Les machines de traction dans la basilique de Santa Maria Maggiore à Bergame
p. 131-136
Texte intégral
1Sept grosses machines de traction à roue sont conservées dans les combles de la basilique Santa Maria Maggiore de Bergame. Elles remontent probablement à l’époque de la construction de la basilique. Commencés vers 1137, les travaux se poursuivirent jusqu’au XVe siècle, à l’époque où Bertolasio Moroni di Albino acheva le campanile. Il s’agit d’un type de roue très simple, composé d’un grand cercle en bois et d’une série de pieux montés en saillie, en octogonal le long de toute la circonférence. Les treuils à roue n’étaient plus utilisés au haut Moyen Âge et l’on ne retrouve leur trace qu’à la fin du XIIe siècle, Gervais de Cantorbéry fait alors référence à leur utilisation dans la reconstruction de la cathédrale anglaise homonyme, après l’incendie de 1174. On estime que ce type de treuil se situe dans une phase intermédiaire de la réintroduction et du développement médiéval des moteurs à cage à écureuil : parmi ceux-ci, on trouve des modèles équipés d’un levier manuel, reportés dans certaines copies médiévales de l’Ancien Testament pour illustrer la construction de la Tour de Babel, ainsi que des cages à écureuil proprement dites, comme celles des cathédrales anglaises de Salisbury (XIVe siècle) et de Canterbury (XVe siècle), dont le cylindre est construit de manière à permettre aux opérateurs de marcher à l’intérieur ou à l’extérieur. Les monte-charges de Bergame, qui constituent des pièces exceptionnelles pour l’Italie, appartiennent à un type de moteur développé probablement entre le XIIe et le XIVe siècle. Deux autres roues de ce type se trouvent dans les cathédrales de Peterborough (XIIIe siècle) et de Tewkesbury (XIIe siècle) en Angleterre. Parmi les sept roues présentes dans les combles de l’église Santa Maria Maggiore de Bergame, signalées la première fois par S. Angelini (1968) et décrites en détail dans la « Lettura Vinciana » de Pietro C. Marani en 1985, celle qui se trouve sous la nef centrale est, semble-t-il, la plus complète et la mieux conservée. Cette roue, que nous avons choisie d’étudier en détail, a survécu à l’incendie de la couverture de la tour lanterne, en 1655. Elle mesure environ 3,5 mètres de diamètre et diffère des modèles anglais : ses pieux ne sont pas montés symétriquement sur les deux côtés de la roue, mais positionnés uniquement en saillie sur la partie interne, face à l’essieu d’enroulement de la corde. Il s’agit d’un détail important qui nous porte à considérer ce monte-charge comme un modèle plus archaïque que les modèles anglais, et donc à le dater à une époque antérieure. Cette hypothèse est partiellement confirmée par l’iconographie des grues et des moteurs du XVe siècle : on y voit des exemplaires de ces roues construites en doublant le cercle, de manière à ancrer les pieux des deux côtés (voir à ce sujet Taccola et Francesco di Giorgio). Il existe toutefois des variantes. Comme on le voit dans le tableau de la Fonderie des Canons de Francesco Morandini dit Il Poppi datant du milieu du XVIe siècle, une roue à pieux est combinée non pas à un système de levage, mais à une aléseuse horizontale pour les canons. Ces moteurs étaient actionnés par un opérateur qui s’accrochait avec les bras et les jambes sur les pieux, afin de mettre la roue en mouvement. Quelquefois, comme on le voit dans un dessin de Taccola (De Machinis, fo 30ro), ces roues étaient associées à des supports qui permettaient à l’opérateur de s’agripper et de ne travailler qu’avec les jambes. Si besoin, les barres pouvaient également être actionnées à la main. Le monte-charge était également associé à un frein à levier qui exerçait une friction sur le grand cercle, afin de contrôler la vitesse de descente de la charge, ainsi qu’à un système d’arrêt nécessaire à stopper l’installation au cas où il aurait fallu arrêter la machine avec une charge en suspens. Ces deux dispositifs ont disparu.
2Le monte-charge présenté ici fonctionne en association avec une poulie suspendue au faîte du toit (encore en place), qui permettait de déplacer le plan de travail par rapport à la roue et d’avoir donc une hauteur supérieure pour déplacer des charges une fois arrivées au bon niveau. On installait communément ces machines dans les combles afin de les utiliser lors de la construction de la couverture ou, plus tard, pour sa manutention. Cela permettait également d’économiser de nombreux mètres de corde puisqu’il suffisait de couvrir la distance du sol au toit, et non le double comme dans le cas des monte-charges montés au niveau du sol. L’installation dans les combles et dans les tours facilitait également les manœuvres de charge et de décharge parce que les opérateurs pouvaient communiquer facilement avec la personne qui dirigeait les opérations. Enfin, le positionnement du monte-charge à un niveau élevé permettait de travailler en sécurité en mettant les ouvriers à l’abri d’éventuelles chutes accidentelles de la charge. À l’Époque moderne, la quasi totalité de ces dispositifs a été démontée et enlevée en laissant la place à des systèmes de levage motorisés ou des systèmes externes. Cependant, le manque d’accessibilité aux locaux dans lesquels ces machines étaient installées a quelque fois favorisé leur conservation. Dans une étude du début des années 1990, dix-neuf exemplaires ont été recensés sur la France, la Belgique, l’Angleterre, l’Allemagne et la Suède (Matthies, 1992, p. 546-547). L’état de conservation de la structure et la capacité de charge de certaines de ces roues ont permis de les utiliser de nos jours. On conserve un témoignage important quant au monte-charge de la tour de la cloche (Bell Harry Tower) de la cathédrale de Canterbury, qui a été utilisé pendant la restauration de l’église dans les années 1970 : cette roue, actionnée par un opérateur de 70 kg, peut soulever environ 400 kg.
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