (1575) et, plus tard, au logis abbatial de Saint-Germain-des-Près (1586). Entre temps, il construit aussi pour les officiers du roi, pour Benoît Milon l’hôtel d’Ollainville à Paris (1576) et pour François d’O le château de Fresnes (aujourd’hui Ecquevilly) sur les dessins de Baptiste Androuet du Cerceau (157847). La présence de Guillaume II Marchant et de Baptiste Androuet du Cerceau à Charleval retient l’attention, car tous deux ont œuvré peu après à Fresnes, dont le parti général et le plan rappellent étonnamment deux édifices normands contemporains : Fleury et Bailleul.
12Bâtis au cours de la décennie 1560, Bailleul et Fleury sont des édifices de plan massé double en profondeur implantés au milieu d’un jardin (fig. 39, 40). Il s’agit d’une disposition absolument nouvelle à cette date, et une telle ressemblance avec Fresnes ne peut tenir de la pure coïncidence : Baptiste a dû voir Bailleul et Fleury au moment où il était en Normandie48 (fig. 47). On doit aussi s’interroger plus particulièrement sur Fleury, distant d’une petite dizaine de kilomètres seulement de Charleval, car ses élévations et son plan révèlent un architecte brillant, qui connaît l’œuvre manuscrite de Serlio (Livre VI), les chantiers contemporains (Saint-Maur-des-Fossés, Bailleul), les plans novateurs de la région (Martainville, Bailleul), et qui, à partir de ce matériel, est capable de créer une œuvre tout à fait neuve (fig. 17). On lui doit ainsi, semble-t-il, l’idée des niveaux dissociés de Fleury : les chaînes harpées qui animent les façades ne traduisent pas les divisions internes, du moins pour les deux premiers niveaux (elles ne sont pas placées au droit des murs et cloisons intérieurs, mais en fonction d’une symétrie des extérieurs) et les toits en pavillon ne correspondent qu’aux seules divisions de l’étage attique. On comprend que l’architecte de Fleury a joué avec maestria entre les « dedans » et les « dehors » afin de privilégier les formes contrastées des volumes et des toits selon une esthétique pittoresque – que Jacques Androuet du Cerceau exploite dans ses dessins des années 1560-1570 et contribue à diffuser par la suite dans l’un de ses modèles pour « bâtir aux champs » (158249). Ces éléments invitent à nous pencher sur la personnalité du commanditaire et sur l’identité de son architecte.
13Selon plusieurs actes conservés à l’Archivio di Stato à Turin, Pierre de Courcol était vicomte et receveur de la châtellenie de Lyons pour la duchesse de Ferrare Renée de France de 1543 à 156350. À cet office, il gérait l’ensemble du domaine, examinait les comptes et en percevait les revenus pour la duchesse. Lorsque, devenue veuve en 1559, celle-ci revient en France l’année suivante et choisit de s’installer à Montargis, elle charge semble-t-il Jacques Androuet du Cerceau, devenu son architecte, d’embellir le château, tandis qu’elle confie à Courcol le soin de lui fournir une « grande quantité de voirre pour [sa] gallerye bastye de neuf en [son] chasteau de Montargis » – ce dont il s’acquitte très bien comme nous l’avons vu51. Les deux hommes ont-ils été en contact à cette occasion ? Cela n’aurait rien d’étonnant, surtout lorsqu’on sait qu’au mois de septembre 1563, le secrétaire de Renée de France, Jean Gueffier, et plusieurs autres officiers de la duchesse « disnerent en la maison du viconte Courcol » à Lyons52. Mais peut-on pour autant attribuer la conception de Fleury à Jacques Androuet du Cerceau ? Faute de documents, il faut revenir à l’analyse du bâtiment pour cerner de plus près ses particularités.
14L’analyse architecturale de Fleury nous oriente invariablement vers les œuvres de Jacques Androuet du Cerceau et de son fils Baptiste, dont on connaît l’essentiel de la carrière grâce à David Thomson53. On l’a dit, le parti général se retrouve peu après à Fresnes : une maison de plan massé, cantonnée de pavillons et entourée sur trois côtés par un vaste jardin. La distribution même de Fleury, avec son corps central occupé par une allée et, sur les côtés, par des salles que précèdent de petites pièces rectangulaires, ressemble fort à la distribution de Fresnes ou, du moins, à ce que l’on suppose d’elle à partir d’un dessin de Jacques Androuet du Cerceau, daté vers 156054. En revanche, ce que l’on sait du traitement décoratif de Fresnes, dont seul subsiste aujourd’hui un pavillon (nord-ouest), ressemble assez peu à Fleury, excepté la présence de tables à crossettes et de fenêtres passantes visibles sur les gravures d’Israël Silvestre. Mais il n’y rien là de convaincant.
15La comparaison avec Tournanfy (Graville), bâti entre 1580 et 1586, autre œuvre attribuée avec vraisemblance par Thomson à Baptiste, l’est un peu plus : les fenêtres sur jardin, avec leurs plates-bandes clavées et leurs chaînes harpées en bossage de brique se détachant sur l’enduit de couleur ocre, sont plus dans le goût de Fleury. Mais, ici encore, le rapprochement n’emporte pas la conviction. Une autre comparaison, toutefois, paraît plus décisive, qui porte, non sur le traitement décoratif, mais sur celui des volumes. À l’inverse de la tradition française qui greffe assez systématiquement de hauts pavillons sur un corps principal plus bas, l’architecte de Fleury a surélevé le corps central par de gros pavillons isolés par des terrasses, qui dominent des pavillons d’angle plus bas, de sorte que les volumes s’inscrivent dans une composition fortement pyramidale. L’origine de ce parti si novateur est sans aucun doute un modèle resté à l’état manuscrit proposé par Serlio dans son Livre VI, où des tours basses cantonnent un corps de logis de plan massé sommé d’un énorme dôme accosté de pavillons (ms. Columbia University, pl. XLIII et XLIV ; ms. Vienne, pl. XXXIX, fos 41 et 42, fig. 4855). Le rapprochement paraît d’autant plus évident que les pavillons d’angle de Fleury reposent, comme ceux du modèle serlien, sur un soubassement de plan différent, tour circulaire sur soubassement carré chez Serlio, pavillon carré sur soubassement bastionné à Fleury (fig. 49). Variation inspirée par Chambord, ce modèle n’a connu, à ma connaissance, aucune fortune en France, en dehors du château de Fleury. Or, on note de remarquables parentés entre ce parti si original et plusieurs dessins de l’entourage de Jacques Androuet du Cerceau conservés à la bibliothèque municipale de Lyon et avec deux édifices réalisés par Baptiste Androuet du Cerceau56. À Fresnes, en 1578, le corps central est couvert par des toits en pavillon séparés par de petites terrasses et le grand lanternon au centre du bâtiment ; à la différence de Fleury cependant, les pavillons sont, suivant la tradition, plus hauts que le corps central (fig. 47). À Amboile (Ormesson), bâti vers 1574-1578, au contraire, Baptiste reprend l’idée des pavillons d’angle plus bas que le corps central, mais, en revanche, il couvre le corps central d’un seul grand toit en pavillon57 (fig. 50). À Fresnes et à Amboile, Baptiste semble jouer sur les variations possibles du parti développé à Fleury.
16Après la mort de Pierre de Courcol vers 1569, son fils Jean est, semble-t-il, en charge de la surintendance du chantier de Charleval en « l’absence de Monseigneur de Durescu » (4 mai 157558). Ce « Durescu » dont il est question n’est autre que Jean Férey, seigneur de Durescu, intendant des finances, conseiller de Charles IX et surintendant des bâtiments de Charleval depuis janvier 1574 ; Jacques Androuet du Cerceau, qui semble particulièrement bien informé, le mentionne dans ses Plus excellents bâtiments de France (notice Charleval) comme celui qui décida le roi à bâtir à Noyon-sur-Andelle (hameau appelé Charleval à partir de l’automne 157059). C’est également lui qui négocia en 1573 l’échange de la terre de Noyon-sur-Andelle contre celles du Vaudreuil et de Léry entre le roi et Philippe de Boulainvilliers60. Le fils du commanditaire de Fleury était donc en relation avec la personne la plus impliquée après le souverain dans la réalisation du château royal. En tant que suppléant du seigneur de Durescu, Jean de Courcol a forcément eu des contacts avec les architectes présents sur le chantier, Guillaume II Marchant, Claude Fouques61 et Baptiste Androuet du Cerceau, dont la présence est attestée à partir de 157462. Mais sans doute aussi avec Jacques Androuet du Cerceau, qui fut selon toute vraisemblance l’architecte de Charleval et qui avait peut-être déjà été celui du château bâti par son père63.
17La présence des Du Cerceau père et fils en Normandie a peut-être aussi à voir avec le fait qu’un petit groupe de maisons nobles haut-normandes semble inspiré par leurs œuvres, de pierre et de papier. Ainsi, les recueils de Jacques paraissent avoir eu une influence considérable sur le plan, l’organisation des façades et la distribution de Brécourt (vers 1577-158064). On y reconnaît en effet sans peine les longues façades rectilignes sans scansion hormis celles des toits et les tables à crossettes du Livre d’architecture de 1582 (fig. 51a, 51b). Le détail même de la distribution semble s’inspirer du modèle XX du Livre de 1559 (fig. 52, 53). Comme au Plessis-Fortia rapproché d’un projet de Du Cerceau par Claude Mignot65, si le parti général est très différent, la distribution du bâtiment principal, avec son allée traversante couplée à un escalier rampe sur rampe placé dans-œuvre et sur le côté qu’encadrent, de chaque côté, une salle et une antichambre, apparaît comme le modèle incontestable de Brécourt. La même remarque vaut pour Le Bec-Crespin, bâti vers 1580 : la composition des façades sur cour rappelle fortement le modèle XXV du Livre pour les champs de 1582 (fig. 54, 55), tandis que la façade sur jardin reprend sur le mode mineur celle du château d’Ollainville, la « maison de plaisance » d’Henri III en Île-de-France élevée par Baptiste66. La maison des Ifs à Tourville-les-Ifs, peut-être bâtie dans les années 1580, rappelle certains traits décoratifs du château de Fresnes déjà mentionné67. Ces coïncidences peuvent tenir seulement à la connaissance directe ou indirecte des recueils imprimés de Du Cerceau ou des chantiers de son fils Baptiste dans la proche Île-de-France ; néanmoins, on ne peut totalement exclure, a priori, l’intervention de l’architecte préféré d’Henri III à Brécourt et au Bec-Crespin, deux édifices élevés par des officiers de ce roi : Henri Jubert, un gentilhomme de la chambre, et Nicolas Romé, maître des requêtes de l’hôtel, bientôt conseiller du conseil privé.
18À l’inverse, les Logis domestiques, premiers modèles de demeures gravés par Jacques Androuet du Cerceau à la fin des années 1540, semblent inspirés d’une réalité bâtie observée en Haute-Normandie : ils présentent une parenté évidente avec un groupe de maisons nobles que j’ai pu étudier ailleurs68, avec leur « allée » médiane couplée à l’escalier, qui assure à la fois une distribution indépendante du rez-de-chaussée et des étages, et une communication entre la cour et le jardin. Ainsi, le modèle C reprend le plan massé de Martainville, tandis que le modèle A semble directement inspiré des châteaux de Tilly et de Fontaine-le-Bourg, trois édifices normands où l’« allée » distribue d’un côté la « grant salle » et de l’autre la sallette (appelée « salle commune » par Du Cerceau69) et la cuisine (fig. 56, 57, 58).
19Par ailleurs, si Guillaume Marchant, Claude Foucques et Baptiste Androuet du Cerceau sont des architectes du roi œuvrant en Normandie, ils ne sont pas les seuls. Avant eux, des architectes en lien avec la cour étaient présents dans la région pour d’autres raisons. Philibert Delorme, « conducteur général des ouvrages des côtes de Bretagne » de 1544 à 1548, devait exercer ses attributions au-delà des côtes bretonnes70. Selon Jean-Marie Pérouse de Montclos, il est présent en Normandie en juillet 1545, pour « visiter les navyres qui estoient à la coste de Normandie et arrester des vivres […] cordaiges et aultres équipages pour porter au camp de Boulogne71 ». Il est présent sur les marches de la province pour conduire le chantier d’Anet à partir de la fin 1547, mais peut-être aussi avant72. C’est à cette époque qu’il obtient l’abbaye d’Ivry (aujourd’hui Ivry-la-Bataille, Eure), bénéfice ecclésiastique normand proche d’Anet qu’il conserve de 1548 à 1560. Il obtiendra un autre bénéfice normand, le prieuré de Saint-Martin d’Heudreville (au Mesnil-sur-l’Estrée), en 1563, lors de son retour en grâce auprès de la régente (il porte encore le titre en 156973). De plus, en novembre 1549, Delorme est chargé, avec Louis Pétremol, président du parlement de Normandie, et Henri Jubert, « sieur de La Gripperie74 », de désarmer des galères qui avaient été rassemblées à Rouen75. Le 21 juin 1550, enfin, il passe un marché en présence de Claude d’Annebault, amiral de France et nouveau gouverneur de Normandie, pour la construction de la citadelle de Dieppe, ce qui revient à dire qu’il a visité les lieux avant cette date76. D’ailleurs, Delorme était certainement en Normandie aux côtés d’Annebault au mois d’août 1547 pour visiter et « faire fortiffier les places frontières de Normandie » par commandement du roi77. Il était sans doute également à la suite d’Henri II lors de son voyage en Normandie à l’automne 1550, notamment lors de son entrée dans la métropole normande le 1er octobre78 (fig. 14).
20Au cours de ces cinq ou six années, de 1544-1545 à 1550, Delorme a-t-il aussi travaillé sur des chantiers privés normands ? En l’absence de documents, il serait téméraire d’attribuer au maître tel ou tel château ou maison noble, bien que la tentation soit grande. En effet, on ne peut nier la nouveauté, l’élégance et la qualité d’exécution d’édifices tels qu’Acquigny (fig. 30), Bonnemare (fig. 59) et Bailleul (fig. 60), où l’empreinte de Delorme paraît forte79. Rappelons cependant qu’en 1536, le futur Henri II devient non seulement dauphin et duc de Bretagne, mais aussi gouverneur de Normandie80. Il se constitue alors une clientèle normande81 où l’on trouve justement les commanditaires des demeures que l’on a citées. De même, il est indéniable que l’œuvre de Delorme, réalisée ou seulement projetée, reçoit un accueil chaleureux de la part des gentilshommes haut-normands à partir des années 1550. Outre Acquigny, Bonnemare et Bailleul déjà cités, Beuzeville-la-Grenier (fig. 38), Hellenvilliers et La Petite Heuze semblent plus ou moins directement inspirés d’Anet, du château neuf de Saint-Germain-en-Laye ou des Tuileries. La proximité de la province avec ces œuvres du maître, le jeu des clientèles du dauphin et de la favorite, qui possède une importante assise foncière en Normandie, et, tout simplement, l’attrait exercé par la manière de Philibert Delorme peuvent expliquer un tel mimétisme architectural – observation qui rappelle celle formulée plus haut à propos de Baptiste Androuet du Cerceau.
21Pendant le gouvernement du dauphin Henri, qui est aussi la période au cours de laquelle la Normandie est marquée par une effervescence architecturale qu’elle n’avait pas connue depuis une trentaine d’années, on sait que l’« ymaginier et architecteur » Jean Goujon travaille à Rouen, aux colonnes du jubé de Saint-Maclou et peut-être à la Fierté Saint-Romain, mais surtout au tombeau du grand sénéchal de Normandie Louis de Brézé, l’époux défunt de Diane de Poitiers. Une nouvelle fois, il est tentant de lier les événements entre eux : Jean Goujon, une fois le tombeau achevé, est peut-être entré au service du principal favori du dauphin, le connétable Anne de Montmorency, au moment même où celui-ci emploie le rouennais Masséot Abaquesne pour faire les carreaux de pavement émaillés de son château d’Écouen (154282).
22Il manque à ce tableau un autre architecte de renom : Pierre Lescot. Était-il présent dans la province ? A-t-il œuvré pour quelques gentilshommes normands ? On l’ignore. En revanche, on sait que son beau-frère était normand : Charles Gouel, seigneur de Poville et de Villiers, premier président de la cour des aides à Rouen83. Cette alliance atteste que les deux familles, les Gouel et les Lescot, se connaissaient, mais c’est bien tout ce que l’on peut dire. Les grandes réalisations de Lescot, le Louvre et Vallery, trouvent, elles aussi, des échos en Normandie, tout particulièrement à Acquigny où l’on retrouve les chaînes en bossage (fig. 61, 62) et les fenêtres traitées en niche de Vallery (fig. 63, 64) et la manière de faire porter comme au Louvre le mur de refend à l’étage par des colonnes au rez-de-chaussée (tribunal et antichambre du roi, fig. 65, 66).
23Il faudrait plus de place ici pour développer l’influence de Serlio sur l’architecture normande. On retiendra seulement que, sans surprise, les publications du maître bolonais, tout spécialement les Regole generali di architettura sopra le cinque maniere degli edifici…, publiées à Venise en 1537, ont joué un rôle éminent dans la modernisation des demeures de la noblesse haut-normande à partir des années 1550 : les piédroits des cheminées de Bonnemare (après 1555), Beuzeville-la-Grenier (entre 1550 et 1561) et Mentheville (entre 1595 et 1606), les tables qui ornent la façade sur cour du modeste logis du Flot (vers 1560), l’ordonnance et certains détails des façades du Taillis (entre 1545 et 1555), les ordres de colonnes du portique de Bailleul (vers 1565) et encore la porte d’entrée d’Hellenvilliers (peu après 1551) copient les planches de Serlio ou en sont largement inspirés84 (fig. 67 à 72). Mais certains architectes ayant œuvré en Normandie ont eu également connaissance (directement ou indirectement) de modèles alors inédits du Bolonais, comme l’architecte du Taillis qui reprend entre 1545 et 1555 les grandes tables des trumeaux de certains modèles de « maisons à construire à la campagne » du Livre VII (fig. 73, 74). Qui plus est, l’apport de Serlio en Normandie ne se limite pas au langage architectural ; il concerne l’invention même des bâtiments, et contribue à renouveler les formes séculaires des maisons nobles de la province. À Acquigny, comme Serlio le propose pour le modèle XIII de son Livre VII, l’architecte prend à son compte une forme singulière, capable de frapper les esprits, avec un plan en équerre revisitée, une équerre à axe de symétrie dans l'angle, c’est-à-dire composée de deux ailes parfaitement symétriques au centre desquelles, dans l’angle rentrant, est percée l’entrée surmontée d’une tourelle (fig. 30). À Fleury, l’architecte s’inspire du modèle XXXIX du Livre VI resté à l’état manuscrit85, où les volumes s’inscrivent dans une composition fortement pyramidale – à moins qu’il n’ait eu accès à une version française de ce modèle (fig. 17, 48).
24De ce qui précède, on comprend que la province offre un climat favorable aux échanges, émulations et surenchères architecturales. À preuve, les pilastres « à pieds-bots » que Delorme emploie (ou projette) aux lucarnes du château d’Anet sont un emprunt à l’édicule qui couronne le tombeau de Louis de Brézé à Rouen par Goujon. De même, comme l’a judicieusement remarqué Henri Zerner, le frontispice d’Anet (aujourd’hui remonté à l’école des Beaux-Arts à Paris) est un rappel formel, lourd de sens, du tombeau de Brézé : les emprunts de Delorme pour Anet, qui ont ici valeur de paraphrases significatives, rappellent à tous le souvenir du grand sénéchal de Normandie86.
25Les rapports entre les architectes parisiens et normands ne datent d’ailleurs pas de cette époque. Florian Meunier a récemment rappelé qu’ils s’étaient déjà tissés avant l’occupation anglaise et n’étaient ni limités dans le temps ni à sens unique87. En 1412, le Parisien Robert de Helbuterne, en charge depuis 1406 des œuvres de maçonnerie du roi à Paris et auteur de la tour Jean-sans-Peur, est également maître d’œuvre pour le seigneur de Tancarville. Entre 1431 et 1437, Pierre Robin, maître des œuvres de maçonnerie du roi, de la ville de Paris et de Notre-Dame, conçoit les plans de l’église Saint-Maclou à Rouen en s’inspirant de l’église de Caudebec-en-Caux88. Inversement, beaucoup d’artisans formés sur les chantiers normands passent au service de commanditaires extérieurs à la province. C’est le cas dans la seconde moitié du XVe siècle de Nicolas Duval : maître des œuvres de maçonnerie du roi à Rouen de logis du XVIe siècle depuis 1447, il passe ensuite au service du cardinal d’Estouteville (hôtel archiépiscopal et château de Gaillon) et de Jean d’Orléans pour lequel il restaure le château de Longueville en Normandie avant d’entamer la reconstruction du château de Châteaudun à partir de 145989. Le maître-charpentier Jean Le Marchant le jeune, à qui l’on doit l’église Saint-Paul de Paris et de nombreux hôtels, ainsi que les constructions éphémères des entrées royales des années 1500-151090, est peut-être le même Jean Le Marchant qui œuvre en 1484 au château du Bec-Crespin pour Jacques de Brézé91. Jean de Chenevières, membre d’une dynastie de maîtres-maçons rouennais, est appelé par le pape Jules II à Rome, où il est l’architecte de l’église Saint-Louis-des-Français92. Goujon, après avoir travaillé à Rouen, œuvre au jubé de Saint-Germain-l’Auxerrois, à Écouen au service du connétable, à la fontaine des Innocents et au Louvre93. Comme l’écrit justement Étienne Hamon, il serait donc faux de croire en « l’imperméabilité des chantiers franciliens à l’arrivée de main d’œuvre qualifiée normande », et vice-versa94.
26La présence en Normandie de Delorme, de Goujon, peut-être de Lescot, au cours des années 1540-1550, fut à coup sûr un facteur stimulant pour les architectes et maîtres-maçons qu’ils côtoyaient dans la province. Yves Pauwels a relevé des liens entre l’œuvre rouennaise de Goujon et l’architecture espagnole qu’il explique par la présence d’une importante colonie de marchands ibériques dans la métropole normande95. Pour ce qui est de l’architecture civile, il n’est pas étonnant au regard de ce qui précède que dans une Normandie dominée de manière écrasante par le brique et pierre apparaisse au cours de ces années une architecture en bel appareil de pierre de taille : Le Taillis, Annebault, Valmont, Mesnières, Acquigny, Beuzeville-la-Grenier, Les Mottes, Bailleul en sont les représentants les plus évidents. L’emploi de la pierre de taille et sa mise en œuvre trahissent la volonté de quelques architectes normands de rompre avec les traditions constructives, de faire des œuvres résolument modernes, c’est-à-dire « à l’antique ». Délaissant l’usage additionné de la pierre et de la brique (ou du silex) habituellement privilégié pour la construction des maisons nobles de la province, ils utilisent la pierre de taille parfaitement équarrie, la brique, non visible, étant réservée à l’intérieur des murs96 (fig. 30, 59, 75). Bien plus, les joints qui lient ces pierres sont d’une grande finesse, de 2 à 3 millimètres d’épaisseur, et d’une grande régularité, contrairement à ce que l’on peut voir dans les constructions antérieures de la région, où les joints, irréguliers, ont en moyenne un centimètre d’épaisseur – c’est encore le cas au Taillis vers 1545, pourtant très neuf par sa forme générale et son traitement (fig. 76). En cela, on retrouve des préceptes édictés par Delorme97. Non seulement pour lui, la pierre est la matière d’identification de l’architecture française, mais dans son Instruction, il se vante d’« avoir porté en France la façon de bien bastir », et notamment d’avoir « osté les façons barbares et grandes commissures », c’est-à-dire les gros joints des appareils gothiques98. Delorme, Lescot et leurs émules sont dans les années 1540 et 1550 les promoteurs de la maçonnerie à joints fins99. En Haute-Normandie, l’emploi des « petites commissures » tend à se généraliser à cette époque dans les édifices civils de qualité que j’ai cités, en particulier Acquigny (vers 1550) et Beuzeville-la-Grenier (vers 1555). L’exemple de Beuzeville est éclairant, car il montre une connaissance à la fois formelle et technique de l’œuvre de Delorme, qui peut difficilement s’expliquer sans un rapport direct avec le maître ou ses collaborateurs, car l’autre nouveauté de Beuzeville tient dans la manière dont l’ancien bâtiment a été rhabillé et régularisé (fig. 38, 75). Le maître d’œuvre a gardé l’ancien logis seigneurial malgré sa vétusté (il date des années 1470) et n’a visiblement pas cherché à bouleverser l’organisation du « clos masure » dans lequel il se trouve. Mais le nouveau logis a été implanté au fond d’une cour, pour se donner à voir dès l’entrée, et perpendiculairement à l’ancien, pour régulariser l’ensemble. Dans le même esprit, le vieux bâtiment a été rhabillé en plaquant un parement en pierre de taille avec des moulures du même type que celles du nouveau logis – corps de moulures calqué sur celui employé par Delorme au pavillon d’entrée d’Anet (fig. 75, 77). Certes, à toutes les époques, il est assez courant de faire du neuf avec du vieux, parfois en rhabillant les vieilles maçonneries100, mais à Beuzeville, on retrouve le procédé dont Philibert Delorme a été, si ce n’est l’inventeur, du moins le médiateur par son œuvre bâtie (hôtel Bullioud, Anet) et plus encore par son traité :
Posez donque le cas qu’il soit venu à quelque grand seigneur ou autre, par succession héréditaire, ou par autre moien, un chasteau ou maison bastie par son grand-père, ou bisayeul, [… et] que l’héritier, ainsi que souvent il advient, ne trouve bon ce qui est faict, […]. Souhaitans doncques de faire un fort beau logis, il ne veult abbatre pour cela l’antique édifice de ses majeurs et prédécesseurs, ainsi s’en voudroit bien servir pour l’espargne, combien qu’il soit différent à celuy qu’il veut faire […]. En telle contrariété, subjective et contraincte, il faut que l’architecte ait bon entendement et qu’il ne parle comme font les ignorants qui conseillent de tout abatre incontinent.101
27Pour illustrer son propos, Delorme montre l’image d’un vieux château, discontinu et irrégulier, et une autre d’un château neuf, continu et régulier102.
28Prenons enfin l’exemple d’Acquigny. Son architecte emprunte au château d’Anet la coupole à godrons des tourelles et le bandeau mouluré du châtelet d’entrée (fig. 77, 78), tandis qu’il puise chez Lescot, on l’a dit, les chaînes en bossage (fig. 61, 62) et les fenêtres traitées en niche de Vallery (fig. 63, 64) ainsi que la manière de faire porter le mur de refend à l’étage par des colonnes du rez-de-chaussée (Louvre, tribunal et antichambre du roi, fig. 65, 66). Cependant, de tous les emprunts repérés à Acquigny, aucun n’est une copie littérale de son modèle et leur détournement n’est jamais gratuit : l’architecte d’Acquigny, certainement un grand maître, a réagi à ces modèles comme autant de stimuli, inventant son propre langage en fonction de ses préférences (ou de celles de ses commanditaires). Ce constat ne vaut d’ailleurs pas seulement pour Acquigny, mais peut être étendu à bon nombre de maisons seigneuriales haut-normandes, de sorte que l’on peut parler d’une manière normande – on y reviendra plus loin103.
29Pour conclure sur ce qui précède, contrairement à Caen et à la Basse-Normandie, avec les Le Prestre et les Gabriel, ou encore à une métropole régionale aussi développée que Toulouse, avec les Bachelier, Rouen et la Haute-Normandie n’ont pas été dominés par une dynastie d’architectes. La raison à cette situation tient peut-être à la présence, bien plus importante ici qu’ailleurs, de fortes personnalités à qui les nombreux chantiers ouverts dans la région offraient l’occasion d’exercer leurs talents en toute indépendance. C’est le cas au commencement du XVIe siècle : au même moment, les maîtres venus du Val de Loire, Colin Biart, Guillaume Senault et Jean Fouquet, exercent à Gaillon où ils sont bientôt rejoints par Pierre Fain et Pierre Delorme qui, jusque-là, travaillaient à Rouen, tandis que Thomas Theroulde dresse le logis abbatial de Saint-Ouen (qu’augmentent peu après Fain et Delorme), Rouland Leroux le portail de la cathédrale et l’hôtel des généraux des finances, et les De la Rue peut-être l’hôtel de Bourgtheroulde et la maison campagnarde du même nom. Cette situation se répète sans doute encore au milieu du siècle, avec la construction d’Acquigny, de Bonnemare, de Bailleul, de Fleury, autant de réalisations de qualité vraisemblablement construites par des maîtres différents. Or, bien qu’ils soient de grands représentants de l’architecture savante, ces maîtres ne renoncent pas aux caractéristiques régionales et à certains traits vernaculaires, si bien que l’originalité de Rouen et de la Haute-Normandie demeure identifiable tout au long du XVIe siècle, sans véritable rupture.
L’APPROVISIONNEMENT DU CHANTIER
30La provenance des matériaux est le point de cette enquête pour lequel nous avons le plus d’informations, moins par les marchés que par d’autres sources (aveux, testaments, inventaires…), et surtout par l’analyse archéologique et les études récentes des bâtiments de la région.
La pierre
31La pierre est la marque des édifices de qualité. Cependant, à l’exception des années 1540-1560, elle n’est pas le matériau le plus employé dans la construction des manoirs. Le coût élevé de l’extraction, transport et mise en œuvre, explique en partie ce constat, mais ce n’est pas la principale raison. En effet, à partir des années 1460, la pierre est presque toujours associée à la brique, qui, jusque-là, n’avait guère été utilisée dans la province. Produite sur place et plus facile à mettre en œuvre, la brique entre alors en concurrence avec la pierre. Sans nul doute s’y ajoute une préférence esthétique : un goût marqué pour la polychromie du brique et pierre, qui ne se démentira pas avant le milieu du XVIIe siècle. Reste que la pierre, employée seule ou, comme on vient de le dire, associée avec la brique, mais aussi avec le silex ou le moellon, est le matériau distinctif de la demeure noble.
32Suivant les études récentes de Philippe Lardin104, l’origine des pierres utilisées dans la contruction avant et après la guerre de Cent Ans reste inchangée. La craie, qui constitue l’essentiel du sous-sol de la Normandie orientale, affleure dans les vallées et sur les falaises littorales. L’un des bancs (d’âge cénomanien inférieur) est exploité à partir du XIIIe siècle depuis Fécamp (d’où il tient son nom) jusqu’à l’abbaye et au château de Valmont. Plusieurs gentilshommes de la région possèdent sinon des carrières, du moins des droits sur elles. Ainsi la famille de Prétreval est-elle propriétaire de la carrière située dans son fief du même nom105, d’où sont tirées les pierres de taille utilisées pour la construction de leur manoir de Mentheville (vers 1595-1606), mais certainement aussi de Bailleul (vers 1565), pour Bertrand de Bailleul et son épouse, Catherine de Prétreval. En outre, la famille de Bailleul, par son fief voisin de Vinesmesnil (aujourd’hui Vilmesnil), possède le droit « de prendre pierre aux carrieres de Vaulx de Carville106 » (fig. 15).
33Ces bancs de craie comprenaient aussi du silex sous forme de dalles ou de rognons. Le silex récupéré principalement dans la région de la basse Seine, plus précisément dans le Bec-de-Caux et autour de Montivilliers, était le plus souvent utilisé en l’état pour « melloner », c’est-à-dire pour être noyés dans du mortier, soit dans les fondations, soit en remplissage des murs. Il semble que la taille du silex était connue depuis le XIe ou le XIIe siècle, mais trop rudimentaire pour être utilisée ailleurs que dans des travaux secondaires. À partir de la fin du XVe siècle, semble-t-il, la taille étant parfaitement calibrée à l’aide de « moules », les maçons purent mettre le silex en parement, la face aplanie, d’une belle couleur noire à reflets bleutés, tournée vers l’extérieur du mur107 (fig. 79). Ces « caillous brisiés » furent alors employés là où ils abondaient en remplacement de la brique. Autrement dit, alors que dans les autres pays de la province se développe une puissante architecture brique et pierre, le Bec-de-Caux céde à une architecture silex et pierre originale et d’un bel effet : aux manoirs de Cauville, du Hérault, de Réauté, de Raimbertot, de Saint-Supplix et jusqu’au logis citadin du gouverneur du Havre108. Ailleurs, le silex, gris, brun ou roux, que l’on pouvait se contenter de ramasser dans les champs ou dans les bois, était systématiquement utilisé pour « melloner » (dans les fondations) ou en remplissage, mais aussi, plus ponctuellement, en raison de sa résistance, en parement dans les soubassements. Ainsi est-il utilisé avec du grès pour former un soubassement traité en damier, comme à Martainville, Tilly ou La Petite Heuze. Plus rarement, il peut être employé sous forme de petits cabochons pour apporter un aspect orfévré à une façade, comme encore à La Petite Heuze.
34Une autre particularité de la région tient à la présence de fortes concentrations de grès, que l’on rencontre en énormes masses à l’ouest de la vallée de la Scie, sur le plateau entre Veules et Saint-Valéry-en-Caux. Le principal centre de l’exploitation est Blosseville-sur-Mer, mais il en existait d’autres, plus modestes, entre Saint-Saëns et Buchy, à Varneville-les-Grès et Rocquemont, autour de Bolbec ainsi qu’à La Pommeraye, près de Rouen109. Le grès est tout particulièrement apprécié pour sa forte résistance aux intempéries et donc, sans surprise, on le trouve principalement employé pour le pavage des cours et pour les parties les plus exposées des bâtiments : solins, contreforts, chaînes d’angle, parfois encadrements de fenêtre (La Motte, Auffay-la-Mallet, Commanville, Perriers-sur-Andelle…). Dans les pays où il abonde, il peut aussi être employé avec une mise en œuvre plus soignée en parement des murs du bâtiment principal, comme au manoir de Jean Ango où il forme avec le silex de superbes motifs décoratifs qui animent la surface murale (fig. 80).
35La préférence générale des commanditaires normands va cependant à la pierre de taille tirée des nombreuses carrières de la vallée de la Seine et de ses affluents. Bien entendu, la qualité de ces pierres varie selon les lieux d’extraction et les bancs.
36La pierre la plus employée reste celle de Vernon (en réalité de Vernonet, situé sur la rive droite de la Seine, en face de Vernon), parce qu’elle est relativement tendre, d’une blancheur éclatante et sans défauts hormis la présence par endroits de rognons de silex. Idéalement situées à proximité du fleuve, les carrières de Vernon approvisionnent par voie d’eau les grands chantiers de l’archevêché de Rouen et de Gaillon pour Guillaume d’Estouteville comme pour Georges d’Amboise, ainsi que des chantiers plus éloignés, tel Anet110. Elle est également utilisée en amont dans de nombreux chantiers civils et ecclésiastiques depuis Évreux jusqu’à Paris où elle sert notamment à l’hôtel de Pierre Legendre à la toute fin du XVe siècle111. Cette pierre très recherchée en raison de sa qualité est aussi la plus chère ; c’est pour cette raison qu’à partir de la fin du XVe siècle on commence à lui préférer la pierre de Saint-Leu-d’Esserent dans la vallée de l’Oise, moins chère, mais facile à travailler et d’une belle couleur jaune dorée112. Exploitée depuis l’époque gallo-romaine et au Moyen Âge sur une vaste zone s’étendant de Beauvais à Sens et Rouen, la pierre de Saint-Leu est abondamment employée en Normandie à la fin du XVe siècle et au début du XVIe, à la cathédrale de Rouen (tour de Beurre, terminée en 1508), au palais du Neuf-Marché, actuel palais de Justice (1499-1506), à l’hôtel archiépiscopal et au château de Gaillon, ainsi que dans des chantiers plus modestes. En 1498, l’abbé de Saint-Ouen Antoine Bohier fait construire un nouveau portail à son manoir de Perriers-sur-Andelle pour partie en pierre de Saint-Leu : les pierres sont acheminées par voie fluviale jusqu’aux quais de Rouen, puis charroyées jusqu’au manoir113. Les pierres utilisées pour embellir Martainville au même moment (la travée centrale avec le portail et le chevet de la chapelle au-dessus) ont certainement emprunté le même chemin. En revanche, au début des années 1570, pour le chantier royal de Charleval pourtant distant de quatre kilomètres seulement de Perriers, on choisit un chemin plus court : les pierres ne sont pas déposées sur les quais de Rouen mais en amont, au port de Poses, situé au confluent de la Seine et de l’Andelle, d’où elles sont acheminées par voie terrestre jusqu’au chantier114.
37Dans certains cas exceptionnels, la pierre de Saint-Leu pouvait être transportée sur des distances beaucoup plus grandes. Sa présence à Tilly (Boissey-le-Châtel) et à Acquigny, loin des grands axes fluviaux ou maritimes, montre que l’excellente qualité de cette pierre était reconnue et recherchée (fig. 16, 30). On fait le même constat au manoir de Jean Ango (vers 1535-1542). Si l’on utilise pour le principal des murs une craie des proches falaises de la côte et le grès des roches tombées sur l’estran115, pour les parties sculptées (chapiteaux, arcades, cheminées, etc.), on emploie la pierre de Saint-Leu, de plus grande qualité et plus tendre (fig. 80). L’utilisation de cette pierre si loin de son lieu d’extraction ne doit pas étonner, car, au même moment, la ville de Dieppe en fait venir en quantité pour ses travaux d’adduction d’eau : Jean Ango, vicomte de Dieppe, aura sans doute profité de ce chantier édilitaire – chantier qu’il a dû en partie initier – pour se fournir en pierre116.
38Il existait d’autres carrières en aval de Rouen. Celles du Val des Leus, c’est-à-dire de Caumont et des environs, entre la Bouille et Mauny, fournissaient une pierre semblable à celle de Vernon (elle appartient à la même couche géologique), utilisée principalement à Rouen et sur les chantiers voisins117. Le portail bâti pour Antoine Bohier à Perriers est construit pour l’essentiel avec cette pierre, dont douze tonneaux empruntent le même chemin que la pierre de Saint-Leu : la voie fluviale jusqu’aux quais de Rouen, puis la voie terrestre jusqu’à Perriers118. Pour la construction du manoir des Rocques à Villequier, on s’est sans doute aussi fourni dans ces carrières situées à quelques kilomètres seulement en amont du fleuve.
39On peut encore citer les carrières de Sainte-Agathe dans le pays de Bray, la carrière de La Puthenaye, qui a alimenté dans les années 1560 le chantier du manoir des Fossés, situé dans la même paroisse (fig. 41119), la carrière du Plain-Bosc, peut-être dans la seigneurie du même nom120, la carrière de Montfort qui a dû fournir les chantiers d’Annebault et des Mottes121 (fig. 28), la carrière d’Acquigny, sur la rive droite de l’Eure, que possédait le baron du lieu122, ou encore les carrières de Louviers et du Mesnil-Jourdain, dont la pierre, réputée pour sa dureté, était utilisée principalement pour les marches d’escaliers (escaliers de Gaillon et du pavillon d’entrée du doyenné d’Évreux123).
40Pour conclure, on comprend que, comme dans d’autres provinces124, l’approvisionnement en pierre (mais cela vaut aussi pour les autres matériaux) se faisait au voisinage immédiat des chantiers, excepté pour les pierres de qualité supérieure que l’on pouvait faire venir de loin. L’abondance des carrières de proximité et la facilité d’approvisionnement par voie d’eau expliquent qu’à partir des années 1540 une architecture en bel appareil de pierre de taille ait pu voir le jour en Normandie.
La brique
41La brique, qui n’était plus employée en Normandie, connaît à partir des années 1450 un renouveau. Philippe Lardin, qui a révélé ce phénomène, avance deux facteurs pour l’expliquer, en plus de l’évidente difficulté de transport de la pierre à l’heure où les infrastructures se remettent à peine en place : le premier, l’abondance du bois nécessaire à la cuisson des briques après un conflit qui a permis aux forêts de se reconstituer ; le second, la plus grande capacité des briques à absorber l’impact du boulet métallique, qui révolutionne l’art de la fortification dans la seconde moitié du XVe siècle125. Quelle que soit la pertinence de ces facteurs, on doit surtout remarquer que les briques utilisées ont une origine commune : la Flandre et l’Artois. Dès 1429, un bateau flamand décharge un millier de briques à Dieppe ; en 1458 et en 1467, plusieurs milliers de briques sont encore achetées en Flandre126. Certes, ces briques ne sont pas d’abord employées pour la construction d’édifices, mais pour les brasseries de Dieppe, où elles servent à la construction de fours dans lesquels l’orge est desséchée avant fermentation. Mais c’est tout naturellement vers la Flandre et l’Artois que se tournent les seigneurs normands avec le retour à la paix et la nécessité de reconstruire. En 1457, un spécialiste venu de Hesdin-en-Artois installe à Arques une briqueterie destinée à fabriquer le matériau pour les réparations du château ainsi que la construction éventuelle de maisons dans la ville127. En 1458, Hannequin Rolof a déjà installé une briqueterie à Sainte-Foy pour la reconstruction du château de Longueville où 200 000 briques sont livrées de mars à octobre128. Les Normands semblent en avoir très vite assimilé les techniques de fabrication puisque les briqueteries tenues par des artisans de la province se multiplient dans les décennies suivantes : vers 1462-1464, à Gacé, dans l’Orne, un maçon rouennais répare le château en utilisant de la brique faite sur place ; en 1475, Colin de Saint-Pierre fabrique les briques pour les réparations du chancel de l’église de Croixdalle ; à Valmont les briques sont achetées localement pour la reconstruction du château, tandis que plusieurs briqueteries sont installées à proximité de Tancarville (1481-1484129). Un parti décoratif – le mur animé par l’alternance d’assises de brique et de pierre de taille – triomphe dans les décennies 1460 et 1470 : à Valmont et aux Loges pour les Estouteville, à Ételan pour Guillaume Picard (fig. 32b), à Argueil pour Georges Havart et Antoinette d’Estouteville, à Tancarville (parement des murs à l’intérieur) pour les Harcourt130. Si l’on en trouve encore un exemple dans la décennie 1490, à Caumare pour Jean de Camprond, il semble cependant que cette mode soit passée au profit d’un autre parti décoratif promis à un plus grand avenir : le brique et pierre, où la brique s’associe à des parties vives en pierre (chaînes d’angle, jambes harpées placées au droit des poutres et des murs de refends et encadrements des ouvertures). Cet appareil apparaît à la fin de la décennie 1470, à Perriers (fig. 81), et à mesure qu’il se généralise, les briqueteries se multiplient. Celle du Bois-Guillaume, située en bordure du bois de la Forêt Verte, est sans doute créée pour la construction de Martainville (vers 1495, fig. 2), distant de 15 kilomètres, et pour les remaniements du manoir de Perriers (1497-1498), à 25 kilomètres131. La briqueterie du Mont-Cauvaire, attestée à partir de 1501, au voisinage de la forêt de Clères, est peut-être conçue pour le chantier du baron de Clères (vers 1500-1505132). Et celle de Gaillon, pour la reconstruction du château (1498-1510133). En 1503, le normand Louis Malet de Graville, amiral de France, emploie ce matériau lorsqu’il se fait construire un hôtel à Paris par Waleran Hardy134. Au logis abbatial de Saint-Ouen à Rouen, pour unifier les vieilles maçonneries en pierre avec les nouvelles, on n’hésite pas à peindre « en fachon de bricque la vieille massonnerie de la petite court de Monseigneur [Antoine Bohier]135 » (1507-1508, fig. 82). Sur ce chantier, de vraies briques, au nombre de 350 000 en 1507-1508, sont fournies par Denis Fleury136. Dans la seconde moitié du XVIe siècle, c’est encore un Rouennais, Denis Gois, qui fournit la « marchandise de bricque » à Guillaume II Marchant pour le chantier de Charleval (1571137), tandis qu’au Bourgtheroulde, les briques, fabriquées sur place, sont entreposées à couvert pendant l’interruption des travaux avec les bûches de hêtre destinées à la cuisson des prochaines fournées (1591138).
Le bois
42Bon nombre de petites et moyennes seigneuries possèdent un parc, un bois ou une forêt (Acquigny, Clères) ou des droits dans l’une des grandes forêts royales de la province. Ainsi Jacques de Chambray détient des droits sur la forêt royale de Beaumont-le-Roger :
A cause de mondit fief, j’ay droict d’avoir et prendre en la forest dudict Beaumont pour l’édiffice et entretenement de mesdites maison, coulombier, grange, manoir, maisons de madite sieurie, pontz et pontzlevis, ensemble de mondit moullin, bois de merrain toutes et quantes foys que mestier en estet ce par la livrée du verdier de ladite forestou son lieutenant.139
43Le seigneur de Chauvincourt a « droit de franc usages, tant pour ardoir que bastir, pasturages, pennages [i.e. pasnage, c’est-à-dire droit de faire paître les porcs] et autres franchises en la forest de Lions », tandis que Pierre de Courcol a des droits comparables dans cette forêt, notamment de prendre du « bois pour bastir et reparer140 ». Florestan de Ricarville détient le droit de « prendre [dans la forêt royale d’Eawy] chesnes pour bastir maisons et reparer mondict hostel et edifice dudit lieu de la Vallouinne » (1602141). Bien sûr, ces droits ne sont pas gratuits, le seigneur devant débourser des taxes d’usage, appelées « amendes ». Ils sont soumis, de plus, à certaines restrictions. Dans la forêt de Vernon, le seigneur d’Heubécourt ne peut prendre que « le bois pour fere escarrié a [sa] maisons », c’est-à-dire « 4 postz [poteaux], 2 sommiers, 2 trefs [poutres maîtresses], 2 pouchons [poinçons], 4 soubzchevrons, 1 feste et deux pannes, 2 fillieres [pannes], 1 pere de chevrons et tous les liens au dessoubz des trefs », tandis que Guillaume de Daubeuf, s’il veut reconstruire sa maison seigneuriale, n’est pas autorisé à prélever des chevrons142. Mais, somme toute, ces droits restent avantageux. Aussi les seigneurs se soucient-ils de les faire confirmer par le roi : en 1483, Robert Destain, seigneur du Taillis, reçoit de Charles VIII des lettres patentes lui confirmant les privilèges attachés à son fief, notamment celui de recevoir du bois provenant de la forêt du Trait « pour ardoir et reparoir en son hostel et manoir dudit lieu du Taillis hors deffendz143 » ; Jacques de Chambray reçoit confirmation de ses droits sur la forêt de Beaumont par lettres patentes de Louis XII du 20 juillet 1498144 ; Pierre de Courcol, seigneur de Fleury, après l’acquisition de ce fief en 1559, est confirmé dans les siens par lettres patentes de Charles IX du 11 mars 1562145. Les droits sur les forêts royales restent d’autant plus avantageux pour ces gentilshommes que leurs propres bois et parcs sont généralement soumis au contrôle des officiers royaux. En effet, lorsqu’un seigneur veut couper ou vendre une coupe de bois de son domaine, il doit en avoir reçu l’autorisation préalable. Il doit de plus payer des taxes sur le produit de la vente, la plus importante étant le « tiers et danger », taxe qui représente à elle seule plus de 43 % de la vent146. Quelques rares gentilshommes réussissent cependant à obtenir une exemption, tels le baron du Bec-Crespin et le seigneur du Bus à des dates indéterminées, et Jacques de Bauquemare, seigneur de Bourdenis, par l’acquisition de ce droit auprès des commissaires du roi en 1573147.
44Un autre moyen pour un gentilhomme de se fournir en bois de construction est d’obtenir un don, selon une pratique en apparence assez fréquent148. Ainsi, en 1498, les religieux de l’abbaye de l’Isle-Dieu à Perruel-sur-Andelle font un don de neuf chênes à Jacques Le Pelletie149. Il est fort probable que ces chênes ont servi à la construction de Martainville. D’une certaine manière, la confirmation des droits dont bénéficient les seigneurs riverains des forêts royales, déjà cités, est une forme de don royal. Pour preuve, la confirmation des droits précède souvent l’engagement de travaux, comme le suggèrent les exemples de Thevray, du Taillis et de Fleury.
45D’autres seigneurs, enfin, achètent du bois à des marchands, soit directement sur les quais des villes portuaires (Rouen, Dieppe), soit sur les marchés de ces ville150. Mais si le marché est au forfait, comme c’est le cas pour beaucoup d’ouvrages privés (et non en régie directe, comme sur les grands chantiers ecclésiastiques de la province), le bois peut être fourni par le maître-charpentier. Cette règle souffre cependant des exceptions. À Thevray, où le marché de réparation des couvertures est passé au forfait, le bois pour faire les essentes est fourni par le seigneur, qui, on l’a vu, avait des droits sur la forêt de Beaumont, tandis que les ouvriers sont chargés de fournir les autres matériaux : l’ardoise, les clous, l’huile, etc151.
Les matériaux de couverture
46Au sortir de la guerre de Cent Ans, seuls sont couverts d’ardoises dans la province les bâtiments publics, les églises et les bâtiments du roi, c’est-à-dire les sièges du pouvoir dans la province (la porte de la vicomté, la porte du milieu du Pont de Seine et la Tour du Roy du château à Rou152). Les causes en sont simples : à ce moment, l’ardoise provient surtout des lointaines Ardennes et son transport augmente considérablement les prix ; de plus, l’ardoise est un matériau lourd qui nécessite une charpente solide, donc coûteuse. Dans les décennies suivantes, la situation évolue grâce aux chantiers des grands seigneurs, les seuls à avoir des revenus suffisants pour s’offrir ce luxe. Les châteaux de Gaillon et de Longueville, l’hôtel archiépiscopal de Rouen, le prieuré de Grandmont sont couverts d’ardoises. Ces grands chantiers contribuent à stimuler les ventes et, partant, à mettre en place un commerce de redistribution centré sur Rouen. Mais il faut attendre la fin du XVe et le début du siècle suivant pour voir une utilisation plus grande de ce matériau. En outre, l’ardoise ne vient plus seulement des Ardennes, mais de régions plus faciles d’accès par bateau, en particulier d’Anjou. Le palais du Neuf-Marché et l’hôtel abbatial de Saint-Ouen à Rouen sont couverts d’ardoises d’Angers, comme, selon toute vraisemblance, les corps neufs de Gaillon153. De fait, le célèbre Livre des fontaines de Jacques Le Lieur (vers 1520) montre à Rouen une situation bien différente de l’après guerre de Cent Ans : si les nouveaux bâtiments officiels (palais du Neuf-Marché, hôtel des généraux des finances) présentent une belle couverture bleutée, les églises, l’hôtel archiépiscopal et l’hôtel de Fécamp, les hôtels particuliers (de Bourgtheroulde, des Caradas) et les villas suburbaines (« jardin du général Preudhomme ») sont aussi couverts d’ardoises (fig. 4). Les maisons campagnardes de la noblesse ont certainement suivi ce mouvement. En 1498, la « grande maison » de Perriers est couverte d’ardoises et animée de faîtages et d’épis en plomb doré154. En 1516, le château de Logempré (Douville-sur-Andelle) est lui aussi couvert avec ce matériau155. À Saint-Nicolas d’Aliermont, en 1528, la « grande maison » du manoir en était aussi couverte156. Les toits en pavillon de Tilly, vers 1528-1535, qui s’inspirent de Gaillon, étaient probablement comme eux couverts d’ardoises et surmontés de faîtages en plomb doré157 (fig. 16, 83). Les grands toits du château de Mesnières le sont également158 (fig. 84), comme ceux des maisons nobles de Fontaine-le-Bourg (fig. 85), de La Folletière (fig. 86), de Thevray, de Chambray et du Mesnil-Jourdain, même si les textes qui l’attestent sont parfois tardifs159.
47Mais si le bâtiment principal semble toujours couvert d’ardoises, les bâtiments secondaires le sont plus rarement, sans doute par économie, mais aussi pour répondre à la hiérarchie des bâtiments. À Thevray, hormis la tour-maîtresse et la maison seigneuriale, seuls le puits et le « pavillion du portail » sont couverts d’ardoises, sans doute parce que le premier est au centre de la cour et le second lui donne accès ; les autres dépendances sont couvertes soit de tuiles, soit d’essentes160. À Fontaine-le-Bourg, les deux bâtiments principaux, les tourelles et le pavillon d’entrée du parc à gibier sont couverts d’ardoises, tandis que les dépendances (écuries, granges, colombier, étables) sont en tuile ou en chaume161.
Les métaux
48Les métaux, tout particulièrement le fer, sont très utilisés sur le chantier, sous des formes assez diverses : barreaux aux soupiraux du sous-sol et aux fenêtres du rez-de-chaussée, barres pour porter les briques du foyer des cheminées, serrures et ferrures des portes et fenêtres, clous pour fixer les lattes de la couverture ou les ardoises et les tuiles, plomb des faîtages, des épis, des terrasses ou tenant les verres des vitrages, ou encore, plus rarement, tirants noyés dans la maçonnerie ou ancrant les murs-pignons.
49Le fer provenait d’Espagne, d’Allemagne et de Normandie, dans des proportions qu’on ignore. Mais il semble que le fer normand était majoritaire162. La première région de production, la plus importante, est le pays d’Ouche, qui fournit du fer plat pouvant être facilement transformé par les ouvriers à Rouen et dans le reste de la province. C’est dans cette région, à proximité de la grande forêt royale de Breteuil, que François Ier fait établir une fonderie et des forges pour munir l’armée royale en artillerie à la fin de l’année 1540163. Certains maîtres de forge semblent s’être considérablement enrichis au cours de cette décennie, à tel point que l’un d’eux, Robert de Varennes, peut faire l’acquisition de la seigneurie de Longuelune en 1546, et y faire construire une belle demeure. Des gentilshommes du pays semblent être aussi partie prenante dans ce commerce, tel le seigneur de Glisolles qui possède une forge sur son domaine, en bordure de l’Iton164. La deuxième région estautour de la forêt d’Eawy, avec les villages de Bully, Bures, Les Autieux, Torcy-le-Petit, Escalles et Saint-Martin de Bellencombre, tandis que la troisième est celle de la forêt de Bray, avec les villages de Forges-en-Bray, Beauvoir-en-Lyons, Gournay. Ici encore, les seigneurs locaux semblent avoir joué un rôle important dans le développement des forges, notamment à haut fourneau, qui révolutionnent les conditions économiques de la production à partir des années 1480. Ainsi, en 1518, sur la rivière l’Andelle, une forge à haut fourneau appartient à la baronnie de Perriers-sur-Andelle, dépendante de l’abbaye de Saint-Ouen, tandis que deux hauts-fourneaux appartiennent au seigneur de Normanville, Jean Basset165. Il faut croire qu’à partir du minerai de fer acheté dans le pays de Bray voisin et des droits qu’ils ont sur la proche forêt de Lyons, l’abbé de Saint-Ouen et le seigneur de Normanville ont profité des nouvelles conditions de production du fer. Selon Philippe Lardin, le fer ainsi transformé était dirigé au-delà de la Normandie et, en particulier, vers le marché parisien166.
50De fait, à partir des décennies 1460-1470, il est relativement aisé pour les gentilshommes normands de se procurer les matériaux métalliques nécessaires à leurs chantiers. Ainsi, un peu partout en Normandie – et apparemment surtout dans les villes – on voit se multiplier les maréchaux fabricants de clous167.
51La situation est peu différente pour le plomb, bien qu’aux XVe et XVIe siècles il soit presque exclusivement importé d’Angleterre. Hormis les périodes de conflit ouvert entre la France et l’Angleterre, le commerce du plomb ne connaît pas de réelle difficulté au cours de la période. Pour les couvertures du château de Chambord, c’est précisément à Rouen que viennent se fournir en plomb les ouvriers du roi168.
Notes de bas de page
1 Hamon E., Un chantier flamboyant…, op. cit. ; Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit. ; Id., « Les nouveautés dans l’activité de construction en Normandie orientale au lendemain de l’occupation anglaise (1450-1530) », La Normandie au XVe siècle. Art et histoire, Actes du colloque tenu à Saint-Lô, 2-5 décembre 1998, Saint-Lô, 1999, p. 71-85 ; Meunier F., L’architecture flamboyante…, op. cit.
2 Tableau 1b.
3 AD Seine-Maritime, G 2088 et G 6274.
4 Voir les notices des édifices cités.
5 Voir p. 43.
6 Le mot architecte s’applique aussi aux concepteurs des chantiers de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne, bien qu’il soit souvent délibérément rejeté par les historiens de l’architecture. En effet, il ne fait aucun doute qu’un certain nombre de « maîtres-maçons » ont fourni des plans et des modèles – même si, par ailleurs, ils dirigent ou participent activement, en tant qu’artisans ou entrepreneurs, à la réalisation d’une œuvre.
7 AD Seine-Maritime, 1 ER 1588 : compte de la baronnie, année 1491-1492.
8 Robillard de Beaurepaire C. de, « Notice sur le logis de Saint-Ouen », BCASI, séance du 20 décembre 1898, t. 11, Rouen, 1900, spécialement p. 399. Sur les travaux de Jean de Caux à Gaillon, voir Deville A., Comptes et dépenses de la construction du château de Gaillon, Paris, 1850, p. XCVI-XCVII.
9 Documents 6, 8 et 9.
10 Foisil M., Le sire de Gouberville, op. cit., p. 39 et 51-52.
11 Document 6.
12 Delorme P., Le premier tome…, op. cit., f° 6r°.
13 Dans son testament (1505), il les gratifie de vêtements et de ce qui leur est dû de leurs gages (document 3, art. 18).
14 AD Eure, E 1295, f° 160 (12/08/1566), et E 1298, f° 221v° (25/08/1567).
15 Document 3, art. 24.
16 AD Seine-Maritime, 2 B 438, pièce no 2, 1668.
17 AD Seine-Maritime, 1 ER 1590.
18 Chatenet M., « L’architecture de la première Renaissance », in C. Arminjon, D. Lavalle, M. Chatenet et C. d’Anthenaise (dir.), De l’Italie à Chambord, François Ier. La chevauchée des princes français, Paris, 2004, spécialement p. 55.
19 Günther H., « Visions de l’architecture en Italie et dans l’Europe du Nord au début de la Renaissance », in J. Guillaume (dir.), L’invention de la Renaissance. La réception des formes « à l’antique » au début de la Renaissance, Actes du colloque tenu à Tours, 1-4 juin 1994, Paris, 2003, spécialement p. 17.
20 AM Rouen, A 9, 24/04/1494.
21 Bardati F., « Le palais archiépiscopal de Rouen », in B. Beck, P. Bouet, C. Étienne et I. Lettéron (dir.), L’architecture…, op. cit., t. 2, spécialement p. 122 ; Lettéron I. et Gillot D., Rouen…, op. cit., p. 68-70 et 146 ; Pagazani X., « La “grant viz” du château de Gaillon et sa place dans l’architecture française », in J.-P. Chaline (dir.), Au seuil de la Renaissance. Le cardinal Georges d’Amboise (1450-1510), Actes du colloque tenu à Rouen, 8-9 octobre 2010, Rouen, 2012, spécialement p. 87-88.
22 Pagazani X., « La “grant viz”… », art. cit., p. 98-101.
23 Au prix de travaux de terrassement qui eussent été considérables s’ils avaient été effectivement réalisés. C’est sans doute là une des raisons du rejet de ce projet par le cardinal d’Amboise. Sur ce plan, voir en dernier lieu Taburet-Delahaye E., Bresc-Bautier G. et Crépin-Leblond T. (dir.), France 1500. Entre Moyen Âge et Renaissance, cat. expo., 6 octobre 2010 – 10 janvier 2011, Grand Palais, Paris, 2010, p. 70-71.
24 Tel est le cas pour Gaillon, dont une grande partie des comptes est conservée. Sur le sujet, voir Hamon E., « Le cardinal d’Amboise et ses architectes », in F. Joubert (dir.), L’artiste et le Clerc. La commande artistique des grands ecclésiastiques à la fin du Moyen Âge (XIVe-XVIe), Paris, 2006, p. 329-348.
25 Androuet du Cerceau J., Logis domestiques, s. d. (vers 1550) ; Id., Livre d’architecture de Jaques Androuet du Cerceau, contenant les plans et dessaings de cinquante bastiments tous differens…, Paris, 1559 ; Id., Livre d’architecture [pour ceux] qui voudront bastir aux champs…, Paris, 1582. Parmi d’autres livres d’agronomie : Estienne C. et Liébault J., L’agriculture et maison rustique…, op. cit. ; Serres O. de, Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Paris, 1600 (rééd. Paris, 1996). Sur le sujet, voir Chatenet M., « Les maisons de papier… », art. cit. ; Id., « Des modèles pour l’architecture française », in J. Guillaume (dir.), Jacques Androuet du Cerceau…, op. cit., p. 197-218.
26 Androuet du Cerceau J., Livre d’architecture…, op. cit., 1559.
27 Id., Livre d’architecture…, op. cit., 1582.
28 Document 16, art. 20.
29 Soit environ 595 lt. Robillard de Beaurepaire C. de, « Les architectes de Rouen de 1550 à 1650 », BAMR, année 1905, Rouen, 1905, spécialement p. 87-88. Si on extrapole à partir du prix de la seule maçonnerie dont on sait qu’il équivaut au moins à 50 % du montant d’un bâtiment (Chatenet M., « Le coût des travaux dans les résidences royales d’Île-de-France entre 1528 et 1550 », in J. Guillaume (dir.), Les chantiers de la Renaissance, op. cit., spécialement p. 121), Bourdenis a dû coûter au minimum 1 190 lt à Jacques de Bauquemare.
30 AD Seine-Maritime, 7 H 1139 : état des dépenses de Fontaine-le-Bourg, 06/07/1559 ; Turin, Archivio di Stato, Sezioni Riuniti, Camerale Piemonte, art. 806, paragraphe 2, no 127, pièce no 14 : visite des réparations aux prisons de Lyons, 15/05/1567 ; AD Seine-Maritime, 2 E 14/18, répertoire des tab. extérieurs à Rouen (Collet, notaire à La Pommeraye) : 16/04/1587, 04/07/1587 et 22/07/1588 (mentions) ; Robillard de Beaurepaire C. de, « Les architectes de Rouen… », art. cit., p. 87-88.
31 Delorme P., Le premier tome…, op. cit., f° 21v°.
32 Duchemin P., Histoire de Bourgtheroulde…, op. cit., p. 35-36 ; Lettéron I. et Gillot D., Rouen…, op. cit., p. 155.
33 L’hypothèse écartée par Lettéron I. et Gillot D., Rouen…, op. cit., p. 155, est cependant à retenir : De la Rue, mentionné dans le testament de Guillaume III Le Roux, le commanditaire de la galerie (AD Seine-Maritime, G 3435), comme son débiteur, peut très bien devoir cette situation à une malfaçon, un retard ou tout autre problème intervenu lors du chantier.
34 Cat. expo. Vitraux retrouvés de Saint-Vincent de Rouen, Rouen, 1995, p. 49 ; Callias Bey M., Chaussé V., Gatouillat F. et al., Corpus Vitrearum France. Recensement VI. Les vitraux de Haute-Normandie, Paris, 2001, p. 49 et 121-123.
35 Meunier F., L’architecture flamboyante…, op. cit., vol. 1, p. 278.
36 Frommel C.L., « S. Luigi dei Francesi : Das Meisterwerk des Jean de Chenevières », « Il se rendit en Italie ». Études offertes à André Chastel, Rome/Paris, 1987, p. 169-193.
37 Si la parenté entre Thomas et Jacques Theroulde n’estpas établie, elle estcependant probable.
38 Meunier F., L’architecture flamboyante…, op. cit., vol. 1, p. 276-278.
39 Hamon E., « La grosse tour de l’église de Gisors. Un témoignage précoce de classicisme dans l’architecture de Haute-Normandie (1542-1590) », in B. Beck, P. Bouet, C. Étienne et I. Lettéron (dir.), L’architecture…, op. cit., p. 255-267.
40 AD Seine-Maritime, G 2149, f° 49vo, cité par Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., p. 387 et note 240.
41 Sur les travaux de Delorme, voir Bardati F., « Rouen, archevêché. Georges d’Amboise et la galerie de marbre », Congrès archéologique de France…, op. cit., spécialement p. 200 et note 18 ; Deville A., Comptes et dépenses…, op. cit., p. LVIII-LX ; et à l’hôtel abbatial de Saint-Ouen de Rouen, voir AD Seine-Maritime, 14 H 87 : compte, année 1509-1510, f° 33ro.
42 AD Seine-Maritime, G 2517, f° 29r°, cité par Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 391.
43 Hamon E., « La grosse tour de l’église de Gisors… », art. cit. ; Id., Un chantier flamboyant…, op. cit.
44 Grodecki C., Documents du minutier central des notaires de Paris. Histoire de l’art au XVIe (1540-1600), t. 1 (1985), Paris, 1985-1986, no 86.
45 Grodecki C., « Les chantiers de la noblesse… », art. cit., p. 135.
46 Sur l’Arsenal, voir loc. cit. Sur Charleval, voir Boudon F., « Le château de Charleval », in B. Beck, P. Bouet, C. Étienne et I. Lettéron (dir.), L’architecture…, op. cit., t. 2, p. 95-111 ; Thomson D., Jacques Androuet du Cerceau…, op. cit., p. 207 ; Mignot C., « Du dessin au projet : Du Cerceau architecte ? », in J. Guillaume (dir.), Jacques Androuet du Cerceau…, op. cit., spécialement p. 249-250.
47 Grodecki C., « Les chantiers de la noblesse… », art. cit., p. 133 ; Thomson D., « Baptiste Androuet du Cerceau… », art. cit., p. 50-59.
48 Sur Fresnes, voir loc. cit.
49 BM Lyon, ms. 6246 (publié par Deswarte-Rosa S. et Régnier-Roux D., Le recueil de Lyon. Jacques Ier Androuet du Cerceau et son entourage, Lyon, 2010), LY 32-34, f° 25vo, LY 60, f° 50ro, LY 68B, f° 58vo, LY 89, f° 77vo, LY 90, f° 78r°. Androuet du Cerceau J., Livre d’architecture…, op. cit., 1582, modèle XIIII ; Chatenet M., « Les maisons de papier… », art. cit., p. 74.
50 Turin, Archivio di Stato, Sezioni Riuniti, Camerale Piemonte, art. 806, paragraphe 2, no 128, liasse [4], pièce no 2 (copie sur l’orig., 17/07/1567).
51 Voir p. 82.
52 Turin, Archivio di Stato, Sezioni Riuniti, Camerale Piemonte, art. 806, paragraphe 2, no 128, sac [4], liasse 2, pièces nos 4 et 5 : 23/09/1563.
53 Thomson D., « Baptiste Androuet du Cerceau… », art. cit.
54 Ibid., fig. 11 p. 54.
55 Fiore F.P., Architettura civile. Libri sesto, settimo e ottavo nei manoscritti di Monaco e Vienna, Milan, 1994, p. 113-116 et fig. 41 et 42. Prévu d’abord pour François Ier, ce modèle de « casa del re per far fuori alla campagna » fut redessiné par Serlio pour Henri II comme le suggèrent la couronne couverte (signe des prétentions impériales du roi ?), les fleurs de lis et les croissants au sommet des pavillons et du dôme. Serlio en propose plusieurs variantes, plus modestes, dans son Livre VII : modèles IV, VII, VIII, X (Ibid., p. 284, 287-289, 291-292 et fig. 4, 7, 8, 11). Mais contrairement à ces derniers, le modèle XXXIX n’a pas été publié.
56 Voir références p. 189 et note.
57 Sur Amboile, aujourd’hui appelé Ormesson (Ormesson-sur-Marne, Val-de-Marne), voir Klein R., « Ormesson, son château, ses archives », Bull. de la commission des antiquités de Seine-et-Oise, t. 57, Versailles, 1960-1961, p. 47-56 ; Thomson D., « Baptiste Androuet du Cerceau… », art. cit. ; Chatenet M., « Les maisons de papier… », art. cit., p. 72-73 ; Aubert S., Le château d’Ormesson, mémoire de master 2 sous la direction de C. Mignot, Paris, Université Paris-Sorbonne-Paris IV, 2008, spécialement t. 1, p. 22-23 et 2, fig. 11.
58 AD Eure, 4 E 50/2 : tab. Charleval, 04/05/1575. Ce document laconique mentionne le « cappitaine Courcol » sans autre titre ou indication.
59 Sur Férey, voir BnF, Pièces orig. 1125, Carrés d’Hozier 252, Doss. Bleus 265, cités par Boudon F., « Le château de Charleval », art. cit., p. 96, note 5. Thomson D., Jacques Androuet du Cerceau…, op. cit., p. 207.
60 AD Eure, A 22 : échange entre le roi et P. de Boulainvilliers, 11/04/1573, cité par Boudon F., « Le château de Charleval », art. cit., p. 98 note 22.
61 Leproux G.-M., « Claude Foucques, architecte du cardinal de Lorraine, de Diane de Poitiers et de Charles IX », Documents d’histoire parisienne, no 5, Paris, 2005, spécialement p. 26 (no 5 : 26/12/1570) ; AD Eure, 4 E 50/1 : tab. Noyon-sur-Andelle, 06/03/1571 et 21/07/1571.
62 Laborde L. de, Les comptes des bâtiments du roi (1528-1571), t. 1, Paris, 1877, p. XXXIV-XXXV.
63 Sur l’attribution de Charleval à Du Cerceau, voir Mignot C., « Du dessin au projet… », art. cit., p. 249-250.
64 Androuet du Cerceau J., Livre d’architecture…, op. cit., 1559.
65 Mignot C., « Le château du Plessis-Fortia », Congrès archéologique de France, 189e session, 1981, Blésois et Vendômois, Paris, 1986, spécialement p. 362 et 364.
66 Château d’Ollainville, Essonne (détruit). Androuet du Cerceau J., Livre d’architecture…, op. cit., 1582. Voir Grodecki C., Documents du minutier central…, op. cit., t. 1 (1985), p. 132-135 ; Thomson D., « Baptiste Androuet du Cerceau… », art. cit., p. 47-50 ; Chatenet M., La cour de France…, op. cit., p. 60-62 ; Id., « Les maisons de papier… », art. cit., p. 71.
67 Sur Fresnes, voir Thomson D., « Baptiste Androuet du Cerceau… », art. cit., p. 50-59.
68 Pagazani X., « Maisons des champs… », art. cit. Sur le sujet, voir également l’analyse de Chatenet M., « Des modèles pour l’architecture française », art. cit.
69 Voir p. 241.
70 Pérouse de Montclos J.-M., Philibert de l’Orme (1514-1570), architecte du roi, Paris, 2000, p. 48-53.
71 Blunt A., Philibert de l’Orme, Paris, 1963, p. 168-173.
72 Pérouse de Montclos J.-M., Philibert de l’Orme…, op. cit., p. 254 et 270.
73 Ibid., p. 301.
74 Henri Jubert était sieur de La Grippière et lieutenant-général de l’amirauté de Rouen (voir tableau généalogique 7).
75 Catalogue des actes d’Henri II, op. cit., t. 3, p. 415 ; Pérouse de Montclos J.-M., Philibert de l’Orme, op. cit., note 136.
76 BnF, Pièces orig. 74 (doss. Annebault), no 48.
77 Robillard de Beaurepaire C. de, Inventaire-sommaire…, op. cit., p. 164 : 30/07 et 16/08/1547.
78 Catalogue des actes de Henri II, op. cit., t. 4, nos 7236 et 7272.
79 Pour les caractères delormiens d’Acquigny, Bonnemare et Bailleul, voir leurs notices.
80 Voir p. 88.
81 Parmi laquelle on compte Louis Pétremol, Nicolas Le Conte, Charles de Möy, Louis de Silly et son frère Jacques. À l’avènement du roi ou peu après, tous ou presque sont nommés à de plus hautes fonctions, soit directement auprès de lui, soit dans la province : Pétremol devient président au parlement de Normandie (1549), Le Conte commissaire du roi en Normandie avec Pétremol, les Silly gentilshommes de sa chambre (Louis devient aussi conseiller et chambellan du roi en 1551) ; Charles de Möy estrenouvelé dans sa charge de lieutenant-général de Normandie.
82 Bedos Rezak B., Anne de Montmorency…, op. cit., p. 271. La dernière mention de Goujon à Rouen, qui le qualifie d’« ymaginier et architecteur juré en la ville de Rouen », date du 11 octobre 1542 (Zerner H., L’art de la Renaissance en France. L’invention du classicisme, Paris, 1996, p. 152). Dans sa traduction de Vitruve (Architecture ou Art de bien bastir, Paris, 1547), Jean Martin affirme que Goujon était architecte du connétable de Montmorency avant de passer au service du roi.
83 Greffe F. et Brousselle V., Documents du minutier central des notaires de Paris. Inventaires après décès, t. 2, Paris, 1997, p. 35, no 31 (20/07/1547). Charles Gouel estle mari de Jeanne Lescot, sœur de Pierre et de Léon.
84 Le sujet a déjà été abordé par Gloton J.-J., « Le traité de Serlio et son influence en France », in J. Guillaume (éd.), Les traités d’architecture à la Renaissance, Paris, 1988, p. 407-418 ; et Prévet A., « Les modèles gravés comme source du décor architectural dans la seconde moitié du XVIe. L’exemple du Cotentin », in B. Beck, P. Bouet, C. Étienne et I. Lettéron (dir.), L’architecture…, op. cit., t. 1, p. 123-137.
85 Ms. Staatbibliothek de Munich, f° 42 r° ; ms. Avery Library, Columbia University, New York, pl. XLIII et XLIV.
86 Zerner H., L’art de la Renaissance en France…, op. cit., p. 363.
87 Meunier F., « Les églises flamboyantes de la vallée de la Seine », BAMR, octobre 2002-septembre 2003, Rouen, 2003, spécialement p. 15-17.
88 Meunier F., L’architecture flamboyante…, op. cit., vol. 1, p. 273-274.
89 Sur les interventions de Nicolas Duval en Normandie, voir Lardin P., « Travail et sociabilité… », art. cit. ; Id., « Les travaux d’aménagement… », art. cit. ; Id., Les chantiers du bâtiment…, op. cit. Philippe Lardin n’a toutefois pas relevé l’importance du rôle de Duval : il est l’architecte de ces édifices, notamment de Gaillon pour lequel il fournit en 1454 la « plate-fourme », c’est-à-dire le plan (Lardin P., « Les travaux d’aménagement… », art. cit., p. 122). Sur Chateaudun, voir Chatenet M., Le château de Châteaudun, Paris, 1999.
90 Cité par Hamon E., Art et architecture avant 1515, Paris, 2008, p. 193-194.
91 AD Seine-Maritime, 1 ER 1597 : compte, année 1484-1485. Jean Le Marchant, qualifié de charpentier, travaille à la réparation d’un moulin de la baronnie. Il est peut-être un parent d’un autre Jean Le Marchant, originaire de la région parisienne, qui est nommé maître des œuvres de charpenterie de la cathédrale de Rouen en 1433 et qui cesse son activité en 1462 (Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 395 et note 289).
92 Frommel C.L., « S. Luigi dei Francesi… », art. cit. En Basse-Normandie, voir aussi Since M.-H., « Les jeux chromatiques de François Gabriel entre architecture et jardins », in B. Beck, P. Bouet, C. Étienne et I. Lettéron (dir.), L’architecture…, op. cit., t. 2, p. 335-352.
93 Zerner H., L’art de la Renaissance en France…, op. cit., chap. V.
94 Hamon E., « Le cardinal d’Amboise et ses architectes », art. cit., p. 348.
95 Pauwels Y., L’architecture au temps de la Pléiade, Paris, 2002, p. 20-25.
96 Ce que fait aussi Delorme (Pérouse de Montclos J.-M., Philibert de l’Orme…, op. cit., p. 120-121).
97 Ibid., p. 109 et 111-113.
98 Blunt A., Philibert de l’Orme, op. cit., p. 168-173.
99 Pérouse de Montclos J.-M., Philibert de l’Orme…, op. cit., p. 111-112.
100 Voir Deshayes J., « Observations sur l’évolution… », art. cit., spécialement p. 168, et l’exemple des Loges, en Seine-Maritime (notice 33).
101 Delorme P., Le premier tome…, op. cit., f° 65r°-v°.
102 Ibid., fos 66 et 67 (planches gravées sur bois).
103 Voir p. 208-220.
104 Lardin P., « Les travaux d’aménagement… », art. cit. ; Id., Les chantiers du bâtiment…, op. cit. ; Id., « Les nouveautés dans l’activité de construction… », art. cit., p. 71-85. Voir aussi Meunier F., L’architecture flamboyante…, op. cit., vol. 1, p. 99-131.
105 Pétreval, hameau commune de Mentheville (Seine-Maritime). La pierre était certainement tirée du fond d’une dépression du plateau appelée « fond de Pétreval » (IGN).
106 AD Seine-Maritime, 2 B 426, pièce no 130 : aveu, 1608. Vinesmesnil, aujourd’hui commune d’Annouville-Vilmesnil (Seine-Maritime).
107 Sur le sujet, voir Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 80-82.
108 Dupont-Danican J.-F. et Jamme P. (dir.), Gentilshommes et gentilhommières en pays de Caux, Paris, 1996, p. 28 ; Étienne C., Le Havre : un port, des villes neuves, Paris, 2005, p. 210 et 216.
109 Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 82-86.
110 Delorme P., Le premier tome…, op. cit., f° 246v° : « Tout le portail fait de pierre de Vernon. »
111 Des fragments de cet hôtel détruit sont aujourd’hui conservés à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts à Paris et au dépôt lapidaire du château de Gaillon (Pagazani X., Inventaire du dépôt lapidaire du château de Gaillon, étude inédite pour le service des Monuments historiques de Haute-Normandie, 2005). Sur la datation de l’hôtel, terminé en 1499, voir Hamon E., Une capitale flamboyante…, op. cit.
112 Sur la pierre de Saint-Leu, voir Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 92-95 et 130-132 ; Meunier F., L’architecture flamboyante…, op. cit., vol. 1, p. 116-120.
113 Robillard de Beaurepaire C. de, « Notice sur le logis de Saint-Ouen », art. cit., p. 399.
114 AD Eure, 4 E 50/1 : tab. Noyon-sur-Andelle, alias Charleval, 26/03/1571.
115 Sur le sujet, voir Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 78 et 83.
116 Sur l’adduction d’eau à Dieppe commencée en 1535, voir Féron C., « L’adduction des eaux à Dieppe des origines à nos jours », Bull. des amys du Vieux Dieppe, fasc. LXIV, Dieppe, 1958 (no 2), p. 3-30 ; Manase V., « L’adduction d’eau à Dieppe aux XVIe et XVIIe s : de l’utile à l’apparat », In situ, no 6, 2005, http://insitu.revues.org/8677 (consulté le 30 juillet 2013). Les pierres étaient acheminées par la Seine puis par la mer jusqu’à Dieppe.
117 Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 89-90 ; Meunier F., L’architecture flamboyante…, op. cit., vol. 1, p. 110-111.
118 Robillard de Beaurepaire C. de, « Notice sur le logis de Saint-Ouen », art. cit., p. 398-399.
119 Aujourd’hui commune de Romilly-la-Puthenaye. Blanquart F. (abbé), « Comptes de dépenses… », art. cit., p. 78-80.
120 Meunier F., L’architecture flamboyante…, op. cit., vol. 1, p. 115.
121 Ibid., p. 127-128.
122 AD Seine-Maritime, 2 B 437 : aveu pour Acquigny, 03/01/1584.
123 Deville A., Comptes et dépenses…, op. cit., p. 166-169, 194, 198 et 202 ; Blanquart F. (abbé), « Comptes de dépenses… », art. cit., p. 73-78. Voir aussi Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 88-89 ; Meunier F., L’architecture flamboyante…, op. cit., vol. 1, p. 111-112.
124 Sur le sujet, voir notamment Mussat A., « La rivière et la carrière : l’exemple des pays de Loire », in J. Guillaume (dir.), Les chantiers de la Renaissance, op. cit., p. 11-26.
125 Lardin P., « Les nouveautés dans l’activité de construction… », art. cit., p. 71-72.
126 AD Seine-Maritime, G 504, f° 19ro, G 515, f° 13ro et G 519, f° 12v°, cités par Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 125 et notes 220-221.
127 AD Seine-Maritime, 2 E 36/5, f° 201r°, 04/04/1457 (n. st.), cité par Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 125-126 et note 222.
128 AN, Q 1/1373, Compte de Longueville, année 1458-1459, cité par Lardin P., « Les nouveautés dans l’activité de construction… », art. cit., p. 72 et note 12.
129 Id., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 128 ; Id., « Les nouveautés dans l’activité de construction… », art. cit., p. 72.
130 Sur Valmont, voir la note précédente.
131 Robillard de Beaurepaire C. de, « Notice sur le logis de Saint-Ouen », art. cit., p. 398-399.
132 AD Seine-Maritime, 2 E 1/230, 10/08/1501, cité par Lardin P., « Les nouveautés dans l’activité de construction… », art. cit., p. 72 et note 21.
133 AD Seine-Maritime, G 618, f° 67, cité par Lardin P., « Les nouveautés dans l’activité de construction… », art. cit., p. 72 et note 19.
134 Hamon E., Une capitale flamboyante…, op. cit., p. 154.
135 AD Seine-Maritime, 14 H 86 : compte de Saint-Ouen, 1507-1508, f° 45r°.
136 Ibid., f° 41v°.
137 AD Eure, 4 E 50/1: tab. Noyon-sur-Andelle, 26/03/1571.
138 Document 16, art. 38 et 66.
139 AD Eure, 126 J (fonds non classé) : aveu de Nicolas de Chambray, 10/06/1539, f° 3v°.
140 AD Eure, E 144 : aveu pour Chauvincourt, 05/05/1629 ; AD Seine-Maritime, 2 B 386, pièce no 160 : aveu pour Fleury, 07/04/1672.
141 Document 20.
142 Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 42 et 431-432.
143 AD Seine-Maritime, 116 J 11, pièce no 6 : copie de 1558, cité dans Sorel P., Le château du Taillis…, op. cit., p. 21.
144 AD Eure, 126 J (fonds non classé) : aveu de Nicolas de Chambray, 10/06/1539, f° 6r° (mention).
145 AP, château de Fleury, arrêt du conseil d’État du roi, 24/03/1708 (mention).
146 Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 38-39. Ce droit royal sur les forêts et bois des particuliers remonte en Normandie au moins au XIIIe ; il est encore rappelé par les lettres patentes de Louis XII à Rouen en octobre 1508.
147 AD Seine-Maritime, 2 B 424, pièce no 25 (Le Bec-Crespin) ; 2 B 440, pièce no 37 (Bourdenis). Document 15 (Le Bus).
148 Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 42-46.
149 AD Seine-Maritime, 2 E 14/238 : tab. Auzouville-sur-Ry, 14/04/1498 (n. st.).
150 Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 39-41.
151 Document 22.
152 Lardin P., « Les nouveautés dans l’activité de construction… », art. cit., p. 73-74.
153 AM Rouen, XX3, f° 162v°, cité par Lardin P., « Les nouveautés dans l’activité de construction… », art. cit., p. 74 (palais du Neuf-Marché) ; AD Seine-Maritime, 14 H 86, f° 43ro (hôtel abbatial, art. « Achat de ardoize »).
154 Robillard de Beaurepaire C. de, « Notice sur le logis de Saint-Ouen », art. cit., p. 398-399.
155 Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 218.
156 AD Seine-Maritime, G 430, f° 50v°, cité par Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 218. En 1480, les toits étaient encore couverts de tuiles.
157 Pagazani X., « Le château de Tilly… », art. cit.
158 Mention d’ardoises dans un texte du 27/01/1553 (n. st.) cité par Prevost G.-A., « Note sur des travaux de construction au château de Mesnières », BCASI, t. 17, 1915-1916, Rouen, 1917, p. 197-200.
159 Document 9, art. 3 (Fontaine-le-Bourg, fin 1556) et document 22 (Thevray, 1620) ; AD Seine-Maritime, 2 B 437, f° 61 sq. : aveu du Mesnil-Jourdain, 1665 ; AD Eure, E 842 : aveu de La Folletière, 27/03/1677 ; E 132 : aveu de Chambray, 17/10/1754.
160 Document 22.
161 AD Seine-Maritime, terrier 40 (s. d., milieu XVIIIe ) et 7 H 1143 : procès-verbal de visite de Fontaine-le-Bourg, 10-15/07/1679.
162 Arnoux M., Étude sur la production, le travail et le commerce du fer dans la Normandie médiévale (XIe-XVe s), thèse de doctorat sous la direction de P. Braunstein, Paris, EHESS, 1990 ; Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 225-294 ; Arnoux M., « Crises et mutation des industries normandes », La Normandie au XVe …, op. cit., p. 65-69 ; Belhoste J.-F., Lecherbonnier Y. et al., La métallurgie normande. XIIe-XVIIe s. La révolution du haut-fourneau, Caen, 1991.
163 Catalogue des actes de François Ier, op. cit., t. 4, nos 11639 (15/09/1540) et 11676 (10/1540), t. 8, no 32916 (16/09/1540).
164 AD Seine-Maritime, 2 B 418, pièce no 73 : aveu de Nicolas Chevalier pour Glisolles, 25/06/1599.
165 AM Rouen, tiroir 173, liasse no 1, cité par Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 240-241 (compte rendu d’une visite effectuée le 8 mai 1518 en forêt de Lyons par une délégation de conseillers de la ville de Rouen).
166 Loc. cit.
167 AD Seine-Maritime, 1 ER 1596, f° 100r° : compte, année 1461-1462 ; 1 ER 1597, f° 149v° : compte, année 1484-1485 ; 1 ER 1598 : compte, année 1505-1506. Lardin P., Les chantiers du bâtiment…, op. cit., t. 1, p. 266.
168 Châtenet M., Chambord, op. cit., p. 58.
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