Des parcs de chasse ?
p. 151-160
Texte intégral
J’alai ainsi longuement
Sans issir de mon pensement
Tant que vi un trop biau jardin
Qu’on claimme le parc de Hesdin […]
Si m’en alai parmi le brueil
Qui estoit si biaus qu’ onques mais,
Ne vi, ne ne verrai jamais
Si bel, si gent, si aggréable,
Si plaisant ne si délitable,
Et les merveilles, les déduits,
Les ars, les engins, les conduits,
Les esbas, les estranges choses
Qui estoient dedens encloses,
Ne saroie jamais descrire.
1Voilà l’image mémorable que laisse le chanoine de Reims Guillaume de Machaut dans le Remède de Fortune, poème courtois écrit en 1341, qui traite dans cet extrait du parc d’Hesdin en Artois. Une image mémorable c’est-à-dire digne d’être écrite et conservée dans la mémoire et donc dans la culture des hommes qui fréquentent les cours, comme le fait son auteur au XIVe siècle. Cette image, qui n’est pas exceptionnelle en soi, est-elle alors un topos de ces très nombreux parcs qui accompagnent les châteaux de l’aristocratie médiévale ? Si c’est le cas, nous sommes en droit de nous demander en quoi les parcs sont des espaces importants de la vie de château et quelle place la chasse y occupe au temps des ducs de Bretagne. Un état de la recherche dans quelques royaumes voisins et contemporains permettra de tenter de répondre à la question. Tenter, car si les décalages de la recherche médiévale sont grands entre les pays, ils ne nourrissent pas moins la réflexion par la comparaison. Grâce à un florilège de sources écrites, matérielles et graphiques la question du sens, de la forme et de la fonction des parcs pourra donc être soulignée dans ses singularités et ses liens avec le château médiéval.
AUX SOURCES DE L’ENQUÊTE
2Dans un premier temps, la question à se poser est bien celle d’un portrait des parcs. Non pas le passage à la description d’un parc-type, mais plutôt la description qu’il est possible de dresser du phénomène des parcs de chasse. Une réponse peut être donnée en élaborant tout d’abord un état de la recherche sur la question, puis en examinant les types de sources avant d’ausculter le vocabulaire usité au Moyen Âge.
3Le premier élément qui saute aux yeux pour qui veut dresser un état de la recherche sur ce sujet, c’est la situation très contrastée qui existe entre l’exemple anglais, pour lequel nous savons – pour le Moyen Âge et les Temps modernes – que quelques milliers de parcs existaient1 et l’exemple français pour lequel nous ne pouvons proposer un chiffre, tout au plus un ordre de grandeur, qu’il conviendrait de justifier. Le décalage franco-anglais de la recherche sur les parcs est donc évident.
4Un tel contraste de connaissances s’explique en partie par le caractère hétérogène de la recherche française. Plusieurs cas de figures doivent être cités qui participent de cette hétérogénéité. Tout d’abord, la monographie de site. Une partie de la bibliographie s’attache à décrire l’histoire d’un site, site princier exceptionnel, qu’il ait appartenu à un comte, à un duc ou au roi2. Ensuite, une partie des travaux s’intéresse à un type particulier de parc, par exemple les parcs épiscopaux ou les parcs ducaux3. Et finalement la bibliographie fait apparaître des inventaires aux contours géographiques divers (fig. 1). Manifestement, la France septentrionale se retrouve davantage sous la loupe des chercheurs qui ont tenté les premiers états des lieux en dressant un inventaire de ce qui est connu et de ce qui pose problème4 ; à l’opposé certaines zones géographiques n’ont pas été couvertes par la recherche. Par voie de conséquence, nous sommes encore dans une phase de préinventaire national sur les parcs. Pourtant, les sources ne manquent pas.
5Elles ne manquent pas, mais, d’une part, elles sont éparpillées – comme l’a naguère écrit Robert Delort – et d’autre part, elles nécessitent un autre type de questionnement – ce qui a été récemment souligné par Joëlle Burnouf5. Puisque le sujet des parcs de chasse fait partie intégrante de l’histoire de l’environnement, et sans revenir sur la question des sources de l’environnement, il convient d’en dresser un tableau.
6Un premier ensemble regroupe les sources qui illustrent un mode de vie symbolique, conforme à son rang. Ce caractère de l’honneur est présent dans les sources littéraires comme dans l’iconographie, par exemple le poème courtois intitulé le Remède de Fortune, rédigé en 1341 par Guillaume de Machaut, cité en exergue de cet article. Un deuxième groupe rassemble des informations dans le champ de l’homme et de la nature. Ce sont des descriptions, souvent issues de la pratique, voire d’une pratique répétée, d’un quotidien en contact au moins partiel avec le monde rural qu’il soit forestier, marécageux ou champêtre. Les chroniques et les traités d’économie rurale ou de chasse des XIVe et XVe siècles vont dans ce sens6. Et finalement, un troisième groupe collige des données concernant l’économie : sources financières des quittances aux comptabilités, coût des infractions ou des travaux, traces des réalisations sur le terrain7…
7Dans cet ordre d’idées, il n’est pas inintéressant de signaler l’importance des comptes de travaux de construction, qui peuvent concerner également les parcs dans les dix-huit sous-unités administratives – principalement des bailliages – (tableau 1) du comté d’Artois. Dans le dénombrement des bailliages possédant des parcs on remarque un déséquilibre en faveur de certains sites, en particulier celui d’Hesdin, qui se détache du lot : d’une part, il rassemble environ la moitié de l’échantillon, d’autre part, il possède un parc – les rouleaux de compte des travaux du bailliage mentionnent « les œuvres faites au chastel et ou parc de Hesdin » – qui a fait l’objet de multiples travaux.
Nombre de comptes | |
Aire | 11 |
Arras et Bellemotte | 37 |
Avesnes-le-Comte | 7 |
Bapaume | 8 |
Béthune | 9 |
Beuvry | 4 |
La Buissière* | 2 |
Calais* | 1 |
Choques* | 2 |
Eperlecques | 10 |
Gosnay* | 7 |
Hesdin* | 114 |
Lens | 1 |
Montgardin* | 3 |
La Montoire* | 7 |
Rihoult* | 1 |
Saint-Omer* | 7 |
Tournehem | 4 |
Total | 235 |
8Dans les sources médiévales consultées, un vocabulaire en partie hétérogène émerge pour désigner les parcs de chasse. Le latin utilise au Moyen Âge l’expression vivarium ferarum, ce qui correspond au parc à bêtes sauvages. Du côté des langues vivantes cette fois, l’allemand emploie Tiergarten ainsi que Tierpark, que l’on pourrait traduire respectivement par jardin d’animaux et parc à animaux. Toujours dans le groupe des langues germaniques, le terme provenant du Luxembourg Deieregaard – à rapprocher du Tiergarten allemand –, renvoie encore au jardin à animaux ; en Angleterre, le Game Park est l’équivalent sémantique du parc à gibier. Finalement, ce sont les langues française et wallonne qui possèdent le plus de diversité avec trois termes. Le « breuil », d’origine celtique qui désigne un espace de chasse à part, le « gard », qui a donné le mot jardin mais qui intègre l’idée de conservation (ici des animaux mais pas exclusivement), et le « parc », dont le sens évoque également l’idée d’enfermer des animaux ou des hommes en un espace. Il n’est fait mention nulle part dans le vocabulaire médiéval de parcs à gibier, bien que l’historiographie l’évoque, ni de parcs de chasse qui reflètent également une vision contemporaine8. Afin de s’en faire une idée plus juste, il conviendrait désormais d’étudier les formes matérielles et économiques que recouvre ce vocabulaire encore en partie mystérieux.
LES FORMES MATÉRIELLES ET ÉCONOMIQUES DES PARCS
9Le vocabulaire des sources ainsi que les descriptions et les données numériques des sources de la pratique permettent en effet d’aborder au moins en partie l’importance spatiale et financière des parcs, ce qui permettra d’avoir une idée des logiques qui président aux choix opérés.
10Tout d’abord, la question de la superficie. Un classement peut être proposé, provisoire tout au moins tant la superficie des parcs de chasse est une question pour le moins fluctuante. Un premier groupe – les « petits parcs » –, comprend les parcs à la surface close de moins de 100 hectares, parcs à bétail, à la faune sauvage ou non. Ils sont présents, par exemple, dans les duchés de Bourgogne et de Bretagne, dans le comté d’Artois et le royaume d’Angleterre. Un deuxième groupe rassemble des parcs de plus grande taille, jusqu’à 1 000 hectares de surface fermée : des exemples, de 700 à 1 000 hectares, se retrouvent dans le nord de la France, comme sur le site comtal puis ducal d’Hesdin et le site royal de Vincennes. Le dernier groupe rassemble les « grands parcs » de plus de 1 000 hectares, entre 1 500 et 5 500 hectares pour Clarendon dans le royaume d’Angleterre (près de Salisbury, Wiltshire9), Rhuys et Châteaulin dans le duché de Bretagne10.
11Par voie de conséquence, la longueur de la clôture est directement proportionnelle à la surface fermée du parc… Les petits parcs ont des périmètres de quelques kilomètres, alors que ceux de taille moyenne possèdent une muraille variant entre cinq et dix kilomètres, comme à Aisey-sur-Seine en Bourgogne, Elven en Bretagne ou Gaillon en Normandie, le troisième groupe variant de dix à trente kilomètres pour Hesdin en Artois, Clarendon et Châteaulin.
12Mais des différences existent dans la manière de clore ces espaces, soit par un fossé interne, soit par un fossé externe dont les déblais forment un talus puissant comme à Sainte-Vaubourg en Normandie, parfois surmonté d’une haie – ainsi à Valmont également en Normandie –, parfois d’une palissade, comme à Quevilly, ou encore d’un mur maçonné, à Vincennes, Aisey-sur-Seine ou Hesdin (fig. 2).
13Si les parcs sont clos, ils n’en demeurent pas moins soumis à une série d’aléas qui modifient leur réalité matérielle. D’une part, ces domaines sont au centre d’échanges multiples et complexes entre les grandes familles seigneuriales. Le foncier apparaît mobile lorsque l’on regarde la question des héritages. Par exemple, le parc d’Hesdin11 passe des mains de la maison d’Artois au XIIIe siècle à celles de la maison de Bourgogne en 1384 avant d’échoir à la maison impériale des Habsbourgs à la fin du XVe siècle. D’autre part, l’emprise des parcs de chasse évolue également à partir d’échanges ou d’achats. Le comte d’Artois Robert II agrandit son parc d’Hesdin à la fin des années 1290 en échangeant des terres ou en en achetant aux seigneurs ecclésiastiques ou laïques ainsi qu’à des non-nobles, dans le dessein manifeste de posséder un ensemble cynégétique d’un seul tenant qu’il fait par la suite murer. Il en est de même des droits, l’autre versant économique des parcs, qui évoluent au rythme des décisions de ces grands seigneurs. Ici, en contrepartie d’une cession de terre dans son parc d’Hesdin, le comte d’Artois Robert II (1250-1302) octroie une rente viagère, là, il crée des garennes à lapins qui sont ensuite acensées.
14Il n’existe cependant pas de travaux évaluant le poids financier des parcs dans le budget du domaine et encore moins de travaux chiffrant la part des diverses activités pratiquées dans les parcs. Nonobstant cet état de la recherche, les travaux menés par Patrice et Corinne Beck sur le parc ducal d’Aisey-en-Bourgogne ont souligné une multiplicité de phases de construction et d’entretien des murailles12 et leur coût important : 450 livres pour la seule année comptable 1342-1343. À Hesdin13, les murs étaient fréquemment réparés à la suite des destructions causées par les intempéries ou par les hommes. Il y a donc là une piste de recherche à suivre afin de comprendre le fonctionnement des parcs et leur place dans la société médiévale.
UN LIEU DE POUVOIR ET DE CULTURE NON SÉPARABLE DE LA RÉSIDENCE
15Le rôle joué par les parcs pose encore problème puisque les activités qui y sont pratiquées sont multiples, en liaison avec le château.
16Le premier lien à souligner est d’ordre seigneurial et dynastique. La construction de parcs constitue une application du droit de chasse et du droit seigneurial14. Le parc, c’est l’appropriation de ces droits dans leur étendue spatiale autour du château, lieu de pouvoir par excellence. Les parcs à Vincennes, Suscinio, Hesdin, Aisey sont transmis avec leurs châteaux à leurs héritiers. Le château et le parc ne sont donc pas deux mondes séparés. Dans certains cas, le site castral est inclus dans le parc grâce aux murailles qui l’enserrent totalement, alors que, dans d’autres cas, le parc lui est rattaché par des murs qui se joignent aux propres murs du château. À Hesdin, le château comtal est rattaché au parc par des murs utilisant les mêmes matériaux que ceux du château, ce qui détermine une homogénéité visuelle au lien monumental entre les deux entités.
17Cette homogénéité, dans certains cas comme celui d’Hesdin15, renforce ce que j’appelle une continuité culturelle allant de la bibliothèque du château à l’environnement compris dans le parc16. Deux exemples parlent d’eux-mêmes. Le roi de France Charles V (1364-1380) possède dans sa bibliothèque le Rustican ou Livre des proffiz champestres et ruraulx de Pierre de Crescens et aménage les jardins de l’hôtel de Saint-Paul avec ce que d’aucuns qualifient de nouvel art de vivre princier. Son frère, le duc de Bourgogne Philippe le Hardi (1363-1404), n’est pas en reste et possède des œuvres de littérature cynégétique comme le Livre du roi Modus et de la reine Ratio, du Normand Henri de Ferrières, et le Livre de chasse, du comte Gaston Fébus17, ce dernier lui ayant dédié son ouvrage, de chasseur à chasseur, de seigneur à seigneur.
DES RENDEZ-VOUS DE CHASSE ?
18Les parcs sont des lieux de rencontre des cours princières. Les enluminures, les peintures et les chroniques des XIVe et XVe siècles y montrent les nobles chantant, dansant, discutant et chassant18. Parmi ces activités, quelle fut donc la place de la chasse ?
19Encore faut-il savoir qui chasse ! Le duc de Bourgogne Philippe le Hardi chasse comme le comte Gaston Fébus qui décrit des chasses dans les parcs ou encore le comte d’Artois Robert II. Sa fille Mahaut chasse au vol dans le parc d’Hesdin, ce qu’attestent les archives comptables qui citent ses fauconniers. Mais tout un personnel est présent pour les seconder : à Hesdin des sergents à cheval, des sergents à pied et des maîtres-chiens s’activent, alors que la comtesse Mahaut regarde, assise, gambader les cervidés19.
20Il y a aussi chasse et chasse. Celle au vol est pratiquée par la maison d’Artois, la comptabilité d’Hesdin précisant l’usage d’autours, d’éperviers, de faucons et même de gerfauts. Les chiens sont également de précieux auxiliaires cynégétiques, bien qu’ils ne soient pas forcément utilisés par tous les seigneurs. D’après l’inventaire dressé à partir des comptes du bailliage d’Hesdin entre 1300 et 1315, de nombreux animaux sauvages, introduits ou non, sont chassés.
21Inventaire éloquent et quelque peu surprenant20, puisqu’on y trouve des cerfs, daims, chevreuils, sangliers, un ours, des loups, chats sauvages, un castor, des blaireaux, renards, loutres, fouines, belettes, lièvres et lapins pour les mammifères, et pour la faune aviaire, des balbuzards, buses, hérons et perdrix. La diversité des animaux est assez grande pour des sources écrites dont la fonction n’est pas de procéder à l’inventaire de la biodiversité animale.
22Différents espaces ont une fonction cynégétique à d’Hesdin (tableau 2). Deux précautions préliminaires doivent être évoquées. Tout d’abord, il est rare que les comptes prennent le soin de préciser avec exactitude le territoire de chasse de tel animal. Ensuite, nombre d’animaux ne figurent pas dans le tableau réalisé puisque enfermés dans la ménagerie dont la localisation reste indéterminée. En revanche, une petite dizaine d’entre eux y figurent, avifaune et faune mammalienne, certains « en fantôme » puisque le décompte des loups et des chiens à loups n’est pas toujours réalisé, et que celui des renards et des chats sauvages ne l’est jamais, contrairement au décompte des chiens à renards. Ainsi il apparaît que les chats sauvages, les belettes, les blaireaux et les buses sont des animaux indésirables chassés de manière irrégulière, occasionnelle pourrait-on dire, contrairement aux autres qui le sont régulièrement. Ces autres ce sont les renards (il est fait mention des « chiens à renards »), les loups, les loutres et les aigles, en fait des balbuzards. Ce quatuor est chassé avec une fréquence de captures moyennes d’environ un loup, une loutre et près d’une dizaine de balbuzards chaque année. Voilà donc un portrait des chasses seigneuriales dans les parcs et les autres espaces cynégétiques qui détonne par rapport à l’image d’Épinal de la vénerie ! Un tableau des « entrées et des sorties » d’animaux dans le bailliage d’Hesdin, hors cheptel (tableau 3) permet de constater que l’animal le plus traqué est le lapin de garenne, loin devant tous les autres puisqu’il est capturé chaque jour si l’on raisonne en moyenne annuelle durant les quinze années. Suivent les oiseaux de bassecour, c’est-à-dire une centaine de chapons et de poules qui sont des redevances du prélèvement seigneurial local. Puis viennent les indésirables à plumes et à poil dont il a été question précédemment et les oiseaux de la volière cynégétique, précieux auxiliaires des chasses au vol de la maison d’Artois. Une telle analyse, à partir des sources de la pratique de l’exemple d’Hesdin, méritait bien qu’un point d’interrogation figure au titre de cet article…
Animaux | Nombre | Moyenne annuelle | Faune groupée | Moyenne groupée |
Lapins | 5747 | 383,1 | lapins | 383,1 |
Chapons | 1425,5 | 95 | basse cour | 97,6 |
Poules | 39 | 2,6 | volière | 1,6 |
Falconidés | 19 | 1,3 | indésirables poils | 2,3 |
Asturidés | 4 | 0,3 | indésirables plumes | 11,4 |
Loutres | 14 | 0,9 | ||
Belettes | 6 | 0,4 | ||
Loups | 11 | 0,7 | ||
bBlaireaux | 4 | 0,3 | ||
Buses | 28 | 1,9 | ||
Aigles | 142 | 9,5 |
23Il ressort que les parcs, étant donné le caractère hétérogène de la recherche et les retards français par rapport au cas anglais notamment, sont dans une phase de préinventaire national. C’est pourtant un objet archéologique et historique récurrent, important à plus d’un titre, tant du point de vue matériel qu’économique ou encore politique, et tout autant dans le domaine culturel. Bien que les parcs soient au centre des modes de vie des princes et des grands seigneurs, ce sujet, sans doute encore trop chargé d’une polyphonie de sens, reste d’une part méconnu du grand public et d’autre part sans projet-pilote de recherche.
24Cette difficulté à saisir l’objet de recherche rejoint la question terminologique. Peut-on parler de parcs de chasse ? On y chasse dans certains, mais sans doute pas tous. Et quelles chasses y pratique-t-on ? Elles sont diverses selon les parcs. Doit-on alors parler de parcs à gibier ? Cela fait sens pour certains parcs, de petite taille, qui servent à rassembler du gibier dans un lieu fermé. Cependant le vocabulaire usité dans le royaume de France entre le XIe et le XVe siècle exclut cette terminologie et reste un vocabulaire qui induit une multiplicité de sens. Une piste de recherche consiste à dresser l’inventaire de la diversité de la faune, de la flore et des milieux présents dans les parcs. S’il apparaît que les parcs s’individualisent par rapport à l’agro-sylvo système environnant, alors il y a là une création médiévale qui doit être abordée par une recherche interdisciplinaire.
Notes de bas de page
1 Birrell-Hilton Jean, « La chasse et la forêt en Angleterre médiévale », dans Chastel André (dir.), Le Château, la Chasse et la Forêt, Luçon, Sud-Ouest, Les Cahiers de Commarque, 1990, p. 69-80.
2 Pour un site royal, Chapelot Jean, Le Château de Vincennes. Une résidence royale au Moyen Âge, Paris, CNRS éditions-CNMHS, 2001 ; pour un exemple de site ducal, Beck Corinne, Beck Patrice, « La nature aménagée. Le parc du château d’Aisey-sur-Seine (Bourgogne, XIVe-XVIe siècles) », dans Colardelle Michel, L’Homme et la Nature au Moyen Âge, Paris, Errance, 1996, p. 22-29 ; pour un site comtal, ducal puis impérial, Duceppe-Lamarre François, « Le parc à gibier d’Hesdin. Mises au point et nouvelles orientations de recherches », Revue du Nord – Archéologie de la Picardie et du nord de la France, t. LXXXIII, no 343, 2002, p. 175-184, et du même auteur, Chasse et pâturage dans les forêts du nord de la France. Pour une archéologie du paysage sylvestre (XIe - XVIe siècles), Paris, L’Harmattan, 2006.
3 Les premiers sont étudiés par Casset Marie et les seconds par Beck Corinne, « Résidences et environnement : les parcs en France du Nord (XIIIe-XVe siècles) », dans Cocula Anne-Marie, Combet Michel (dir.), Le Château et la Nature, Actes des rencontres d’archéologie et d’histoire en Périgord, 2005, Paris, De Boccard, Bordeaux, Ausonius, 2005, p. 117-133.
4 Duceppe-Lamarre F., « Une réserve particulière, les parcs à gibier », dans Corvol-Dessert Andrée (dir.), Forêts et réserves cynégétiques et biologiques, journée d’études « Environnement, forêt et société, XVIe-XXe siècle », Cahier d’études no 13, Paris, Institut d’histoire moderne et contemporaine (CNRS), 2003, p. 11-16, 75 ; pour une emprise de recherche plus vaste, Beck C., Casset M., « Résidences et environnement… », op. cit.
5 Delort Robert, Les Animaux ont une histoire, Paris, Seuil, 1984, et Burnouf Joëlle et al., « Sociétés, milieux, ressources : un nouveau paradigme pour les médiévistes », dans Être historien du Moyen Âge au XXIe siècle, XXXVIIIe congrès de la SHMESP, Paris, Publications de la Sorbonne, 2008, p. 95-132.
6 Par exemple, le traité de chasse qui a été rédigé en Normandie par Henri de Ferrières ou celui de Gaston Phébus, comte de Foix-Béarn, dédié au duc de Bourgogne, cf. Ferrières Henri de, Les Livres du roy Modus et de la royne Ratio publiés avec introduction, notes et glossaire, par Tilander Gunnar, Paris, Société des anciens textes français, 1932, et Phébus Gaston, Livre de chasse édité avec introduction, glossaire et reproduction des 87 miniatures du manuscrit 616 de la Bibliothèque nationale de Paris, par Tilander G., Karlshamn, Cynegetica XVIII, 1971.
7 Ces sources sont présentement réévaluées par un groupe de travail européen dirigé conjointement par Patrice Beck et Olivier Mattéoni. La démarche analytique a été présentée lors de la rencontre parisienne des 1er et 2 octobre 2009. Comptables et comptabilités au Moyen Âge, Codicologie et archivistique des documents comptables : Matières et formes, modalités d’usages et d’archivage, Table-ronde 2, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (Paris, 2009), Comptabilités [En ligne], 2 | 2011, mis en ligne le 25 août 2011, consulté le 23 décembre 2011. URL : http://comptabilites.revues.org/592.
8 On ne peut donc suivre l’historiographie dans cette voie afin de désigner les parcs puisqu’elle émet une idée anachronique, voire influencée par d’autres langues, qui est en soi réductrice du sujet. En revanche, le contenu de la bibliographie reste fiable et pertinent dans ses affirmations. C’est donc ici un problème de désignation.
9 Beaumont James T., « Les palais anglais : le terme palatium et sa signification dans l’Angleterre médiévale (1000-1600) », dans Renoux Annie (dir.), « Aux marches du palais. » Qu’est-ce qu’un palais médiéval ?, Actes du VIIe congrès international d’archéologie médiévale, Le Mans, 9-11 septembre 1999, Le Mans, LHAM/Université du Maine, 2001, p. 138.
10 Beck C. et Casset M., « Résidences et environnement… », op. cit., carte p. 121 et p. 123. Cet article de synthèse sert ici de référence pour les sites normands et bretons.
11 Duceppe-Lamarre F., Chasse et pâturage…, op. cit.
12 Beck C., Beck P., « La nature aménagée… », op. cit., p. 22-29.
13 Duceppe-Lamarre F., Chasse et pâturage…, op. cit.
14 Id., « Le seigneur et l’exercice du droit de chasse. Permanences et évolutions d’un pouvoir social et territorial (XIIe-XVe siècles) », dans Cauchies Jean-Marie, Guisset Jacqueline (dir.), Lieu de pouvoir, lieu de gestion. Le château aux XIIIe-XVIe siècles. Maîtres, terres et sujets, Actes du colloque international d’Écaussinnes-Lalaing (14-16 mai 2009), Turnhout, Brepols, 2011, p. 167-180. Plus ancien mais tout aussi intéressant : Chastel André (dir.), Le Château, la Chasse et la Forêt, Bordeaux, Sud-Ouest, coll. « Les Cahiers de Commarque », 1990.
15 Il manque une étude de synthèse sur le sujet, qui permettrait d’en avoir une vision d’ensemble.
16 Beck C., Beck P., Duceppe-Lamarre F., « Les parcs et jardins des résidences des ducs de Bourgogne au XIVe siècle. Réalités et représentations », dans Renoux A. (dir.), « Aux marches du palais », op. cit., p. 97-111.
17 Ferrières H. de, Les Livres du roy Modus…, op. cit., et Phébus G., Livre de chasse…, op. cit.
18 Un exemple parlant, qui a bénéficié de recherches récentes, Duceppe-Lamarre F., « Une fête champêtre à la cour de Bourgogne », dans L’Art à la cour de Bourgogne. Le mécénat de Philippe le Hardi et de Jean sans Peur (1364-1419), Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2004, p. 162-163.
19 Pour le personnel cynégétique à Hesdin, voir, entre autres, Id., Chasse et pâturage…, op. cit., et, du même auteur, « Vie et mort de la bête captive dans la cour des grands. Les cas d’Arras, Hesdin et Le Quesnoy aux XIVe-XVe siècles », dans La Bête captive au Moyen Âge et à l’époque moderne, Beck Corinne et Guizard-Duchamp Fabrice (dir.), Actes du colloque international des 8 et 9 novembre 2007, Amiens, Encrage édition, 2012. Concernant le personnel du parc de Vincennes, des informations dans Derex Jean-Michel, Histoire du bois de Vincennes. La forêt du roi et le bois du peuple, Paris, L’Harmattan, 1997.
20 Pour une telle étude, les résultats sont présentés de façon détaillée dans Duceppe-Lamarre F., « Une génération de gestion animale au début du XIVe siècle : la comptabilité du territoire d’élevage et de chasse d’Hesdin (Pas-de-Calais, France) », dans La Gestion démographique des animaux à travers le temps, VIth International Conference of the Association « L’Homme et l’Animal, Société de recherche interdisciplinaire », Turin, 16-18 septembre 1998, Anthropozoologica, no 31, et Ibex Journal of Mountain Ecology, no 5, 2000, p. 125-135. Analyse reprise par Id., « Chasser ou être chassé au Moyen Âge », dans Umwelt und Herrschaft in der Geschichte. Environnement et pouvoir, une démarche historique, Duceppe-Lamarre F., Engels Jens Ivo (dir.), Munich, Oldenbourg Verlag, 2008, p. 52-72. Cet article utilise d’autres sources écrites postérieures et non comptables afin d’étoffer le bestiaire.
Auteur
Institut de recherches historiques du Septentrion IRHiS UMR 8529
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