Le livre de cuisine de la reine : un exemplaire de l’Opera de Scappi dans la collection de Catherine de Médicis1
p. 151-163
Texte intégral
1Un magnifique exemplaire du livre de cuisine de Bartolomeo Scappi intitulé Opera se trouve à la Bibliothèque nationale de France2 (fig. 1). Reliée en vélin blanc et frappée aux armes dorées à l’or fin de Catherine de Médicis (1519-1589), cette œuvre appartient aux collections nationales françaises depuis au moins la seconde moitié du xviiie siècle, à en juger par le timbre officiel de la page de titre qui figure un médaillon circulaire portant les mots « bibliotheque royale » entourant trois fleurs de lis3. D’abord publiée à Venise et à Rome en 1570, l’Opera de Scappi était l’une des plus importantes collections de recettes domestiques parues en Europe au xvie siècle4. Elle revendique être la somme des expériences de son auteur sur plus de trente années à travailler dans les maisons de plusieurs cardinaux et, éventuellement, le pape, à Rome entre 1536 et la fin des années 1560, à l’époque où le livre fut mis sous presse. Scappi lui-même vécut jusqu’en 1577 mais aucune révision ne fut faite au texte de son vivant, non plus qu’il ne publia aucune autre œuvre, pour autant que nous le sachions5. Il y eut au moins sept autres éditions ultérieures de l’Opera après 1570, mais elles contiennent peu de changements par rapport au texte initial en dehors des polices de caractère et des paginations, de quelques erreurs typographiques inévitables et de l’addition de travaux complémentaires avec lesquels plusieurs éditions du xviie siècle se trouvent reliées6. L’Opera est remarquable en tant que premier traité de cuisine illustré, comportant 27 gravures dépeignant des cuisines idéales, des ustensiles de cuisine, des machines variées et une représentation du service à table pour le conclave pontifical de 1549, un document unique sur ce qui serait resté autrement un rituel invisible7.
Fig. 1. Scappi Bartolomeo, Opera, Venezia, Michele Tramezzino, 1570 [BnF, RES-V 1664].

2Ses quelque 500 recettes sont catégorisées selon les ingrédients utilisés et structurées comme un livre d’histoire naturelle, reflétant la large variété des plats considérés comme appropriés à une table princière. Le livre inclut une série de menus pour des repas et certains spécifient même la date où ils ont été servis. Quelle peut avoir été la signification de la présence d’un tel livre dans la bibliothèque de Catherine de Médicis ? Afin de tenter de répondre à cette question, il est nécessaire de le replacer dans le contexte de la forte influence de la culture italienne dans la France du xvie siècle, depuis la littérature jusqu’aux beaux-arts et à la décoration d’intérieur en passant par l’architecture et la conception des jardins. La vogue des choses italiennes filtrait par le biais des réseaux de patronage de la cour de France8. La gastronomie, selon toute vraisemblance, n’était pas une exception.
3Lorsque l’on observe spécifiquement les arts visuels, l’emploi de graphistes et d’artisans par le beau-père de Catherine, François Ier, lors de la décoration complexe et multimédia du château royal de Fontainebleau, a été exploré par de nombreux spécialistes9. Des monuments comme la galerie de Fontainebleau de François Ier, commencée par Rosso Fiorentino dans les années 1520 puis poursuivie par le Bolonais Francesco Primaticcio, après le suicide du premier en 1540, ont survécu à travers les âges et sont toujours disponibles aujourd’hui pour l’étude et la contemplation. Cependant, l’histoire culinaire manque de ces images et de ces objets raisonnablement stables qui rendent possible le travail des historiens d’art. Les repas ne survivent pas et les récits narratifs de soupers, même à la cour de France, sont maigres en comparaison avec les monuments de l’art et de l’architecture qui ont survécu. Des tentatives antérieures de pointer exactement ce que furent des coutumes italiennes à la cour de François Ier ou Henri II se sont centrées sur la question de la fourchette ou de produits comme les artichauts, le persil et les plats de céramiques qui, selon la légende, arrivèrent en France avec Catherine de Médicis10. Peut-être la discussion la plus marquante sur l’influence potentielle de Catherine sur les repas et sur la nourriture peut-elle être trouvée dans l’étude de Barbara Ketcham Wheaton, Savoring the Past, publiée en 1983, où l’auteur fait l’inventaire de ces mythologies de table et y apporte des corrections raisonnables11.
4Nous pouvons nous accorder là-dessus, ce type d’histoire est simpliste et tente de tirer une théorie d’une série de pièces fragmentaires ayant uniquement survécu par le biais du hasard. À partir de la seconde moitié du xvie siècle, l’usage de la fourchette était bien établi en Italie à la fois dans la cuisine et à table. L’inclusion par Scappi de la fourchette dans son catalogue visuel d’ustensiles variés utilisés pour la préparation et le service de la nourriture indique que les fourchettes faisaient déjà partie de l’arsenal culinaire standard, tout au moins dans le contexte des classes supérieures12. Comment serait-il possible d’identifier son arrivée en France, étant données la fluidité et la mobilité des dîners eux-mêmes et de ceux qui étaient responsables de préparer et de servir la nourriture, entre France et Italie ? L’existence d’un exemplaire du livre de cuisine de Scappi portant les armes de Catherine sur sa couverture nous offre une preuve extrêmement suggestive pour affirmer que l’étiquette de cour s’était diffusée dans le Nord, ce qui n’est ni surprenant, ni vraiment disputé. Le Scappi de Catherine constitue la preuve de la pénétration de la littérature gastronomique italienne en France.
5Retournons à présent à une discussion du livre lui-même et de ses contenus. Parmi ses divers accomplissements, Catherine de Médicis fut une collectionneuse avertie de manuscrits et de livres imprimés13. À sa mort, elle possédait une collection inégalée de 4 500 volumes, dont 800 manuscrits en grec, latin et hébreu obtenus par l’entremise de Piero Strozzi, maréchal de France, qui mourut en 1558 lors du siège de Trionville. Comme le raconte Pierre de Bourdeille dit Brantôme (1540-1614) dans son court texte biographique sur Strozzi, Catherine obtint sa bibliothèque sans vraiment la payer. « Après la mort dudit Mareschal, la Reyne Mère la retira, avec promesse de récompenser son fils, & de la luy payer un jour : mais jamais il n’en a eu un sol14. » Strozzi lui-même avait obtenu les livres et les manuscrits du cardinal Niccolo Ridolfi, qui avait du sang Médicis et était considéré par conséquent par Catherine comme étant de sa famille15. À l’époque de l’écriture de son ouvrage, Brantôme affirmait que les livres étaient présents au château royal de Chenonceau. En 1599, la plupart de ces volumes étaient réunis dans la bibliothèque d’Henri IV et se trouvent actuellement à la Bibliothèque nationale de France16. Reliés en marocain de cuir rouge aux armes d’Henri IV au xviie siècle, leur appartenance à la bibliothèque de Catherine a été largement gommée17.
6Un groupe d’ouvrages bien moins important mais plus étroitement liés à Catherine a récemment été mis en lumière, comprenant plusieurs textes qui lui sont dédiés et portant diverses fois ses armes sur leur couverture en cuir. Il y a là plusieurs textes en italien, dont les œuvres de Dante, Ficin et Castiglione, mais aussi divers titres français dont plusieurs sont dédiés à la reine ou à sa famille. C’est parmi ces livres italiens qu’a été identifié l’exemplaire du Scappi18. Sa reliure a été attribuée à l’atelier de Fontainebleau du célèbre relieur et libraire Claude de Picques et peut être comparée avec celle d’un autre livre privé de Catherine se trouvant à présent à la British Library19. En nous fondant sur l’état de la recherche sur les livres de Catherine, il semble possible d’affirmer qu’il s’agit là du seul livre de cuisine que possédait la reine, si toutefois l’on en croit les inventaires. Il est donc tentant de dire que si vous deviez posséder un livre de cuisine italien dans la seconde moitié du xvie siècle, ce devait être celui-là. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une production de luxe en termes de taille ou de qualité de papier, il s’agissait bien du seul livre gastronomique qui comprenait des illustrations et qui était donc unique parmi les autres ouvrages de ce genre à l’époque, qu’ils soient français ou italiens.
7Bien que Catherine ait conservé des liens étroits avec ses parents italiens tout au long de sa vie, il n’y a pas de preuve qu’elle soit retournée en Italie après son mariage, par conséquent, son exemplaire de l’œuvre de Scappi doit être arrivé soit sous forme de don soit sous forme d’un achat en France à un libraire international. À la différence d’un autre livre de cuisine italien, le De honesta voluptate et valetudine, l’Opera de Scappi ne fut pas traduit dans d’autres langues européennes avant longtemps, au xviie siècle, et pas dans sa totalité20. Pourtant, son influence se diffusa sans accès large au texte d’origine dans la langue maternelle des lecteurs. Bien que n’ayant pas été traduit, il trouva son chemin dans la conscience des non-Italiens, comme nous nous en rendons compte grâce aux références à Scappi et même grâce à deux recettes présentes dans les livres de cuisine de Hugh Plat publiées à Londres vers 1600, ainsi que par d’autres exemples encore21.
8Plusieurs exemples démontrent que la réputation d’un livre peut voyager d’autres façons que par la circulation du livre même – des références et des citations imprimées portent le témoignage d’une culture orale de la connaissance culinaire qu’il nous est impossible de retrouver.
9En fait, la possession par Catherine d’un exemplaire de l’Opera de Scappi en dit certainement plus long sur la réputation internationale de Scappi – créée à la fois par le livre et par son association avec la Rome pontificale – que sur le goût de Catherine en matière de nourriture. Néanmoins, pour explorer comment cet ouvrage est parvenu entre les mains de Catherine, et quel sens il pouvait revêtir pour elle si toutefois elle l’avait bien sélectionné et commandé, ou lu, j’aimerais prendre l’exemple d’un repas particulier qui eut lieu quelque vingt années avant que ne fut publié l’Opera de Scappi.
10Il s’agissait de l’année 1549. Le lieu était Rome. Jean Du Bellay (1492- 1560), diplomate, évêque de Paris puis cardinal, conseiller privé de François Ier, impliqué dans les négociations avec Henri VIII et le pape à propos des mariages du premier, organisa une série d’événements incroyablement élaborés afin de célébrer la naissance de Louis d’Orléans, quatrième enfant et second fils de Catherine de Médicis et Henri II.
11Plusieurs récits sur ces événements existent, dont une version par François Rabelais, médecin et secrétaire de Du Bellay22. Il s’agit d’une courte pièce en prose intitulée Sciomachie, publiée à Lyon en 1549. Selon Richard Cooper, un grand spécialiste de Rabelais, elle reposait beaucoup sur la description des événements faite par Antonio Buonacorsi dans une lettre adressée au cardinal Ippolite d’Este dont Buonacorsi fut le secrétaire. Le récit de Rabelais démontre plusieurs similarités avec celui de Buonacorsi qui fut publié quelques mois plus tard dans une traduction française. Il y a aussi plusieurs autres récits des faits rédigés sous la forme de rapports diplomatiques ou avvisi qui ont survécu jusqu’à nous, soulignant l’importance en termes de propagande et de diplomatie d’un tel spectacle23.
12Au cœur de cette extravagance de plusieurs jours, qui inclut une bataille nautique et une bataille terrestre avec des décors, des costumes, beaucoup d’armes à feu et de tirs d’artillerie, de la musique et de la danse, il y eut un repas festif à la résidence de Du Bellay, le Palazzo Colonna, sur la place des Santissimi Apostoli, qu’il louait d’Ascanio Colonna24. Ce repas fut servi à la conclusion de la bataille terrestre. Rabelais, qui apparemment assista à plusieurs des événements, bien qu’il ait choisi de reprendre la description de Buonaccorsi pour les reconstitutions militaires, en les embellissant de détails, décrit le banquet en des termes hyperboliques. Cependant, les descriptions très détaillées pour les joutes et les combats sont absentes pour les festins. Les comparant aux banquets des anciens, il écrit :
[…] fut dressé en sumptuosité et magnificence si grand qu’elle pouvoit effacer les banquetz de plusieurs anciens empereurs romains et barbares, voire certes la patine et cusinierie de Vitellius tant célébrée qu’elle vint en proverbe, au banquet duquel fut servies mille pieces de poisson.
13La description continue, notant qu’en plus du poisson furent servies « plus de mille cinq cens pièces de four, j’entenz patez, tartes et dariolles. Si les viandes furent copieuses, aussi furent les beuvettes numereuses25. »
14Rabelais est le seul auteur qui rapporte ce banquet. Benetto Buonanni, se précipitant pour envoyer un rapport au duc de Florence à la conclusion de l’événement final, écrit pour terminer sa lettre : « Del Banquetto del Rmo, di Parigi et di quel più chef fù fatto in casa non so dir’cosa alcuna », et, avant de signer, « Di Roma li xiiii di marzo a hore nove et con gra’voglia de dormire26 ». Sa fatigue se comprend, car il était l’équivalent pour nous de trois heures du matin.
15En fait, il se peut qu’il y ait eu une autre source pour le banquet dans l’Opera de Scappi. Une large section du livre traite en effet de 112 menus, une poignée d’entre eux sont décrits comme ayant eu lieu à des dates spécifiques. L’un de ces menus est présenté sous ces termes : « Collatione fatta all’ultimo di Febbraio a montecavallo, nella sala dell’illustrissimo e Reverendissimo Card. Bellaia […]. » Il s’agit d’une collation, ou d’un souper, ayant eu lieu le dernier jour de février, à Montecavallo, dans la grande salle du cardinal Du Bellay. La description donne également les horaires : le repas eut lieu à une heure du soir, ce qui signifie probablement pour nous une heure après le coucher du soleil. Ensuite une comédie fut jouée en français, en bergamasque, en vénitien et en espagnol. Scappi nous dit, comme il le fait de coutume pour chaque repas contenu dans le livre, qu’il y eut quatre services, chacun avec huit plats, huit échansons et huit écuyers tranchants.
16La suggestion selon laquelle il s’agirait en fait du banquet auquel font référence les rapports et que mentionne en détail Rabelais est intrigante mais elle gagne en crédibilité à la lumière de la présence du livre de Scappi dans la collection de Catherine. Bien que le texte de Scappi ne mentionne pas le duc d’Orléans et que les dates données pour le souper précèdent de deux semaines ce que nous disent les sources diplomatiques et littéraires, il dit bien que le souper fut suivi d’une comédie en quatre langues peu usitées. En fait, aucun des rapports ne mentionne cette performance théâtrale. Rabelais nous dit qu’il devait y avoir une comédie après le repas mais qu’ils décidèrent de l’annuler en raison de l’heure (et peut-être parce qu’elle menaçait de ressembler à une comédie précédente avec des plaisanteries bergamasques – « des mines bergamasques assez fades ») pour passer directement aux acrobates et aux musiciens puis à un masque qui dura jusqu’à l’aube.
17Que Scappi ait ou non été directement responsable de la nourriture du banquet, il est probable qu’il fut d’une manière ou une autre impliqué dans la planification de ces festivités. En tant que chef de cardinaux romains, dont nombre étaient étrangers, il fut vraisemblablement un choix plausible pour un tel événement. Le fait qu’il s’agisse là d’un menu parmi une poignées d’autres documentés comme repas historiques au milieu de nombreux autres dans le livre (bien que l’année ne soit pas donnée) renforce l’idée que s’offrait là une occasion suffisamment importante pour garantir l’inclusion d’un texte prévu pour publication bien des années après l’événement. L’espace de temps entre celui-ci – 1549 – et la date de publication – 1570 – peut également être une raison du décalage de la datation. Il est bien sûr possible que Scappi ait cuisiné un autre repas pour Du Bellay le dernier jour de février 1549 mais la coïncidence semble improbable.
18En fait, il se peut que Scappi ait rencontré Du Bellay et Rabelais lors de leur premier voyage à Rome en 1534 alors qu’ils demeuraient dans le palais romain de Rodolfo Pio, pour lequel Scappi travailla plus tard de nombreuses années, bien que l’on ne sache pas exactement quand Scappi arriva à Rome27. Dans les années 1540, Scappi était devenu un homme très demandé dans la foule des princes romains, il fut aussi l’un des organisateurs du service des repas pour le conclave pontifical convoqué en novembre 1549, quelques mois après l’extravagance de Du Bellay, afin d’élire un nouveau pape à la mort de Paul IIIFarnèse. Il travaillait probablement alors pour un cardinal mais nous ignorons lequel.
19La gravure en double page représentant dans l’Opera un service de repas pour le conclave demeure une source importante et unique sur ce genre d’activité à la cour du pape. Elle décrit diverses sortes de paniers et de récipients utilisés pour transporter la nourriture des cuisines jusqu’aux cardinaux reclus28. Dans la description d’accompagnement, Scappi détaille les mesures adoptées afin d’assurer que rien ne soit caché dans les plats. Les poulets entiers et les pâtés en croûte devaient être découpés avant d’être passés par la grille du conclave. En fait, il décrit le fait que les prélats assignés à tester la nourriture le faisaient à l’aide d’une fourchette :
Venaient ensuite deux palefreniers avec la cornuta, qui contenait différents mets cuisinés, que le dit maître d’hôtel extrait et présentait aux dits prélats ; une fois vus, ces derniers les tâtaient avec la fourchette, afin de les respecter dignement.29
20Il s’agissait clairement de l’un des cardinaux participant au conclave qui incluait Du Bellay ainsi que Rodolfo Pio, son premier employeur, qui obtint pour lui l’emploi auprès du conclave. Pourtant, il est étonnant que Scappi ne mentionne pas l’occasion du repas pour Du Bellay, bien qu’il ait pu oublier les détails, ne les ayant pas notés à l’époque.
21L’examen du menu du repas organisé par Du Bellay peut fournir d’autres preuves. Dans la Schiomachie, Rabelais, un observateur attentif de la nourriture, comme Tomasik l’a discuté en détail, mentionne du poisson et des pâtés ainsi que d’autres plats sucrés30. La liste des mets individualisés par Scappi figure un tableau étonnant des plats de fête, dont beaucoup incluent du sucre et des touches spectaculaires. Le premier service proposait divers types de fruits confits : citron, fleurs, écorce de citron, diverses variétés de poires, noix de muscade, pêches, melons, etc. Il y avait aussi des biscuits, des beignets, de la pâte d’amande, des pâtisseries remplies de crème et de la crème fouettée. Le second service incluait des plats de viande froide mais la plupart d’entre eux étaient accommodés au sucre aussi : paons rafraîchis aux blancs farcis de clous de girofle, faisans rôtis à la broche servis froids avec du sucre et des câpres, et même la tête d’un jeune sanglier cuisinée au vin, décorée de guirlandes et de fleurs avec des feux d’artifice odoriférant dans la gueule31 ! Le troisième service incluait également de nombreuses pasticci et torte avec des fruits, de la cannelle et des fromages. Après le retrait des nappes, s’être lavé les mains et se voir offrir des serviettes propres, on se voyait proposer d’autres douceurs : neve di latte, cialdoni et ciambellette et toute une présentation de légumes et de fruits confits. Bien que le poisson mentionné par Rabelais manque ici, le volume de plats sucrés et de viandes froides est bien en relation avec la description du repas comme colatione par Scappi, plutôt que comme banquet traditionnel plus substantiel32.
22Les connections entre Scappi et la France sont ce qui m’a inspiré d’enquêter plus avant sur cet événement. Essayons d’aller plus loin dans cette direction. Comme je le mentionnais plus tôt, Scappi était probablement employé par le cardinal Rodolfo Pio da Carpi bien que dans les années 1540 il ait été plutôt prêté afin de superviser les repas d’autres patrons, comme le décrit le texte. Toutefois, en 1549, quand la célébration de Du Bellay eut lieu, Scappi n’avait pas encore compilé ses recettes ou menus pour publication – le livre n’apparut pas avant encore vingt ans, en 1570. Bien que la collation de célébration ait été directement fondée sur l’arrivée d’un héritier mâle susceptible d’occuper le trône de France, ni le roi ni Catherine n’étaient présents et il s’agissait clairement d’un acte de propagande mis au point par Du Bellay dans une visée spécifiquement politique – probablement pour gagner les faveurs du roi de France. Pour autant que l’on sache, ce but fut atteint. Une lettre du cardinal de Guise (Louis de Lorraine) au cardinal Du Bellay deux mois après l’événement rapportait que le roi (Henri II) fut très content d’entendre parler des célébrations de Rome et qu’il commanda que Du Bellay fut adéquatement récompensé33.
23Le texte de Rabelais, publié plus tard en 1549 ou 1550, put très bien atteindre Catherine de même que d’autres avvisi. Et bien que le nom de Scappi n’apparaisse dans aucun des récits qui ont survécu, sa réputation peut avoir précédé la publication de son livre de cuisine de plusieurs années, rendant son intégration dans la bibliothèque de la reine parfaitement logique.
24Derrière ce qui peut apparaître comme de la spéculation folâtre sur la véracité historique de l’un des menus de Scappi, que peuvent nous apprendre plus généralement nos hypothèses sur les menus ? Ceux-ci, qu’ils documentent de vrais repas (ou se proclament comme le faisant) ou suggèrent seulement des combinaisons possibles de plats, sont une composante importante des collections de recettes et des livres domestiques depuis au moins le xve siècle et restent à ce jour sous-étudiés, tout au moins en ce qui concerne les sources italiennes34. Les recettes ont été plus spécifiquement étudiées parce qu’elles remplissent notre aspiration à voir dans les livres de cuisines des ouvrages de la pratique. La question de comprendre comment des menus de cuisiniers de l’époque moderne ont pu être engendrés n’est pas discutée par les auteurs cités plus haut.
25Afin d’explorer ce champ d’enquête, j’aimerais brièvement examiner un autre exemplaire de l’Opera de Scappi qui porte des traces d’usage d’un de ses lecteurs sous forme d’indications dans les marges éparpillées tout au long du texte35. Il se trouve que plusieurs de ces annotations se trouvent là où le livre parle des menus, précisément là où nous trouvons la description de la colatione de Du Bellay. J’ai argumenté ailleurs que ces notations marginales, une des rares survivances présentes dans un exemplaire d’un livre pratique datant de l’époque moderne, suggèrent non seulement l’usage de l’utilisateur mais aussi une interprétation de la façon dont les listes ont été compilées au fil du temps : peut-être une copie très claire de notes écrites de Scappi gardées par lui sur des repas importants qu’il a préparés ou bien encore une version idéale de mets véritablement préparés. Dans un cas comme dans l’autre, il y a bien dû y avoir un brouillon de ces menus.
26Bien que la page de titre manque, plusieurs caractéristiques nous permettent d’identifier cet exemplaire comme une édition tardive publiée par Alessandro Vecchi à Venise en 1610. À la différence de la couverture de luxe de l’exemplaire de Catherine de Médicis de l’Opera, qui établit avec certitude le propriétaire du livre, il n’y a aucune indication physique de la propriété de ce volume. Pourtant, la dernière page contient ce qui est selon toute probabilité la signature du lecteur : Marcantonio. En nous fondant sur l’écriture et sur l’encre, il n’y a aucune raison de douter que cette signature soit de la même main que celle qui a couché sur le papier les notes marginales. Bien que l’inscription ne contienne pas assez d’informations pour identifier avec certitude le signataire, la nature des annotations nous permet de reconstruire ses fonctions, si ce n’est son nom. Les notes marginales sont en italien bien que la signature latine, à la fin du livre, suggère que le lecteur était familier des coutumes savantes et qu’il était éduqué.
27Sa signature finale prend pratiquement la place d’un colophon nous rappelant par là même la porosité réciproque de l’écrit et de l’imprimé même au cours du xviie siècle. En assumant la responsabilité de l’acte de lire et en commentant en conclusion, le livre est précipité sur ce seuil où les livres imprimés partagent des caractéristiques avec les manuscrits.
28Les listes de menus étaient un des traits classiques des textes culinaires du xvie siècle, c’est pourquoi la réponse de Marcantonio est parfaitement en accord avec ce que nous pouvons espérer d’un tel livre. À partir de la nature des notes marginales, nous pouvons juger qu’il cherchait dans les menus suggérés des idées pour lui-même et qu’il inscrivait les changements qu’il imaginait pratiquer ou les corrections à faire selon son expérience. La question de savoir si les menus de Scappi enregistrent ou non des repas ayant réellement été servis ou bien plutôt des séries de menus idéaux est difficile à trancher. Dans un exemple, une note d’introduction met en évidence un repas de midi pour le couronnement de Pie V le 17 janvier 1566, comprenant quatre services depuis la credenza et un autre depuis la cuisine, « qui alors n’eut pas lieu », ce qui signifie que pour une raison ou une autre, ce repas fut annulé, « et il y aurait dû avoir onze plats avec onze serviteurs et onze écuyers tranchants, à l’exception du plat de Sa Sainteté36 ». Ceci suggère que l’auteur suivait, en composant son texte, un genre de rapport écrit sous forme de notes ou d’un registre des plats prévus, et choisissait d’inclure ces plats en dépit de leur inexistence. Il existe plusieurs autres menus de repas pour lesquels les invités d’honneur sont nommés.
29Dans le cas de l’événement de Du Bellay, si nous acceptons que c’est bien ce que Scappi cherche à décrire, la date donnée est en décalage de deux semaines, ce qui suggère que les notes suivies par l’auteur n’étaient pas complètement fiables. Que l’auteur ait conservé des notes pour planifier ses repas et que ce matériel ait constitué la base du livre ne devrait pas être une surprise. La compilation de menus peut par conséquent être lue comme l’indication de repas réels servis ou au moins planifiés, même ceux pour lesquels aucune date ou occasion n’est notée ou pour lesquels les dates ne correspondent pas à des sources connexes.
30Après tout, bien que le récit par Rabelais de l’extravaganza de Du Bellay ait été publiée immédiatement, et ce n’est pas le seul dans ce cas, l’auteur du livre de Scappi, qu’il s’agisse de Scappi lui-même ou de Scappi en collaboration avec son éditeur (il est de coutume aujourd’hui qu’un chef cosigne ses livres), n’écrivait pas une histoire, et il est improbable qu’ils aient vu un récit écrit du dîner et qu’ils l’aient consulté avant que le livre ne soit compilé. Il est bien plus probable que le texte fondé sur les notes de travail de Scappi ait ressemblé aux marginalia de Marcantonio dans le livre édité.
31Que pouvons-nous faire, dans ce cas, de la possession par Catherine de ce livre qui contient le menu de la célébration de la naissance d’un fils qui finit par mourir dans l’enfance ? Était-elle avertie de ce détail ? N’est-ce finalement que l’obsession de l’historien qui, 500 ans plus tard, taquine ce fait subtil et n’a aucune idée de ce qu’il peut faire de son matériau ? À la différence de l’autre exemplaire de l’Opera de Scappi dont j’ai discuté, celui de Catherine reste parfait, magnifiquement relié, préservé avec soin dans sa couverture comme un objet de collection plutôt que comme un outil ou une œuvre de référence. Pouvons-nous dire, de façon plus générique, que le livre était une pièce de culture italienne qu’elle possédait parce qu’elle demeurait, de cœur, une Italienne, connectée par ses souvenirs, dont beaucoup devaient être pénibles, aux fêtes et aux célébrations de son enfance à Florence et à Rome ? À ce moment précis, je ne peux que poser ces questions et ne peux y répondre. Tout au plus un regard plus profond porté sur cet épisode suggère les richesses que l’on peut débloquer en examinant les livres comme des objets. Bien que la réponse la plus simple soit que le livre de Scappi ait représenté pour Catherine son héritage italien et des affinités culturelles durables, il y a d’autres connections plus subtiles que je désirais pointer ici.
Notes de bas de page
1 Texte traduit de l’anglais par Pascal Brioist.
2 BnF, RES-V 1664.
3 Ce timbre, en français plutôt qu’en latin, était en usage au début des années 1730. Voir le tableau chronologique des estampilles du département des imprimés de la BnF consultable à la réserve des livres rares. Le timbre royal ne signifie pas, cependant, que le livre ait appartenu à la collection personnelle du monarque en titre.
4 Scappi Bartolomeo, Opera, Venezia, Michele Tramezzino, 1570.
5 Les informations biographiques sur ce personnage sont résumées dans Luccichenti Furio et Schino June, Bartolomeo Scappi Cuoco nella Roma del Cinquecento, Roma, Grafica Cristal, 2004, qui éditent également le texte de son testament. Voir aussi Frigerio Pierangelo dans Atti del Convegno Internazionale Bartolomeo Scappi, Luino, 22-23 mai 1998, Milano, Accademia Italiana della Cucina, 1999, p. 79-93, où l’on trouvera une épitaphe enregistrant son lieu de naissance.
6 À partir de 1605, plusieurs éditions furent imprimées avec le traité sur l’art de trancher de Vincenzo Cervio de 1581 et celui d’un certain Cesare Pandini qui revendique avoir été le maestro di casa du cardinal Farnèse.
7 Voir Krohn Deborah L., Food and Knowledge in Renaissance Italy : Bartolomeo Scappi’s Paper Kitchens, Aldershot/Burlington, Ashgate Publishing Company, 2015.
8 Pour une discussion mesurée des relations complexes entre l’Italie et la France au xvie siècle, relativement aux arts, voir l’étude désormais classique d’Henri Zerner : Renaissance Art in France. The Invention of Classicism, Paris, L’Harmattan, 2003, publiée tout d’abord en 1996 sous le titre L’art de la Renaissance en France.
9 Ibid., p. 61-99 ; Zorach Rebecca, Blood, Milk, Ink, Gold. Abundance and Excess in the French Renaissance, Chicago, Tre University of Chicago Press, 2005.
10 Sur cette question, voir Young Carolin C., « Catherine de’ Medici’s fork », dans Hosking Richard (dir.), Authenticity in the Kitchen. Proceedings of the Oxford Symposium on Food and Cookery 2005, Blackawton/Totnes, Prospect Books, 2006, p. 441-453.
11 Ketcham Wheaton Barbara, Savoring the Past : The French Kitchen and Table from 1300 to 1789, New York, Scribner, 1996 [1re éd. 1983], p. 42-51 ; trad. fr. : L’office et la bouche. Histoire des mœurs de la table en France (1300-1789), Paris, Calmann-Lévy, 1984. Voir dans le présent volume la contribution de Loïc Bienassis et d’Antonella Campanini, « La reine à la fourchette et autres histoires. Ce que la table française emprunta à l’Italie : analyse critique d’un mythe », p. 29-88.
12 Voir Scappi B., Opera, op. cit., fig. 13, où l’on voit un ustensile à deux dents appelé « forcina ».
13 Un inventaire de ses livres, longtemps considéré comme définitif, incluant une histoire de la collection après le décès de Catherine en 1589 peut être consulté dans Le Roux de Lincy Antoine, Notice sur la bibliothèque de Catherine de Médicis, Paris, J. Techener, 1859, mais même là, les extraits de l’inventaire se focalisent sur d’autres types de livres et n’en mentionnent que quelques-uns.
14 Brantôme Pierre de Bourdeille, seigneur de, Mémoires contenants les vies des hommes illustres et grands capitaines étrangers de son temps, Leyde, Jean Sambix le Jeu, 1665.
15 Le Roux de Lincy A., Notices…, op. cit., p. 915-916.
16 Ibid., p. 916.
17 Conihout Isabelle et Ract-Madoux Pascal, « À la recherche de la bibliothèque perdue de Catherine de Médicis », dans Frommel Sabine, Wolf Gerhard et Bardati Flaminia (dir.), Il mecenatismo di Caterina de’Medici : poesia, feste, musica, pittura, scultura, architettura, Padova, Marsilio Editori, 2008, p. 48.
18 Ibid., p. 42.
19 L’attribution de la couverture du BL33cm1, Simon Bouquet, Bref et sommaire recueil de ce qui a été faict, & de l’ordre tenüe à la ioyeuse & triumphante Entrée de très-puissant, très-magnanime & très chrestien Prince Charles IX de ce nom Roy de France, en sa bonne ville & cité de Paris, capitale de son Royaume, le Mardy sixiesme iour de Mars, Paris, D. du Pré pour O. Codoré, fut faite par Foot Mirjam M., Studies in the History of Bookbinding, Aldershot/Brookfield, Scolars’Press/Ashgate Publishing Company, 1993, p. 326-327, qui indique que Claude de Picques fut rétribué pour sa reliure en 1572.
20 Sur la traduction hollandaise, voir Schildermans Jozeph et Hilde Sels, « ADutch translation of Bartolomeo Scappi’s Opera », Petits propos culinaires, 74, 2003, p. 59-70. Au moins deux autres livres de cuisine italiens furent traduits en anglais au xvie siècle dont celui de Giovanne de Rosselli, Epulario, or the Italian Banquet…, London, A[dam] I[slip], 1598.
21 The Jewel House of Art and Nature (1598) et Delightes for Ladies (1600), tous deux publiés à Londres.
22 Terence Scully attire notre attention sur ce repas et sur la connection avec Rabelais dans sa traduction du livre : The Opera of Bartolomeo Scappi, Toronto, University of Toronto Press, 2008 [1re éd. 1570], p. 408 sqq. Il ne discute cependant pas de façon particulière l’exemplaire de Catherine de Médicis.
23 Cooper Richard, Rabelais et l’Italie, Genève, Droz, coll. « Travaux d’Humanisme et Renaissance », no 245, 1991, p. 61-62. Le bulletin fut publié sans lieu ni date et se trouve à présent à la British Library : Copia d’una lettera, scritta all’illustrissi. et reverendiss. Cardinal di Ferrara. Sopra la Festa fatta in Roma, nella piazza santo Apostolo, per il Nascimento del Duca d’Orléans, alli xiiii di marzo MDXLIX. Selon Cooper, l’éditeur serait Blado.
24 Ibid., p. 58.
25 Ibid., p. 202.
26 « Du banquet de Rmo, de Paris et de celui qui fut fait au palais, je ne puis rien dire… » et « De Rome le 14 mars à 9 heures et avec grande volonté de dormir » (Cooper R., Rabelais et l’Italie, op. cit., p. 223).
27 Des preuves internes, dans le livre, localisent Scappi à Rome en 1536 mais il se peut qu’il soit arrivé plus tôt.
28 Scappi B., Opera, op. cit., fig. 20-21 (double page).
29 « Dopo comparivano li duo altri Palafrenieri, con la Cornuta, dove stavano varie, et diverse vivande da cucina, le quali tutte erano cavate fuori del sudetto scalco, et presentate alli detti Prelati, le quali vedute che l’havevano, con la forcina ne facevano il saggio per degni rispetti. » (Ibid., section non paginée.)
30 Tomasik Timothy J., Textual Tastes : The Invention of Culinary Literature in Early Modern France, PhD thesis, Harvard University, 2003, en particulier le chapitre IV.
31 Scappi B., Opera, op. cit., fo 104ro-vo: « Pavoni nostrali con chiodi di garofano in petto, serviti freddi, fagiani arrostiti allo spiedo, serviti freddi con zuccaro e capparetti sopra » ; « Teste di rufalotto cotte in vino servite fredde con orpelle adornate e fiori sopra, e fuoco profumato artificioso in bocca ».
32 Voir la description par B. Ketcham Wheaton de la collation dans Savoring the Past…, op. cit., p. 51 sqq. où elle explique que « le repas caractéristique d’une cour du xvie siècle était la collation, pour laquelle l’essentiel de la nourriture était servi froid avec une insistance sur les plats sucrés ».
33 Cooper R., Rabelais et l’Italie, op. cit., p. 75. La lettre est datée du 12 mai 1549, BnF, ms. fr. 10485, fos 57-58vo.
34 Les études qui s’occupent des menus et de l’ordre des mets incluent celles de Flandrin Jean-Louis, « Structure des menus français et anglais aux xive et xve siècles », dans Lambert Carole (dir.), Du manuscrit à la table. Essais sur la cuisine au Moyen Âge et répertoire des manuscrits médiévaux contenant des recettes culinaires, Paris/Montréal, Champion/ Presses de l’université de Montréal, 1992, p. 173-192, de Laurioux Bruno, « Les menus des banquets dans les livres de cuisine de la fin du Moyen Âge », dans Aurell Martin, Dumoulin Olivier et Trelamon Françoise (dir.), La sociabilité à table. Commensalité et convivialité à travers les âges, actes du colloque de Rouen, 14-17 novembre 1990, Rouen, Université de Rouen, 1992, p. 273-280, de Flandrin Jean-Louis, L’ordre des mets, Paris, Odile Jacob, 2002, et, enfin, de Lehmann Gilly, « Tre late-medieval menu in England – a reappraisal », Food & History, vol. 1, no 1, 2003, p. 49-84.
35 BnF, RES-V 1665.
36 Scappi B., Opera, op. cit., fo 286ro.
Auteur
Bard Graduate Center, New York
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