La création héraldique
p. 78-81
Texte intégral
Les armoiries personnelles d’Emmanuelle Sajous, créées en 2007. Gouache et or 24k. Concept original de Claire Boudreau. Artiste peintre Cathy Bursey-Sabourin.

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par l’Autorité héraldique du Canada, 2007.
1L’acte de création d’armoiries est l’un des sujets les plus méconnus de la recherche héraldique et pour lequel très peu de sources subsistent. Le silence entourant la mise au monde de ces emblèmes est généralisé, presque attendu. Et pourtant, toutes les armoiries, anciennes ou récentes, sont l’œuvre de créateurs avant d’être portées et transmises de génération en génération.
2De nos jours, les armoiries peuvent être créées de façon structurée dans le cadre d’institutions relevant des gouvernements, comme au Canada. Elles peuvent aussi être conçues librement, dans le domaine privé, par des artistes et des compagnies de design. De nouvelles armoiries voient ainsi régulièrement le jour sans que ne soient connus le travail préalable ni l’identité des artisans ayant œuvré en coulisse.
3La création d’armoiries est mon métier depuis plus de vingt ans. Je suis en effet héraut d’armes à l’Autorité héraldique du Canada. D’historienne médiéviste, je suis devenue praticienne de la mise en image d’histoires personnelles, familiales et institutionnelles. Il n’y a pas, à mon avis, de plus belle profession.
4La notion d’identité est au cœur de toutes les discussions et inspire l’acte de création d’armoiries. Les demandeurs d’armoiries s’engagent dans un exercice d’introspection peu commun. Confrontés à de multiples choix, ils ne peuvent ultimement exprimer dans leurs armoiries qu’une infime partie de leur personnalité et de leur vie. Plusieurs souhaitent honorer le souvenir de leurs ancêtres. D’autres veulent représenter, en plus d’eux-mêmes, des membres de leur famille immédiate. Tous ont conscience que l’emblème sera permanent et qu’il sera utilisé par les générations futures. Impliqués du début à la fin, ils font en sorte que l’armoirie nouvellement créée soit réellement signifiante.
5Les hérauts d’armes guident la démarche et assurent le respect des traditions héraldiques. Ils parlent de symboles avec leurs contemporains et enseignent aux gens ordinaires des notions anciennes parfois obscures. Ils prennent en main la combinaison des couleurs et des figures ainsi que leurs significations particulières dans l’armoirie. La création d’esquisses, basées sur quelques thèmes, constitue le cœur de leur travail. Simplicité, équilibre, symétrie et bon goût sont leurs mots d’ordre. Ils veillent aussi à consigner la description technique et le symbolisme de l’armoirie pour en assurer la mémoire.
6À l’Autorité héraldique du Canada, les artistes entrent en scène lorsque le contenu des armoiries fait consensus. Ils créent une représentation de qualité et insufflent une nouvelle vie au concept. Les artistes dessinent les animaux héraldiques avec panache et capturent les caractéristiques propres des végétaux et des autres figures du blason. De concert avec les hérauts d’armes, ils ajustent les proportions et se soucient de l’harmonie de la composition. Il n’y a rien de plus exaltant qu’être témoin du moment où le demandeur découvre pour la première fois le dessin véritable de ses armoiries. L’illustration jointe est un exemple de création contemporaine d’armoiries par notre équipe, marquée tant par la rigueur que par l’originalité.
7Armoiries d’Emmanuelle Sajous : de sable au feu d’or mouvant de la pointe. Cimier : un astrolabe d’or. Supports : deux hippocampes de sable, écaillés et lorés d’or, mouvants de vagues au naturel de part et d’autre d’un roc du même. Devise : entre raison et passion.
8Symbolisme : la couleur noire représente l’héritage personnel d’Emmanuelle Sajous. Les flammes illustrent son esprit passionné pour la vie et les êtres qui lui sont chers. L’astrolabe indique l’ouverture sur le monde et l’esprit d’aventure. Il évoque les origines haïtienne et française de Mme Sajous et son parcours de la France au Québec, en passant par l’Acadie. Les hippocampes évoquent la mer et l’eau, et par extension le renouveau, l’infini et la liberté. Le roc en forme de feuille d’érable affirme son attachement à son pays d’accueil, le Canada. C’est à Michel Pastoureau que je dois ma passion pour la création d’armoiries et l’héraldique. En plus de m’avoir initiée à l’histoire symbolique à l’EPHE, il a dirigé mes études doctorales sur les traités de blason des xiiie-xvie siècles. Son grand talent de vulgarisateur, sa gentillesse légendaire et sa production de livres savants appréciés du grand public ont été pour moi une source d’inspiration continue tout au long de ma carrière. Je ne peux que lui exprimer toute ma reconnaissance.
Auteur
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