Chapitre trois. La participation des publics
p. 141-169
Texte intégral
1La substitution des performances spectaculaires – fondées sur la musique et la danse, et sur le dialogue avec d’autres formules médiatiques (talent shows et théâtre musical, en particulier) – aux procédés de complexité narrative remet-elle en cause l’intense implication des publics, ainsi que l’expansion transmédiatique des univers diégétiques et narratifs qui caractérisent, selon plusieurs auteurs, les séries contemporaines de la complex TV1 ? Je montrerai dans cette partie que la formule générique ainsi que le mode spectaculaire qui singularisent les séries musicales permettent de mettre en place des dispositifs d’entraînement rythmique, presque physique, des publics, et ainsi d’ouvrir la voie à des déclinaisons transmédiatiques originales qui sont en grande partie spécifiques à ces fictions télévisées.
2Je commencerai par revenir sur la dimension live des attractions mises en scène dans les séries musicales, qui engagent nécessairement la présence et surtout la participation de spectateurs, dans les fictions. En fait, les séries tendent plutôt à brouiller toujours plus la distinction entre interprètes et spectateurs, dont les rôles et les places permutent fréquemment. Plus généralement, les séries introduisent ainsi des mécanismes spectaculaires visant à impliquer étroitement les publics des épisodes, et misant régulièrement, j’y insisterai, sur des procédés déjà à l’œuvre dans le musical hollywoodien classique2, qui sont actualisés et systématisés. Les séries « de coulisses » se distinguent finalement surtout par la mise en place de tactiques transmédiatiques originales, propres à ces séries télévisées, et permettant aux spectateurs de prolonger et d’approfondir les univers diégétiques dans d’autres médias.
Réinvestir les « mythes » de la comédie musicale
Spectateurs et interprètes
3Les attractions live – ou plutôt pseudo-live, s’agissant de séries télévisées qui s’attachent surtout à représenter dans la fiction des formes d’interprétation en public et à transmettre une « sensation » de live – insistent évidemment sur la présence de spectateurs diégétiques et, souvent, sur leur participation aux spectacles. Il faut dire que de nombreuses théories récentes de la performance musicale soulignent la nécessité de l’implication des publics : Stan Godlovitch, par exemple, précise même que l’interprétation musicale doit nécessairement être « conçue pour un tiers auditeur / présentée devant un tiers auditeur / écoutée par un tiers auditeur faisant preuve d’une attention active et concentrée »3, et insiste sur l’importance de la présence et surtout de la participation active d’un public :
« Alors que les interprètes n’ont aucune obligation catégorique envers les compositeurs des œuvres qu’ils actualisent (par exemple, de faire exactement comme le compositeur l’indique dans sa partition), ils ont certaines obligations catégoriques envers leurs auditeurs. [...] Les interprètes ont besoin de leurs auditeurs4. »
4Mais plutôt que d’opposer interprètes et publics, les séries préfèrent avoir recours à des configurations de performance qui permettent de moduler la place respective des performers et des spectateurs, en mettant en valeur le rôle de ces derniers : ainsi, de nombreux épisodes privilégient les interprétations fondées sur l’antagonisme entre deux artistes ou deux crews, sur les styles et genres musicaux qui ont recours aux traditions du challenge et du dialogisme. En favorisant une narrativisation et une dramatisation de la pratique musicale, l’enchaînement des séquences musicales permet efficacement de transformer le spectateur (diégétique) en performer. Cette perméabilité des places respectives des performers et du public est propre à certains genres musicaux, mais il s’agit aussi d’une spécificité des séries musicales, qui reposent majoritairement sur des situations de compétition où le public devient interprète, et vice versa. C’est le cas dans plusieurs séquences de hip-hop de The Get Down, quand les héros commencent par être les témoins de l’apparente supériorité d’un groupe concurrent, acquise notamment par la technologie (enceintes extrêmement puissantes, utilisation de l’Echoplex – E06), avant de s’imposer par le brio de leur stricte performance, validée diégétiquement par le public du concert. Plusieurs épisodes d’Empire mettent en scène des battles de rap : les répétitions de Hakeem Lyon et Freda Gatz sont rassemblées et opposées grâce à un montage parallèle, avant le long battle final où chaque performer est spectateur de la performance de son rival avant de l’affronter (S02E08). Dans Glee, pareillement, les jeunes élèves de la chorale observent avec dépit depuis la salle que leurs adversaires, lors d’un concours de chant, ont pillé leur répertoire, avant de parvenir grâce à leurs efforts à prendre le dessus (S01E13) lorsque vient leur tour de monter sur scène ; dans Treme, également, les spectacles et répétitions de Mardi Gras Indians, parce que fondés sur le principe du call and response (mis en évidence dans la chanson « Indian Red », récurrente dans la série), reprennent ces configurations et produisent l’image d’une communauté unifiée dans la performance musicale, lorsque les publics des différentes performances deviennent à leur tour interprètes. Une séquence s’attache ainsi à une répétition fiévreuse dans un bar (S03E04) et la surprise, en cours de scène, vient de l’intégration d’Indiens d’un nouveau groupe à la répétition, sans aucune pause dans la musique : on perçoit à peine le chant d’un homme parmi les voix d’Albert Lambreaux (Clarke Peters) et ses hommes, avant d’apercevoir l’inconnu s’immiscer dans le champ, à l’arrière-plan, recadré par un zoom en apparence maladroit. Ce surgissement contribue à l’illusion de spontanéité de la séquence (pénombre, personnages dansant en amorce du cadre...), et ce d’autant plus que l’impression d’absence de séparation bien nette entre les participants (chanteurs et musiciens) et les spectateurs est redoublée par des mises en scène – très fréquemment utilisées dans cette série – qui tendent à effacer ou lisser la séparation entre les uns et les autres. Lors de l’enterrement d’un Indien (S01E03), la caméra est au milieu du groupe et les nombreux panoramiques approximatifs en caméra portée font le lien entre les participants, ceux qui chantent et ceux qui n’interviennent pas encore, en équivalent visuel du système de call and response.
5Cette participation possible des spectateurs au spectacle et à l’interprétation elle-même n’est pas une nouveauté (il s’agit même de l’un des fondements du backstage cinématographique, bien analysé par tous les auteurs qui se sont intéressés à ce cycle de comédies musicales hollywoodiennes), mais la spécificité des séries musicales est de systématiser ces types de spectacle, dans une double visée dramatique (comme dans un talent show, les concurrents assistent à la réussite ou à l’échec de leurs concurrents, avant de livrer leur propre performance) et attractionnelle (les possibilités spectaculaires sont démultipliées).
Spontanéité et « aération » des performances
6C’est finalement dans ces séquences dont l’esthétique appelle une lecture « documentarisante » (sur les traditions musicales de La Nouvelle-Orléans pour Treme, sur les block parties du Bronx dans les années 1970 pour The Get Down) que les séries backstage retrouvent paradoxalement le mieux les mécanismes idéologiques à l’œuvre dans les comédies musicales hollywoodiennes classiques, et notamment le « mythe du public » et le « mythe de la spontanéité » identifiés par Jane Feuer5, particulièrement opérants pour envisager la mise en scène de ces séries. En opposant certaines tentatives avortées (les essais musicaux de DJDavis/Steve Zahn, qui souvent sentent trop l’effort) à des performances en apparence libres et spontanées, particulièrement dans les rues de la ville lors des parades de Mardi Gras, Treme met en effet au premier plan une idéologie du naturel, qui voudrait que les interprétations les plus réussies doivent leur succès à leur « émergence spontanée dans une attitude joyeuse et réceptive par rapport à la vie »6. Certaines traditions spectaculaires qui tendent à abolir la distance entre les performers et leurs publics, comme le bounce de La Nouvelle-Orléans, se prêtent tout particulièrement à ce type de construction idéologique : lorsque DJ Davis et sa tante Mimi (Elizabeth Ashley) se rendent à une bounce party (S02E02), les danseuses sont au milieu de la foule et la caméra au plus près des artistes, à l’occasion d’une performance qui semble si naturelle. Treme, ensuite, offre la spécificité d’alterner assez régulièrement les performances scéniques, dans les nombreux bars et espaces de représentation de la ville, et les interprétations qui ont lieu en extérieur, tout particulièrement à l’occasion des festivités de Mardi Gras au cours desquelles la distinction entre le récit et les attractions musicales devient particulièrement poreuse : tous les personnages sont à la fois, lors des défilés, spectateurs et participants. Jane Feuer a bien analysé l’effet d’entraînement propre à ce type de dispositif, et la façon dont l’absence d’une distinction entre scène et salle, marquée par le proscenium, pouvait avoir pour effet de stimuler la participation des spectateurs d’un film musical. Elle oppose ainsi la theatrical audience d’un spectacle se déroulant sur une scène à la narrative audience d’une représentation qui tend à saper cette distinction et qui, surtout, ne vient plus limiter notre impression de pouvoir participer au spectacle et à la performance : « lorsque la performance est spontanée et se déroule dans le cadre du récit, il se peut que nous éprouvions nous aussi un fort désir de chanter et danser sous la pluie »7, écrit-elle – mais son analyse n’explicite pas particulièrement quels sont les mécanismes précis qui permettent d’entraîner les spectateurs du monde réel8...
7Au cours d’un Mardi Gras, une performance de la fanfare des Marines (S03E07) se déroule ainsi en deux temps bien distincts. Le strict champ-contrechamp de la première scène alterne des plans sur les collégiens encadrés par Antoine Batiste, qui observent avec admiration le jeu des militaires, et des plans sur la fanfare, en nous faisant partager le point de vue de jeunes gens sans compétence très affirmée. Dans un second temps, plusieurs plans montrent la fanfare en plaçant des collégiens en amorce ou à l’arrière-plan (fig. 27 à 29), et viennent nous rappeler que, comme dans les numéros analysés par Jane Feuer, « les performers et le public occupent le même espace, sans aucune barrière scénique placée entre eux »9. Très vite, ensuite, les collégiens vont commencer à jouer avec les musiciens de la fanfare, comme entraînés par ce dispositif participatif qui se déploie strictement selon les règles identifiées par Jane Feuer pour les films musicaux classiques. Le réalisateur de l’épisode évoque de façon significative l’impression de « spontanéité répétée »10 visée dans cette séquence de Mardi Gras, qui tient moins à une mise en scène pseudo-documentaire11 qu’à un découpage somme toute précis et presque rigide.
Fig. 27 et 28. Champ-contrechamp : les collégiens encadrés par Antoine Batiste assistent à la performance de la fanfare des Marines (Treme, S03E07).

Fig. 29. Les collégiens, à l’arrière-plan, partagent le même espace que les Marines.

8La plupart des moments musicaux des séries backstage perpétuent ce « mythe » de la participation des publics aux interprétations. Tout d’abord, même lorsque les performances ont lieu sur une scène, des dispositifs immersifs tentent de briser la séparation entre performer et spectateur, scène et salle. Très régulièrement, lors des concours de chant auxquels participent le Glee Club, cette séparation est sapée par les modalités de performance (les jeunes artistes commencent leur interprétation depuis la salle ; à la fin de certaines performances les spectateurs dansent en écoutant avec enthousiasme les chansons interprétées sur scène) comme de mise en scène (d’amples travellings à la grue passent de la salle à la scène, et contribuent à effacer la distinction entre artistes et spectateurs). Ensuite, alors que les séries backstage sont par nature fondées sur la récurrence des situations de performance scénique, elles déplacent fréquemment les interprétations musicales et chorégraphiques dans d’autres espaces, afin de multiplier les possibilités d’interaction entre les performers et leurs publics : il est possible, dans une série « de coulisses », de se mettre à chanter sous la pluie, mais généralement dans le cadre d’une véritable performance pour un public diégétique. Ce déplacement et cette expansion des espaces permettant une performance devant des spectateurs découlent notamment de l’influence des nombreuses productions musicales Disney pour la télévision, dans lesquelles une conception souple du genre backstage permet de « déplacer le théâtre musical de son espace scénique contraint afin de se délecter de ses dynamiques plus carnavalesques »12, et ce en particulier dans High School Musical : les grands numéros finaux des trois films de cette franchise se déroulent non sur scène, mais respectivement dans un gymnase, une piscine, et enfin sur le terrain de sport du lycée. Ce principe d’« aération » des performances musicales découle aussi bien sûr, comme je l’ai noté, de l’intérêt marqué de certaines séries pour des traditions spectaculaires qui favorisent les contacts entre les artistes et leurs publics en dehors de la salle de spectacle ou de concert.
9Le corollaire de cette conception assez libre du musical « de coulisses » est que les séries musicales « intégrées » (qui ne mettent pas en scène des personnages qui sont des professionnels des mondes du spectacle) peuvent elles aussi participer de ces dynamiques et étendre le domaine de la performance scénique, devant public. C’est le cas par exemple de Zoey’s Extraordinary Playlist, série dans laquelle la vie de l’héroïne bascule à la suite d’un tremblement de terre qui fait court-circuiter la machine dans laquelle elle passe une IRM : elle possède désormais un super-pouvoir singulier, lui permettant d’entendre et de voir les personnages de son entourage interpréter des numéros musicaux. Ce postulat scénaristique permet d’une part de reprendre avec un certain recul les conventions de la comédie musicale classique, puisque les chansons demeurent somme toute, comme l’explique de façon judicieuse un personnage dès l’épisode pilote, « l’expression de nos désirs et de nos besoins les plus profonds : joie, douleur, peines de cœur, aspirations, pardon, vengeance »13, et ce exactement comme dans Singin’ in the Rain. Mais ce point de départ légitime d’autre part dans Zoey’s une formule sérielle hybride, qui tend vers les pratiques et les mises en scène propres aux séries « de coulisses » : comme dans plusieurs de ces dernières, le répertoire de la série est exclusivement constitué de reprises, et surtout plusieurs interprétations se déroulent devant des spectateurs diégétiques qui assistent à une sorte de spectacle scénique, mais dans des espaces divers. Ainsi, lors d’un passage dans un bar de karaoké, Zoey assiste presque simultanément à une interprétation scénique et à une performance moins conventionnelle, lorsque son pouvoir lui permet d’entendre la confession chantée d’un ami (S01E11). Pendant un rendez-vous professionnel (S01E08), Zoey, en se mettant subitement à chanter et danser devant ses collègues, est perçue comme une interprète excentrique (lorsque la séquence adopte le point de vue des collègues), par moments capable de faire participer les publics au numéro musical (lorsque le point de vue est celui de Zoey). Si plusieurs séries contemporaines viennent ainsi saper la distinction entre comédie musicale « de coulisses » et numéros dans lesquels les personnages viennent avant tout exprimer leurs émotions, c’est bien parce que les « mythes » du public et de l’intégration analysés par Jane Feuer pour les comédies musicales classiques s’avèrent cruciaux pour des fictions sérielles qui s’efforcent de faire « participer » leurs spectateurs aux performances musicales.
Dispositifs transmédiatiques et interprétation musicale
10Le recours systématique, dans chacune des séries backstage, à des modes de stimulation de la participation des publics (diégétiques, et aussi dans le monde réel) lors des moments musicaux ne signale évidemment pas la volonté des producteurs et scénaristes de proposer une énigmatique résurgence de formules génériques ayant fait leur preuve dans un passé assez lointain (celui des musicals classiques hollywoodiens), mais plutôt celle de s’assurer, grâce aux attractions spectaculaires, un engouement des spectateurs des épisodes qui est une alternative à l’intérêt et au plaisir qu’ils peuvent ressentir à suivre une narration complexe. Bien que plusieurs showrunners insistent sur la nécessité de toujours justifier narrativement les numéros musicaux (c’est le cas dans la plupart des séries « de coulisses ») et de strictement subordonner ceux-ci au déploiement des arcs narratifs14, les réactions des publics des numéros expriment souvent des affects et des réactions purement physiques, dus au seul impact émotionnel d’une interprétation vocale surprenante ou d’une performance de danse particulièrement stimulante, et assez peu liés aux enjeux narratifs de la fiction. Cet aspect est à l’origine des pratiques transmédiatiques singulières des producteurs et des diffuseurs des séries « de coulisses », qui renouvellent profondément les méthodes employées avec les séries non musicales. Il faut enfin signaler combien cette obligation, pour le numéro musical, de toujours s’adresser à un public qui est systématiquement représenté et dont les réactions sont scrutées, et ce dans le but de stimuler la participation des spectateurs, rejoint finalement l’une des caractéristiques fondamentales de l’attraction cinématographique, qui est toujours conçue pour solliciter l’attention des publics. Comme l’explique André Gaudreault, l’attraction « n’existe, stricto sensu, que pour se donner à voir » ; elle a pour objectif de « se confronte[r] directement et de manière, disons, exhibitionniste [à un spectateur] »15.
Musique vs récit : « Powerful » et « Nothing in This World... »
11Les commentaires postés par les internautes sur des plate-formes comme YouTube après avoir visionné des séquences musicales sont éclairants : certains sont bien entendu des observations sur les personnages, le récit ou encore les comédiens, mais la plupart tentent de caractériser le choc ressenti devant les performances musicales, en s’efforçant de décrire les spécificités musicales d’un numéro ou de préciser les émotions éprouvées devant une interprétation : pour « Defying Gravity » de Glee (voir aussi chapitre 2), par exemple, plusieurs spectateurs expliquent sur YouTube ressentir « la chair de poule » (« la dernière note aiguë de Rachel me donne la chair de poule à chaque fois » ; « les plans de Kurt me donnent la chair de poule » ; « la note aiguë de Rachel à 1 : 55 me donne des frissons à chaque fois que je l’entends ») ; beaucoup pleurent (« Kurt m’a fait pleurer quand il a trébuché sur la dernière note aiguë » ; « je pleure vraiment en regardant ces acteurs ») ; certains se mettent à chanter (« Moi : I think I’ll try [après une voix brisée des millions de fois...] defying gravity » [toujours plus] »16)...
12Il faut cependant noter que les vidéos les plus commentées par les spectateurs, diffusées à des fins promotionnelles par les chaînes YouTube officielles des séries, sont des séquences musicales souvent fortement reliées aux récits et à des enjeux narratifs cruciaux : à côté des clips mettant en scène les comédiens lors d’événements promotionnels, des bandes-annonces, et des courts extraits des séries, ces chaînes diffusent en effet de nombreux moments musicaux qui intègrent parfois des péripéties narratives importantes, lorsque le montage d’une séquence alterne entre performance scénique et moment dramatique. Or les nombreux commentaires déposés par les spectateurs de ces vidéos semblent confirmer à quel point c’est bien la performance musicale qui constitue, pour beaucoup, l’attrait principal des scènes en question.
13La séquence de fin de la première saison de Nashville a ainsi été diffusée sur la chaîne YouTube de la série en septembre 2013, c’est-à-dire quatre mois après la première diffusion de l’épisode (S01E21), en mai de la même année17. En 2020, la vidéo avait été vue plus de 3 millions de fois sur YouTube, et plus de 330 commentaires avaient été postés par des internautes ; il faut dire que la séquence mêle l’une des performances chantées les plus populaires de la série (ce moment musical est présenté par la plate-forme comme étant la quatrième vidéo la plus appréciée par les internautes) et un programme narratif particulièrement chargé : la jeune Juliette Barnes (Hayden Panettiere) a réuni des proches au Bluebird Cafe pour chanter en l’honneur de sa mère, récemment décédée. En cours de chanson, des fondus enchaînés permettent d’alterner entre la performance de Juliette sur la scène du Bluebird et les aventures des personnages principaux de cette première saison. La séquence, et la saison, se closent sur un double clifthanger (la demande en mariage de Gunnar à Scarlett, et l’accident de voiture de Deacon et Rayna), mais aussi sur le visage en gros plan de la chanteuse, qui se détache désormais sur un fond noir qui vient remplacer le flou d’arrière-plan, et qui souligne opportunément l’intensité dramatique de la performance (fig. 30). Les séquences musicales les plus populaires de la série Empire mêlent pareillement interprétation musicale puissante et enjeux narratifs forts. L’interprétation par Jamal (Jussie Smollett) de la chanson « Good Enough », tirée du premier épisode d’Empire, est ainsi la vidéo la plus populaire de la chaîne YouTube officielle de la série : en juin 2020, cette vidéo avait été vue plus de 47 millions de fois, et commentée par plus de 10 400 posts18... Or il s’agit d’une performance musicale particulièrement importante à l’orée de la série car elle a pour fonction d’identifier d’emblée Jamal (Jussie Smollett) comme un musicien doué, et aussi de comprendre les enjeux narratifs principaux attachés à deux personnages : le chanteur lui-même, et également sa mère, dont les réactions sont soulignées par de nombreux gros plans. Les paroles de cette complainte (« I just want you to look at me / And see that I can be worth your love ») mais aussi les flash-backs de l’enfance de Jamal mettent en évidence la souffrance d’un jeune homme dont l’homosexualité n’a jamais été acceptée par son père, tandis que la puissance de son interprétation fait comprendre à sa mère qu’elle devra s’appuyer sur lui dans son projet de reconquête de l’empire musical familial (fig. 31).
Fig. 30. Derniers instants de la saison 1 de Nashville.

Fig. 31. Jussie Smollett chante « Good Enough » (Empire, S01E01).

14Ces deux ballades de Nashville et Empire font partie des plus grands succès des chaînes YouTube consacrées aux deux séries mais plusieurs particularités les opposent : d’un côté (« Nothing in This World... ») une séquence musicale qui clôt une saison, de l’autre (« Good Enough ») une chanson qui est le premier grand moment musical d’une série ; d’un côté une séquence musicale à visée synthétique, récapitulative et conclusive (« Nothing in this World... » permet de retrouver, grâce à un montage alterné, les principaux personnages de la saison et de rappeler les problématiques essentielles attachées à chacun), de l’autre un moment musical à visée introductive, qui sert pleinement l’exposition ; d’un côté une interprétation musicale centrifuge, plus petit dénominateur commun autour duquel sont déployées en étoilement des lignes narratives diverses (autour du « centre » que constitue la douleur du personnage de Juliette, la séquence musicale déroule un éventail de personnages et de pistes narratives) ; de l’autre un moment profondément centripète, qui caractérise avant tout pleinement le personnage de Jamal, le chanteur, en creusant son intimité et son passé. Pourtant, en dépit de différences qui tiennent notamment au lien spécifique qui est tissé, dans ces deux séquences, entre interprétation musicale et narration, et en dépit aussi de l’important contenu narratif des deux séquences mises en ligne sur YouTube, l’étude des cent premiers commentaires postés en regard des deux vidéos montre que les internautes, en s’attachant essentiellement à des caractéristiques ayant trait à l’interprétation musicale, ont des attentes assez semblables vis-à-vis des deux numéros musicaux (Tableau 1). Dans leurs commentaires, c’est bien l’interprétation musicale qui prime, et ce au détriment d’enjeux narratifs pourtant cruciaux.
Tableau 1. Réactions des internautes à « Nothing in This World... » (Nashville) et « Good Enough » (Empire)19.
« Nothing in This | « Good Enough » (Empire) | |
Les commentaires insistent sur : | ||
La qualité de la chanson (paroles, musique...) | 38 | 28 |
La réaction du spectateur (émotion, larmes...) | 22 | 37 |
La performance musicale (chant, jeu d’actrice...) | 20 | 8 |
Les paramètres non musicaux de la séquence (contenu narratif, personnages, acteurs...) | 4 | 7 |
Éléments sans rapport avec la séquence (commentaire sur la série en général, sur la saison...) | 16 | 20 |
Total des commentaires | 100 | 100 |
15Très peu de spectateurs commentent de façon privilégiée des éléments de la séquence de Nashville qui ne concernent pas directement la performance musicale (personnages, acteurs, contenu narratif...), et un internaute regrette explicitement que l’interprétation musicale de Nashville soit interrompue (« Rayna et Deacon, comment osez-vous interrompre et gâcher le grand moment de Juliette ! »20). Pour Empire, certains louent l’interprétation de Taraji P. Henson, qui incarne la mère de Jamal et qui dès les débuts de la série en fut l’interprète la plus populaire (« Taraji est une actrice vraiment formidable. L’émotion pure qui est véhiculée par son jeu est tout simplement incroyable »21). Un nombre assez faible de fans de Nashville analysent des éléments qui n’ont pas trait à la séquence proprement dite (ils s’attachent à la série en général ou à la saison 1, par exemple), mais de façon attendue, pour Empire, plusieurs internautes commentent les déboires judiciaires du chanteur, Jussie Smollett, qui ont conduit à son éviction de la dernière saison, même si beaucoup jugent que ces péripéties ne devraient pas occulter la qualité de l’interprétation ou de la chanson elle-même (« Mettons de côté tout le bazar de cette fausse agression, et écoutons vraiment la chanson ; c’est une chanson magnifique »22). Pour Nashville, ce sont ensuite environ 38 internautes qui mettent au premier plan, dans leur commentaire, la qualité de la chanson (paroles, musique...), en insistant parfois sur les caractéristiques proprement musicales de la composition : « C’est une ballade magnifique ! Parfaitement chantée et si douce-amère qu’elle finit par être belle. J’aime la tonalité de Hayden pour cette interprétation car elle touche à de l’émotion pure […]. Les paroles sont aussi astucieuses, par exemple “drinking from the poison cup”, “zero”/“hero”. Oui à tout ! »23. 20 internautes soulignent la qualité de la performance de Hayden Panettiere, en louant souvent tant l’interprétation vocale que la performance actorale, et 8 commentaires font de même pour l’interprétation de Jussie Smollett dans Empire, en mentionnant volontiers les controverses liées à l’interprète (« Qu’on le déteste ou qu’on l’adore, on doit reconnaître que son talent musical est incroyable »24). Environ 22 commentaires sont centrés sur la réaction du spectateur à la performance musicale de la séquence de Nashville, mais il est évidemment délicat de faire le départ entre des réactions strictement centrées sur la musique, et celles qui prennent aussi en compte les enjeux narratifs : plusieurs expliquent que la chanson les émeut profondément (« cette chanson est si belle qu’elle me fait pleurer chaque fois que je l’entends »), et font appel à leur propre expérience pour justifier leur réaction (« ma mère a été la première personne qui m’a brisé le cœur »), parfois en expliquant combien la chanson a pu les aider à traverser des épreuves (« cette chanson m’a vraiment aidé dans une période difficile. Elle m’a donné espoir et puissance... Merci... Ta voix est extraordinaire »)25. Les commentaires de « Good Enough » ayant trait à la réaction des spectateurs et aux usages qu’ils font de la chanson sont encore plus nombreux (environ 37 sur les 100 premiers commentaires), mais ils présentent des caractéristiques analogues : plusieurs internautes soulignent leur émotion (« Suis-je le seul à avoir pleuré ? »), et établissent des analogies avec des expériences intimes douloureuses (« cela m’a touché durement ; j’ai 17 ans et je n’ai pas parlé à mon père depuis des années ; il ne fait aucun effort »), que de nombreux gays ont pu connaître (« Je me rappelle qu’en regardant cette interprétation j’ai ressenti tant de douleur, une telle blessure, j’ai été touché en tant que gay de voir une autre personne chanter au sujet de quelque chose que de nombreux autres gays avaient trop peur de dire ouvertement, autrefois »). Certains spectateurs notent également que la chanson peut être une source d’inspiration, et peut aider à traverser des épreuves (« C’est une chanson faite pour toi quand tu es un fils et que tu as quelque chose à prouver à ton père »)26.
16Nombreux personnages, croisement de multiples lignes narratives, clifthangers (Nashville), flash-backs (Empire) : plusieurs procédés narratifs sont mis en œuvre à l’occasion de l’interprétation de deux ballades emblématiques des deux séries en question. Si ces séquences montrent bien que les enjeux narratifs ne sont absolument pas oubliés lors de moments musicaux qui contribuent pleinement aux récits, il n’en demeure pas moins que l’analyse des commentaires des internautes montre combien ces derniers sont avant tout sensibles à la qualité d’un titre, d’une voix et d’une interprétation.
Un tournant transmédiatique
17Le fort impact émotionnel des interprétations musicales des séries backstage sur leurs publics, dans le monde réel, n’est évidemment pas étranger à un tournant important dans les stratégies élaborées par les producteurs et les diffuseurs. La sérialisation des numéros musicaux spectaculaires offrant un attrait majeur pour les spectateurs est en effet au fondement d’innovations qui déplacent sur le terrain des strictes performances les dispositifs transmédiatiques déployés précédemment dans une dimension narrative. Pour Henry Jenkins, le début des années 2010 en général et le lancement de Glee en particulier marquent la fin d’un certain âge d’or du storytelling transmédiatique qui avait culminé avec les séries de la décennie précédente comme Lost (2004-2010), Heroes (2006-2010), 24 (2001-2010) ou Ghost Whisperer (2005-2010)27. Chacune de ces fictions avait réussi à susciter un engagement intense de la part de fans unis par leur désir de partager leur grande implication pour des séries complexes qui encouragent les activités « verticales » d’approfondissement, de recherche et de « forage » (drilling) narratifs, plutôt que les activités « horizontales », de simple partage, qui caractérisent d’autres types de programmes :
« [Le mode de] la “complexité narrative” encourage les forensic fans à creuser davantage en profondeur, en fouillant en dessous de la surface afin de comprendre la complexité d’une histoire et de sa narration. De tels programmes aimantent l’engagement des fans, en attirant leurs spectateurs dans les univers diégétiques et en les incitant à forer pour découvrir davantage encore28. »
18Toutefois, avec les séries (FlashForward [2009-2010], The Prisoner [2009], The Event [2010-2011]...) qui prennent le relais au tournant des années 2010 des grandes fictions de la décennie précédente, ce modèle de stratégie transmédiatique d’implication à la fois des fans et des publics plus ordinaires marque le pas, et Henry Jenkins note qu’il s’agit précisément du moment où la série Glee « a représenté une autre approche transmédiatique, davantage centrée sur les possibilités, à travers des plate-formes, d’étendre la performance, plutôt que le récit, et d’encourager différentes formes de participation des publics »29.
19Cette « nouvelle » démarche – qui prend acte à la fois des pratiques des spectateurs ordinaires mais aussi des fans des reality talent shows comme des franchises Disney, ainsi que des approches marketing déployées autour de ces programmes – n’est donc pas une simple déclinaison de l’approche transmédiatique antérieure en matière de séries ; elle se caractérise par l’attention portée aux modes de performance live et par l’implication presque physique des fans et des publics moins passionnés, dont les investissements peuvent se décentrer d’énigmes ou de filons narratifs qui seraient à découvrir ou à percer par des activités minutieuses d’exploration des arcanes et des profondeurs du récit. Bien que les histoires, les personnages et les narrations soient toujours soigneusement élaborés, ils proposent finalement surtout des variations sur les formes parfaitement calibrées du backstage, aussi courantes dans le cinéma classique et contemporain que dans les nouveaux concours de talent. Toutefois, il faut bien noter que si les modes de participation et d’entraînement physique des publics systématiquement mis sur le devant de la scène lors des performances diégétiques ouvrent la voie à de nouveaux investissements spectatoriels, ce type de culture participative n’exclut pas d’autres activités ni des créations de fans plus traditionnelles, bien au contraire : Nicolle Lamerichs a analysé les créations littéraires des fans de Glee (des fictions littéraires qui, fréquemment, transposent les codes narratifs et génériques de la série, par exemple dans des univers de roman noir), en soulignant que la série, en 2012, avait été avec plus de 80 000 fan fictions la production la plus populaire sur le site d’archivage de créations de fans fanfiction.net30.
20Les séries backstage offrent tout d’abord la possibilité de réécouter, juste après la diffusion, les chansons entendues dans les épisodes. Les chansons sont mises en ligne sur des plate-formes de types iTunes – parfois avant même la diffusion de l’épisode, comme ce fut systématiquement le cas pour Rise, par exemple – et elles sont présentes sur les albums de compilation produits pour beaucoup de ces séries (voir chapitre 4). Les séquences musicales sont aussi généralement diffusées sur des chaînes YouTube dédiées, du moins pour les séries les plus importantes : ABCMusic Lounge (Nashville), Empire FoxVEVO (Empire), STARonFOX (Star), etc. À ces dispositifs fréquents s’ajoutent des approches plus spécifiques, selon les particularités des séries. À la fin de la première saison de Glee, FOX lance ainsi une plate-forme vidéo centralisée, « Glee Superfan Player »31, qui permet aux spectateurs de regarder des épisodes et de retrouver des liens iTunes afin de se procurer les chansons, tout en s’informant de l’actualité de la série sur les réseaux sociaux, et en découvrant des contenus supplémentaires, notamment au sujet des performances musicales. Cette plate-forme centrée sur l’engagement transmédiatique des fans offre la possibilité d’approfondir le lien avec l’univers diégétique et les personnages, mais surtout de prolonger l’expérience des interprétations musicales. Ce sont en effet des modalités de performance véritablement ouvertes aux publics qui sont à la fois proposées et encouragées par les producteurs de la série : dès la diffusion des deux premiers épisodes, à l’automne 2009, un concours de karaoké en ligne permet aux fans d’enregistrer leur propre version de chansons entendues dans ces deux épisodes32. Les quatre titres choisis pour le début du concours signalent bien, par la diversité des genres musicaux qu’ils représentent, la volonté de ne pas restreindre le nombre de « gleeks » potentiels (il s’agissait de « Rehab » d’Amy Winehouse, « Can’t Fight This Feeling » de REO Speedwagon, « Gold Digger » de Kanye West, et de « Push It » de Salt-N-Pepa), et le règlement du concours promet d’évaluer les performances (comme lors des auditions mises en scène dans le premier épisode de la série) en fonction de critères particulièrement englobants (critères qui restent généralement implicites, dans les séries) : sont mentionnés les « capacités de chant » (singing ability), la « valeur en termes de divertissement » (entertainment value), et l’« attrait » exercé par la performance (appeal). Au-delà de ce concours, les producteurs ont lancé dans plusieurs médias des initiatives centrées sur les performances de karaoké, dont une application pour smartphone particulièrement populaire (« Glee Karaoke App »), qui permettait d’acheter les versions karaoké de la plupart des chansons des épisodes, d’enregistrer des interprétations et de les partager avec d’autres « gleeks » utilisateurs.
21Le nombre et la diversité des vidéos centrées sur les numéros musicaux des séries backstage disponibles sur YouTube montrent enfin à quel point les publics s’emparent des possibilités offertes par l’interprétation musicale, et confirment l’intérêt des prolongements transmédiatiques ciblant les performances. S’agissant de Glee, Empire ou Nashville, notamment, ce sont diverses moutures des très nombreux numéros musicaux qui peuvent être visionnées sur la plate-forme, que ce soit sous la forme de clips officiels ou de variations produites par les spectateurs les plus impliqués. Parmi celles-ci, on note les multiples versions des chansons sur fond d’images statiques (posters de la série, photos des comédiens), les diverses vidéos karaoké des titres les plus populaires, ou encore les nombreux clips de performances dansées par des fans, qui utilisent pour bande sonore les interprétations vocales des performers des séries33. Une recherche sur YouTube (« Empire Good Enough Cover ») portant sur les reprises de « Good Enough », l’un des titres les plus populaires d’Empire, donne accès à un nombre très important d’interprétations de nature diversifiée : version strictement instrumentale au piano ; acoustique avec un accompagnement à la guitare ou au clavier ; chantée par un jeune homme, une jeune femme ou encore un couple ; avec divers fonds visuels (la plupart du temps un plan des interprètes, mais aussi un logo de la série, ou encore une simple image d’un micro) ; chorégraphie d’une école de danse dans un parking souterrain, etc.
Séries musicales et jeux vidéo
Les développements vidéoludiques de la franchise Glee, avec les jeux Singstar Live ! Glee sur Playstation et Glee : Karaoke Revolution sur Nintendo et Wii (une franchise qui comprend également plusieurs jeux développés à partir de American Idol) sont fondés sur le principe du karaoké ; ils coïncident d’une part avec la volonté des labels et éditeurs musicaux, dans les mêmes années, de diversifier les possibilités d’exploitation de leurs catalogues avec des jeux comme Rock Band et Guitar Hero, et d’autre part avec le développement des consoles à détection de mouvement et des jeux fondés sur la capacité motrice des joueurs. Ces technologies ont en effet suscité, au tournant des années 2010, une vague de productions fondées sur la danse (Dance Central, DanceMasters, Dance Dance Revolution), mais ont aussi permis de créer, en matière de jeux musicaux, des environnements ludiques plus immersifs*.
* Antony Bruno, « Pressing Reset », Billboard, 26 juin 2010, p. 6.
22Les grandes séquences musicales de séries dramatiques qui font un usage spécifique de la musique (comme Mad Men [AMC, 2007- 2015], The Sopranos [HBO, 1999-2007] ou encore The Americans [FX, 2013-2018]) sont volontiers mises en avant par les diffuseurs comme par les publics sur des plate-formes comme YouTube, où les fans prennent plaisir à commenter tant les chansons que les péripéties narratives qu’elles accompagnent. En quoi le « tournant » transmédiatique offert par le genre backstage vient-il renouveler ce type de pratique ? Ne s’agit-il pas toujours, pour les spectateurs, de prolonger et de commenter le plaisir ressenti aux moments musicaux les plus intenses, qui semblent paradoxalement à la fois figer le récit l’espace d’une chanson, et l’accélérer sous l’effet de choix musicaux capables de condenser les enjeux narratifs les plus complexes ? L’exemple des vidéos créées par les fans montre que la différence est en réalité de taille, et touche à la question de l’interprétation : parce que le sujet des séries backstage ne varie guère d’une série à l’autre (il est toujours question de la performance musicale, et des conditions de l’interprétation), ces problématiques précises cristallisent les réactions et les créations des spectateurs comme des fans.
Pratiques médiatiques et goût du live
23Ces stratégies transmédiatiques portent inlassablement au premier plan le caractère live des performances : les différentes possibilités offertes aux fans et inventées par ceux-ci promettent de faire partie des auditeurs/spectateurs d’une performance chantée et dansée (par exemple en acquérant un titre ou un album d’une série backstage) ou, mieux encore, d’être soi-même l’interprète d’une chanson de sa série préférée et de partager cette performance avec d’autres amateurs (grâce aux jeux vidéo, aux applications de karaoké, ou aux clips postés sur YouTube), ou encore de la soumettre à l’évaluation d’un jury (ce que promet le concours karaoké de Glee), avec un dispositif qui imite celui des compétitions si courantes dans les séries backstage. Deux autres évolutions montrent la parenté des séries et de leurs dispositifs transmédiatiques avec les nouveaux concours de talent, mais aussi le rôle qu’y joue le caractère live de la performance.
24Le lancement de The Glee Project, tout d’abord, souligne combien les pratiques transmédiatiques fondées sur l’impact de la performance ne sont pas des nouveautés34, tant elles rappellent des stratégies fréquentes du cinéma classique hollywoodien. De très nombreux dossiers de presse (pressbooks) distribués par les studios aux exploitants de salles recommandaient ainsi fréquemment, dans l’objectif de promouvoir des comédies musicales ou des films comportant des numéros chantés ou dansés, d’organiser des concours visant à distinguer les « talents » locaux. Il pouvait s’agir de concours montés avec l’aide de stations de radio locales, ou d’écoles de théâtre ou de chant. La presse destinée aux fans organisait aussi régulièrement des concours de recherche de nouveaux talents. En 1922, Photoplay annonce s’être associé à Samuel Goldwyn pour un concours dont le principe de sélection n’est pas très éloigné du « travail » et des « compétences » demandés aux participants de The Glee Project : « ce ne sera pas un concours comme les autres. Il permettra de trouver de nouveaux visages et de les tester dans de vrais films. Il ne brandira pas de fausses promesses de célébrité immédiate, mais il donnera à des filles extrêmement ambitieuses la possibilité de travailler pour obtenir du succès »35. Ensuite, en plaçant des interprètes, des collaborateurs de création et surtout l’un des showrunners de la série dans le rôle de mentors et de juges – Ryan Murphy fut le « juge invité » du dernier épisode de la première saison de The Glee Project – la série de téléréalité se fonde sur des conceptions traditionnelles du vedettariat et de la création cinématographiques. Les interprètes doivent certes faire la preuve de certaines compétences, mais leur travail et leur formation sont généralement effacés au profit d’une fable de la découverte par les créateurs de la série. Les nombreux plans de réaction sur le visage impénétrable de Ryan Murphy ou de son directeur de casting insistent sur la nécessité d’un échange de regard décisif, les interprètes étant renvoyés à leur seule jeunesse et à un statut assez passif de performer devant – ou non – être découvert. Le concours de talent occulte également, dans une certaine mesure, le rôle et le travail effectifs des scénaristes et des réalisateurs dont l’autorité est certes affirmée dans de tels programmes, mais dont les fonctions véritables (écriture, mise en scène, direction d’acteurs...) passent au second plan tant leur rôle semble être surtout d’apprécier, de découvrir et de juger des performances live, et aussi de nouveaux visages.
De fan à star :
The Glee Project
La création en 2011 par Ryan Murphy de The Glee Project (2011- 2012) affirme les liens entre la série musicale et le concept d’American Idol. Diffusée par la chaîne Oxygen, cette émission de télé-crochet s’adresse essentiellement aux fans de Glee (les « Gleeks »), en promettant aux vainqueurs une participation d’au moins sept épisodes dans la prochaine saison de la série. L’implication de deux créateurs de Glee (Ryan Murphy et Ian Brennan) et la participation du chorégraphe et du directeur de casting de la série donnent une certaine crédibilité aux deux saisons d’une émission qui demande aux participants d’interpréter un répertoire de chansons et de situations semblables à celui de la série. En rappelant fréquemment les principes de la série fictionnelle (« le sujet de Glee est l’acceptation de soi », « le sujet de Glee, c’est les parias [underdogs] », S01E03), l’émission vise aussi à consolider l’attachement des fans vis-à-vis de la série musicale.
25Enfin, plusieurs séries backstage à succès ont rapidement été déclinées sous forme de concerts ou de tournées de dimensions et de durées variables (Tableau 2) qui rappellent bien, à l’opposé de la crise profonde que traverse le secteur de la musique enregistrée au début des années 2000, que les revenus tirés de la musique live (les concerts) n’ont cessé de croître depuis le début du xxie siècle. Avant cela, les concours de talent les plus populaires (American Idol, So You Think You Can Dance) ont tous proposé à leurs fans de prolonger l’expérience par des tournées live : l’idée n’est évidemment pas neuve, car l’intermédialité de certaines productions télévisées ou cinématographiques a souvent offert, dans le passé, la possibilité de divertissements de nature musicale pour accompagner un film ou une émission. Ainsi, dans les années 1930 et 1940, les participants les plus doués de Major Bowes’Original Amateur Hour (un talent show radiophonique puis télévisé) pouvaient chanter dans des courts métrages (Major Bowes’ Amateur Parade) et même sillonner le pays dans le cadre de tournées live de vaudeville de l’émission, avec parfois plusieurs équipes parcourant simultanément différents États36.
Tableau 2. Les séries backstage (hors Disney) et leurs tournées de concerts.
Série | Événement live | Date |
Glee | Glee Live ! In Concert ! | 2010 (USA) |
Nashville | Nashville In Concert | 2014 (USA) |
Treme | A Night in Treme | 2011 (USA) |
Smash | Bombshell | 05/06/15 (date unique) |
Fame et ses tournées de concerts
Les tournées des interprètes des séries musicales ont un précédent dans la décennie 1980 : les concerts organisés pour les comédiens de la série Fame, en 1982 et 1983. Comme la série obtient d’importants succès d’audience au Royaume-Uni, et que les disques tirés de la série figurent dans tous les hit-parades, deux tournées de concerts sont programmées, avec notamment des représentations au Royal Albert Hall et au Wembley Arena. The Kids from Fame Live, le disque de cette tournée, remporta un important succès en 1983 au Royaume-uni. En 1983, NBC diffusera The Kids from Fame, une émission spéciale (avec George Burns pour présentateur) qui suit le déroulement de cette tournée.
26Pour le cinéma classique hollywoodien, les stratégies promotionnelles des studios de cinéma imposaient fréquemment aux stars de musicals de participer à des événements promotionnels où elles devaient faire des démonstrations de leur talent, en live ou à la radio, à moins que les studios ne préfèrent, au contraire, miser sur une forme de rareté en interdisant précisément à leurs stars de chanter en dehors des films, en particulier à la radio37. Plusieurs franchises backstage profitent du succès de ces tournées de concerts pour en proposer des captations cinématographiques (Glee : The 3D Concert Movie [2011]) ou télévisuelles (les trois épisodes spéciaux successifs Nashville : On the Record) : dans chaque cas, ces productions audiovisuelles dérivées des tournées de concerts promeuvent à la fois les albums et les titres disponibles sur iTunes, les épisodes de la série et les concerts à venir, tout en proposant une sorte de mise en abyme de la réflexivité propre au genre du backstage cinématographique comme télévisuel. Ces productions alternent en effet strictement entre regards dans les coulisses (celles des concerts et celles de la série) et performances scéniques, dans une version somme toute épurée de ce qu’est un film « de coulisses », tout en offrant des aperçus sur des pans de la création artistique qui sont généralement relégués à l’arrière-plan dans les séries : dans Nashville : On the Record, les performances des chansons les plus fameuses de la série sont précédées ou suivies de séquences lors desquelles les comédiens chanteurs s’entretiennenent à bâtons rompus avec les compositeurs et paroliers des chansons en question.
27Parce qu’il manifeste un infléchissement du narratif vers le spectaculaire et vers la performance musicale – dont les modalités ont été envisagées dans la première partie –, le genre du backstage musical met en place plusieurs types de dispositifs de participation des publics. Dans la fiction, les numéros musicaux sont toujours l’occasion de montrer les réactions des spectateurs, et certains types de performances (tout particulièrement les spectacles se déroulant hors des théâtres et des scènes instituées), associés à des mécanismes de mise en scène visant à briser la séparation entre la scène et la salle, permettent de souligner l’implication physique et sensorielle de spectateurs qui, en vertu d’une possible réversibilité des places des uns et des autres, deviennent fréquemment performers. Bien qu’il soit difficile d’évaluer avec précision l’impact de ces types de mise en scène sur l’adhésion, l’investissement et même l’entraînement immédiats des spectateurs dans le monde réel, certaines réactions de fans (notamment les posts de commentaire de clips) montrent que leur engouement se traduit parfois par une participation physique et dynamique.
28À un autre niveau, ces spécificités du cycle de séries « de coulisses » (interruption du récit par un grand nombre de numéros spectaculaires ; insistance sur la contribution des publics diégétiques ; infléchissement du narratif vers le spectaculaire) induisent des tactiques singulières de la part de fans qui, sans négliger des productions fondées sur les récits, centrent leurs réactions et leurs créations sur les performances musicales. Le chapitre suivant montrera précisément comment les industries culturelles (secteurs de la musique enregistrée ; entreprises de production de séries télévisées) ont élaboré, à partir des spécificités du cycle sériel, de multiples stratégies de collaboration transmédiatique. Cette double particularité du backstage sériel (caractéristiques narratives et transmédiatiques) permet de distinguer, à côté de la « complexité narrative » identifiée par Jason Mittell, un véritable mode du spectaculaire. Comme l’explique David Bordwell, « un genre varie de façon significative entre des périodes et différents contextes sociaux ; un mode tend à être plus fondamental, moins éphémère, et davantage généralisé. […] Un mode narratif est un ensemble historiquement distinct de normes de construction narrative et de représentation »38. Au cœur de la formule de plusieurs genres télévisuels (talent shows, séries...), la performance et le spectaculaire sont bien « généralisés », au-delà de ces corpus spécifiques, comme l’a bien montré l’étude récente d’Helen Wheatley sur la « télévision spectaculaire »39. Bien que l’implication intense des fans, tout comme les possibilités de participation transmédiatique et les stratégies industrielles qui les encouragent fassent aussi partie des caractéristiques générales des séries contemporaines de la « complexité narrative », le cycle de séries backstage s’écarte nettement de ces dernières en raison de la diversité des activités, des usages, des lectures et des interprétations (par les fans, les publics et aussi les producteurs) auxquels il donne lieu.
Notes de bas de page
1 Jason Mittell, Complex TV : The Poetics of Contemporary Television Storytelling, New York, NYU Press, 2015, p. 292-318.
2 Jane Feuer, The Hollywood Musical, 2e éd., Bloomington (IN) et Indianapolis, Indiana University Press, 1993, et également « Réflexivité et mythologie du divertissement dans la comédie musicale », in Marguerite Chabrol & Laurent Guido (dir.), Mythologies du film musical, Dijon, Les presses du réel, 2016 [1977], p. 61-81.
3 Stan Godlovitch, Musical Performance : a Philosophical Study, Londres et New York, Routledge, 1998, p. 49.
4 Ibid., p. 50 ; « whereas performers have no categorical obligations to the composers of the works they deploy (for example, to do exactly as the composer bids in score), they have certain categorical obligations to their listeners. […] Performers need their listeners ».
5 Jane Feuer, « Réflexivité et mythologie du divertissement dans la comédie musicale », op. cit., p. 67-71. L’autrice étudie la façon dont les comédies musicales classiques réflexives (par exemple le cycle de musicals produits par l’unité d’Arthur Freed à la MGM) reprennent les structures du mythe pour négocier les contradictions propres à l’entertainment de masse. Les films semblent démystifier le divertissement pour en réalité procéder à une « remythification » grâce aux mythes analysés par Feuer (mythe du public, de l’intégration, de la spontanéité).
6 Ibid., p. 67.
7 Jane Feuer, The Hollywood Musical, op. cit., p. 31 ; « When the performance is a spontaneous one taking place in the realm of the narrative, we may experience a strong desire to sing and dance in the rain ourselves. »
8 Laurent Guido, « Le film musical : une fantasmagorie aux accents folk », in Marguerite Chabrol et Laurent Guido (dir.), Mythologies du film musical, op. cit., p. 7-34, p. 22-23.
9 Jane Feuer, The Hollywood Musical, op. cit., p. 32 ; « Performers and audience occupy the same space with no scenic barriers placed between them. »
10 Le réalisateur Tim Robbins dans son commentaire audio de l’épisode, sur le DVD de la série ; « rehearsed spontaneity ».
11 Propos du réalisateur Tim Robbins, ibid. ; « C’est l’un de ces jours où juste tu filmes, filmes, et filmes, et tu ne sais pas ce que tu as, tu n’en as aucune idée. Tu te dis : “mon dieu, est-ce que nous avons bien cette scène ?” » ; (« This is one of those days where you just shoot, shoot and shoot, and you don’t know what you’ve got. You are like, Oh my god, do we have it ? »).
12 Steven Cohan, « Introduction : How Do You Solve a Problem Like the Film Musical ? », in Steven Cohan (dir.), The Sound of Musicals, Londres, BFI, 2010, p. 9 ; « move musical theatre from its bounded space on stage in order to revel in its more carnivalesque energies ».
13 « Songs are all just an expression of our deepest wants and desires. Joy, pain, heartbreak, yearning, forgiveness, revenge... » (Zoey’s Extraordinary Playlist, S01E01).
14 Voir notamment certaines déclarations de David Simon à propos de Treme (Larry Blumenfeld, « Rhythm and Blue », Billboard, 17 avril 2010, p. 20-21) ; « Ce que la musique atteint fait partie de l’histoire. Mais il n’y a pas tant de séquences de performances par rapport à un film de rock’n’roll. Nous étions parfaitement conscients que nous devions prendre position sur cette question. Nous ne voulons pas de séquence comme dans La Blonde et moi, quand quelqu’un dit : “Hé, Fats, tu veux bien nous jouer un morceau ?” Et il joue “Ain’t That A Shame”. Fondu sur les applaudissements et ensuite dialogue. Si à un moment l’histoire s’arrête pour un morceau de musique, alors nous avons tout raté ». (« What music has achieved is part of the story. But it’s not a lot of performance footage compared to the average rock’n’roll movie. We were really conscious of the fact that we have to have a point of view in the room. What we don’t want is that moment from The Girl Can’t Help It, where it’s “Hey, Fats, how about playing one for the kids ?” And he plays “Ain’t That A Shame”. Dissolve in applause and then dialogue. If at any point the story stops for a piece of music, then we screwed up »).
15 André Gaudreault, Cinéma et attraction : pour une nouvelle histoire du cinématographe, Paris, CNRS, 2008, p. 93 pour les deux citations.
16 Ces commentaires sont tirés des cent premiers posts de spectateurs affichés à la suite de l’une des vidéos les plus populaires de la série sur YouTube (près de 3,2 millions de vues en juin 2020). « GLEE “Defying Gravity” (Full Performance) From “Wheels” », URL : https://urlz.fr/aieM. Page consultée le 15 juin 2020. « Rachel’s high last note gives me goosebumps everytime » (Mattheus Andre) ; « Kurt’s parts gave me goosebumps » (Eliza Whitehead) ; « Rachel (sic) high note at 1 : 55 still gives me chills everytime I hear it » (Emily Hodges) ; « Kurt made me cry when he failed the high note » (Arnau teruel) ; « I’m literally crying while watching these actors » (Shukumei) ; « Me : I think I’ll try [millions of voices cracks later...] defying [more...] gravity » (Ishipem).
17 « Nashville : “Nothing In This World Will Ever Break My Heart Again” », YouTube.com, vidéo postée le 24 septembre 2013. URL : https://www.youtube.com/watch?v=ebgfoQuJQdU. Page consultée le 10 juin 2020.
18 « Empire Cast feat. Jussie Smollett -Good Enough (Official Video) », YouTube.com, vidéo postée le 19 février 2015. URL : https://www.youtube.com/watch?v=uDp_jmkPbiQ. Page consultée le 10 juin 2020.
19 L’analyse porte sur les cent premiers posts affichés en regard des deux vidéos en juin 2020 (sans classement préalable des posts).
20 « Damn you Rayna and Deacon for interrupting and ruining Juliette’s moment ! » (post de Ali Z).
21 « Man, Taraji is such an amazing actress. The raw emotion that runs across in her acting is just awesome » (post de Senjutsu Sage).
22 « Let’s put all of that fake attack shit away and actually listen to the song it’s a wonderful song » (post de luvisrage). Jussie Smollett est soupçonné d’avoir lui-même monté, en 2019, une agression homophobe et raciste à son encontre.
23 « This is a great ballad ! Perfectly sung and so bittersweet it’s (sic) just ends up being beautiful. I like the key Hayden sings in because she hits some raw emotion [...].... The lyrics are clever too e.g. drinking from the poison cup, zero/hero..... A big Yes ! » (post de Europop Top).
24 « Hate him or like him, you gotta admit his musical talent is amazing » (post de Savage KingX).
25 « This song is so beautiful, it makes me cry every time I hear it » (post de Kora Millenaar) ; « My mom was the first person to ever break my heart » (post de Veronica E) ; « This song really helped me in my dark time ? It gave me hope & power... Thanks... Your voice is amazing. » (post de Sandhya Basre).
26 « Am I the only one who cried ? » (post d’Alex) ; « This hit hard I’m 17 haven’t talked to my dad In years he makes no effort » (post de Kayden Lloyd) ; « I remember watching this performance feeling such pain, hurt, relating as a gay man and seeing another person sing about something that many other gay people were too afraid to speak out in the past » (post de Joe Slattery) ; « This is your song when you’re a son and you’re proving something to your dad » (post de Dean Ryan Martin).
27 Henry Jenkins, Sam Ford et Joshua Green, Spreadable Media : Creating Value and Meaning in a Networked Culture, New York et Londres, NYU Press, 2013, p. 146.
28 Jason Mittell, Complex TV, op. cit., p. 288 ; « Complex television encourages forensic fans to dig deeper, probing beneath the surface to understand the complexity of a story and its telling. Such programs create magnets for engagement, drawing viewers into the storyworlds and urging them to drill down to discover more ».
29 Henry Jenkins, Sam Ford et Joshua Green, Spreadable Media, op. cit., p. 146 ; « represented another transmedia approach, one more focused on extending performance rather than storytelling across platforms, and supporting different forms of audience participation ».
30 Nicolle Lamerichs, Productive Fandom : Intermediality and Affective Reception in Fan Cultures, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2018, p. 114.
31 Ryan Lawler, « Glee Launches New Video Player for Superfans », Gigaom, 9 juin 2010. URL : https://urlz.fr/ahdE. Page consultée le 3 août 2018.
32 « FOX and Myspace Launch the “Glee Myspace Karaoke Contest” Online at KaraokE.myspacE.com », communiqué de presse FOX, The Futon Critic, 9 septembre 2009. URL : https://urlz.fr/dDYF. Page consultée le 3 août 2018.
33 Alex Leavitt, « Performing with Glee », spreadablemedia.org. URL : https://urlz.fr/ahgL. Page consultée le 3 septembre 2018.
34 Jason Mittell (Complex TV, op. cit., p. 296-303) insiste lui aussi sur les nombreux précédents de ce qu’il nomme « Transmedia Television ».
35 « A quest for new faces », Photoplay, février 1922, vol. 21, no 3, p. 48 ; « It will not be the usual contest. It will find the new faces and test them by actual motion pictures. It will not hold out a false promise of immediate stardom, but it will give dramatically ambitious girls a chance to work for success. »
36 John Frayn Turner, Frank Sinatra, Lanham (MD), First Taylor Trade Publishing, 2004, p. 13.
37 Alice Fay, star musicale de Twentieth Century-Fox, réservait ainsi par contrat ses performances chantées à ses seules apparitions dans les films du studio. Voir Jane Lenz Elder, Alice Faye : A Life Beyond the Silver Screen, Jackson (MS), University Press of Mississippi, 2002, p. 122.
38 David Bordwell, Narration in the Fiction Film, Madison (WI), University of Wisconsin Press, 1985, p. 150 ; « A genre varies significantly between periods and social formations ; a mode tends to be more fundamental, less transient, and more pervasive. […] A narrational mode is a historically distinct set of norms of narrational construction and comprehension. »
39 Helen Wheatley, Spectacular Television : Exploring Televisual Pleasure, Londres et New York, I.B. Tauris, 2016.
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