Pan de bois et évolution des pratiques architecturales entre le XIIIe et le XVIe siècle en Lorraine
p. 49-72
Texte intégral
1La construction en bois des XIIIe-XVIe siècles est un thème peu investi par les chercheurs en histoire et archéologie lorraine. Le paysage bâti régional apparaît pourtant comme un entre-deux culturel empreint d’un particularisme pour le moins singulier. Seules ses marges ouest et nord-est, ceinturées par des colombages champenois et alsaciens, sont encore peuplées de bâtiments vernaculaires en bois1. Par leur présence, ils signalent des traditions architecturales très certainement héritées du Moyen Âge. Malheureusement, les spécimens conservés depuis font défaut. L’inventaire2 des vestiges est jusqu’ici très épars, hétérogène et surtout trop restreint pour nous permettre d’engager des méthodes d’analyse traditionnelles, en particulier lorsqu’elles sont basées sur une chronotypologie architecturale3. En somme, pour imager le contexte de la recherche en Lorraine, l’absence de rues bordées de façades en pan de bois médiévales ou de la Renaissance entrave depuis longtemps la lisibilité de ce savoir-faire ainsi que nos méthodes d’investigation sur ce thème.
2Déjà au milieu du XIXe siècle, Auguste Prost soulignait que la rareté des édifices en bois est une spécificité qui démarque Metz médiéval de ses voisines allemandes4. Si le bilan chiffré semble indéniable, son interprétation apparaît aujourd’hui discutable car l’auteur considérait, à tort, que la nature des bâtiments conservés pouvait être un indice historique probant. En réalité, le manque de vestiges en bois n’est qu’une singularité du corpus documentaire. Il résulte d’une conjoncture particulière couplée à des mécanismes historiques postérieurs aux époques concernées par les édifices. Aussi, reconnaître les caractères intrinsèques de l’architecture privée du Moyen Âge à partir des disparités actuelles constitue un anachronisme patent. Les données archéologiques collectées ces vingt dernières années permettent de réviser ce type de jugement. Nombre de fouilles, à Metz comme ailleurs, montrent que les limites du corpus s’expliquent par des phases intenses de démolitions ou de rénovations de l’habitat. Et même lorsque l’intervention archéologique ne dévoile aucune structure médiévale en bois, rien ne permet de confirmer leur absence avérée puisque l’accumulation des occupations postérieures et la stratification globale d’un site peuvent rapidement effacer les traces d’une séquence de construction5.
3L’habitation médiévale en bois est par conséquent difficilement perceptible, à tel point que sa physionomie nous échappe presque totalement. Dès lors, que retenir des fragments découverts en fouille ou conservés en élévation sinon qu’ils signalent un ensemble de pratiques architecturales indéniable ? Pour comprendre dans quelle dynamique historique s’inscrivent ces vestiges et les usages qu’ils trahissent, nous devons retracer, dans un premier point, les conditions d’exploitation du bois d’œuvre lorrain dans le second Moyen Âge et appréhender sa pérennité au-delà du XVIe siècle.
DES CONDITIONS D’EXPLOITATION À LA DISPARITION DES STRUCTURES MÉDIÉVALES EN BOIS
Les ressources naturelles exploitées
4Depuis le Moyen Âge, la densité du couvert végétal lorrain a sans doute été modifiée par les variations du climat et les répercussions du petit âge glaciaire. Le régime lorrain a, malgré cela, toujours été propice au développement des forêts6. Le paysage sylvestre apparaît même assez varié car certaines spécificités géographiques7 renforcent la diversité des essences (fig. 1). En fond de vallon, les gelées tardives bénéficient aux érables et aux frênes alors que les versants sud, installés sur des faciès calcaires, maintiennent des hêtres et des chênes thermophiles. Les hêtres sont encore mieux adaptés aux sols alluvionnaires. Les argiles de la Woëvre accompagnent la croissance des chênes pédonculés, des hêtres et des charmes. L’influence des sols est encore plus décisive dans le cas des forêts accrochées au massif vosgien. Ses terrains gréseux se distinguent par la présence de sapinières à hêtre et par un mélange de sapins et d’épicéas ou de hêtres. Les Hautes Vosges sont plus nettement marquées par l’omniprésence des sapinières et des hêtraie-sapinières. En corollaire, le réseau hydrographique est suffisamment important pour faciliter la circulation du bois en direction du nord. La Meuse, la Moselle, la Meurthe, la Seille et la Sarre sont les principaux cours d’eau empruntés au Moyen Âge pour le flottage. Les trains de bois provenant de Raon-l’Étape, au passage de la Meurthe à Nancy, sont régulièrement taxés entre 1476 et 15008. Au XIVe siècle, l’arrivée du bois aux différents ports de Metz comme son entrée par voiture sont soumises au droit de pesée et, plus tard, à la maltôte9. Au gré des voies terrestres ou fluviales, le bois lorrain est une marchandise qui circule déjà beaucoup à la fin du Moyen Âge, forgeant peu à peu sa réputation bien au-delà des frontières lotharingiennes10.
5Au regard de ces conditions naturelles, la qualité et l’ampleur des forêts médiévales sont en grande partie assujetties aux modes d’exploitation du sol. Aux XIIe-XIIIe siècles, l’essor démographique, qui nécessite un accroissement des terres de culture, porte indirectement préjudice aux forêts lorraines en favorisant les défrichements11. Cette transformation du paysage forestier est à l’initiative des grandes seigneuries et des puissances ecclésiastiques. Ces dernières sont les principaux promoteurs des campagnes ouvertes médiévales. Les créations monastiques libèrent certainement les plus larges espaces de culture12. La conquête des terres arables sur la forêt demeure toutefois variable dans le temps. Amorcée au XIIe siècle, elle connaît des reflux au XVe siècle. Certains secteurs sont transformés en culture, puis repris par la forêt avant d’être réinvestis par les paysans. Le long des versants vosgiens, les défrichements sont encore plus aléatoires qu’en plaine et débutent opportunément dans les vallées.
6Alors que les forêts se clair sèment, les besoins en bois demeurent constants. La charpenterie, la menuiserie mais également le maronage13 ou les activités domestiques régissent les principales formes d’exploitation du bois. Les réserves lorraines sont mises à forte contribution et font l’objet d’une réglementation de plus en plus ferme. Quelques redevances usagères décidées au XIVe siècle illustrent les modalités d’exploitation des forêts feuillues et, en particulier, la constitution de lots destinés à des ayants droit. Les ordonnances forestières des alentours de Dabo, promulguées en 1569, s’établissent même au détriment des besoins locaux puisque la seigneurie préfère répondre à la demande du marché alsacien, très gros consommateur de bois d’échalas, de merrains et de construction14. L’exploitation du bois de chauffe est stimulée par l’artisanat, en particulier pour la production de verre, de métal et de sel15. Le développement des fabriques lorraines intensifie l’acensement « industriel » des zones forestières pour mieux maîtriser l’alimentation des batteries de four. La proto-industrie épuise alors très rapidement les ressources des exploitations forestières et provoque une diminution encore plus nette du stock disponible au début de la période moderne.
7Dans ces conditions, l’exploitation du bois consiste le plus souvent à extraire en priorité les arbres de mauvaise constitution. Le resserrement du nombre de brins disponibles force les autorités locales à réorganiser les abattages. Au XVIe siècle, la fréquence de coupe a pu être ponctuellement établie entre vingt et quarante ans. Les gruyers16 tentent de privilégier les futaies de chênes, de fruitiers et de hêtres. En montagne, les pièces de bois sont plus souvent tirées par pied d’arbre. Au XVIe siècle, une ordonnance du duc René II, qui reprend un texte élaboré par Raoul dans le second quart du XIVe siècle, impose de laisser trente brins pour vingt ares à chaque coupe. Ainsi, dès la fin du Moyen Âge, la législation sur les forêts améliorerait l’état du couvert végétal. Vraisemblablement, les essences privilégiées dans le massif vosgien sont le sapin, le hêtre, l’aune et le bouleau. Chênes, charmes et frênes semblent être mieux représentés en plaine. Le panel sylvestre est donc large mais tous les bois ne répondent pas aux attentes des bâtisseurs.
Le bois d’œuvre et son utilisation d’après les documents d’archive
8Compte tenu de leurs caractéristiques physiques et mécaniques, peu d’essences sont adaptées à la construction. Dans un article consacré aux aspects techniques des bâtiments médiévaux en bois et terre, Jean-Marie Blaising souligne les avantages du chêne et du sapin17. La masse volumique du chêne doit par exemple être prise en compte lors de sa mise en œuvre pour assurer la stabilité de l’ensemble. En revanche, sa dureté élevée, sa très grande résistance à la flexion et sa capacité à supporter de fortes compressions constituent un atout indéniable. Sa durabilité est garantie tant en milieu humide que planté dans le sol ou protégé des intempéries (hors-sol). Seules des variations climatiques peuvent accélérer sa détérioration. Pour la construction, le sapin apparaît complémentaire. Il possède une faible masse volumique qui altère d’autant moins la stabilité des structures portantes. Davantage sujet à la flexion, ce type de résineux présente aussi une certaine élasticité. Au regard de ces spécificités techniques, les charpentiers l’utilisent plus volontiers en position horizontale et surtout dans le cas des structures à longues portées. Néanmoins, il est plus vulnérable à l’humidité que le chêne, tant immergé qu’au contact du sol. Les qualités techniques du sapin et du chêne comme leur disponibilité régionale ont certainement contribué à promouvoir l’architecture à ossature de bois.
9Certaines modalités d’utilisation de ces bois d’œuvre sont parfois décrites dans les documents manuscrits. Les liasses consultées par l’abbé Jacques Choux dans les années quatre-vingt prouvent l’existence d’un principe constructif en bois utilisé au début du XVIe siècle en milieu rural. L’assemblage, appelé « cheval de rain », est vraisemblablement fondé sur l’utilisation de poteaux montant de fond pour porter la toiture. L’ensemble de l’armature forme un pan de charpente vertical qui délimite différentes travées. Ces subdivisions de bois servent par ailleurs d’unité de référence. Leur nombre permet au rédacteur comme au lecteur de visualiser le volume général de la future habitation et d’envisager les coûts de sa construction18. En comparant ces informations avec des vestiges conservés, Jacques Choux a estimé que le procédé, initialement déployé sur l’ensemble des parties portantes, est progressivement reclus à l’intérieur du bâtiment. L’enveloppe externe en bois aurait été remplacée, autour de 1550, par des élévations maçonnées. La littérature technique du XVIIIe siècle évoque d’autres solutions de mise en œuvre. L’un des architectes du duché de Lorraine mentionne en 178219 cent trente habitations forestières dans les environs de Darney. Leur système d’assemblage en bois, sans doute employé depuis le Moyen Âge, se fonde sur l’empilement de grumes elles-mêmes assemblées à mi-bois aux angles puis revêtues de terre. Le procédé fait alors écho à la ferme gérômoise20 présentée par Viollet le Duc en 1863 dans son dictionnaire de l’architecture. Également bâti par empilement, cet exemplaire se distingue par la présence d’un solin maçonné qui supporte les premiers madriers à moins d’un mètre du sol21 (fig. 2).
10Aux côtés des textes, les représentations graphiques du XVIe siècle sont une source d’information souvent indicative. Habituellement, les dessins se révèlent être, à l’image de la vue de Metz exécutée par François Hohenberg peu avant 157522, imprécis et incapables de différencier d’éventuelles constructions en pan de bois. Toutefois, les illustrations champêtres publiées par l’abbé Bertels entre 1566 et 160723 suggéreraient l’existence d’édifices à ossature de bois à la frontière luxembourgeoise24. Même si ces représentations sont fondées sur des modèles rencontrés dans toute l’Europe et qu’elles semblent inspirées par des réalisations antérieures25, elles certifieraient la coexistence de techniques d’assemblage à poteaux longs ou courts dès la fin du XVIe siècle en milieu rural. D’un autre côté, la gravure des bains de Plombières, exécutée avec beaucoup de liberté autour de 155326, symbolise les multiples usages du bois dans le bâti de forme urbaine (fig. 3). Les bains sont effectivement encadrés de façades en pierres dont certaines sont complétées par un pan de charpente. Les autres élévations sont plus largement maintenues par des armatures en bois. L’ensemble architectural de Plombières-lès-Bains apparaît spontané et dépeint une forme de compétition entre les matériaux de construction.
11Les données manuscrites comme iconographiques sont en définitive assez peu prolixes pour les XIIIe-XVIe siècles. Elles démontrent que le recours aux données matérielles27 est essentiel. La problématique demeure toutefois complexe car les ossatures témoins du second Moyen Âge semblent avoir progressivement disparues, sans laisser de traces pérennes dans les pratiques architecturales postmédiévales.
Pérennité de la construction médiévale en bois
12D’aucuns pensent encore aujourd’hui que la disparition du pan de bois médiéval en Lorraine est intimement liée aux conflits qui ont ponctué l’histoire moderne et contemporaine de la région. Les guerres, mutilant régulièrement le territoire, ont sans aucun doute participé à l’effacement du patrimoine médiéval bâti en matériau combustible. Les bouleversements qu’elles engendrent ont été déterminants parce qu’ils interviennent très tôt, à l’image des intrusions bourguignonnes, dès la fin du Moyen Âge et le début de l’époque moderne. Il semble que certains systèmes bâtis n’ont, pour ainsi dire, pas eu le temps de s’inscrire, sur le moyen ou le long terme, dans le paysage architectural et les habitudes des constructeurs. Aussi, la multiplication des désastres militaires a dégradé assez sévèrement certaines agglomérations et ébranlé leur histoire architecturale. En 1981, Claude Gérard affirmait « que les guerres et les destructions médiévales ont bouleversé et parfois rayé de la carte une bonne partie de nos villages dont les maisons de bois et de chaume n’ont pas résisté au feu28 » (fig. 4).
13Les faits de guerre ne suffisent pourtant pas à justifier le hiatus qui sépare les architectures populaires en bois des XIIIe-XVIe siècles de leurs successeurs aux XVIIe-XVIIIe siècles. De multiples facteurs socio-économiques interviennent aussi, dès le milieu du Moyen Âge, dans la mutation du paysage architectural. Dans les campagnes, l’instabilité du pouvoir seigneurial comme le développement de l’affranchissement concourent à l’émergence ou à l’accroissement de certains centres paroissiaux au détriment des plus petits hameaux. La promotion comme l’abandon de localité a pour effet de changer progressivement les lieux de vie et les modalités de résidence des habitants. Loin d’être figé, l’urbanisme des campagnes est, au moins à partir du XIVe siècle, en développement constant. Le renouvellement de l’habitat conduit par les autorités seigneuriales s’illustre encore aux XVIe-XVIIe siècles avec l’essor des villages planifiés au cœur de la Lorraine germanophone29. La transformation du bâti citadin a pu également s’opérer sous l’effet de programmes d’urbanisme ambitieux, à l’image de la ville neuve de Nancy ou, comme le montrent les travaux de Jacques-François Blondel à Metz au XVIIIe siècle30, lors de l’embellissement des villes modernes. Enfin, le facteur démographique, la sécurité publique, le progrès des pratiques agricoles et le développement commercial accélèrent la transition architecturale des villes et villages lorrains au profit de structures qui se veulent être mieux adaptées aux nouvelles contraintes.
14Cette dynamique de rénovation profite à la construction en pierre, les autorités et les architectes locaux gageant, au moins à partir du XVIIIe siècle, que le bois multiplie les risques d’incendie31. Les spécificités techniques retenues en Lorraine centrale pour la construction postmédiévale montrent que l’ossature en bois ne suscite plus l’engouement des bâtisseurs. La pétrification des habitations est même favorisée par les détenteurs du pouvoir32. Ils espèrent sans doute contenir par réglementation la consommation de bois d’œuvre au profit de sa vente dans les pays voisins33 ou de son usage, au titre de combustible, dans les industries locales. Au XVIIIe siècle, Charles Augustin Piroux relevait par exemple que le bois de chauffage consommé par les salines de Marsal représentait, sur une année, un peu plus du quart des besoins annuels des 35 000 habitants de Nancy34. Autant dire que le déficit en bois semble s’accroître depuis la fin du Moyen Âge. Et l’architecte de rappeler qu’il est difficile d’obtenir, à la fin du XVIIIe siècle, du bois de grande longueur et de section suffisante pour réaliser des charpentes d’envergure35. La documentation postmédiévale montre que la substitution du bois pour la pierre dans le cadre des projets de construction peut intervenir rapidement, en moins de deux siècles, entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Dans le cas de Belles-Forêts (Bisping), l’incendie de la moitié d’une rue au cours du XVIIIe siècle persuade les habitants de reconstruire leurs maisons en pierre36. Ainsi, les survivances de la construction en bois dans les zones frontalières de l’ouest et du nord-est constituent une singularité qui trouve peut-être une partie de son origine dans les spécificités des gisements en matériaux des secteurs environnants et leur possibilité d’exploitation37.
15L’évolution de pratiques architecturales, autant accélérée par des changements de comportements que par les destructions, a malmené la construction en bois. Elle est devenue difficile à appréhender. Néanmoins, l’archéologie et l’analyse monumentale révèlent certaines pratiques en matière de charpenterie médiévale lorraine. Ces découvertes nous incitent à réévaluer notre point de vue sur l’architecture des habitations en bois aux XIIIe-XVIe siècles.
LA PARTICIPATION DU BOIS À L’ŒUVRE BÂTIE AUX XIIIe-XVIe SIÈCLES, QUELQUES CAS LORRAINS RÉVÉLATEURS
La pierre au service du bois
16La mixité des matériaux dans la construction populaire lorraine est déjà courante depuis l’Antiquité. Cependant, au regard des données archéologiques, l’utilisation de la pierre pour maintenir, soutenir ou renforcer le bâti en bois paraît s’amplifier après l’an mil38. Nul doute que l’architecture des élites rurales ou urbaines, novatrice dans ce domaine, accompagne son déploiement. L’accumulation des découvertes lorraines suggérerait que l’usage de la pierre dans le bâti populaire de bois se normalise seulement entre le XIIIe et le XVIe siècle.
17Incontestablement, rares sont les édifices ruraux du IXe siècle, comme à Frouard, où un solin de pierres liées à l’argile ceinture quatre poteaux d’angle39 (fig. 5). Les constructions paysannes cumulant adroitement le bois et la pierre sont plus souvent rencontrées à partir des XIVe-XVe siècles. L’un des bâtiments sur solin découvert à Haute-Yutz40, même s’il est fortement arasé, montre que l’usage d’une sablière basse installée dans le sol est épisodique41. La pièce de bois est maintenue latéralement dans une tranchée par un rang de moellons placé du côté extérieur de l’édifice. Le dispositif, réservé à l’élévation nord, apparaît secondaire. En milieu urbain, la pierre et le bois cohabitent dans des conditions qui sont apparues beaucoup plus variables. Même si les données restent jusqu’ici ponctuelles, l’échantillon laisse entrevoir des configurations hétérogènes. L’un des cas les plus surprenants, découvert dans un bâtiment messin des XIIIe-XIVe siècles42, vise à inclure des poteaux dans des maçonneries (fig. 6). Parce qu’ils traversent verticalement le mur dans son épaisseur, les poteaux ont, à première vue, une fonction porteuse qui semble compatible avec des systèmes d’étayage43. D’un autre côté, l’hypothèse d’une bâtisse en pan de bois réalisée à partir de poteaux fichés dans des murs bahuts ne doit pas être écartée mais le manque de comparaison interroge sur sa réalité matérielle.
18Alors que les bâtisseurs du bas Moyen Âge semblent avoir développé de multiples usages de la pierre dans le bâti en bois, quelques découvertes tendent à démontrer qu’ils ont également su faire coexister les savoir-faire.
La coexistence des techniques de construction
19Au regard de certains ensembles bâtis, l’accumulation de plusieurs techniques de constructions n’est pas rare. Cette diversité, mieux perçue en milieu rural, s’explique en partie par la faible spécialisation des bâtisseurs. Quelques portraits régionaux prouvent que les intervenants maîtrisent de nombreuses compétences, à l’image de Pierre Sordel44. Ce villageois de la fin du XVe siècle conjugue les activités de couvreur, charpentier, maçon, tuilier et cultivateur45. La polyvalence des intervenants, cumulée à la transmission des savoir-faire traditionnels, influence nécessairement les pratiques architecturales populaires.
20Dans ce contexte, les constructions réparties dans les hameaux de Vitry-sur-Orne dévoilent un éventail représentatif des méthodes de construction en vigueur entre le XIIIe et le XVe siècle (fig. 7). Les maisons-blocs des exploitations agropastorales de Vallange46 sont construites en ossature posée sur un solin de pierre47. Quelques gros blocs en calcaire pourraient avoir soutenu les principaux poteaux48. Ces édifices sont accompagnés de bâtiments secondaires de plain-pied à poteaux plantés et de cabanes excavées à poteaux plantés ou à sablières enterrées. Ce groupe bâti tend à différencier les habitations, qui partagent les mêmes techniques de construction, et les bâtiments réservés aux activités agropastorales, conçus selon des procédés éprouvés de longue date. Seuls les logements des saisonniers, rassemblés dans une unique parcelle, ne profiteraient pas du même niveau technique que les résidences « permanentes ».
21À peu de distance, les habitations vigneronnes du « haut de Vallange »49 possèdent des caractéristiques sensiblement équivalentes. Leurs différences se limitent à la présence de poteaux corniers mais également de quelques sablières basses directement posées au sol50. L’intérieur des maisons, et en particulier les sous-sols, affiche des divergences techniques beaucoup plus marquées. Alors qu’au moins deux cas présentent des parois appareillées en moellon et que plusieurs autres profitent du front de roche calcaire, deux caves emploient des poteaux fichés dans les angles. Les bois, qui portent le plancher du rez-de-chaussée, devaient également maintenir des parois en torchis ou en terre. Aux côtés de ces habitations, les bâtiments secondaires sont élaborés, comme à Vallange, à partir de poteaux plantés, avec ou sans excavation intérieure.
22Les constructions réparties sur la paroisse de Vitry-sur-Orne prouvent la coexistence de plusieurs techniques de construction. Au cours de cette phase d’occupation, qui représente près de trois siècles, aucun système constructif ne semble remplacer l’autre. Au contraire, les habitations s’inscrivent dans la durée puisque certaines rénovations ont pu être ponctuellement constatées. Le signal historique véhiculé par ces vestiges est alors évident : l’architecture domestique en bois se perfectionne autour des XIIIe-XIVe siècles. Cependant, le rythme de cette évolution reste incertain.
Le renouvellement du bâti en bois
23Les habitants de Vitry-sur-Orne ont profité d’un nouveau procédé de construction. Toutefois, la stratification des hameaux est trop mince pour que cette amélioration soit bien séquencée dans le temps. Les cadences de reconstruction sont mieux perçues dans le bourg épiscopal de Vic-sur-Seille. Servies par un remarquable empilement d’occupations, les fouilles menées par Jean-Denis Laffite ont révélé dix-sept séquences d’édification réparties sur environ dix siècles51. Elles suffisent à illustrer le dynamisme local de la construction en bois (fig. 8).
24La première succession de bâtiments intervient entre le VIIe et le IXe siècle. Elle voit s’installer des structures excavées à poteaux plantés. Au minimum, cinq séquences de construction se sont enchaînées sur une période maximale de trois siècles. Après un nivellement du terrain, la seconde phase coïncide avec l’apparition d’une nouvelle technique. Le premier bâtiment est réalisé en torchis sur fondation. Le rendement de construction, plus faible52, s’achève par l’incendie d’un édifice puis un nouveau nivellement. Le troisième cycle fait place à des édifices de plain-pied à poteaux plantés. Ce groupe technique connaît une longévité à peine plus importante qu’à la première phase. Réimplanté au IXe siècle, l’habitat subit tout de même jusqu’à cinq bouleversements en six siècles. Enfin, la dernière succession de bâtiments, entre le XIVe et le XVIe siècle, survient rapidement. Le nombre total d’édifices érigés est beaucoup moins élevé qu’au cours des phases précédentes. La durabilité des structures, sans doute souhaitée, est illustrée par les solutions techniques retenues. Cette dernière phase ouvre en effet la voie à des constructions sur fondations maçonnées.
25Si les nombreuses permutations du bâti à Vic-sur-Seille sont probantes, les nivellements intermédiaires nous apparaissent encore plus décisifs. Ils prouvent que l’arasement et l’effacement des constructions brisent le processus logique de remplacement. L’installation d’un nouvel édifice n’est plus commandée par la présence ou le souvenir des structures antérieures. Ce mécanisme aboutit, en à peine trois siècles, à un véritable panachage des techniques, partant du solin maçonné et poteaux plantés pour progresser vers des structures maçonnées sur fondation, tout en renouant avec des procédés qui paraissaient, sinon abandonnés, au moins révolus53. Le paysage bâti montre une progression en dents de scie et laisse une impression de pétrification tardive. Quelques exemples conservés ailleurs dans la ville suggèrent que l’emploi du bois n’a pas complètement disparu à cette période. L’ossature étant rejetée à l’étage des habitations, seule l’étude archéologique des élévations permet d’évaluer concrètement son rôle dans la structure bâtie.
LE RÔLE DU PAN DE BOIS DANS LA STRUCTURE BÂTIE LORRAINE
26Complémentaires aux données exhumées du sous-sol, les informations issues des vestiges en élévation révèlent le rôle des structures en bois dans la statique des édifices. L’étude du bâti permet, entre autre, d’identifier et de caractériser des systèmes architectoniques mêlant l’ossature de bois et la maçonnerie.
Les solutions d’assemblage en gouttereau sur rue aux XVe-XVIe siècles
27En Lorraine, plusieurs façades gouttereaux des XVe-XVIe siècles, visibles depuis la rue, sont pourvues d’une ossature en encorbellement. La réception des eaux pluviales, la liaison avec les élévations latérales et la charge d’une charpente à faible pente constituent les principaux enjeux techniques à résoudre. Ils guident les bâtisseurs vers des solutions plutôt diversifiées.
Deux principes techniques opposés
28Une des mises en œuvre, plutôt monumentale, consiste à maintenir le pan de bois entre deux murs pignons54 (fig. 9). Ces derniers, parfois appareillés en pierre de taille, forment une avancée des murs latéraux. Chacun de ces renforcements présente un encorbellement destiné à recevoir latéralement l’extrémité des sablières. La massivité du système assure le contreventement et limite la charge reçue par l’ossature car la panne de la charpente repose sur les parties maçonnées. Néanmoins, cette construction réclame une intervention très intrusive sur les élévations latérales. Cette solution semble par conséquent plus adaptée aux constructions ex nihilo ou initialement dépourvues de mitoyenneté.
29Une autre configuration55 confère au pan de bois un rôle porteur. L’ossature, qui soutient une panne, est renforcée par deux poteaux corniers (fig. 10). Ces derniers sont disposés sur des solives consolidées par des aisseliers. Pour assurer la stabilité de l’ensemble et retenir la charge des poteaux corniers, les solives sur l’angle demandent à être ancrées dans les élévations latérales en pierre. Les autres solives d’encorbellement sont scellées dans une élévation postérieure dont la massivité permet de contrebalancer le poids de l’ossature en surplomb. Selon ce principe technique, les grandes largeurs de façades réclament la présence d’un refend perpendiculaire à la rue. Celui-ci intègre le poteau médian de l’ossature, une solive et son aisselier. La cohésion de l’ensemble peut également être renforcée par la répartition des poteaux au droit des solives d’encorbellement. Une fois de plus, la méthode sollicite les élévations latérales et occasionne un chantier d’envergure.
30À première vue, l’utilisation de ces principes génère des contraintes. Les constructeurs sont donc amenés à proposer parfois d’autres alternatives.
Des solutions alternatives…
31À Vic-sur-Seille, les contraintes apparaissent relativement importantes. La largeur de la parcelle sous-entend l’installation d’un refend perpendiculaire à la rue. Cependant, une cave transversale, couverte d’un plancher, limite le dimensionnement du dispositif. Le pan de bois en façade, qui se développe sur une longueur d’environ 8,6 m, n’est donc pas suffisamment soutenu dans sa partie médiane (fig. 11). L’alternative retenue par les bâtisseurs consiste à renforcer la charge de la toiture. Pour mieux répartir le poids du bâti en façade, les charpentiers ont d’abord sélectionné une panne taillée dans une seule grume56. Placée au-dessus d’une sablière de toit en deux morceaux, cette longue pièce de bois est positionnée, du côté droit, à l’aplomb d’un poteau cornier et sur un rehaussement de la chaîne d’angle. À gauche, la panne est uniquement placée à l’aplomb du poteau cornier, sans renfort de maçonnerie latérale. La charge, qui semble se reporter prioritairement aux angles de la façade, est alors encaissée, au rez-de-chaussée, par deux contre-fruits. L’exemplaire de gauche est mieux dimensionné parce qu’il supporte le poteau le plus sollicité.
32À Neuville-sur-Ornain, les choix sont différents car l’ensemble de l’étage est réalisé en ossature de bois (fig. 12). Seule la moitié gauche de la façade se place en encorbellement au-dessus d’un porche. Dans cette configuration, la structure participe pleinement à la stabilité de la charpente, d’autant qu’elle se situe à l’angle du corps de bâtiment. Son poteau d’angle, qui soutient l’entrait, repose sur la sablière de chambrée. Cette dernière est disposée sur une solive formant la sablière basse du pan latéral gauche. La charge de la charpente est aussi maintenue par un aisselier placé sous la solive d’angle. L’effort statique demandé au pan de bois est accentué par la présence d’une toiture débordante. Quelques-unes des consoles portant la dernière panne d’avant-toit sont assemblées aux meneaux et potelets de l’ossature. L’encorbellement est donc envisagé comme un soutènement de la toiture.
33Ces deux exemples montrent des solutions certainement marginales mais relativement performantes. Ils illustrent aussi le rôle joué par les pièces de bois dans la statique des édifices. Néanmoins, d’autres configurations sont imputées à des systèmes radicalement opposés.
… parfois non porteuses
34En apparence similaires, certaines ossatures en encorbellement sont presque complètement déchargées. Leur indépendance architectonique dépend des systèmes de charpenterie retenus et des possibilités techniques offertes par le parti de composition de l’édifice.
35À Vraincourt, les bâtisseurs ont délesté l’encorbellement du poids de la toiture (fig. 13 et 15). Le principe retenu met à profit un refend longitudinal dont la présence, en partie médiane, est commandée par la largeur de l’édifice. Cette division intérieure, construite en pan de bois, intègre quatre poteaux de charpente57. Le premier poteau, qui repose sur la maçonnerie de façade, porte l’arbalétrier à l’arrière de l’ossature. Il soutient également, grâce à un assemblage à tenon oblique, une partie de la console d’avant-toit. Le pan de bois apparaît faiblement porteur car il ne maintient que l’aisselier de la console de toit. Aux angles de la façade, le principe de délestage emploie quatre poutres profondément ancrées dans les murs latéraux. Bloquées sous la pression des maçonneries, ces poutres portent l’avant-toit et la sablière de chambrée. Enfin, chaque solive d’encorbellement est fixée, immédiatement à l’arrière de la façade, contre des poutres de rive transversales. Contrairement aux techniques habituelles, les solives d’encorbellement, peu porteuses, sont dissociées du plancher d’étage.
36À Metz, la construction d’un pan de bois au troisième niveau d’une maison de l’impasse Ladoucette poursuit un objectif équivalent. Dans un tissu urbain resserré et certainement préexistant, les bâtisseurs ont sélectionné un système de charpenterie atypique qui tend à limiter le poids de l’entrait sur l’ossature (fig. 14). L’entrait est encastré dans la maçonnerie du mur arrière et maintenu par une console de bois. Il est soutenu en partie médiane par un poinçon moisé. À peu de distance de la façade, il est soutenu par une poutre transversale ancrée aux murs pignons. Le dispositif présente un double avantage. D’une part, l’ossature en encorbellement ne subit presque pas la charge de la toiture. Les travaux ont par ailleurs une répercussion assez faible sur les élévations latérales préexistantes.
37Ces exemples prouvent que les assemblages de bois répondent à des objectifs structurels divergents. La configuration du bâti et de son environnement immédiat a clairement une influence sur la mise en œuvre du pan de bois, à tel point que les ossatures utilisées en intérieur peuvent être plus ou moins impliquées dans la statique des édifices.
Le rôle du pan de bois reclus à l’intérieur
38Au cœur des habitations lorraines, comme ailleurs en France58, l’usage du pan de bois devait être assez répandu. Même dans les maisons dites « en pierre », les cloisonnements sont parfois dépourvus de maçonneries.
39Cette solution est retenue, dans la seconde moitié du XVIe siècle, pour l’ensemble des divisions intérieures des logements de Vraincourt. L’assemblage intégré au refend longitudinal est particulièrement significatif (fig. 15). Au premier niveau, il est rythmé par des poteaux de forte section rectangulaire. La partie supérieure de ces bois est taillée de manière à former un corbeau. Ce dernier accentue la profondeur de l’embrèvement qui stabilise des poutres des planchers d’étage. En outre, le cloisonnement longitudinal était, avant les transformations de la structure et les tassements consécutifs, soigneusement rattaché aux poteaux montant de fond. À l’étage, deux décharges soutenant les arbalétriers retombaient initialement au droit sur les poteaux rectangulaires de l’ossature. Ainsi, une partie des divisions intérieures joue un rôle fondamental dans la statique de l’édifice. Elle épaule les planchers, participe à l’étrésillonnement des élévations principales et stabilise la charpenterie.
40La composition intérieure du corps gauche de l’hôtel de Malte à Metz59, qui a pu être attribuée au XIVe siècle, manifeste d’autres intentions (fig. 16). L’édifice présente de réelles qualités décoratives qui ne doivent cependant pas occulter sa singularité technique. Le refend longitudinal, placé au nord-est, dans la partie postérieure du corps de bâtiment, contient la charge de deux niveaux de plancher. Ce cloisonnement est implanté à l’aplomb et au droit de la travée centrale de la cave. L’ossature est donc uniquement portée par le plancher de cave, sans reprise de charge en sous-sol. De fait, les principales divisions de la demeure ne concordent pas avec l’agencement de la cave. Seul un épais refend longitudinal en pierre, situé au sud-ouest, dans la partie antérieure gauche de l’édifice, traverse tous les niveaux. Soutenue, au sous-sol, par un mur à arcade, cette élévation intérieure porte un conduit de cheminée. La discontinuité60 entre le parti de composition du sous-sol et les autres niveaux résulte d’un programme de restructuration qui s’accommode des structures enterrées préexistantes. Dans ce contexte, l’utilisation du bois est délibérée puisque les ossatures sont plus légères que les refends maçonnés. Les contraintes statiques sont d’autant moins importantes que la charpente, dissociée des cloisonnements internes, n’agrège pas de pressions supplémentaires.
41Mieux conservé et encore plus homogène, le dispositif retenu lors de la construction de la Dîme de Rettel, au début du XVIe siècle, confirme les avantages structurels véhiculés par le pan de bois d’intérieur. Le projet architectural doit tenir compte des fonctions d’accueil dévouées à ce type de bâtiment civil mais également présenter des capacités de stockage suffisantes. L’édifice est par conséquent érigé au-dessus d’une cave longitudinale voûtée en plein-cintre (fig. 17). Son implantation dicte l’installation des principaux équipements du rez-de-chaussée. Ainsi, pour ne pas déstabiliser la voûte de cave, l’escalier en vis, partiellement réalisé en pierre, ainsi que l’arcade appareillée dans la salle centrale, sont rejetés de part et d’autre de sa ligne de faîte. A contrario, les pans de bois, placés au droit de la cave, garantissent la résistance de la voûte. L’organisation des bois est d’ailleurs conçue pour que le cloisonnement ne supporte que le premier niveau de plancher. Les assemblages de l’étage mettent à profit une série de poutres transversales portant des solives perpendiculairement à celles du rez-de-chaussée61. Cette solution, renforcée par un poteau finement taillé, permet de libérer une vaste salle transversale. Dotée d’une structure rationnelle, l’ossature est vouée à servir un programme architectural plutôt contraignant62.
42Au regard des sites présentés et en considérant la fabrication des planchers, des assemblages verticaux et de la charpente, la consommation de bois employé intra-muros apparaît très importante. Les ossatures servent en premier lieu à délimiter les espaces et à reporter la charge des planchers. Leurs relations à la charpente de toiture et aux maçonneries d’élévation peuvent être moins déterminantes63. Cependant, ces trois configurations démontrent que le pan de bois intérieur participe à la cohésion de l’édifice. Selon la configuration des lieux, l’ossature peut soulager la charge infligée au sous-sol, conforter l’étrésillonnement des élévations externes mais également renforcer la statique de la charpente.
CONCLUSION
43Tombée en désuétude à l’époque moderne, l’ossature de bois est une technique de construction médiévale qui s’est progressivement perdue en Lorraine. Son recul paraît antinomique dans une région où les ressources naturelles sont propices et servies par un réseau hydrographique approprié. Cependant, le bois d’œuvre destiné aux Lorrains, de bonne réputation, a rapidement été concurrencé par les marchés extérieurs et l’exportation fluviale. L’accroissement des besoins domestiques, artisanaux et surtout industriels a également abaissé le nombre de coupes proposées aux charpentiers lorrains. L’opportunisme de certaines gestions domaniales a fini par détourner, dès la fin du Moyen Âge, le bois d’architecture vers des filières plus lucratives. Pour preuve, le renforcement législatif des forêts ducales au XVIe siècle visait à soutenir le développement des productions verrières, sidérurgiques et salinières.
44Apparemment équivoque, l’utilisation du bois indigène dans le bâti lorrain médiéval est surtout mésestimée. Les souvenirs écrits des constructions vosgiennes par empilement de madrier suffisent à prendre la mesure de nos lacunes. Rien que l’iconographie du XVIe siècle interroge, tant sur la coexistence des techniques de construction que sur la compétition entre le bois et la pierre. Cependant, la rareté des vestiges a, jusqu’ici, minoré et freiné les recherches sur ce thème. Les enquêteurs ont longtemps entretenu une vision catastrophiste qui imputait aux guerres la disparition des constructions les plus vulnérables. Moins martial qu’il n’y paraît, le contexte historique postmédiéval accrédite plutôt l’idée d’une mutation du paysage architectural et de sa lente pétrification. Le constat reste néanmoins réel : les vestiges sont rarement exhumés du sol et encore moins préservés en élévation. Par conséquent, l’hétérogénéité du corpus proscrit toute approche chrono-typologique traditionnelle. Les spécimens ne doivent cependant pas être relégués car ils dévoilent les pratiques architecturales d’une époque donnée.
45Entre le XIIIe et XVIe siècle, les dispositifs à base de pierre et de bois, plus régulièrement mis au jour, semblent entrer dans les habitudes des bâtisseurs. Ces derniers privilégient, par exemple, les solins à la base des ossatures des habitations rurales. Loin de succéder à d’autres solutions architecturales, le développement de cette méthode coexiste avec des principes techniques plus anciens. Les traces de remaniements de ces constructions, associées à l’amplitude de leurs datations, suggèrent aussi leur permanence dans le paysage bâti médiéval. Ce genre de solution architecturale reste néanmoins mal séquencé en milieu rural. L’épaisseur de la stratification urbaine permet de préciser le rythme des remplacements des bâtiments et l’ordre de sélection des techniques. À Vic-sur-Seille, la rapidité et l’intensité des reconstructions sont significatives. En premier lieu, elles prouvent que la durabilité des constructions en bois n’est obtenue qu’à partir des XVe-XVIe siècles. Avant cette période, les architectures paraissent précaires, teintées de renoncements et de retours en arrière technologiques. Les résultats de fouille montrent ensuite que l’évolution du bâti en bois n’est pas linéaire. Les transformations observées à Vic-sur-Seille invalident les lectures strictement progressistes des savoir-faire. Les techniques, relativement étendues, apparaissent plutôt sollicitées en fonction du programme architectural exigé.
46Sur ce point, les architectures maintenues en élévation illustrent clairement l’influence du projet sur les choix techniques. Les maisons permettent de détailler, de manière dynamique, certaines contraintes et de déceler leur impact-technologique. En Lorraine, les pans de bois à gouttereau sur rue affichent une correspondance formelle qui n’est qu’apparente. Les ossatures des XVe-XVIe siècles témoignent en réalité d’alternatives plus ou moins engagées dans la structuration de l’édifice. De la même façon, les ossatures internes participent à la cohésion architectonique et architecturale de l’édifice. Les cloisonnements, parfois privilégiés pour leur légèreté, peuvent aussi bien conforter l’étrésillonnement des élévations périphériques que porter la charpente. Dans tous les cas, les mises en œuvre du bois et les choix techniques opérés dépendent du fonds préexistant et du programme architectural retenu.
47En somme, au lieu d’alimenter un corpus de formes irrémédiablement partiel, les vestiges lorrains ont été examinés en termes de réponses techniques et de pratiques architecturales. Détournée des travaux à caractère chrono-typologique en raison d’une pénurie documentaire, l’enquête lorraine cherche à réinscrire les bâtiments considérés dans leurs systèmes architecturaux. Que l’édifice se rapporte au monde rural, à l’architecture civile ou au patrimoine noble urbain, les facteurs environnementaux et socioculturels comme la composition de l’édifice influencent le bagage technique des bâtisseurs. Aussi, sur les bases de cette réflexion, une question reste ouverte : l’héritage médiéval de l’architecture vernaculaire lorraine ne serait-il pas à déceler dans les comportements des constructeurs plutôt que dans la forme des édifices ?
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Notes de bas de page
1 Guillaume 1982.
2 L’inventaire est basé sur les fonds documentaires des services régionaux de l’archéologie et de l’Inventaire du patrimoine. Des découvertes archéologiques, en sous-sol comme en élévation, sont associées aux résultats des études préalables et typologiques menées par les services patrimoniaux.
3 Gauthier 1993a : p. 19-22 ; Gauthier 1993b : p. 131-217 ; Cattedu 1992 : p. 226-234 ; Saint-Jean Vitus 1992 : p. 248-289.
4 Prost1847 : p. 165.
5 Pour l’archéologue, « expliquer (ou juger) un fait, c’est l’unir à un autre » (extrait de Borges 1974 : p. 43). C’est également comprendre ses relations physiques ou chronologiques ainsi que ses altérations pour conforter son interprétation finale. Dans ce cas, l’absence de fait peut parfois signaler une rupture dans la chronologie mais surtout altérer la lecture globale des occupations et masquer définitivement la diachronie complète d’un site.
6 Les données physiques et historiques concernant la forêt en Lorraine sont toutes extraites de Husson 1991.
7 En particulier l’altitude, la pente, la nature des sols et l’exposition.
8 Yante 1995 : p. 185-197.
9 La maltôte : impôt extraordinaire et jugé injuste par la population, Schneider 1950 : p. 218-219, complété par Ferber 2010 : p. 187-202.
10 Hemmert 1998 : p. 25-35.
11 Guyot 1886 : p. 38-40 ; Husson 1991 : p. 62-66.
12 Autour de Belval, Sainte-Marie-aux-Bois, Étival, Beaupré, Haute-Seille, Saint-Benoît-en-Woëvre ou encore Clairlieu.
13 Marronage : dérivé de mairenage (bois de charpente), droit de prélever en forêt du bois de construction.
14 Guay 1977 : p. 73. Habituellement, la jouissance de certaines parcelles boisées est accordée aux résidents par le pouvoir seigneurial. Ce dernier accorde aux habitants de Gesnes, village longtemps déserté, d’extraire de « leurs bois bastis […] leur afouage, mairiens et autre bois pour maison tant que besoing leur sera » (Archives départementales de la Meuse : 11 G 33, cité par Girardot 1992 : p. 253).
15 Horikoshi 2008 : p. 49.
16 Gruyer : garde-forêt et par extension officier seigneurial en charge des forêts.
17 Blaising 2005.
18 Choux 1980b: p. 72-73.
19 Piroux 1782: p. 32.
20 Gérardmer.
21 Viollet-le-Duc 1863 : p. 295, fig. 43 bis.
22 Braun et alii 1575 : f° 15.
23 Les dessins sont présentés dans Spang 1984.
24 Cité comme comparaison aux observations archéologiques dans Mignot, Henrotay 2002 : p. 340-341 ; Blaising 2004 : p. 41-52 ; Blaising, Gérard, Frauciel 2008 : p. 170-171.
25 Grodwohl 2010 : p. 224-225. L’auteur indique les ressemblances troublantes entre les vignettes présentées par Bertels et celles publiées par le cosmographe Sebastian Münster en 1559.
26 Balneum Plummers, publié dans Giunta 1553 : f° 299. Les problèmes liés à son authenticité sont à lire dans Choux 1980 : p. 162-164.
27 Structures bâties découvertes en fouille ou conservées en élévation.
28 Gérard 1982 : p. 9-20.
29 Habicht 1980.
30 L’importance de ses travaux a récemment été évoquée, à l’occasion du colloque « Jacques-François Blondel et l’embellissement des villes » qui s’est tenu à Metz les 10, 11 et 12 mars 2010, sur la proposition du département de philosophie de l’université Paul Verlaine-Metz et le laboratoire Lorrain des sciences sociales (2L2S/ERASE).
31 Piroux 1782 : p. 168.
32 Freckmann 2008 : p. 199.
33 Hemmert 1998 : p. 25-35.
34 Piroux 1791 : p. 6-7. Le chiffre, s’il n’est pas discutable, doit être retenu avec prudence car les bois d’œuvre lorrains, principalement le sapin, ne sont généralement pas employés comme bois de chauffage. Le sapin produit trop d’étincelle lors de sa combustion. Le chêne est peut être plus souvent sollicité pour le chauffage mais reste secondaire par rapport aux consommations de bois blancs, comme le hêtre par exemple (Guay 1977 : p. 76).
35 Piroux 1782 : p. 60.
36 Chauvet 1992 : p. 19.
37 Il est effectivement possible que les massifs argonnais et septentrionaux vosgiens conservent un rendement suffisant pour alimenter l’architecture domestique et maintenir les artisans du bois, leur tradition et leur savoir-faire. Il semble surtout que les carrières de pierre à bâtir soient assez peu exploitées par les populations locales avant la fin du XVIIIe siècle et que les mœllons de calcaire manquent aux maçons comme aux chaufourniers. Les ossatures en bois sont donc mieux adaptées à ces argiles instables, d’autant que les sols peuvent aisément être utilisés dans la fabrication des hourdis de remplissage. En tout cas, la conjoncture politique et économique semble avoir joué en faveur du bois dans certaines zones résiduelles de la région (Guillaume 1998 : p. 48-51).
38 Notre connaissance des systèmes bâtis mixtes dépend en grande partie de l’état de conservation des vestiges. Notre vision des possibilités d’assemblage employées aux différentes périodes est tronquée par le manque de vestiges observables sous les villes et villages actuels.
39 Henrotay, Lansival, 1992 : p. 331-332.
40 Localité disparue à proximité de Yutz.
41 Blaising 2005: p. 336-339.
42 Bourada, Kuchler 2002: p. 58. Autres cas : à Metz, fouille du cloître de Sainte-Chrétienne, information inédite aimablement transmise par le responsable de l’opération S. Augry (rapport en cours) ; à Nancy, fouille de l’îlot de la Dragée sous la responsabilité de R. Elter (rapport en cours).
43 Les poteaux, servant à une reprise en sous-œuvre, peuvent avoir été conservés et noyés lors de la reconstruction du mur. L’hypothèse de travail nous a été proposée par Maurice Seiller lors de discussions informelles sur le sujet. D’une manière plus générale, le bois dans la maçonnerie n’est pas rare. Eugène Viollet-le-Duc suggère l’emploi de pièces de bois horizontales inscrites dans la maçonnerie pour relier différents murs (Viollet-le-Duc 1860 : p. 12-15). À Riez, la mauvaise cohésion des maçonneries en galets non assisés nécessite l’utilisation de pièces de bois horizontales pour renforcer la structure des murs de l’hôtel de Ferrier daté du XVe siècle (Sauze 1998 : p. 442).
44 Un habitant du Bassigny qui vivait à proximité de l’actuelle frontière du département des Vosges.
45 Mention d’Hélène Holland-Schneider reprise dans Yante 1990 : p. 359. Même les artisans charpentiers et maçons installés au plus proche de la cité ducale de Nancy sont très intégrés dans la vie rurale locale et assument plusieurs activités parallèles, dont l’agriculture (Choux 1980 : p. 90).
46 Hameau disparu situé sur le territoire de la commune de Vitry-sur-Orne.
47 Gérard 2009 : p. 387-463.
48 Les résultats ont notamment été publiés dans Gérard 2008 : p. 183-197.
49 Mention « Le Haut de Vallange », « Hussigny » ou « Huppigny ».
50 Lansival 2005 : p. 261-273. Voir également Lansival 2009 : p. 142-202. Les résultats sont à paraître dans les actes de la table ronde organisée à Saint-Germain-en-Laye en 2007 (Lansival à paraître).
51 Laffite 2004 : p. 31-59, 63.
52 Il est estimé à deux transformations pour un ou deux siècles.
53 L’usage de structures excavées à poteaux plantés, manifestement abandonné à la fin de la première séquence, estréutilisé au moins une fois entre le XIVe et le XVIe siècle.
54 Il a pu être repéré dans trois agglomérations meusiennes (Ancerville, Ville-sur-Saulx et Saudrupt).
55 Il a été également reconnu avec certitude dans trois agglomérations meusiennes (Ancerville, Verdun et Bar-le-Duc).
56 La sélection de ce bois long estvraisemblablement volontaire car les autres éléments horizontaux de l’ossature sont formés de poutres moins longues.
57 La construction se divise en deux lots séparés par le refend. Elle possède, pour chaque logement, une cave sous plancher en partie antérieure et une cave voûtée en partie postérieure.
58 « Les structures de distribution ou d’aménagement, intérieurs ou extérieurs, sont la plupart du temps en bois », voir Saint-Jean Vitus, Seiller 1998 : p. 69-85.
59 Henrotay 1994 : p. 73-74.
60 La discontinuité architectonique du parti de composition intérieur l’hôtel de Malte est indiscutable au XIVe siècle. Elle peut néanmoins révéler une discontinuité chronologique entre le programme architectural retenu au sous-sol et un parti de composition des étages issus d’un remaniement de l’édifice.
61 L’actuel mur mitoyen semble déjà soumis, au moment de la construction, à des règles de copropriété car les poutres installées sur ce dernier sont faiblement ancrées et épaulées par des corbeaux ou des poutres de rives.
62 Il eut été intéressant de comprendre le système de charpente retenu car les niveaux de combles servaient vraisemblablement de stockage. Malheureusement, celui-ci a été remplacé à l’époque moderne.
63 « Quant aux cloisons, ce sont des parois comme les autres (mais n’ayant pas toujours de fonction portante), généralement structurées d’une suite de poteaux pris entre deux sablière » (Saint-Jean Vitus, Seiller 1998 : p. 77).
Auteur
INRAP Grand Est Nord
Doctorant, EA 1132 HISCANTMA, Université Nancy 2
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