Transports à la demande, TIC et pratique des territoires urbains
p. 375-380
Texte intégral
1Note portant sur l’auteur1
CONTEXTE ET PROBLÉMATIQUE
2Les pratiques de mobilité se complexifient à la faveur de l’augmentation des échanges et du développement continu des grandes infrastructures les supportant. En plus de la simple augmentation quantitative des flux, des distances parcourues et des biens échangés, est apparue une modification sensible des modalités de la mobilité des personnes. Les pics de trafic se sont étalés, écrêtés notamment par les réorganisations sectorielles du travail et augmentés par l’accroissement de la mobilité liée aux loisirs. Les besoins en termes de déplacement se sont étendus, en portée spatiale comme en amplitude horaire. Les itinéraires des individus s’expriment davantage en séquences spatio-temporelles variées, où les modes et les motifs se combinent. Instantanéité, ubiquité et immédiateté, termes de la mobilité proposés par G. Dupuy, constituent plus que jamais des enjeux clés pour améliorer l’offre de transport et lutter efficacement contre la dépendance automobile et ses nuisances [Dupuy, 1999].
3Par ailleurs, les technologies de l’information et de la communication connaissent un développement significatif et modifient substantiellement le rapport du consommateur au bien, réduisant notamment les délais d’achat et augmentant, au moins en apparence, le choix offert. Les technologies de géolocalisation, d’échange d’informations numériques et d’optimisation spatio-temporelle des tournées et des dessertes, permettent d’imaginer des systèmes de transport répondant mieux à l’évolution de la demande de mobilité car réduisant les temps d’accès à un service plus en phase avec la demande.
4Dans un tel contexte, cette recherche vise à réfléchir à de nouveaux systèmes de transport à la demande modulaires en phase avec les évolutions des technologies de l’information et des pratiques des territoires urbains. Le projet vise à évaluer la recevabilité de ces nouveaux concepts et la capacité des populations à intégrer dans leurs pratiques une nouvelle offre de transport collectif individualisée ayant recours aux TIC (techniques de géolocalisation de véhicules, communication avec les mobiles, SIG embarqué ou distribué implantant des méthodes d’optimisation et de suivi en temps réel d’une flotte de véhicules, notamment).
TRANSPORT À LA DEMANDE EN TEMPS RÉEL
5Les Transports à la Demande (TAD) sont des transports collectifs terrestres de personnes, activés seulement à la demande. Ils apparaissent comme un maillon possible d’une chaîne de déplacements multimodaux. Ils visent à améliorer l’accès au transport dans le temps (horaires à la carte) et dans l’espace (jusqu’au porte-à-porte), en augmentant le taux de remplissage des véhicules, en optimisant les dessertes. Ils introduisent, d’une certaine façon, le concept de « transport public collectif individualisé ».
6En 2001, des géographes des laboratoires THEMA de Besançon et ESPACE d’Avignon et des informaticiens du Laboratoire d’Informatique de l’Université de Franche-Comté, en partenariat avec la Compagnie des Transports de Besançon et la Communauté d’Agglomération du Grand Besançon, ont conçu le TAD Evolis-gare. Lancé au mois d’octobre 2000, ce service est opérationnel depuis 2001 et va être étendu prochainement à l’ensemble de la communauté d’agglomération du grand Besançon. Il constitue une alternative crédible à la voiture personnelle. Nous nous appuyons sur cette première expérience pour élaborer et évaluer un nouveau concept de transport à la demande en temps réel.
7Nous stipulons que la réponse au problème de l’adéquation du service à la demande réside dans sa modularité. Ce TAD flexible cherche à répondre au mieux à la demande de transport et dans les délais les plus courts possibles. Sa modularité peut se décliner ainsi : 1/ réservation du service (aucun délai n’est imposé a priori à l’usager, seule la disponibilité des véhicules et des places contraint le service) ; 2/ horaires et lieux de prise en charge (le service peut être utilisé à tout moment et en tout point, sans horaires ni lieux prédéfinis) ; 3/ regroupement de passagers (le TAD optimise les trajets en regroupant les usagers dans les véhicules, tout en respectant le « contrat » avec chaque usager) ; 4/ offres de service alternatives (le système propose, pour un même trajet, des alternatives de prix, de temps de trajet et de types de véhicules et de prestations) ; 5/ tarification (le prix est variable, calculé en fonction de la rentabilité économique immédiate du véhicule et du regroupement, des temps de trajet et des modalités de prise en charge).
RÉSULTATS
8Un premier travail a consisté à recenser les TIC susceptibles de répondre aux besoins technologiques nécessités par le fonctionnement du TAD proposé. Nous les appréhendons en croisant les entités considérées (personnes, véhicules ou système) par les fonctions requises (information, géolocalisation, optimisation), en évaluant leur maturité/adéquation au concept de TAD proposé.
9Par ailleurs, deux enquêtes nous permettent d’évaluer l’attrait de ce concept de transport à la demande en temps réel. D’une part, nous avons pu constater, suite à une enquête échantillonnée sur 261 individus à partir des 3 000 clients d’Evolis, qu’il existait des profils d’utilisateurs types. Par exemple, le profil dominant est une femme cadre dans la force de l’âge, utilisatrice insatisfaite de l’automobile et du bus, tournée vers les modes souples et doux et pour laquelle le gain financier procuré par Evolis est déterminant dans son choix. D’autre part, la moitié des usagers actuels prenait leur véhicule personnel ou se faisait accompagner par un proche avant d’utiliser Evolis. Ainsi, il semble possible d’induire, par une offre renouvelée de service souple, des changements sensibles des pratiques de mobilité.
10Afin d’évaluer a priori l’acceptabilité du concept proposé, au-delà de sa faisabilité économique, nous avons réalisé une enquête téléphonique portant sur un échantillon de plus de 1 000 individus, dont 65 utilisateurs d’Evolis. L’objectif était d’évaluer quelle perception pouvait avoir la population d’un TAD « temps réel » et des contraintes temporelles qu’il engendrerait (quel délai de réservation, quel temps d’attente acceptables, etc.). Les résultats montrent que 62 % des gens contactés sont enclins à utiliser le système, en dépit de quelques craintes sur son fonctionnement. Parmi eux, les utilisateurs d’Evolis semblent davantage séduits par le service proposé. Le profil dominant du « futur utilisateur » équivaut sensiblement à celui de l’utilisateur actuel d’Evolis. Même si le fonctionnement du système lui occasionne une certaine gêne, cet usager assure son déplacement en réservant un peu à l’avance (quelques heures). Si on le prévient, il accepte de ne pas être pris en charge en cas d’indisponibilité du service. Il est rassuré par le contact direct (réservation téléphonique). Il accepte la variabilité du prix en fonction notamment du temps perdu pendant le trajet (40 % des personnes interrogées). Il apprécie qu’on lui propose un choix multiple avec des prestations différentes.
11Ces résultats confirment l’adéquation des TAD « temps réel » intégrant les TIC à la demande de mobilité et à la consommation immédiate de services de transport et permettent d’ouvrir une discussion sur les impacts potentiels de tels services sur les territoires et les mobilités.
VALORISATION
12Rapport
13Banos A., Josselin D., (1999), Les services de transport à la demande dans leur marché et leur cadre institutionnel. Étude de faisabilité d’un repositionnement socio-économique de ces marchés, Rapport d’étape PREDIT, octobre 1999, THEMA et VIA-GTI.
14Thèses
15Banos A., (2001), Le lieu, le moment, le mouvement, pour une exploration spatio-temporelle désagrégée de la demande de transport en commun en milieu urbain, thèse de doctorat de géographie, Université de Franche-Comté.
16Thévenin T., (2002), Quand l’information géographique se met au service des transports publics urbains, une approche spatio-temporelle appliquée à l’agglomération bisontine, thèse de doctorat, Université de Franche-Comté.
17Communications
18Bolot J., Josselin D., Thévenin T., (2002), « Responsive Demand Transports in the Mobilities and Technologies Evolution. Context, Concrete Experience and Perspectives », dans Proceedings of the 5th AGILE Conference, Palma, 25-27 April 2002, pp. 331-338.
19Canalda Ph., Chatonnay P., Josselin D., (2004), « Énumération d’arbres couvrants tentaculaires, une solution au problème de transport à la demande en convergence », accepted to the IEEE Conference SETIT’2004, March 2004, Tunisia.
20Castex E., Houzet S., Josselin D., (2004), « Prospective research in the technological and mobile society : new Demand Responsive Transports for new territories to serve », 5th AGILE Conference, Heraklion, 28 April-1st May 2004.
21Josselin D., (2004), « Des transports à la demande pour répondre au nouvelles formes de mobilité : le concept de “modulobus” », Communication au Colloque Mobilités et temporalités, 4e colloque du groupe de travail « Mobilités spatiales et fluidités sociales », 25-27 mars 2004.
22Josselin D., (2004), « Transport à la demande dans la société de l’information et de la mobilité », Conférencier invité, Conférence Mcube, Montbéliard, 29-30 mars 2004.
23Genre-Grandpierre C., Josselin D., (2004), « Exploring the “tensions” in the mobility urban system », International conference Urban Vulnerability and Network Failure, Constructions and Experiences of Emergencies, Crisis and Collapse, Manchester, 29-30 avril 2004, ESRC seminar.
Bibliographie
RÉFÉRENCES
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Beaufils M.-L., Janvier Y., Landrieu J., (1999), Aménager la ville demain : une action collective, Éditions de l’Aube.
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Dupuy G., (1991), L’urbanisme des réseaux, Théories et méthodes, Paris, Armand Colin.
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Wiel M., (2002), Ville et automobile, Paris, Descartes & Cie.
Notes de bas de page
1 Chargé de recherche CNRS (CR1).
Auteur
Responsable scientifique
Équipe : C. Genre-Grandpierre (maître de conférences), S. Houzet (DEA Structures et dynamiques spatiales), D. Josselin (chargé de recherche).
mailto:didier.josselin@univ-avignon.fr
UMR ESPACE 6012 du CNRS
Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse
74, rue Louis Pasteur
84029 Avignon Cedex 1
Tél. : 04 90 16 26 93/98
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Quatre ans de recherche urbaine 2001-2004. Volume 2
Action concertée incitative Ville. Ministère de la Recherche
Émilie Bajolet, Marie-Flore Mattéi et Jean-Marc Rennes (dir.)
2006
Quatre ans de recherche urbaine 2001-2004. Volume I
Action concertée incitative Ville. Ministère de la Recherche
Émilie Bajolet, Marie-Flore Mattéi et Jean-Marc Rennes (dir.)
2006