Sexualité, discrimination à l'embauche, et droit du licenciement aux États-Unis
p. 117-137
Texte intégral
1Qu'aux États-Unis des salariés puissent se voir refuser un emploi ou être licenciés en raison de leur sexualité, réelle ou supposée, ne fait aucun doute. De nombreux exemples sont connus, de celui de Granville Dill, le directeur de publication de la revue The Crisis, limogé par W. E.B. Du Bois en 1928, après son arrestation dans un lieu public1 à celui des salarié(e)s connu(e)s comme homosexuel(le)s de la chaîne de restaurants Cracker Barrel Country Store, licenciés collectivement en 1991 parce que la direction avait décidé de ne plus employer de personnes "dont la préférence sexuelle ne relev[ait] pas des valeurs normales qui sont le fondement de la famille dans notre société" (Cohn, 1992, 38)2 Diverses enquêtes et études plus ou moins scientifiques, menées auprès de personnes homosexuelles, mettent en évidence les mesures discriminatoires que celles-ci rencontrent dans leur vie professionnelle et sont fréquemment citées à l'appui des démarches entreprises par les associations militantes désireuses de faire évoluer la législation3 Nombreux aussi sont les articles de presse sur le sujet, qui apportent des témoignages documentés4.
2Les raisons données pour justifier le licenciement de salariés homosexuels touchent rarement à la compétence professionnelle des personnes concernées. Les plus fréquemment invoquées sont de trois ordres : 1) leur conduite immorale les rend inaptes au travail, 2) elles souffrent d'un déséquilibre mental, 3) elles perturbent l'ambiance de travail, parce que leurs collègues et les tiers ne les apprécient pas (Coles, 1989, 242).
3En outre, les difficultés à l'embauche et les licenciements motivés par l'orientation sexuelle ne sont pas les seules formes de discrimination relevées dans les enquêtes mentionnées ci-dessus. Très importante est aussi la différence de traitement qui existe avec les salarié(e)s marié(e)s, dont les épouses bénéficient en général de la couverture médicale attribuée par certaines entreprises aux membres de leur personnel, et parfois d'autres avantages encore, tandis que ces compléments de rémunération concernent rarement les concubin(e)s du sexe opposé et moins souvent encore les partenaires du même sexe. Or, aux États-Unis, les assurances médicales et chirurgicales éventuellement incluses dans les contrats de travail sont souvent primordiales pour le salarié lui-même et pour l'ensemble du ménage (au sens économique). Toute discrimination dans ce domaine est donc vivement ressentie et déplorée par les intéressés.
4A l'heure actuelle, cependant, les différentes formes que prend la discrimination à l'encontre des minorités sexuelles ne sont pas, dans la plupart des cas, juridiquement condamnables, bien qu'il existe de nombreuses tentatives, de la part d'organisations militantes, pour faire évoluer les différentes législations applicables5
Le cadre juridique
5La complexité du droit du travail américain tient non pas au fait qu'il couvre de nombreux aspects du salariat, mais, d'une part, à la structure étatique et à la multiplicité des législatures compétentes, et, de l'autre, à la tradition juridique dont ce domaine relève.
6En premier lieu, le fédéralisme étend la compétence des États fédérés (et du District de Columbia) au domaine de l'emploi et chacun d'eux s'est doté d'une législation qui lui est propre. Toutefois, par le biais de l'article de la Constitution qui attribue au gouvernement fédéral le droit de réglementer le commerce entre les États, celui-ci a étendu ses prérogatives aux relations du travail dans les entreprises qui participent aux échanges commerciaux inter-États. Que ce soit en matière de représentation et de négociations collectives ou en ce qui concerne le respect des droits de l'individu en tant que salarié ou salarié potentiel, une double législation s'applique donc : celle de l'État fédéré dans les petites entreprises locales et la législation fédérale dans les grandes, la distinction entre petits et grands s'opérant en fonction du chiffre d'affaires et/ou du nombre de salariés.
7Par ailleurs, l'emploi des salariés du secteur privé relève du droit des contrats et non d'un code spécifique comme en France6 Par conséquent, les réglementations qui peuvent interférer avec la liberté d'employer telle ou telle personne, ou celle de licencier un salarié, vont à l'encontre d'usages bien établis. En effet, conformément à la pratique de "l'emploi suivant le bon vouloir de l'employeur" (employment at will), les entreprises sont traditionnellement libres de décider embauches et licenciements selon des critères qu'elles fixent elles-mêmes et qu'elles n'ont à justifier ni auprès de l'administration, ni auprès des personnes concernées.
8La liberté de licencier n'est limitée que par le droit syndical, lequel protège les salariés engagés dans une activité liée à la représentation collective du personnel, par un éventuel contrat collectif signé avec un syndicat représentatif, si ce document comporte une clause obligeant l'employeur à justifier les licenciements qu'il décide (termination for just cause) et par des lois relativement récentes dont l'objet primordial est la lutte contre la discrimination et qui s'appliquent également lors de l'embauche. Au niveau fédéral, il s'agit principalement du Titre VII de la loi de 1964 sur les droits du citoyen, qui interdit aux employeurs toute forme de discrimination fondée sur "l'appartenance raciale, la couleur de la peau, la religion, la nationalité d'origine ou le sexe" des salariés ou des candidats à un emploi7 Divers amendements très importants ont été apportés à ce texte en 1991 par un Congrès démocrate désireux de contrer une série d'arrêts pris par la Cour Suprême en 1989 qui, aux yeux de la majorité parlementaire, interprétaient le texte original de manière trop restrictive. Ainsi, dans sa nouvelle version, la loi permet le versement de dommages et intérêts dans certains cas, alors que jusque-là les victimes de discrimination ne pouvaient espérer que des arriérés de salaires, voire leur réintégration.
9Par ailleurs, la liberté de licencier est limitée par une loi sur la discrimination dans l'emploi en vertu de l'âge (Age Discrimination in Employment Act, 1967. 29 U. S.C. § 621 et suiv. 1988), et par un texte de 1990 sur la protection des handicapés (Americans with Disabilities Act [ADA] 1990. Pub. L. 101-336). Enfin, depuis 1993, les femmes enceintes ne sauraient plus perdre leur emploi en raison de leur état ou de l'obligation pour elles de s'arrêter de travailler pour accoucher, ce qui était trop souvent le cas dans le passé8 A ce jour, cependant, les mesures antidiscriminatoires n'ont pas été étendues aux minorités sexuelles. Dans le secteur privé, le refus d'embaucher des homosexuels ou des transsexuels, ou encore la décision de licencier un salarié en raison de son orientation sexuelle, reste, du point de vue de la législation fédérale et de celle de nombreux États fédérés, parfaitement incontestable.
Discrimination, genre et sexualité : le refus des tribunaux d'étendre la protection du Titre VII à "l'orientation sexuelle"
10Le Titre VII du projet de loi adopté en 1964, ne concernait à l'origine que les cas de discrimination fondés sur l'appartenance raciale, la nationalité d'origine ou la religion. Les comptes-rendus des débats du Congrès ne mentionnent aucune velléité d'inclure les cas de discrimination entre hommes et femmes. Mais au dernier moment, le principal opposant à ce projet de loi proposa un amendement incluant cette forme supplémentaire de discrimination, dans l'espoir de faire échouer l'ensemble. Contrairement à son plan, texte et amendement de dernière minute furent adoptés.
11Cette anecdote n'est pas sans conséquence : en effet, l'absence de débat parlementaire sur la discrimination entre les sexes laisse aux juges une grande latitude quant à l'interprétation du texte, en particulier en ce qui concerne les formes de discrimination couvertes par la loi. Le mot sex y est utilisé sans aucune précision de sens. Or, ce mot peut théoriquement faire référence à l'anatomie de la personne, au genre (gender) masculin ou féminin, voire à la sexualité9 Jusqu'à présent, les tribunaux fédéraux, ainsi que l'agence administrative chargée d'examiner les plaintes en première instance10 lui ont donné un sens restrictif : discrimination contre les hommes parce qu'ils sont hommes, discrimination contre les femmes parce qu'elles sont femmes. Toutefois, sans aller jusqu'à l'orientation sexuelle, certains jugements récents ont pris en compte d'autres éléments que la simple anatomie.
12Depuis les années soixante-dix, en effet, des personnes licenciées au motif de leur homosexualité, déclarée ou supposée, tentent, sans succès jusqu'à présent, d'obtenir justice en invoquant le Titre VII. Bien entendu, ces procès sont très souvent voulus et financés par les organisations de défense des minorités sexuelles et des libertés publiques, qui souhaitent faire progresser la législation et qui tiennent registre des moindres avancées judiciaires.
13Le jugement qui, à ce jour, fait jurisprudence pour refuser la protection du Titre VII aux homosexuel(le)s victimes de discrimination, De Santis v. Pacific Telephone and Telegraph Co., date de 1979 et a été rendu par une Cour d'Appel fédérale en Californie (608 F. 2d 327 [9th Cir. 1979]). Ce texte a le double mérite de donner un large éventail des arguments qui ont pu être invoqués jusqu'ici pour donner le sens d'orientation sexuelle au mot sex dans la formulation du Titre VII et de les réfuter un à un. Il montre aussi à quel point, dans le système américain, le pouvoir judiciaire peut être utilisé pour tenter d'infléchir la législation en vigueur.
14Le premier argument soulevé par les nombreuses personnes qui avaient porté plainte collectivement dans cette affaire, était tout simplement que le mot sex, tel qu'il figurait dans le libellé du Titre VII, englobait le concept de pratiques sexuelles. Ce point de vue fut écarté par le tribunal par souci de cohérence avec ses jugements antérieurs11 Deuxièmement, les plaignants de sexe masculin usèrent d'un raisonnement un peu spécieux, fondé sur des statistiques contestables : ils avancèrent que le pourcentage d'homosexuels dans la population étant supérieur à celui des lesbiennes, le refus d'employer des homosexuels, hommes ou femmes, touchait davantage les homosexuels de sexe masculin et qu'il y avait donc là un cas de discrimination entre les sexes. Cet argument était fondé sur la théorie de "l'effet disproportionné" (disproportionate ou disparate impact), qui a été élaborée dans le contexte d'affaires d'ordre racial12 Le tribunal le rejeta en affirmant que la théorie en question ne pouvait être appliquée que dans les domaines où la volonté du législateur était clairement affirmée, ce qui, bien entendu, n'était pas le cas pour ce qui concernait la protection des homosexuels contre la discrimination.
15Le troisième argument développé tentait d'établir qu'il y avait discrimination entre les femmes qui aimaient les hommes et les hommes qui, eux aussi, aimaient les hommes. La Cour objecta qu'il n'y avait pas discrimination de ce point de vue car les pratiques de l'employeur étaient cohérentes : il rejetait l'idée que ses salariés, hommes ou femmes, aient des relations sexuelles avec des personnes du même sexe. Ce dernier argument faisait écho, en le raffinant, à celui d'un plaignant dans une affaire antérieure. Licencié pour son apparence efféminée et remplacé par une femme, par définition efféminée, ce salarié avait accusé son employeur d'avoir pris à son égard une mesure discriminatoire interdite par le Titre VII. Le tribunal avait là aussi récusé cette analyse et affirmé que "le plaignant, un homme, manifestait un comportement incompatible avec le sexe masculin" (Smith v. Liberty Mutual Insurance Co., 395 F. Supp. 1098 [N. D. Ga. 1975], p. 1099, note 2).
16En dernier ressort, les avocats des plaignants tentèrent de mettre à profit une décision antérieure de l'Equal Employment Opportunity Commission, selon laquelle il peut y avoir discrimination raciale, en raison non pas de la race de la victime, mais de celle de ses amis ou fréquentations connus de l'employeur. Transposée dans le contexte de la plainte étudiée, cette prise de position pouvait être mise en avant pour revendiquer un cas de discrimination fondé sur le sexe des relations des plaignants. Ceux-ci furent néanmoins déboutés, la Cour rejetant la nature "particulière, à savoir homosexuelle" des relations qu'ils estimaient être la cause de leur licenciement.
17Si le jugement De Santis fait toujours jurisprudence dans les tribunaux fédéraux, des évolutions sensibles ont cependant été relevées. Ainsi, les organisations de défense des minorités sexuelles considèrent comme très important le fait qu'en 1986 le Titre VII ait été interprété par la Cour Suprême de manière à condamner un environnement de travail hostile et offensant comme une forme possible de harcèlement sexuel13 Cette évolution jurisprudentielle représente pour ces organisations l'espoir de voir un jour condamnées les ambiances de travail hostiles aux homosexuels comme une forme de harcèlement et de discrimination (Wolfson, 1993, 11).
18Les associations militantes ont accueilli avec beaucoup d'intérêt également la condamnation par la Cour Suprême des mesures discriminatoires prises contre une femme pour non-conformisme au stéréotype de la féminité. En 1989, une salariée du cabinet d'expertise-comptable Price Waterhouse, à qui le rang d'associée (partner) avait été refusé parce qu'elle était perçue comme trop masculine dans son apparence et son comportement, obtint en effet gain de cause au plus haut niveau de la hiérarchie judiciaire (Price Waterhouse v. Hopkins, 109 S. Ct. 1795 [1989]). Depuis cette affaire, le sens donné au mot sex a donc été étendu à des éléments relevant du "genre" de la personne. Une femme que l'on licencierait, non parce qu'elle est femme, mais parce que sa tenue n'est pas assez féminine ou parce qu'elle ne porte pas de maquillage est désormais fondée à revendiquer la protection du Titre VII. Bien que le cas ne se soit pas encore présenté depuis 1989, la même interprétation devrait être appliquée aux hommes perçus par leur employeur ou leur employeur potentiel comme ne correspondant pas aux stéréotypes masculins.
19Toutefois, aux Etats-Unis, une entreprise privée a parfaitement le droit d'imposer un code vestimentaire à ses salariés et les règles d'un tel code, qui sont laissées à la discrétion de l'employeur, peuvent inclure le respect de normes empruntées à la tradition ou aux stéréotypes liés au genre. Un homme qui avait perdu son travail sous prétexte qu'il portait un anneau à l'oreille fut ainsi débouté en 1979, après avoir plaidé qu'il était victime de mesures discriminatoires parce que ce bijou ne correspondait pas à l'image masculine attendue de lui14 Malgré les évolutions observées, les organisations militantes représentant les minorités sexuelles sont donc encore loin d'avoir obtenu gain de cause devant les tribunaux fédéraux. Le cas des transsexuels en apporte une preuve supplémentaire.
Le cas des transsexuels
20Dans un article publié en 1979, deux juristes californiens, Stuart Wein et Cynthia Remmers, posent le double problème de la discrimination que subissent les transsexuels en matière d'emploi et de la façon dont les tribunaux traitent les cas qui leur sont soumis (Wein et Remmers, 1979, 1075-129). En premier lieu, les auteurs rappellent que :
la médecine distingue depuis longtemps la transsexualité, l'homosexualité et le travestissement. La personne homosexuelle n'a pas de problème d'identité concernant son genre et elle ne souhaite pas changer de sexe, ce qui lui ferait plus de mal que de bien. De même, la plupart des travestis sont satisfaits d'appartenir au sexe auquel ils appartiennent du fait de leur anatomie, même si le travestissement est pour eux un besoin ou une source de plaisir. (Wein et Remners, 1979, 1077)
21Qu'il y ait fréquemment discrimination à l'encontre des personnes souffrant du syndrome de "dysphorie sexuelle," (Wein et Remmers, 1979, 1075-76, note 4)15 le fait a été attesté par les médecins américains lors de plusieurs auditions devant des cours de justice16 Concernant ces personnes, les juristes posent traditionnellement trois questions aux médecins : la transsexualité est-elle reconnue comme un problème médical à part entière ? Dans quelle mesure le changement de sexe apparaît-il nécessaire ? Comment se définit le genre (gender) d'un individu ? Les réponses positives apportées aux deux premières questions ont en général servi la cause des victimes de discrimination, mais la définition retenue par les tribunaux du genre d'une personne n'a pas, dans la plupart des cas relevés à ce jour, pris en compte d'autres éléments que le sexe "anatomique".
22Les décisions de justice les plus marquantes sont au nombre de cinq (hors cas particuliers de militaires transsexuels)17 et ont toutes rejeté les plaintes des transsexuels licenciés par leurs employeurs, pour des raisons liées à leur sexualité, à leur apparence physique ou aux transformations de celle-ci18 Les plaignantes soutenaient que la forme de discrimination dont elles avaient été victimes pouvait être assimilée à la discrimination sexuelle bannie par le Titre VII. Mais les juges n'ont pas conclu dans le même sens, et ont établi une distinction entre "sexe" et "changement de sexe" qui les exemptait de se prononcer sur le fond de ces affaires.
23Comme dans certains dossiers relatifs à l'orientation sexuelle, plusieurs de ces jugements rappelèrent la brièveté des débats parlementaires avant l'inclusion de la discrimination sexuelle dans le Titre VII, pour donner à celle-ci la teneur la plus restrictive possible. De plus, l'échec des tentatives législatives ultérieures concernant l'extension du Titre VII à la préférence sexuelle" fut utilisé pour confirmer la portée restreinte des garanties existantes. Wein et Remmers relèvent aussi que dans les affaires Voyles et Holloway, les juges n'ont pas tenu compte des témoignages d'ordre médical et ont considéré le transsexualisme comme un comportement choisi (Wein et Remmers, 1979, 1098).
24La Cour Suprême des États-Unis a refusé par deux fois de s'exprimer sur la question de la discrimination dans l'emploi à l'encontre des transsexuels : en 1976, lorsqu'elle n'a pas accepté de rejuger l'affaire Grossman après l'arrêt de la Cour d'appel du 3ème Circuit (voir note 17) et en 1985, quand elle n'a pas jugé nécessaire d'examiner la décision, renversée en appel, de la seule Cour de première instance qui ait jamais contredit le principe de la non-applicabilité du Titre VU (Ulane v. Eastern Airlines, 471 U. S. 1017, 105 S. Ct. 2023 [1985]). Il est vraisemblable que la cause des transsexuels ne fera pas de progrès avant celle des homosexuels, c'est-à-dire avant de longues procédures législatives et judiciaires à tous les échelons de l'Union.
Emploi privé, fonction publique et droits constitutionnels
25Toutes les actions judiciaires évoquées jusqu'à présent reposaient sur l'espoir d’une évolution de la jurisprudence qui étende à l'orientation sexuelle et au transsexualisme la protection garantie par le Titre VII contre la discrimination entre hommes et femmes. Dans la majorité des affaires concernant des employeurs privés, cette approche a été préférée par les victimes de discrimination et par les organisations militantes qui les défendaient, à celle qui aurait consisté à invoquer les droits constitutionnels du citoyen, tels le droit à la libre expression conféré aux Américains par le premier article de la Déclaration des Droits (Bill of Rights), le droit à la "régularité des procédures" (due process) doublement affirmé dans le cinquième article de cette même Déclaration et dans le quatorzième amendement à la Constitution, ainsi que "l'égale protection des lois" (equal protection of the laws), elle aussi garantie par le quatorzième amendement à la Constitution.
26Ces droits sont en effet ceux qui ont permis de faire progresser la cause des minorités raciales et celle des femmes dans la société américaine. Certains plaignants les ont invoqués à l'appui de leur demande d'extension du Titre VII, s'estimant lésés de leur droit à une "procédure régulière" ou de "l'égale protection des lois" par l'interprétation selon eux trop restrictive du Titre VII. Mais, en l'absence de dispositions législatives réglementant l'emploi privé, ces droits ne sont pas retenus comme susceptibles d'interférer avec la liberté de l'employeur d'embaucher ou de licencier qui bon lui semble. Ce principe a été résumé par un tribunal de la manière suivante : "La Constitution ne donne tout simplement aucun droit au travail contre la volonté de l'employeur"19 La question se pose différemment dans la fonction publique, civile ou militaire, car, en règle générale et en particulier lorsqu'ils agissent en tant qu'employeurs, le gouvernement fédéral et les collectivités territoriales sont tenus de respecter les droits constitutionnels des citoyens, y compris ceux des fonctionnaires.
27Avant le milieu des années soixante, la Commission de la Fonction Publique Civile (Civil Service Commission) à qui le Président délègue ses pouvoirs de recrutement et de gestion des fonctionnaires fédéraux, était peu susceptible de voir ses décisions contrariées par les tribunaux. Lorsqu'ils étaient saisis, ceux-ci s'effaçaient en effet devant les "raisons de service" que la Commission mettait en avant pour justifier ses recrutements et ses limogeages.
28Il est probable que les excès du maccarthisme ont contribué à faire évoluer cette tradition. En effet, parallèlement à l'élimination tapageuse des communistes dans la fonction publique, l'après-guerre et le début de la guerre froide virent la mise en place d'une chasse aux homosexuels et autres "pervers sexuels" qui, selon certaines estimations, aurait coûté leur emploi à 1700 personnes entre 1947 et 1950 (D'Emilio, 1983, 41-44 ; U. S. Congress 1950 in Editors of the Harvard Law Review, 1990, 46). Cette opération entraîna, entre autres, l'adoption d'un règlement écrit interdisant le recrutement ou le maintien en poste de fonctionnaires homosexuels, dont on craignait officiellement qu'ils soient victimes de chantage et qu'ils révèlent les secrets d'État20 Une fois la fureur maccarthiste retombée, des cours de justice se résolurent, à la fin des années soixante, à mettre fin au pouvoir discrétionnaire de la Commission de la Fonction Publique et l'obligèrent à amender son règlement. Ces tribunaux s'appuyèrent, pour ce faire, sur l'obligation pour le gouvernement de garantir aux citoyens, fonctionnaires ou non, des "procédures régulières". En particulier, pour refuser un poste à telle ou telle personne qualifiée ou pour justifier un licenciement, une administration est tenue de donner la preuve de l'existence d'un "lien rationnel" entre sa décision et "un objectif gouvernemental légitime" (rational relationship to a legitimate governmental purpose). Appliquée aux décisions de licencier un fonctionnaire en raison de sa sexualité, cette obligation a débouché en 1969 sur une décision de justice, Norton v. Macy, qui fait depuis jurisprudence et qui exige de l'administration qu'elle apporte la preuve d'un lien rationnel entre l'orientation sexuelle d'un fonctionnaire radié ou d'un candidat refusé en raison de ses mœurs, et "l'efficacité du service" (417 F. 2d 1161 [D. C. Cir. 1969]). Ce jugement a entraîné une révision du Code de la fonction publique fédérale en 1973, quelque quatre ans après qu'il avait été rendu. Ainsi, aujourd'hui, un fonctionnaire fédéral ne peut plus être licencié uniquement parce qu'il est homosexuel, qu'il a commis des actes homosexuels ou parce que son homosexualité est susceptible de nuire à l'image du service public21 Toutefois, le jugement Norton v. Macy a mis une limite au libéralisme qu'il préconisait, dans la mesure où les juges insistèrent sur le fait que le plaignant, qui bénéficiait de la priorité accordée aux anciens combattants pour le recrutement dans la fonction publique, "ne mettait pas en avant sa sexualité non orthodoxe, non plus qu'il ne la manifestait en public sans retenue"22 Les fonctionnaires homosexuels restent donc confrontés au risque de se voir reprocher une attitude trop ostentatoire, notamment parce que celle-ci gênerait leurs collègues. Ainsi, par beaucoup d'aspects, la situation des fonctionnaires fédéraux civils rappelle la position ambiguë qu'a prise le gouvernement Clinton à propos des militaires ("ni questions, ni aveux, ni poursuites").
29L'arrêt Norton v. Macy repose sur l'obligation de "régularité des procédures". Pour bénéficier d'un degré de protection supérieur, celui que confère "l'égale protection des lois" garantie par le quatorzième amendement à la Constitution, il reste précisément, pour les minorités sexuelles, à obtenir la reconnaissance de ce statut de minorités, de "groupes" victimes de discrimination.
30La stratégie des mouvements homosexuels et des avocats qui les représentent est donc de se placer sur le terrain des droits civiques, dans le prolongement de l'action des Noirs, et dans une moindre mesure de celle de la cause féministe. Pour que le statut de "groupe défavorisé" (suspect class ou quasi-suspect class) soit reconnu, il est nécessaire, du point de vue juridique, que les individus appartenant à ce "groupe" partagent des traits "immuables" (immutable), tels que la couleur de la peau, l'âge, le sexe, et que, de longue date, des préjugés s'attachent à ces caractéristiques23 Pour illustrer cette définition, citons une des affaires déjà mentionnées impliquant un transsexuel, Holloway v. Arthur Andersen, dans laquelle les juges exclurent que les transsexuels puissent être considérés comme un "groupe défavorisé" en termes de discrimination, car ils ne remplissaient pas les conditions nécessaires pour obtenir ce statut, à savoir appartenir à un groupe "bien individualisé" (discrete) et "circonscrit" (insular) et qu'ils n'avaient pas en commun "une caractéristique immuable due exclusivement au hasard de la naissance, telle la race ou la nationalité d'origine." Par ailleurs, "la difficulté de donner une définition au mot 'transsexuel' suffisait à refuser aux transsexuels la dénomination de groupe à risques" (Wein et Remmers, 1979, p. 1099).
31Appliquer aux minorités sexuelles cette définition du "groupe défavorisé" oblige donc les partisans d'une évolution jurisprudentielle à présenter l'orientation sexuelle comme une caractéristique immuable et bien définie, ce qui va à l'encontre de l'idée souvent défendue par les mêmes personnes qu'il existe un continuum sexuel où se situe chaque individu entre les deux extrêmes que sont l'hétérosexualité et l'homosexualité exclusives.
32Une autre exigence est d'ordre lexical et conduit à parler "d'orientation sexuelle" et non de "préférence sexuelle". Si ces deux expressions ont pu être utilisées de manière interchangeable, il y a quelques années, elles ont aujourd'hui des sens bien différents, et l'emploi de l'une ou de l'autre participe de la stratégie juridique du locuteur. Le terme de préférence sexuelle évoque le choix que ferait l'individu de sa sexualité. En cela, il est susceptible de motiver des jugements moraux, et, au plan juridique, il fait de la sexualité une caractéristique comportementale" (behavioral) de la personne. Au contraire, l'expression "orientation sexuelle" traduit un certain déterminisme en matière de sexualité. Que les expressions de celle-ci soient innées ou acquises pendant l'enfance ou l'adolescence ne met pas en cause la responsabilité de la personne. L'expression "orientation sexuelle" a donc le mérite de mettre la sexualité au nombre des caractéristiques que l'individu ne saurait modifier de son propre gré, au même titre que la race, la nationalité d'origine ou le sexe.
33L'espoir de voir conférer le statut de "groupe défavorisé" aux minorités sexuelles a été compromis en 1986 par l'arrêt de la Cour Suprême dans l'affaire Bowers υ. Hardwick (106 S. Ct 2841 [1986]) qui a confirmé la constitutionnalité des lois antisodomites, en vigueur dans de nombreux États, lorsqu'elles s'appliquent aux actes homosexuels. Ce jugement a en effet admis comme fondement rationnel de ces lois, le fait que la sodomie soit considérée par "l'électorat" comme une "pratique inacceptable. Par conséquent, la "régularité des procédures" garantie par le quatorzième amendement est de fait respectée (106 S. Ct 2846 [1986], Cf. Larson et Larson, 1994, 23-8, 23-9).
34Certes, ce jugement ne porte que sur la sodomie homosexuelle et non sur l'homosexualité en tant que telle ; certes, il traite des droits liés à la régularité des procédures et non de l'égale protection des lois", comme ne manquent pas de le faire remarquer les juristes plus ou moins acquis à la cause des minorités sexuelles ; il n'en reste pas moins qu'il fait systématiquement jurisprudence devant les cours d'appel fédérales. Les droits constitutionnels des minorités sexuelles en tant que minorités sont donc encore loin d'être reconnus, dans le domaine de l'emploi, comme dans les autres. Le droit à la libre expression garanti par le premier article de la Déclaration des droits est quant à lui plus rarement invoqué encore, et ne concerne guère que les enseignants, dans le cadre de leur profession, ce qui représente un cas extrêmement particulier qui ne saurait être traité ici.
Les tentatives pour faire évoluer la législation
35En dehors des cours de justice, les organisations militantes mènent, depuis les années soixante-dix, un combat incessant auprès des parlementaires : à Washington, pour que le Titre VII soit amendé, dans les antichambres des législatures d'État, des conseils de comtés, voire des conseils municipaux des grandes villes, pour que des lois interdisant la discrimination contre les minorités sexuelles soient adoptées localement. Au niveau fédéral, leurs efforts sont restés vains et les espoirs suscités par l'élection du Président Clinton se sont éteints après le compromis auquel il a dû recourir à propos des forces armées. Puis, l'élection d'un Congrès majoritairement Républicain en 1994 a rendu toute évolution encore plus improbable. En revanche, dans quelques États, les lois locales contre la discrimination ont pu être complétées de manière à inclure la sexualité parmi les caractéristiques de l'individu protégées contre les préjugés des employeurs. Mais cette évolution a souvent été l'aboutissement d'un long processus et le résultat de grands efforts, comme le montre le cas du Massachusetts.
Le cas du Massachusetts
36La loi en vigueur au Massachusetts qui interdit toute décision discriminatoire en fonction de l'orientation sexuelle, concerne non seulement l'emploi, mais aussi le logement, l'obtention de crédits et l'admission dans les établissements publics. Elle représente l'aboutissement de la détermination exemplaire de ses promoteurs. Compte tenu du fait qu'au Massachusetts, tout projet de loi qui ne réussit pas à franchir toutes les étapes de la procédure législative dans le délai d'un an, doit, l'année suivante, repartir de zéro, le Massachusetts Gay Civil Rights Bill a dû être présenté au Parlement de l'État pendant dix-sept années consécutives, de 1973 à 1989, année de son adoption. Les associations qui promouvaient ce projet de loi employèrent une chargée de mission parlementaire (lobbyist) à plein temps à partir de 1983, et les parlementaires noirs lui apportèrent un soutien actif, mais parfois à double tranchant, en le présentant comme l'héritier du mouvement des droits civiques des années soixante24 Le long et tortueux parcours législatif de cette loi recèle aussi des épisodes piquants, fort révélateurs des aléas des procédures démocratiques aux États-Unis. Ainsi une clause d'exemption bénéficiant aux églises et aux institutions qu'elles possèdent ou dirigent, fut facilement acceptée par les promoteurs du projet de loi, afin d'aboutir plus vite, et permit, paradoxalement, d'exclure le nouveau texte du champ des référendums d'initiative populaire qui auraient pu conduire à son abrogation. En effet, aucune mesure favorable aux libertés religieuses ne pouvant être annulée par voie de référendum au Massachusetts, les exemptions incluses dans le Gay Civil Rights Bill en firent une loi protectrice des églises et le soustrairent de ce fait à la menace d'un référendum25
Autres États et collectivités territoriales
37Seuls huit États et le District de Columbia ont adopté des lois qui bannissent la discrimination en matière d'emploi sur la base de l'orientation sexuelle26 La loi californienne a fait l'objet, avant son adoption définitive en 1992, de plusieurs vetos des gouverneurs Deukmejian et Wilson. Mais, dès 1979, une interprétation originale avait permis à la Cour Suprême de Californie de sanctionner une mesure discriminatoire en assimilant l'homosexualité à une forme de militantisme politique, activité protégée contre la discrimination par le Code du travail de l'État (Gay Students Association υ. Pacific Telephone and Telegraph Co., 24 Cal 3d 458 [1979]). En outre, un autre jugement californien a sans doute pesé en faveur de l'adoption d'un texte de loi : en 1991, la Shell Oil avait en effet dû verser 5,3 millions de dollars à un ancien salarié, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif. Ce salarié avait laissé traîner à son travail un papier personnel laissant entendre qu'il avait invité chez lui des amis homosexuels. Licencié, il porta plainte, en s'appuyant non pas sur un texte législatif, car il n'en existait pas à l'époque, mais sur un engagement de la Shell de ne pas licencier pour ce genre de motif (Collins υ. Shell Oil Co., 56 F. E.P. Cases 440 [Alameda Co. S. Ct. 1991]). La société fut donc condamnée, non parce qu'elle avait commis une mesure discriminatoire, mais parce qu'elle n'avait pas respecté un règlement intérieur qu'elle avait elle-même formulé.
38Un tableau récapitulatif des États et autres collectivités territoriales qui ont adopté une législation anti-discriminatoire à l'encontre des minorités sexuelles figure en annexe.
Hors des législatures et des tribunaux
39L'action des organisations militantes n'est pas dirigée uniquement vers les législatures d'Etat, le Congrès ou les tribunaux. Les employeurs eux-mêmes font l'objet de pressions indirectes, et certains d'entre eux se montrent sensibles à ces campagnes, en général par souci de ne pas déplaire à une partie de leur clientèle. Cette attitude, encore rare, est à l'opposé de celle qui prévaut depuis toujours dans certains secteurs et qui justifie la discrimination à l'embauche et le licenciement par le souci de ne pas heurter les clients. Dans un livre intitulé Cracking the Corporate Closet, publié en 1995, bons et mauvais points sont distribués aux entreprises qui ont bien voulu participer à une enquête menée par les auteurs (Baker, Strub et Hennings, 1995). Celles qui ont refusé de répondre au questionnaire portant sur leurs pratiques envers les minorités sexuelles sont citées, secteur par secteur, et montrées du doigt, à l'intention des salariés potentiels, mais aussi des clients susceptibles de prendre des mesures de rétorsion.
40Les syndicats semblent être sinon les grands absents, du moins les seconds rôles, de cette conquête, comme ils l'ont été, pour la plupart d'entre eux, au cours de la lutte des Noirs pour la reconnaissance de leurs droits civiques. La National Éducation Association, principal syndicat d'enseignants, fait partie des exceptions et un groupe d'enseignants homosexuels (Gay and Lesbian Caucus) figure parmi ses instances officielles. Par ailleurs, ce syndicat encourage l'inclusion de clauses de non-discrimination dans les contrats collectifs négociés par ses affiliés avec les différents districts scolaires (Jennings, 1994, 276, note 52).
41Certaines entreprises intègrent la dimension sexuelle à leurs programmes de formation continue portant sur la "diversité humaine" (diversity) au sein du personnel. Les cours sont en priorité proposés à la maîtrise et au personnel d'encadrement. Le but est d'améliorer les relations entre salariés homosexuels et hétérosexuels et, par ricochet, de combattre la discrimination. Par exemple, le groupe ATT et ses composantes emploient un formateur spécialisé qui propose des cours d'une demie à une journée dans les différents établissements de l'entreprise et qui a relaté son expérience dans un livre publié en 1993 (McNaught). Ce genre de formations semble avoir trouvé une place naturelle à côté des séminaires traitant des questions d'intégration raciale et de discrimination hommes/femmes au sein de l'entreprise et justifie son regroupement avec ces derniers sous le vocable diversity.
42Pour prévenir d'éventuelles difficultés, certaines directions d'entreprise font appel à des sociétés de conseil en gestion des ressources humaines spécialisées. La plus connue, Kaplan Lucas and Associates, est basée à Philadelphie et traite les questions relatives au respect de la "diversité sexuelle" dans l'entreprise, c'est-à-dire l'intégration de salariés homosexuels dans le personnel, les relations entre salariés et entre direction et salariés.
43Par ailleurs, les mouvements homosexuels sont représentés à l'intérieur même de certaines entreprises. Des associations se sont en effet créées dans certaines grandes sociétés et adoptent, le plus souvent, une démarche non conflictuelle. Un de leurs arguments de poids pour se faire admettre de leurs employeurs est l'image que ceux-ci peuvent retirer de leur tolérance relative auprès des consommateurs homosexuels. Il est ainsi remarquable que de grandes entreprises comme IBM ou la compagnie d'assurances Prudential subventionnent, par leur participation active, des manifestations publiques comme les expositions professionnelles homosexuelles, sortes de foires commerciales qui se tiennent dans les grandes villes et où les exposants sont représentés par des salariés homosexuels, vendent leurs produits à un public majoritairement homosexuel et en profitent pour faire état de l'ouverture d'esprit de leur règlement intérieur et de leur politique de gestion des ressources humaines.
44Ainsi, la stratégie poursuivie hors des tribunaux repose sur la "visibilité" accrue des homosexuels, qui "sortent du placard" (come out of the closet) en plus grand nombre, au sein même des grandes entreprises. Dans un manuel de droit, auquel a contribué un avocat membre du Lambda Legal Defense and Education Fund, Evan Wolfson, celui-ci explicite cette stratégie :
Il est très important de mettre fin au silence qui pèse sur les aspects concrets de la vie des lesbiennes et des gays, dans toute leur diversité. Si de plus en plus de gens prennent conscience qu'ils ont des collègues, des voisins, des parents, des amis homosexuels, alors il est de plus en plus difficile de prendre la défense de l'acte qui consiste à priver ceux-ci de droits civiques fondamentaux en matière d'emploi (Wolfson in Rossein, ed., 1993, 28-3).
45Toutefois, il convient de ne pas exagérer la portée des évolutions observées chez certains employeurs. Les risques de licenciement et de discrimination à l'égard des minorités sexuelles demeurent éminemment grands dans la plupart des entreprises, comme la partie juridique du présent article tend à le montrer. Le texte d'Evan Wolfson, qui fait le point sur l'état du droit du travail américain dans ce domaine, a d'ailleurs été repris par le Lambda Legal Defense and Education Fund dans une brochure citée plus haut, dont le titre, Out on the Job, Out of a Job, est une sérieuse mise en garde que l'on pourrait traduire par "homosexualité révélée, chômage assuré."
Bibliographie
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OUVRAGES CITÉS
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Annexe
Annexe. Législations locales concernant la discrimination contre les minorités sexuelles (mai 1993)



Sources : BUREAU OF THE CENSUS, UNITED DEPARTMENT OF COMMERCE, 1990 CENSUS OF POPULATION AND HOUSING (1993) (CD-ROM) (population) ; EQUAL EMPLOYMENT ADVISORY COUNCIL, EEAC ANALYSIS OF STATE LAWS BANNING DISCRIMINATION BASED ON SEXUAL ORIENTATION 1-13 (1992) (miscellaneous citations and dates) ; LYNNE Y. FLETCHER, THE FIRST GAY POPE 77-78, 84 (1992) (miscellaneous dates) ; NAN D. HUNTER, SHERRYL E. MICHAELSON & THOMAS B. STODDARD, THE RIGHTS OF LESBIANS AND GAY MEN, app. C at 204-08 (1992) (citations) ; LAMBDA LEGAL DEFENSE AND EDUCATION FUNI INC., A LIST OF STATUTES, ORDINANCES AND EXECUTIVE ORDERS 1-15 (undated) (miscellaneous citations) ; LAMBDA LEGAL DEFENSE AND EDUCATION FUND, INC., A NATIONAL SUMMARY OF ANTI-DISCRIMINATION LAWS 1-12 (1991) (citations and dates) ; LAMBDA LEGAL DEFENSE AND EDUCATION FUND, INC., LAWS PROTECTING LESBIANS AND GAY MEN 1 (undated) (miscellaneous dates) ; NATIONAL GAY AND LESBIAN TASK FORCE POLICY INSTITUTE, LESBIAN AND GAY CIVIL RIGHTS IN THE U.S. 1-3 (1993) (jurisdictions and categories).
Source : "Constitutional Limits on Anti-Gay Initiatives," 106 Harvard Law Review 1905 (1993)
Notes de bas de page
1 Voir Augustus Granville Dill, dans Kellner, 1984, 100-101 ; Chauncey, 1994, 198.
2 New York Times, 9 avril 1992 : "people whose sexual preferences fail to demonstrate normal sexual values which have been the foundation of families in our society." Les salariés homosexuels de la chaîne Cracker Barrel ont ensuite été réintégrés en raison des protestations de la clientèle et du public en général.
3 Voir National Gay Task Force, 1980 ; The Harvard Law Review, 1990, 65.
4 Par exempl : sur les collaborateurs homosexuels des cabinets juridiques new-yorkais, Varchaver, 1991,13-18.
5 Il s'agit notamment de la National Gay and Lesbian Task Force, qui accomplit véritable travail de lobbying à Washington, D. C., et du Lambda Legal Defense and Education Fund qui prodigue conseils et assistance juridiques aux victimes de discrimination et entretient des relations étroites avec un réseau d'avocats spécialisés dans tout le pays.
6 A ce titre, la Californie fait figure d'exception.
7 Titre VII de la loi de 1964 sur les droits du citoyen, Civil Rights Act, 42 U. S.C. § 2000e-2 (1988) : (a) It shall be an unlawful employment practice for an employe : (1) to fail or refuse to hire or to discharge any individual, or otherwise to discriminate against any individual with respect to his compensation, terms, conditions, or privileges of employment, because of such individual's race, color, religion, sex, or national origin.
8 Family and Medical Leave Act, 142 LRR 175 (1993), qui a renforcé et complété une loi antérieur : Pregnancy and Disability Act of1978, Pub. L. No. 95-555, 92 Stat. 2076.
9 'Sexe' se réfère aux aspects biologiques de la personne, à ses chromosomiques, hormonales, anatomiques et physiologiques. Le genre, par opposition, renvoie aux caractéristiques traditionnellement baptisées 'masculines' et 'féminines'. Il a une fonction de socialisation qui présente une dimension sociale, culturelle et psychologique" (Capers, 1991, 1160).
10 Equal Employment Opportunity Commission (E. E.O. C.), créée par le Civil Rights Act de 1964.
11 Notamment, Holloway v. Arthur Andersen & Co., 566 F. 2d 659 (9th Circuit 1977), dont il sera question plus loin à propos des transsexuels.
12 Cette théorie a été appliquée pour la première fois dans Griggs υ. Duke Power Co., 401 U. S. 424 (1971).
13 Meritor Savings Bank v. Vinson, 477 U. S. 57 (1986). Lire l'article d'Elisabeth Boulot dans ce volume.
14 Strailey v. Happy Times Nursery School, jugement rendu dans le cadre d'un regroupement avec De Santis v. Pacific Telephone and Telegraph Co (voir ci-dessus).
15 Les auteurs reprennent à leur compte la définition suivant : "Le syndrome de dysphorie sexuelle (ou trouble de l'identité sexuelle) est une expression générique de plus en plus utilisée par les médecins pour décrire les personnes qui manifestent diverses formes d'insatisfaction quant à leur anatomie génitale, à leurs chromosomes et à leurs sécrétions endocrines.... En plus des transsexuels, ce syndrome touche, parmi les homosexuels efféminés, les homosexuelles viriles ou les travestis, ceux et celles qui, parfois, et pour des raisons variables, sollicitent une opération de changement de sexe."
16 Notamment, pour ce qui concerne la discrimination à l'embauche, G. B. v. Lackner, 80 Cal. App. 3d 64, 68, 145 Cal. Rptr. 555, 557 (1978). Voir Wein et Remmers, p. 1094, note 115.
17 Doe v. Alexander, 510 F. Supp. 900 (D. Minn. 1981), Leyland v. Orr, 828 F. 2d 584, 44 F. E.P. 1636 (9ème Cir. 1987).
18 Voyles υ. Ralph K. Davis Medical Center, 403 F. Supp. 456, 11 F. E.P. 1199, confirmé par 570 F. 2d 354, 18 F. E.P. 866 (9ème Cir. 1978). Holloway v. Arthur Andersen & Co., 566 F. 2d 659, 16 F. E.P. 689 (9ème Cir. 1977). Grossman v. Bernards Township Board of Education 11 Empl. Prac. Dec. 10, 686 (D. N.J. 1975), confirmé par 538 F. 2d 319, (3ème Cir.), refus de considérer par la Cour Suprême, 429 U. S. 181 (1976). Powell v. Read's Inc., 436 F. Supp 369 (D. Md, 1977).
19 135 Cal. Rptr. 465 (1977), p. 471 : "There is simply no constitutional right to work for an unwilling employer." Cité dan : "The Legal Position of Homosexual ; Employment and Related Occupational Discrimination," 30 The Hastings Law Journal 805 (mars 1979), p. 810.
20 Extrait du Manuel de gestion du personnel fédéral (Federal Personnel Manual Supplement, Int., 1976, 731-71) : "Persons about whom there is evidence that they have engaged in or solicited others to engage in homosexual or other sexually perverted acts with them, without evidence of rehabilitation, are not suitable for Federal employment. In acting on such cases, the Commission will consider arrest records, or records of conviction for some form of homosexuality or sexual perversio ; or medical evidence, admissions, or other credible information that the individual has engaged or solicited others to engage in such acts with him. Evidence showing that a person has homosexual tendencies, standing alone, is insufficient to support a rating of unsuitability on the ground of immoral conduct."
21 Extrait du Manuel de gestion du personnel fédéral actue : "... you may not find a person unsuitable for Federal employment merely because that person is a homosexual or has engaged in homosexual acts, nor may such exclusion be based on a conclusion that a homosexual person might bring the public service into public contempt. You are, however, permitted to dismiss a person or find him or her unsuitable for Federal employment where the evidence establishes that such person's homosexual conduct affects job fitness — excluding from such consideration, however, unsubstantiated conclusions concerning possible embarrassment to the Federal service." Cité dans Larson, 1994, 23-4, 23-5.
22 Norton v. Macy, 417 F. 2d (D. C. Cir. 1969), p. 1167 "[neither] flaunts nor carelessly displays his unorthodox sexuality in public."
23 La catégorisation fondée sur le sexe a, jusqu'à présent, entraîné le statut de "groupe relativement défavorisé" (quasi-suspect class) et entraîne l'obligation pour le gouvernement de démontrer l'intérêt "important" (important) de l'objectif recherché et le lien "substantiel" (substantial) qui sous-tend une décision apparemment discriminatoire, tandis que pour l'appartenance raciale ou la nationalité d'origine des individus, les termes correspondants sont "groupe défavorisé" (suspect class), intérêt "majeur" (compelling) et la mesure discriminatoire doit être "taillée sur mesure" par rapport à l'objectif recherché (precisely tailored). Lire Editors of the Harvard Law Review, 1990, 55.
24 Notamment Mel King, Représentant démocrate de Boston, dans les années soixante-dix, Byron Rushing, Représentant démocrate du comté de Suffolk, tout au long de la décennie quatre-vingt, et Royall Bolling, également Représentant démocrate du comté de Suffolk.
25 Le parcours parlementaire du Massachusetts Gay Civil Rights Bill est relaté en détail dan : "The History of the Massachusetts Gay Civil Rights Bill," 26 Harvard Civil Rights Civil Liberties Law Revie, 1991, 558-99.
26 Californie, Connecticut, Hawaii, Massachusetts, Minnesota, Wisconsin, New Jersey et Vermont.
Auteur
Professeur de langue anglaise et de civilisation américaine à l'Université de Marne-la-Vallée. Sa thèse (1986) porte sur le syndicalisme enseignant aux États-Unis et ses travaux sur le monde du travail et de l'enseignement en Amérique du Nord, ainsi que sur les relations économiques extérieures des États-Unis et l'anglais de la gestion. Sous sa direction ont été publiés L'Information des salariés au Royaume-Uni et en France (1993) aux Presses de l'Université Paris Sorbonne et, en collaboration avec le Professeur Jean Robert Rougé, L'anticommunisme aux États-Unis, 1946-1954 (1995), chez le même éditeur.
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Répétition, répétitions : le même et ses avatars dans la culture anglo-américaine
Jean-Paul Regis (dir.)
1991
Les fictions du réel dans le monde anglo-américain de 1960 à 1980
Jean-Paul Regis, Maryvonne Menget et Marc Chenetier (dir.)
1988
Approches critiques de la fiction afro-américaine
Michel Fabre, Claude Julien et Trevor Harris (dir.)
1998
Le crime organisé à la ville et à l'écran aux États-Unis, 1929-1951
Trevor Harris et Dominique Daniel (dir.)
2002