Le pan de bois antérieur au XVIe siècle dans l’habitat seigneurial de l’Anjou
p. 161-179
Texte intégral
1 Le tuffeau, roche emblématique du Val de Loire, occulte l’utilisation d’une grande diversité des matériaux de construction mis à disposition par une géologie contrastée. Toutefois, en Anjou, le bois fut parfois choisi en remplacement ou en complément des roches locales y compris dans les secteurs où le tuffeau abonde. Les recherches de G. Carré et E. Litoux depuis les années 1990 sur l’habitat aristocratique médiéval ont révélé nombre de sites méconnus antérieurs à la seconde moitié du XVe siècle. Ainsi c’est quelques soixante sites qui ont été à ce jour étudiés dont plus d’un tiers conserve des structures en bois. La grande reconstruction postérieure à la guerre de Cent Ans de ces manoirs n’a pas rejeté ce mode de construction. La présentation de quelques sites, dont plusieurs exemples ont bénéficié de dendrochronologie, montrera la variété des mises en œuvre sur presque deux siècles. Hors du milieu urbain, le pan de bois existe tant dans les petits manoirs ruraux que dans les châteaux. Ces quelques cas font ressortir les disparitions qui ont eu lieu dans les siècles suivants avec la substitution du bois par de la pierre.
2Le bois dans ces constructions a été employé dans les charpentes de combles, les planchers mais également dans l’ossature. C’est ce dernier aspect qui est essentiellement développé ici au travers de quatre exemples. De plus, l’ossature bois est présente au sein de la demeure de pierre pour former des partitions et les organes de circulation.
LE PAN DE BOIS DANS LES STRUCTURES
3Parmi les sites manoriaux étudiés à ce jour, seuls trois conservent une structure porteuse en bois ; à ceux-là se rajoute un bâtiment prieural1. Le château de Montsoreau, vaste édifice de tuffeau, montre l’utilisation ponctuelle de pan de bois. Ces quelques exemples soulignent la diversité de dispositions que nous avons eu la possibilité d’étudier.
Les Vaux à Daumeray
4Quand on l’aborde, l’édifice des Vaux donne l’image parfaite du manoir de la fin du Moyen Âge : sa tour d’escalier hors-œuvre est centrée sur un corps de logis avec une travée de baies de part et d’autre (fig. 1). À l’occasion de sa restauration en 1991-1992, une histoire plus complexe a pu être notée.
Fig. 1 > Daumeray, les Vaux, façade sud avec la tourelle d’escalier et les baies réinsérées au XVe siècle (Cl. B. Rousseau Service de l’Inventaire du Patrimoine, département de Maine-et-Loire).
5Sur la façade antérieure, les fenêtres et les lucarnes passantes apparaissent nettement réinsérées ainsi que la tour d’escalier. Deux portes condamnées avec leur arrière-voussure en plein-cintre attestent d’une organisation antérieure. Côté intérieur, cinq de ces six portes à linteau droit et coussinets soulignées d’un chanfrein périphérique ouvraient sur des extensions anciennes. L’escalier dessert en plus du rez-de-chaussée un niveau de comble à surcroît. Sur la façade arrière ainsi que sur les pignons, d’autres portes identiques subsistent. Sur le pignon ouest, une cheminée typique du XVe siècle occulte une baie en plein-cintre. Dans l’appentis arrière qui, dans son état actuel, est d’époque contemporaine, une cheminée encastrée au volume central est encadrée par deux poteaux de bois. Deux autres poteaux montant de fond sont visibles près des angles (fig. 2). Ainsi, quatre poteaux structurent ce long pan. Des liens renforcent la jonction avec la sablière extérieure de la charpente de comble. Chaque poteau présente deux mortaises sur sa face externe : une à mi-hauteur et l’autre environ 0,35 m sous la sablière.
Fig. 2 > Daumeray, les Vaux, façade arrière angle sud-est où apparaît un poteau avec la mortaise pour l’entrait du bas-côté (Cl. J.-Y. Hunot).
6Sur la façade antérieure un seul poteau se devine par un coup de sabre limitant la réinsertion de la tour d’escalier. La charpente confirme une symétrie des deux longs-pans avec quatre poteaux de fond supportant la structure de comble (fig. 3 et 4). La sablière extérieure vient s’encastrer au nu intérieur en tête de chaque poteau (25 x 33 cm). Une petite potence permet d’installer la sablière intérieure. Le chapeau (23 x 23 cm) et le lien (13 x 13 cm) sont assemblés à tenon et à mortaise comme l’ensemble du dispositif à cet endroit. Les poteaux sont au nu extérieur des parois maçonnées.
7La charpente de comble est une structure à chevrons-formant-fermes tramée aux versants inclinés à 47°. À chaque couple de poteaux correspond une ferme principale. Ainsi, quatre fermes principales à l’intrados de profil ogival constituent trois travées équivalentes de 4,75 m (fig. 3 et 4). La ferme ouest placée au droit du pignon passe devant la fenêtre. L’entrait délardé avec congé courbe vient coiffer les potences. Le poinçon est chanfreiné jusqu’au faux-entrait, avec base et chapiteau soulignés d’une bague. Les fermes secondaires sont une déclinaison des fermes principales. Elles sont au nombre de six par travées avec un entraxe voisin de 68 cm. Seul le pied de ferme diffère. Une entretoise, soulignée par un simple cavet débordant de 6 cm et liée à chaque entrait, reçoit d’une part le blochet et d’autre part la jambette. L’ensemble est assemblé à tenon et à mortaise. Le contreventement avec faîtage et sous-faîtage est renforcé de liens. Il n’y a pas de liaison entre le sous-faîtage et les faux-entraits des fermes secondaires. À part l’entrait et le poinçon ayant des sections proches de 18 x 18 cm, les autres pièces avoisinent 13 x 13 cm. Le marquage homogène inclus fermes principales et secondaires dans une numérotation continue d’est en ouest avec la contremarque au nord : à gauche dans le sens de lecture. Il n’est pas possible de préciser la date du lambris : XIVe siècle ou XVe siècle.
Fig. 3 > Daumeray, les Vaux, coupe transversale du logis actuel avec la restitution des bas-côtés du XIV e siècle (Relevé et DAO J.-Y. Hunot).
Fig. 4 > Daumeray, les Vaux, coupe longitudinale de la travée centrale où se situé l’emplacement de la cheminée (Relevé et DAO J.-Y. Hunot).
8Des échantillons issus du plancher, du comble et des poteaux, mettent en évidence deux ensembles chronologiquement distincts. Les bois issus du plancher sont abattus après 1454 et probablement avant 1469. Quant aux autres pièces, elles constituent un lot de bois coupés entre 1328 et 1346d2.
9La restitution de l’essentiel du bâtiment de la première moitié du XIVe siècle (fig. 5) est possible. Les espaces entre les poteaux sont garnis, dès l’origine, par une maçonnerie épaisse de 85 à 89 cm. Cette maçonnerie est constituée de moellons de calcaire Cénomanien d’origine locale liés au mortier de chaux. Outre la parfaite liaison entre portes et poteaux, c’est surtout l’absence totale d’assemblage pour des parois en pan de bois qui valide cette proposition. De plus, le défaut de liens entre la sablière extérieure et les deux poteaux centraux nord atteste la présence de cheminées adossées sur le mur gouttereau dès la conception de la charpente3. Dans la restitution proposée, il subsiste des doutes en raison de l’absence de fouilles sur l’emprise des bas-côtés. Le volume central formait, avant la seconde moitié du XVe siècle, une salle de plain-pied montant sous charpente avec une hauteur de quelques 9 m au total pour une surface de 102 m2. Le sens d’ouverture de cinq des six portes anciennes montre que l’on pénétrait depuis la salle dans ces volumes annexes adossés en appentis. Les mortaises permettent de restituer sur ces bas-côtés des demi-fermes à arbalétrier probablement destinés à recevoir un ou deux cours de pannes. Le chevronnage était en continuité avec celui du volume central. Cette disposition est connue à La Gortaie ou à Saint-Martin-du-Bois4. La nature des murs des appentis ne peut être déterminée ; l’absence d’arrachement ne justifie pas des parois en pan de bois. En effet, le manoir de Longchamp à Miré présente un bas-côté en maçonnerie appuyé sur le volume central sans liaison. La coexistence de deux principes de charpente distincts et contemporains ne doit pas surprendre et se rencontre également à Longchamp et à Miré5. Rien ne permet de préciser si ces bas-côtés formaient un volume continu sur les trois côtés ou seulement des blocs indépendants. Au pignon est, la présence de corbeau suggère une avancée ; la porte avec un sens d’ouverture inverse à celui des autres est l’entrée probable de la salle. Cette proposition est confortée par l’exemple de Longchamp à Miré où la porte d’entrée ogivale nécessite de passer préalablement dans un bas-côté en appentis. De plus, cette porte éclairée par la baie au centre du pignon opposé conforte cette hypothèse.
Fig. 5 > Daumeray, les Vaux, plan du manoir avec une proposition de l’emprise des bas-côtés (en vert clair) ; en vert les maçonneries du XIVe siècle et en bleu les reprises du XVe siècle (Relevé et DAO J.-Y. Hunot).
10Le statut de seigneurie au XVe siècle est connu par les sources textuelles6. L’ampleur et le traitement de la charpente de la salle du XIVe siècle, auxquels se rajoutent les divers appentis, dont au moins un disposant d’une cheminée, soulignent les moyens financiers du maître d’ouvrage qui devait appartenir à une élite probablement noble. Le contexte rural permet de le rattacher à cette grande famille des manoirs. Il s’agit d’un modèle bien attesté des salles de plain-pied montant sous charpente à bas-côtés. L’utilisation d’une structure porteuse en bois noyée dans une maçonnerie et d’annexes en pan de bois ne doit souffrir d’aucune valeur péjorative mais répond sans doute plus aux inquiétudes du maître d’œuvre sur la valeur de la maçonnerie de moellons et de ses capacités financières.
Saint-Martin-du-Bois
11Cet édifice, qui a été rejoint par l’extension du village de Saint-Martin-du-Bois, est implanté au bord de l’ancienne voie menant au Lion-d’Angers7. Les façades extérieures actuelles ne révèlent rien de sa structure originelle. Côté rue, seules les baies indiquent des dispositions anciennes (fig. 6). De plan trapézoïdal assez compact, ce bâtiment est constitué d’un volume central à étage enserré entre deux bas-côtés (fig. 7 et 8). Des élévations de pierre ont été progressivement substituées aux façades en pan de bois. Toutefois, à l’intérieur, l’essentiel des dispositions anciennes a été préservé. Des travaux de réhabilitation ont été l’occasion d’en faire l’analyse.
Fig. 6 > Saint-Martin-du-Bois, rue du Prieuré, façade sur rue (Cl. B. Rousseau Service de l’Inventaire du Patrimoine, département de Maine-et-Loire).
Fig. 7 > Saint-Martin-du-Bois, rue du Prieuré, plan du rez-de-chaussée (Relevé et DAO E. Litoux et J.-Y. Hunot)
Fig. 8 > Saint-Martin-du-Bois, rue du Prieuré, coupe transversale suivant la ferme est (marque III) avec détail du pied de ferme et de la base du poinçon et partie haute de la ferme cloison (marque II) ; état actuel (Relevé et DAO J.-Y. Hunot).
12Le toit en bâtière (50°) est prolongé par deux bas-côtés couverts en appentis présentant une pente nettement plus faible (29° au sud contre 27° au nord) (fig. 8). Une demi-croupe forme l’extrémité du vaisseau central côté rue (extrémité est) au-dessus d’un gâble tronqué (fig. 6). La façade postérieure présente un pignon couvert avec une couverture légèrement débordante où il ne subsiste plus aucun élément du gâble.
13Le bâtiment se caractérise par une structure à nef centrale et bas-côtés en appentis (fig. 8). Deux portiques avec poteaux montant de fond, supportant chacun une ferme de comble, structurent le volume dans le plan transversal. Suivant les endroits, des murs de maçonnerie et des panneaux à ossature bois remplissent les espaces entre les poteaux (fig. 9). Du pan de bois se retrouve également en partie haute du refend ouest. Ces deux portiques, encadrés par les pignons, dessinent trois travées de dimensions différentes. L’orientation de la façade orientale crée une première travée dont la largeur varie entre 3,4 m et 5,2 m. Toutefois, la largeur de 4,4 m, relevée au milieu, est proche de la suivante dont l’entraxe mesure de 4,6 m. La troisième travée, à l’ouest, est plus longue avec 5,3 m.
Fig. 9 > Saint-Martin-du-Bois, rue du Prieuré, travée centrale du bâtiment avec l’étage et le comble (Relevé et DAO J.-Y. Hunot).
14Les poteaux de forte section (37 x 27 cm) reposent sur des dés de pierre (fig. 8). À 2,35 m au-dessus du sol actuel (soit 2,75 m du sol ancien restitué), des épaulements de 8 cm reçoivent les poutres de plancher (37 x 37 cm) aux arrêtes inférieures chanfreinées. La portée de 6,3 m est réduite de 5,3 m par deux aisseliers appuyés sur un talon de 2 cm. Les solives, de section légèrement rectangulaire (12 x 16 cm), sont posées à plat sans assemblage. Les entraits des deux fermes forment le sommet des portiques.
15Les parois en pan de bois ne subsistent qu’à l’étage dans les deux travées ouest de la paroi nord et dans la travée centrale, côté sud8. Des colombes réparties tous les 0,8 m et raidies dans le plan longitudinal par des liens, se trouvent bloquées entre une sablière basse et une sablière haute commune avec la charpente de comble. Les espaces entre colombes ont été garnis d’un torchis sur éclisses en chêne (fig. 9). Un enduit à base de mortier de chaux assure la finition en venant affleurer avec la face des bois qui restent visibles (fig. 10).
16La charpente à fermes et à pannes conserve deux fermes d’allure et de fonction différentes. La ferme orientale est constituée d’un entrait et d’un poinçon taillés, avec chanfreins et bagues, et de deux arbalétriers de section rectangulaire. Deux pièces courbes combinant la fonction de faux-entrait et d’aisselier prolongent les jambettes pour dessiner un intrados en demi-cercle. La position très avancée des jambettes, entraînant une charge sur l’entrait, justifie la présence des aisseliers assemblés aux poteaux. Le traitement de cette ferme, manifestement destinée à rester visible, conduit à restituer dans les deux travées orientales une pièce de 58 m2 montant sous charpente (fig. 7).
Fig. 10 > Saint-Martin-du-Bois, rue du Prieuré, détail d’un poteau portant la ferme avec l’assemblage de l’arbalétrier du bas-côté et une partie du torchis enduit médiéval (Cl. J.-Y. Hunot).
17La ferme occidentale ne montre aucune finition particulière. Deux tournisses placées de part et d’autre du poinçon forment la partie haute d’un refend. Des mortaises, réparties environ tous les 0,8 m en sous-face de l’entrait, attestent la présence d’une cloison sur la hauteur du premier étage. Il ne subsiste de cette partition que deux aisseliers et un poteau d’huisserie. Ces éléments permettent de restituer une porte ouvrant vers la pièce orientale d’après le sens de la feuillure. Au rez-de-chaussée, le plafond moderne qui masque le solivage du plancher interdit de se prononcer sur l’existence, plausible, d’une partition au rez-de-chaussée et d’une trémie dans le solivage.
18Le contreventement, auquel participent les panneaux à ossature bois séparant la partie centrale des bas-côtés, comporte une faitière renforcée par des liens. Il est à noter que les liens associés à la ferme orientale présentent un profil légèrement courbe, alors qu’ils sont rectilignes au contact de l’autre ferme. Le cours de panne placé dans la chambrée de chaque versant appuie sur une simple cheville renforcée.
19Le marquage fait à la rainette progresse d’est en ouest sur le poteau et dans le sens inverse pour la charpente de couvrement. Pour le contreventement, le marquage conservé des liens, de 4 à 7, est souligné par un petit cercle. Les couples de chevrons sont marqués, sur leur face ouest, de 4 à 26, avec une contremarque à droite (versant sud). Ce marquage donne l’ordre de levage : après avoir dressé les poteaux et les parois en pan de bois des deux étages carrés, les entraits sont mis en place car ils participent au maintient de la cage. Sur cette base les poinçons sont érigés avec la faîtière et ses liens. Sur cette arête longitudinale, les arbalétriers, les aisseliers et les pannes sont alors installés. Cet ordre de montage, où l’axe longitudinal est levé avant les fermes, se rencontre sur d’autres sites angevins comme à la chapelle Saint-Bibien à Échemiré 1376-1393d ou au prieuré du Lion-d’Angers (XIVe siècle). Cela est indiqué par le chevillage des aisseliers qui traverse la base des liens (fig. 11).
Fig. 11 > Saint-Martin-du-Bois, rue du Prieuré, détail du poinçon au niveau de l’assemblage avec les liens de contreventement et les aisseliers courbes (Cl. J.-Y. Hunot).
20Les chevrons des bas-côtés coupés en sifflet en tête reposent sur la base de ceux du volume central où ils sont fixés à l’aide d’une cheville. La charpente des deux appentis, restituée à partir des mortaises subsistantes, se composait d’arbalétriers soulagés par des liens assemblés aux poteaux du volume central. Ces appentis ne comportaient apparemment pas d’entrait, libérant ainsi un volume plus important (fig. 12).
21Cette structure constituée de chênes équarris à la hache emploie des bois de brin pour les plus grosses pièces. Les autres proviennent d’un débitage à la scie de long. Les arbalétriers de section rectangulaire ont été obtenus par le sciage d’une grume en deux parties égales. Les chevrons sont débités en quartier. Pour les colombes des parois de 9 x 12 cm de section, le débitage est plus important.
22L’analyse dendrochronologique donne un abattage après 13879. Toutefois, au regard du nombre de cernes d’aubier conservés, il est possible de proposer une coupe des arbres vers 1387-1389d avec une mise en œuvre avec des bois non séchés, probablement entre 1388 et 1390.
23Ainsi qu’il a été dit plus haut, les pignons en maçonnerie correspondent à des modifications de la structure primitive. Les sablières hautes des pans de bois conservent les mortaises correspondant aux liens et aux poteaux des deux pignons originels en ossature de bois. Sur le pignon ouest, les mortaises des poteaux sont visibles à l’extérieur du bâtiment tandis qu’à l’est, les traces d’assemblages se trouvent au nu intérieur de la maçonnerie. Côté rue, il est intéressant de noter que les sablières de la charpente du comble se poursuivent au-delà du pignon pour supporter deux couples de chevrons dont celui formant le gâble visible en avant de la façade antérieure. Sur le pignon opposé, le marquage des couples de chevrons débutant à 4 permet de restituer une disposition équivalente avec deux chevrons au droit des poteaux et deux autres couples formant un gâble débordant.
Fig. 12 > Saint-Martin-du-Bois, rue du Prieuré, coupe transversale avec la restitution des bas-côtés du XIVe siècle (Relevé et DAO J.-Y. Hunot).
24Malgré les modifications apportées au bâtiment, la structure charpentée dans son état originel daté de la fin du XIVe siècle est restituable. L’édifice a été conçu sur un plan trapézoïdal ainsi que l’atteste la position des poteaux de la façade sur rue. L’ossature bois comportait quatre portiques – dont deux formant les pignons – reliés par des parois constituées de pan de bois. La cohérence de la numérotation des pièces de charpente indique que le bâtiment n’a pas été tronqué dans sa longueur. Le vaisseau central, assez bien conservé, comprend deux niveaux superposés séparés par un plancher intermédiaire dont les poutres viennent s’assembler sur les poteaux des portiques. Des bas-côtés en pan de bois, à un seul niveau, s’adossaient au nord et au sud contre le grand volume central. La charpente en bâtière a été conçue pour rester visible depuis l’étage. Seules les deux fermes centrales sont encore en place ; les différences de traitement s’expliquent par le rôle qu’elles jouent dans la différenciation des espaces. La ferme occidentale est organisée de façon à constituer une partition. En revanche, la ferme orientale, qui a fait l’objet d’un traitement beaucoup plus soigné, était de toute évidence destinée à rester apparente dans un volume montant sous charpente.
25La particularité du manoir de Saint-Martin-du-Bois est le très large recours au pan de bois non attesté dans les autres exemples actuellement connus en Anjou. Par sa volumétrie extérieure, cet édifice se rattache à un type architectural bien identifié : les manoirs à salle basse montant sous charpente avec appentis (Carré, Litoux, Hunot 2002). Les versants des bas-côtés prolongent les pentes du corps central avec une plus faible inclinaison. Les chevrons chevillés sur ceux du volume central est un procédé avéré à La Gortaie ou à La Vérouillière (1416-1417d)10.
26En l’absence de sources écrites, seul le traitement architectural du bâtiment permet d’en déterminer le statut. La volumétrie de l’édifice, la présence d’équipements tels que des cheminées (une dans le bas-côté sud et au moins une dans le volume central, mais sans doute plus), le soin apporté à la réalisation des structures charpentées supposent des moyens financiers réservés à une certaine élite, noble ou apparentée. Du fait du contexte rural dans lequel s’inscrit ce grand corps de logis, du fait également des rapprochements qui peuvent être établis avec de nombreux autres édifices, la qualification de manoir semble pouvoir être retenue.
27Attribuer une fonction aux différents espaces reste délicat. La présence avérée d’une cheminée dans l’appentis sud désigne cet espace comme une pièce de vie. Son emplacement à l’extrémité ouest rend vraisemblable l’existence de cloisonnements rescindant le volume. Un escalier intérieur semble avoir donné accès à la grande pièce du premier étage, que tout désigne comme la salle du manoir. L’hypothèse d’un autre escalier extérieur adossé à la façade orientale ne saurait être rejetée. À l’étage, le positionnement de la cloison au tiers de la longueur correspond à des dispositions récurrentes dans les manoirs des XIVe et XVe siècles pour séparer la salle de la chambre. Il faudrait pour étayer cette hypothèse, assurer l’existence très probable d’un plancher dans la partie ouest du volume central. La particularité du manoir de Saint-Martin-du-Bois est le large recours au pan de bois qui reste ponctuel dans les manoirs à salle montant sous charpente et appentis actuellement connus en Anjou. Les exemples identifiés ces dernières années en Anjou11 et dans le Maine12 sont en pierre et datent de la fin du XIIIe ou du XIVe siècle. En revanche, le volume central avec un étage constitue à ce jour un unicum ; si l’on excepte le manoir de Clairefontaine plus récent qui comporte trois niveaux superposés avec des bas-côtés, tous les exemples connus de logis à étage ne comprennent au mieux qu’un seul appentis adossé à un gouttereau13. Ce modèle qui limite la possibilité d’ouvrir des baies va progressivement disparaître au profit d’un positionnement des baies sur un mur gouttereau.
Le prieuré de Saint-Rémy-la-Varenne
28Ce prieuré est implanté sur la rive sud de la Loire depuis le don de la curtis chiriaci en 929 à l’abbaye Saint-Aubin d’Angers14. Au nord de l’église actuelle dont des parties remontent au haut Moyen Âge, les restes du prieuré s’étirent sur une ligne irrégulière d’ouest en est. À l’extrémité orientale, le logis prieural qui nous intéresse comprend un rez-de-chaussée sur cave et, à l’étage, une salle montant sous charpente. L’aspect extérieur de cette aile se caractérise par des lucarnes passantes et des portraits en médaillon de style Renaissance (fig. 13).
Fig. 13 > Saint-Rémy-la-Varenne, prieuré, façade sud du bâtiment oriental (Cl. J.-Y. Hunot).
29Si la façade sud semble relativement homogène, la façade nord présente une lucarne à fronton triangulaire antérieure aux maçonneries de la Renaissance. À l’intérieur, il apparaît que la charpente de comble repose sur des poteaux actuellement noyés dans la maçonnerie de moyen appareil de tuffeau. Toutefois, l’adjonction d’un volume dans l’angle sud-ouest à la fin du Moyen Âge a permis la préservation du pan de bois sur une travée. Cette structure repose sur un rez-de-chaussée en moellon de grès et de tuffeau à l’exception du mur oriental où subsiste un ancien pignon en moyen appareil percé de trois lancettes. Un solivage posé sur les murs gouttereaux apparemment sans intermédiaire reçoit la sablière basse du pan-de-bois au moyen d’entailles (fig. 14). Les poteaux supportant les fermes principales soutiennent la sablière haute dans un encastrement de la tête élargie. Les travées de 3,84 à 3,90 m comportaient deux grandes croix de Saint-André encadrant une colombe centrale. Un hourdis de torchis sur éclisse porte un enduit de finition à la chaux qui vient au nu extérieur des bois, à l’inverse de Saint-Martin-du-bois où c’est la face donnant sur la salle qui a été prise comme référence (fig. 15). Cette finition est identique tant à l’intérieur que sur le parement extérieur. Cependant, la sablière et les poteaux de plus fortes sections saillent à l’intérieur du volume15. La charpente de comble apparente ne présente aucune trace d’un lambris ou d’un enduit sur lattis sur l’intrados polygonal. C’est une structure à chevrons-formant-fermes tramée comprenant cinq fermes secondaires par travée. Les fermes principales comportent un entrait et un poinçon délardés. Les chevrons des fermes secondaires sont bloqués en pied dans de simples pas. Il n’y a pas d’assemblage entre les faux-entraits des fermes secondaires et le sous-faîtage. Le contreventement comporte également un faîtage et une croix de Saint-André par travée.
Fig. 14 > Saint-Rémy-la-Varenne, prieuré, coupe transversale du bâtiment (Relevé et DAO J.-Y. Hunot).
Fig. 15 > Saint-Rémy-la-Varenne, prieuré, face extérieure du panneau du pan de bois conservé dans le volume annexé au XVe siècle (Cl. J.-Y. Hunot).
30Aucun élément des baies originelles n’est visible. Les chevêtres associés aux lucarnes de style Renaissance correspondent au remplacement du pan de bois par une maçonnerie de moyen appareil épaisse de 65 cm. La lucarne nord en pierre à fronton triangulaire décoré de crochets, bien qu’antérieure à la restructuration du XVIe siècle, correspond également à une modification du pan de bois (fig. 16).
31Une analyse dendrochronologie, faite lors de la restauration de cette charpente en 1998, a mis en évidence un abattage des bois au cours de l’année 144116.
32Cette construction en pan de bois est mise en place pour créer une salle montant sous charpente à l’étage. Cela correspond à l’évolution du logis prieural où l’on transforme une salle de plain-pied en salle haute. Pourtant cette solution en pan de bois est vite déclassée puisque remplacée, moins d’un siècle après, par une maçonnerie en moyen appareil de tuffeau décorée de médaillons et renforcée par les lucarnes passantes caractéristiques de la première Renaissance. Ce phénomène apparait ici relativement précoce comparé au remplacement des pans de bois par le tuffeau à Saumur dans le cours du XVIIe siècle17. La présence d’un étage en pan de bois au dessus d’un rez-de-cour en pierre n’est pas unique dans le monde rural. Il a été vu sur le petit logis de la Renarderie à Longué-Jumelles datable de la seconde moitié du XVe siècle. Des exemples antérieurs d’un siècle comme la Corbinière à Bazouges-sur-le-Loir ou le manoir de Moiré à Tassé en Sarthe soulignent l’ancienneté du procédé. Dans le monde rural, des sites au statut moins bien défini disposent également d’un étage en pan de bois comme au Petit-Mésanger à Blou.
Fig. 16 > Saint-Rémy-la-Varenne, prieuré, lucarne en pierre dans la travée centrale postérieure au pan de bois et antérieure aux maçonneries de la Renaissance (Cl. J.-Y. Hunot).
Launay
33À moins de 3 km du château de Saumur, ce manoir implanté dans la plaine alluviale de la Loire est acquis en 1444 par le roi René, duc d’Anjou. Dans son état actuel, cinq ailes de bâtiment dessinent deux cours ouvertes l’une à l’est et la seconde à l’ouest18. L’aile mitoyenne aux deux cours constitue le noyau ancien antérieur aux travaux commandités par le duc19. L’essentiel de ces constructions est en maçonnerie de moyen appareil. Toutefois, dans la cour nord, si le mur formant l’enceinte est en tuffeau, au revers un étage en pan de bois surmonte une galerie en L (fig. 17 et 18). Cette dernière débute au sud-est par un grand portail et se termine au second portail qui ouvre au milieu de l’aile nord (fig. 19). L’ensemble est couvert d’un toit à deux versants dont le faîtage est continu. Malgré une vigoureuse restauration dans le troisième quart du XXe siècle, il subsiste suffisamment d’éléments originaux pour appréhender les dispositions anciennes.
Fig. 17 > Villebernier, manoir de Launay, galerie avec son étage en pan de bois de la cour nord (Cl. J.-Y. Hunot).
Fig. 18 > Villebernier, manoir de Launay, façade extérieure de l’aile orientale de la cour nord (Cl. J.-Y. Hunot).
34L’étage en pan de bois repose sur une file de poutres placées au sommet de six piles rondes à chapiteau mouluré rehaussé de décors végétaux ou animaliers (fig. 19). Il est ancré dans le mur extérieur par l’intermédiaire du solivage. Dans l’angle, ce solivage forme une enrayure assemblée dans les faces latérales d’un fort coyer. Des poteaux scandent la façade (fig. 17). Ils reçoivent en tête, sur un élargissement, deux cours de sablières et l’entrait des fermes principales. Chaque travée, mesurant entre 3,5 à 4,2 m, comporte une grande fenêtre à meneau et à traverse et une grande croix de Saint-André. Cette dernière est toujours à proximité d’un poteau et à chaque extrémité de ces ailes. De simples colombes complètent l’ensemble pour recevoir un hourdis de terre sur éclisses. Les quelques témoins indiquent que les pièces de bois restaient visibles tant de l’intérieur que de l’extérieur tandis que le torchis de ce hourdis était recouvert d’un enduit de finition à la chaux venant au nu des faces externes des pièces de bois (fig. 20). À l’intérieur le volume montant sous charpente comporte un lattis enduit qui souligne l’intrados polygonal de cette charpente à chevrons-formant-fermes tramée. Un décor peint à motifs végétaux recouvrait l’ensemble des surfaces enduites intérieures20.
Fig. 19 > Villebernier, manoir de Launay, plan de l’étage de la partie en pan de bois des ailes nord et est de la cour nord ; coupe transversale de l’aile nord au droit de la ferme-cloison conservée (Relevé et DAO J.-Y. Hunot).
Fig. 20 > Villebernier, manoir de Launay, détail de la ferme-cloison conservée de l’aile nord avec son décor de treille absent sur les bois (Cl. J.-Y. Hunot).
35La travée sud-est, au droit du porche, se distingue par une ligne de faîtage plus haute de 0,7 m. Dissociée des suivantes, la portée plus importante du poitrail (5,6 m) est compensée par des liens tandis que l’organisation des pans de bois, semblable au reste des deux ailes, se complète d’une décharge tant pour le mur intérieur que pour les pignons. Le mur oriental présente une petite différence : au-dessus d’un appui en parpaings de tuffeau le pan de bois ne constitue que la moitié supérieure de cette paroi. À l’intérieur, le solivage est formé par les entraits des fermes secondaires de la charpente de comble. Ces différences, apparaissant dans la structure, renvoient à la chronologie de la construction. La travée au-dessus du porche oriental, édifiée en premier, a été conçue de façon indépendante.
36Postérieurement, la création d’une vis en pierre en a assuré la distribution ainsi que celle de l’aile orientale. L’aile en retour appartient à cette seconde phase. Toutefois, les deux travées ouest de l’aile nord sont levées dans un troisième temps mais dans la parfaite continuité du reste. Cette dernière étape, correspondant au porche nord, est dotée d’une seconde distribution verticale21. Les refends actuels marquent les étapes de l’édification de ces deux ailes. Près de l’angle entre les deux ailes, une ferme supportait une autre séparation22. Il ne s’agit pas d’une galerie mais d’une succession de trois logis disposant chacun d’une cheminée. Ces espaces destinés probablement à recevoir des personnes de la suite du roi René ont été édifiés après 1444 et avant 1481 lorsque le domaine est dévolu au roi de France. La construction de ces trois ensembles a dû se faire peu après l’acquisition par René d’Anjou comme le suggère les ordres de paiements pour travaux entre 1447 et 1453.
Montsoreau
37Le château de Montsoreau constitue une autre forme d’emploi du pan de bois. Ce château situé aux portes de l’Anjou domine la confluence de la Loire et de la Vienne. Il s’agit d’un édifice en tuffeau reconstruit en totalité dans les années 146023. La basse-cour conserve plusieurs bâtiments de cette période dont une chapelle prolongée par un logis-porche nommé la sénéchaussée, qui va nous intéresser plus particulièrement. La façade extérieure peu percée avec seulement deux baies à l’étage s’ouvre par une grande porte cochère sur la basse-cour. Au-dessus de ce passage, la façade arrière (large 3,89 m) est constituée d’un pan de bois (fig. 21). Le plancher se compose de solives joignant les deux murs et présente une trémie contournant le foyer d’une cheminée en encorbellement non réinséré. Cette cheminée chauffant la pièce au-dessus du passage confirme l’intention d’utiliser cet espace dès la construction originelle.
Fig. 21 > Château de Montsoreau, Sénéchaussée, façade sur cour du porche d’accès à la basse-cour (Cl. J.-Y. Hunot).
38Malgré quelques modifications, l’ensemble se lit très bien. Un fort poitrail encastré dans les deux murs situés de part et d’autre du passage supporte le pan de bois quelques 0,2 m en retrait des façades tandis que la sablière haute reçoit le chevronnage. Cette paroi est composée de deux grilles losangées qui encadrent une baie à meneau et traverse dont l’allège de la baie ne comporte que des potelets. Outre l’appui mouluré, le hourdis souligne l’attention portée à ce pan de bois. Chaque losange comporte un bloc de tuffeau blanc bordé de briques. C’est donc un décor polychrome où le chêne sombre contraste avec le blanc du tuffeau et le rouge de la brique. Il ne s’agit pas d’un simple pan de bois utilitaire mais d’un élément marquant la cour et signalant le principal accès ou plutôt la sortie.
LE SECOND ŒUVRE
39Le pan de bois constitue tout ou partie de demeures seigneuriales comme nous venons de le voir mais il participe également aux distributions et aux cloisonnements.
40Le manoir de Clairefontaine au Vieil-Baugé est un édifice à bas-côtés encadrant un volume central à trois niveaux ; l’ensemble est construit autour de 1400. Dans un angle du volume central, un escalier en vis dessert les trois niveaux (fig. 22). Sa cohérence par rapport aux planchers et à la distribution, dans son marquage ainsi que sa datation conduisent à exclure la récupération sur un autre site24. Les sept poteaux périphériques assemblés aux crémaillères forment la structure porteuse. Des potelets garnis de panneaux de chêne divisent les trois pans et isolent la vis des pièces25.
41Le logis sud du prieuré de Vendanger au Guédéniau daté de la fin du XVe siècle dispose également d’une vis en bois dans-œuvre. Placée au milieu du volume et encadrée par les deux poutres du plancher du rez-de-chaussée, la cage est fermée par des panneaux de bois. Conçu pour distribuer deux pièces sur deux niveaux, cet escalier se prolonge à l’étage par une cloison en pan de bois. Toutefois, cette dernière se distingue par son hourdis de torchis enduit de chaux lissé (fig. 23). Le décor présent sur les murs et le plafond de l’étage se prolonge tant sur l’escalier que sur l’enduit du pan de bois26.
42D’autres pans de bois cloisonnant de grandes pièces au sein d’édifice en pierres ont été reconnus en Anjou. Parfois, il ne subsiste que de simples traces sur les parements comme au château de Montsoreau construit vers 1455-146127. Au château de Baugé, vers 1460, le comble au-dessus des grandes salles était divisé en trois espaces dotés chacun d’une cheminée et distribué par un couloir28. Bien que ces cloisons aient disparues, les négatifs et la répartition des clous de fixation du lattis enduit sur l’intrados de la charpente permettent d’en retrouver l’organisation. L’âge de ce lattis est assuré par quelques éléments préservés antérieurs aux enduits intérieurs d’origine. Des cloisons subsistent encore en d’autres sites comme à La Vérouillière à Châteauneuf-sur-Sarthe. Les constructeurs ont profité d’une ferme de la charpente réalisée en 1417 pour la garnir de colombes et insérer un second niveau sous l’entrait afin de cloisonner le volume de cette salle sous charpente et isoler la chambre29. À Valette (commune de Bocé), lors de réaménagements à la fin du XVe siècle ou au début du siècle suivant, la charpente de ce manoir à chevrons-formant-fermes et à pannes intègre un plafonnement et deux partitions en pan de bois de l’étage carré30. Les cloisons ont été placées pour l’une à l’extrémité de la charpente, au droit d’une ferme principale, et l’autre aux tiers de l’espace. Elles sont constituées de colombes assemblées à tenon et à mortaise dans une sablière basse posée sur le solivage du plancher et dans l’entrait-solive de la ferme (fig. 24). Le cloisonnement se prolonge jusqu’au faîtage uniquement sur la ferme principale. Les colombes réparties tous les 0,65 m sont garnies d’un torchis sur éclisses. Un enduit à la chaux recouvert d’un badigeon vient mourir au nu des bois, les laissant ainsi visibles. Cette finition est identique à celle constatée sur les pans de bois des parois extérieures comme à Saint-Martin-du-Bois ou à Saint-Rémy-la-Varenne.
Fig. 22 > Le Vieil-Baugé, manoir de Clairefontaine, cage d’escalier en ossature bois au niveau du rez-de-chaussée (Cl. B. Rousseau Service de l’Inventaire du patrimoine, département de Maine-et-Loire).
Fig. 23 > Le Guédéniau, logis de Vendanger, la cloison de l’étage qui prolonge la cage d’escalier présente un décor végétal sur son hourdis et de la peinture jaune et rouge sur le bois (Cl. B. Rousseau Service de l’Inventaire du patrimoine, département de Maine-et-Loire).
Fig. 24 > Bocé, logis de Valette, cloison séparant la salle de la chambre à l’étage (Cl. J.-Y. Hunot).
Fig. 25 > Le Plessis-Macé, cloison avec tribune à l’étage de la chapelle du château (Cl. B. Rousseau Service de l’Inventaire du patrimoine, département de Maine-et-Loire).
43Ces partitions internes peuvent devenir monumentales comme sur la tribune de la chapelle du château du Plessis-Macé (fig. 25). Dans le cas présent, il ne s’agit pas d’une structure adossée au mur mais placée largement en avant avec à la base une paroi en panneautage qui a permis d’aménager une pièce à cheminée à l’extrémité occidentale de la chapelle. La tribune à l’étage se trouve en porte-à-faux tandis que la cloison se prolonge jusqu’à l’intrados de la charpente pour clore un comble perpendiculaire disposant de latrines et d’une baie. À tous les niveaux des panneaux ajourés éclairent en second jour les espaces occidentaux de la chapelle.
CONCLUSION
44Les quelques exemples présentés ci-dessus soulignent la diversité des dispositions rencontrées en Maine-et-Loire. D’autres demeures seigneuriales de la fin du Moyen Âge construites tout ou en partie en pan de bois subsistent en Anjou. Les destructions, dont certaines récentes, biaisent l’importance que cette technique devait recouvrir dans le paysage. Des exemples de pans de bois ont été reconnus dans l’architecture manoriale en Anjou principalement dans le Baugeois et dans la vallée de La Loire, par exemple au Grand-Boustet à Cour-Baudry à Longué-Jumelles, à la Maison-Rouge à Auverse ou encore à la Roche à Mazé. Des demeures du roi René, duc d’Anjou, autres que Launay, comportent des parties en pan de bois. Ainsi, au manoir de Rivette aux Ponts-de-Cé, la galerie devant la chambre du roi était en pan de bois. Au manoir de La Ménitré, le prolongement du logis existant a été réalisé avec cette technique en 145431.
45L’utilisation du pan de bois pour l’habitat seigneurial n’est pas une spécificité angevine. Des exemples sont connus en Sarthe mais on est loin de la densité connue dans le pays d’Auge32. Des exemples de poteaux noyés dans la maçonnerie sont attestés dans le sud de l’Indre-et-Loire et dans le sud-est de la Mayenne33 mais liés à un habitat non élitaire. Le pan de bois hourdé bien attesté dans le monde urbain mais également dans le monde villageois ne semble pas très employé dans l’habitat rural. Cependant, le déficit d’étude sur l’habitat rural médiéval fausse peut-être cette perception. Car, au-delà des variations tant dans la mise en œuvre que dans la part réservée à cette technique dans l’habitat seigneurial, nous ne discernons aucune connotation péjorative. Son emploi répond sans doute à certaines contraintes économiques mais la rapidité de réalisation est probablement une des raisons pour le choix du pan de bois car, dans les exemples présentés ici, le gain d’espace offert par cette technique ne peut être retenu.
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Notes de bas de page
1 L’auteur tient à remercier les différents propriétaires, pour lui avoir systématiquement facilité l’accès aux bâtiments ainsi que E. Litoux et G. Bouvet pour les échanges sur divers sites angevins et sarthois.
2 Lambert G. et Doucerain C. 1995 laboratoire de Chrono-écologie, Besançon avec un financement de la DRAC des Pays-de-la-Loire.
3 La restauration a gommé les traces de la souche côté salle ainsi que l’interruption de la sablière interne.
4 Carrée, Litoux 2002 ; Hunot, Litoux 2010 : p. 11. À la Gortaie, les bas-côtés sont attestés par la présence de portes et par le cadastre ancien. Du fait de l’absence d’arrachement de maçonnerie, ils étaient très probablement réalisés en pan de bois.
5 Pour le manoir de Longchamp voir Hunot, Litoux 2010 : p. 23-31 ; Hunot à paraître. Le château de la Seilleray à Carquefou montre cette coexistence encore à la fin du XVIIe siècle (Litoux 2000 : p. 151).
6 Port 1996 : p. 689 ; une motte arasée est signalée à moins de 100 m du manoir des Vaux.
7 L’édifice présenté ici se situe au numéro 23 de la rue du Prieuré.
8 Dans la travée orientale, la mise en place de deux cheminées à l’Époque contemporaine, a entraîné la disparition des pans de bois. Au rez-de-chaussée, la présence de doublages empêche de savoir si des pans de bois subsistent encore. Un massif plus épais au sud-ouest présente l’arrachement d’une cheminée médiévale équipant le bas-côté sud et d’au moins une autre dans la nef centrale.
9 Dendrochronologie réalisée par Y. Le Digol, Dendrotech (Rennes), financement Service de l’Inventaire et du Patrimoine du département de Maine-et-Loire.
10 Hunot, Litoux 2010 : p. 17-22.
11 Les Vaux à Daumeray (2e quart du XIVe siècle), La Gortaie à Louvaines (1304), Longchamp à Miré (1342). La forteresse de Berrie (86) constitue un cas particulier lié à l’implantation d’une salle « basse » au XIVe siècle sur les restes d’un bâtiment antérieur.
12 Manoirs de La Grande-Courbe à Brée (53 ; logis du XIIIe siècle), de La Perrière à Voivres-lès-le-Mans (72 ; 2e moitié du XIIIe siècle), de Bois-Richard à Vivoin (72 ; XIIIe-XIVe siècles), et prieuré de Moullins à Saint-Rémy-du-Val (72 ; XIVe siècle).
13 Manoirs de La Cour à Asnières-sur-Vègre (72 ; 1293-1295), de La Grande-Courbe à Brée (53 ; logis du XIVe siècle), de La Roche-Abilen à Saint-Georges-du-Bois (49 ; fin du XIVe-début du XVe siècle).
14 Port 1996 : p. 227.
15 La section du poteau de 21 x 21 cm atteint 33 cm en tête ; celle des sablières de 19 x 20 cm à 20 x 21 cm contraste avec celle les éléments des panneaux d’une épaisseur de 12 cm pour des largeurs moyennes de 15 cm. Toutes les pièces sont alignées sur la face externe du pan de bois.
16 Analyse réalisée par C. Lavier et V. Bernard en 1999, laboratoire de Chrono-écologie, CNRS Besançon, à la demande de G. Mester de Paradj ACMH. L’état du dernier cerne sous écorce ne permet pas de spécifier la saison.
17 Bardisa 2000 : p. 6.
18 Cussonneau, Litoux et alii 2009 : p. 52-55.
19 Il s’agit d’un logis porche montrant deux phases de construction. À l’étage, des fermes formant cloisons divisaient l’espace en quatre pièces. La charpente à chevrons-porteurs à intrados ogival comprend deux structures. Celle située à l’ouest avec faîtage et sous-faîtage raidis de croix de Saint-André est constituée de bois abattus après 1408, probablement vers 1410 (Y. Le Digol, Dendrotech 2010, financement Conseil général de Maine-et-Loire).
20 Leduc-Gueye 2007 : p. 168-169.
21 Ce phasage se retrouve dans l’organisation de la structure avec la présence d’une lucarne dans la seule partie nord-ouest côté cour, la grande fenêtre nord à meneau et traverse éclairant cet espace au-dessus du portail devait se prolonger par une lucarne. Un marquage spécifique en trois ensembles répond au rythme des refends.
22 La restauration l’a fait disparaître mais les traces sont encore lisibles sur les bois ancien. De plus, elle est située juste entre deux portes donnant sur des latrines en bretèche.
23 Litoux, Prigent, Hunot 2003 ; Hunot, Litoux, Prigent 2008.
24 Analyse réalisée par G. Lambert et V. Chevrier en 1997, laboratoire de chrono-écologie, CNRS Besançon ; la charpente et les planchers correspondent à une phase d’abattage entre 1393-1408d. Les bois de l’escalier dépourvus d’aubier ont été coupés après 1343d. Le fort équarrissage de ces pièces amène à repousser l’abattage à une période comparable à celle proposée pour la construction de ce logis.
25 Le centre de recherche des Monuments Historiques publie plusieurs planches montrant les dispositions, Diot 2011 : p. 63-70.
26 Leduc-Gueye 2007 : p. 122-125.
27 Litoux, Prigent, Hunot 2003 : p. 265.
28 Cussonneau, Litoux et alii 2009 : p. 34-37.
29 Hunot, Litoux 2010 : p. 17-22.
30 Le cours de panne est installé dans une entaille du faux entrait de la ferme principale sous le chevron-arbalétrier tandis que les fermes secondaires se limitent à des couples de chevrons disposant chacun d’un entrait formant solive à la base.
31 Cussonneau, Litoux et alii 2009 : p. 48-51
32 Lescroart 1995.
33 Bardisa 1997 ; Davy, Foisneau 2006.
Auteur
Service archéologique départemental - Angers
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