Chapitre 25. Les réformes des études de santé vécues de l’intérieur de l’administration
p. 347-356
Texte intégral
1Rapidement après la nomination au printemps 2017 des deux nouvelles ministres en charge de la santé et de l’enseignement supérieur, leur volonté de porter une ambition réformatrice en matière d’études en santé est clairement apparue.
2Des réflexions avaient été conduites depuis plusieurs années sur nombre de sujets. Et la Grande conférence de la santé, dont les conclusions avaient été présentées le 11 février 2016, avait constitué une étape importante par les objectifs affichés dans la feuille de route qui en avait résulté. Les choses devaient et allaient bouger.
3Mais il était difficile d’imaginer à l’été 2017 l’ampleur et la diversité des réformes à venir et la rapidité avec laquelle elles allaient se décliner. Difficile d’imaginer aussi la mise à l’épreuve que ces réformes allaient constituer pour les équipes de la sous-direction des ressources humaines du système de santé du ministère de la Santé (SDRH1). Le présent volume offre l’occasion de donner à voir la contribution concrète qu’un service ministériel a apportée à la concrétisation des réformes2.
4On attend des services d’un ministère qu’ils soient fiables, efficaces et pertinents dans l’accomplissement de leurs missions. L’engagement de grandes réformes agit souvent comme un révélateur : de leur capacité à répondre aux objectifs qui leur sont fixés, de leur capacité à produire un droit de qualité, robuste et opérationnel, en phase avec les objectifs politiques arrêtés, mais aussi de leur capacité à tenir des calendriers serrés mais réalistes, au-delà des impatiences qui souvent s’expriment. Les réformes des études en santé auront indéniablement constitué pour la sous-direction ce passage au révélateur.
Un plan de charge considérable à mettre en œuvre
5Une administration qui n’est pas une administration de mission doit être capable de tenir les deux bouts de ses activités, la gestion continue des activités au quotidien en même temps que la conduite active de projets. Plus les projets sont lourds et nombreux, plus l’impact managérial est important sur les équipes et plus la difficulté est grande pour que les réformes soient conduites sans préjudice de l’accomplissement des missions du quotidien.
6Cela fut particulièrement le cas lors de la mise en œuvre des réformes des études en santé tant les projets ont été nombreux et simultanés. L’enjeu était alors double : un enjeu de mobilisation des équipes dans la durée ; un enjeu de régulation de la mise en chantier des projets aussi, lorsqu’il s’est agi de faire comprendre les limites d’absorption de la charge par les équipes, de faire admettre que parfois on ne peut pas tout faire, tout de suite, vite et bien et que cela pouvait imposer de prioriser les réformes à engager.
7Cinq projets d’ampleur et de complexité majeure ont été conduits de mi-2017 à fin 2019 dans le cadre de la réforme des études en santé :
La création du service sanitaire des étudiants en santé.
La suppression de la PACES et du numerus clausus ; la réforme du 1er cycle des études médicales.
La suppression des épreuves classantes nationales ; la réforme du 2e cycle des études de médecine et de l’entrée dans le 3e cycle.
La suppression du concours d’entrée en IFSI et la réforme des modalités d’accès à la formation d’infirmière.
La poursuite et l’accélération du processus d’universitarisation des formations paramédicales.
8Cela constituait en tant que tel un programme extrêmement conséquent et ambitieux. Mais cela ne représentait qu’une partie des projets en matière de formation et de compétences qu’il a fallu conduire au cours de la période.
9La réforme du 3e cycle des études de médecine, dont les premiers textes fondateurs avaient été publiés fin 2016 et début 2017, devenait effective à compter du 1er novembre 2017. Elle devait encore être complétée par plusieurs textes importants et accompagnée dans sa mise en œuvre tout au long des deux années suivant son entrée en vigueur. Les enjeux étaient là aussi considérables.
10D’autres projets, de nature et d’origine variées, mais de sensibilité et de complexité élevées, allaient par ailleurs être inscrits à l’agenda et imposer la mobilisation étroite des deux ministères :
La création de la pratique avancée infirmière, la reconnaissance des premiers domaines de compétences et l’ouverture des premières formations par les universités.
La réforme de la formation des aides-soignants et des conditions d’accès à la formation, en lien avec les travaux engagés autour du grand âge.
La réforme des conditions d’intégration des praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) au système de santé français.
La création sui generis d’une nouvelle formation dédiée aux assistants de régulation médicale (ARM).
La préparation de la mise en place du dispositif dit du « 2e DES » prévu par la loi du 26 janvier 2016 pour permettre des changements de spécialité médicale en cours de carrière ;
Ou encore les réflexions autour du possible reprofilage de la formation au sein de la filière visuelle, en lien avec la mise en œuvre de la réforme du « 100 % santé », la création d’un dispositif de recertification des compétences ou la régulation des difficultés récurrentes posées par la mise en œuvre de la réforme de la formation des infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État (IBODE).
11Les sujets étaient passionnants, stratégiques et sensibles, complexes et délicats aussi, pour la majorité d’entre eux, donc lourds à traiter.
12Vécue de l’intérieur, la conduite des réformes des études en santé a donc constitué en premier lieu un défi, celui de se mettre collectivement en situation d’absorber un plan de charge extrêmement important.
13Ce défi n’était pas l’apanage des seules administrations centrales. Les parties prenantes associées à l’élaboration de chacune de ces réformes étaient souvent les mêmes : doyens des facultés de santé, représentants des communautés enseignantes et des spécialités, médicales et paramédicales, représentants des étudiants, conférences et fédérations hospitalières, agences régionales de santé, représentants des conseils régionaux. Les sollicitations étaient nombreuses et lourdes pour elles également : pour participer aux groupes de travail, pour contribuer aux réflexions et défendre les positions qui leur paraissaient justes dans le cadre de ces réformes. Avant d’être appelées plus tard à les mettre en œuvre.
Produire un droit de qualité, conforme aux objectifs, robuste et opérationnel
14On présente souvent les services du ministère comme des producteurs de normes de toutes natures : lois, ordonnances, décrets, arrêtés, circulaires et instructions… y compris parfois jusqu’à la caricature.
15Ils doivent pourtant apporter bien plus à la conception et au déploiement des politiques publiques que de la production de normes : apporter de l’expertise, un savoir-faire nourri des échanges avec les parties prenantes et de l’expérience interministérielle, contribuer aux réflexions pour renforcer la pertinence et l’efficience des dispositifs. Cette dimension de leur mission est essentielle.
16Ils restent pour autant les garants de la qualité du droit sur lequel les réformes reposent. Ce sont eux qui doivent en répondre si le droit est attaqué. Ce sont également eux qui doivent l’expliquer, accompagner son interprétation et faciliter sa mise en œuvre dans la durée par les acteurs du système. Autant faire en sorte donc que le droit soit bien écrit à son origine. C’est même l’un des meilleurs services à rendre à une réforme que de lui donner des bases juridiques solides.
17Les porteurs de projets peuvent considérer que, dès lors que les objectifs d’une réforme ont été posés et qu’ils font globalement consensus, il n’y a plus qu’à traduire ces objectifs dans le texte réglementaire qui convient. L’affaire serait entendue et l’on pourrait passer à autre chose.
18La vérité du droit est pourtant beaucoup plus complexe. Lorsque les services rédigent les textes, les complètent, approfondissent leurs analyses juridiques et recherchent les potentiels angles morts ou incohérences juridiques vis-à-vis d’autres normes existantes, ce n’est pas pour le plaisir de l’exercice intellectuel, encore moins pour ralentir la mise en œuvre d’une réforme comme cela peut parfois être perçu. C’est pour s’assurer de la robustesse du droit et garantir l’égalité de traitement. Et cela prend du temps, souvent plus de temps qu’on ne l’avait imaginé.
19Le choix d’un mot, le temps d’un verbe (la portée du présent de l’impératif) sont essentiels, ils peuvent donner à une disposition une portée et emporter des effets réellement différents (« l’établissement propose aux étudiants au minimum trois options » vs « l’établissement peut proposer aux étudiants des options »). Lorsque le droit crée des droits, il crée aussi les conditions et les critères du refus éventuel de ce droit, qui doivent être légitimes, clairs et applicables. Toutes les situations doivent être couvertes, tenir compte de la diversité territoriale du pays, du maillage universitaire, de la répartition des terrains de stages, prendre en compte des potentielles spécificités de l’outre-mer, intégrer lorsque cela est nécessaire des mesures transitoires, etc.
20Chaque réforme est singulière. Elle mobilise des acteurs différents (universités, facultés de médecine, IFSI, établissements susceptibles d’accueillir le service sanitaire), appelle à la prise en compte d’enjeux spécifiques, s’inscrit dans un ordonnancement juridique préexistant. Chaque réforme a donc nécessité une rédaction minutieuse dont les administrations centrales devaient être les garantes.
21Les services ont aussi dû se mettre en situation de tenir compte de l’expertise d’usage que peuvent leur apporter les acteurs du système qui auront à mettre en œuvre les réformes. Si le droit doit être correctement écrit, il doit également être opérationnel. Pour s’en assurer, les services du ministère ont besoin d’interagir avec les conférences des doyens des facultés de médecine ou des présidents de CME, les enseignants d’IFSI, les commissions spécialisées des conférences de directeurs d’hôpitaux ou encore avec les services spécialisés des ARS. Des dispositifs juridiquement irréprochables peuvent se révéler totalement inopérants dans la « vraie vie » des universités, des CHU ou des IFSI. C’est d’autant plus le cas lorsqu’il est question de formations professionnalisantes, lorsque les aspects juridiques, les préoccupations pédagogiques et les organisations professionnelles doivent s’articuler de manière intelligente. Interagir sur ces aspects avec les parties prenantes, ce n’est pas céder aux revendications de tel ou tel acteur, c’est se donner des chances supplémentaires de réussir une réforme.
22Naturellement, lorsqu’à l’usage il apparaît qu’un texte n’est pas parfaitement écrit et qu’il doit être corrigé, il est toujours possible de prendre un texte modificatif. Ce qu’un décret ou un arrêté a prévu, un autre décret ou arrêté peuvent le modifier. Mais outre le fait que ce n’est pas idéal en termes d’image pour les services ministériels et de lisibilité des réformes pour les acteurs, cela peut ralentir leur mise en œuvre voire les fragiliser juridiquement, pendant un temps au moins.
23L’attention avec laquelle le droit est écrit est par ailleurs décuplée lorsqu’il s’agit de la loi. On ne modifie pas une disposition législative comme on modifie un décret. Et une loi, il y en eut une en appui de ces réformes.
24Vécue de l’intérieur, la conduite des réformes des études en santé a donc représenté un immense chantier juridique, constitué de plusieurs dizaines de textes de toutes natures3, certains particulièrement sensibles. Une fabrique du droit qui a fonctionné à plein régime tout au long de la séquence.
Raccourcir le temps… jusqu’aux limites du raisonnable
25Pour mener à bien les réformes, les ministères ne disposaient pas d’un temps illimité. Les attentes étaient fortes et des annonces avaient parfois été faites par les ministres sur les échéances de mise en œuvre (le service sanitaire à compter de l’année universitaire 2018-2019, la suppression du numerus clausus à compter de la rentrée 2020, celle du concours d’entrée en IFSI à compter de la rentrée 2019 par exemple). Les délais devaient être tenus.
26Il revenait donc aux directions d’administration centrale d’organiser les travaux, de gérer le rythme des réformes et de tenir les délais.
27L’ensemble des étapes de chaque conduite de projet devaient être prévues : définition du cadrage liminaire, mise en place de groupes de travail, itération sur des versions successives des textes, validations par les cabinets des deux ministères (voire interministérielle), consultations obligatoires – Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche – (CNESER), Commission nationale des études de maïeutique, médecine, odontologie et pharmacie (CNEMMOP), Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP), etc. –, examen par le Conseil d’État lorsque c’était nécessaire, processus de publication.
28Ces calendriers devaient être établis de manière volontariste (la pression des échéances) mais également réaliste (le respect des étapes incontournables et des délais incompressibles). Il était possible de densifier certaines conduites de projets mais jusqu’à une certaine limite toutefois ; le temps consacré à la concertation ne pouvait être sacrifié au risque d’aboutir à des réformes qui ne soient pas bien comprises et encore moins appropriées. Le temps consacré à la rédaction des textes est précieux, comme cela a été rappelé, pour produire une réforme solide. Enfin, certaines étapes de la procédure – les consultations obligatoires – étaient incontournables.
29La tenue de ces conduites de projets est d’autant plus délicate que :
chaque réforme a souvent nécessité plusieurs textes présentés successivement au fur et à mesure qu’ils étaient finalisés. Une itération s’est établie dans les ordres du jour des instances devant lesquelles les réformes allaient être évoquées à plusieurs reprises ;
la durée d’une conduite de projet est toujours plus longue que ce que les acteurs imaginent. Il est courant qu’une fois la concertation achevée, l’ensemble des étapes de finalisation (consultations obligatoires des instances qui ont leur propre calendrier de réunion, examen par le Conseil d’État dont les sections ont leur propre plan de charge, procédure de promulgation) nécessitent de quatre à cinq mois jusqu’à la publication des textes. Un long tunnel administratif difficile à appréhender pour les parties prenantes ;
la majorité des réformes devaient s’appliquer à compter d’une échéance précise, le plus souvent le début d’une année universitaire. Dépasser une certaine échéance, c’était reporter la mise en œuvre de la réforme d’une année. Ne pas être prêt pour la présentation d’un texte au CNESER d’avril pouvait reporter finalement la mise en œuvre d’une réforme au mois de septembre de l’année N+1.
la pression du calendrier était d’autant plus forte que pour qu’une réforme s’applique à compter d’une rentrée universitaire, les textes devaient souvent être publiés non au cours de l’été mais plusieurs mois en amont afin de permettre aux acteurs d’intégrer les nouvelles dispositions, d’organiser les procédures internes et d’assurer la communication externe vis-à-vis des futurs étudiants et de leurs familles :
Les nouvelles modalités de d’admission en IFSI ont dû être finalisées au cours de l’hiver 2019, soit près de neuf mois avant le début de l’année universitaire, pour permettre aux équipes pédagogiques d’y être formées et de les mettre en œuvre au printemps, dans le cadre de la procédure Parcoursup.
Les textes réglementaires de la réforme des conditions d’accès aux études médicales, devaient impérativement être publiés à l’automne 2019, soit près d’un an avant la rentrée de l’année universitaire 2020-2021, afin de permettre aux universités d’élaborer leurs nouveaux parcours de formation et de les inscrire dans Parcoursup à l’ouverture de la plate-forme, courant janvier 2020.
30Vécue de l’intérieur, le pilotage des réformes des études en santé s’est apparenté à une course contre le temps permanente, en particulier au cours de l’année 2019 : une succession à flux tendus de réunions de groupes de travail, de présentation de projets de textes devant le CNESER, la CNEMMOP, le HCPP, de séances de travail au Conseil d’État ; une course de fond jalonnée de sprints où les choses se sont bien souvent jouées à quelques jours près, parfois même à quelques heures près, pour respecter les délais de convocation des instances et tenir les calendriers.
31Cela a nécessité une coordination étroite et continue entre les deux ministères, beaucoup de pédagogie vis-à-vis des acteurs, et de bienveillance de leur part. Ce fut une source de pression tout au long de la séquence, notamment quand les délais ne tenaient qu’à un fil.
Un puissant accélérateur de la collaboration interministérielle
32Co-porteuse des réformes, chacune des deux équipes ministérielles s’y est engagée avec sa propre identité, ses priorités, ses points de vigilance, sa lecture spécifique des problématiques, fruits de son histoire, de ses relations avec les acteurs de son secteur. C’était légitime. Il fallait toutefois veiller à ce que ces différences ne deviennent pas des facteurs de blocage qui auraient grippé la dynamique des réformes, et en faire, chaque fois que possible, un atout, un facteur d’enrichissement de la réflexion.
33J’ai personnellement été très marqué dans le cadre des premiers travaux interministériels auxquels j’ai participé4, par l’a priori renvoyé par de nombreux acteurs d’un antagonisme profond existant entre les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur. Avant même d’être intervenu, d’avoir pris une position, il était acquis qu’ils ne partageaient pas la même vision, qu’ils étaient en opposition, sous-entendu de principe. Sorte de postulat posé par construction, nourri très certainement de situations précédemment vécues et manifestement entretenu par certains acteurs. Il en résultait une situation très particulière de devoir continuellement se justifier vis-à-vis de ces a priori qui nous étaient renvoyés.
34L’un des principaux motifs de satisfaction au terme de cette séquence de travail en commun, c’est d’être parvenus à dissiper cette perception prégnante en 2015-2016, à établir des relations de travail matures et constructives, j’oserai dire « normales », avec nos homologues du ministère de l’Enseignement supérieur et d’avoir parfois même réussi à nouer une véritable complicité professionnelle.
35Cela ne signifie pas que nous avons toujours été d’accord sur l’ensemble des sujets et que chaque ministère ne défendait pas des préoccupations qui lui paraissaient essentielles. Cela signifie que nous avons su en parler.
36Pour la sous-direction, il était par exemple nécessaire que les modalités remplaçant le numerus clausus et les ECN comportent des mécanismes de régulation, plus souples et pilotés différemment, permettant de faire le lien avec les besoins futurs, quantitatifs et qualitatifs (par spécialités médicales) du système de santé ; il était également indispensable que les formations paramédicales demeurent professionnalisantes et qu’elles reposent sur un maillage territorial étroit dans le cadre de leur universitarisation ; une attention systématique devait par ailleurs être apportée à la capacité du système de santé (CHU, CH, établissements privés, praticiens libéraux) à accueillir les étudiants en stage dans de bonnes conditions. À l’aune de préoccupations financières, qu’il convenait d’évaluer pour chaque mesure ; mais à l’aune surtout de la qualité de la formation délivrée aux étudiants et de l’impact que l’augmentation du nombre d’étudiants et l’évolution des maquettes de formation étaient susceptibles d’avoir sur le fonctionnement de ces structures.
37Alors évidemment, les relations de travail ont parfois été un peu tendues, nous avons pu avoir (mutuellement très certainement) le sentiment de nous faire un peu tordre le bras sur un arbitrage ou la validation expresse d’un texte. Mais le plus important, c’est que les différends que nous avons pu avoir reposaient sur des éléments de fond que nous partagions ouvertement, non sur des postures. Et que nous sommes parvenus à établir des modalités de collaboration régulières (pour ainsi dire quotidiennes), confiantes, constructives et respectueuses. Ce qui nous permettait de comprendre ce qui était indispensable pour notre partenaire (et réciproquement), ce sur quoi des lignes pouvaient bouger et de faire un pas en direction de l’autre lorsque c’était nécessaire.
38Cet état d’esprit et cette qualité de collaboration ont sans nul doute été facilités, probablement même induits, par la volonté des deux ministres de travailler de concert et de défendre ensemble les réformes devant les parties prenantes.
39Sans cela, nous n’aurions pu mener à bien les différentes réformes dans les délais. La lourdeur des chantiers ouverts, l’intensité du travail à conduire et le nombre des arbitrages à rendre ne nous auraient pas permis de nous disperser en conflits internes stériles.
40La contribution des équipes des ministères à la conduite des réformes ne s’est pas limitée au rôle partagé de grands ordonnateurs des procédures.
41Au cœur de l’élaboration des projets, elles ont en permanence échangé avec les cabinets, les représentants des enseignants, des étudiants ou des établissements de santé sur les objectifs des réformes, les attendus pédagogiques, les différentes formules envisageables, les difficultés à éviter, sur autant de sujets de fond traités dans cet ouvrage.
42Cela aura constitué un exercice politique et administratif extrêmement stimulant, riche d’enseignements pour la gestion plus globale des activités de la sous-direction, réflexions qui ne peuvent toutes être développées dans le cadre de cet article parmi lesquelles on peut toutefois évoquer :
l’évolution de l’organisation et des besoins du système de santé, des compétences futures nécessaires et de la manière de faire évoluer les formations pour les satisfaire (renforcement de la pluridisciplinarité dans la formation et l’exercice, potentialités des nouvelles formes de simulation et de télé-expertise, etc.) ;
la nécessité de continuer à penser la conduite du changement et à créer les conditions de son accompagnement pour faire partager le sens et l’utilité des réformes proposées, pour susciter de l’adhésion surtout créer de la confiance entre les acteurs appelés à les mettre en œuvre ;
l’occasion de se réinterroger sur la sobriété réglementaire, sur le bon niveau de cadrage des réformes entre l’encadrement réglementaire indispensable et la souplesse qu’il est possible de laisser aux acteurs pour leur permettre de s’approprier et de bien mettre en œuvre les réformes (assurer la sécurité juridique et garantir la qualité et l’équité des dispositifs sur le territoire, risques de sur-administration du système et de déresponsabilisation des acteurs, etc.) ;
la nécessité de renforcer l’accompagnement des acteurs dans la mise en œuvre des réformes, leur suivi et leur évaluation trop souvent sacrifiés sur l’autel de l’engagement de la réforme suivante (circulaires d’application, supports d’aide à la prise en main et à la communication, FAQ, comité de suivi, réseaux de correspondants, etc.).
43Une bonne réforme est une réforme bien pensée, bien écrite, bien mise en œuvre et suivie dans la durée. La contribution des ministères à ce dernier volet est donc aussi importante que leur implication dans les différentes phases préparatoires, la rédaction des textes par exemple.
44Vécue de l’intérieur, la mise en œuvre des réformes des études en santé a constitué une mise à l’épreuve majeure des équipes des administrations centrales.
45Les efforts demandés aux équipes de la sous-direction des ressources humaines du système de santé de la direction générale de l’offre de soins, comme à celles de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, ont été nombreux, importants et répétés pendant près de trois ans pour tenir leur rôle dans la conduite des projets et respecter les objectifs et les échéances fixés par les deux ministres.
46S’il ne nous appartient pas de nous prononcer sur le fait de savoir si nos équipes ont répondu aux attentes, nous pouvons en revanche attester que leur mobilisation n’a jamais fait défaut tout au long de cette séquence. Au prix parfois d’un engagement au-delà duquel elles n’auraient probablement pu aller. Ce fut exigeant et dur donc.
47Mais ce fut surtout l’occasion d’être acteurs d’un processus de modernisation des formations en santé, de faire évoluer les modalités de sélection, d’ouvrir la possibilité de diversifier les profils des étudiants ou encore d’adapter les approches pédagogiques pour donner aux professionnels en formation des compétences en phase avec les besoins du système de santé et de leurs futures conditions d’exercice.
48Une démarche conduite en étroite collaboration avec nos collègues du ministère de l’Enseignement supérieur. La réforme des études en santé ne pouvait être portée par le seul ministère de l’Enseignement supérieur, parce que les professions de santé relèvent d’un exercice réglementé et que le contenu de leur formation participe au premier chef de la puissance des projets de transformation du système de santé. Ces réformes ne pouvaient non plus relever du seul ressort du ministère de la Santé, parce que ces formations doivent respecter le cadre de diplomation de l’Université et que celle-ci est le garant de la qualité des parcours de formation.
49C’est une opportunité assez rare dans une carrière professionnelle de pouvoir contribuer activement à une telle dynamique de changement, qui donne un sens profond à l’engagement dans des fonctions en administration centrale et qui a offert une image valorisante de l’implication des équipes dans des démarches de transformation.
50Ces réformes sont prometteuses, il reste à espérer qu’elles produiront des résultats au niveau des efforts qu’elles ont mobilisés et des espoirs qu’elles ont fait naître.
Notes de bas de page
1 La sous-direction en charge des ressources humaines du système de santé est une composante de la direction générale de l’offre de soins. Elle a notamment pour mission la formation, l’exercice et la reconnaissance des qualifications des professionnels de santé.
2 Le point de vue exprimé dans cet article traduit une analyse des situations vécues depuis la sous-direction en charge des ressources humaines du système de santé de la direction générale de l’offre de soins. Il est toutefois important de préciser que l’ensemble des travaux conduits a aussi nécessité du côté du ministère de l’Enseignement supérieur, et plus particulièrement des équipes de la direction générale de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’insertion professionnelle, un engagement très intense et continu. Les équipes de la sous-direction en ont été les témoins quotidiens. Cette précision est apportée afin que, sans engager les collègues du ministère de l’Enseignement supérieur par les propos tenus, il soit entendu que les efforts ont été largement partagés entre les deux administrations centrales.
3 Sans parler des centaines d’amendements traités dans le cadre de la discussion parlementaire du projet de loi portant organisation et transformation du système de santé
4 Réforme du troisième cycle des études de médecine, Grande conférence de la santé, mise en place des ECNi pour l’entrée en troisième cycle des études de médecine.
Auteur
Inspecteur des affaires sociales IGAS, ancien sous-directeur des ressources humaines du système de santé à la Direction générale de l’offre de soins (ministère des Solidarités et de la Santé).
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