Politique du mécénat : de l’art pour l’art ?
p. 19-50
Texte intégral
1Quand elle lance sa première salve de séries « d’auteur » à la fin des années 1990 – Oz en 1997, Sex and the City en 1998, The Sopranos en 1999 –, HBO n’en est pas à son coup d’essai en matière de créations sérielles originales. On lui doit déjà quelques incursions annonciatrices dans le policier (Philip Marlowe, Private Eye en 1983, avec dans la peau du privé de Raymond Chandler l’acteur à la mâchoire carrée Powers Boothe, dont la carrière culminera sous l’identité du tenancier de bordel Cy Tolliver dans Deadwood) et dans le carcéral (Maximum Security en 1984, treize ans avant l’ouverture traumatisante du quartier expérimental de haute sécurité d’Oz, la première série dramatique aux épisodes de près d’une heure lancée par HBO dans le cadre de sa politique de rebranding). La chaîne compte également à son actif une anthologie d’horreur ayant fait son chemin jusqu’en France (Tales from the Crypt, diffusée de 1989 à 1996 sur HBO et de 1994 à 1998 sur M6), quelques miniséries sans grand éclat – dont on retiendra tout de même Hotel Room et ses deux épisodes sur trois réalisés par David Lynch (pour une diffusion en janvier 19931), et Tanner ‘88, un mockumentaire politique écrit par Garry Trudeau et réalisé par Robert Altman, dont l’entremêlement parfois indiscernable du réel et de la fiction inspirera sensiblement la première création sérielle de Steven Soderbergh : K Street (toujours sur HBO). Notons également le passage annonciateur, dans la grille de programmes de la chaîne, de comédies s’amusant à jouer ici de la nudité permise par son positionnement avantageux sur le câble premium américain (1st & Ten en 1984 et, six ans plus tard, Dream On, conçue par le duo Marta Kauffman et David Crane qui se fera connaître mondialement en 1994 grâce à la sitcom Friends), là des rapports qu’elle entretient de longue date avec le late-night show (The Larry Sanders Show, cocréée et interprétée par feu Garry Shandling) ainsi qu’avec le sport (la plus méconnue Arliss, avant-goût d’une autre comédie située dans le milieu des agents de joueurs professionnels : Ballers).
2On le ressent à travers ces premières tentatives de créer un « rendez-vous » fictionnel avec un abonné prêt à payer pour s’ouvrir les portes de programmes accessibles nulle part ailleurs : l’objectif n’est pas de casser les codes d’une télévision américaine fourmillant de formules toutes faites et de recettes prêtes à l’emploi, mais d’effectuer un pas de côté et de porter un regard réflexif sur le genre. Interroger le policier, le carcéral, le politique ou la sitcom constitue en effet le meilleur moyen de poser les bases de créations futures au succès plus ou moins avéré : des séries telles que The Wire, Oz, K Street et Entourage apparaissent ainsi comme autant de prolongements logiques de cet esprit frondeur et de cette culture de l’exploration qui ont présidé à la fondation et aux premières années d’existence de HBO.
3Cependant, il y a indéniablement un avant et un après 1995 dans l’histoire sérielle de la chaîne, s’agissant de l’année du remplacement de Michael Fuchs par Jeff Bewkes (le futur PDG de Time Warner) à la tête de l’édifice, et de la double décision de ce dernier de nommer Chris Albrecht à la direction des programmes et de gonfler significativement le budget annuel alloué à son département de création originale, passant de 50 à plus de 300 millions de dollars garantis par la maison-mère en vue de renforcer les liens unissant l’abonné à la « marque » HBO2. Un an plus tard sera lancé le slogan « It’s Not TV. It’s HBO » et, presque dans la foulée, récolté le premier fruit de cette politique ambitieuse : Oz, pavé dans la mare sérielle (et politique) conservatrice qui, certes, n’obtiendra pas la reconnaissance mondiale du Sex and the City de Darren Star ou des Sopranos de David Chase, mais fera sensiblement souffler ce vent du renouveau appelé de ses vœux par Jeff Bewkes. Une concrétisation fulgurante qu’il serait tentant d’attribuer exclusivement à l’injection de fonds financiers conséquents – malgré le style underground de ses séries les plus expérimentales, rappelons que la production de HBO ne peut en aucun cas être qualifiée d’« indépendante » sur le plan financier –, au risque d’oublier que la réussite d’une chaîne de télévision passe avant tout par un organigramme clairement défini, une stabilité permettant à ses différents talents de s’affirmer et de monter progressivement en gamme, ainsi qu’une vision artistique se voulant à la fois lisible, sans concession et assumée. C’est ce dernier aspect que je vous propose à présent d’analyser.

Un paysage audiovisuel américain morcelé
« Après toutes ces années où l’image de marque de HBO avait visé à se distinguer de celle des networks, [Jeff] Bewkes et [Chris] Albrecht firent une concession majeure au modèle télévisuel commercial : ils optèrent pour la diffusion de séries à épisodes selon un rythme hebdomadaire3. »
4Cette remarque de Christopher Anderson, pointant ici du doigt la face cachée du revirement stratégique opéré par HBO en 1995, en dit long sur l’incompréhension qu’a pu susciter la campagne promotionnelle « non télévisuelle » lancée officiellement par la chaîne dès l’année suivante. Car cette dernière n’a jamais eu l’intention de couper les ponts de manière rédhibitoire avec son médium – par essence, HBO est de la télévision –, de la même manière que les réalisateurs de la Nouvelle Vague eurent beau mettre au pilori la « qualité française4 » et le cinéma de papa au milieu des années 1950, ils n’en usèrent pas moins de caméras et de pellicules pour tourner leurs propres films, et de salles de cinéma pour les projeter. En outre, nous avons vu que HBO n’avait pas attendu l’an de grâce 1995 pour (co) produire et diffuser des séries télévisées au format 30 ou 45 minutes, ce qui requiert de nuancer plus encore la « concession » au modèle télévisuel commercial dénoncée à la hâte par Anderson. Par ses prises de libertés ostentatoires et sa volonté de changer le visage de la télévision américaine, il serait plus juste d’affirmer que HBO interroge la série télévisée en tant qu’art, le plus souvent jugé mineur dans les cercles journalistiques (non spécialisés) et académiques avant le positionnement de la chaîne du câble premium sur le marché de niche d’une série se voulant à la fois adulte et prestigieuse.
5Pour bien le comprendre, il convient en premier lieu de positionner HBO sur la carte morcelée du continent audiovisuel américain afin, d’une part, de délimiter l’espace de liberté dont elle dispose vis-à-vis de ses concurrentes indirectes, et d’autre part d’identifier avec précision le bénéfice qu’elle peut tirer de l’objet sériel lorsque celui-ci sort du lot et parvient à s’attirer les louanges de la critique institutionnelle (nous verrons dans le dernier chapitre de cet ouvrage que la stratégie médiatique adoptée par un fournisseur de contenu en ligne tel que Netflix s’avère radicalement différente). L’essentiel tenant en un seul mot : image, que ce soit celle renvoyée par HBO à ses abonnés, aux autres chaînes, à la Federal Communications Commission (FCC) chargée de réguler l’audiovisuel américain, ou aux médias les plus reconnus et les plus influents des États-Unis, à une époque (pas si éloignée) où ces derniers n’avaient pas encore été qualifiés par le président des États-Unis en personne d’« ennemis de la nation5 ». À ce titre, pour prendre l’exemple d’un diffuseur au modèle économique plus proche de celui de HBO que Netflix, il va sans dire que le plan de redressement de la chaîne française Canal+ entrepris par Vincent Bolloré entre 2015 et 2017, qui a notamment consisté à licencier des animateurs vedettes, à supprimer des émissions jugées vieillissantes et à ne plus payer certains auteurs et producteurs de contenus audiovisuels sans prendre la peine de se couvrir légalement6, n’aurait pu être mené de la sorte dans le cadre d’un remaniement de HBO aux États-Unis. Trop pénalisant sur le plan de l’image, donc trop coûteux en termes d’abonnements résiliés ou non reconduits…
6Qu’elle soit américaine ou non, une chaîne premium tire en effet l’essentiel de ses revenus non pas de la diffusion de pages publicitaires, mais de la fidélité d’abonnés devant sans cesse être confortés dans leur choix d’avoir misé sur le bon cheval et d’avoir su faire preuve de bon goût en optant pour un bouquet payant. Les chaînes qui composent celui de HBO se situent à la lisière d’une cartographie du paysage audiovisuel américain certes fournie en aspérités, mais reposant sur un tracé assez schématique que l’on peut synthétiser en traçant trois lignes de séparation : entre les programmes de jour (de 6 heures à 22 heures) et les programmes de nuit ; entre les networks et le câble ; puis entre le câble basique et le câble premium.
7En premier lieu, rappelons que la loi américaine s’est passablement durcie après la diffusion sur une radio locale new-yorkaise, WBAI, le 30 octobre 1973 à 14h, d’un sketch satirique de George Carlin intitulé « Seven Words You Can Never Say on Television7 ». Le célèbre comique de stand-up y énumérait avec précision les sept termes qui auraient toutes les chances d’être censurés s’ils étaient prononcés dans une émission de télévision diffusée à une heure de grande écoute aux États-Unis : « shit », « piss », « fuck », « cunt », « cocksucker », « motherfucker » et « tits ». Cette retransmission poussa un activiste de Morality in Media, une association prônant la sauvegarde de l’éthique à travers les médias américains, à porter plainte auprès de la FCC pour dénoncer la tenue de propos jugés inappropriés à pareille heure de la journée8. Saisie en appel, la Cour suprême prit finalement la résolution, en 1978, d’instaurer une plage horaire dite « libre de contenu » (« safe harbor »), de 22h à 6h du matin, en dehors de laquelle toute diffusion de langage indécent ou ordurier sur une chaîne non payante serait passible de sanctions financières, voire pénales.
8En tant que chaîne à péage, HBO pourrait sembler éloignée de ces considérations censoriales qui visent en premier lieu à protéger le jeune public ayant accès à la télévision gratuite. Elles témoignent pourtant de son rapport ambivalent aux fondements de la télévision américaine : d’un côté, la chaîne n’a pas hésité à diffuser elle-même le sketch de George Carlin en 1977, soit quatre ans après que celui-ci a soulevé la polémique, dans un geste de provocation préfigurant la politique « non télévisuelle » qu’elle mènerait deux décennies plus tard9 ; cependant, elle n’a jamais renié son principe interne (surnommé « R’s at eight10 ») de ne pas diffuser de fi lms classés « R » (c’est-à-dire interdits aux moins de 17 ans non accompagnés, selon la classification cinématographique de la Motion Picture Association of America11) entre 6h et 20h, contrairement à la plupart de ses concurrentes à partir du milieu des années 1980. Suivant la même logique, elle n’a diffusé la première saison de sa série Oz, classée « TV-MA » (pour adultes uniquement, selon les TV Parental Guidelines établis en 1996 par l’industrie audiovisuelle elle-même12), qu’à partir de 23h, avant d’avancer sa programmation d’une heure à partir de la saison suivante13. Tout en élargissant la plage horaire de ses soirées télévisuelles, HBO a ainsi calqué de son propre chef la structure dichotomique de sa grille de programmes sur celle de networks contraints, pour leur part, de se soumettre à la législation fédérale : cela démontre que la prise en compte du caractère potentiellement choquant d’un programme ne tient pas uniquement à des considérations réglementaires, mais aussi au respect des habitudes de consommation du spectateur.
Plus qu’une chaîne : un bouquet HBO
D’abord restreint à la seule chaîne du même nom, l’abonnement à HBO s’est enrichi de deux entrées supplémentaires en 1991 : HBO2 (renommée HBO Plus en 1998, puis de nouveau HBO2 en 2002) et HBO3 (devenue HBO Signature en 1998). HBO2 sert de seconde fenêtre de diffusion à la chaîne principale – avec la particularité de proposer des films classés « R » (réservés aux adultes) en journée –, tandis que HBOSignature cible un public plus spécifiquement féminin. Puis quatre nouvelles chaînes ont fait leur apparition entre 1996 et 2000 : HBO Family (1996), HBO Comedy (1999), HBOZone (1999, à destination des jeunes adultes) et HBO Latino (2000, en langue espagnole). Ajoutons que l’abonnement à HBO inclut généralement un autre bouquet premium détenu par Time Warner : Cinemax, qui peut lui-même contenir jusqu’à quinze chaînes en fonction du câblo-opérateur. HBO est donc résolument plus qu’une simple chaîne…
9La deuxième ligne de séparation du paysage audiovisuel américain se situe entre les networks et le câble américain. Elle s’explique par les fonctions attribuées à la FCC : créée en 1934 par le Congrès américain, cette agence gouvernementale indépendante a succédé à la Federal Radio Commission (FRC), jusqu’alors chargée de réguler les programmes diffusés à la radio. Sa zone de surveillance s’est donc historiquement concentrée sur les programmes des radiodiffuseurs et télédiffuseurs publics, techniquement accessibles à l’ensemble de la population (bien qu’ils ne soient pas contrôlés par l’État), la mainmise de groupes privés n’ayant été contestée que tardivement par l’adoption du Public Broadcasting Act de 196714. Depuis, cette zone de surveillance ne s’est jamais étendue aux diffuseurs par câble et satellite, considérant que leur accès nécessitait de la part du spectateur qu’il souscrive de sa propre initiative un abonnement et donc qu’il prenne la responsabilité de s’exposer à des programmes susceptibles de dépasser les limites de la décence15. Plutôt que de soumettre les chaînes du câble et du satellite à un contrôle centralisé de l’indécence et de la profanité, il a donc été laissé à l’utilisateur final le choix de sélectionner et de filtrer ou non les programmes qu’il souhaite regarder : une solution « pro-choice16 », selon l’expression de James Gattuso.
10Sur le plan législatif, rien n’empêche par conséquent une chaîne du câble ou du satellite américain de proposer à ses téléspectateurs du langage explicite, de la nudité, du sexe ou de la violence physique ou morale à toute heure de la journée, tant qu’elle ne franchit pas la barrière de l’obscénité. Si le mot « fuck », régulièrement employé par les quatre héroïnes de Sex and the City, ne saurait être prononcé sur un hôte plus familial tel qu’ABC ou CBS sans placer celui-ci sous la menace potentielle de la FCC, la donne est donc différente pour une chaîne du câble basique comme Comedy Central ou FX. La première s’est d’ailleurs fait remarquer en juin 2001 en diffusant la version non censurée d’un épisode de la série animée South Park (It Hits the Fan, 5.0117), dans laquelle on pouvait entendre – et même voir s’afficher en toutes lettres à l’écran ! – cent soixante-deux occurrences du mot « shit18 ». Puis elle a instauré, à partir de 2003, une case de programmation spéciale, la « Secret Stash » (« réserve secrète ») proposant, le samedi et le dimanche à 1h du matin, des fi lms et des spectacles de stand-up en langage non censuré, en prenant tout de même bien soin d’avertir le spectateur du type de contenu auquel il s’exposait19. Quant à FX, ces dernières années, il est arrivé à plusieurs reprises à son président John Landgraf d’autoriser l’emploi occasionnel du mot « fuck » quand il estimait que la situation narrative l’exigeait20. Ainsi de cette apostrophe adressée par une prétendante enrobée au protagoniste de la série Louie (FX, 2010-2015), dans l’épisode So Did the Fat Lady (4.03) diffusé le 12 mai 2014 : « Have you ever fucked a fat girl, Louie ? » (« Tu as déjà baisé une grosse, Louie ? »)
11Le contenu subversif n’est donc pas réservé à des chaînes premium comme HBO, Cinemax, Showtime, Starz, Epix ou The Movie Channel. Leurs concurrentes du câble basique échappent elles aussi à la surveillance de la FCC quant à la diffusion de propos et d’images susceptibles d’être jugés indécents ou profanes. Pourtant, elles ne tendent à tirer pleinement parti de cet espace de liberté qui leur est offert qu’à titre exceptionnel, préférant en général opter pour un principe de précaution en s’astreignant à respecter des mesures d’autocensure diligentées par leurs départements internes de « Standards and Practices21 ». Comment expliquer une telle prudence de la part de chaînes situées à la marge des networks et bénéficiant des mêmes largesses législatives que leurs « voisines » du câble premium ? La responsabilité principale en revient aux annonceurs publicitaires, qui érigent la troisième et dernière ligne de démarcation du paysage audiovisuel américain : celle qui sépare le câble basique du câble premium.
12En dépit des divisions susmentionnées, la distribution de la télévision aux États-Unis repose essentiellement sur une architecture additive. Depuis 2015, environ 95 % des foyers américains recevant la télévision hertzienne sont également équipés du câble ; parmi eux, la National Cable Television Association (NCTA) relevait, en 2010, une proportion de 62 % d’abonnés effectifs ayant accès à une centaine de chaînes supplémentaires pour un coût mensuel moyen de quatre-vingt-dix dollars. En outre, la souscription à une offre premium telle que celle permettant de recevoir le bouquet HBO nécessite le plus souvent d’être déjà abonné au câble basique22, ce qui, d’un point de vue architectural, la situe non plus en marge mais à un étage supérieur d’une pyramide télévisuelle reposant depuis ses premières années d’existence sur des fondations hertziennes23. Si l’on qualifie communément le câble premium de « télévision payante », c’est donc par addition implicite aux frais d’accès au câble basique dont s’acquitte déjà plus de la moitié de la population américaine.
13C’est aussi pour signifier le prix d’une marque d’indépendance commerciale : contrairement aux networks et aux chaînes du câble basique, qui capitalisent en grande partie sur la manne financière des revenus publicitaires, leurs concurrentes indirectes du câble premium ne diffusent pas de pages publicitaires (hormis des clips autopromotionnels) et n’ont par conséquent aucunement à redouter le désengagement d’annonceurs refusant de voir leur nom associé à des programmes suscitant la controverse. Comme l’expliquait Chris Albrecht en 2003, alors qu’il était encore à la tête de HBO :
« Les produits que vendent les networks sont ceux qui apparaissent dans les publicités qui entrecoupent leurs programmes. Le produit que nous vendons, de notre côté, c’est HBO. Vous ne pouvez pas en acheter un morceau ; vous devez l’acheter tout entier24. »
14La différence paradigmatique que souligne ici Albrecht permet à une chaîne premium comme HBO d’annihiler l’influence directe d’annonceurs publicitaires sur ses programmes et de nouer ainsi une relation plus directe et mutuellement consentie avec ses abonnés (ce que Mark C. Rogers, Michael Epstein et Jimmie L. Reeves nomment la « brand equity25 »), là où le câble basique n’a d’autre solution que de maintenir l’harmonie entre ces deux chaînons indéboulonnables de son modèle économique. Aussi libre soit-elle, sur le plan législatif, de diffuser des programmes au contenu indécent ou profane à toute heure de la journée, une chaîne du câble basique se voit en effet commercialement tenue d’éviter deux écueils : celui de rebuter ses téléspectateurs, dont le nombre constitue une valeur marchande concrète auprès de ses annonceurs, et celui d’entraîner la prise de distance de ces mêmes annonceurs par l’adoption de codes narratifs ou visuels trop sulfureux et sujets à polémique. Si le câble premium bénéficie de modalités de surveillance plus lâches, ce n’est donc pas seulement du point de vue de la règle, mais aussi du caractère mercantile du système télévisuel dans lequel il s’inscrit.
15Cependant, contrairement à ce qu’affirment la plupart des textes académiques consacrés à ce sujet, HBO n’échappe pas à tout contrôle censorial, dans la mesure où il lui est interdit de propager des contenus à caractère obscène quelle que soit l’heure de diffusion (alors que l’indécence et la profanité ne l’exposent à aucune sanction). Il convient donc de nuancer les propos de Tony Kelso qui affirme qu’« en tant que service payant, HBO n’a pas à se mesurer au risque de violation de la censure gouvernementale26 », de même que ceux d’Al Auster qui estime que la chaîne a « toute latitude en termes de nudité et d’obscénité27 », ou encore ceux d’Hélène Monnet-Cantagrel qui soutient que cette même chaîne n’a « pas à subir les restrictions de la FCC28 ».
Le marketing des beaux-arts selon HBO
16Ces fondations structurelles et réglementaires posées, nous allons à présent pouvoir préciser le rapport – souvent mal interprété – de HBO à la série télévisée en tant qu’œuvre d’art, en prenant comme objet d’étude la promotion des Sopranos, série mafieuse de David Chase souvent considérée comme le chef-d’œuvre canonique de HBO et régulièrement placée en tête des classements honorifiques de la production sérielle américaine29.
17The Sopranos est la troisième série originale lancée par HBO après l’inauguration de son slogan « It’s Not TV. It’s HBO », dans la foulée d’Oz et de Sex and the City. Moins portée sur le sexe que les deux précédentes, tant sur le plan visuel (les détenus placés à l’isolement dans Oz apparaissaient le plus souvent entièrement nus devant la caméra, notamment à partir de la deuxième saison, au risque de remettre en cause l’homosocialité dominant jusqu’alors dans l’enceinte de la prison30) que sonore (les quatre amies de Sex and the City parlaient ouvertement de leurs relations sexuelles), la série mafieuse de David Chase déploie tout de même un langage assez cru et baigne dans une atmosphère récurrente de commerce sexuel en exposant à intervalles réguliers le corps (quasiment) nu de jeunes femmes se livrant à des « numéros » de lap dance. Surtout, il s’agit de la première série dramatique de HBO à avoir eu les honneurs du prime time, le dimanche soir à 21h, dans une case horaire que les networks avaient – et ont toujours – tendance à consacrer à un public plus familial, donc plus jeune en moyenne. Un positionnement stratégique que n’a pas manqué d’entériner le département marketing de la chaîne en lançant une campagne publicitaire intitulée « Sunday is… HBO31 » (« Le dimanche, c’est HBO »), dans le prolongement logique du slogan « It’s Not TV. It’s HBO ». Présentée comme une alternative de luxe aux programmes des autres chaînes, la série The Sopranos incarne donc à elle seule l’idée que souhaitait véhiculer Chris Albrecht lorsqu’il poussa l’effronterie jusqu’à se comparer à un mécène (« patron of the arts ») affilié aux Médicis.
18Cependant, tel que l’interprètent Kim Akass et Janet McCabe, se référer à l’illustre famille de la Renaissance qui initia une véritable révolution dans l’art européen tient autant de l’autovalorisation que de l’autopersuasion, comme une tentative détournée (et pas totalement assumée) de se constituer en chroniqueur de l’illicite moderne :
« Se tenant pour un foyer d’ouverture intellectuelle, industrielle et créative, HBO laisse une place à l’obscène et au grossier dans le langage comme dans les actes à condition qu’ils soient encadrés par un discours faisant état de “qualité” et de respectabilité, comme si une telle validation était nécessaire à l’acceptation et à la compréhension de sa démarche32. »
19Au débit de ces explications, rappelons que la diffusion de contenu « obscène » expose toute chaîne américaine à d’éventuelles sanctions – un principe général auquel HBO n’a aucune raison d’échapper. Il est donc erroné d’affirmer que la chaîne « laisse une place à l’obscène dans le langage comme dans les actes ». Pour viser plus juste, il nous faut repérer que l’argumentaire stratégique de Chris Albrecht ne tient pas seulement du « message linguistique […] [qui] oriente la lecture vers un signifié flatteur33 » ; il a également valeur juridique en ce qu’il cible (consciemment ou non) ce que Jeremy Harris Lipschultz qualifie de « brèche » (« loophole34 ») dans la législation américaine. Selon la définition officielle de l’obscénité, seul un contenu manquant de « valeur artistique sérieuse35 » peut en effet être jugé fautif et répréhensible aux yeux de la loi. Or, nous allons constater à travers l’analyse de deux « tableaux » publicitaires d’inspiration picturale réalisés par la photographe Annie Leibovitz entre 1999 et 2004 dans le cadre de la promotion – et, plus encore, de l’élévation artistique – des Sopranos que le choix des œuvres prises pour modèles fut tout sauf aléatoire.
La Cène (1498) de Léonard de Vinci…

… et celle d’Annie Leibovitz (The Sopranos, saison 1).

20En 1999, Annie Leibovitz photographie la distribution principale et le showrunner36 des Sopranos, David Chase, pour le magazine Vanity Fair. Le projet engage un coût de 60 000 dollars et requiert une semaine entière de préparation. Il vaudra à son auteure de remporter, l’année suivante, un Alfred Eisenstaedt Award décerné par l’école de journalisme de l’université Columbia en hommage au célèbre photojournaliste de Life37. La photographie publiée reproduit La Cène (1498) de Léonard de Vinci, peinture mondialement connue figurant le dernier repas de Jésus-Christ entouré de ses Douze Apôtres, le soir du Jeudi saint. Tony Soprano y occupe la place centrale du Christ, attablé, de face, les bras écartés, entouré de ses proches en position assise ou debout, de profil ou de trois quarts. Ces derniers se répartissent en deux groupes de six personnes facilement identifiables. À sa droite se tient sa famille biologique – du plus ou moins proche : sa femme Carmela, son oncle Junior, sa mère Livia, son fils A. J. et sa fille Meadow, à laquelle vient s’ajouter sous forme de caméo David Chase, seul à adresser un regard à l’objectif de la photographe. À sa gauche se trouve sa famille socioprofessionnelle, qui se compose de sa psychiatre Jennifer Melfi, de son « neveu » (en réalité cousin par alliance) Christopher Moltisanti, de son bras droit Silvio Dante et d’autres mafieux de la bande. Comme le Christ, Tony apparaît donc très entouré mais seul parmi les siens qui, les uns, se chuchotent à l’oreille d’un air complotiste, les autres le regardent légèrement de travers.
21Un double message de connotation se dégage de la lecture de cette image, qui chaque fois entremêle art et auteurisme. Le plus évident associe la famille Soprano (au sens large), d’origine italienne, à l’une des œuvres les plus universelles de Léonard de Vinci, un temps ambassadeur de la cour des Médicis et considéré comme l’un des trois maîtres de la haute Renaissance – avec Raphaël et Michel-Ange. Nous sommes invités à en conclure que HBO, diffuseur exclusif des Sopranos, n’est pas de la télévision mais de l’art ; et pas n’importe quel type d’art : celui qui révolutionne l’art, celui qui érige de nouveaux modes de pensée. Kim Akass et Janet McCabe en déduisent fort logiquement que HBO veut, par effet de transposition, se donner l’image d’une « télévision qui révolutionne la télévision38 » ; il me semble pourtant que la chaîne entend en l’occurrence donner une lecture plus littérale de la première partie de son slogan (« It’s Not TV »), ne serait-ce que l’espace d’une annonce publicitaire. S’il n’échappe pas à l’abonné de HBO qu’il se trouve bien devant de la télévision en regardant The Sopranos, l’épitexte39 ici convoqué introduit dans le même temps une distance permettant de « toucher un public plus vaste […], mais aussi [de] lui adresser un message constitutivement plus éphémère, destiné à disparaître une fois remplie sa fonction monitoire40 ». En d’autres termes, le temps de tourner une page de magazine, The Sopranos est une œuvre fondatrice de Léonard de Vinci.
22D’autant qu’il ne s’agit pas ici d’un simple cliché d’article de presse (portrait, lieu de tournage, etc.) : la photographie est en l’occurrence à considérer comme un médium artistique à part entière, au même titre que la peinture à laquelle elle fait référence. C’est en cela que l’inclusion de David Chase dans le dispositif photographique d’Annie Leibovitz prend un sens tout particulier. Sur le plan narratif, elle produit un effet disruptif : la logique de composition du cadre voudrait qu’un autre proche de Tony apparaisse à sa droite parmi les membres de sa famille biologique, en lieu et place de David Chase. La présence de ce dernier, renforcée par le regard autoritaire qu’il nous lance du coin de l’œil (et qui le place en surplomb de la diégèse), signale son emprise auteuriste sur la communication liée à « sa » série. Elle l’impose physiquement dans cette zone de transaction qu’est le paratexte, « lieu privilégié d’une pragmatique et d’une stratégie, d’une action sur le public au service, bien ou mal compris et accompli, d’un meilleur accueil du texte et d’une lecture plus pertinente – plus pertinente, s’entend, aux yeux de l’auteur et de ses alliés41 ». En se plaçant au croisement des épitextes éditorial (à « fonction essentiellement publicitaire et "promotionnelle" ») et auctorial public (impliquant une « responsabilité déclarée de l’auteur »), non seulement David Chase s’affiche comme un auteur de télévision, combattant ainsi l’idée selon laquelle le showrunner de série télévisée aurait droit à moins de reconnaissance publique que son « équivalent » du cinéma (le réalisateur de long-métrage), mais il déploie en outre sa propre stratégie au cœur de la machine commerciale en invitant le public à le considérer comme un artiste majeur – et pas seulement de télévision. Le deuxième message de connotation qui se dégage de la lecture de cette Cène revisitée est donc celui d’une maîtrise artistique assurée par un auteur « sérieux », inscrit dans un rapport fusionnel à l’œuvre.
L’Adoration des Mages (1475) de Sandro Botticelli.

23Sa présence dans le tableau photographique d’Annie Leibovitz à la place de l’un des Douze Apôtres du Christ est aussi l’affirmation d’une forme de pouvoir : celle du bienfaiteur dont la participation à une œuvre valorisée par sa présence requiert de soigner l’image. Cette contrepartie renvoie à l’exigence des Médicis de se faire représenter dans les tableaux qu’ils (ou l’un de leurs courtisans) commissionnaient à de grands peintres, tel L’Adoration des Mages (1475) de Sandro Botticelli figurant Cosme, Pierre, Jean, Laurent et Julien de Médicis au chevet de la Sainte Famille. Selon une tradition qui remonte à la fin du Moyen Âge, cette représentation picturale aux côtés de personnages saints servait à faire circuler le message d’un statut et d’une puissance politique sans conteste dans la Florence du XVe siècle. Comme l’expliquent Viviane Huys et Denis Vernant : « Cette analogie entre les mages et les membres de la famille Médicis en dit long sur le message de nature politique qui, indubitablement, est construit par et à travers l’image42. » De même, après deux décennies et demie passées à travailler pour une télévision américaine de network qui ne lui apporta aucune gloire, David Chase se place ici (avec la bénédiction de HBO) dans la peau d’un apôtre de l’art télévisuel, apportant autant à celui-ci par son implication personnelle que l’inverse. Là où l’apparition d’un Alfred Hitchcock au générique – et en tant qu’hôte – de l’anthologie Alfred Hitchcock Presents (CBS/NBC, 1955-1965) servait de caution artistique à une série dont il n’était pas un showrunner à temps complet, ne serait-ce qu’en raison de la concomitance de ses projets cinématographiques, celle de David Chase devant l’objectif d’Annie Leibovitz sert des intérêts artistiques réciproques tout en sacralisant le rôle de l’auteur de télévision, présent à chaque instant auprès de ses personnages et responsable de leurs moindres faits et gestes.
24Une telle opération marketing peut toutefois s’avérer à double tranchant : si la référence artistique contribue naturellement à sanctifier la série en dépit de la violence qu’elle dépeint, elle court aussi le risque d’être perçue comme une provocation blasphématoire. Placer Tony Soprano, mafieux notoire ne se contentant pas de fumer de gros cigares pour récolter sa dîme, dans la peau du Christ n’est en effet pas un choix à prendre à la légère. Il participe d’un double discours souvent reproché à HBO : celui qui consiste à légitimer ses séries originales par leur cachet artistique, tout en y propageant des représentations sexuelles, violentes ou blasphématoires « indignes » d’une chaîne se réclamant d’un tel standing. Soit deux injonctions contradictoires qui s’apparentent aux plateaux d’une balance à colonne dont le fait de trop pencher d’un côté ou de l’autre risquerait de produire un déséquilibre rédhibitoire : voilà pourquoi le choix des œuvres de référence, mais aussi (et peut-être plus encore) des artistes appelés à les mettre en scène, importe tant dans la communication de HBO. Qu’une photographe aussi reconnue qu’Annie Leibovitz ait été choisie pour ouvrir The Sopranos au monde extérieur ne doit rien au hasard ; sa signature tend même à décrédibiliser toute accusation de blasphème, au même titre que des attaques portant sur la perversion supposée d’un film de Stanley Kubrick peuvent être balayées par la force artistique de l’œuvre globale du cinéaste américain. À l’auteurisme de David Chase se marie celui de l’artiste qui le photographie, à tel point que la facture commerciale d’une telle entreprise passe complètement au second plan. « Ce n’est pas de la publicité, c’est de l’art. »
25Le succès de la première photographie réalisée par Annie Leibovitz vaudra à cette dernière d’être rappelée à plusieurs reprises par HBO pour assurer la promotion de nouveaux épisodes des Sopranos. En 2004, en amont de la diffusion de la cinquième (et avant-dernière) saison, elle s’inspire de La Barque de Dante (1822) d’Eugène Delacroix pour mettre en scène sa propre version de la visite de Dante et de Virgile aux Enfers, extraite de la Divine Comédie. David Chase, fort d’une reconnaissance de son statut d’auteur apportée par le succès critique de la série, ne figure pas sur cette nouvelle photographie qui sera exposée sur la voie publique par le biais de gigantesques panneaux d’affichage43. Malgré cela, l’objectif visé reste le même : prendre le spectateur à témoin (ce sont désormais tous les personnages, hormis Janice et Jennifer Melfi, qui nous regardent droit dans les yeux) et établir The Sopranos comme une œuvre d’art au-delà du champ télévisuel, en ajoutant à cette connotation dominante un rapport à la nudité distancié de tout caractère obscène. Sur l’affiche promotionnelle, les corps nus des damnés peints par Delacroix qu’exhibera frontalement la série à maintes reprises (leurs organes génitaux mis à part) sont en effet recouverts d’un vêtement ou en partie dissimulés par une posture de dos ou de profil. Sortie de ses bases télévisuelles, offerte à la vue des badauds, la série se drape ainsi de respectabilité en convoquant une toile renommée préfigurant le romantisme, tout en cachant les parties intimes de corps dévêtus apparaissant dans le plus simple appareil dans l’œuvre originale.
La Barque de Dante (1822) d’Eugène Delacroix…

… et la version des Sopranos (saison 5).

26Toujours selon Kim Akass et Janet McCabe, la stratégie suivie par cette entreprise de communication d’inspiration picturale a ceci de paradoxal qu’elle consiste à valoriser la rareté et l’exigence des programmes de HBO, sans pour autant renoncer à s’adresser au plus grand nombre. Voici ce qu’elles écrivent :
« Ramenées au débat sur la télévision de qualité, de telles campagnes jouent sur un champ culturel précis. HBO cherche à élargir son audience au maximum mais, pour y parvenir, valorise le désir de faire partie d’une élite. […] Promouvoir des séries telles que Sex and the City, Les Soprano ou Six Feet Under comme des produits haut de gamme (avec un auteur et une véritable vision artistique) implique que ces séries puissent se permettre un contenu difficile – du sexe ou du blasphème – dans le seul contexte d’une écriture intellectuelle qui se place d’emblée au-dessus de la mêlée44. »
27La trajectoire que décrit cette lecture va du non télévisuel (la peinture) au télévisuel (la télévision de niche) : s’abonner à HBO reviendrait donc à rejoindre un cercle privé d’amateurs d’art dotés, pour reprendre les propos de Christopher Anderson qui s’inscrivent dans le même courant de pensée, du « tempérament, [du] savoir et [des] codes que l’on estime d’ordinaire plus appropriés à l’appréhension d’œuvres d’art dignes des musées45 ». Se revendiquer de l’art (et notamment des beaux-arts) participerait ainsi d’un processus de légitimation par le noble, l’intellectuel, l’élitiste. Cela aurait valeur, pour les abonnés de HBO, de droit d’entrée dans un gotha auquel n’ont pas accès les spectateurs de télévision ordinaire, réduite pour sa part à dispenser un « art mineur46 », sans chercher à écouler autre chose qu’un flot incessant de programmes les « moins clivants possible47 ».
28Pourtant, l’analyse des photographies d’Annie Leibovitz à laquelle je viens de procéder m’amène à interpréter différemment le concept de « mécénat » tel qu’a pu l’avancer Chris Albrecht. Si ce dernier met autant l’accent sur la valeur artistique de ses programmes, ce n’est pas seulement pour s’associer à la grandeur et au prestige d’œuvres préexistantes situées en dehors du giron télévisuel (selon une lecture extra-référentielle du slogan « It’s Not TV. It’s HBO »). En s’ouvrant par l’outil marketing à un pan déjà fort médiatisé des beaux-arts, il saisit aussi l’occasion de sortir HBO de sa niche télévisuelle et d’en appeler à un patrimoine culturel commun – quand bien même le destinataire n’aurait pas en tête les références exactes des œuvres originales reproduites. Convoquer les Médicis, Léonard de Vinci ou Eugène Delacroix, ce n’est pas s’adresser à quelques poignées de connaisseurs habitués à arpenter les musées ou les galeries d’art ; c’est au contraire effectuer un geste de rassemblement, dans un lieu public ouvert à tous, sans snobisme à l’encontre des non-initiés. Et en profiter pour s’approprier une part de la légitimité que des œuvres aujourd’hui adoubées ont su glaner au fil des siècles, selon un principe de « caution artistique » dont je vais à présent étudier le pendant médiatique.
Une histoire de slogans promotionnels
« It’s Not TV. It’s HBO » est assurément un slogan qui a su jouer son rôle de « poil à gratter » au point de rester gravé dans les mémoires et de continuer aujourd’hui encore à susciter des réactions d’admiration ou d’indignation chez les observateurs. Mais il n’est pas le seul à avoir été convoqué par la chaîne. Auparavant, celle-ci a notamment eu pour slogan « Different and First » (« Différent et en tête »), « The Great Entertainment Alternative » (« L’autre temple du divertissement »), « There’s No Place Like HBO » (« HBO est un endroit unique »), « Nobody Brings It Home Like HBO » (« Personne ne fait aussi bien le travail que HBO »), ou encore « Something Special’s On » (« Il y a quelque chose de spécial à l’antenne »). Et depuis 2009, elle a opté pour de nouveaux slogans parmi lesquels « It’s More Than You Imagined. It’s HBO » (« C’est plus que vous ne l’imaginiez. C’est HBO ») et « It’s What Connects Us » (« C’est ce qui nous relie »).
Valse critique à trois temps du New York Times
29Trois ans seulement après le lancement du slogan « It’s Not TV. It’s HBO », sous l’influence du succès critique et public des Sopranos, se déclenche aux États-Unis un processus médiatique de légitimation artistique d’une nouvelle génération de séries télévisées perçues comme n’ayant plus rien à envier à des œuvres issues d’autres pans de la culture populaire américaine, voire des beaux-arts dans toute leur diversité. Si l’expression « quality TV » remonte à 1984, année de parution d’un ouvrage de référence intitulé MTM. ‘Quality Television’48 (mais aussi de la création de l’association à but non lucratif Viewers for Quality Television, dont les efforts en faveur de séries menacées d’annulation se poursuivront pendant seize ans), ce n’est en effet qu’à partir de la fin des années 1990 qu’elle s’impose dans le vocabulaire journalistique et universitaire, jusqu’à ouvrir la voie à de nouveaux champs référentiels.
30En atteste le déplacement sur l’échelle des arts résultant de la parution, entre 1995 et 1999 (soit respectivement l’année ayant précédé la mise en place de la nouvelle stratégie de HBO et celle du lancement officiel des Sopranos), de deux articles à forte résonance parus dans le New York Times. Dans le premier, Charles McGrath n’hésite pas à qualifier les meilleures séries dramatiques diffusées par les networks de « romans de prime time49 », tout en réfrénant d’emblée ses ardeurs en précisant que l’amélioration de leur qualité d’écriture n’est « pas due à la grande sagesse ni aux aspirations culturelles des responsables de chaînes », et que « le plaisir procuré par la télévision ne [dépassera] jamais celui de la lecture ». Trois ans et demi plus tard, Stephen Holden suit la trajectoire inverse en commençant par désigner The Sopranos comme « un chef-d’œuvre pop50 », avant d’élargir son propos à d’autres domaines artistiques :
« Sur une durée de 13 heures, les conflits qui s’accumulent [dans la saison inaugurale des Sopranos] ont la force de la tragédie grecque. Ou bien serait-ce une pièce de Tchekhov rejouée en adoptant l’argot fleuri des truands du New Jersey ? »
31Finalement, c’est à Caryn James que revient la responsabilité, toujours pour le New York Times, de réunir les deux courants de pensée en comparant The Sopranos, à l’occasion du lancement de sa troisième saison, à des cycles littéraires du xixe siècle tels que Les Rougon-Macquart d’Émile Zola ou La Comédie humaine d’Honoré de Balzac. Prolongeant ainsi la rhétorique de Michael Fuchs, l’ancien président de HBO qui, dès 1992, clama dans le même journal son ambition de « jouer le rôle de [Charles] Dickens51 », James ne manque en outre pas de rappeler que la série de David Chase a eu droit aux honneurs du prestigieux et extrêmement sélectif Museum of Modern Art (MoMA), en février 2001, dans le cadre d’une projection exceptionnelle de ses deux premières saisons52.
32Voici donc The Sopranos devenue, non plus l’espace d’une page publicitaire affichée dans un mensuel de culture populaire mais le temps de multiples discussions accompagnant la parution d’une critique élogieuse dans un quotidien généraliste de référence, l’équivalent d’une œuvre fondatrice de Léonard de Vinci. Soit la validation du rapport de filiation établi dès la fin des années 1990 par les dirigeants de HBO, lorsque ceux-ci n’hésitèrent pas à se réclamer d’un médium « non télévisuel » avant de faire appel aux services d’Annie Leibovitz pour mettre cette idée en images. Et peu importe, au final, de savoir si The Sopranos est ou non l’équivalent de La Cène ou de La Barque de Dante ; ce qui compte, aux yeux de quiconque est susceptible de s’abonner à HBO, c’est que la série en ait la prétention. Non pas au sens – induit par le slogan provocateur « It’s Not TV. It’s HBO » – de la revendication d’un dû, mais d’une aspiration à entrer dans le giron du grand art. Dès lors que ce haut degré d’exigence, incarné notamment par la présence auteuriste de David Chase auprès de ses personnages fictifs sur la première photographie publicitaire d’Annie Leibovitz, parvient à s’insinuer dans le contexte étendu de la série au point de persuader le téléspectateur que son contenu, témoignant d’une « valeur artistique sérieuse », équivaut à celui d’un tableau néo-classique ou d’une tragédie grecque de renom, l’idée de se trouver face à une télévision hors du commun (à défaut de parler de « non-télévision ») fait son chemin sans même avoir besoin de verser dans la provocation gratuite et outrancière. « Regarder HBO, c’est comme admirer une toile de maître » : tel est le message que s’applique à transmettre l’épitexte mûrement réfléchi de la chaîne. Encore faut-il que le contenu suive et parvienne à jouer sans fausse note cette si fragile dialectique de l’art et du télévisuel…
33Car il convient désormais d’interroger la rhétorique esthétique et formelle de HBO : au-delà des discours officiels, que nous disent les images de ses séries originales quant au rapport qu’elles entretiennent avec l’art ? Comme nous allons le constater, il n’est certainement pas dû au hasard que des séries aussi ambitieuses qu’Oz, The Sopranos ou The Wire (toutes trois lancées en l’espace de cinq ans, entre 1997 et 2002) figurent parmi les piliers dramatiques du « nouvel HBO » : elles prennent en effet appui sur un péritexte artistique interne prolongeant le marketing de l’art tel que j’ai pu le décrire dans les paragraphes précédents, avec pour objectif affiché d’anoblir les innombrables meurtres, injures, agressions sexuelles et autres trafics de drogue qui y sont dépeints.
De la télévision commerciale à l’art télévisuel
34Pour développer son concept d’« HBO-ification du genre » selon lequel des séries de HBO telles que The Sopranos, Deadwood ou The Wire sont parvenues à accéder à une reconnaissance à la fois critique et publique en remodelant et en influençant à leur tour les genres cinématographiques dont elles s’inspiraient (respectivement le film de gangsters, le western et le film policier), R. Colin Tait n’hésite pas à qualifier HBO d’« usine à genres53 » (« genre factory ») et à comparer la chaîne à un « studio hollywoodien de la période classique, dont l’usage et la transformation radicale des genres ont ouvertement servi une finalité à la fois commerciale et identitaire ».
35La réflexion pourrait être prolongée au sujet d’Oz, série qui s’inscrit dans le registre du film de prison en en reprenant les thèmes canoniques54 : la rébellion contre l’injustice (en premier lieu celle de Tobias Beecher, avocat blanc de la classe moyenne qui nous sert de point d’entrée dans Emerald City, quartier expérimental de haute sécurité de l’Oswald State Correctional Facility dans lequel il se voit incarcéré au tout début de la série après avoir été condamné à quinze ans de détention pour homicide involontaire), les rapports de domination (entre détenus, entre détenus et gardiens, etc.), ou encore le décalage entre apparence et réalité qui apparaît sans cesse en filigrane de la représentation carcérale. Toutefois, la série couvre un spectre d’influences artistiques plus large, se référant notamment à la tragédie grecque pour mener une quête de légitimation par le noble qui la destine à être prise au sérieux – bien avant de susciter les quolibets de spectateurs déçus bien décidés à révéler ses dessous de soap opera, genre traditionnel de la télévision américaine associé à une pratique commerciale et industrielle du médium et, par conséquent, ne répondant pas à la soif de prestige affichée par HBO (nous y reviendrons dans le cinquième chapitre de cet ouvrage au moment de tenter de définir ce qu’est « la » série HBO).
36La première scène d’Oz (après son générique) nous place à l’intérieur d’une cage aux parois de verre qui servira tout au long de la série de poste de commentateur à Augustus Hill, détenu afro-américain en fauteuil roulant possédant un statut à part dans la diégèse puisque, tel un coryphée de tragédie grecque55, il en est à la fois le narrateur (s’adressant face caméra au spectateur pour méditer sur le thème central et les enjeux cruciaux de l’épisode) et l’un des multiples protagonistes, en lutte pour sa propre survie dans la prison où se déroule l’intégralité de l’action. Défiant toute gravité, la cage n’a pas de position fixe établie dans la prison et peut par conséquent se transposer à tout endroit de l’établissement : par exemple, face à la plateforme métallique sur laquelle se dressent les gardiens, qui apparente le quartier expérimental à un « panoptique de l’âge démocratique : qui voit peut être vu, on ne peut voir sans être vu56 ». La cage est également parfois amenée à tournoyer sur elle-même, là encore en dépit de toute logique spatiale. Augustus Hill y apparaît en mouvement (certes limité par l’étroitesse de la structure parallélépipédique), tandis que les occupants d’Emerald City, positionnés à l’extérieur de la cage, sont le plus souvent complètement figés, « statufiés » pourrait-on dire, signe que le commentaire choral a périodiquement suspendu « l’action récitée57 ». Le coryphée en fauteuil roulant, « immune, tout en étant coprésent58 » des occupants du quartier expérimental d’Emerald City (dont lui-même fait partie en tant que simple détenu), nous présente donc les nouveaux arrivants, devise sur les derniers rebondissements narratifs ou pointe du doigt les failles du système carcéral américain depuis un espace et une temporalité déconnectés de la ligne d’action principale.
Augustus Hill, détenu-coryphée d’Oz.

Le panoptique d’Emerald City.

La cage tournoyante d’Augustus Hill.

L’action suspendue d’Oz.

37Comme l’explique Claudia Schippert :
« La cage de verre est déployée dans Oz d’une façon si surréaliste qu’elle rompt la cohérence narrative et laisse place à un méta-commentaire critique. Son apparition dans la narration introduit une couche extradiégétique, en ce qu’elle prépare le terrain aux réflexions philosophiques et au commentaire critique d’Augustus Hill59. »
38Cette cage ne nous est ainsi pas présentée comme un « confessionnal » dans lequel l’un des détenus d’Emerald City viendrait s’épancher sans quitter son habit de prisonnier sous haute surveillance, mais comme un espace coupé du flux narratif provisoirement suspendu. Chaque épisode de la série étant parsemé d’interventions d’Augustus Hill dans la peau du coryphée (jusqu’au tout dernier, qu’il lui revient naturellement de conclure), la structure d’Oz s’apparente ainsi à celle du théâtre grec telle que la définit Roland Barthes, « alternance organique de la chose interrogée (l’action, la scène, la parole dramatique) et de l’homme interrogeant (le chœur, le commentaire, la parole lyrique)60 ».
Tony Soprano patiente…

… face à une intrigante statue de bronze (The Sopranos, 1.01).

39Que le premier geste de la série soit de figurer un chœur antique est d’autant plus remarquable que c’est, toujours selon Barthes, la seule composante de la tragédie grecque à avoir totalement disparu, enterrée par un théâtre psychologique vidé de la « dramaturgie des grandes idées morales61 » et ayant réduit le spectateur à « l’œil passif auquel on offre le dévoilement d’un secret passionnel ». Dans le prolongement de la rhétorique du mécénat selon Chris Albrecht, Oz clame par conséquent d’entrée de jeu son intention non seulement de convoquer, mais aussi de réhabiliter une pratique artistique disparue ; ou comment endosser à nouveau, par le biais d’une rhétorique non plus du marketing mais de la forme, le costume du bienfaiteur initiant la renaissance d’un art que le temps et l’émergence de nouvelles valeurs ont fait dévier au fil des siècles de sa fonction tragique originelle.
40Cette rhétorique formelle peut aisément être étendue à d’autres séries adoubées de HBO, comme The Sopranos ou The Wire. Les deux premiers plans de la série mafieuse (après le générique d’ouverture) nous montrent Tony Soprano filmé à travers les jambes d’une sculpture de bronze en amorce, tandis qu’il attend son tour dans la salle d’attente du docteur Melfi, puis son contrechamp qui nous révèle la partie supérieure du buste de ce qui s’avère être une statue de femme nue aux bras croisés derrière la tête. Comme le rappelle Franco Ricci, beaucoup a déjà été écrit sur cette ouverture de série et sur le sens à donner à cette sculpture qui évoque, par exemple, la Méduse de la mythologie grecque dont le regard possède le pouvoir de pétrifier quiconque a le malheur de le croiser62. Quoi qu’il en soit, ces prémisses signent formellement la note d’intention artistique de la série, ce que confirmera l’épisode Second Opinion (3.07) en rejouant ces deux plans initiaux à l’identique, au détail près que, cette fois-ci, ce ne sera plus Tony mais Carmela Soprano que l’on verra prendre son mal en patience dans la salle d’attente du docteur Melfi. Prolongeant le marketing des beaux-arts selon HBO, cette entrée en matière proclame le statut esthétique dont se revendique la série et précède (donc devance) tout ce que pourra révéler une étude approfondie de ses emprunts péritextuels, forcément moins élevés sur l’échelle de valeur artistique.
Carmela Soprano se retrouve dans la même situation (3.07).

41De même The Wire, conçue d’après son showrunner David Simon comme un « roman visuel63 », impose d’emblée ses aspirations littéraires en ponctuant le générique de chacun de ses épisodes d’une citation en lettres blanches sur fond noir, que l’on entendra prononcer dans l’heure qui suit par l’un des personnages apparaissant à l’écran. Soit l’équivalent d’une épigraphe qui ressortit, comme l’indique la racine de ce mot, de l’épitexte de la série et ouvre à ce titre un horizon d’attente ne demandant qu’à être comblé. Celle qui ponctue le générique du premier épisode de la série contient le morceau de phrase suivant : « … when it’s not your turn ». Dite entièrement par Jimmy McNulty à son partenaire Bunk Moreland, cette phrase devient « It’ll teach you to give a fuck when it ain’t your turn to give a fuck. »
42À l’oral, elle bascule donc dans un registre de langue moins soutenu en usant d’une contraction (« it ain’t » au lieu de « it’s not ») et en s’entourant de deux occurrences du mot « fuck », lequel sera prononcé à maintes reprises au cours de la série. Ce qui pouvait s’apparenter à une phrase sans importance devient ainsi un manifeste (voire un « programme politique64 », pour reprendre l’expression d’Ariane Hudelet) qui sera réemployé quasiment mot pour mot dans le dernier épisode de la série, cette fois-ci dans la bouche non plus de McNulty mais de son fidèle comparse Bunk s’adressant à Kima Greggs : « There you go, giving a fuck when it ain’t your turn to give a fuck » (5.10).
L’épigraphe du pilote de The Wire.

43Dans les trois cas que je viens de relever, l’intention de « faire art » s’affiche donc ostensiblement dès les prémisses de la série par le biais d’une référence-signature : ici à la tragédie grecque (le détenu-coryphée qui commente chaque épisode d’Oz), là à la sculpture (les plans de statue inquisitrice qui seront rejoués deux saisons et demie plus tard dans The Sopranos), là encore à la littérature (l’épigraphe qui ponctue le générique de chaque épisode de The Wire d’une autocitation). Les trois fictions en question entendent ainsi d’emblée se positionner comme des œuvres d’art dignes des égards qu’impose un tel statut aux yeux du public. Pour ne pas « salir » cette rhétorique formelle qui s’inscrit dans le prolongement de l’épitexte officiel de la chaîne, ces signatures prennent en outre le soin de se démarquer du contenu indécent qui caractérisera la suite de chaque série : dans Oz, Augustus Hill le coryphée et Augustus Hill le détenu condamné à perpétuité pour détention de substances illicites et meurtre d’un agent de la SWAT sont deux entités strictement séparées ; dans The Sopranos, le cabinet du docteur Melfi est l’une des rares zones neutres où la violence de Tony demeure à peu près contenue ; et dans The Wire, le langage explicite ne se permet de prendre le relais d’un style littéraire plus soutenu qu’à une distance respectable de l’épigraphe initiale. Chacune de ces séries s’applique d’entrée de jeu à montrer « patte blanche » et à mettre en sourdine tout péritexte officieux qui risquerait de la renvoyer à une nature télévisuelle moins avouable, dans le prolongement stratégique du marketing de l’art que j’ai mis en exergue au début de cet ouvrage. Tout est ainsi mis en œuvre pour faire advenir non pas ce que l’on pourrait nommer sommairement de la « télévision commerciale », mais de l’art télévisuel : telle est la trace que se destine à laisser HBO dans l’histoire de son médium – et le souvenir que l’on sera convié à en conserver, le jour où la chaîne aura définitivement été supplantée par des algorithmes (se croyant) capables de créer des séries tous seuls.
Bunk reprend les mots de McNulty (5.10).

Notes de bas de page
1 Situé, sous une forme anthologique, dans une même chambre d’hôtel à trois époques différentes du XXe siècle, le concept des épisodes d’une demi-heure d’Hotel Room évoque fortement celui sur lequel se fondera la série (elle-même anthologique) des frères Duplass lancée à l’été 2017 sur HBO : Room 104.
2 Anderson Christopher, « Drama Overview : Producing an Aristocracy of Culture in American Television », in Edgerton Gary R. et Jones Jeffrey P. (dir.), The Essential HBOReader, Lexington, The University Press of Kentucky, 2008, p. 32.
3 Loc. cit.
4 Truffaut François, « Une certaine tendance du cinéma français », Cahiers du cinéma, no 31, janvier 1954, p. 15.
5 Trump Donald J., Twitter, 17 février 2017, consulté le 10 août 2017 : https://twitter.com/realDonaldTrump/status/832708293516632065.
6 Lefilliâtre Jérôme, « Canal+ a arrêté de payer certains producteurs audiovisuels », Libération, 21 juin 2017, consulté le 10 août 2017 : http://www.liberation.fr/futurs/2017/06/21/canal-a-arrete-de-payer-certains-producteurs-audiovisuels_1578257.
7 « Sept mots qu’il est interdit de prononcer à la télévision ».
8 « Pacifica Foundation v. FCC, 556 F.2d 9 (D.C. Cir. 1977) », Casetext, 1977, consulté le 10 août 2017 : https://casetext.com/case/pacifica-foundation-v-f-c-c.
9 DeFino Dean J., The HBOEffect, New York, Bloomsbury, 2014, p. 5.
10 Mesce, Jr. Bill, op. cit., p. 153.
11 Triollet Christophe, Le contrôle cinématographique en France. Quand le sexe, la violence, et la religion font encore débat, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 163.
12 « Understanding the TV ratings », The TV Parental Guidelines, consulté le 10 août 2017 : http://www.tvguidelines.org/resources/TheRatings.pdf.
13 Richmond Ray, « HBO makes “11 th Hour” decision », Variety, 15 mai 1997, consulté le 10 août 2017 : http://variety.com/1997/scene/vpage/hbo-makes-11th-hour-decision-1117341688.
14 Edgerton Gary R., « A Great Awakening : Prime Time for Network Television – 1964-1975 », in Edgerton Gary R. (dir.), The Columbia History of American Television, op. cit., p. 279.
15 « Obscene, Indecent and Profane Broadcasts », Federal Communications Commission, 11 décembre 2015, consulté le 10 août 2017 : https://transition.fcc.gov/cgb/consumerfacts/obscene.pdf.
16 Gattuso James cité par Lipschultz Jeremy Harris, Broadcast and Internet Indecency. Defining Free Speech, New York, Routledge, 2008, p. 11.
17 Par convention, tous les épisodes seront numérotés de la façon suivante : un premier nombre pour désigner le numéro de la saison, un point, puis un deuxième nombre pour désigner le numéro de l’épisode. Ainsi, « 5.01 » correspond au premier épisode de la saison 5.
18 Wilonsky Robert, « It Happens », New Times Broward-Palm Beach, 26 juillet 2001, consulté le 10 août 2017 : http://www.browardpalm-beach.com/arts/it-happens-6323939.
19 Haggins Bambi et Lotz Amanda, « Comedy Overview : At Home on the Cutting Edge », in Edgerton Gary R. et Jones Jeffrey P. (dir.), The Essential HBO Reader, op. cit., p. 170.
20 Butler Bethonie, « Is there anything you can’t say on TV anymore ? It’s complicated », The Washington Post, 29 mars 2016, consulté le 10 août 2017 : https://www.washing-tonpost.com/news/arts-and-entertainment/wp/2016/03/29/is-there-anything-you-cant-say-on-tv-anymore-its-complicated.
21 Dessart George, « Standards and Practices », Museum of Broadcast Communications, consulté le 10 août 2017 : http://www.museum.tv/eotv/standardsand.htm.
22 Mesce, Jr. Bill, op. cit., p. 83-85.
23 Ce modèle se voit bien entendu remis en cause aujourd’hui par l’émergence de la télévision par Internet, mais ce n’était pas le cas au moment où HBO inaugura sa campagne « non télévisuelle ».
24 Cité par Frutkin A. J., « Enemy of the Safe », Mediaweek, 16 juin 2003, p. 1.
25 Rogers Mark C., Epstein Michael et Reeves Jimmie L., « The Sopranos as HBO Brand Equity : The Art of Commerce in the Age of Digital Reproduction », in Lavery David (dir.), This Thing of Ours. Investigating The Sopranos, New York, Columbia University Press, 2002, p. 42.
26 Kelso Tony, « And now no word from our sponsor : How HBO puts the risk back into television », in Leverette Marc, Ott Brian L. et Buckley Cara Louise (dir.), It’s Not TV. Watching HBO in the Post-Television Era, op. cit., p. 49.
27 Auster Al, « HBO’s approach to generic transformation », in Edgerton Gary R. et Rose Brian G. (dir.), Thinking Outside the Box. A Contemporary Television Genre Reader, Lexington, The University Press of Kentucky, 2008, p. 227.
28 Monnet-Cantagrel Hélène, « Les séries HBO, style et qualité », in Jost François (dir.), Pour une télévision de qualité, Bry-sur-Marne, INA Éditions, 2014, p. 142.
29 En 1999, après la diffusion de la première saison des Sopranos, Stephen Holden alla par exemple jusqu’à considérer que la série était « peut-être la plus grande œuvre issue de la culture américaine de ce dernier quart de siècle » (Holden Stephen, « Sympathetic Brutes In a Pop Masterpiece », The New York Times, 6 juin 1999, consulté le 10 août 2017 : http://www.nytimes.com/1999/06/06/movies/television-radio-sympathetic-brutes-in-a-pop-masterpiece.html).
30 Wlodarz Joe, « Maximum Insecurity : Genre Trouble and Closet Erotics in and out of HBO’s Oz », Camera Obscura, vol. 20, no 1 58, 2005, p. 81.
31 Santo Avi, op. cit., p. 27.
32 McCabe Janet et Akass Kim, « Sex, Swearing and Respectability : Courting Controversy, HBO’s Original Programming and Producing Quality TV », in McCabe Janet et Akass Kim (dir.), Quality TV. Contemporary American Television and Beyond, Londres, I.B.Tauris, 2007, p. 75-76.
33 Barthes Roland, « Rhétorique de l’image », Communications, no 4, 1964, p. 44.
34 Lipschultz Jeremy Harris, op. cit., p. 71.
35 « Obscenity, Indecency & Profanity – FAQ », Federal Communications Commission, consulté le 10 août 2017 : https://www.fcc.gov/reports-research/guides/obscenity-indecency-profanity-faq.
36 Le showrunner, ou auteur-producteur, est « responsable de la supervision au quotidien de la production d’une série » (Ahl Nils C. et Fau Benjamin, Dictionnaire des séries télévisées, Paris, Philippe Rey, 2016, p. 1055).
37 McCabe Janet et Akass Kim, « It’s not TV, it’s HBO’s original programming : Producing quality TV », in Leverette Marc, Ott Brian L. et Buckley Cara Louise (dir.), It’s Not TV. Watching HBO in the Post-Television Era, op. cit., p. 85.
38 Ibid., p. 86.
39 L’épitexte est un paratexte qui délivre des « messages qui se situent, au moins à l’origine, à l’extérieur [du texte, dans un] espace physique et social virtuellement illimité » (Genette Gérard, op. cit., p. 346).
40 Loc. cit.
41 Ibid., p. 8 et 349-353.
42 Huys Viviane et Vernant Denis, Histoire de l’art. Théories, méthodes et outils, Paris, Armand Colin, 2014, p. 77-78.
43 McCabe Janet et Akass Kim, « It’s not TV, it’s HBO’s original programming : Producing quality TV », in Leverette Marc, Ott Brian L. et Buckley Cara Louise (dir.), It’s Not TV. Watching HBO in the Post-Television Era, p. 85.
44 Akass Kim et McCabe Janet, « Ce n’est pas de la télévision, c’est de la télévision de qualité : quand HBO redéfinit la TV », in Jost François (dir.), Pour une télévision de qualité, op. cit., p. 130-136.
45 Anderson Christopher, op. cit., p. 24.
46 Lotz Amanda, « Why Isn’t it TV ? Post-Network Television Economics and Evaluating HBOTexts », in Carr Steven, Metz Walter et Tankel Jonathan (dir.), It’s Not TV, It’s HBO. Home Box Office, Pay Cable and the Transformation of Quality Television, manuscrit non publié, 2003, p. 50.
47 Klein Paul, « Why you watch what you watch when you watch », TV Guide, 24 juillet 1971, p. 6.
48 Feuer Jane, Kerr Paul et Vahimagi Tise (dir.), MTM. ‘Quality Television’, Londres, BFI Publishing, 1984.
49 McGrath Charles, « The Triumph of the Prime-Time Novel », The New York Times, 22 octobre 1995, consulté le 10 août 2017 : http:// www.nytimes.com/1995/10/22/magazine/the-prime-time-novel-the-triumph-of-the-prime-time-novel.html.
50 Holden Stephen, loc. cit.
51 Cité par Carter Bill, « HBO as a Modern-Day Dickens », The New York Times, 1er novembre 1992, consulté le 10 août 2017 : http://www.nytimes.com/1992/11/01/business/hbo-as-a-modern-day-dickens.html.
52 James Caryn, « “Sopranos” : Blood, Bullets And Proust », The New York Times, 2 mars 2001, consulté le 10 août 2017 : http://www.nytimes.com/2001/03/02/movies/tv-weekend-sopranos-blood-bullets-and-proust.html.
53 Tait R. Colin, « The HBO-ification of Genre », Cinephile, vol. 4, no 1, été 2008, p. 51.
54 Rafter Nicole, Shots in the Mirror. Crime Films and Society, Oxford, Oxford University Press, 2000, p. 121-123.
55 Schippert Claudia, « From Oz to Lockup : Bringing Prison Life (Back) Home », TV/Series, no 1, juin 2012, p. 395.
56 Rivière Jean-Loup, Oz. Drogue, amour et utopie, Paris, Presses Universitaires de France, 2016, p. 26.
57 Barthes Roland, « Le théâtre grec », Écrits sur le théâtre, Paris, Éditions du Seuil, 2002, p. 310.
58 Jost François, « Oz, la prison et l’art de la fugue », Cinémas, vol. 23, no 2-3, 2013, p. 149.
59 Schippert Claudia, op. cit., p. 396-397.
60 Barthes Roland, « Le théâtre grec », Écrits sur le théâtre, op. cit., p. 311.
61 Ibid., p. 44-45.
62 Ricci Franco, « Aesthetics and Ammunition : Art Imitating Life, Life Imitating Art in The Sopranos », in Lavery David (dir.), Reading The Sopranos. Hit TV from HBO, New York, I.B.Tauris, 2006, p. 147.
63 Cité par Rothkerch Ian, « “What drugs have not destroyed, the war on them has” », Salon, 29 juin 2002, consulté le 10 août 2017 : http://www.salon.com/2002/06/29/simon_5.
64 Hudelet Ariane, The Wire. Les règles du jeu, Paris, Presses universitaires de France, 2016, p. 65.
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La sérialité à l’écran
Comprendre les séries anglophones
Anne Crémieux et Ariane Hudelet (dir.)
2020