La reine à la fourchette et autres histoires. Ce que la table française emprunta à l’Italie : analyse critique d’un mythe
p. 29-88
Texte intégral
1Ce n’est certainement pas un hasard si la première légende qu’Alan Davidson recense dans l’article « Culinary mythology » de l’Oxford Companion to Food est celle attribuant à Catherine de Médicis l’honneur d’avoir posé les bases de la grande cuisine française. Cette histoire a été mille fois répétée depuis le xviiie siècle et s’est imposée comme une vérité aux yeux de beaucoup : en arrivant en France en 1533, la jeune épouse du futur Henri II et les cuisiniers de sa suite auraient transformé la frustre cuisine de la cour de François Ier en une cuisine élégante et sophistiquée telle qu’elle se pratiquait outre-monts. Alors pouvait débuter la domination des maîtres queux français sur l’Europe.
2Alan Davidson ironise sur la façon dont la démolition de ce récit est progressivement devenue une routine chez les historiens de l’alimentation1. Et en effet, ce scénario, dans sa version la moins nuancée, a été abondamment réfuté depuis plusieurs décennies. Les chercheurs s’accordent de nos jours à estimer que la cuisine française du xvie siècle n’opère aucune rupture avec le Moyen Âge2. Elle s’en démarque en quelques points – davantage de beurre et un très large recours au sucre – mais elle continue à priser les épices, les saveurs aigres-douces et acides, les sauces liées au pain ou au jaune d’œuf… On ne peut considérer qu’elle annonce la cuisine française qui s’épanouira à partir du règne de Louis XIV où les épices s’effacent devant les aromates indigènes, où les légumes conquièrent une place inédite et sont dégustés frais, où le beurre et la crème sont largement employés, où les fonds de sauce occupent une place essentielle… Quant à la cuisine italienne de la Renaissance, elle ne se distingue pas davantage de celle des siècles précédents – et le grand Bartolomeo Scappi, avec son Opera dell’arte del cucinare (1570), ne fait pas exception à la règle3.
3On admet désormais simplement qu’une influence italienne, fort difficile à mesurer, a pu se faire sentir dans les manières de table ou dans le goût pour certains produits4. Plus encore, comme l’écrivaient Françoise Sabban et Silvano Serventi il y a près de vingt ans, il est plus pertinent de penser les rapports entre les diverses cuisines d’Occident en termes de circulation des idées et des savoirs plutôt qu’en termes d’influences. Au Moyen Âge et à la Renaissance existe une cuisine aristocratique européenne, matinée de particularismes régionaux. Allemands, Français, Italiens, Espagnols, Anglais… tous contribuent à forger cette cuisine sans que nul ne s’impose en modèle à imiter5.
4Pourtant, n’en déplaise aux spécialistes, le « mythe italien », véhiculé par une multitude de sites internet, d’œuvres de vulgarisation ou d’ouvrages savants, se révèle en réalité plus vivant que jamais. On retiendra d’ailleurs que l’une des notices de l’Oxford Companion to Food évoque les cuisiniers accompagnant Catherine de Médicis en France6. Jean-François Solnon dans une biographie récente de la reine affirme quant à lui :
La cuisine française lui doit [à Catherine] de s’être renouvelée. Grâce à elle et aux cuisiniers, sauciers et pâtissiers amenés d’Italie dans ses bagages, la Cour puis la Ville ont découvert des légumes jusque-là inconnus (artichauts, brocolis, petits pois, tomates), et se sont régalés de sorbets aux fruits et de confiseries nouvelles. Bientôt la pasta fit la conquête des Français.7
5Cette légende a revêtu différents visages et évolué au fil du temps. Catherine de Médicis en est la figure centrale mais, nous le verrons, d’autres acteurs, parfois fictifs, sont régulièrement convoqués. Cette genèse fantasmée est aujourd’hui riche d’une infinité de détails, l’Italie aurait donné à la France des produits, des pâtissiers, des chefs, des plats, des usages… L’objectif de la présente étude est de comprendre comment cet édifice a pris forme et de démêler l’avéré, le possible, le probable et le faux. Face à l’ampleur du sujet, nous restreindrons toutefois notre enquête aux questions relevant à proprement parler du culinaire et de l’alimentaire, nous avons choisi de laisser de côté les civilités et les arts de la table.
6Au-delà d’un examen critique, c’est le cadre même dans lequel ce travail s’inscrit que nous aurons à réévaluer. Car il nous enferme d’emblée non seulement dans une stricte logique bilatérale mais définit aussi a priori la Renaissance comme une séquence spécifique de l’histoire de la table française8. Or cette problématique obligée appauvrit la complexité du réel en arasant des temporalités multiples et en confondant des phénomènes disjoints. Ce sont ces distinctions que nous chercherons ici à appréhender et à mettre en relief.
La naissance du mythe
Le silence des contemporains
7Si l’on s’interroge sur la construction de ce récit des origines, on est frappé par l’absence de témoignage sur la supposée pénétration de pratiques culinaires italiennes. Tandis que les pamphlets hostiles aux Italiens proliféraient dans la France déchirée de la seconde moitié du xvie siècle, la table aurait fourni un support propice à la dénonciation de l’avidité, de la débauche et de la corruption des mœurs de ces étrangers honnis. Pourtant, parmi tous les vices dont on accuse alors les Italiens, celui d’être « voluptueux », bien que régulièrement invoqué, ne compte pas au nombre des blâmes qui leurs sont le plus souvent adressés. Surtout, le terme se trouve d’abord associé à la sodomie – ce « vice italien9 ». Pour être précis, à l’exception de L’Isle des Hermaphrodites, sur lequel nous reviendrons, l’abondante littérature italophobe et anti-aulique du temps – les deux se superposent dans une large mesure – ne dénonce jamais le moindre débordement épulaire10.
8Concernant Catherine de Médicis, le seul véritable excès alimentaire dont nous ayons connaissance provient d’une source résolument défavorable : le Registre-Journal de Pierre de L’Estoile. Celui-ci note, le 19 juin 1575, à l’occasion du mariage entre le marquis de Loménie et mademoiselle de Martigues : « La Roine Mere mangea tant qu’elle cuida crever, et fust malade au double de son desvoiement. On disoit que c’estoit d’avoir trop mangé de culs d’artichaux et de crestes et rongnons de coq, dont elle estoit fort friande11. »
9L’épisode est fameux, peut-être en raison de son utilisation par Alfred Franklin dans le volume de sa Vie privée d’autrefois consacré à la cuisine en 188812. Mais Pierre de L’Estoile instrumentalise cette indigestion en lui conférant une teinte érotico-politique. Il complète son anecdote de quatre épigrammes et de poésies en latin qu’il transcrit quelques pages plus loin. Cette série de textes dépeint une Catherine goinfre, se nourrissant avec avidité des testicules de coqs castrés – apparemment par ses soins – pour l’occasion. « La femme dîne copieusement avec les testicules des coqs (Gallorum) et, comme elle dévore sa nourriture avec avidité, elle dit, les lèvres serrées : “Voilà comment je castre le cœur des Français, voilà comment j’émascule les Français (Gallos), voilà comment je les subjugue13.” » Et encore : « Catherine dévore les crêtes et les testicules des coqs (Gallorum) afin de réchauffer la chaleur lente de Vénus. […] De cette façon le roi des Français (Gallorum) devient celui des chapons14. » Le latin permet un jeu de mot avec Galli qui désigne à la fois les coqs et les Français. Catherine réaliserait donc un banquet exquis tout en soumettant les hommes français, faibles car émasculés, leurs testicules étant destinés aux plaisirs (culinaires) de la souveraine.
10Les relazioni des ambassadeurs vénitiens ont quelquefois signalé la gourmandise de Catherine de Médicis sans non plus s’étonner d’abus spectaculaires. « La reine mère aime fort les commodités de la vie ; elle est désordonnée dans sa manière de vivre et elle mange beaucoup […] son embonpoint [est] énorme », écrivit Jean Michiel après son ambassade de 156115. Moins d’une décennie plus tard, Jean Correro ajoutait :
Elle est très-robuste et d’une bonne santé. Elle marche si lestement, que personne de la cour ne saurait la suivre. L’exercice qu’elle fait lui conserve un très-bon appétit ; elle mange beaucoup, et de toutes sortes de choses indifféremment ; ce qui, selon les médecins, est la cause des maladies qui la mettent à deux doigts de la mort.16
11Le silence le plus remarquable est sans doute celui d’Henri Estienne. Son très acéré Discours merveilleux de la vie, actions et déportements de Catherine de Médicis, Royne Mère, paru en 1575, ne s’aventure jamais sur le terrain culinaire17. Mais ce sont surtout les Deux dialogues du nouveau langage françois, italianizé, publiés trois ans plus tard, qui nous intéressent ici. Dans cet ouvrage, Celtophile, de retour de Venise, se fait instruire par Philausone des nouveaux usages en vigueur à la cour de France et en particulier de l’italomanie qui s’en est emparée et qui affecte le langage en premier lieu. Celtophile exprime les opinions d’Estienne, son hostilité vis-à-vis de ce phénomène, là où Philausone se montre plus enclin à accueillir ces nouvelletés.
12Quelques considérations gastronomiques trouvent place dans leurs échanges. Philausone explique qu’en dépit d’une inédite « superfluité […] en viandes et toutes sortes de délices pour la bouche », les courtisans « n’ont appétit à rien », au grand dam de ceux qui les servent :
Les povres cuisiniers sçavent bien se pleindre, d’autant qu’après avoir employé toute la science qui se trouve non seulement es registres cuisinaux de Taillevant, mais aussi en tous les autres, après avoir sophistiqué les sausses en mille façons nouvelles, et en la fin après avoir faict un meslinge de celles de la chair avec celles du poisson, après avoir rosti ce qu’ils souloyent bouillir, et bouilli ce qu’ils souloyent rostir, en la fin se trouvent avoir perdu leur peine, pour n’avoir rien faict qui puisse plaire au palais de leur maistre.18
13On remarque que Taillevent reste la seule référence alléguée ici, ce qui n’a rien d’anodin. Pourquoi ce changement dans les habitudes alimentaires ? À cause de nouveaux modes de vie, selon Philausone, les nobles sont devenus oisifs, ont abandonné la chasse, la course de bague ou le jeu de paume, ces honorables exercices qui ouvrent l’appétit. Ils préfèrent perdre leur temps à prendre soin de leur apparence physique et à séduire les femmes19.
14Plus loin, Celtophile, loue, sans la moindre ironie, la modération des Italiens à table. « Je me suis esbahi souvent de la frugalité des Italiens, veu que leurs ancestres, au contraire, usoyent d’une somptuosité si excessive en banquets20. » Et la comparaison tourne à leur avantage : là où les Italiens font « ventre de bureau et dos de velours » – dépensent leur argent en vêtements plutôt qu’en festins –, les Français « font tous les deux de velours21 ». Osera-t-on en conclure qu’Estienne suggère de s’inspirer de la modération italienne ?
15Brantôme pour sa part ne se réfère jamais à l’Italie lorsqu’il est question de bonne chère. À propos du maréchal de Saint-André, il écrit : « Il a esté de fort subject de tout temps à aymer ses aises, ses plaisirs et grands luxes de table. C’a esté le premier de son temps qui les a introduicts à la Court, et certes par trop excessifs, disoit on, en friandises et délicatesses de viandes, tant de chairs que poissons et autres friands mangers22. » Aucun lien n’est établi entre son goût du faste et ses brefs séjours au-delà des Alpes – il prit part à la bataille de Cérisole et accompagna Henri II en Piémont au début de l’année 154823. Brantôme insiste sur les bombances de la cour de François Ier, plus grandes que chez tous ses prédécesseurs. Selon lui, Henri II fit de même tandis que Charles IX et Henri III, en raison des difficultés financières dues aux guerres, « entretinrent très-mal leurs tables24 ». En déduirons-nous cette fois qu’au plus fort de l’influence de Catherine de Médicis on négligea les plaisirs de la gourmandise ?
16Quelques-uns vont plus loin que Brantôme et célèbrent la supériorité française en matière de bonne chère. Ainsi les Mémoires du maréchal de Vieilleville (1509-1571), généralement attribuées à son secrétaire, Vincent Carloix :
[…] les aultres roys de la chrestienté, voire de l’univers, n’approchent nullement de nos excellentes délicatesses, ny singulières façons de triompher en festins, ny leurs officiers, de si friandement et proprement acoustrer les viandes ny les desguiser comme les nostres ; n’en voulant aultre témoignage, que tous les princes estrangiers envoyent chercher des cuisiniers et pasticiers en France, et aultres serviteurs pour l’usaige de bouche et tout service de table, pour y estre duicts et nez plus que toute aultre nation.25
17Pierre Belon, dans son Histoire de la nature des Oyseaux, publiée en 1555, vante pareillement la richesse sans égale de la cuisine de France. Il soutient que « ne les Espagnolz, Portugalois, Anglois, Flamans, Italiens, Hongrois, Almans, & touts autres subiets à l’Eglise Romaine, n’ont telle magnificence en leurs appareils en matiere de viandes, que les Françoys26 ».
18Belon paraît déplorer ce faste et le considérer comme une nouveauté, sans véritablement le dater et sans dénoncer une éventuelle imitation d’une nation étrangère27. Et si François de La Noue, lui, se désole franchement de voir nombre de ses compatriotes s’adonner à cette « branche de la dissolution », il ne blâme en rien les Italiens. Un silence d’autant plus intéressant que, traitant des modes vestimentaires, ces « pompes et superfluitez », il écrit : « Les Rois & les Princes n’ont pas si tost changé leur ancienne simplicité ordinaire pour se revestir des ordures Italiennes que leurs subjets ne les ayent incontinents imités et mesmes aucuns les ont voulu surmonter : & est descendu le mal si bas, que jusques aux simples citoyens des villes les pompes s’aperçoivent28. »
19Outre-monts, les textes n’accréditent pas davantage le « mythe italien ». Prenons ce cuisinier hors pair, héros de l’une des histoires drôles du Liber facetiarum de l’humaniste Poggio Bracciolini, recueil composé durant la première moitié du xve siècle : c’est en France que son maître, le duc de Milan, l’envoie afin qu’il se perfectionne29. Le Dialogo fra Renzo e Aniello napolitano sugli usi di Roma e di Napoli de Vincenzo Giustiniani, rédigé au tout début du xviie siècle, rend un hommage plus appuyé encore aux Français : un Napolitain y affirme qu’il échangerait « toutes les confiseries et douceurs des nonnes de Naples et de Rome contre de la viande rôtie, dès lors qu’elle l’aurait été par les soins d’un cuisinier français, car, dit-il, j’ai toujours entendu qu’ils étaient fort réputés dans l’art de rôtir les viandes, dans la pâtisserie et les potages30 ». En 1584, Giovanni Battista Rossetti consacre un traité aux fonctions de maître d’hôtel, Dello Scalco. Dans sa préface, il dresse l’éloge des cuisiniers français et allemands qui, tenant des Italiens l’art de confectionner des pâtes et des sauces, en sont venus à les surpasser. Une excellence française mal datée mais que Rossetti juge implicitement assez récente31.
20On complètera cette liste des propos, si souvent mentionnés, de l’ambassadeur vénitien, Jérôme Lippomano, qui, en 1577, manifeste son étonnement face aux infinies ressources alimentaires de Paris qui « a en abondance tout ce qui peut être désiré ». Il constate que « Les Français ne dépensent pour nulle autre chose aussi volontiers que pour manger et pour faire ce qu’ils appellent bonne chère. » Le « ventre de velours » blâmé par Estienne en somme. Voilà pourquoi « Cet art [l’art culinaire] est si avancé à Paris. » On y trouve de tout, pour toutes les bourses, chez une foule d’artisans et de boutiques : pâtissiers, cuisiniers, cabaretiers, taverniers, rôtisseurs… Lippomano ne s’aventure à aucune comparaison avec l’Italie mais son étonnement face à la profusion de nourritures et à l’habileté des praticiens de la capitale a valeur d’hommage32.
21Il ne serait guère judicieux d’accorder trop d’importance à ces opinions qui se cantonnent souvent à de simples généralités. Certains Français vantent leur avantage sur leurs voisins du Sud et d’autres s’inclinent devant leur science, certains Italiens louent l’immense habileté des Français aux fourneaux et d’autres célèbrent la prééminence gourmande de leur nation33. Ces citations ont surtout l’intérêt de montrer qu’aucune évidence ne s’imposait alors. Rien d’équivalent à ce que sera, deux siècles plus tard, l’aura de la gastronomie française en Europe34.
22Restent deux références qui, nous le verrons, ont permis à une multitude d’ouvrages d’illustrer et de nourrir la théorie du legs italien. La plus fameuse est tirée de Montaigne. Dans « De la vanité des paroles », le philosophe relate en effet un entretien qu’il aurait eu avec un Italien, ancien maître d’hôtel du cardinal Caraffa :
Je luy faisoy compter de sa charge. Il m’a fait un discours de cette science de gueule avec une gravité et contenance magistrale, comme s’il m’eust parlé de quelque grand poinct de Tréologie. Il m’a déchifré une différence d’appétits : celuy qu’on a à jeun, qu’on a après le second et tiers service ; les moyens, tantost de luy plaire simplement, tantost de l’éveiller et picquer ; la police de ses sauces, premièrement en general, et puis particularisant les qualitez des ingrediens et leurs effects ; les différences des salades selon leur saison, celle qui doit estre reschaufée, celle qui veut estre servie froide, la façon de les orner et embellir pour les rendre encores plaisantes à la veue. Après cela, il est entré sur l’ordre du service, plein de belles et importantes considérations.35
23Montaigne ironise sur le verbiage dont usent ceux qui dissertent sur la « science de gueule » comme on traite « du gouvernement d’un empire ». L’historienne Barbara Ketcham Wheaton suppose que ce dialogue, si souvent mit en exergue, a pu constituer le point de départ du « mythe italien » et expliquer l’importance prêtée à Catherine de Médicis36. On peut en douter, nous le montrerons, et plutôt juger que ce bref extrait des Essais fut simplement utilisé par des esprits déjà acquis à ce scénario. Car non seulement ce passage ne prouve rien mais, pour qui voudrait forcer l’interprétation, il tendrait davantage à attester que, bien après l’arrivée de la reine, on ne partage toujours pas une culture culinaire commune des deux côtés des Alpes37. Le provincial Montaigne ne fréquentait pas, il est vrai, la cour d’Henri III.
24S’il fallait retenir une source pertinente, ce serait plutôt L’Isle des Hermaphrodites. Cette satire de la cour d’Henri III rédigée par un certain Artus Tromas et publiée en 1605 décrit en effet, sur plusieurs pages, les consommations et les manières de table des hermaphrodites, incarnations du dernier Valois et de ses mignons. Le narrateur s’étonne des viandes « sophistiquées » que l’on sert aux « seigneurs-dames » et note chez eux le désir de goûter des choses nouvelles, « et sur tout estrangères », même lorsqu’elles ne sont pas appréciées et nuisibles à la santé. On voit notamment les hermaphrodites manger des artichauts, des pois et des asperges ou employer maladroitement, de façon grotesque, des fourchettes pour ne pas tacher leurs fraises38. Autant d’éléments qui renvoient plus ou moins explicitement à des usages ultramontains.
25Il convient de rappeler que L’Isle est une œuvre de fiction. Une évidence souvent négligée tant il est commode de puiser dans ce texte des détails introuvables ailleurs – sans parler des travaux de seconde main qui ignorent tout bonnement l’origine de leurs informations39. Un exemple : Artus Tromas désigne du nom de « crédence » un dressoir qu’il ne décrit pas40, or ce mot, adapté de l’italien « credenza », n’apparaît dans la langue française qu’au xixe siècle41. Soit Tromas a souhaité railler les mœurs ultramontaines de la cour via un italianisme de son invention, soit ce vocable jouissait alors d’une vogue éphémère. Il est en tous les cas erroné d’en déduire qu’à partir du règne d’Henri III, ce terme a servi à qualifier les traditionnels dressoirs ou qu’il reflète une éventuelle transformation de l’ameublement. Du reste, qu’Artus Tromas moque l’extrême recherche de la table des hermaphrodites et brocarde ces personnages si prompts à singer les modes transalpines ne signifie pas qu’il faille repérer derrière chaque phrase une dénonciation des mœurs italianisés de la cour ni que seules les innovations y sont tournées en ridicule42.
26Si le silence des contemporains ne prouve en rien l’absence de toute influence italienne, il démontre toutefois que pas un seul observateur ne décelait le moindre emprunt français. Si influence italienne il y eut, elle s’est traduite par des évolutions lentes et discrètes, non par des innovations radicales et marquantes. Ce manque de certitude contraste avec la pénétration d’autres emprunts et engouements sur lesquels nous sommes abondamment documentés – tels l’art équestre ou les ballets de cour pour l’enseignement desquels des maîtres italiens, des écuyers, des danseurs et des musiciens furent recrutés en nombre par les Valois43. À l’inverse, c’est bel et bien a posteriori que les Français ont découvert la soi-disant dette de la cuisine française à l’égard de l’Italie.
Nicolas Delamare
27La plus ancienne occurrence que nous ayons été en mesure d’identifier et qui, semble-t-il, n’a jamais été relevée, provient du Traité de la police de Nicolas Delamare. Dans le troisième volume, daté de 1719, le livre Des Vivres aborde la question des assaisonnements, ces préparations qui rendent chaque aliment « ou plus agréable ou plus sain » mais dont l’abus génère « ces ragoûts exquis que la sensualité a inventée, dans ces derniers siècles », ragoûts « pas moins nuisibles à la santé que contraires à la morale de notre sainte Religion44 ». Suivant son habituel procédé, Delamare propose un historique détaillé : chez les Anciens, le seul condiment était l’exercice, qui aiguise l’appétit. Cette modération s’est ensuite éteinte, d’abord chez les « Peuples de l’Asie ». Les législateurs Grecs et Romains s’efforcèrent de la préserver mais Rome, devenue riche et puissante, céda aux sirènes de la volupté. Enfin :
Les Romains apportèrent leurs usages, aussi-bien que leurs loix dans les Gaules, après en avoir fait la conquête. Ce fut par-là que le luxe commença de s’y introduire : nos premiers Rois en réprimèrent l’excès & le réduisirent dans une juste modération.
Il recommença à s’y faire sentir avec plus de force sous le règne de Henry II. Le grand nombre d’Italiens, qui avoient suivi Catherine de Médicis, y contribuèrent beaucoup ; en y apportant les usages de leur pays. Charles IX y remédia par ses Ordonnances, qui furent renouvellées & amplifiées par Louis XIII.45
28Plus loin, toujours dans le troisième tome, il est encore question de Catherine :
D’autres Particuliers s’adonnèrent au commerce des vins de liqueurs, ou étrangers, & les choses subsistèrent dans cette simplicité jusques au mariage de Henry Duc d’Orléans, qui fut Roy sous le titre de Henry second, après la mort de François l, son père. Les Italiens qui suivirent la Princesse Catherine de Médicis, apportèrent en France l’an 1533 tous les délices de leur pays ; ainsi l’on commença d’y voir établir, & principalement à Paris, le commerce & l’usage de toutes ces liqueurs exquises des Romains ; les unes pour rafraîchir, les autres pour échauffer, chacune dans son espèce ayant ses agrémens & ses vertus.46
29En l’occurrence, aucun reproche n’est adressé à la souveraine bien que l’alcool eût fourni un prétexte idéal pour conforter l’idée d’une corruption venue d’outre-monts.
30Dans le premier passage, la réprobation morale, bien que modérée, ne souffre d’aucune ambiguïté. Catherine et les siens ont favorisé d’outranciers raffinements et transformé des apprêts utiles en « ragoûts exquis » destinés à flatter les sens. Cette condamnation se situe dans la droite ligne d’une vaste littérature religieuse et morale jetant l’opprobre, avec plus ou moins de virulence, sur la bonne chère47. Dans ces critiques – qui visent les excès de table plus que les plaisirs gourmands proprement dits –, les assaisonnements reviennent comme l’un des principaux artifices nuisibles à la santé, l’une des sophistications coupables auxquels les cuisiniers ont recours48.
31Il n’est pas exclu que Delamare ait posé les base du « mythe italien ». Une source antérieure est-elle réellement indispensable ? Un copieux matériau était déjà disponible pour nourrir cette lecture de l’histoire. Examinons par exemple l’édition de 1601 du recueil de Barnabé Brisson, Le Code du Roy Henry III, édition complétée par Louis Charondas Le Caron. Une autorité que Delamare a toutes les chances d’avoir consulté. Dans le « titre » sur les festins & banquets, Charondas se borne à examiner des précédents antiques et ne dit mot de l’Italie ou des Italiens. A contrario, dans le « titre » abordant L’entrée & descente des draps & fils, d’or, d’argent & de soye, il pointe du doigt leur responsabilité :
En France l’usage de la soye a esté rare jusques au regne de Loys XI & a commencé d’y estre frequenté depuis le voyage de Charles VIII en Italie & au royaume de Naples, que les Italiens auroyent apporté en ce Royaume les delices de leur pays & avec les mœurs qui ont grandement changé la franche intégrité des anciens François.49
32Charondas en tire la leçon que « les vainqueurs ont esté par vaincus opprimez ». La portée de ces interprétations dépasse largement la question du commerce de la soie et les observations qu’il développe ensuite au sujet De l’entrée & descente des espiceries & drogueries les complètent de façon très intéressante pour nous :
Comme les Romains par l’espace de plusieurs siecles, aussi les anciens François se sont par un long temps contentez des biens & commoditez qu’ils recevoient de leur pays : sans se soucier des delices d’Asie, desquelles les Grecs ont esté les premiers corrompus.
33Une corruption qui prend en l’occurrence la forme d’« espiceries » :
Sucres, cannelles, noix muscades, cloux de giroffle, poivres, & autres semblables ne sont qu’à delices pour luxe de viandes & irritement d’appetit. Toutesfois elles sont aujourd’huy en tres-frequent usage en France.50
34Banquets, étoffes et épices : pour ces trois visages du luxe – le terme est employé à chaque fois –, Le Caron établit un parallèle entre « anciens François » et « vieux Romains », hommes chiches, figures d’un passé idéalisé et mal défini, hommes d’avant le temps de la superfluité.
35Revenons à Delamare. En 1705, dans le premier volume du Traité de la police, le chapitre sur la « Police de France touchant le luxe », qui porte sur les vêtements, incrimine les Italiens à l’instar de Charondas mais, contrairement à celui-ci, Delamare estime que les modes transalpines sont arrivées à Paris avec Catherine de Médicis51. Le chapitre « Des loix somptuaires qui ont été observées en France touchant les repas » se contente par contre, pour le xvie siècle, de rappeler les textes promulgués par Charles IX afin de limiter les excès de table. Des mesures adoptées, selon Delamare, en raison des disettes suscitées par les guerres civiles – sans lien, par conséquence, avec de soi-disant innovations italiennes52.
36Quatorze ans plus tard, le troisième volume du Traité de la police privilégie donc une interprétation différente de ces mêmes lois. Dissertant sur les assaisonnements, Delamare doit en l’occurrence composer une histoire que personne n’avait écrite avant lui et les éléments à sa disposition tendent à mettre en cause les Italiens. Usant d’une rhétorique similaire à celle de Charondas, il oppose les parcimonieux « anciens » aux prodigues modernes. Or Charondas a désigné la venue des Italiens comme le point de bascule entre ces deux âges, comme le moment où débute le triomphe du luxe. Peut-être attentif, cette fois, à articuler son discours avec des lois datant du règne de Charles IX et cohérent avec ses commentaires relatifs aux soieries, Delamare a fait, lui, remonter ce basculement non aux guerres d’Italie mais au plus fort du pouvoir de Catherine.
37Bien que les historiens du xviie siècle ne l’eussent pas encore voué aux gémonies53, l’image de la souveraine dépensière, amatrice de pompe et de divertissements coûteux, avait déjà pris forme. On lui reprochait également d’avoir attiré dans son sillage et favorisé quantité de ses compatriotes, hommes avides, juste bons à inventer des taxes dont ils dilapidaient les recettes pour leurs plaisirs. Sans parler du Discours merveilleux qui bénéficia de quatorze rééditions au xviie siècle54, plusieurs passages de l’Abrégé chronologique de l’histoire de France, livre très lu, de François Eudes de Mézeray, vont aussi en ce sens. Ce dernier dépeint une reine mère soucieuse de maintenir son autorité et favorisant le penchant d’Henri III à se perdre en de ruineuses frivolités – parmi de nombreux exemples, Mézeray cite deux repas fameux55. Même tonalité chez Louis Le Gendre dont la Nouvelle histoire de France fut publiée en 1718. Dans un exposé sur les mœurs et les coutumes de la monarchie, exposé traitant principalement de la magnificence des habits, Le Gendre déplore les progrès du luxe au cours des siècles. Il inscrit Catherine au cœur d’un processus de longue durée et brosse le portrait d’une femme jouisseuse, satisfaite d’amollir la noblesse de France par des excès en tous genres, festins inclus56.
38Quel qu’ait été le corpus à sa disposition, Delamare paraît s’être forgé une conviction personnelle quant au rôle joué par Catherine de Médicis. Il est possible que l’association entre l’Italie et la bonne chère ait en outre été renforcée dans son esprit par la rédaction du « titre » sur les liqueurs, spécialité désignée au xviie siècle par l’expression « eaux d’Italie » ; nous y reviendrons. Certes, là encore, Delamare innove en imputant à Catherine l’importation de ces boissons.
Les Dons de Comus
39Négligeant Delamare, les historiens ont pris l’habitude de considérer que le « mythe italien » naît avec le livre de cuisine de François Marin, Les Dons de Comus, paru en 1739. C’est plus précisément son Avertissement, attribué à deux jésuites, Pierre Brumoy et Guillaume-Hyacinthe Bougeant57, qui, sans évoquer Catherine de Médicis, mentionne l’influence décisive de la péninsule sur la cuisine française. Retraçant l’histoire de la cuisine depuis l’Antiquité, les auteurs expliquent que les Romains empruntèrent probablement le « goût vif des plaisirs de la table » aux Grecs58. Puis, après de longs développements sur Rome, ils en viennent à affirmer : « Les Italiens ont poli toute l’Europe, et ce sont eux, sans contredit, qui nous ont appris à faire à manger59. » Et d’ajouter plus loin : « Il y a […] plus de deux siècle qu’on connoît la bonne chère en France60. » La date de cette découverte est donc implicitement fixée au tournant du xvie siècle ; Brumoy et Bougeant n’accordent aucune place à la cuisine médiévale et se contentent de vaguement supposer une dette des Modernes vis-à-vis des Grecs et des Romains61. L’apprentissage effectué auprès des Italiens est présenté comme un véritable bienfait. Aux yeux des deux érudits, les édits somptuaires, ceux que détaille Delamare, ne discréditent en rien ces nouveaux plaisirs de la table, le luxe des pères pouvant n’être que le commun des fils62. Ce modèle initial permit à une cuisine vraiment française d’émerger sous Louis XIV, une cuisine devenue « ancienne » au moment où sont imprimés Les Dons de Comus, livre à la gloire d’une cuisine « nouvelle ».
40En 1742, François Marin publie une Suite des Dons de Comus qui, plus qu’une suite, consiste en une sorte de développement de son premier ouvrage63. Cette fois, la préface est l’œuvre de l’érudit et homme de lettres Anne-Gabriel Meusnier de Querlon. Il se lance également dans un long historique mais se démarque de ses devanciers. Il pense pour sa part que ce furent les « Asiatiques » qui « apprirent à manger aux Grecs » avant que ceux-ci n’enseignent ce plaisir aux Romains64.
41Sans réelle transition et, donc, sans véritablement regarder l’Italie comme l’héritière de la cuisine romaine, il s’attarde sur le passage de témoin entre les deux nations :
Tout l’art de la cuisine & la bonne chère ont consisté longtemps en France dans une profusion mal entendue, que plusieurs de nos Rois ont essayé de réprimer par des Édits. Dès le tems des guerres d’Italie, sous Charles VIII, Louis XI et Louis XII les Italiens avoient porté les délices de la table aussi loin qu’elles pouvoient aller : on le voit par le grand nombre d’ouvrages qu’ils publièrent dans le quinze et le seizième siècle, soit sur l’art de la cuisine, soit sur l’ordonnance des repas. Ils firent connoître la bonne chère aux François : et la conquête du Royaume de Naples, époque d’une maladie funeste, est aussi pour nous celle d’un art qui peut-être alors ne l’étoit guères moins.
On dit que le génie du François est moins propre à inventer par lui-même, qu’à perfectionner les inventions des autres : ainsi l’on peut juger des progrès que fit la cuisine pendant deux siècles.65
42La datation devient cette fois précise. La conception française de la bonne chère consistait en une « profusion mal entendue » jusqu’aux guerres d’Italie, moment fondateur de découverte des « délices de la table ». La cuisine française se perfectionna et se raffina durant deux siècles, avant de triompher enfin sous Louis XV. L’élève surpassait le maître. L’intempérance, qui, seule, provoque les maladies, ne fut plus bridée par la loi mais par le « bon goût66 » et cette discipline ne fut plus « funeste » puisque « La cuisine n’est […] plus un art meurtrier quand les principes en sont bien connus & quand elle est maniée par un bon artiste67. » Cette préface cherche à valoriser l’expertise des maîtres queux et les plaisirs qu’ils savent susciter. Cette entreprise de légitimation est à l’œuvre depuis plusieurs décennies quand paraissent Les Dons et leur Suite, une série d’auteurs, à l’image de Massialot, s’attachant à défendre leur profession contre les préventions telles que celles exprimées, avec retenue, par Delamare68.
43Pas plus que Brunoy et Bougeant, Meusnier de Querlon ne donne l’impression de s’être inspiré de Delamare. Il semble justifier la thèse de l’avance italienne par l’abondante littérature culinaire de la péninsule aux xve et xvie siècles. Illusion d’optique sans doute car, durant cette période, seuls deux textes connurent une véritable diffusion à travers l’Europe, les manuscrits du Liber de coquina au xve siècle et, plus encore, le De honesta voluptate de Platine, qui bénéficia de seize éditions françaises entre 1505 et 158669.
44Même si les chiffres sont à manier avec prudence, nous savons, depuis les travaux de Bruno Laurioux, que l’Allemagne et l’Angleterre ont, au xve siècle, produit bien plus de manuscrits culinaires que l’Italie70. En outre, au siècle suivant, les livres de cuisine italiens n’ont rien de révolutionnaires. On insistera sur la « modernité » d’un Domenico Romoli quand il diminue l’emploi du sucre et des épices ou qu’il privilégie les agrumes (citrons, cédrats) dans ses hors-d’œuvre ; ses recettes n’en sont pas moins médiévales. Sa Singolar dottrina ne fut en outre pas diffusé à l’étranger71. Reste que les publications culinaires italiennes sont à la Renaissance bien plus nombreuses que les françaises. C’est sans doute la raison la plus objective pouvant faire naître, dans l’esprit d’un observateur du xviiie siècle, l’idée d’une Italie capable de donner des leçons de cuisine à la France72.
L’Encyclopédie
45Le récit prenait corps, il revint à l’Encyclopédie d’assurer sa postérité. Dans le premier volume, paru en juin 1751, l’article « Assaisonnement », que nous attribuerons à Diderot, voit dans ces apprêts une « branche de la luxure » :
Cet art se répandit dans les Gaules : nos premiers rois en connurent les conséquences, les arrêterent ; & ce ne fut que sous le regne de Henri second, que les habiles cuisiniers commencerent à devenir des hommes importans. C’est une des obligations que nous avons à cette foule d’Italiens voluptueux qui suivirent à la cour Catherine de Médicis. Les choses depuis ce tems n’ont fait qu’empirer ; & l’on pourroit presqu’assûrer qu’il subsiste dans la société deux sortes d’hommes, dont les uns, qui sont nos chimistes domestiques, travaillent sans cesse à nous empoisonner ; & les autres, qui sont nos Médecins, à nous guérir ; avec cette différence, que les premiers sont bien plus sûrs de leur fait que les seconds.
46Cet exposé paraît s’inspirer du Traité de la police et bien que, sans surprise, il n’argue pas de la « morale de notre sainte Religion », il n’en porte pas moins un jugement moral quant au rôle néfaste des cuisiniers. Le thème des « assaisonnements », on l’a dit, se prêtait parfaitement à de telles considérations.
47Trois ans plus tard, dans l’article « Cuisine », le chevalier de Jaucourt, survolant les siècles comme Meusnier de Querlon avait pu le faire avant lui, disserte sur la Rome antique, avant de passer directement à la Renaissance :
Les Italiens ont hérité les premiers des débris de la cuisine romaine ; ce sont eux qui ont fait connoître aux François la bonne chere, dont plusieurs de nos rois tenterent de réprimer l’excès par des édits ; mais enfin elle triompha des lois sous le règne d’Henri II ; alors les cuisiniers de de-là les monts vinrent s’établir en France, & c’est une des moindres obligations que nous ayons à cette foule d’Italiens corrompus qui servirent à la cour de Catherine de Médicis.
48Une nouvelle fois, aucune place n’est accordée au Moyen Âge ; l’influence italienne suscite une rupture avec un passé dont on ne nous dit rien. Jaucourt poursuit : les Français « surpassèrent bientôt leurs maîtres, et les firent oublier » ; « dès-lors […] il semble qu’ils [les Français] n’ont rien trouvé de si flateur que de voir le goût de leur cuisine l’emporter sur celui des autres royaumes opulens, et régner sans concurrence du septentrion au midi73 ».
49Bien plus que Diderot, Jaucourt s’appuie sur la Suite des Dons de Comus. Il esquisse à son tour un vaste survol rétrospectif selon lequel les Asiatiques – les Perses – restent les grands initiateurs de cette « branche de luxe » qu’ils auraient ensuite communiquée aux Grecs. Il n’établit aucun lien explicite entre la Grèce et Rome tandis qu’il considère que les Italiens « ont hérité des débris de la cuisine romaine74 ». Sur le passage qui nous intéresse, la formule « ont fait connoître aux François la bonne chère » rappelle celle employée par Meusnier de Querlon. Ce dernier évoque également « une profusion […] que plusieurs de nos Rois ont essayé de réprimer par des Édits75 », remarque que l’on retrouve ici. C’est toutefois la chronologie de Diderot qui est retenue par Jaucourt. À le suivre, le basculement fatidique ne survient pas sous Charles VIII et Louis XII mais à l’arrivée de Catherine – et « cette foule d’Italiens corrompus qui [la] servirent à la cour » renvoie à la « foule d’Italiens voluptueux qui [la] suivirent à la cour » de Diderot. L’arrivée, supposée massive, d’Italiens semble, aux yeux des Encyclopédistes, prévaloir sur les expéditions ultramontaines menées par les rois de France au tournant du xvie siècle.
50Cependant, chez Diderot, corrompus ou voluptueux, ces Italiens ne pratiquaient pas les métiers de bouche ; c’est d’abord une altération de l’échelle des valeurs que l’irruption d’une masse indistincte de transalpins aurait provoqué. Les « plaisirs de gueule » furent désormais révérés et les cuisiniers commencèrent à jouir d’une reconnaissance sans précédent. Jaucourt, tout en partageant cette analyse et la condamnation morale qui la sous-tend, mentionne, lui, « les cuisiniers de de-là les monts [qui] vinrent s’établir en France » sous le règne d’Henri II. Une affirmation totalement inédite.
51Les Encyclopédistes se livrent à une critique que la préface de la Suite des Dons de Comus s’appliquait à réfuter. Selon Jaucourt, la cuisine est une science (« des plus pénibles ») et, surtout, un art, mais un « art trompeur » que les Italiens auraient enseigné aux Français. L’histoire que Jaucourt conçoit, comme l’a relevé Jean-Claude Bonnet, « est celle d’une complication progressive76 ». Les Italiens « corrompus » n’ont pas apporté les excès mais ils les ont facilités en créant une cuisine plus raffinée – chose condamnable – et en suscitant une promotion imméritée de l’art culinaire. Discours moral et discours médical se superposent : on vilipende cette « luxure de bonne chère », qui éloigne de la simplicité naturelle et de ses bienfaits77.
52Jaucourt, afin d’illustrer sa démonstration, cite le passage où Montaigne relate son échange avec le maître d’hôtel du cardinal Caraffa. L’auteur des Essais remplit une double fonction : contemporain du moment italien, il est convoqué en tant que témoin ; philosophe, il sert de caution à la critique de cette somptuosité délétère. On soupçonnera surtout Jaucourt d’avoir été bien en peine de débusquer le moindre témoignage pour soutenir son raisonnement et de s’être replié sur la seule référence établissant une vague passerelle culinaire entre la France et l’Italie de la fin du xvie siècle. Montaigne ne tournait d’ailleurs pas en ridicule le soin et la recherche que certains apportent à satisfaire l’appétit des hommes, c’est du discours qui entoure l’art du maître d’hôtel qu’il se gausse – « je ne parle point icy des effects, je parle des mots78 ». Cet éloge de la simplicité n’est donc pas identique à celui de Jaucourt qui condamne la cuisine de son temps, porteuse d’une sophistication contre-nature – par opposition à « la cuisine simple des premiers âges du monde79 ». Nous avons déjà souligné la parenté de cette position avec celle qui affleure chez Delamare. Elle se rattache à une critique traditionnelle de la gourmandise et puise dans des arguments anciens. Le « bon goût » du xviie siècle était en outre synonyme de mesure80. Mais, surtout, l’Encyclopédie et, face à elle, Les Dons de Comus et leur Suite, s’inscrivent au sein d’un débat propre aux Lumières où les uns défendent l’utilité et les bienfaits de la cuisine, érigée en art, en science, tandis que d’autres blâment cette branche du savoir néfaste au corps comme à l’esprit et qui éloigne l’homme de la nature81. On ne saurait être étonné du camp qui instrumentalise l’inquiétante figure de Catherine. La caractérisation de la cuisine comme art trompeur éclaire la fonction qui lui est assignée. La souveraine cristallise la charge négative dont Jaucourt investit la science culinaire.
53Car l’Encyclopédie participe pleinement à la construction de la « légende noire » de la reine telle qu’elle s’élabore au xviiie siècle82. Différentes contributions de Jaucourt dépeignent par petites touches une Catherine en politique nuisible [ « Partisan83 », « Ligue (la84) »] et en reine superstitieuse (« Sorcellerie85 », « Astrologie86 »). L’article « Fêtes de la Cour de France » de Louis de Cahusac donne encore mieux à voir ce visage corrupteur de la souveraine. Suite à la mort d’Henri II, dit-il, « les bals, les mascarades, et sur-tout les ballets qui n’entraînoient après eux aucun danger, et que la reine Catherine de Médicis avoit connus à Florence, furent pendant plus de 50 ans la ressource de la galanterie et de la magnificence françoise ». Mais la sombre princesse dévoie cet art. Pour Charles IX, elle « imagina fêtes sur fêtes pour lui faire perdre de vûe sans cesse le seul objet dont elle auroit dû toûjours l’occuper ». Pour Henri III, elle « mit en jeu les festins, les bals, les mascarades, les balets, les femmes les plus belles, les courtisans les plus libertins87 ». L’art vient d’Italie et la tromperie de Catherine. Au contraire des ballets cependant, la cuisine est vue comme intrinsèquement mauvaise et désigner l’inquiétante Catherine comme celle qui en a assuré la promotion atteste de ce caractère nuisible.
54Le paradoxe est que ce « mythe italien » en gestation se nourrit également de l’image positive dont jouit l’Italie de la Renaissance dans l’Encyclopédie. Les articles « Toscane88 » ou « Sciences », toujours de Jaucourt, admettent sans peine l’immense apport de l’Italie – « Nous devons tout à l’Italie ; c’est d’elle que nous avons reçu les sciences et les beaux-arts, qui depuis ont fructifié presque dans l’Europe entière89. » Penser l’histoire d’un art, même mécanique, amène à tourner les yeux vers l’Italie. Jaucourt n’a pas besoin de source, le raisonnement relève du plus élémentaire bon sens. Le point de rupture, le moment fondateur, qu’est la Renaissance, englobe logiquement le culinaire. Bien que le xviiie siècle commençât à reconsidérer le Moyen Âge90, Brumoy, Bougeant, Meusnier de Querlon ou Jaucourt n’étendent pas cette réévaluation à la cuisine.
55L’expression « nouvelle cuisine » – défendue par Les Dons de Comus – induit l’existence d’une « ancienne » cuisine, celle qui triomphait à la cour de Louis XIV. Il devient dès lors possible de réfléchir à l’histoire de l’art culinaire, scandée par de régulières parutions d’ouvrages de recettes depuis La Varenne. La Renaissance, supposé temps de l’entrée dans la modernité, s’impose en commencement nécessaire et l’apport italien fournit un acte de naissance clair.
56Les préfaces des Dons de Comus et de la Suite préfigurent les écrits gastronomiques qui prendront leur essor au siècle suivant mais ce champ n’a pas encore acquis son autonomie. Ces textes combinent des arguments moraux et médicaux ; l’art culinaire se définit ainsi par son raffinement, qualité essentielle, en opposition à l’excès, synonyme à la fois de débauche et de péril pour la santé. Et en rehaussant son objet, ce discours se légitime lui-même. Le scénario de mise en contact avec l’Italie participe de cette manœuvre d’ennoblissement : le livre est présenté par Meusnier de Querlon comme vecteur de diffusion des savoirs et l’irruption d’un roi de France outre-monts comme le moment de mise en contact avec la culture italienne. Jaucourt n’a, lui, aucun scrupule à placer la « science de la gueule » qu’il pourfend sous le sombre patronage de Catherine91.
Premières voix discordantes
57Notons, d’emblée, que cette théorie n’a pas rallié tous les suffrages. Dès 1742, dans la revue Observations sur les écrits modernes, un compte rendu de la Suite des Dons de Comus par Adrien-Maurice de Mairault s’inscrit en faux contre les propos de Meusnier de Querlon :
On prétend que ce sont les Italiens qui ont appris l’art de la Cuisine aux François, dont la bonne chère consistoit auparavant dans la profusion, non dans la délicatesse. Mais à en juger par la cuisine italienne moderne, il me paroît que la nôtre ne doit pas être fort redevable aux leçons de l’Italie, malgré tous les livres que cette Nation a publiez dans les 15e et 16e siècles, sur l’art des repas.92
58L’argument, il est vrai, ne repose pas sur des fondements plus solides que la thèse qu’il entend réfuter.
59Plus intéressant, la première véritable étude portant sur l’alimentation des Français et conduite selon une démarche rigoureuse et systématique fait montre d’une grande prudence concernant le « mythe italien ». Elle n’accorde de surcroît presque aucun rôle à Catherine. À la fin des années 1770, le marquis de Paulmy (Antoine-René de Voyer d’Argenson), homme de lettres et ministre, conçut l’idée de réaliser une grande histoire de la vie privée des Français. Cette recherche devait s’appuyer sur sa vaste bibliothèque. Le marquis confia d’abord cette tâche à l’écrivain André-Guillaume Contant d’Orville mais, insatisfait du travail effectué, il demanda au jésuite Pierre-Jean Baptiste Le Grand d’Aussy de le reprendre. En 1782, trois volumes de l’Histoire de la vie privée des Français, tous consacrés à la nourriture, furent publiés.
60L’un des reproches adressés par Le Grand d’Aussy à son prédécesseur était d’ailleurs son adhésion à la théorie du legs italien93. Il adopta un point de vue beaucoup plus mesuré. Il attribuait une provenance italienne à différentes denrées mais, faute de preuves incontestables, supposait que leur arrivée remontait aux aventures italiennes des Valois. Il jugeait sans doute plus probable que la mise en contact de milliers d’hommes ait davantage pesé que l’arrivée en France d’une princesse de quatorze ans. Il présume ainsi que l’introduction du parmesan remontait à l’entrée des Français à Naples en 149594. Au sujet du « goût que de tous tems nos Pères avaient eu pour les saveurs aromatiques », il note :
Ce goût s’accrut encore au xvie siècle, par les rapports que les guerres ultramontaines leur donnèrent avec les Italiens. Alors il ne se borna point seulement aux potages ; il influa sur la plupart des mêts.95
Les longues guerres que la Nation eut à soutenir en Italie sous Charles VIII, sous Louis XII et François I lui apprirent à connaître plusieurs ragoûts et assaisonnemens italiens, qu’elle adopta également ensuite. De ce nombre sont les lasagnes, les macaronis et les autres pâtes dont l’usage se répandit chez nous au xvie siècle.96
61L’importance de Catherine devenait secondaire, se limitant aux liqueurs97. Mais ce commentaire nuancé n’était pas en mesure de concurrencer la célèbre Encyclopédie. Une multitude d’ouvrages s’en inspirèrent ; tous assurent, à la fin du xviiie siècle, le succès du scénario établi par Diderot et Jaucourt. Tout comme la Suite des Dons de Comus avait repris et légèrement étoffé le récit proposé par Les Dons de Comus, tout comme Jaucourt avait enrichi le canevas conçu par Delamare puis Diderot, chaque livre propose de subtiles variantes sur la trame initiale fournie par l’Encyclopédie. Chacun revisite insensiblement les faits et en donne sa propre interprétation morale.
L’expansion du mythe
62Une série d’ouvrages s’inspirant directement de l’Encyclopédie va contribuer à ancrer la théorie des origines italiennes de la haute cuisine française. En 1772, un Dictionnaire universel, historique et critique des mœurs en quatre volumes est publié par Jean-Pierre Costard, Nicolas Fallet et André-Guillaume Contant D’Orville – l’érudit vers qui le marquis de Paulmy s’était initialement tourné. L’article « Assaisonnement » paraphrase Diderot :
Lorsque l’art de flatter le goût par des mets préparés, commença à s’insinuer dans les Gaules, nos Rois firent leurs efforts pour arrêter les progrès de cette branche de luxure ; et ce ne fut que sous le règne de Henri second, que Messieurs les Cuisiniers parurent dans le monde avec une sorte d’éclat, et qu’ils prirent place dans les hôtels au-dessus des Instituteurs de la jeunesse, et des Secrétaires laborieux et intelligens. Voluptueux Italiens, qui suivîtes Catherine de Médicis à la Cour de France, nous vous avons cette importante obligation, entre tant d’autres ; vous nous avez fourni d’habiles Cuisiniers dans ce temps, et devenus, à force d’expériences, plus délicats empoisonneurs que nos Maîtres, nous fournissons maintenant des Cuisiniers à toute l’Europe.98
63L’explicitation du renversement de la hiérarchie des prestiges, où le queux supplante le pédagogue, rend la réprobation morale plus violente encore que chez Diderot. Certes, comme chez Jaucourt, il est rappelé que les cuisiniers, bien qu’empoisonneurs, confèrent à la France une forme de supériorité sur le reste de l’Europe. La critique n’en est pas moins sévère : « La science de la gueule, pour parler le langage de Montagne (sic), tue plus de monde dans Paris pendant un an que la guerre n’en fait disparaître pendant trois campagnes meurtrières », lit-on dans l’article « Cuisine » qui résume celui de l’Encyclopédie99.
64L’année suivante, l’article « Cuisinier » du Dictionnaire raisonné universel des arts et métiers de l’abbé Jaubert, à nouveau une sorte de version abrégée de l’exposé de Jaucourt, adopte un ton plus neutre : « Nous tenons des Italiens, et surtout de ceux qui servoient à la cour de Catherine de Médicis, cet art sur lequel il semble que nous ayions encore raffiné, et qui est quelquefois si nuisible à la santé100. » Dans l’Encyclopédie méthodique, dite « Panckoucke », ce sont les volumes Médecine qui comprennent les articles « Assaisonnement » (1790101) et « Cuisine » (1792102). Si le premier n’a plus rien à voir avec les lignes écrites par Diderot, le second repose largement sur le texte de Jaucourt – « Les François doivent aux italiens l’origine de la recherche de leur cuisine103 » – et résonne de semblables accents contempteurs.
65Au début du xixe siècle, M. Lunier publie un Dictionnaire des sciences et des arts qui, tout en s’appuyant sur l’Encyclopédie, ne se contente pas d’en être une simple resucée. Néanmoins, l’article « Cuisine » débute aussi par un petit survol historique avant de sacrifier aux habituelles formules :
Les Italiens recueillirent les débris de la cuisine romaine, pour en former la leur, et nous firent part de leur jouissance. Des lois sages mirent plusieurs fois des bornes à notre goût pour la bonne chère ; mais elles demeurèrent sans force. Sous Henri II, beaucoup de cuisiniers d’Italie passèrent en France avec Catherine de Médicis, et nous donnèrent tant de leçons de sensualité, que les disciples furent bientôt plus habiles que les maîtres.104
66Ici, la connotation négative de la « sensualité » se dissipe. Et l’article prend ensuite ses distances avec le travail de Jaucourt quand il traite de la science du cuisinier105.
67Un chercheur belge, Pierre Leclercq, a décrit la réhabilitation de Catherine par les gastronomes du xixe siècle. Des adeptes de la bonne chère qui, eux, se félicitaient de l’héritage italien106. Le récit popularisé par l’Encyclopédie se trouve en effet investi d’une valeur nouvelle dans Le maître d’hôtel français de Carême107 ou le Manuel des Amphitryons de Grimod de La Reynière108. Dans une « Introduction à l’histoire de la gourmandise » publiée en 1807 dans Le journal des gourmands, dont Grimod de La Reynière était l’une des figures de proue, on peut lire :
Les Italiens recueillirent les premiers les débris de la cuisine romaine, comme ceux des belles-lettres et de tous les arts ; ce sont les Italiens qui nous ont fait connaître cette science, appelée par Montaigne (n’en déplaise à certain critique) science de gueule ; par Lamotte-le-Vayer, gastrologie, et par la chimie moderne science culinaire. Elle éprouva d’abord des obstacles et des persécutions ; plusieurs de nos rois tentèrent d’empêcher sa propagation par des édits : enfin elle triompha des lois sous Henri II, et sur les pas de Catherine de Médicis les cuisiniers de delà les monts vinrent s’établir en France. Ce n’est pas une des moindres obligations que nous ayions à cette illustre reine, qui était, selon le sieur de Brantôme, moult agréable, le cœur haut et grand, l’esprit des plus subtils, les manières engageantes, et en toute sa personne, si qu’on ne peut rien voir de plus délicat, gracieux, imposant, et digne du rang de roine.109
68Le retournement est total, on se réapproprie des éléments fournis par l’Encyclopédie, autorité incontournable, mais Catherine endosse un rôle totalement positif. Elle est celle qui, ouvrant la France aux savoirs et aux savoir-faire italiens, a posé les fondements d’une grande cuisine française désormais célébrée. En cela, le fil est renoué avec Les Dons de Comus, sorte de victoire de Brumoy et Bougeant sur les anathèmes de Jaucourt et de ses épigones. L’image de Catherine, pourtant plus ternie que jamais, n’a pas la puissance nécessaire pour dégrader la gastronomie, objet de réflexion désormais pleinement accepté. « Avec les Médicis, nous était venu le poison, mais aussi la cuisine d’Italie, si parfaite quand il n’en était pas l’assaisonnement. Personne n’entendait alors aussi bien que les Italiens cette “science de la gueule”, comme dit Montaigne qui s’en était entretenu avec un des plus experts, le cuisinier du cardinal Caraffa110. » Édouard Fournier peut bien rédiger ces lignes en 1877, les poisons italiens relèvent de la simple anecdote.
69On notera que le « mythe italien » a très tôt franchi les Alpes. Dès 1771, une adaptation de l’article de Jaucourt – l’hostilité envers l’art culinaire en moins – sert de préface à La cuciniera piemontese, un livre de recettes anonyme111. En 1778, Vincenzo Corrado prétend à son tour que les Italiens, héritiers de la cuisine romaine, ont transmis leurs savoirs aux Français qui les ont depuis supplantés112.
70Et, comme en France, des discours totalement opposés instrumentalisent cette généalogie fictive. En 1772, le jésuite Giovanni Battista Roberti rédige une lettre contre le luxe où il moque le ridicule de la gloire culinaire. Il y observe « que nos professeurs à l’époque de Catherine de Médicis partirent des cuisines et des celliers d’Italie pour enseigner à la France l’art d’une nourriture abondante et raffinée et que nos cuisiniers apportèrent là la tactique de la table en même temps que nos capitaines apportèrent celle du champ de bataille ». Et Roberti ne manque pas de reproduire l’échange entre Montaigne et l’ancien serviteur du cardinal Caraffa113. Presque vingt ans plus tard, la préface de L’Apicio moderno du cuisinier Francesco Leonardi retrace l’histoire de la cuisine italienne et s’autorise de larges emprunts à Jaucourt. À le lire, l’art culinaire a commencé à quitter la péninsule suite aux expéditions de Charles VIII et Louis XII – s’inspire-t-il en l’occurrence de la Suite des Dons de Comus ? – puis prit définitivement congé avec Catherine : « Le mariage entre Catherine de Médicis et le Dauphin [qui devait devenir Henri II] et son départ de la Toscane pour aller à la cour de France fut le dernier adieu que l’art de la cuisine [et aussi d’autres sciences et métiers] adressa à l’Italie114. »
71En Italie comme ailleurs la fable s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui. Elle s’est ancrée de livre en livre et s’est imposée comme une vérité. En 1978, Jean-François Revel fut sans doute le premier à la réfuter de façon argumentée. Beaucoup d’historiens l’ont imité depuis mais leur voix porte moins que le flot de textes largement diffusés auprès du grand public, du Larousse gastronomique original (1938) à Jean-Marie Pelt en passant par André Castelot115. En ce début de xxie siècle, une infinité de sites internet entretiennent et étoffent cette légende sans discontinuer.
L’enrichissement du récit
72Quand s’ouvre le xixe siècle, le « mythe italien » est encore pauvre en détails. Les hommes qui auraient suivi la future reine de France au-delà des Alpes restent des anonymes et l’on est encore loin de la longue liste dressée par Jean-François Solnon. L’Encyclopédie ne fournit au demeurant aucune donnée supplémentaire puisque dans les nombreux articles qu’elle consacre aux produits alimentaires, elle n’aborde ni leur histoire ni la question de leur introduction en France. Seule la notice « Vermicelli » définit ceux-ci comme un « mets d’Italie116 ».
73Moins d’un siècle plus tard, en 1846, avec l’Encyclopédie du dix-neuvième siècle dirigée par Ange de Saint-Priest, l’énumération des emprunts à l’Italie s’est pourtant considérablement étendue. Le long article dédié à l’art culinaire ébauche une histoire de la cuisine qui aurait graduellement gagné en délicatesse. Cette conquête était déjà bien avancée sous François Ier puis
Catherine de Médicis ajouta encore à ces raffinements, par d’intelligentes importations de la cuisine italienne. Nous devions déjà à l’Italie les melons, dont la meilleure espèce rappelle encore le nom de la ville de Cantalupi ; sous Charles IX, nous lui empruntâmes l’art de préparer les excellents ratafias connus alors sous le nom de rossolis ; un certain comte Frangipani inventa, pour nous, les gâteaux pétris dans la crème d’amandes qui ont gardé son nom ; enfin, selon M. de Paulmy (Mél. d’une gr. biblioth., tom. III, p. 86) ce sont les officiers de quelques ambassadeurs italiens qui nous firent connaître les glaces, les mousses, le vermicelle, le macaroni et qui créèrent chez nous l’art de la confiserie.117
74La tonalité de ce bref inventaire est nettement positive – la réprobation de Jaucourt n’est plus de mise. Les « intelligentes importations », qui ne sont pas toutes dues à Catherine, relèvent de trois catégories : des produits bruts (fruits et légumes), des productions élaborées (ici les glaces et les ratafias) et des hommes (des créateurs, cuisiniers ou non).
Fruits et légumes
75Comme produit venu d’Italie, l’Encyclopédie du dix-neuvième siècle cite les melons. L’information provient sans aucun doute de Le Grand d’Aussy qui se fiait quant à lui au De re cibaria de Bruyérin-Champier (1560) : « […] quoique l’on commençât à les [les melons] cultiver beaucoup en France, y étaient néanmoins assez récens, & […] on les devait probablement aux conquêtes de Charles VIII en Italie [… ]118. » Cette datation a ensuite été généralement reprise119. Précisons toutefois que le melon était cultivé dès la fin du xive siècle à Avignon, des variétés peut-être apportées par les Arabes en Espagne. Ce serait par contre le « cantaloup », en provenance d’Italie, qui séduisit Paris à l’orée du xvie siècle120.
76Artichauts et haricots sont eux aussi très souvent présentés comme des importations italiennes de la Renaissance. Le Grand d’Aussy considère que les artichauts étaient appréciés durant l’Antiquité avant de tomber dans l’oubli et de ne connaître un retour en grâce qu’au xvie siècle, d’abord en Italie puis, presque aussitôt, en France – songeant à L’Isle des Hermaphrodites, il souligne que des artichauts étaient consommés « aux repas voluptueux de Henri III et de ses mignons121 ». Tout en insistant sur l’amour de Catherine pour cette plante, Georges Gibault, dans son ouvrage de référence, Histoire des légumes, paru en 1912, indique que l’artichaut était en grande vogue dès la première moitié du xvie siècle en France122. L’Histoire à table (1972) d’André Castelot a donc peut-être innové en avançant que les artichauts étaient arrivés en France dans les bagages de Catherine123. Quarante ans plus tard, la publicité du label régional « Prince de Bretagne » prétend que ce fut elle qui apporta le « carciofo » lombard à la table des rois de France124. Un rapprochement né de la fameuse indigestion contée par Pierre de L’Estoile ? Au demeurant, c’est bien via l’Italie que ce végétal, apparu dans les jardins arabo-musulmans d’Espagne depuis le xiie siècle, gagne la France 400 ans plus tard125. Que la faiblesse de Catherine pour ce mets dont elle put se délecter durant sa jeunesse toscane ait favorisé son adoption à la cour n’est évidemment pas à exclure mais, sur ce point, comme toujours, les sources sont muettes.
77Pour ce qui est du haricot, Le Grand d’Aussy, dans la liste de variétés connues, incluait « ceux de Meaux, de Lân, de Soissons, de Hollande, de la Suisse, du Mississipi, d’Amérique et celui de Prague, autrement le haricot de la Reine, ainsi nommé parce que ce fut à la feue Reine [Marie Leszczyńska] qu’il fut présenté126 ». Gibault observait que le haricot ne se banalisa qu’à partir du xviiie siècle127. Comme pour l’artichaut, l’idée selon laquelle nous devons le haricot à Catherine est donc récente. Elle provient de l’interprétation qui a été faite d’un article paru dans La Presse Médicale en janvier 1936. Dans cet exposé sérieux et minutieux, Ferdinand Gidon, médecin caenais, conclut, avec la plus grande circonspection, qu’il n’est pas impossible que le haricot soit arrivé en France « dans la corbeille de mariage de Catherine de Médicis128 ». Se référant à ce travail, Gottschalk, douze ans plus tard, transforma cette hypothèse en certitude :
C’est à un chanoine de Bellune, Piero Valeriano, qu’on doit la diffusion du nouveau légume comme l’a montré le professeur Gidon (Presse médicale, 18 janvier 1936). Il avait reçu du pape Clément VII quelques semences provenant des Indes [occidentales], vers 1528, et en fit la culture dans des pots […]. La culture, grâce à la propagande du bon chanoine, se répandit vite dans l’Italie du Nord […], et il en était tellement fier qu’il demanda à Alexandre de Médicis de donner une abondante provision de ces graines à sa sœur Catherine, alors fiancée au Dauphin de France. Il faut donc admettre, avec le professeur Gidon, que ce fut dans la corbeille de mariage de Catherine de Médicis que le haricot pénétra en France.129
78Emmanuel Le Roy Ladurie a puissamment insisté sur le rôle de l’Italie en matière horticole. Il assure que « c’est la Renaissance italienne, la prépondérance italienne même qui donne aux jardins du Midi leur nouveau visage, après 1500130 ». Une « Renaissance horticole » aurait couru de François Ier à Louis XIII et métamorphosé les anciens potagers cantonnés, jusqu’au xve siècle, aux poireaux, choux et navets. À l’historien d’établir l’inventaire de ces produits récemment acclimatés : les artichauts, la vaste palette des salades romaines, les cougourdes, les salsifis, de multiples variétés de choux – dont les choux-fleurs (et, complèterons-nous, les brocolis). « Sur toute la ligne l’Italie de la Renaissance impose ses goûts, ses plantes, ses variétés nouvelles131. » Il repère un flux sud-nord qui permet à des variétés de transiter par les « civilisations jardinières de la Méditerranée, relais anciens et toujours efficaces », des variétés originaires de contrées lointaines. Tous s’acclimatèrent d’abord sur les franges méridionales du royaume – Comtat Venaissin inclus –, avant de remonter vers le Nord.
79Ces cheminements sont d’autant plus intéressants pour nous qu’ils ne s’appliquent pas uniquement à des évolutions locales mais sont susceptibles de concerner directement la table des rois de France, eux qui enrôlèrent des jardiniers italiens durant tout le xvie siècle. Pacello da Mercogliano est ainsi recruté par Charles VIII et servit la couronne jusqu’à sa mort en 1534, à Blois et Amboise notamment132. Jérôme de Naples était lui employé au château de Blois sous François Ier133. Est-ce un hasard si le monarque, séjournant à Meudon en 1537, se fit livrer des asperges, des artichauts et divers fruits et légumes de ses terres blésoises134 ?
80Mais davantage que la simple irruption de variétés nouvelles, c’est, pour nombre d’historiens de l’alimentation, le goût des légumes que les Italiens auraient transmis aux Français. Cette question est de grande importance car la valorisation des légumes constitue l’un des traits distinctifs de la cuisine française qui prend forme au xviie siècle, en rupture complète, donc, avec les pratiques médiévales. Alberto Capatti et Massimo Montanari, après avoir rejeté le « mythe italien », avancent que nous tiendrions là la véritable contribution italienne au renouveau gastronomique français du Grand Siècle. Et de citer les petits pois frais dont raffolait la cour de Louis XIV et qui figuraient déjà dans les recettes de Maestro Martino ou Bartolomeo Scappi135.
81En effet, depuis des siècles les élites italiennes aimaient les légumes bien plus que le reste de l’Europe. Et, en effet, les textes culinaires français montrent une progression sensible de leur utilisation dès le xvie siècle – et spectaculaire au xviie. Une progression qui englobe les espèces récemment découvertes et celles traditionnellement dédaignées par les élites, telles que les champignons, les asperges, les cardes136. Une remarque qui paraît corroborée par plusieurs études de cas, hélas encore rares, par exemple les travaux de Marjorie Meiss-Even sur les consommations alimentaires des Guise137.
82Nous sommes bien en peine de saisir pourquoi la cuisine française, celle prisée au sein des maisons aristocratiques, a subi cette mutation. La présence massive de transalpins, avec quelques éminents personnages parmi eux, leur importance au sein des différentes maisons royales, sous Henri III notamment, rendent la piste italienne parfaitement tentante et plausible138. Il n’empêche, affirmer l’origine italienne de ce processus relève de la simple hypothèse.
83Un éclairant contre-exemple montre d’ailleurs les limites de cette interprétation. Délaissons un instant le potager pour les graisses de cuisson. Étudiant les livres de cuisine, Jean-Louis Flandrin a d’abord repéré les légers progrès du beurre en Italie à compter du milieu du xve siècle – l’huile d’olive et le lard régnaient jusqu’alors sans partage. Cette montée ne fera ensuite que s’amplifier. Parallèlement, on assiste en France à un rejet de l’huile pendant que le beurre, consommé depuis toujours, est, lui, de plus en plus employé à partir du xvie siècle. Il deviendra ensuite l’un des grands marqueurs de la cuisine nationale. En un mot, pour ce qui est du gras, la France s’éloigne de l’Italie à double titre, tandis que l’Italie tendrait, elle, à se rapprocher d’habitudes septentrionales139.
84On raisonne en somme par induction lorsque l’on convoque l’explication italienne : on la sollicite quand elle s’accorde avec le phénomène observé – l’engouement pour les légumes – et on la délaisse quand les faits lui donnent tort140. Réduire un phénomène aussi complexe que l’évolution des structures du goût – la formule est de Jean-Louis Flandrin – à la fascination qu’aurait exercé une contrée étrangère semble de surcroît par trop simpliste et réducteur. Car peut-on isoler la place croissante laissée aux légumes – dont on ne perçoit que les prémices à la Renaissance – du système que constitue la gastronomie française au xviie siècle ? Des schémas interprétatifs plus larges ont été proposés. Jean-Louis Flandrin avance que le desserrement des contraintes religieuses a sans doute eu un impact fondamental dans la relégation de l’huile en Europe du Nord puisque initialement celle-ci était en priorité utilisée lors des jours maigres141. L’art culinaire qui s’épanouit au Grand Siècle a également été décrit comme l’un des champs où s’exprime l’esthétique classique, donnant forme à une cuisine où les saveurs doivent être identifiables et distinctes142. Ces explications, sans récuser l’hypothèse italienne, rappellent que celle-ci n’est ni nécessaire ni suffisante pour rendre compte de l’évolution des goûts français de la première modernité.
Liqueurs et eaux d’Italie
85Parmi les produits élaborés que compte la courte énumération de l’Encyclopédie du dix-neuvième siècle figurent les liqueurs. Une spécialité à l’égard de laquelle Catherine, depuis trois siècles, s’est vue octroyer un rôle plus ou moins notable selon les ouvrages143. En 1900, Paul Clacquesin, auteur d’un travail de qualité sur l’Histoire de la communauté des distillateurs, assure que ce sont les liqueurs légères introduites par Catherine et Marie de Médicis qui popularisèrent la consommation de ces breuvages en France144. L’Encyclopédie des vins & des alcools d’Alexis Lichine, publiée pour la première fois en 1980 et maintes fois rééditée depuis, se contente d’indiquer que Catherine de Médicis apporta quelques recettes avec elle145.
86Delamare ne prétendait pas que la France avait découvert les liqueurs grâce aux Italiens qui emboîtèrent le pas de Catherine, il croyait plutôt que ces étrangers avaient permis l’introduction d’une nouvelle génération de liqueurs, les unes rafraîchissantes, les autres « chaudes », autrement dit alcoolisées. Les premières sont des eaux sucrées aromatisées. Les plus prisées, à lire Delamare, étaient celles aux agrumes (limonades, orangeades) et les sorbets. Pour les liqueurs chaudes, il se contente de lister les plus appréciées : le rossolis – composé « d’eau-de-vie brûlée, de sucre & de cannelle, & de quelques parfums146 » – ; le populo – une « espèce de rossolis fort léger et délicat, qui se fait avec de l’eau commune, de l’esprit de vin, du sucre, de l’essence d’anis, de celle de canelle (sic), & un peu de musc & d’ambre » ; les ratafias147…
87En 1728, le Traité des liqueurs de François-Guislier du Verger dresse plus longuement les louanges de l’Italie, mère patrie des liqueurs. Les « rafraîchissantes » auraient vu le jour dans l’empire turc, néanmoins, en Italie, « de tems immémorial on prépare dans ce païs des liqueurs pour rafraichir ». Et si les nations voisines ont tout appris d’elle, l’Italie continue de les surpasser grâce à son savoir-faire et à l’incomparable qualité de ses fruits148. Quant aux liqueurs chaudes, sans avoir inventé l’eau-de-vie, les Italiens furent là encore précurseurs en incorporant de l’esprit de vin et des arômes à l’ancestral hippocras des Grecs. Suivirent le populo, le rossolis piémontais, le pericot… Du Verger admet toutefois que la Provence et le Languedoc ont fini par être sans égal en ce domaine149.
88Le Grand d’Aussy donne sa propre version. Pour lui, les liqueurs à l’eau-de-vie
ne commencèrent à être connues et recherchées en France que quand Catherine de Médicis vint en 1533 épouser, pour le malheur du Royaume, le dauphin, fils de François I. Les Italiens qu’elle amenait à sa suite, ceux qu’attira chez nous son crédit quand elle fut reine, y répandirent l’usage de ces boissons voluptueuses que le luxe avait déjà rendues communes chez eux. Peu-à-peu elles s’accréditèrent et prirent enfin tant de faveur que Sully (an. 1604) examinant quels sont les objets de luxe qui coûtent le plus aux Français, compte dans ce nombre les festins et les liqueurs. D’entre toutes néanmoins, celles que la mode accrédita principalement furent le rossolis et le populo.150
89Le Grand d’Aussy s’appuie ici sur Delamare. C’est l’unique legs que l’Histoire de la vie privée concède à la reine. Il affiche à son tour le peu d’estime en lequel il tient la souveraine – on tendrait à se demander si l’intérêt qu’il porte aux questions culinaires n’a pu susciter chez lui une certaine répugnance à associer la gastronomie à cette sombre figure. Quoi qu’il en soit, Le Grand d’Aussy étant abondamment lu au xixe siècle, l’Histoire de la vie privée, en associant Catherine aux liqueurs, a contribué à fonder une certitude qui a perduré jusqu’à nos jours.
90La chronologie se révèle en réalité compliquée à établir. Au Moyen Âge, les apothicaires élaboraient une large gamme de types de préparations. Ainsi, les juleps étaient des potions très sucrées – moitié d’eau pour moitié de sucre (ou de miel) –, les juleps rosat et violat étant les plus utilisées. Par la suite – dès le xvie siècle ? –, la teneur en sucre diminua, les juleps devinrent des eaux distillées mélangées à des sirops151. Les « eaux », distinctes des infusions ou des décoctions, étaient, elles, issues de la distillation (eau de rose – de loin, la plus courante –, de sumac, d’oseille, de réglisse, de sureau…). Elles servaient principalement de base pour des préparations plus complexes intégrant, entre autres, du sucre ou du miel. Les alcools appartenaient eux aussi à l’arsenal des apothicaires médiévaux, notamment des vins et des vins médicinaux – vins additionnés d’ingrédients divers, tels l’hypocras, ou dans lesquels des fruits, des plantes, ont été mis à macérer (vins de coing, d’acacia…). On y incorporait éventuellement du sucre afin d’en corriger l’amertume. Les eaux de vie étaient assez peu employées, sans doute en raison de l’empreinte arabo-musulmane sur la pharmacopée occidentale152.
91Ces savoir-faire prospérèrent à la Renaissance. On distille de tout. La Maison rustique d’Estienne et Liébault en rend bien compte. Il y est expliqué comment obtenir des eaux-de-vie – efficaces contre mille maux – et l’on distille le vin comme on distille le sang de canard ou les excréments humains – la fiente de roux étant souveraine contre les ulcères153. Au xvie siècle, les « eaux » sont d’abord des distillats et des médicaments. On ne les ingère d’ailleurs pas obligatoirement. En 1600, le médecin d’Henri IV, Nicolas-Abraham de La Framboisière, dresse un impressionnant inventaire d’eaux distillées « pour embellir la face154 ».
92Si une consommation hédoniste de cet arsenal de mixtures émerge au xvie siècle, on peine à l’appréhender. En France, si l’on se fie à Bruyérin-Champier, lorsque ses contemporains souhaitaient se désaltérer, ils buvaient de l’eau mêlée soit de miettes de pain soit de vinaigre soit de sucre ou de sucre rosat. Les confiseurs réalisaient des tisanes faites de réglisse, d’orge mondé, de figues sèches, de raisins secs ou de pruneau155. Les plus fortunés s’offraient des juleps, de l’eau ou du vin de cannelle156. Bruyérin-Champier se réfère constamment aux avantages thérapeutiques de ces breuvages et on remarque le statut ambigu du julep – issu des officines des apothicaires mais désaltérant. Sans supposer que l’ancien médecin de François Ier ait été exhaustif, il n’aurait pas manqué de s’attarder sur les eaux sucrées mêlées de fruits ou les eaux-de-vie si elles avaient été bues ordinairement. En Italie, les traités de maîtres d’hôtel ne sont pas plus loquaces, que ce soit Messisbugo ou Domenico Romoli, dont le chapitre sur les boissons se limite à l’eau et au vin157. Scappi n’aborde pas ce sujet – ce qui est certes logique – et l’appendice sur la distillation d’I discorsi ne i sei libri della materia medicinale di Pedacio Dioscoride Anazarbeo de Pietro Andrea Mattioli (1557) ne s’intéresse que très accessoirement aux procédés qui donneront les futures liqueurs à succès. Seuls les traités destinés aux apothicaires dissertaient sur ces boissons alors confectionnées à des fins médicales158.
93On sait que dans l’Angleterre des Tudors, la gentry pratiquait la distillation et que les recettes d’eaux-de-vie arrangées se banalisaient. Celles-ci étaient pareillement vues comme des remèdes mais les propriétés digestives qu’on leur prêtait permettaient leur conversion en boissons d’agrément – à l’instar des traditionnels hypocras. Une activité qui incombait en priorité aux femmes comme en témoigne les manuels d’économie domestique alors publiés, le Delightes for Ladies de Hugh Plat (1602) ou The English Huswife de Gervase Markham (1615159). Tout laisse à penser que des habitudes comparables s’étaient développées en France et en Italie160.
94Au cours de la première moitié du xviie siècle, il est clair que la gamme des breuvages commercialisés en France s’élargit considérablement. Ils sont sortis de la sphère domestique et relèvent alors de plus en plus nettement d’une consommation plaisir. Les « eaux » cessent de qualifier en priorité les distillats, elles désignent les boissons désaltérantes en général – auxquelles on continue de prêter des vertus médicinales161. Ainsi la limonade, Bruyérin-Champier n’en dit mot lorsqu’il énumère les usages auxquels se prête le citron162. Selon Le Grand d’Aussy, la limonade – eau sucrée aromatisée au citron – commença à être commercialisée à Paris vers 1630163. On ne sait d’où il tient cette date ronde mais elle correspond à ce que l’on devine en creux : la limonade devient à cette époque une boisson de plaisir en compagnie des autres eaux à base de fruits164.
95Or l’apparition de l’expression « eaux d’Italie » accompagne cette évolution. En 1654, elle est absente des Délices de la campagne et du chapitre où Bonnefons aborde brièvement les boissons composées de sucre, d’eau-de-vie ou d’esprit de vin, d’essences et de jus divers – il y inclut le rossoli et le populo165. La limonade, objet d’un chapitre à part, est la seule mixture rafraîchissante proposée au lecteur – une eau sucrée citronnée à laquelle on adjoindra, si on le désire, du musc et de l’ambre166. En 1662, dans L’Escole parfaite des officiers de bouche, on trouve une rubrique « Eaux d’Italie » qui regroupent treize eaux aromatisées sucrées (de jasmin, de fleur d’orange, de framboise, de citron167…). La rubrique suivante, « Les breuvages délicieux », recouvre, elle, un ensemble très hétéroclite : hippocras de vin rouge, de vin blanc, rossolis, populo, sorbec (sorbet) d’Alexandrie, limonade, vin brûlé168…
96En 1692, le Traité ou la véritable manière de faire toutes sortes d’eaux et de liqueurs à la mode d’Italie, quatrième livre de la Maison réglée d’Audiger, est plus diversifié encore. Il comprend l’hippocras, la limonade, le ratafia, des sirops variés et une multiplicité d’« eaux » qui sont indifféremment alcoolisées (eau d’angélique, de cannelle…) ou non (eau de fraises, de cerises, de grenades169…). Quant à l’expression « liqueurs d’Italie », on la trouve la même année dans l’anonyme Nouvelle instruction pour les confitures, les liqueurs et les fruits. Les hippocras en sont cette fois exclus – sans doute parce qu’aucune distillation ni l’ajout d’aucun distillat n’intervient dans leur réalisation170. En dépit d’une taxinomie parfois aléatoire, l’appellation « eaux d’Italie » s’applique aux eaux sucrées aromatisées et les « liqueurs d’Italie » recouvrent soit des préparations à base d’eau-de-vie soit des mélanges à base de vin comportant ensuite une phase de distillation.
97On serait tenté de s’incliner devant l’évidence et d’admettre que ces préparations proviennent bel et bien d’outre-monts. Des zones d’ombre subsistent néanmoins. Ce n’est en effet qu’au xviiie siècle qu’on commença à explicitement leur prêter une origine italienne. Quand Audiger raconte avoir résidé en Italie en 1659-1660 afin de « sçavoir faire en perfection tout sorte d’eaux tant de fleurs que de fruits, glacées & non glacées », il rend hommage à l’expertise italienne – liqueurs alcoolisées comprises – mais ne suggère absolument pas que ses professeurs transalpins aient créé ces boissons171. En l’occurrence, on a du mal à voir en quoi une inspiration italienne serait nécessaire, en particulier pour ce qui concerne les eaux sucrées. C’est le raisonnement tenu de manière implicite par Le Grand d’Aussy à propos de ces dernières172.
98L’enquête à mener dépasse le cadre de la présente étude. Au final, l’impression qui se dégage est que l’origine italienne des liqueurs, au sens large, est des plus discutables. L’Italie a peut-être su s’en faire une spécialité – Audiger en témoigne et la célébrité du rossolis de Turin remonte au moins au milieu du xviie siècle173. C’est cette réputation, postérieure à la Renaissance, qui aurait donné naissance aux appellations « eaux et liqueurs d’Italie ». Des appellations qui, quelques décennies plus tard, ont donné à penser à Delamare et consorts que la péninsule était le berceau de ces breuvages.
Glaces et sorbets
99Quid des glaces ? Une fois n’est pas coutume, selon l’Encyclopédie du dix-neuvième siècle, on l’a vu, Catherine ne serait pas impliquée dans leur adoption par les Français. Le compilateur se réfère au Précis d’une histoire générale de la vie privée des François du marquis de Paulmy et de Contant d’Orville (1779), où l’on peut lire que les glaces seraient arrivées en France « presque de nos jours » grâce aux officiers italiens de divers ambassadeurs et cardinaux174. La même année, un certain Dubuisson, « ancien maître distillateur », compose un traité où il explique qu’il est généralement admis qu’en 1655 ou 1660 un Florentin, Procope Couteaux, fit découvrir la glace aux Parisiens175. Une hypothèse erronée – Procope est né en 1650176 –, reprise par Le Grand d’Aussy avec circonspection177 mais qui se transforma en certitude dans de nombreux textes du xixe siècle. Procope, parfois Florentin parfois Palermitain, au gré des auteurs, devint soit l’inventeur des glaces soit l’homme qui les diffusa à Paris178.
100L’habitude consistant à consommer des breuvages frais ou froid en y mêlant de la neige ou de la glace s’est répandue en Italie au cours de la seconde moitié du xvie siècle179. Une maîtrise technique croissante a ensuite permis l’apparition d’usages nouveaux, le service de fruits sur de la glace ou l’élaboration de décorations de table glacées par exemple180. De ces pratiques et de ce penchant pour le froid seraient nés au cours du premier xviie siècle les sorbets – au sens actuel du terme – et les crèmes glacées. Dès 1589, dans la seconde édition de Magia Naturali, Giambattista della Porta exposait comment congeler du vin dans un verre en plongeant celui-ci dans un mélange de salpêtre et de neige. Certes, la description de ce procédé dans un ouvrage savant ne signifie pas, loin de là, qu’il fut mis en œuvre par les cuisiniers de l’époque181. Il faut en tous les cas attendre 1694 et le second volume de Lo Scalco alla Moderna d’Antonio Latini pour voir présentés, en langue italienne, des sorbetti (glacés donc) et autres acque aggiacciate182.
101Si l’on se fie à L’Isle des Hermaphrodites, le rafraîchissement des boissons est apparu à Paris, au moins à la cour, dès le dernier tiers du xvie siècle. Le narrateur remarque que ses hôtes ont aménagé des réserves de glace et de neige qu’ils mettent ensuite dans leur vin183. Cette pratique a lentement progressé durant le règne de Louis XIII. Il s’agit certainement d’une étape nécessaire pour en venir aux crèmes glacées. On a vu que le séjour d’Audiger en Italie visait, selon ses propres termes, à « sçavoir faire en perfection tout sorte d’eaux tant de fleurs que de fruits, glacées & non glacées » – ce sont notamment les « eaux d’Italie » que l’on transforme en glace. Dans ce passage, répétons-le, Audiger s’incline devant l’excellence transalpine en la matière mais laisse entendre que ces préparations n’étaient pas totalement inconnues de ses compatriotes à cette date. D’autant qu’a contrario il n’hésite pas à dire qu’il est de ceux qui lancèrent la mode du chocolat chaud, du thé et du café en France. On s’abstiendra de tirer des conclusions assurées de ce texte184. En 1682, douze ans avant Latini donc, Le Nouveau confiturier françois donne une recette de crème glacée, une « neige de fleur d’orange185 ».
102Dans ce tableau général, la filière ibérique ne doit pas être oubliée. Le recours à la glace et à la neige s’est développé en Espagne sous le règne de Philippe II – par conséquent simultanément à l’Italie186. La plus ancienne recette de crème glacée couchée par écrit se trouve d’ailleurs, semble-t-il, dans un manuscrit inédit de Lady Fanshawe, épouse de l’ancien ambassadeur anglais à Madrid, manuscrit rédigé au milieu des années 1660187. Doit-on s’étonner si c’est en Languedoc que, dès 1665, le Catalogue des Marchandises rares […] qui se débitent à Montpelier de Jean Fargeon répertorie un sorbet glacé ? Sans en donner la composition, Fargeon précise qu’on le « boit tout en glaçon » en le congelant grâce à un récipient plongé dans un mélange de glace et de salpêtre. Ces sorbets, note-t-il, se transportent dans des pots de terre et se vendent trois livres la livre188. Quant à Antonio Latini, premier Italien à avoir publié des recettes de glace, rappelons qu’il pratique, à Naples, une cuisine marquée par l’Espagne à destination d’une cour espagnole189.
103En résumé, l’utilisation de neige et de glace, incorporées aux boissons dans un premier temps puis employées à des fins multiples, décorative notamment, a d’abord conquis l’Europe méridionale (Espagne et Italie) avant de timidement atteindre la France du Nord, la cour, sous Henri III. Il conviendrait du reste de distinguer des usages locaux, dont la cartographie est complexe à dresser, des habitudes prises au Louvre. Les Français ont pu entrer en contact avec cette pratique via différents canaux190. Là se situe la véritable étape décisive ; une fois ce mode de consommation découvert, les Français comme les Italiens en sont venus à fabriquer des glaces avant – vers ? – 1650, bien qu’aucune datation fine ne soit possible à partir des sources imprimées. Néanmoins, même si des zones d’ombre subsistent, il est probable que l’Italie, et Naples en particulier – terre espagnole –, jouissait d’une certaine avance en la matière. Pour autant, une éventuelle importation de techniques italiennes n’est absolument pas documentée et nullement nécessaire191.
104C’est Brillat-Savarin qui installa Catherine au sein de cette genèse des gourmandises glacées, une histoire à laquelle elle aurait donc dû rester totalement étrangère. Discourant sur le sucre, l’auteur de La physiologie du goût signale que « les glaces sont d’origine italienne » et que leur « importation paraît due à Catherine de Médicis192 ». Une assertion probablement inspirée par Le Grand d’Aussy tandis que l’éminent rôle culinaire généralement attribué à la mère d’Henri III incita sans doute Brillat-Savarin à la mettre à contribution. En 1835, Abraham Hayward, dans The Quarterly Review, note qu’il est clairement établi que les « professeurs » en gastronomie italiens entourant Catherine firent pénétrer « the use of ices » en France193. En 1861, Isabelle Mary Beeton, avec son très populaire Book of Household, colporte à son tour cette fable194. Douze ans plus tard, dans sa monumentale étude de Paris, Charles Lefeuve prétend que le Sicilien Procope Cultelli, grand-père de François Procope, le fondateur du célèbre café du même nom, serait venu à la suite de Catherine de Médicis. Il fonda une maison de bain où des sorbets étaient servis195. Cet aïeul sorti du néant et probablement fictif permet de renouer avec la chronologie classique : Procope ne disparaît pas mais Catherine retrouve une position digne de son statut coutumier. Certes, dans le contexte de la fin du xvie siècle, le sorbet est une boisson et non une glace mais la chose est ignorée des lecteurs des années 1870 et des générations suivantes196.
105La légende peut ensuite croître, s’étoffer et, sous différentes formes, parvenir jusqu’à nous. En 1891, Pellegrino Artusi, dans sa Scienza in cucina, se fait l’écho de toutes ces versions : « On lisait dans un journal italien que l’art des glaces est surtout italien, que l’origine des glaces est ancienne et que, à Paris, les premières glaces ont été servies à Catherine de Médicis en 1533. Il ajoutait que le secret ne quitta pas le Louvre car les pâtissiers, cuisiniers et glaciers florentins du palais royal n’enseignèrent leur art à personne ; en conséquence, les Parisiens attendirent encore plus d’un siècle avant de goûter les glaces. » Artusi affirme avoir recherché en vain des preuves pour étayer ce récit et que les glaces ne rencontrèrent le succès à Paris qu’à partir de 1660, quand Procopio Coltelli, un Palermitain, ouvrit le fameux café Procope en face de la Comédie-Française197.
106Procope et Audiger198 ont donc parfois été mis à l’honneur ; le Larousse gastronomique de 1938 préfère, pour sa part, rendre hommage aux glaciers de Marie de Médicis199. Catherine semble néanmoins conserver la prééminence sur les autres présumés précurseurs. En 1954, The Art of Eating de M.F.K. Fisher rappelle que les cuisiniers de Catherine furent à l’origine de l’arrivée des sorbets en France200. Dans l’édition 2012 du Larousse gastronomique, on peut lire que « dès les années 1550, les limonadiers italiens ont appris aux Français à confectionner des sorbets, puis, un siècle plus tard, des glaces201 ». On peut encore une fois douter que tout lecteur ait en tête que les sorbets du xvie siècle ne sont pas des glaces. Enfin, récemment, le Gelato Museum, qui a ouvert ses portes en septembre 2012 en banlieue de Bologne, a choisi de lier le nom de Cosimo Ruggieri, astrologue et conseiller de Catherine, à l’introduction du sorbet en France – un sorbet en l’occurrence synonyme de glace. Sur la toile, les articles et les commentaires relatifs au musée ne s’embarrassent pas du conditionnel et Ruggieri est désormais régulièrement présenté comme l’inventeur des glaces202.
Douceurs et confiseries
107Au rayon des spécialités sucrées, nous l’avons vu, l’Encyclopédie du dix-neuvième siècle cite également l’art de la confiserie au nombre des bienfaits dus à l’Italie. Un contemporain, l’auteur gastronomique Frédéric Fayot, loue Catherine, grâce à qui « la confiserie, cette poésie de la table, reçut un grand éclat », résume-t-il203. En 1910, Armand Lebault explique, lui, que la jeune princesse se rendit en France accompagnée de confiseurs204. Plus près de nous, l’introduction d’une édition récente du Traité des confitures de Nostradamus, truffée d’erreurs et d’approximations, fait la part belle au « mythe italien ». Le couplet sur Catherine de Médicis nous est épargné mais on y apprend que la fabrication des fruits confits et des confitures commença en Italie au xve siècle avant d’être adoptés par la noblesse de France ou que les Italiens inventèrent la meringue et le massepain205.
108Lorsque Jean-François Revel s’appliqua à dissiper ce qu’il appela le « fantôme des Médicis », il n’en concéda pas moins aux Italiens de la Renaissance la qualité de « novateurs radicaux » en matière de raffinements sucrés – pâtisseries, friandises, confitures, pâtes de fruits et des architectures de sucres. « Dans ce domaine l’Europe leur doit tout », juge-t-il et tel serait, à le lire, « le seul apport véritablement neuf de la Renaissance en matière gastronomique206 ». À l’appui de cette thèse, Revel renvoie au Décaméron, au milieu du xive siècle, où abonderaient des douceurs de toutes sortes. Il affirme en outre que la France découvrit les confitures et les fruits confits grâce au Bastiment de recettes, livre publié en 1529 à Venise et traduit en français dix ans plus tard207. Les premiers ouvrages français sur l’art de la confiserie, poursuit Revel, ne virent le jour qu’au cours de la seconde moitié du xvie siècle, le plus fameux étant, en 1555, l’Excellent et moult utile opuscule à tous nécessaire de Nostradamus208.
109En réalité, dès la fin du Moyen Âge, partout en Occident, confitures et confiseries font déjà partie intégrante de tout festin qui se respecte209. À partir du xive siècle, la consommation de sucre a constamment augmenté au sein des élites européennes. L’essor de la production en Méditerranée occidentale, en Sicile et dans le pays valencien en particulier a permis de répondre à cette demande croissante et de garantir l’approvisionnement de l’Europe du Nord, de l’Allemagne et du Midi de la France. Petit à petit, le sucre cesse d’être cantonné à une stricte utilisation thérapeutique, digestive notamment. Il devient une gourmandise pour la haute aristocratie sous des formes de plus en plus variées : dragées confites, massepains, confitures, pâte de coing, écorces de fruits et fruits confits210… Ces douceurs avaient souvent vu le jour dans le monde arabe où la canne était cultivée ; l’Espagne et l’Italie ont été les portes d’entrée privilégiées de ces savoir-faire. Même le massepain, à qui on a très tôt prêté une provenance italienne, est très vraisemblablement né en Orient211.
110Au xive siècle, les rois de France se fournissent en « médicaments » sucrés auprès d’épiciers ou se les font confectionner par leurs propres apothicaires212. Ces préparations restaient en effet l’apanage de ces deux professions et les premiers traités qui nous sont parvenus portent la trace de cette origine médicale. Ils ne proviennent d’ailleurs pas d’Italie. L’un est catalan, El Libre de totes maneres de fer confits, et fut rédigé au xve siècle ; il comporte 33 recettes, tantôt à base de miel, tantôt à base de sucre (écorces de citrons confits, calebasses, oranges et limons confits…). Le second est français ; un manuscrit de la fin du xve siècle, peut-être destiné à un apothicaire du Mans où l’on constate que le sucre prend nettement le dessus sur le miel213.
111Cette histoire longue affleure dans plusieurs passages de l’Excellent et moult utile opuscule de Nostradamus, qui, ce n’est évidemment pas un hasard, était médecin. Il complète de la sorte notre inventaire de ces Français du xvie siècle ne s’estimant guère redevable envers l’Italie. Lui, qui avait très probablement effectué un séjour en Italie du Nord en 1548-1550 (Venise, Gêne, Savone214…) et qui savait s’incliner devant la valeur des praticiens qu’il y rencontra, exprime toutefois un léger dédain vis-à-vis des Italiens : « J’eusse pensé que le pays d’Italie fusse le souverain pour ce faire [les confitures], mais quand en cet endroit, au moins là où j’ai vu, ils en usent bien golphement [maladroitement]215. » Il admet ici en creux le renom de ces artisans mais ne voit en eux ni des précurseurs ni d’insurpassables maîtres. Ailleurs, tout en signalant la notoriété des productions de Gênes et Venise, c’est d’abord Valence qu’il désigne implicitement comme le haut lieu de la science confiturière216. Sans surprise, l’auteur des Centuries laisse en tous les cas clairement entendre qu’en de nombreuses régions du royaume de France, de la Guyenne à la Provence, la réalisation de confitures était monnaie courante217. En bref, en raison de leur rôle dans le commerce méditerranéen du sucre, les cités italiennes s’attachèrent à valoriser cette matière première mais le succès des confiseries ne se résume pas à la diffusion, sur le continent européen, de confections inventées en Italie. Et même si la haute réputation de la péninsule ne souffre d’aucune contestation, les villes espagnoles, autre espace de mise en contact de l’Orient et de l’Occident et zone de production sucrière, n’avaient rien à envier à leurs consœurs italiennes218. Enfin, la relative banalisation du sucre au sein des élites européennes a, dans de nombreux cas, simplement détrôné le miel pour l’élaboration de confiseries déjà existantes.
112Mais c’est dans la maîtrise des ornements sucrés que la supériorité italienne, vénitienne plus spécialement, brille avec le plus d’éclat219. En la matière, les festivités qui entourèrent la réception d’Henri III à Venise lors de son retour de Pologne en 1574 sont toujours données en exemple. Durant ces réjouissances, le successeur de Charles IX fut frappé par les exploits des experts en spongade, nom donné à ces ornements à déguster. Henri III put admirer une myriade de décorations de table en sucre – deux navires riches d’une infinité de détails, une multitude de figurines sculptées – et, surtout, participa à un banquet où tout était de sucre, de la nappe aux couverts, en passant par les serviettes ou le pain220. N’imaginons cependant pas un quelconque monopole italien. Les artisans anversois n’avaient rien à envier à leurs homologues vénitiens ; les fêtes données à Bruxelles en 1565 à l’occasion du mariage d’Alexandre Farnèse et de Marguerite de Parme en témoignent221.
113En France, six scènes de la vie de Minerve, « six grandes pièces de relief […] de sucre », agrémentèrent la collation offerte par autorités municipales lors de l’entrée d’Élisabeth d’Autriche dans Paris, le 29 mars 1571222. Et, pour nuancer encore davantage ce tableau, rappelons qu’en 1457, le comte de Foix donna un plantureux festin dont le septième service, relate un chroniqueur, « fut d’épiceries & confitures, faites en façon de lyons, cygnes, cerfs, & autres sortes ; & en chacune pièce estoient les armes & devises du Roy223 ».
114Certains identifient un emprunt plus fondamental à l’Italie de la Renaissance : l’intégration croissante du sucre dans les préparations culinaires françaises224. Un souci de chronologie se pose pourtant. Jean-Louis Flandrin a en effet montré que cette augmentation est perceptible dès la première moitié du xve siècle – et, donc, avant cette date dans la pratique. Jusqu’alors, aux xiiie-xive siècles, les apprêts contenus dans les réceptaires français faisaient la part belle aux saveurs acides, là où les ouvrages italiens, catalans ou anglais montraient une claire prédilection pour les saveurs douces. Cette caractéristique inédite de la gastronomie française s’esquisse donc dès la fin du Moyen Âge avant de culminer au xvie siècle – un tiers des recettes contenues dans le Livre fort excellent de cuysine (1542) comporte du sucre dont nombre de plats salés225.
115Faut-il imputer cette petite révolution à la présence anglaise en France puis à l’imitation des goûts italiens226 ? L’élément déclencheur résiderait plutôt dans la découverte du sucre telle que nous l’avons décrite. Cet ingrédient devint familier tout en restant suffisamment cher pour mériter de figurer sur les tables de la noblesse. Car, en France, c’est bien l’utilisation du sucre et non celle des ingrédients édulcorants en général qui augmente, preuve que ce produit répond dans une large mesure à une finalité ostentatoire – ce qu’illustre bien le saupoudrage des mets. Le recours au sucre, tout en étant un trait saillant de la gastronomie de la Renaissance, procédait d’une logique traditionnelle : les élites intègrent à leur nourriture ce signe extérieur de richesse, cette épice, qui fut ensuite délaissée à l’instar des autres épices. Cette explication n’exclut d’ailleurs pas que les liens nouveaux existant entre la France et l’Italie à la fin du xve siècle aient conforté une tendance séculaire.
116On ne peut que reprendre ici une remarque formulée précédemment. L’hypothèse du modèle italien est une interprétation toujours disponible et crédible dès qu’il existe une apparente convergence entre la France et sa voisine méridionale. Mais des évolutions similaires peuvent être parallèles et simultanées sans qu’il faille les décrypter comme l’influence d’une contrée sur une autre. Ajoutons enfin que le triomphe du sucre cesse en France vers la fin du xvie siècle tandis qu’il perdura en Italie227.
Maîtres queux et autres créateurs
117Une fois postulé que l’Italie avait posé les bases de la gastronomie française, la tentation était grande d’étayer cette certitude par des exemples. On en est venu à identifier les créations et les créateurs. M.F.K. Fisher va jusqu’à avancer que les cuisiniers de l’épouse d’Henri II – « Catherine’s Lonesome Cooks » – furent probablement les premiers grands chefs que le royaume ait connus228.
118Personne n’aurait été surpris de voir cité le nom de Frangipani par l’Encyclopédie du dix-neuvième siècle. On lit très souvent, encore aujourd’hui, que cet aristocrate italien a donné son nom à un parfum de son invention, parfum dont on imprégna les gants avant qu’il n’entre dans la composition d’une espèce de pâtisserie, la frangipane. Une préparation dont la recette, fluctuante, contenait toujours de la poudre d’amandes. Sur cette trame générale, les versions divergent. Ce Frangipani aurait appartenu à la suite de Catherine ou aurait été un proche d’Henri III ; il aurait eu le titre de comte ou de marquis ; cuisinier, il se serait appelé Cesare ou Pompeo ; il aurait été florentin ou romain ; il s’occuperait parfois seulement de gants et parfois seulement de gâteaux229… Un tel personnage illustre parfaitement les fluctuations perpétuelles dont s’accommode le « mythe italien ». Chacun semble libre de l’arranger à son gré. Frangipani doit même céder la place à Catherine quand, en 1855, Frédéric Fayot déclara que « ce gâteau délicieux, la crème à la frangipane (chaude), fut composé par Catherine de Médicis ou sur une de ses recettes230 ». C’est la seule et unique fois où nous avons croisé une Catherine cuisinière.
119Tentons de mettre de l’ordre dans cette confusion. Un point ne souffre aucune contestation, le fait que l’expression qualifia d’abord des gants parfumés. Une lettre de Guez de Balzac, en mai 1634, vante la grande réputation des « gants de Frangipani ». L’écrivain en attribue l’invention au marquis Pompeo Frangipani, son contemporain donc, maréchal de camp et grand ami de Bassompierre, qui mourut en juin 1638231. On ne sait toutefois rien de ce parfum et, tandis que l’expression s’étend à d’autres objets, les amandes ne font pas figure d’ingrédient indispensable, loin de là. Dès 1651, Le Cuisinier françois livre une recette de « tourte de franchipanne » dont l’appareil comporte des pistaches et des amandes – La Varenne ajoute cependant : « Vous pouvez faire la tourte de franchipanne de toute autre sorte de cresme232. » En 1653, celle donnée par le Pâtissier françois ne contient plus d’amandes mais des pistaches, des écorces de citrons, des pignons et des raisins de Corinthe, l’ajout d’un peu d’ambre gris et de musc est aussi suggéré233. Le Recueil de curiositez rares, dont la première édition remonte à 1674, donne la composition d’une désaltérante « eau de frangipane » à base d’eau sucrée, de fleur de jasmin et d’essence d’ambre234. En 1693, Le parfumeur françois, de Simon Barbe, comprend une recette de la « poudre de franchipanne » pour les cheveux composée de poudre de Chypre et d’amidon235. Il faut attendre 1721 et le Dictionnaire de Trévoux pour retrouver des « tourtes de frangipane […] faites de crème, de pistaches pilées, d’amendes (sic), de sel, en petite quantité, & de beaucoup de sucre236 ». En clair, il s’agit d’une pâtisserie bien française au nom italianisant.
120Un deuxième nom revient régulièrement, celui de Popelini (nul ne sait son prénom). Sur la toile, un nombre impressionnant de sites se réfèrent à lui, prétendu inventeur de la pâte à choux vers 1540 – en 2011, une pâtisserie parisienne spécialisée dans les choux à la crème fut baptisée d’après son nom237. Popelini semble apparaître au début des années 1890, sous la plume de Pierre Lacam, sans conteste un relais très efficace du « mythe italien » en général238. Quiconque a lu les écrits de ce célèbre pâtissier sera tenté de conclure qu’il n’hésita pas à inventer ce « chef Pasterelli [qui] se nommait Popelini », chef de Catherine de Médicis donc, qui « apportait avec lui la recette d’une pâte desséchée sur le feu, dont il faisait un entremets excellent auquel il avait donné son nom à la cour ; on l’appela plus tard Popelin, au lieu de Popelini239 ». Plutôt que d’imaginer Popelini façonnant le popelin, on supposera surtout que Lacam fit naître Popelini du popelin – et Pasterelli de la pâte.
121Ce récit mit toutefois longtemps avant de faire florès. Il est repris au milieu des années 1960240 et en 1991 dans l’article « Pâtisserie » de l’Encyclopédie de la culture française qui avance que ce « pâtissier de Catherine de Médicis […] serait l’inventeur de la pâte à chou241 ». En 2002, dans Les particules alimentaires de Maurice Bensoussan, l’emploi du conditionnel n’est plus de mise : les cuisines de Catherine « sont dirigées par un certain Pasterelli, originaire de Toscane, qui laisse en héritage un dessert baptisé popelin ou poupelin inspiré de son surnom, Popelini242 ».
122Troisième personnage récurrent : Giovanni/Jean Pastilla, le soi-disant inventeur des pastilles et/ou des pastillages. En 1779, Le Précis d’une histoire générale de la vie privée des Français, se référant à l’évidence aux créations sucrées citées plus haut, indiquait que les pastillages firent leur première apparition en France en 1571 lors de l’entrée d’Élisabeth d’Autriche dans Paris. Aucune référence n’était faite à l’Italie243. Et si Littré, un siècle plus tard, donne le latin pastillus, petit gâteau, comme racine du mot « pastille », en 1897, dans la revue genevoise La semaine littéraire, un article portant sur les sucreries rapporte que la pastille tire son nom de Jean Pastilla, confiseur italien qui l’introduisit en France du temps de Marie de Médicis244. On eut toutefois assez peu recours à cet énigmatique individu avant la fin du xxe siècle. L’Histoire naturelle et morale de la nourriture de Maguelonne Toussaint-Samat, ouvrage à succès paru en 1987, a certainement beaucoup contribué à sa célébrité : « Les pastilles sont dues à Giovanni Pastilla, habile confiseur italien protégé des Médicis », écrit-elle, avant d’affirmer que ce loyal serviteur accompagna l’épouse d’Henri IV en exil à Cologne où, comme elle, il décéda245. D’autres préfèrent rapprocher Pastilla de Catherine, à l’instar de La grande histoire de la pâtisserie-confiserie française de S.G. Sender et Marcel Derrien ou de Janine Garrisson qui en fait l’un des trois pâtissiers de la souveraine246.
123Une petite galerie d’artistes des fourneaux a progressivement pris forme. Le premier à voir le jour n’emprunta, lui, son patronyme à aucune recette. Ce fut un dénommé Berini cité – inventé ? – en 1828 par le Bréviaire du gastronome d’Alexandre Martin. Ce Berini, venu en France avec la gourmande Catherine, aurait été un génie redécouvrant des sauces perdues depuis des siècles – tandis qu’à table la reine décidait de la chute et du trépas de ses ennemis247. Louis-Eustache Ude dans la dixième édition de son ouvrage à succès The French Cook (1829) se contente de recopier le Bréviaire248. Puis Ude inspira William Harrison Ainsworth quand il composa son roman historique, Crichton, publié en 1837. Ainsworth y dépeint le merveilleux Berini, chef d’Henri II, à la fois en instigateur d’une véritable révolution gastronomique et en empoisonneur occasionnel au service des noirs desseins de Catherine249.
124Quiconque a fréquenté les sources relatives à la domesticité et aux officiers de Catherine de Médicis ne peut que s’étonner de voir émerger une telle collection d’individus. Dans l’état de sa maison daté de 1534, on ne repère par exemple aucun patronyme italien chez ses cuisiniers ni, apparemment, de noms francisés250. Émile Picot, qui, au début du xxe siècle, a étudié de manière approfondie la présence des Italiens en France à la Renaissance, explique que les emplois inférieurs de la maison de Catherine étaient en partie occupés par des transalpins. Picot n’identifie aucun maître queux parmi ces modestes officiers généralement inconnus251. Ajoutons que la correspondance de Catherine ne contient qu’une seule allusion à un quelconque métier de bouche, quand, le 1er mai 1555, elle informe Anne de Montmorency de ne pas avoir réussi à avoir le cuisinier du pape que celui-ci souhaitait engager252.
125De Charles VIII à Henri IV, Picot dresse une impressionnante liste d’immigrés originaires d’outre-monts, or, ironiquement, la cuisine paraît être le seul champ où ils n’exercent pas leurs talents253. D’aucuns occupaient toutefois les fonctions de maître d’hôtel : Fabrizio Bobba ou Niccolò Alamanni, respectivement au service d’Henri II et d’Henri III, ou un certain Carelli, recruté par Henri de Guise254. Il n’y aurait a priori rien de surprenant à ce que des cuisiniers soient restés anonymes mais comment imaginer ces supposés génies bouleverser les habitudes culinaires de la cour de France avant de sombrer dans l’oubli sans laisser la moindre trace ? Et quels textes sont censés avoir permis de réveiller leur souvenir ? Enfin, les quelques noms de cuisiniers dont on dispose sont bel et bien français ; tel ce Guillaume Verger, surnommé « Saupiquet », qui servit Henri II, François II et Charles IX. Il accompagnera ce dernier et sa mère lors de leur tour de France de 1564-1566255. Au fil du temps, cet aspect du mythe est celui qui a atteint le plus haut niveau de précision ; il s’est, par là même, le plus éloigné de la réalité.
126À l’inverse, ironie du sort, Francisque Michael Pellegalli, florentin, « écuyer de cuisine bouche », maître queux de Marie de Médicis, a lui réellement existé mais n’a pas vu son nom passer à la postérité. Il avait suivi la souveraine à Paris et, naturalisé en 1608, demeura auprès d’elle au moins jusqu’en 1625. Pour autant, détail digne d’intérêt, l’épouse d’Henri IV mangeait à la mode française – même si elle réussissait de temps en temps à se procurer des saucissons et des fromages d’Italie256.
127Ce travail devra être complété par l’analyse de l’apport italien aux raffinements de la table française de la Renaissance. On serait d’ailleurs tenté de croire que c’est à ce niveau que se situe la marque la plus tangible laissée par l’Italie, que ce soit dans la culture matérielle ou les mœurs. Reste qu’une innovation comme le cadenas, apparu sous Henri II, ne doit rien à l’Italie. Quant à la fourchette, adoptée dès le xve siècle par les élites de la péninsule, elle ne triomphe véritablement qu’au xviiie à travers tout le continent. Catherine peut bien être intronisée « Reine à la fourchette » par un site du ministère français de l’Agriculture257, sur une telle échelle de temps, faire de cet ustensile une sorte de preuve par excellence de l’influence italienne à la Renaissance a-t-il véritablement un sens ? Il en va de même pour les manières de table ou l’organisation des repas ; dans les faits, les comportements en vigueur à la cour des Valois sont fort éloignés des préceptes édictés par les manuels de civilité et le Cortegiano.
128Car ce n’est pas une entreprise de démolition systématique du « mythe italien » que nous avons cherché à mener ici. Nous nous sommes efforcés de présenter un tableau plus complexe et avons tenté d’introduire des temporalités différenciées. Naturellement, la question d’une spécificité de la table française à la Renaissance se pose en raison, d’une part, de l’efficacité inédite du modèle italien au xvie siècle et, d’autre part, de la présence en France, tout au long de la période, d’une importante et influente colonie transalpine – un puissant vecteur rendant possible la rencontre, concrète, avec des produits et des usages d’outre-monts. Il est néanmoins indispensable de dépasser les limites imposées par ce périmètre obligé qu’est la Renaissance et de ne pas appréhender les rapports culinaires entre la France et l’Italie qu’en termes d’influence – une mécanique si aisée à postuler mais si difficile à documenter. Il s’agit de l’un des enjeux essentiels de l’analyse que nous avons menée ici.
129C’est en France que s’est forgée la croyance selon laquelle la haute cuisine française serait née en Italie. On pourrait s’en étonner de la part d’un pays qui, depuis plusieurs siècles, s’enorgueillit d’être la patrie du bien manger par excellence. La force de ce sentiment a au contraire peut-être rendu inoffensives ces soi-disant racines étrangères ; incapables qu’elles étaient d’ébranler la certitude de la supériorité gastronomique nationale. Nous avons analysé l’extension du « mythe italien » dans le temps, la façon dont il s’est amplifié depuis l’aube du xviiie siècle. Nous avons également deviné en filigrane son extension géographique ; cette version de l’histoire a rapidement dépassé les frontières hexagonales.
130La légende a prospéré autour d’une intuition : on ne pouvait concevoir que cette Italie où régnait le faste et le bon goût, cette Italie qui fit renaître les arts, ait pu ne pas contribuer à l’épanouissement de l’un d’entre eux, la cuisine. Fort de cette intuition, une longue série d’auteurs a su faire dire aux sources ce qu’elles ne disent pas. Le mythe s’est construit sur ce qu’il y a de probable ou de possible dans l’influence italienne ; ce qu’il peut y avoir d’exact dans cette fable l’est par hasard. Le paradoxe est que plus le récit s’est gonflé de détails plus il s’en est trouvé légitimé, crédibilisé, et plus il s’est avéré apte à accueillir quantité d’éléments supplémentaires. Il offre de surcroît un relatif confort intellectuel : grâce à lui, l’histoire de la cuisine française dispose d’un point de départ logique, d’un acte de naissance aisément datable. Il simplifie le réel et éclaire des zones d’ombre.
Notes de bas de page
1 Davidson Alan, The Oxford Companion to Food, 2e éd. par T. Jaine, Oxford, Oxford University Press, coll. « Culinary Mythology », 2006, p. 232.
2 Voir entre autres : Ketcham Wheaton Barbara, Savoring the Past : The French Kitchen and Table from 1300 to 1789, Philadelphia, Tre University of Pennsylvania Press, 1983, p. 26 ; Mennell Stephen, All Manners of Food. Eating and Taste in England and France from the Middle Ages to the Present, Illinois, Illini Books Edition, 1996 [1re éd. 1985], p. 62-101 (chap. « From Renaissance to Revolution : court and country food »), passim.
3 Capatti Alberto et Montanari Massimo, La cucina italiana. Storia di una cultura, Roma/ Bari, Laterza, 1999, p. 129.
4 Voir, entre autres, par ordre chronologique : Revel Jean-François, Un festin en paroles. Histoire littéraire de la sensibilité gastronomique de l’Antiquité à nos jours, nouvelle édition revue et augmentée, Paris, Plon, 1995 [1re éd. 1978], p. 141-164 (chap. « Le fantôme des Médicis ») ; Ketcham Wheaton B., Savoring the Past…, op. cit., p. 42-70 (chap. « Festivals, dining, and diners in the sixteenth century ») ; Mennell S., All Manners of Food…, op. cit., p. 63-64 et 70 ; Capatti A. et Montanari M., La cucina italiana…, op. cit., p. 126- 131 ; Rambourg Patrick, De la cuisine à la gastronomie. Histoire de la table française, Paris, Audibert, 2005, p. 77-80 ; Young Carolin C., « Catherine de’ Medici’s fork », dans Hosking Richard (dir.), Authenticity in the Kitchen. Proceedings of the Oxford Symposium on Food and Cookery 2005, Blackawton/Totnes, Prospect Books, 2006, p. 441-453 ; Pinkard Susan, A Revolution in Taste. The Rise of French Cuisine. 1650-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 30-31 ; Capatti Alberto, Il boccone immaginario, Bra, Slow Food Editore, 2010, p. 35-38 ; Leclercq Pierre, « Catherine de Médicis à la base de la gastronomie française », Culture, le magazine culturel en ligne de l’université de Liège, avril 2011 (culture.ulg.ac.be/jcms/prod_426712/catherine-de-medicis-a-la-base-de-la-gastronomie-francaise, consulté le 30 juin 2015).
5 Sabban Françoise et Serventi Silvano, La gastronomie à la Renaissance. 100 recettes de France et d’Italie, Paris, Stock, 1998, p. 46-48 ; Capatti A. et Montanari M., La cucina italiana…, op. cit., p. 127-128.
6 Davidson A., The Oxford Companion to Food, op. cit., art. « Pasta », p. 582-583.
7 Solnon Jean-François, Catherine de Médicis, Paris, Perrin, 2009 [1re éd. 2003], p. 352.
8 Ce point de vue est évident chez : Gottschalk Alfred, Histoire de l’alimentation et de la gastronomie depuis la Préhistoire jusqu’à nos jours, 2 vol., Paris, Éditions Hippocrate, 1948 ; Bensoussan Maurice, La pulsion alimentaire. I. De la fin du Moyen Âge à l’arrivée de Catherine de Médicis, Chatou, L’Arganier, 2009.
9 Dubost Jean-François, La France italienne. xvie-xviie siècle, Paris, Aubier, 1997, p. 320, le signale, mais juste en passant. Même traitement par Heller Henry, Anti-Italianism in Sixteenth Century France, Toronto/Buffalo/London, University of Toronto Press, 2003, en particulier le chapitre « Anti-Italian discourses », p. 114-136 et 181.
10 Smith Pauline M., The Anti-courtier Trend in Sixteenth Century French Literature, Genève, Droz, 1966 ; Dubost J.-F., La France italienne…, op. cit., p. 308-324. Voir aussi Melani Igor, « Di qua » e « di là da’ monti ». Sguardi italiani sulla Francia e sui francesi tra XV e XVI secolo, Firenze, Firenze University Press, 2011, qui consacre un chapitre à Catherine (« Sovrani in cammino. Prima di partire. Ultimi sguardi sull’“italianità” di una Regina di Francia », p. 381-393).
11 L’Estoile Pierre de, Registre-Journal du règne de Henri III, I (1574-1575), éd. par M. Lazard et G. Schrenck, Genève, Droz, 1992, p. 171-172.
12 Franklin Alfred, La vie privée d’autrefois. La cuisine, Genève, Slatkine, 1980 [réimpression de l’édition Paris, Plon, 1888], p. 93-94.
13 « Semper testiculos Gallorum prodiga coenat/ Foemina, et hunc avide quum vorat illa cibum, / Compressis dicit labris : “Sic Gallica castro/ Pector[a], sic Gallos eviro, sic subigo !” » (L’Estoile P. de, Registre-Journal…, op. cit., p. 172.)
14 « Ut foveat lentum Veneris Katerina calorem/ Gallorum cristas, testiculosque vorat./ […] Atque itaque Gallorum Rex incipit esse caponum/ […]. » (Ibid., p. 173 – les traductions sont de nous.) Voir aussi les poésies, pages 188-190 de la même édition. Sur la dimension sexuelle de ces pages, voir par exemple Murphy Stephen, « Catherine, Cybele, and Ronsard’s witnesses », dans Long Kathleen P. (dir.), High Anxiety. Masculinity in Crisis in Early Modern France, Kirksville, Truman State University Press, 2002, p. 55-70, en particulier p. 57-58.
15 Relations des ambassadeurs vénitiens sur les affaires de France au xvie siècle, éd. par N. Tommaseo, 2 vol., Paris, Imprimerie royale, 1838, I, p. 429.
16 Ibid., II, p. 155. Jean Correro est ambassadeur en France en 1569.
17 Discours merveilleux de la vie, actions et deportements de Catherine de Médicis, Royne-mère, éd. par N. Cazauran, Genève, Droz, 1995 [1re éd. 1575]. La gourmandise et la bonne chère sont absentes de l’inventaire détaillé des vices italiens dressé dans les Lunettes de christal de roche par lesquelles on veoyt clairement le chemin tenu pour subiuger la France, à mesme obeissance que la Turquie pour servir de contre-poison à l’anti-pharmaque du Chevalier Poncet, Orléans, T. des Mures, 1576.
18 Estienne Henri, Deux dialogues du nouveau langage françois italianizé et autrement desguizé, principalement entre les courtisans de ce temps de plusieurs nouveautez qui ont accompagné ceste nouveauté de langage de quelques courtisanismes modernes et de quelques singularitez courtisanesques, éd. par P.-M. Smith, Genève, Slatkine, 1980 [1re éd. 1578], p. 195-196.
19 Ibid., p. 196.
20 Ibid., p. 282.
21 Ibid., p. 283.
22 Brantôme Pierre de Bourdeille, seigneur de, Œuvres complètes, V : Grands capitaines françois, couronnels françois, éd. par L. Lalanne, Paris, Renouard, 1869, p. 30.
23 Romier Lucien, Jacques d’Albon de Saint-André, maréchal de France (1512-1561). La carrière d’un favori, Paris, Perrin, 1909, p. 52-53.
24 Brantôme Pierre de Bourdeille, seigneur de, Œuvres complètes, III : Grands capitaines françois, éd. par L. Lalanne, Paris, Renouard, 1867, p. 120-123.
25 Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France. T. XXVI. Mémoires de la vie de François de Scépeaux, sire de Vieilleville, éd. par C.-B. Petitot, Paris, Foucault, 1822, p. 333.
26 Belon Pierre, Histoire de la nature des oyseaux, Paris, Guillaume Cavellat, 1555, p. 62.
27 Ibid., « Discours sur les principales friandises et banquets de diverses nations […] », p. 59-67.
28 La Noue François de, Discours politiques et militaires, Bâle, François Forest, 1587, p. 15-16. Un Discours sur les causes de l’extrème cherté qui est aujourdhuy en France paru en 1574 et généralement attribué à Bernard du Haillan décrit le luxe et l’abondance des tables françaises (la multiplication des plats et des services, la vaisselle précieuse devenue pléthorique) comme l’une des causes de l’inflation. Il ne suggère cependant jamais que ces usages dispendieux auraient été importation étrangère (« Discours sur les causes de l’extrème cherté qui est aujourdhuy en France », dans Cimber Louis et Danjou Félix, Archives curieuses de l’histoire de France, 1re série, t. VI, Paris, Beauvais, 1835, p. 438-441).
29 « Dux Mediolani senior […] habebat cocum egregium quem usque ad Gallos ad perdiscenda obsonia miserat. » (Bracciolini Poggio, Facezie, éd. par M. Ciccuto, Milano, BUR, 1983, p. 130.)
30 Giustiniani Vincenzo, Dialogo fra Renzo e Aniello napolitano sugli usi di Roma e di Napoli, dans Id., Discorsi sulle arti e sui mestieri, éd. par A. Banti, Firenze, Sansoni, 1981, p. 135-158, en particulier p. 154-155. La traduction est de nous. Vincenzo Giustiniani critique en outre les nobles italiens « qui n’usent pas comme en Espagne des mets sucrés et autres mixtures semblables, faciles à réaliser pour les cuisiniers et les maîtres d’hôtel, lesquels s’en remettent davantage au prix et à la douceur qu’à leur travail, alors qu’en France, au contraire, on soigne les mets ordinaires qui sont faits en abondance et avec une grande variété de saveurs et de condiments » (Sabban F. et Serventi S., La gastronomie à la Renaissance…, op. cit., p. 50-51). Un tel passage pourrait accréditer l’idée que certains Italiens perçoivent leur cuisine comme trop sucrée et, si l’on ose dire, plus « médiévale » que celle pratiquée en France. L’ironie permanente qui infuse cette œuvre impose toutefois de l’utiliser avec précaution.
31 Rossetti Giovanni Battista, Dello scalco, Sala Bolognese, Arnaldo Forni, 1991 [réimpression anastatique de l’édition Ferrara, Domenico Mammarello, 1584], « Proemio », n.p. La traduction est de nous.
32 Relations des ambassadeurs vénitiens…, op. cit., II, p. 601-603.
33 Sabban F. et Serventi S., La gastronomie à la Renaissance…, op. cit., p. 46.
34 Meyzie Philippe, L’alimentation en Europe à l’époque moderne, Paris, Armand Colin, 2010, p. 87-94.
35 Montaigne Michel de, Œuvres complètes, éd. par A. Thibaudet et M. Rat, Paris, Gallimard, 1962, p. 294.
36 Ketcham Wheaton B., Savoring the Past…, op. cit., p. 46.
37 Que ce soit en Allemagne, en Suisse ou en Italie, le Journal de voyage fait régulièrement mention des différences entre habitudes françaises et étrangères, que ce soit dans les usages de la table ou l’apprêt des mets. Concernant l’Italie, voir : Bettoni Anna, « Le “nourritures” italiane di Montaigne », dans Montaigne e l’Italia atti del Congresso internazionale di studi di Milano-Lecco, 26-30 ottobre 1988, Moncalieri/Genève, CIRVI/ Slatkine, 1991, p. 469-490 ; Liaroutzos Chantal, « Manières de table : preuve, épreuve, essai. Le Journal de voyage de Montaigne », Chroniques italiennes. Le voyageur et la table italienne, 52, 1997, p. 33-46.
38 Tromas Artus, L’Isle des Hermaphrodites, éd. par C.-G. Dubois, Genève, Droz, 1996, p. 146.
39 Jacqueline Boucher a montré que sur différents sujets – ameublement, vêtements –, L’Isle corrobore les informations fournies par d’autres sources (Boucher Jacqueline, Société et mentalités autour de Henri III, Paris, Champion, 2007, p. 254-255 et 278-280). Pour ce qui regarde la table à la cour d’Henri III cependant, les analyses de l’historienne reposent presque exclusivement sur l’œuvre d’Artus Tromas (Tromas A., L’Isle des Hermaphrodites, op. cit., p. 304-307).
40 Ibid., p. 143 et 146. On trouve également ce terme dans un passage de L’Estoile (« il y avait une crédance ou buffect en fleurs de lis ») mais il s’agit d’une lettre décrivant les festivités données à Florence à l’occasion du mariage d’Henri IV et Marie de Médicis. L’Estoile Pierre de, Mémoires-Journaux. 1574-1611, VII, Paris, Alphonse Lemerre, 1889, p. 240.
41 Crépin-Leblond Trierry, « Dressoir ou buffet », dans Crépin-Leblond Trierry et Ennès Pierre (dir.), Le dressoir du Prince. Service d’apparat à la Renaissance, Paris, Réunion des musées nationaux, 1995, p. 26. Voir l’article ancien d’Edmond Bonnaffé : « Études sur le meuble en France au xvie siècle. Le dressoir », Gazette des beaux-arts, avril 1886, p. 312-326.
42 Sur le cadenas, voir Benporat Claudio, « Argenterie regali sulle tavole europee : il cadenas », Appunti di gastronomia, 37, 2002, p. 75-86. Le cadenas était un petit plateau surmonté d’un coffret destiné à accueillir les couverts, le sel… Le premier exemplaire dont nous ayons trace fut commandé en 1551 par Henri II à l’orfèvre Ascanio de Mari, élève de Cellini. Quand Tromas décrit cet objet, il s’attarde donc sur une invention qui n’est ni à porter au crédit d’Henri III ni d’origine italienne. Il est vrai, à le lire, qu’il semble penser le contraire (Tromas A., L’Isle des Hermaphrodites, op. cit., p. 141). Fondamentalement, ce que L’Isle se plaît à moquer, ce sont les excès dans la sophistication et la préciosité. Tromas tourne ainsi en dérision la nef, ornement ancien de la table royale s’il en est.
43 McGowan Margaret, « L’essor du ballet à la cour de Henri III », dans de Conihout Isabelle de, Maillard Jean-François et Poirier Guy (dir.), Henri III mécène des arts, des sciences et des lettres, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2006, p. 82-89 ; Boucher J., Société et mentalités…, op. cit., p. 408-416 ; Picot Émile, Les Italiens en France au xvie siècle, Rome, Vecchiarelli, 1995 [réimpression anastatique de l’édition Bordeaux, Imprimeries Gounouilhou, 1918], p. 157-159 ; Dubost J.-F., La France italienne…, op. cit., p. 99-109.
44 Delamare Nicolas, Traité de la police, III, Paris, Michel Brunet, 1719, p. 409.
45 Ibid
46 Ibid., p. 796.
47 Pour un aperçu de tels discours moralisateurs, voir : Galinier-Pallerola Jean-François, « Peut-on manger avec plaisir et sans péché ? La gourmandise dans les sermons catholiques français du xviie siècle », Lumières, 11, 1er semestre 2008, p. 47-56 ; Quellier Florent, « Casuistique et gourmandise. Le cas de conscience du péché de gourmandise au xviiie siècle », Lumières, 11, 1er semestre 2008, p. 57-72 ; Von Hoffmann Viktoria, Goûter le monde : une histoire culturelle du goût à l’époque moderne, Bruxelles, Peter Lang, 2013, p. 73-115.
48 En 1610, le théologien Jean-Pierre Camus, s’interrogeant sur l’appréhension du monde par les sens et l’entendement, en vient à poser la question du goût. Parmi les artifices capables d’abuser celui-ci, il cite les assaisonnements (Camus Jean-Pierre, Diversités, IV, Paris, Claude Chappellet, 1610, fo 208vo). Près d’un siècle plus tard, quand l’abbé du Jarry énumère les vices de son temps, il déplore que l’on « raffine tous les jours pour donner aux viandes de nouveaux assaisonnemens pour les rendre plus délicieuses » (Juillard Laurent, abbé du Jarry, Essais de sermons, pour les dominicales et les mystères, II, Paris, Denis Trierry, 1696, p. 157). Ces considérations sont renforcées par les arguments diététiques d’autres auteurs. Contemporain de l’abbé du Jarry, le médecin Pierre Hunauld, regrettait quant à lui que les riches voluptueux s’irritent « l’appetit par des assaisonnemens propres à précipiter dans ses vénes la fermentation des humeurs » (Hunauld Pierre, Discours physique, sur les proprietez de la sauge, Paris, Laurent d’Houry, 1698, p. 82). En dernière analyse, L’Isle des Hermaphrodites formule une critique de même nature : les hermaphrodites se perdent dans la sophistication et n’aiment leurs viandes que déguisées, méconnaissables, sous les assaisonnements (Tromas A., L’Isle des Hermaphrodites, op. cit., p. 146-148).
49 Brisson Barnabé, Le code du roy Henry III, roy de France et de Pologne, Paris, Iamet Mettayer et Pierre L’Huillier, 1601 [1re éd. 1587], livre XIV, titre V, p. 134-135 : « De l’entrée & descente des draps & fils, d’or, d’argent & de soye » ; livre X, titre X, « Des festins & banquets », p. 223.
50 Ibid., livre XIV, titre IV, p. 131.
51 Delamare Nicolas, Traité de la police, I, Paris, Jean et Pierre Cot, 1705, p. 388. Les modes apportées par Catherine et ses congénères ne firent toutefois qu’aggraver un penchant pour le luxe déjà évident avant leur installation en France – alors « jamais la pompe des habits n’avoit esté portée à un tel excès » (ibid.).
52 Ibid., p. 431.
53 Sutherland Nicola Mary, « Tre legend of the wicked Italian queen », Sixteenth Century Journal, 9/2, 1978, p. 46-47.
54 Estienne Henri, Discours merveilleux de la vie, actions et deportements de Catherine de Médicis, royne-mère, Genève, Droz, 1995, p. 171-172 et 269. Pour les rééditions du texte d’Estienne, voir Cazauran Nicole, « Inventaire bibliographique », dans Estienne H., Discours merveilleux…, op. cit., p. 57-58.
55 Mézeray François Eudes de, Abrégé chronologique ou extrait de l’histoire de France, VI, Lyon, J.B. de Ville, 1687, p. 404-407. Il éreinte les Italiens qui satisfaisaient leur goût du luxe grâce à de nouvelles taxes.
56 Le Gendre Louis, Nouvelle histoire de France : depuis le commencement de la monarchie jusques à la mort de Louis XIII, Paris, Claude Robustel, 1718, p. 60-62.
57 Mennell Stephen, Lettre d’un pâtissier anglois et autres contributions à une polémique gastronomique du xviiie siècle, Exeter, University of Exerter, 1981, p. XX.
58 Marin François, Les Dons de Comus, ou les Délices de la table. Ouvrage non seulement utile aux officiers de Bouche pour ce qui concerne leur art, mais principalement à l’usage des personnes qui sont curieuses de sçavoir donner à manger, & d’être servies délicatement, tant en gras qu’en maigre, suivant les saisons, & dans le goût le plus nouveau, Paris, Prault, 1739, p. VIII.
59 Ibid., p. XVII.
60 Ibid., p. XVIII. Pour une analyse détaillée de cet Avertissement, voir Pinkard S., A Revolution in Taste…, op. cit., p. 156-162.
61 Marin F., Les Dons de Comus…, op. cit., p. XV.
62 Ibid., p. XVII-XVIII.
63 Mennell S., All Manners of Food…, op. cit., p. 79-80.
64 La naissance de la cuisine chez les Asiatiques est un topos à l’origine incertaine, mais avec une grande diffusion. Son véhicule principal est peut-être l’ouvrage italien La piazza universale di tutte le professioni del mondo de Tomaso Garzoni, dont la première édition remonte à 1585. Il s’agit d’un véritable best-seller de son époque, traduit en allemand et en latin, adapté en espagnol et imité par de nombreux écrivains. Dans le discours XCIII, consacré « aux cuisiniers et autres offices similaires », Garzoni dresse un petit historique qui fait naître la cuisine chez les Asiatiques, après un mythique âge d’or, quand nos ancêtres se contentaient des produits de la terre sans rechercher rien d’autre. Suite aux conquêtes romaines, la « dégénération » asiatique arriva en Europe. Garzoni Tomaso, La piazza universale di tutte le professioni del mondo, éd. par P. Cherchi et B. Collina, 2 vol., Torino, Einaudi, 1996, II, p. 1094-1095. Garzoni tire ce mythe de la Nuova seconda selva di varia lettione de Gerolamo Giglio (parue en 1565, elle constitue la provenance de la plupart des informations présentes dans le discours XCIII) ou de la source de cette dernière, la version italienne du De incertitudine et vanitate scientiarum de Cornelio Agrippa, paru en 1530. Ibid., p. 1094, note 4. Voir aussi Campanini Antonella, « Le cuisinier est-il un artiste ? Un métier et sa représentation en Italie (xve-xviie siècles) », dans Peyrebonne Nathalie (dir.), Les métiers de bouche à l’époque moderne, Rennes/Tours, PUR/PUFR, coll. « Tables des Hommes », à paraître.
65 Marin François, Les Dons de Comus. D’après l’édition de 1742, t. 1, Pau, Éditions Manucius, 2001, p. XLIII-XLIV. Le titre de cette réimpression est incorrect, il s’agit de la Suite des Dons de Comus.
66 Ibid., p. XLIV-XLVI.
67 Ibid., p. XXIII.
68 Von Hoffmann V., Goûter le monde…, op. cit., p. 53-56 ; Massialot François, Le cuisinier roïal et bourgeois, Paris, Charles de Sercy, 1691, « Préface », n.p.
69 Laurioux Bruno, Le règne de Taillevent. Livres et pratiques culinaires à la fin du Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, p. 211-212 ; Id., Gastronomie, humanisme et société à Rome au milieu du xve siècle. Autour du De honesta voluptate de Platina, Florence, Sismel Edizioni del Galluzzo, 2006, p. 15 : « Ce caractère novateur lui [au De honesta voluptate] valut d’être extrêmement diffusé : avec pas moins de 18 éditions latines comprises entre 1470-1471 et 1541 et une vingtaine pour ses diverses traductions vernaculaires, il peut être considéré à bon droit comme l’un des best-sellers du xvie siècle. » Il y eut non moins de vingt et une éditions de la version française du De honesta voluptate (Sacchi Bartolomeo dit Platine, Le Platine en françois ou De honesta voluptate et valetudine, préface de S. Serventi et J.-L. Flandrin, transcription de M. Ribot, Houilles, Éditions Manucius, 2003 [1re éd. 1505], p. II) entre 1505 et 1588.
70 Laurioux B., Le règne de Taillevent…, op. cit., p. 265-276. L’absence de traduction n’entravait certainement pas une large diffusion d’un ouvrage italien en Europe.
71 Romoli Domenico, La singolar dottrina, Venezia, Tramezzino, 1560.
72 L’absence de nouveaux ouvrages ne trahit pas une quelconque atonie du marché du livre de cuisine au xvie siècle. Hyman Philip et Mary, « Livres de cuisine et le commerce des recettes en France aux xve et xvie siècles », dans Lambert Carole (dir.), Du manuscrit à la table. Essais sur la cuisine au Moyen Âge et répertoire des manuscrits médiévaux contenant des recettes culinaires, Paris/Montréal, Champion/Presses de l’université de Montréal, 1992, p. 59-68.
73 Diderot Denis, D’Alembert et Jean le Rond, Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vol. IV, Paris, Briasson/David/Le Breton/Durand, 1754, p. 538.
74 Ibid.
75 Marin F., Les Dons de Comus…, op. cit., t. 1, p. XLIII.
76 Bonnet Jean-Claude, « Le réseau culinaire dans l’Encyclopédie », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 31e année, 5, 1976, p. 891-914, en particulier p. 893. Pour Jean-Claude Bonnet, Jaucourt regarde « la floraison des traités culinaires dans une perspective morale comme le signe d’une dégradation du goût qui se développe en caprices déréglés » (ibid., p. 899).
77 Une démonstration diamétralement contraire aux arguments de Meusnier de Querlon : « Où aboutit tout le travail du cuisinier ? […] à faciliter la digestion par la préparation des alimens. » (Marin F., Les Dons de Comus…, op. cit., t. 1, p. XVIII-XIX.)
78 Montaigne M. de, Œuvres complètes, op. cit., p. 294. On l’a expliqué, Brantôme, Belon ou Estienne, que Jaucourt cite régulièrement, ne pouvaient ici lui être d’aucun secours. Il néglige d’utiliser L’Isle des Hermaphrodites, texte qu’il ne mentionne pas dans l’article « Hermaphrodite » dont il avait la charge.
79 Encyclopédie…, op. cit., vol. IV, p. 538.
80 Von Hoffmann V., Goûter le monde…, op. cit., p. 177.
81 Ibid., p. 227-238.
82 Sans parler des pamphlets composés du temps de Catherine et qui nourrirent ensuite la légende noire de la reine, c’est à partir de la seconde moitié du xviiie siècle que les historiens forgèrent une image de plus en plus malfaisante de la reine (Sutherland N.M., « Tre legend… », art. cit., p. 47-48).
83 « La ressource utile pour un tems très-court, mais dangereuse pour toujours (j’entends celle de vendre les revenus de l’état à des partisans qui avancent de l’argent), est une invention que Catherine de Médicis apporta d’Italie, et qui peut contribuer plus qu’aucune autre aux malheurs de ce beau royaume. Les gros gains que font les partisans, en achetant du prince les subsides qu’il impose, sont nuisibles au monarque et au peuple. » (Encyclopédie…, op. cit., vol. XII, p. 106.)
84 Ibid., vol. IX, p. 527-529.
85 « La démence des sortileges fit des nouveaux progrès en France sous Catherine de Médicis ; c’étoit un des fruits de sa patrie transplantés dans ce royaume. » (Ibid., vol. XV, p. 369.)
86 Ibid., vol. I, p. 780-783.
87 Ibid., vol. VI, p. 580. Cahusac reprend cette idée dans son ouvrage La danse ancienne et moderne ou traité historique de la danse, vol. II, La Haye, Jean Neaulme, 1754.
88 « Quand on commença en Italie vers le commencement du xiv. siecle à sortir de cette grossiereté, dont la rouille avoit couvert l’Europe depuis la chûte de l’empire romain, on fut redevable des beaux-arts aux toscans, qui firent tout renaître par leur seul génie. Brunelschi (sic) commença à faire revivre l’ancienne architecture. Le Giotto peignit, Bocau fixa la langue italienne. Gui d’Arezzo inventa la nouvelle méthode des notes de la musique. La Toscane étoit alors en Italie ce qu’Athènes avoit été dans la Grece. » (Jaucourt Louis de, « Toscane », dans Encyclopédie…, op. cit., vol. XVI, p. 441-442.)
89 Id., « Sciences », dans Encyclopédie…, op. cit., vol. XIV, p. 788.
90 Voss Jürgen, « Le problème du Moyen Âge dans la pensée historique en France (xvie-xixe siècle) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, XXIV, juillet-septembre 1977, p. 321-340.
91 Jean-Claude Bonnet a qualifié de « pré-gastronomique » le discours de l’Encyclopédie (Bonnet J.-C., « Le réseau culinaire… »…, art. cit.). Il désigne par là le traitement éclaté auquel le culinaire est soumis, un traitement nourri d’approches diverses et relevant de multiples champs du savoir. Dans ce contexte, Catherine de Médicis reste la figure dépréciée que l’historiographie a commencé à construire. Quand, ultérieurement, la gastronomie émerge en tant que discours autonome et légitime, elle peut s’emparer du personnage de Catherine et instruire son image selon des modalités renouvelées.
92 Mairault Adrien-Maurice de, Observations sur les écrits modernes, t. XXVIII, Paris, Chaubert, 1742, p. 157.
93 Coron Sabine (dir.), Livres en bouche. Cinq siècles d’art culinaire français, du quatorzième au dix-huitième siècle, Paris, BnF/Hermann, 2001, p. 20-21.
94 Le Grand d’Aussy Pierre-Jean Baptiste, Histoire de la vie privée des Français, 3 vol., Paris, Ph.-D. Pierres, 1782, vol. II, p. 49.
95 Ibid., vol. II, p. 215.
96 Ibid., vol. II, p. 230.
97 Cf. infra.
98 Dictionnaire universel, historique et critique des mœurs, vol. I, Paris, J.P. Costard, 1772, p. 86.
99 Ibid., vol. I, p. 316-317.
100 Dictionnaire raisonné universel des arts et métiers, vol. I, Paris, P. Fr. Didot le jeune, 1773, p. 592-593.
101 Encyclopédie méthodique. Médecine, vol. III, Paris, Panckoucke, 1790, p. 342-344.
102 Encyclopédie méthodique. Médecine, vol. V, Paris, Panckoucke, 1792, p. 242-244.
103 Ibid., vol. V, p. 242.
104 Lunier, Dictionnaire des sciences et des arts, vol. I, Paris, Le Normant/H. Nicolle et Cie, 1806, p. 447.
105 Ibid.
106 Leclercq P., « Catherine de Médicis… », art. cit.
107 Carême Marie Antonin, Le maître d’hôtel français, ou Parallèle de la cuisine ancienne et moderne, Paris, Firmin Didot, 1822, t. 1, p. 13-14.
108 Grimod de La Reynière, Manuel des Amphitryons, Paris, Capelle et Renand, 1808, p. 7.
109 Gasterman, « Introduction à l’histoire de la gourmandise », Journal des gourmands et des belles ou l’Épicurien français, mai 1807, p. 118. Dans la troisième édition de La gastronomie ou l’homme des champs à table, Joseph Berchoux réserve aussi une place à la légende de Catherine : le courrier d’un soi-disant lecteur mécontent, un dénommé Bavius, pseudonyme évocateur, rappelle que « les fricandeaux nous viennent évidemment d’Italie, et ne remontent pas plus loin que le beau siècle de Léon X : ils ne sont guère connus en France que depuis l’époque où Catherine de Médicis amena avec elle des cuisiniers de Florence, lesquels introduisirent l’usage de larder des tranches de veau, et même de bœuf » (Berchoux Joseph, La gastronomie ou l’homme des champs à table : poëme didactique en IV chants, 3e éd., Paris, Giguet et Michaud, 1804, p. 155). La méditation XXVII de la Physiologie du goût (1826), consacrée à l’« Histoire philosophique de la cuisine », ne s’arrête pas sur la Renaissance et, par conséquent, ne dit mot de la supposée influence italienne (Brillat-Savarin Jean-Anthelme, Physiologie du goût, présentation de J.-F. Revel, Paris, Flammarion, 1982, p. 251-276).
110 Fournier Édouard, Le vieux-neuf. Histoire ancienne des inventions et découvertes modernes, 2e éd., vol. III, Paris, E. Dentu, 1877 [1re éd. 1859], p. 321. Dans un texte comme le Bréviaire du gastronome d’Alexandre Martin, les deux facettes de Catherine cohabitent, la détestable souveraine n’en est pas moins la bienfaitrice de la cuisine française (Martin Alexandre, Bréviaire du gastronome, Paris, Audot, 1828, p. 11-12).
111 La cuciniera piemontese che insegna con facil metodo le migliori maniere di acconciare le vivande sì di grasso che di magro secondo il nuovo gusto, Vercelli, Gioseppe Panialis, 1771, p. 3-4.
112 Corrado Vincenzo, Il credenziere di buon gusto. Opera meccanica dell’oritano Vincenzo Corrado, Sala Bolognese, Arnaldo Forni, 1991 [réimpression anastatique de l’édition Napoli, Stamperia Raimondiana, 1778], « Préface », n.p., par. VIII.
113 Roberti Giovanni Battista, Lettera ad un vecchio e ricco signore feudatario sopra il lusso del secolo XVIII, dans Opere, t. VI, Bassano, Remondini di Venezia, 1789 [1re éd. 1772], p. 225-226. La traduction est de nous.
114 Leonardi Francesco, L’Apicio moderno, ossia l’arte di apprestare ogni sorta di vivande, Lodi, Gianpiero Zazzera, 1999 [réimpression anastatique de l’édition 1790], p. XVII-XVIII. La traduction est de nous. À noter que Francesco Leonardi a travaillé en France pendant longtemps.
115 Montagné Prosper et Gottschalk Alfred, Larousse gastronomique, Paris, Larousse, 1938, art. « Cuisine », p. 388 ; Pelt Jean-Marie, Des fruits, Paris, Fayard, 1994, p. 25-26 ; Castelot André, L’histoire à table. Si la cuisine m’était contée, Paris, Plon, 1972, p. 360- 361. L’édition de 1996 du Larousse gastronomique véhiculait toujours le même cliché : « C’est Catherine de Médicis qui finit d’imposer la mode italienne ; avec elle entre en France toutes les richesses de la Renaissance. » [Larousse gastronomique, Paris, Larousse, 1996, art. « Cuisine française (Histoire de la) », p. 371.] Dans l’édition suivante, l’article a été révisé sur ce point : « On dit souvent que c’est Catherine de Médicis qui, ayant fait venir des cuisiniers italiens, a transformé la cuisine française. Il est plus probable que les deux pays ont mêlé leurs traditions, même si l’Italie lègue alors à la France son goût pour les légumes et les confiseries, les pâtes et les glaces. » [Le grand Larousse gastronomique, Paris, Larousse, 2007, art. « Cuisine française (Histoire de la) », p. 289.]
116 Encyclopédie…, op. cit., vol. XVII, p. 73.
117 Encyclopédie du dix-neuvième siècle. Répertoire universel des sciences, des lettres et des arts, avec la biographie des hommes célèbres, t. IX, Paris, Au bureau de l’Encyclopédie du xixe siècle, 1846, p. 407.
118 Le Grand d’Aussy P.-J.B., Histoire de la vie privée des Français, op. cit., vol. I, p. 124.
119 Dubois Louis, Des melons et de leurs variétés, Paris, D. Colas, 1810, p. 2-3 ; Fournier E., Le vieux-neuf…, op. cit., vol. III, p. 318 ; Lebault Armand, La table et le repas, Paris, L. Laveur, 1910, p. 429 ; Gibault Georges, Histoire des légumes, Paris, Librairie Horticole, 1912, p. 363 ; Castelot A., L’histoire à table…, op. cit., p. 426. Certes, ce dernier, suggère ailleurs que ce fut Catherine de Médicis qui les apporta en France (ibid., p. 361).
120 Les auteurs divergent quelque peu sur la chronologie : Le Bihan Olivier, Guérin Anne et Hervé Marie-Christine, Goûts et saveurs baroques. Images des fruits et légumes en Occident, Bordeaux, Musée des beaux-arts de Bordeaux, 2004, p. 129 ; Higounet-Nadal Arlette. « Les jardins urbains dans la France médiévale », dans Jardins et vergers en Europe occidentale (viiie-xviiie siècles), 9e Journées internationales d’histoire, Flaran, 18-20 septembre 1987, Toulouse, PUM, 1989, p. 134 ; Pitrat Michel, « Melons, concombres et pastèques », dans Pitrat Michel et Foury Claude (dir.), Histoires des légumes des origines à l’orée du xxie siècle, Paris, INRA, 2003, p. 299 ; Le Roy Ladurie Emmanuel, Les paysans du Languedoc, vol. I, Paris, SEVPEN, 1966, p. 65-66.
121 Le Grand d’Aussy P.-J.B, Histoire de la vie privée des Français, op. cit., vol. I, p. 120.
122 Gibault G., Histoire des légumes, op. cit., p. 18-20.
123 Castelot A., L’histoire à table…, op. cit., p. 361.
124 http://www.princedebretagne-pro.com/medias/3/1339052178.pdf, consulté le 1er juillet 2015.
125 Quellier Florent, Histoire du jardin potager, Paris, Armand Colin, 2012, p. 50-51 ; Le Roy Ladurie E., Les paysans du Languedoc, op. cit., vol. I, p. 62-63.
126 Le Grand d’Aussy P.-J.B, Histoire de la vie privée des Français, op. cit., vol. I, p. 140. La « feue Reine » qu’il mentionne est Marie Leszczynska.
127 Gibault G., Histoire des légumes, op. cit., p. 307. Voir également : Le Roy Ladurie E., Les paysans du Languedoc, op. cit., vol. I, p. 71-72 ; Jacobsohn Antoine (dir.), Debarle Gilles et Elias Kamel (collab.), Du fayot au mangetout. L’histoire du haricot sans en perdre le fil, Rodez, Rouergue, 2010.
128 Gidon Ferdinand, « Le haricot est-il arrivé en France dans la corbeille de mariage de Catherine de Médicis ? », La Presse Médicale, 18 janvier 1936, p. 125-126.
129 Gottschalk A., Histoire de l’alimentation…, op. cit., vol. II, p. 11. Une version reprise au conditionnel par Meiller Daniel et Vannier Paul, Le grand livre des fruits et légumes. Histoire, culture, usage, Besançon, La Manufacture, 1991, p. 249. Tout aussi catégorique que Gottschalk : Guy Christian, Histoire de la gastronomie en France, Paris, Nathan, 1985 p. 24.
130 Le Roy Ladurie E., Les paysans du Languedoc, op. cit., vol. I, p. 62.
131 Ibid., p. 60-69. Peut-être faut-il un peu nuancer cette pauvreté des potagers provençaux : Stouff Louis, Ravitaillement et alimentation en Provence aux xive et xve siècles, Paris/ La Haye, Mouton and Co, 1970, p. 103-108.
132 Lesueur Pierre, « Pacello da Mercogliano et les jardins d’Amboise, de Blois et de Gaillon », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 1935, p. 90-117.
133 Picot E., Les Italiens en France…, op. cit., p. 146 et 254 ; Lesueur P., « Pacello de Mercogliano… », art. cit., p. 106.
134 Meiss-Even Marjorie, Être ou avoir. Les ducs de Guise et leur paraître. 1506-1588, thèse, Université François-Rabelais, Tours, 2010, p. 156-157.
135 Capatti A. et Montanari M., La cucina italiana…, op. cit., p. 129. Même opinion chez Jean-Louis Flandrin, « Les légumes dans les livres de cuisine français, du xive au xviiie siècle », dans Grieco Allen J., Redon Odile et Tongiorgi Tomasi Lucia (dir.), Le monde végétal (xiie-xviie siècles). Savoirs et usages sociaux, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 1993, p. 71-85.
136 Ibid., p. 75. Les asperges ne comptaient cependant pas parmi les légumes les plus prisés des Italiens.
137 Meiss-Even M., Être ou avoir…, op. cit., p. 155-160. Une étude de l’évolution de la consommation de légumes par les élites mériterait certainement d’être conduite sur la longue durée. Certains changements se font sentir au xive siècle par exemple : Higounet-Nadal Arlette, « Les jardins urbains dans la France médiévale », dans Jardins et vergers…, op. cit., p. 134.
138 Boucher J., Société et mentalités…, op. cit., p. 408-416.
139 Flandrin Jean-Louis, « Le goût et la nécessité : sur l’usage des graisses dans les cuisines d’Europe occidentale (xive-xviiie siècle), Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 38e année, 2, 1983, p. 369-461. Voir aussi Capatti A. et Montanari M., La cucina italiana…, op. cit., p. 120-126.
140 Constatant que l’essor de la cuisine au beurre en France, en Angleterre et en Italie date des xve-xvie siècles, Jean-Louis Flandrin avance que l’Italie s’est ouverte aux influences septentrionales, phénomène qui peut étonner « puisque c’est en principe le moment où la culture italienne a atteint l’apogée de sa richesse et de son rayonnement international ». Il en tire la leçon que « l’histoire de l’art culinaire – du moins pour ce qui concerne l’usage des graisses – n’a pas marché du même pas que l’histoire de l’architecture ou de la théologie » (Flandrin J.-L., « Le goût et la nécessité… », art. cit., p. 387). Il tire une conclusion inverse dix ans plus tard, dans l’article déjà mentionné qu’il consacre aux légumes dans les livres de cuisine français : « Mais pourquoi cette mode des légumes ? Il y a des siècles qu’on attribue à l’influence italienne le changement des pratiques alimentaires des Français au xvie siècle. Cette influence se serait ainsi fait sentir dans l’alimentation comme dans l’architecture, la peinture, la musique, la poésie, la philosophie et les sciences, les modes vestimentaires, la coiffure, les manières de boire, etc., tous domaines où elle est avérée. Or les quelques éléments d’appréciation que je possède suggèrent qu’en effet, pour le goût des légumes comme pour le reste, les Français ont imité les Italiens. » (Id., « Les légumes dans les livres de cuisine français… », art. cit., p. 81.)
141 Id., « Le goût et la nécessité… », art. cit., p. 387-390.
142 Von Hoffmann V., Goûter le monde…, op. cit., p. 41-46 et 69-70.
143 Paulmy d’Argenson Marc-Antoin-René de Voyer de et Contant d’Orville André-Guillaume, Précis d’une histoire générale de la vie privée des François [vol. III des Mélanges tirés d’une grande bibliothèque], Paris, Moutard, 1779, p. 74 ; Fournier E., Le vieux-neuf…, op. cit., vol. III, p. 322 ; Lebault A., La table et le repas, op. cit., p. 446-448.
144 « Ce fut seulement à la fin du xvie siècle que l’usage des liqueurs se généralisa en France. Les Italiens étaient alors plus avancés que nous dans l’art culinaire et révélèrent aux Français un certain nombre de breuvages dans la composition desquels l’eau-de-vie n’entrait qu’à petites doses et qui furent introduits chez nous par Catherine et par Marie de Médicis. » (Clacquesin Paul, Histoire de la communauté des distillateurs. Histoire des liqueurs, Paris, Léopold Cerf, 1900, p. 290.)
145 Lichine Alexis, Encyclopédie des vins & des alcools de tous les pays, Paris, Robert Laffont, 1998, art. « Liqueurs » : « Catherine de Médicis en apporta quelques recettes en France. »
146 Delamare N., Traité de la police, op. cit., III, p. 797. Les recettes du rossoli varient selon les ouvrages.
147 Ibid., p. 796-797. D’autres auteurs attribuent l’invention du ratafia aux Italiens, comme on a pu le constater plus haut avec l’Encyclopédie du dix-neuvième siècle.
148 Du Verger François-Guislier, Traité des liqueurs, Louvain, Guillaume Stryckwant, 1728, p. 14-16.
149 Ibid., p. 45-48.
150 Le Grand d’Aussy P.-J.B., Histoire de la vie privée des Français, op. cit., vol. III, p. 76. La référence à Sully renvoie aux Mémoires de Maximilien de Béthune, duc de Sully, V, Londres, s.n., 1767, p. 82.
151 Bénézet Jean-Pierre, Pharmacie et médicament en Méditerranée occidentale (xiie-xvie siècle), Paris, Champion, 1999, p. 557-580.
152 Ibid., p. 567-572 ; Bénézet Jean-Pierre, « Vin et alcool dans les apothicaireries médiévales des pays du Sud », Revue d’histoire de la pharmacie, 332, 2001, p. 477-488.
153 Estienne Charles et Liébault Jean, L’agriculture et maison rustique. Edition derniere, reveue & augmentée, Paris, Jacques du Puys, 1578, fos 223-252vo.
154 La Framboisière Nicolas-Abraham de, Le gouvernement nécessaire à chacun pour vivre longuement en santé, Paris, Michel Sonnius, 1600, p. 209-212.
155 Bruyérin-Champier Jean, L’alimentation de tous les peuples et de tous les temps jusqu’au xvie siècle, trad. fr. S. Amundsen, Paris, Intermédiaire des chercheurs et curieux, 1998, p. 337 et 491.
156 Ibid., p. 213, 337 et 491. Le vin de cannelle semble être obtenu en mettant de la cannelle à infuser dans du vin sucré.
157 Romoli D., La singolar dottrina, op. cit., p. 330-351.
158 Il s’agit surtout de manuscrits, non édités et presque pas étudiés. Concernant la famille Médicis, Allen J. Grieco signale notamment les trois volumes qui constituent l’Apparato della Fonderia [Biblioteca Nazionale Centrale di Firenze (BNCF), Magliabechiano 63], mentionnés dans Grieco Allen J. et Sandri Lucia, « Appunti per una storia dell’acquavite in Italia : da Taddeo Alderotti alla Fonderia Medicea di Palazzo Pitti (1280-1591) », dans Id., Grappa & Alchimia : un percorso nella millenaria storia della distillazione, Roma, Agra, 1999, p. 33-47. Ils pourront constituer le point de départ pour continuer la recherche en cette direction pas encore explorée.
159 Wilson C. Anne, Water of life. A History of Wine-distilling and Spirits. 500 BC to AD 2000, Totnes, Propect Books, 2006, p. 176-181 ; Wall Wendy, « Distillation : transformation in and out of the kitchen », dans Fitzpatrick Joan (dir.), Renaissance Food from Rabelais to Shakespeare : Culinary Readings and Culinary Histories, Farnham, Ashgate, 2010, p. 89-104.
160 Tromas Nicolas, « L’alambic dans la cuisine ? », dans Ravoire Fabienne et Dietrich Anne (dir.), La cuisine et la table dans la France de la fin du Moyen Âge, Caen, Publications du CRAHM, 2009, p. 35-50 ; Eamon William, Science and the Secrets of Nature : Books of Secrets in Medieval and Early Modern Culture, Princeton, Princeton University Press, 1996. Chez Estienne et Liébault, la distillation est également une « occupation […] beaucoup plus seante » aux femmes qu’aux hommes (Estienne C. et Liébault J., L’agriculture et maison rustique…, op. cit., fo 223ro-223vo).
161 Du Verger, dans son traité de 1728, continue de détailler les vertus médicinales des boissons dont il donne la recette (du Verger F.-G., Traité des liqueurs, op. cit.).
162 Bruyérin-Champier J., L’alimentation…, op. cit., p. 374.
163 Le Grand d’Aussy P.-J.B., Histoire de la vie privée des Français, op. cit., vol. III, p. 90.
164 Selon Le Grand d’Aussy (ibid., p. 90), Bruyérin-Champier signale l’habitude, à son époque, de consommer de l’eau de groseille l’été. Le Grand d’Aussy en déduit qu’à partir de cette première recette on en est certainement venu à élaborer des eaux avec toute sorte de fruits. Il laisse entendre que ces eaux sont devenues courantes durant la première moitié du xviie siècle. Nous n’avons pour notre part trouvé aucune mention d’une eau de groseille chez Bruyérin-Champier.
165 Bonnefons Nicolas de, Les délices de la campagne, Paris, Pierre Des-Hayes, 1654, p. 83-85.
166 Ibid., p. 87-88. Pour ceux qui le souhaitent, il propose de remplacer le citron par des oranges ou des « pommes de capendu ».
167 L’Escole parfaite des officiers de bouche, Paris, Jean Ribou, 1676 [1re éd. 1662], p. 230-234. Dans l’édition de 1662 que nous avons consultée, l’appellation « eaux d’Italie » figure en index mais est absente du corps de l’ouvrage en raison d’une erreur de pagination.
168 Ibid., p. 234-240. La limonade se distingue de l’eau de citron par sa recette et par un goût plus fort, l’eau de citron étant simplement aromatisée. Le sorbec d’Alexandrie est lui à base de rouelle de veau et de sucre.
169 Audiger, La maison réglée, Paris, Nicolas Le Gras, 1692, p. 187-238.
170 Nouvelle instruction pour les confitures, les liqueurs et les fruits […] suite du Cuisinier roïal et bourgeois, Paris, Charles de Sercy, 1698 [1re éd. 1692], p. 263-270. Le sorbet (à base de pieds ou de rouelle de veau) est inclus dans les liqueurs d’Italie alors qu’aucune phase de distillation n’est requise et que l’eau-de-vie est absente de la recette.
171 Audiger, La maison réglée, p. 165-166. Elizabeth David estime qu’Audiger s’est trompé quant à la date de son retour en France, elle le situe en janvier 1661 et non en janvier 1660 (David Elizabeth, Harvest of the Cold Months. The Social History of Ice and Ices, Londres/ New York, Michael Joseph/Viking Penguin, 1994, p. 81).
172 Le Grand d’Aussy suppose par contre une origine provençale à la limonade, les Provençaux appelant « limons » les citrons (Le Grand d’Aussy P.-J.B., Histoire de la vie privée des Français, op. cit., vol. III, p. 90). Ménage, dans Les origines de la langue françoise, estime que le mot est dérivé de l’italien limonata, « qui esté fait de limone, qui signifie cette espece de citron dont on fait la limonade » (Ménage Gilles, Les origines de la langue françoise, Paris, Augustin Courbé, 1650, p. 423).
173 Fargeon Jean, Catalogue des marchandises rares, curieuses & particulieres qui se font & debitent à Montpelier, Avignon, P. Offray, 1665, p. 16. Fargeon distingue le rossolis de Turin du « syrop de rossolis » à base de rosa solis. Des sources françaises témoignent donc de la célébrité de ce produit avant les sources italiennes. L’enquête mériterait néanmoins d’être poussée plus avant. Nos recherches sur le populo n’ont pas été plus fructueuses.
174 Paulmy d’Argenson M.-A.-R. de Voyer de et Contant d’Orville A.-G., Précis d’une histoire générale…, op. cit., p. 85-86.
175 Dubuisson, L’art du distillateur et marchand de liqueurs, Paris, Dubuisson & Cusin 1779, II, p. 271-272.
176 David E., Harvest of the Cold Months…, op. cit., p. 124-127.
177 Le Grand d’Aussy P.-J.B., Histoire de la vie privée des Français, op. cit., vol. III, p. 93. Dubuisson est la seule source à laquelle se réfère Le Grand d’Aussy.
178 Encyclopédie méthodique. Médecine, vol. V, Paris, Panckoucke, 1792, p. 593 ; La Mésangère Pierre de, Le voyageur à Paris. Tableau pittoresque et moral de cette capitale, Paris, Devaux, 1800, p. 139 ; Encyclopédie méthodique. Histoire, vol. VI, Paris, Agasse, 1804, p. 278 ; Lake-Williams John-Frederic, An Historical Account of Iventions and Discoveries in those Arts and Sciences which are of Utility Or Ornament to Man, II, London, Allman, 1820, p. 171 ; « De l’art de rafraîchir les boissons », Journal des connaissances usuelles et pratiques, 9, décembre 1825, p. 174. Très souvent cité et utilisé : Mourat Jean et Louvet Paul, Le café Procope, Paris, Perrin, 1929, p. 39 et 63.
179 Planhol Xavier de, L’eau de neige. Le tiède et le frais, Paris, Fayard, 1995, p. 204-214. Une diffusion naturellement variable selon les régions.
180 David E., Harvest of the Cold Months…, op. cit., p. 57-58.
181 Ibid., p. 65-76.
182 Ibid., p. 142-153.
183 Tromas A., L’Isle des Hermaphrodites, op. cit., p. 108. Planhol X. de, L’eau de neige…, op. cit., p. 168-172 et 179-181.
184 Audiger, La maison réglée, op. cit., p. 165-166.
185 Quinzio Jeri, Of Sugar and Snow. A History of the Ice Cream Making, Berkeley/ Los Angeles, University of California Press, 2009, p. 22. Le Nouveau confiturier françois propose une recette de « neige de coriante [coriandre] » qui tient du sorbet puisqu’elle ne comporte ni lait ni crème.
186 Planhol X. de, L’eau de neige…, op. cit., p. 208-214.
187 Quinzio J., Of Sugar and Snow…, op. cit., p. 23.
188 Fargeon J., Catalogue des marchandises rares…, op. cit., p. 16. À suivre Fargeon ont boit le sorbet « plus délicieusement » congelé, autrement dit, les sorbets peuvent se consommer sans être glacés.
189 Capatti A. et Montanari M., La cucina italiana…, op. cit., p. 50 et 133-134.
190 Xavier de Planhol estime que les Français ont découvert cet usage à la fois des Italiens et des Espagnols, via les possessions septentrionales de ces derniers en particulier. Les informations restent très lacunaires et l’on doit se contenter de simples suppositions d’ordre général. Planhol X. de, L’eau de neige…, op. cit., p. 170-171.
191 Naples fut, très tôt, un haut lieu de la crème glacée : David E., Harvest of the Cold Months…, op. cit., p. 153-160. Voir aussi Calaresu Melissa, « Making and eating ice cream in Naples : rethinking consumption and sociability in the eighteenth century », Past & Present, 220, 1, August 2013, p. 35-78. Il est intéressant de souligner que les recettes de Latini diffèrent de celles que l’on appréciait en France à la même époque (David E., Harvest of the Cold Months…, op. cit., p. 141-153).
192 Brillat-Savarin J.-A., Physiologie du goût, op. cit., p. 110.
193 Hayward Abraham, « Gastronomy and gastronomers », The Quarterly Review, 54, 1835, p. 119. À travers cet article, longue présentation de la Physiologie du goût, l’auteur entreprend un tableau général de l’histoire de la cuisine. Il n’est donc pas exclu que Brillat-Savarin ait inspiré l’affirmation d’Hayward. La formule « uses of ices » ne permet cependant pas de déterminer si Hayward entend ici sorbets (glacés) ou crèmes glacées. Il reprit ce texte dans son ouvrage The Art of Dining, publié en 1852, ce qui assura une grande diffusion à celui-ci.
194 Beeton Isabella Mary, The Book of Household Management, London, S.O. Beeton, 1861, p. 761.
195 Lefeuve Charles, Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon III, I, Paris/Bruxelles, Imprimerie de Casimir Coomans, 1873, p. 360.
196 Jean Mourat et Paul Louvet citent Lefeuve tout en faisant de François Procope, et non de son soi-disant aïeul, l’homme qui fit découvrir les glaces à Paris (Mourat J. et Louvet P., Le café Procope, op. cit., p. 47-50).
197 Artusi Pellegrino, La scienza in cucina e l’arte di mangiar bene, éd. par A. Capatti, Milano, BUR, 2012, p. 764-765. La traduction est de nous. En 1921, un célèbre gastronome, Alberto Cougnet, reprendra ce récit sans nuance et sans conditionnel (David E., Harvest of the Cold Months…, op. cit., p. 381, note 11).
198 Leclercq Pierre, « Catherine de Médicis et la crème glacée », Culture, le magazine culturel en ligne de l’université de Liège, août 2011 (culture.ulg.ac.be/jcms/prod_578165/catherine-de-medicis-et-la-creme-glacee, consulté le 30 juin 2015). Dans cet article, c’est Audiger qui introduisit les glaces en France. Mais le seul argument en faveur de cette thèse tient au fait que le limonadier chercha à obtenir de Louis XIV « le privilège et la permission de faire, vendre et débiter toutes sortes de liqueurs à la mode d’Italie, tant à la Cour, et suite de Sa Majesté, qu’en toute autre Ville du Royaume ».
199 Montagné P. et Gottschalk A., Larousse gastronomique, op. cit., art. « Cuisine italienne », p. 405-406 : Marie de Médicis avait notamment des glaciers dans sa suite et c’est ainsi que les « glaces parfumées » pénétrèrent en France.
200 Fisher Mary Frances Kennedy, The Art of Eating, New York, World Publishing, 1954, p. 75-76.
201 Le grand Larousse gastronomique, Paris, Larousse, 2012, art. « Cuisine française », p. 289.
202 http://gelatomuseum.com/about/, consulté le 15 juin 2015. Voir par exemple la dépêche de l’agence Reuters au sujet de ce musée : « Who knows what Cosimo Ruggieri would have thought about ending up in a gelato museum ? Alchemist at the court of the Medici, Ruggieri, the story goes, created the ice-cream that Catherine De Medici took to Paris in the 1530s to wow the French » (http://www.straitstimes.com/breaking-news/lifestyle/story/italy-opens-worlds-first-gelato-culture-museum-20121001#sthash.BbMAqT4B.dpuf, consulté le 15 juin 2015). Une fois encore, nous nous dispensons de recenser toutes les versions, parfois extrêmement fantaisistes, qui circulent sur internet. L’architecte florentin Bernardo Buontalenti est ainsi souvent crédité de cette invention. Pour une revue – et une réfutation rapide – des mythes entourant les glaces, de Néron à Napoléon, nous renvoyons à Weir Robin et Weir Caroline, Ice Creams, Sorbets and Gelati : The Definitive Guide, London, Grub Street, 2010, p. 9-30.
203 Fayot Frédéric, Les classiques de la table, Paris, Firmin Didot, 1855 [1re éd. 1844], vol. II, p. 236.
204 Lebault A., La table et le repas, op. cit., p. 476.
205 Le traité des confitures de Nostradamus, éd. par J.-M. Deveau, La Rochelle, Être et connaître, 2006, p. 31-34. Concernant la meringue, la première occurrence attestée est chez Massialot (Le cuisinier…, op. cit., p. 304), même si la chose existait avant le mot. On trouve dans Le pastissier françois « des biscuits de sucre en neige » (Le pastissier françois, Paris, Jean Gaillard, 1653, p. 168). Sur le massepain, cf. infra. Quant aux macarons, Rabelais serait le premier à employer ce mot en français, dans Le Quart Livre en 1552. Il ne donne aucune indication sur leur composition mais les cite en compagnie d’autres friandises. Au xvie siècle, le terme désigne déjà des petits gâteaux sucrés – mais également des pâtes alimentaires. Le mot est probablement d’origine italienne mais l’étymologie est incertaine : Bérard Laurence et al., Inventaire du patrimoine culinaire de la France. Île-de-France, Paris, Albin Michel/CNAC, 1993, p. 72-73.
206 Revel J.-F., Un festin en paroles…, op. cit., p. 156-158.
207 Nous rectifions ici les erreurs de datations de Jean-François Revel. Nous n’avons pas vérifié si la version française était une traduction fidèle de l’italienne. Selon Revel, cet ouvrage aurait « introduit en France l’art de faire les confitures, les fruits confits, les écorces d’oranges confites, art jusqu’alors totalement inconnu » (ibid., p. 157).
208 Une première édition a peut-être été imprimée à Lyon en 1552.
209 Laurioux Bruno, Manger au Moyen Âge, Paris, Hachette, 2002, p. 234-236 ; Hyman Mary, « Les “menues choses qui ne sont de nécessité” : les confitures et la table », dans Lambert Carole (dir.), Du manuscrit à la table…, op. cit., p. 273-284.
210 Ouerfelli Mohamed, Le sucre. Production, commercialisation et usage dans la Méditerranée médiévale, Leiden/Boston, Brill, 2008, p. 569-595.
211 « Le nom massepain vient de l’italien, marçapane, parce qu’un Italien nommé Março en fut l’inventeur. » (Lémery Nicolas, Pharmacopée universelle, 3e éd., Amsterdam, Aux dépens de la compagnie, 1717, p. 403.) L’étymologie de ce mot demeure mystérieuse. Les massepains seraient originaires du Proche-Orient. Les Francs les auraient découverts lors des Croisades. Wilson C. Anne, « Tre Saracen connection : Arab cuisine and the mediaeval West : part 1 », Petits propos culinaires, 7, 1981, p. 18-19.
212 Ouerfelli M., Le sucre…, op. cit., p. 633-637. L’auteur s’attarde principalement sur les consommations de Jean le Bon durant sa captivité anglaise. La France – dans ses limites actuelles – participe à cet essor des confiseries ; dans la région d’Avignon, les artisans locaux se spécialisent dans les fruits confits en raison de la présence de la cour pontificale – même si des épiciers italiens s’installent également (ibid., p. 626-632).
213 Ibid., p. 585-587. Dans le Ménagier de Paris les recettes de confitures sont encore toutes à base de miel.
214 Leroy Edgard, Nostradamus. Ses origines, sa vie, son œuvre, Marseille, Jeanne Lafitte, 1993 [1re éd. 1972], p. 70-71.
215 Le traité des confitures de Nostradamus, op. cit., p. 76. Nostradamus loue le talent de messire Antonio Vigerchio, épicier de Savone (ibid., p. 138-139).
216 Ibid., p. 50-51. Quand Olivier de Serre fait allusion à l’origine des confitures, il ne mentionne que l’Espagne et le Portugal (Quellier F., Histoire du jardin potager, op. cit., p. 105).
217 Le traité de confitures de Nostradamus, op. cit., p. 70 et 76.
218 Ouerfelli M., Le sucre…, op. cit., p. 573-578. On lira également Plouvier Liliane, « La confiserie européenne au Moyen Âge », Medium Ævum Quotidianum, 1988, p. 28-47.
219 Pour d’autres exemples italiens remontant aux xiiie-xive siècles, voir Ouerfelli M., Le sucre…, op. cit., p. 657.
220 Ambrosini Daniela, « Les honneurs sucrés de Venise », dans Viallon-Schoneveld Marie (dir.), Le boire et le manger au xvie siècle, actes du XIe colloque du Puy-en-Velay, Saint-Étienne, 9-11 septembre 2003, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2004, p. 267- 284. Henri III semble n’avoir mangé que les plats préparés par ses cuisiniers – ce qui ne devait pas aider à la découverte de la cuisine locale.
221 Ibid., p. 271-272 ; De Jonge Krista, « Rencontres portugaises. L’art de la fête au Portugal et aux Pays-Bas méridionaux au xvie et au début du xviie siècle », dans Portugal et Flandre. Visions de l’Europe (1550-1680), catalogue de l’exposition, Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique/Musée d’art ancien, 27 septembre-8 décembre 1991, p. 90 ; Kieffer Fanny, « La confiserie des Offices : art, sciences et magnificence à la cour des Médicis », Predella. Journal of Visual Arts, 33, 2013, p. 85-105.
222 Félibien D. Michel, Histoire de la ville de Paris, édition revue et augmentée par G.-A. Lobineau, Paris, Guillaume Desprez et Jean Desessartz, 1725, vol. V, p. 421-422.
223 Le Grand d’Aussy P.-J.B., Histoire de la vie privée des Français, op. cit., vol. III, p. 235-237. Le Grand d’Aussy s’appuie sur André Favyn. On trouve aussi mentionné ces réalisations sucrées chez Chastellain : Œuvres de Georges Chastellain publiées par M. le baron Kervyn de Lettenhove, III : Chronique, 1454-1458, Bruxelles, Heussner, 1864, p. 376. La date de 1458 est souvent donnée pour ce festin qui se déroule en réalité le 22 décembre 1457 à Tours.
224 Birlouez Éric, Festins princiers et repas paysans à la Renaissance, Rennes, Éditions Ouest France, 2011.
225 Flandrin Jean-Louis, « Le sucre dans les livres de cuisine français, du xive siècle au xviiie », Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, XXXV, 1988, p. 215-232. Les travaux de Marjorie Meiss-Even s’accordent avec les conclusions tirées du dépouillement des livres de cuisine. L’historienne hésite toutefois quant à l’interprétation à donner au fléchissement des achats de sucre par les services de la cuisine des Guise – problème d’enregistrement ou véritable diminution ? Meiss-Even M., Être ou avoir…, op. cit., p. 162-163 ; Id., « L’hôtel de bouche : la culture de table des ducs de Guise », dans Latrémolière Élisabeth et Quellier Florent (dir.), Festins de la Renaissance. Cuisine et trésors de table, Blois/Paris, Château royal de Blois/Somogy éditions d’art, 2012, p. 56-65 ; Boucher J., Société et mentalités…, op. cit., p. 50.
226 Flandrin J.-L., « Le sucre… », art. cit. L’historien, au détour d’une phrase, émet cette hypothèse – « La France a dû subir au xve siècle, les goûts de l’occupant anglais ; puis sentir l’attrait de l’Italie, en cuisine comme dans les autres arts » (ibid., p. 220). Sur ce sujet voir aussi : Flandrin Jean-Louis, « Vins d’Italie, bouches françaises », Chroniques italiennes. Le voyageur et la table italienne, 52, 1997, p. 119-128 ; Ouerfelli M., Le sucre…, op. cit., p. 644-655. Pour reprendre une remarque de cet auteur, il est délicat, concernant le sucre, de parler d’un goût français, et de laisser ainsi entendre que l’on considère la France comme un tout et dans ses frontières actuelles.
227 Flandrin J.-L., « Vins d’Italie, bouches françaises », art. cit., p. 126-127 ; Sabban F. et Serventi S., La gastronomie au Grand Siècle…, op. cit., p. 55-56.
228 Fisher M.F.K., The Art of Eating, op. cit., p. 75-76.
229 Delamare suggérait qu’un seigneur italien de la maison de Frangipani avait inventé la liqueur « de Frangipanne » à base d’agrumes, d’ambre et du musc (Delamare N., Traité de la police, op. cit., III, p. 796). Sans chercher à être exhaustif, citons : Fournier E., Le vieux-neuf…, op. cit., vol. III, p. 322 ; Encyclopédie du dix-neuvième siècle…, op. cit., p. 407 ; Littré Émile, Dictionnaire de la langue française, Paris, Hachette, 1872-1877, art. « Frangipane » ; Guy C., Histoire de la gastronomie en France, op. cit., p. 24 ; Brécourt-Villars Claudine, Mots de table, mots de bouche. Dictionnaire étymologique et historique du vocabulaire classique de la cuisine et de la gastronomie, Paris, Stock, 1996, art. « Frangipane », p. 170.
230 Fayot F., Les classiques de la table, op. cit., vol. II, p. 237.
231 Guez de Balzac à Madame Desloges, 11 mai, 1634, Les œuvres de Monsieur de Balzac divisées en deux tomes, Paris, Tromas Iolly, 1665, vol. I, p. 303-304. La Gazette nous donne la date de son décès : Recueil des gazettes. Nouvelles relations extraordinaires et autres récits des choses avenues toute l’année 1638, Paris, Au bureau d’adresse, 1639, p. 337.
232 La Varenne François Pierre dit, Le cuisinier françois, enseignant la manière de bien apprester et assaisonner toutes sortes de viandes grasses et maigres, légumes, patisseries…, Paris, P. David, 1651, p. 109.
233 Le pastissier françois, op. cit., p. 103-106. Dans L’Escole parfaite des officiers de bouche, la « tourte de franchipanne » s’accommode de tout type de crème – « mettez telle cresme que vous voudrez » (L’Escole parfaite des officiers de bouche, Paris, J. Ribou, 1662, p. 282).
234 [Émery sieur d’], Recueil des curiositez rares et nouvelles des plus admirables effets de la Nature et de l’Art…, Leide, Pierre Vander Aa, 1684 [1re éd. 1674], p. 263.
235 Barbe Simon, Le parfumeur françois, Lyon, Tromas Amaulry, 1693, n.p.
236 Dictionnaire universel françois et latin, Paris, Florentin Delaulne/Hilaire Foucault/ Michel Clousier/Jean-Geoffroy Nyon/Estienne Ganeau/Nicolas Gosselin, 1721, vol. II, art. « Frangipane », col. 2009. Cette acception est absente de l’édition précédente, qui ne parle que du parfum et d’une liqueur, sans donner d’indice sur leur composition (Dictionnaire universel françois et latin, Paris, Estienne Ganeau, 1704, art. « Frangipane », n.p.). Les deux variantes de « tourte de franchipanne » données par L’Escole parfaite des officiers de bouche comprenaient néanmoins indirectement de l’amande puisque l’on incorporait des macarons à la crème – à côté des pistaches, des écorces de citron confites, de la cannelle, etc. (L’Escole parfaite…, op. cit., p. 493-494).
237 Consécration suprême, Popelini bénéficie d’une page Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Popelini, consulté le 25 juin 2015.
238 « Un de mes confrères m’écrit qu’il trouve drôle qu’à tout propos, je cite dans mon Mémorial, ou dans l’Art culinaire, Catherine de Médicis… » écrit Lacam. Contributeur de l’Art culinaire et de La salle à manger, il se piquait d’histoire et ses contributions faisaient en effet la part belle à Catherine et à ses serviteurs, toujours avec force détails. On leur devrait les biscuits à la cuillère, les massepains, les macarons, les gâteaux remplis de confiture, les glaces… en un mot : la « pâtisserie nouvelle ». Une fois en France, la reine aurait en outre été à l’origine de la frangipane, des gâteaux de Pithiviers, du feuilletage au beurre. Ces articles, datés des années 1890-1893, sont réunis dans Lacam Pierre et Charabot Antoine, Le glacier classique et artistique en France et en Italie, Vincennes/Paris, Pierre Lacam/Antoine Charabot, 1893, p. 53-54, 68 et 131-132.
239 Ibid., p. 47.
240 Cité par Potter David, « Powches, puffs and profiteroles : early choux paste receipts », Petits propos culinaires, 73, 2003, p. 25.
241 Mollaret Frédérique, « Pâtisserie », dans Encyclopédie de la culture française, Paris, Eclectis, 1991, p. 532.
242 Bensoussan Maurice, Les particules alimentaires. Naissance de la gastronomie au xvie siècle, de François Ier à la colonisation de l’Amérique du Nord, Paris, Maisonneuve et Larose, 2002, p. 127. Dans son texte, l’auteur assure que la présence de maîtres queux italiens ne fait aucun doute tout en laissant entendre en note que les historiens récusent cette version des faits.
243 Paulmy d’Argenson M.-A.-R. de Voyer de et Contant d’Orville A.-G., Précis d’une histoire générale…, op. cit., p. 89. Le texte parle par erreur d’Éléonore d’Autriche et non d’Élisabeth.
244 Franquette, « Sucreries », La semaine littéraire, 157, 2 janvier 1897, p. 12.
245 Toussaint-Samat Maguelonne, Histoire naturelle et morale de la nourriture, Paris, Bordas, 1987, p. 419. Voir aussi Bensoussan M., Les particules alimentaires…, op. cit., p. 179.
246 Sender S.G. et Derrien Marcel, La grande histoire de la pâtisserie-confiserie française, Paris, Minerva, 2003, p. 78-79 ; Garrisson Janine, Catherine de Médicis : l’impossible harmonie, Paris, Payot, 2002, p. 132.
247 Martin A., Bréviaire du gastronome, op. cit., p. 11-12.
248 « A woman opened the gates of an enlightened age ; it was Catherine, the daughter of the celebrated Lorenzo de Medici, niece of Leo the Tenth, then in all the bloom of beauty. Accompanied by a troop of perfumers, painters, astrologers, poets, and cooks, she crosses the Alps, and whilst Bullan planned the Tuileries, Berini recovered from oblivion those sauces which, for many ages, had been lost. » (Ude Louis Eustache, The French Cook. A System of Fashionable and Economical Cookery, Adapted to the Use of English Families, 10e éd., London, John Ebers and Co, 1829, p. XXXIII.)
249 Berini, « a cook whose name deserves to be associated with that of Luther, Calvin, Knox, and other great reformers of the sixteenth century » (Ainsworth William Harrison, Crichton, Paris, Baudry’s European Library, 1837, p. 125-126). Pour enrichir ce florilège, citons encore l’Histoire de la gastronomie en France de Christian Guy où c’est un Napolitain, Mario Viscontini, qui règne sur les cuisines de Fontainebleau et qui aurait légué plusieurs recettes au répertoire gastronomique français (Guy C., Histoire de la gastronomie en France, op. cit., p. 24).
250 BnF, Clairambault 334, fos 240-244 : il s’agit de l’État de maison de Catherine de Médicis, a. 1534 (la maison de Catherine est partagée avec Madeleine et Marguerite de France).
251 Picot E., Les Italiens en France…, op. cit., p. 175, note 8.
252 Ferrière Hector de la, Lettres de Catherine de Médicis, I, Paris, Imprimerie nationale, 1880, Catherine de Médicis à Anne de Montmorency, 23 mai 1555, p. 97.
253 Picot E., Les Italiens en France…, op. cit.
254 Ibid., p. 65 et 171 ; Guignard Bruno, « De quelques comptes de bouche royaux conservés à Blois », dans Latrémolière E. et Quellier F. (dir.), Festins de la Renaissance…, op. cit., p. 56-65 ; Boucher J., Société et mentalités…, op. cit., p. 416.
255 Id., « L’alimentation en milieu de cour sous les derniers Valois », dans Margolin Jean-Claude et Sauzet Robert (dir.), Pratiques et discours alimentaires à la Renaissance, actes du colloque de Tours, mars 1979, Paris, Maisonneuve et Larose, 1982, p. 163 ; Champion Pierre, Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume : 1564-1566, Paris, Bernard Grasset, 1937, p. 70. On trouve d’autres noms : Jacques Ribou (1518), Jean le Pourée (1528), Henri Comroy (1583). Inventaire. Série K. Monuments historiques. Titre X. Cérémonial. Quittances. Pièces diverses (K 1712 à K 1723), Douët d’Arcq (Louis-Claude), Galland (Bruno), dactylographié en 2001 par Patricia Mochkovitch, p. 19-20 et 28.
256 Dubost Jean-François, Marie de Médicis. La reine dévoilée, Paris, Payot, 2009, p. 128 ; Cormier Maxime, Marie de Médicis au pouvoir vu par les observateurs italiens, 1597-1624, master 2, Université Rennes 2, 2012, p 112 et 308-310. Plutôt qu’une volonté de vivre à l’italienne, Jean-François Dubost estime que le recours à des domestiques transalpins témoigne chez la reine d’un désir de ne pas abandonner ses fidèles. Beaucoup furent rapidement contraints de plier bagage.
257 http://agriculture.gouv.fr/catherine-de-medicis-1519-1589-la, consulté le 20 juin 2014. À dire vrai, en raison des descriptions dressées par L’Isle des Hermaphrodites, c’est Henri III et non sa mère que l’on présente généralement comme le premier à avoir popularisé la fourchette à la cour. Et l’on conjecture, sans preuve véritable, que le dernier Valois se familiarisa avec cet instrument à l’occasion de son séjour à Venise. Une découverte étonnamment tardive pour le fils de celle qui aurait initié la France aux goûts italiens.
Auteurs
IEHCA, université de Tours
Università degli Studi di Scienze Gastronomiche,
Pollenzo-Bra, Italie
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