L’association des Technites d’Athènes ou les ressorts d’une cohabitation réussie
p. 339-364
Texte intégral
1Dans le cadre de cette rencontre intitulée « Individus, groupes et politique à Athènes », l’association de Technites dionysiaques, qui naquit dans la cité après la mort d’Alexandre le Grand, occupe une place de choix.
2Il s’agit, je le rappelle1, de l’une de ces toutes nouvelles confréries religieuses et professionnelles regroupant, dans leurs rangs, différents spécialistes de la scène, doués d’un certain savoir-faire2. L’objectif de leurs membres consistait à mettre leurs pratiques artistiques au service du culte divin3, et plus particulièrement à honorer le dieu Dionysos, sous le patronage duquel ils s’étaient placés4.
3Mais, et pour le présent colloque, le point est essentiel, ces corporations d’artistes étaient également organisées sur le modèle des poleis de leur temps : dotées de leurs propres magistrats, voire de leur propre monnayage (si l’on en croit une découverte récente)5, elles ne se contentaient pas de voter des décrets honorifiques ni de prendre des décisions manifestant au grand jour leur intense piété. Elles menaient une activité politique qui les faisait entrer en contact, par l’entremise de leurs ambassadeurs, avec les diverses puissances de l’époque : les rois, les dynastes, les cités et les peuples, pour reprendre la formule bien connue de la diplomatie d’alors, à laquelle il convient d’ajouter les Romains, à compter du iie siècle avant notre ère.
4Concernant l’association d’Athènes6, la seule à m’intéresser aujourd’hui, elle a fait depuis toujours l’objet d’une quasi-unanimité chez les spécialistes : à l’envi, ils ont souligné l’harmonie exceptionnelle des relations qu’elle sut tisser avec la cité devenue, dès l’époque classique, la grande métropole des arts et des lettres. Encore dernièrement, S. Aneziri a mis l’accent sur le vif engagement d’Athènes en faveur des Technites établis sur son sol7. Dépassant le simple constat admiratif, elle a cependant refusé avec force l’idée d’un quelconque rapport de subordination de la confrérie à la polis8, et conclu au caractère naturel de leur communauté d’intérêts.
5J’avoue néanmoins ne pas être totalement convaincue par une argumentation qui me paraît confondre trop rapidement la réalité historique et le discours idéologique véhiculé par les textes officiels, qu’ils émanent de la corporation elle-même ou qu’ils s’y réfèrent9. c’est pourquoi, je me propose de reprendre ici l’examen détaillé des relations entretenues par les Technites d’Athènes avec l’état homonyme, en étudiant tout d’abord les conditions dans lesquelles la confrérie apparut et se développa, et le rôle éventuel que joua alors la cité ; après quoi, je m’intéresserai à l’identité des membres de la corporation et à leur participation à la vie artistique et religieuse de l’État. J’analyserai ensuite les interventions respectives de la cité et de la confrérie sur la scène politique intérieure et internationale.
6Il s’agira en dernier lieu de réfléchir à la place réelle que pouvait tenir dans une cité, telle qu’Athènes, une association pourvue de tous les attributs afférant à une polis en miniature. Pour mieux appréhender le cas athénien, on le comparera à la façon dont les corporations de Technites du Péloponnèse, d’Asie Mineure et d’Égypte résolurent la question de leur coexistence avec les cités qu’elles choisirent pour sièges.
I. LE RÔLE DE L’ÉTAT ATHÉNIEN DANS LA NAISSANCE ET LE DÉVELOPPEMENT DE L’ASSOCIATION DE TECHNITES INSTALLÉS SUR SON TERRITOIRE
7Pas plus pour l’association athénienne que pour les autres confréries nous n’avons d’indications précises sur les circonstances qui présidèrent à leur naissance10. On ignore même la date exacte à laquelle chacune d’entre elles se forma.
8C’est dans un décret amphictionique, daté de 279/8 ou 278/7 av. J.-C, que figure la première mention de la corporation d’Athènes. Qualifié de « dogma archaion », ce texte était inscrit, du moins sur l’exemplaire retrouvé à Delphes11, à la suite d’un autre décret amphicitonique relatif à l’association et promulgué peut-être en l’année 13012. Sans la gravure (ou la regravure) par les Amphictions, à cette date, et en annexe de leur nouveau décret, des décisions qu’ils avaient prises au début du iiie siècle13, on ne saurait à quelle époque fixer, même approximativement, l’apparition de la corporation.
9Le décret de 279 ou 278 a en effet le mérite de fournir un terminas ante quem14, puisqu’il stipule qu’à la demande des artistes d’Athènes15, alors déjà constitués en association16, les Amphictions leur votèrent divers privilèges (asylie. immunité, exemptions de taxes et d’obligations militaires). On ignore toutefois si la cité provoqua la formation de la confrérie, si elle se contenta de l’encourager, ou si elle assista à sa constitution, sans y prendre la moindre part. Les seuls éléments à verser au dossier, pour tenter d’éclaircir la question, sont le contexte dans lequel s’inscrit cette naissance17 :
- depuis la fin du ive siècle, la cité athénienne montrait un intérêt renouvelé pour son théâtre18 : Lycurgue avait fait construire en dur le fameux édifice sis sur les contreforts sud-est de l’acropole, tandis que, dans les années 278/7, les Athéniens avaient choisi d’inscrire la liste des poètes et acteurs vainqueurs aux Lénaia et aux Dionysies urbaines, en remontant, semble-t-il, au moins jusqu’à l’année 485/4 ;
- à peu près à même époque que l’association athénienne, s’étaient formées les trois autres principales confréries de Technites dionysiaques que nous connaissons. Leur ordre d’apparition continue toutefois de diviser les spécialistes.
10Doit-on admettre que, pour répondre à la demande croissante en Technites de tout genre, qui caractérise l’époque hellénistique, les artistes présents lors des nombreuses fêtes organisées à Athènes et dans les dénies de l’Attique, décidèrent soudain, spontanément, d’unir leurs forces, sur le lieu même de leurs prestations, et ce, comme le firent, à Téos, les Technites d’Ionie et de l’Hellespont, et, dans les sanctuaires de l’Isthme et de Némée, les Technites de l’association du même nom, ainsi que le suggèrent leurs titulatures respectives ? Ou faut-il croire que la cité d’Athènes, dont le riche passé en matière théâtrale et musicale n’est plus à souligner, prit l’initiative de la création de l’association, appâtant les artistes par la promesse de certains privilèges et le prestige de sa renommée ?
11L’intervention d’Athènes serait-elle avérée19 qu’une autre difficulté ne serait pas résolue pour autant, car on ne sait s’il convient de la placer avant ou après la constitution par les Lagides de la corporation établie dans leur royaume20. En d’autres termes. Athènes créa-t-elle une association en réponse à la mesure prise par les Ptolémées, et parce qu’elle craignait qu’Alexandrie, dotée d’un Musée, d’une bibliothèque et d’un collège de Technites, ne lui ravît la première place de centre intellectuel et culturel du monde grec et hellénisé ? Ou Athènes eut-elle la première l’idée du parti-pris qu’elle pourrait tirer de l’existence sur son sol d’artistes réunis en un collège ?
12Il est impossible de répondre de manière assurée à de telles questions : elles méritaient en tout cas d’être posées, car depuis trop longtemps la tendance a été de reconnaître d’emblée à Athènes toutes les primautés et de donner aveuglément foi à ses propres affirmations ou à celles qui lui étaient prêtées21.
13Ainsi dans le décret, d’une facture tout à fait exceptionnelle, par lequel les Amphictions reconnurent aux Technites athéniens le privilège supplémentaire de chrysophorie22, on lit les attendus suivants : « étant donné qu‘il est arrivé qu’une compagnie de Technites naisse et se constitue pour la première fois à Athènes, ce qui a rendu ce peuple la cause première de tous les biens dont jouissent les hommes, les faisant passer de la vie sauvage au stade humain et civilisé ». et un peu plus loin encore « attendu que le premier de tous, après avoir rassemblé une compagnie de Technites et de compétiteurs23, il (= le peuple athénien) a créé des concours thyméliques musicaux et scéniques, ce dont témoignent la plupart des poètes de la cité, et dont Athènes elle-même montre clairement la vérité (alètheia), en rappelant qu‘elle est la métropole de tous les genres dramatiques, qu‘elle a inventé et développé la tragédie et la comédie, raisons pour lesquelles les Amphictions qui ont souvent reçu le peuple et les Technites d’Athènes, n’ont négligé la compagnie dans aucun de ses intérêts.... ».
14Ce texte, daté vraisemblablement de 117 avant notre ère, ne saurait cependant être pris au pied de la lettre : les temps utilisés dans le passage24 obligent en effet à situer la constitution de la synodos évoquée, peu avant la création des concours thyméliques et scéniques, lesquels sont datés sans conteste possible de l’époque archaïque ou des débuts de l’époque classique.
15Une telle contre-vérité de la part des Amphictions (en l’occurrence porte-parole de la cité d’Athènes) se comprend toutefois aisément : elle leur permettait de magnifier l’origine de la confrérie, en la transposant dans un passé lointain, et de flatter simultanément l’orgueil de la polis. Au demeurant, l’association mentionnée équivalait, dans l’esprit des contemporains, à celle qui était alors en activité. Ils étaient invités à voir en elle la première à avoir été créée, fût-ce au mépris de la stricte chronologie et/ou de la stricte vérité historique25.
16En conclusion sur ce point, je dirai que si Athènes joua le moindre rôle dans la formation de la confrérie, les documents disponibles pour le iiie siècle (très peu nombreux, il est vrai)26 ne laissent rien soupçonner de tel. A croire que la cité n’éprouva pas alors le besoin de le souligner haut et fort, à moins qu’elle n’ait guère été impliquée dans l’affaire, et qu’ensuite la dégradation progressive de sa situation politique l’ait conduite à reléguer au second plan l’intérêt qu’elle aurait pu porter aux Technites.
17Quoi qu’il en soit, les Technites avaient apparemment prié les Amphictions de communiquer aux Athéniens, sous pli scellé, une copie de leurs décisions des années 280 (TE 2, 1. 86-7 et 89-90). On peut supposer que l’association craignait le non-respect de ses tout nouveaux privilèges ou qu’elle agissait ainsi par déférence (voire soumission) envers la polis à laquelle elle devait son existence, les deux hypothèses n’étant pas du reste exclusives l’une de l’autre. Je pencherais néanmoins plutôt pour la première explication27, car, en réalité, on ne voit la cité athénienne manifester une attention indiscutable pour la confrérie qu’à partir de la deuxième moitié du iie siècle. Je tenterai d’en préciser la nature et la portée dans la suite de cet exposé. En tout état de cause, on ne saurait confondre l’histoire de la cité et de la confrérie au iiie siècle avec la réécriture qui en est donnée dans le dernier tiers du siècle suivant.
II. IDENTITÉ DES TECHNITES D’ATHÈNES ET PARTICIPATION DE LA CORPORATION À LA VIE ARTISTIQUE ET RELIGIEUSE DE LA POLIS
II. 1 QUELLE IDENTITÉ POUR LES TECHNITES D’ATHÈNES ?
18Dès les premières recherches menées sur les associations de Technites, le problème de leur recrutement et de l’identité connexe de leurs ressortissants, toutes confréries confondues, a suscité la controverse, le corpus documentaire ne prêtant guère, de par sa nature, à une seule et même interprétation28. Rares, en effet, sont les sources épigraphiques qui, outre le nom des Technites, suivi parfois de leur patronyme, mentionnent leur ethnique, ou, dans le cas d’Athènes, leur démotique. Bien souvent, ce n’est que par recoupements que l’on peut proposer une identification et le risque d’erreur, mais également de raisonnement circulaire, n’est jamais bien loin : il est en effet courant d’affirmer, d’un côté, que les associations recrutaient largement en dehors des zones situées dans un rayon voisin de leurs sièges respectifs et, de l’autre, d’inclure systématiquement un artiste, dont seul l’ethnique est mentionné en plus de son nom, dans la confrérie géographiquement la plus proche de la cité d’où il est issu.
19À propos des Technites d’Athènes, très tôt les spécialistes ont émis des avis diamétralement opposés : les uns ont affirmé que ceux-ci, à l’exemple des autres collèges d’artistes contemporains, recrutaient leurs membres dans l’ensemble du monde grec et hellénisé29 ; les autres30 – et récemment encore Ch. Habicht31 – ont soutenu exactement l’inverse, à savoir que la confrérie n’aurait compris dans ses rangs que des citoyens athéniens. D’autres enfin, par prudence, se sont refusés à prendre position dans le débat. Ainsi de Paul Foucart32.
20En l’état actuel de la documentation, nous ne possédons malheureusement pas la moindre liste répertoriant, à quelque date que ce soit, l’ensemble des membres de la corporation athénienne, avec pour chacun ses noms, patronymes, ethniques et spécialités artistiques33.
21Tenter de reconstituer, siècle par siècle, ces catalogues manquants est une entreprise qui peut paraître aussi vaine que périlleuse, car l’on se trouve aussitôt confronté à deux problèmes majeurs et la manière de les résoudre n’est pas sans conséquence sur le profil que l’on trace ensuite de la confrérie34.
22La première difficulté tient à un ensemble de trois documents épigraphiques exhumés à Argos, qui fut l’un des sièges de l’association de l’Isthme et de Némée35 ; deux d’entre eux, datés du 1er siècle avant notre ère sur des critères paléographiques, confirmés par la linguistique, présentent une liste de noms accompagnés de patronymes et d’ethniques36 ; le troisième37, attribué par recoupements prosopographiques aux années 90/80, comporte une liste gravée sur la face antérieure de la stèle38 et une autre sur son côté gauche. Seul ce dernier catalogue précise des spécialités artistiques39 mais sans mentionner d’ethniques, à deux exceptions près cependant40 : les recoupements qui peuvent être faits renvoient à des Technites appartenant à l’association d’Athènes41. En conséquence, certains savants ont considéré que tous les artistes répertoriés sur le côté de la pierre (jusqu’à la ligne 34, à laquelle débute la mention de « chanteurs thébains » (Thèbaioi ôdoi) étaient pareillement affiliés à la confrérie athénienne et les ont inclus parmi ses membres. Ils leur ont même parfois adjoint systématiquement l’ethnique Athènaios, sans fournir cependant de justification argumentée42. Reste qu’en l’absence d’intitulé, l’on ignore pour quelle(s) raison(s) cette liste fut établie et quel(s) rapport(s) éventuel(s) elle entretenait avec les deux autres catalogues et d’abord avec celui gravé sur la face principale de la pierre qui, lui fait état de natifs du Péloponnèse, de Grèce centrale, mais aussi de Grande-Grèce, d’Asie Mineure et même de Rome. Il est hors de doute que, sur tous les documents43, nous avons affaire à des Technites, dont certains sont même parents. Il est toutefois impossible de dire si nous sommes en présence :
- d’un répertoire de membres de l’association d’Athènes (côté gauche du document A, jusqu’à la 1. 33)44 et de celle de l’Isthme et de Némée (face principale et côté gauche du document A, à partir de la 1. 3 445, documents Β et C46) ;
- de listes d’artistes venus se faire enregistrer pour concourir47 à titre individuel ou dans un cadre associatif48 ; dans cette dernière hypothèse, l’identité de la ou des corporations auxquelles étaient rattachés les différents artistes ne peut être précisée. Certes, au premier siècle avant notre ère, la cité d’Argos était l’un des sièges de la confrérie de l’Isthme et de Némée, mais les fêtes panhelléniques dont elle avait alors le contrôle, telles les Némeia, ne sauraient avoir été réservées aux seuls artistes issus de ses rangs49, et ce, à la différence peut-être des Dionysia50 ou des Héraia locales51.
23La deuxième difficulté, pour qui tente de dresser la liste des Technites d’Athènes, avec la plus grande exhaustivité possible, relève de l’utilisation des données fournies par les inscriptions documentant les Pythaïdes52 : les artistes que dépêche l’association à ces festivités y sont en effet désignés par leurs noms et patronymes, et généralement avec leurs spécialités, mais sans ethnique. Or, une fois encore, je ne pense pas que l’on puisse automatiquement leur conférer la citoyenneté athénienne au seul prétexte qu’ils étaient affiliés à la corporation établie dans la cité53, ou qu’avant de venir grossir ses rangs, ils participèrent aux processions en tant que puthaïstai paides54, voire en qualité d’éphèbes55. L’important pour Athènes, me semble-t-il, était d’honorer avec un faste sans pareil le dieu de Delphes et de conduire, dans ce but, un maximum d’artistes jusqu’au sanctuaire d’Apollon, alors qu’il ne leur était promis aucune récompense à l’issue de leurs prestations. J’ai du mal à croire que la politeia ait été, en la circonstance, un élément déterminant, puisqu’elle n’intervient jamais dans aucune des fêtes dont l’éclat était rehaussé par la présence de Technites. Leur qualité d’artistes prévalut d’ordinaire à tel point sur leur citoyenneté d’origine que les lapicides ne furent que rarement tenus de la graver sur la pierre pour l’éternité.
24Ainsi, en fonction de l’usage que l’on fait des sources disponibles, le nombre d’artistes affiliés à la confrérie athénienne que l’on obtient, et parmi eux le nombre de ceux auxquels il est possible d’associer un ethnique ou un démotique varient dans des proportions significatives, quand bien même la nature de la documentation interdit de fonder une démonstration sur ces seuls critères statistiques56.
25À s’en tenir aux données avérées57, on obtient les résultats suivants :
26Sur un total de 197 ou 198 membres, 13 (et peut-être 15) seraient à coup sûr revêtus de la citoyenneté athénienne et 43 autres le seraient, si les recoupements prosopographiques étaient tous exacts. Un seul serait un non-Athénien, encore que rien ne le prouve vraiment. Il s’agit de Kratéros, fils d’Antipater, d’Amphipolis : ce poète épique rut délégué par l’association pour participer au concours thymélique et scénique organisé à Delphes, à l’occasion de la IIIe Pythaïde (106/5)61. Si c’est le même homme, il remporta, en tant qu’Amphipolitain, l’éloge épique aux Amphiaraia/Rhômaia d’Oropos, après la première guerre de Mithridate (86/5)62. Son cas peut être rapproché de celui du poète tragique Asklepiadès, fils d’Hikésios, mentionné sur un catalogue des Sarapieia de Tanagra de ca 90/89 à la fois comme Athénien, et comme Thèbain63. Il s’apparente peut-être également à celui du poète comique Diomédès, fils d’Athènodôros, qualifié d’Athénien (PA 4071 ; LGPN 3) sur une inscription honorifique d’Épidaure64, datée du iie siècle, alors qu’il est dit Pergaménien sur une liste répertoriant les poètes et acteurs vainqueurs aux Rhômaia de Magnésie du Méandre, peu après 15065.
27Kratéros, comme Asklepiadès, ou encore Diomédès66, aurait pu recevoir, en sus de sa citoyenneté d’origine (en l’occurrence athénienne), une politeia d’honneur. Mais l’on peut raisonner tout autrement et admettre que, dans le cas de Kratéros du moins, dont le seul ethnique assuré est celui d’Amphipolis, il s’agit d’un étranger, natif de cette cité, et donc que l’association dont le siège était à Athènes n’accueillait pas uniquement des artistes athéniens dans ses rangs.
28Si l’on fait maintenant de la totalité des artistes inscrits sur la liste d’Argos (document A, face latérale. 1. 1-34) des Technites affiliés à l’association d’Athènes67, et de tous les artistes dépêchés pour les différentes Pythaïdes des Athéniens68, on obtient les résultats suivants :
29Ce sont 40 % environ des artistes inclus dans les rangs de l’association qui auraient revêtu la citoyenneté athénienne, alors que les calculs effectués à partir du tableau précédent donnaient un total légèrement supérieur à 13 %.
30Je m’arrête là : la complexité du problème n’aura échappé à personne. Pour le moment, je propose de laisser en suspens la question de l’ouverture de l’association à des non-Athéniens, et d’y revenir après avoir examiné d’autres dossiers et pris en compte d’autres données.
II.2. LA PARTICIPATION DES TECHNITES À LA VIE ARTISTIQUE ET RELIGIEUSE DE L’ÉTAT ATHÉNIEN
31Loin de constituer un groupe à part dans la cité athénienne, les Technites intervenaient activement dans sa vie tant religieuse que culturelle.
32J’en veux pour première preuve le décret de l’association en l’honneur du souverain de Cappadoce, Ariarathès V, et de sa femme, Nysa. On y apprend que, dans le dernier tiers du iie siècle69, les Technites créèrent un culte du couple royal au sein de leur temenos70. Mais on y voit aussi que les Technites furent autorisés71 à faire connaître les privilèges divers qu’ils lui avaient reconnus, en les proclamant officiellement à l’occasion des principales fêtes civiques de la polis athéniemie : Dionysies urbaines, Panathénées et Éleusinia72.On y lit encore que, lors de ces mêmes célébrations, les Technites d’Athènes étaient tout prêts à manifester leur dévotion envers le monarque et son épouse, que ce soit en offrant un sacrifice en leur nom ou en prenant en charge les ambassadeurs dépêchés aux festivités depuis la Cappadoce.
33L’interpénétration étroite des activités religieuses de la cité et de la confrérie ressort également de la participation massive des Technites aux différentes processions reconduites à Delphes, à partir du deuxième tiers du iie siècle.
34À en croire les Technites, lorsque le peuple d’Athènes prit la décision de renouer avec la tradition de la Pythaïde, « la compagnie offrit d’elle-même sa contribution » (TE 10. 1.6), pour assurer la partie musicale et dramatique des festivités. On peut assurément émettre quelque réserve sur la version des faits qui nous est présentée, mais non en contester la portée73 : en venant grossir les rangs des Pythaïstes74, officieusement en 138, puis officiellement en 128, 106, et une dernière fois encore en 98, la confrérie des Technites permit à la cité athénienne de faire la brillante démonstration de sa piété, de son rayonnement culturel et de sa puissance, à Delphes, i. e. au cœur même de la vie religieuse du monde grec. Quant aux artistes, ils eurent là autant d’occasions exceptionnelles de manifester leurs talents, leur religiosité et leur reconnaissance à l’égard du sanctuaire panhellénique de renom qui n’avait pas hésité, à chacune de leurs requêtes, à renouveler, et même à accroître les privilèges qui lui étaient réclamés.
35Un dernier document atteste encore des liens unissant la confrérie et l’État, au début du ier siècle avant note ère. Il s’agit du décret promulgué par les Technites en 78/7 pour leur généreux épimélète, Philèmôn75. En toutes lettres (1. 6-8) s’y trouve en effet évoqué leur souci constant d’« accroître, dans la mesure du possible, les sacrifices et tous les autres honneurs décrétés par le peuple d’Athènes (selon le sens à donner au pronom autou) pour ses dieux et bienfaiteurs ».
36Dans ce même texte, la confrérie prend soin de rappeler que c’est elle-même qui, de sa propre initiative, décida de célébrer le culte des divinités éleusiniennes, en procédant, lors des mystères, à des sacrifices et libations ; que c’est elle-même qui fut aussi à l’origine de la délimitation, à Éleusis, d’un temenos, propre à l’association, où fut bâti ensuite un autel. L’insistance avec laquelle la démarche est soulignée m’inciterait de nouveau à douter de sa spontanéité. Rien ne put se faire, en tout état de cause, sans l’autorisation préalable de la cité, voire sans ses plus vifs encouragements, tant l’organisation des mystères était chose athénienne depuis des siècles76.
37Ainsi Technites et Athéniens se retrouvaient dans la célébration de divinités essentielles à l’État : Dionysos et Athéna, mais également Déméter et Korè, sans oublier Apollon Pythios77. Ils se retrouvaient aussi dans la conduite des affaires politiques, nationales et internationales.
III. L’ASSOCIATION ET L’ÉTAT : POLITIQUE INTÉRIEURE ET RELATIONS INTERNATIONALES
III. 1. LE DIFFÉREND ENTRE LES ASSOCIATIONS D’ATHÈNES ET DE L’ISTHME
38Nous savons par un important dossier épigraphique gravé sur les parois du trésor des Athéniens à Delphes qu’un différend éclata, peut-être dès 138, entre les associations de l’Isthme et d’Athènes. Il aurait eu pour cause principale la rivalité entre les deux associations, incapables de coopérer sur les plans artistique et financier78, alors qu’elles participaient aux mêmes fêtes panhelléniques (Pythia et Sôteria de Delphes, Agriônia de Thèbes, Mouseia de Thespies).
39Comme les deux associations n’arrivaient pas à faire prévaloir leurs points de vue respectifs, elles adoptèrent la conduite des cités de l’époque, en quête d’arbitre dans une situation conflictuelle, et se tournèrent vers le Sénat pour qu’il tranchât la question79. Mais les sénatus-consultes successivement promulgués, sans doute d’abord en 138 (ou 134), puis en 118/7, n’eurent aucun effet, les Technites de l’Isthme et de Némée ne respectant aucune de leurs décisions. C’est pourquoi les Technites d’Athènes firent une nouvelle démarche auprès du Sénat, laquelle se solda en 112 par un ultime sénatus-consulte prenant fait et cause pour la confrérie.
40À cette occasion toutefois, ce ne fut pas la confrérie qui dépêcha en ambassade certains de ses ressortissants, mais le peuple athénien lui-même. Il adressa au Sénat quatre ambassadeurs, au nom, dit le texte, « des Technites établis chez eux et lésés par le non-respect des décisions sénatoriales, pour le prier de faire en sorte que ses décisions aient enfin force de loi ».
41Pour S. Aneziri, il est clair que l’inclinaison de la cité pour les Technites se transforma alors en une « protection active » (« aktive Unterstützung »)80. N’est-ce pas cependant jouer sur les mots et refuser d’admettre, par préjugé idéologique, une certaine dépendance de la confrérie par rapport à la cité : la polis athénienne, à la longue tradition démocratique, ne saurait avoir empiété sur l’autonomie fondamentale reconnue aux associations par sa législation, depuis Solon81 ! Nul n’ignore toutefois la face cachée des manifestations de bienveillance. Eunoia – doit-on le rappeler ? – rima souvent avec perte de liberté pour de nombreux états de la période hellénistique.
III.2. L’ASSOCIATION, LA CITÉ ET L’ACCUEIL D’ATHÉNIÔN, AMBASSADEUR DE MITHRIDATE VI
42Un autre épisode traduit incontestablement l’étroitesse des liens unissant la corporation et la cité82. Il s’agit du retour triomphal, à Athènes, du philosophe péripatéticien Athéniôn, vers la fin du printemps 88 av. J.-C.83 Au début de l’année, il avait été dépêché par l’Assemblée du Peuple auprès du roi du Pont. Mithridate VI, pour évaluer la situation en Asie Mineure ainsi que les intentions du monarque84. À son entrée dans la cité, selon le récit que nous a laissé Athénée85, via Posidonius, les Technites vinrent à sa rencontre et l’invitèrent « au foyer commun » et « aux prières et libations qui s’y feraient ».
43Il y a tout lieu de croire que les Technites furent mandatés, pour ce faire, par la cité. Ils avaient certes l’habitude, depuis le IVe au moins, de servir d’ambassadeurs, à titre individuel, et jouissaient dans ce domaine d’une excellente réputation86. Mais ils présentaient, à mon sens, un atout d’une tout autre importance pour l’État athénien, dès lors qu’il avait fait son choix entre Rome et Mithridate : celui d’être placés sous le patronage de Dionysos. Nul en effet n’était plus qualifié que les membres d’une association de Technites dionysiaques pour recevoir « le messager du Nouveau Dionysos », – et je reprends là les propres mots de Posidonius qui font écho au surnom porté alors par le souverain –.
44Dans ces conditions, on comprend mieux pourquoi les Technites accueillirent également Athéniôn dans leur propre sanctuaire et y accomplirent, en sa présence, d’autres sacrifices et libations, d’après la peinture qui nous est donnée de la suite des événements.
45Rien n’empêche même de penser que certains artistes, à la fois convaincus par le dionysisme de Mithridate et impliqués dans le fonctionnement des institutions civiques87 mirent un point d’honneur à persuader leurs collègues plus hésitants d’adopter, face au monarque, l’attitude préconisée par l’État athénien. Eu égard au rapport de force entre la cité et l’association, il est exclu que les artistes aient pu dicter une quelconque ligne politique à la cité et la contraindre à embrasser la cause du roi du Pont, quelque difficulté que l’on ait à saisir la soudaine désaffection des Athéniens pour Rome. Tout au plus, les Athéniens furent-ils confortés dans leurs choix, à l’écoute des plaidoyers de ceux qui, parmi les Technites, soutenaient ardemment la cause de Mithridate88.
46Qu’il s’agisse cependant de la grande majorité d’entre eux ne fait, à mes yeux, aucun doute89. Le décret promulgué par l’association en 78/7 après la destruction du temenos et de l’autel qu’elle possédait dans le sanctuaire des deux déesses éleusiniennes en apporte, me semble-t-il, une confirmation indirecte. C’est à mots couverts en effet (« koinè peristasis », « circonstances critiques ») que sont évoquées les opérations menées par Sylla depuis son quartier général d’Éleusis au cours de l’année 87/6. En taisant son nom sur un document officiel, les Technites auraient collectivement et délibérément choisi de ne faire aucune publicité au chef honni de l’armée romaine, qui s’était rendu coupable d’actes de vandalisme.
III.3. L’EXERCICE DIFFICILE DE LA COHABITATION
47L’examen attentif de l’ensemble de la documentation aujourd’hui disponible conduit à une seule conclusion : la profonde imbrication de la polis et de la confrérie athéniennes dont les comportements respectifs sur la scène politique nationale et internationale tendent à se confondre, à compter de la seconde moitié du iie siècle. J’y vois la marque de la cité elle-même et le résultat de son intelligence et de sa volonté politiques90.
48Pour en faire la démonstration, je m’appuierai sur ce que nous enseigne l’exemple des autres associations de Technites dionysiaques. Toutes les corporations, ou presque, furent confrontées au même problème : celui de leur coexistence, comme État à part entière, avec un autre État. Toutes cependant ne le résolurent pas de façon identique.
49Lorsque les Technites d’Égypte et de Chypre apparaissent dans nos sources sous forme d’une association dûment constituée et désignée comme telle, ils sont placés sous le patronage conjoint de Dionysos et des souverains lagides91. Il leur était en conséquence impossible de mener une activité politique distincte de la volonté exprimée par les Ptolémées et signe d’un tant soit peu d’autonomie. Ce n’est sans doute pas un hasard si nous ne connaissons aucun ambassadeur dépêché par les soins des Technites d’Égypte pour solliciter auprès des puissances de l’époque le renouvellement de leurs privilèges.
50Concernant les Technites de l’Isthme et de Némée, ils ne furent jamais, me semble-t-il, un groupe dangereux pour une cité donnée, en particulier, car ils multiplièrent les sièges et les filiales92. C’est dans la spécificité de leur structure fédérative que reposait leur force.
51Les Technites d’Ionie et de l’Hellespont93, dont le siège principal fut d’abord à Téos, présentent à première vue le cas le plus proche de celui des artistes d’Athènes : un groupe nombreux de spécialistes de la scène installés dans une ancienne cité. Or la cohabitation se passa mal, après quelques années décrites comme idylliques94, mais dont on ne peut apprécier la durée exacte. La situation devint si tendue, alors même que la confrérie s’était agrandie95 et que, sous le nom de corporation des Technites d’Ionie et de l’Hellespont et de ceux groupés sous le patronage de Dionysos Kathègemôn, elle détenait un siège à Téos et l’autre à Pergame96, que Téiens et Technites en appelèrent à l’arbitrage du roi Eumène II. En témoigne une lettre du souverain, à dater d’avant sa mort, que l’on situe désormais en 158 (TE 47). Ce texte est malheureusement fort lacunaire et d’interprétation délicate ; on comprend néanmoins que le malaise durait depuis un certain temps déjà, que les précédentes tentatives royales d’apaisement et de conciliation avaient été vaines (l’établissement d’une convention devait préparer à terme un synoecisme), mais aussi que le différend portait prioritairement sur les retombées financières des fêtes organisées par la cité et auxquelles participait la confrérie.
52Nombre de poleis devaient du reste redouter que les Technites auxquels elles faisaient appel ne détournassent les festivités à leur propre profit, car plus d’un document insiste sur le fait que les artistes auront obligation d’observer scrupuleusement les lois des cités sollicitant leur participation.
53Dans le cas des Technites anatoliens, les efforts royaux n’aboutirent pas, et l’association fut contrainte de quitter Téos, alors que la situation frôlait la guerre civile97. Tour à tour, Éphèse, Myonnésos, Lébédos (et peut-être Priène) auraient ensuite accueilli la confrérie, preuve supplémentaire des difficultés qu’avaient les cités à voir s’installer chez elles un groupe qui leur était étranger et dont les membres jouissaient de privilèges considérables : asylia, asphaleia et ateleiai de toutes sortes, pour s’en tenir aux principaux98.
54Il me semble que si les Téiens ne supportèrent qu’un temps les Technites, c’est avant tout parce que ces derniers ne furent pas intégrés, du moins dans une proportion significative, dans la polis de Téos, soit que celle-ci ne leur ait pas proposé l’octroi de sa citoyenneté, soit qu’eux-mêmes ne l’aient pas souhaité, préférant continuer à jouir de la liberté assortie à leur statut d’extra-territorialité.
55Revenons maintenant à Athènes : ce n’était pas une « grande petite » cité comme Téos, mais une polis hors norme, et ce depuis fort longtemps. Même si elle avait perdu de sa prestance sur la scène politique internationale avec la constitution des différentes monarchies, elle restait (ou tentait ardemment de rester) « l’école de la Grèce » et la championne de la vie culturelle et artistique. Elle ne pouvait mieux y parvenir qu’en offrant largement la citoyenneté aux artistes étrangers qui la rejoignaient ou qu’elle attirait à elle : ce faisant, elle évitait du même coup les difficultés inhérentes à toute cohabitation. Les artistes ne perdaient pas au change : puisqu’à leur nom était désormais associée la politeia d’une cité illustre et réputée, notamment dans leurs domaines d’activité99. Mieux, ils étaient conviés, en tant que citoyens, à prendre une part active aux institutions et aux magistratures de leur nouvel État.
56On sait en tout cas, de sources sûres, que certains d’entre eux le firent et que, conjointement à l’exercice de leur profession, ils assumèrent différentes responsabilités dans la cité athénienne, ou remplirent d’importantes missions en son nom100
57Le décret amphictionique, daté, semble-t-il, de 117 av. J.-C. (TE 11), montre que le poète tragique. Asklépiadès, fils d’Hikèsios, ne conduisit pas simplement l’ambassade des Technites, venus faire valoir leurs droits à Delphes, mais qu’à même époque il représenta Athènes au Conseil amphictionique, en qualité de hiéromnémôn. D’autres sources révèlent qu’il fut également prêtre de Dionysos à Délos en 100/99. Et peut-être doit-on voir en lui le deuxième magistrat monétaire de l’année 135/4 (l’autre étant son propre père, Hikèsios)101.
58Parmi les membres du synode athénien présents lors des Pythaïdes, il y eut sans doute deux hiéropes pour les Ptolémaia de la cité102, un magistrat monétaire, également rogator d’un décret103, un cavalier de la tribu Aigeis104, un aulète de la Boulé105, un théore106 et un archithéore107 des Érysichthonidai et, pour l’île de Délos, un gymnasiarque108, un prêtre de Sarapis109, ainsi que deux hérauts110.
59D’autres Technites répondirent, en bons citoyens, aux souscriptions volontaires, tout en servant leurs propres intérêts. Ainsi de l’archithéore de la seconde Pythaïde. Hérakleidès, fils de Glaukias, qui participa à la réfection du théâtre du Pirée en effectuant, en son nom propre, ainsi qu’au nom de son fils, un versement de 40 drachmes111.
60Pour d’autres artistes enfin, tel Agènôr, du génos des Eumolpides112, on ignore quel fut leur rôle dans l’État athénien, si tant est qu’ils en aient joué un, mais l’on sait qu’ils appartenaient à de grandes familles, ou encore que leurs ancêtres exercèrent de hautes responsabilités.
61Dans ces conditions – et j’en reviens à la question que j’avais laissée provisoirement en suspens-, bien que l’on ne connaisse que peu d’artistes affiliés à l’association d’Athènes dont on puisse dire en toute certitude qu’ils étaient Athéniens, ils durent à mon sens être suffisamment nombreux pour que leurs options politiques pussent recouper celles de la polis d’Athènes, sans l’inquiéter ni la mettre en danger.
62En admettant que tous n’aient pas été, à l’origine, des ressortissants de l’État athénien, la plupart d’entre eux le devint sans aucun doute avec le temps, alors même que la cité accordait plus généreusement sa citoyenneté113 : au iie siècle, les Technites parlaient, en majorité, de la même voix que la cité athénienne, car ils en étaient partie constitutive. Il n’y eut pas à Athènes, comme à Téos, la cité d’un côté et l’association de l’autre : l’association était dans la cité et la cité dans l’association. De fait se trouva réalisé le synoecisme préconisé par le roi Eumène II, pour régler, dans la cité ionienne, le conflit entre l’État et l’association établie sur son territoire114.
63C’est par une telle symbiose que s’expliquent en définitive l’harmonie des relations entre les deux entités et les liens de plus en plus étroits qui les unirent au cours des trois siècles de l’époque hellénistique ; c’est ainsi qu’il faut interpréter l’importance donnée conjointement à la légende attiqite (ital. B.L.G.) d’Apollon et aux mérites des Technites d’Athènes, dans le péan qu’un artiste, au nom prédestiné d’Athènaios, composa pour la seconde Pythaïde de 128115 ; c’est pourquoi enfin, dans le décret honorifique qu’ils votèrent à la fin du iie siècle avant notre ère, les Amphictions de Delphes glissèrent tout naturellement de l’éloge des artistes de l’association au panégyrique de la polis elle-même116.
Notes de bas de page
1 Concernant les associations de Technites dionysiaques (historiographie et bibliographie de la question), voir Le Guen (B.), Les associations de Technites dionysiaques à l’époque hellénistique, Nancy, A.D.R.A., 2001, vol. 1, p. 9-17 ; les références TE et TL correspondent aux sources épigraphiques et littéraires données dans le corpus documentaire qui constitue le premier tome de cet ouvrage, cité désormais Le Guen, Technites, I (Le Guen, Technites, II. renvoie au volume de synthèse).
2 Seuls sont concernés les artistes dont la spécialité était représentée au programme des concours de l’époque hellénistique : ainsi, par exemple, des musiciens, acteurs, auteurs dramatiques ou encore costumiers et décorateurs de théâtre. Les Technites dionysiaques, leur nom l’indique, étaient détenteurs d’une technè spécifique qui les liait au dieu du théâtre. Dionysos. Comme le souligne Ceccarelli (P.), « ‘ Autour de Dionysos ’ : remarques sur la dénomination des artistes dionysiaques », dans Hugoniot (Ch.), Hurlet (F.) et Milanezi (S.), éd., Le statut de l’acteur dans l’antiquité grecque et romaine. Presses Universitaires François-Rabelais, 2004, p. 109, la périphrase hoi peri ton Dionuson, choisie par les Technites pour leur dénomination, n’a absolument rien de banal, l’usage de l’article suivi de la préposition péri et de l’accusatif du nom du dieu étant rare à l’époque où il convient de situer la naissance des confréries de Technites (i.e. à fin du ive siècle ou au début du iiie). Cependant l’interprétation, tout à fait neuve, qui est donnée dans cet article à la titulature adoptée par les Technites regroupés en associations, ne me convainc absolument pas. Elle demanderait une analyse détaillée qu’il n’y a pas lieu de conduire ici.
3 C’est en tout cas ce que disent clairement les sources documentaires dont nous disposons.
4 Voir Le Guen, Technites, II, p. 83-93, le chapitre intitulé « Les plus pieux des Hellènes ».
5 Lorber (C.C.) et Hoover (O.L.), « An unpublished tetradrachm issued by the artists of Dionysos », Numismatic Chronicle, 163 (2003), p. 59-68 + illustr. Le contexte auquel les auteurs associent ce monnayage et l’interprétation qu’ils en proposent requièrent une discussion approfondie qu’il conviendra de mener ailleurs.
6 Sur sa désignation dans nos sources voir infra.
7 Die Vereine der dionysischen Techniten im Kontext der hellenistischen Gesellschaft, Stuttgart, 2003 (sera cité sous la forme Aneziri, Techniten). Cf. Le Guen (B.), « Remarques sur les associations de Technites dionysiaques de l’époque hellénistique » (À propos de l’ouvrage de Aneziri (S.), Die Vereine der dionysischen Techniten im Kontext der hellenistischen Gesellschaft. Untersuchungen zur Geschichte, Organisation und Wirkung der hellenistischen Technitenvereine, Niképhoros, 17 (2004), p. 279-299.
8 Cf. Aneziri, Techniten. À la page 36, il est dit qu’à l’occasion du différend entre l’association d’Athènes et celle de l’Isthme « das lebhafle Engagement der Stadt für die Techniten erstreckte sich auch auf eine aktive Unterstützung der Interessen der athenischen Technitensynodos » (ital. B.L.G). À la page 48, il est fait référence à « die Anpassung der Technitensynodos an die neue Politik Athens », lors de la guerre mithridatique. Suit immédiatement après le commentaire : « Dies darf keinesfalls als ein von der Stadt auf die Synodos ausgeubter Zwang, sondern eher als eine selbstverständliche Folge ihrer gemeinsamen Interessen und Tätigkeiten interpretiert werden ». avec un seul renvoi (note 160) à l’ouvrage de Ferrary (J.-L.), Philhellénisme et impérialisme (BEFAR, 271), Rome, 1988, p. 521, qui suggère une interprétation, effectivement peu convaincante, du ralliement à Mithridate des Technites athéniens. À la page 291, S. Aneziri écrit, une fois encore, en recourant à des verbes et à des adverbes identiques : « Wahrscheinlich hat Athen die Gründung der athenischen Technitensynodos aktiv unterstùtzt ». A la page 294 enfin, elle revient, sans argumenter davantage, sur l’attitude de la confrérie face à Mithridate VI en ces ternies : « Die Konformität der Politik des Vereins mit derjenigen der Stadt bedeutet jedoch nicht, dass seine Politik von der Stadt diktiert wurde, sondern erklàrt sich vielmehr dadurch. dass die Bediirfnisse und die Intéressai der beiden eng miteinander verbundenen Organismen (Stadt und Verein) übereinstimmten ».
9 Cf. déjà Le Guen, Technites, II. p. 14-7.
10 Si les inscriptions (de quelque nature qu’elles soient) constituent l’essentiel de nos sources documentaires (voir les tableaux dressés dans Le Guen, Technites, I. p. 18-22, et leur commentaire, p. 22-4), elles n’avaient pas pour but de traiter de tel sujets, comme l’a fort bien souligné Slater (W.), « Where are the actors 9 » dans Hugoniot, Hurlet et Milanezi, Le statut de l’acteur, p. 143-4. Les textes épigraphiques, de même que les textes littéraires, disent et taisent ce que leurs auteurs ont voulu mettre en évidence ou dissimuler : ils ne sont jamais le reflet brut d’une quelconque réalité historique. Pour ce qui est des inscriptions relatives aux Technites, elles avaient, me semble-t-il, pour fonction essentielle, d’exalter la piété des gens de scène et de faire oublier ainsi les critiques récurrentes liées à leur mode de vie, à la fois nomade et rétribué. Rappelons-le, l’un des Problèmes d’Aristote (Le Guen, Technites, I, p. 27 et TL I), qui firent les beaux jours des écoles de rhétorique, avait pour thème la mauvaise conduite des Technites dionysiaques, expressément qualifiés de ponèroi, et à entendre, de manière large, comme des artistes de toute spécialité, sans référence à leur statut de membres d’une quelconque association. Aucune confrérie en effet n’était encore officiellement attestée à la date de rédaction de la section XXX des Problèmes.
11 Cf. Le Guen, Technites, I, TE 2. Deux autres versions de ce texte ont été exhumées à Athènes : en IG II2 1132. document gravé sur un pilier de marbre pentélique du théâtre de Dionysos, figure d’abord le texte du décret le plus ancien (1. 2-39), puis la lettre d’envoi du décret de 130 (1. 40-51), et enfin ce décret lui-même (1. 52-94) ; pour l’autre copie provenant de l’agora, voir la restitution proposée par Tracy (S.V.), « Greek Inscriptions », Hesperia, 39 (1970), p. 310 et Le Guen, Technites, I, p. 76 et note 273.
12 Sur la datation de 130, voir Follet (S.), « Chronologie attique et chronologie delphique (IIe AC. – Ier P.C.) », Topoi, 8/1 (1998), p. 245 et Le Guen, Technites, I, TE 6.
13 J’emploie cet adjectif par commodité : son utilisation n’implique pas que tous les membres de l’association ayant élu domicile à Athènes jouissaient de la citoyenneté athénienne.
14 C’est aussi ce que souligne Aneziri, Techniten, p. 28. Quant à l’inscription d’Eubée, elle ne fournit aucun point d’appui chronologique, à la différence de ce que pense Mikalson (J.D.), Religion in Hellenistic Athens. University of California Press, 1998, p. 121, ainsi que je l’ai montré (Technites, I, p. 32 et TE 1) ; voir aussi Le Guen (B.), « Le statut professionnel des acteurs grecs à l’époque hellénistique », dans Hugoniot, Hurlet et Milanezi, Le statut de l’acteur, p. 94-6).
15 Cf. LE Guen, Technites, I, TE 2,1. 85-90, où il est dit : « que les secrétaires fassent transcrire le présent décret sur une stèle de marbre et qu’ils la fassent ériger à Delphes ; qu’ils envoient aux Athéniens le double de ce décret, après y avoir apposé leur sceau, afin que les Technites sachent (eidôsin, au sens de « puissent constater ») que les Amphictions ont un souci extrême de la piété envers les dieux, qu’ils se sont conformés aux demandes des Technites etc. ». La formulation du texte est ambiguë et peut prêter à confusion. Il me semble néanmoins que la requête des Technites portait bien sûr, d’abord et avant tout, sur la garantie aux artistes de certains privilèges, mais incluait également la transmission des dispositions adoptées par les Amphictions aux autorités de la cité d’Athènes Voir sur ce point l’interprétation donnée par Aneziri, Techniten, p. 35, note 84, aux lignes 41-51 de l’exemplaire athénien.
16 En font foi non seulement les expressions utilisées pour les désigner (TE 2,1. 67-8 : oi technitai hoi en Athènais ; TE 2, 1. 83-4 : hoi en Athènais technitai ; TE 2, 1. 93 : hoi peri tôn Dionuson technitai), mais également l’association de ce texte au décret postérieur de 130, où il est fait explicitement référence à une confrérie (TE 6,1 46, apparaît le terme de sunodos).
17 Voir Mikalson, Religion, p. 122 et note 51 pour un bref rappel de la bibliographie antérieure, ainsi que Le Guen, Technites, II, p. 10 et note 37.
18 Voir sur ce point l’article de Perrin (É.), « Propagande et culture théâtrales à Athènes à l’époque hellénistique », dans Le Guen (B.), éd., De la scène aux gradins, Pallas, 47 (1997). p. 202-8.
19 Sur le rôle attribué à Démétrios Poliorcète, voir Ceccarelli « ‘Autour de Dionysos’... ». p. 136.
20 Voir Le Guen, Technites, I, TL 16 et 17 ; II, p. 5-11.
21 Cf. Le Guen, Technites, II, p. 5, note 6. Pour Aneziri, Techniten, p. 291, l’ordre d’apparition des associations aurait été le suivant : confrérie d’Athènes, d’Égypte ( ?), de l’Isthme, d’Ionie et de l’Hellespont.
22 Le Guen, Technites, I, TE 11. Dans la traduction donnée à la page 96, il faut corriger deux erreurs : lire pour la ligne 31 « couronnes (d’or) » et non « vêtements » ; compléter la traduction de la ligne 33, en écrivant « porter ces vêtements et ces couronnes » (ital B.L.G.). La chrysophorie, selon la définition de Wilhelm, que je rappelle à la page 97, représentait en effet le privilège extraordinaire de pouvoir porter, en toutes circonstances, la couronne d’or.
23 Comme le reconnaît G. Daux lui-même (Delphes au iie et au ier siècle, 1936, p. 369-370, n. 2), cette prose contournée est particulièrement mal aisée à traduire. Lefèvre (F.), CID IV, 117, entend les lignes 16-17, de la façon suivante : « (attendu que) premier de tous, réunissant une compagnie de technites et d’acteurs (compétiteurs), il a créé des concours thyméliques et scéniques » Cette traduction n’est cependant pas recevable, car dans les associations dionysiaques les acteurs ne sont jamais considérés comme une catégorie à part ; ce sont des Technites au même titre que les musiciens ou que les poètes dramatiques. En conséquence, il faut écrire « réunissant une compagnie de technites », et réserver la parenthèse pour la restitution kai agônistôn (« et de compétiteurs », où kai peut signifier « qui sont aussi »). Les confréries n’accueillaient dans leurs rangs que les artistes dont la spécialité était représentée lors des concours ; leurs assistants, désignés sous le terme de sunagonistai, étaient également admis, même si, eux, ne concouraient pas pour un prix. La suite de la phrase pose également des problèmes de restitution et de traduction. Je ne suis pas sûre qu’il faille adopter la correction de Wilhelm : tôn hi[storiographôn kai] poiètô[n…, et rejeter la lecture de Colin, tôn i[diôn tès poleôs] poiètô[n... (cf. Le Guen, Technites, I, p. 94), comme l’a fait G. Daux et, en dernier lieu, F. Lefèvre qui écrit « ce dont il se trouve que témoignent la plupart des historiens et des poètes et que montre clairement la réalité elle-même, qui rappelle qu’Athènes est la métropole de tous les genres dramatiques ». Dans son article (op. cit., p. 212), É. Perrin avait déjà repris la traduction de Daux (Delphes, p. 369), qui n’est que légèrement modifiée dans l’ouvrage de F. Lefèvre, à savoir : « C’est lui qui le premier de tous a réuni un collège de technites et organisé des concours thyméliques et scéniques, comme en témoignent la plupart des historiens et poètes et comme le démontrent les faits eux-mêmes, puisque Athènes est la mère de l’art dramatique. ». G. Daux, comme F. Lefèvre, considèrent que dans la phrase « skènikous agônas epoièsen, hois kai sumbainei marturein men tous pleistous tôn hi[storiographôn kai] poiètô[n, autèn de kai tèn alètheian emphanôs deiknuein. hupomimnèskousan hoti mètopolis esti… », autèn est un adjectif pronominal qui se rapporte au substantif alètheian, auquel s’accorde également le participe hupomimnèskousan. Ils donnent au terme d’alètheia le sens de réalité. Néanmoins G. Daux et, à sa suite É. Perrin-Saminadayar, notent que le décret des Amphictions eut pour effet de sanctionner officiellement la reconnaissance par une grande partie des Grecs de la vérité (ital. B.L.G.) de la tradition rappelée par Athènes. Insensiblement les traducteurs-commentateurs ont glissé d’une acception du mot alètheia (réalité) à une autre (verité, véracité). Par ailleurs, dans la traduction de G Daux, le verbe hupomimnèskô est curieusement rendu par la conjonction de subordination à valeur causale « puisque ». Or, il me paraît extrêmement important de l’entendre comme le fait « d’avertir, en rappelant ». Mais quel en est le sujet ? Est-ce la réalité, elle-même, laquelle montrerait qu’Athènes a créé les concours thyméliques et scéniques, en faisant se ressouvenir les Grecs de ce que la cité est la métropole de tous les genres dramatiques ? Une autre construction me paraît meilleure pour l’ensemble du passage, à condition de ne pas suivre les restitutions de Wilhelm Je préfère comprendre en effet que du verbe impersonnel sumbainei découlent deux propositions infinitives, qui, balancées par men et de, ont pour sujets respectifs tous pleistous tôn i[diôn tès polèôs] poiètô[n, et autèn (pronom mis pour la cité), et pour verbes, d’un côté, marturein, de l’autre deiknuein, suivi lui-même d’un complément d’objet direct, tèn alétheian.
à la parole poétique est opposé le discours officiel de la cité ; au témoignage des poètes (marturein) est opposée la preuve, aussi évidente (emphanôs) qu’incontestable (deiknuein tèn alétheian). qu’apporte la cité elle-même (autèn), à travers l’acte de mémoire qu’elle impose à tous (hupomimnèskousa).
24 À la ligne 16, le participe parfait (sunagagôn) introduit la mention de la sunodos, et se rapporte au sujet (non exprimé) du verbe epoièsen (à l’aoriste), lequel a pour complément le groupe nominal thumelikous kai skènikous agônas (ligne 17). Cf. Aneziri, Techniten, p. 27-8 et Le Guen (B.), « Remarques sur les associations de Technites dionysiaques de l’époque hellénistique » (À propos de l’ouvrage de Aneziri (S.), Die Vereine der dionysischen Techniten im Kontext der hellenistischen Gesellschaft. Untersuchungen zur Geschichte. Organisation und Wirkung der hellenitischen Technitenvereine, Niképhoros, 17 (2004 ), p. 287.
25 Dans la présente inscription, l’important était de souligner la priorité athénienne pour tout ce qui relevait de la scène, quitte à confondre les espaces et les temps, ce qui est le propre même du panégyrique et ce dont convient du reste également Aneziri (S.), Techniten, p. 27, lorsqu’elle écrit : « ebenso umstritten ist die Historizität des gesamten Panegyrikos ».
26 Force est de constater qu’on ne connaît, en tout et pour tout, que trois inscriptions traitant de la confrérie au iiie siècle, ce qui, personnellement, me paraît fort peu pour une association censée avoir été le fleuron de la vie artistique dès les premiers temps de l’époque hellénistique Parmi elles figurent, outre le décret amphictionique du iie siècle, déjà mentionné et commenté, deux décrets honorifiques promulgués par la confrérie et associés, pour l’un (le Guen, Technites, I, TE 3), à la deuxième moitié ou à la fin du iiie siècle, et, pour l’autre (Le Guen, Technites, I, TE 3bis) à ce même siècle, uniquement sur des critères paléographiques. On ne possède pas le moindre texte officiel émanant des autontés de la polis athénienne.
27 Tout ce que l’on peut dire, c’est que le décret amphictionique de 130 av. J.-C. (cf. Le Guen, Technites, I, TE 6, 1. 56-59) stipule expressément que les Amphictions transmettront à la cité athénienne la copie de leurs décisions confirmant aux Technites le renouvellement de leurs privilèges, « en sorte qu’elle s’y confonne ». Quant à la lettre de couverture, exhumée à Athènes et gravée à partir des archives du Mètrôon (TE 7), elle montre clairement que le double du décret fut communiqué à la demande des Technites eux-mêmes, lesquels, dit le texte, « pensaient que la réponse qu’ils avaient reçue [des Amphictions] devaient être également adressée [à l’État athénien] Le document n’explicite pas davantage les raisons de la requête, qui peuvent fort bien ne pas avoir été (exactement) les mêmes au iiie et au iie siècles avant notre ère. Par la suite, le décret amphictionique de 117, octroyant la chrysophorie aux Technites d’Athènes (Le Guen, Technites, I, 11, 1. 42-45) étendit la transmission des décisions prises à leur sujet de la polis athénienne à tous les « peuples et cités » représentés par des hiéromnémons au conseil amphictionique Quant aux décrets émanant de la cité de Delphes et relatifs aux Pythaïdes auxquelles les Technites participèrent en 128 et en 98, ils devaient être transmis tant au Conseil et à l’Assemblée d’Athènes qu’à l’association des artistes dionysiaques (cf. Le Guen, Technites, I, TE 10,1. 38 et TE 14,1. 71-74). Sans doute le décret traitant de la Pythaïde de 106 comportait-il la même prescription (Le Guen, Technites, I, TE 13), mais la fin du texte ne nous est pas parvenue. On ignore en revanche si les Étoliens, lorsqu’ils régnaient en maîtres sur le sanctuaire delphique, durent transmettre un double des privilèges qu’ils avaient votés aux Technites d’Ionie et d’Hellespont à la cité de Téos où ces derniers élirent d’abord domicile (cf. Le Guen. Technites. i, TE 38,1. 6-7).
28 Voir Le Guen, Technites, II, p. 41-46.
29 Tels Sauppe en 1876, O’Connor en 1908, Ferguson en 1911, puis Ghiron-Bistagne en 1976 (cf. Le Guen, Technites, II, p. 45 et notes 212 à 215). Quant à Mikalson, Religion, p. 121 et note 50, adoptant une suggestion de Ch. Habicht, il écrit que l’apparente limitation du recrutement des artistes aux citoyens de la polis serait une marque supplémentaire du conservatisme et du nationalisme de la polis.
30 Il s’agit principalement de Öhler en 1905, Klaffenbach en 1914, Poland en 1934 et de Sifakis en 1967 (cf. Le Guen, Technites, II, p. 45 et notes 216 à 219).
31 Habicht (Ch.), Athènes hellénistique, Paris, 1999, p. 304 (traduction par M. et D. Knoepfler de l’ouvrage paru à Munich en 1995, sous le titre Athen. Die Geschichte der Stadt in der hellenistischen Zeit).
32 Cf. Le Guen, Technites, II, p. 45, note 220.
33 Un tel document n’existe que pour la corporation attestée en Égypte (cf. Le Guen, Technites, I, TE 61, inscription datée de 285-246 ou de 246-221). Nous savons pourtant que de nombreuses confréries religieuses avaient pour pratique, depuis fort longtemps, de dresser le registre de leurs adhérents.
34 Voir néanmoins les tableaux dressés dans Le Guen, Technites, II, p. 46-55.
35 En atteste, du moins pour la fin du iie siècle avant notre ère, le décret promulgué en 114 par l’association des Technites d’Argos (to koinon ton peri tôn Dionuson technitôn tôn ex Isthmou kai Nemeas tès en Argei, 1. 2-3) en l’honneur de son trésorier Zènôn (Le Guen, Technites, I, TE 36). Il semblerait que les trois documents soient à rapprocher non seulement par le matériau utilisé (marbre bleuâtre) et le caractère de la gravure, mais également par le lieu de leur érection : le temenos de la corporation dans le sanctuaire d’Asklépios, au nord de l’agora (sur son emplacement présumé, voir Le Guen, Technites, II, p. 76 et notes 312-14).
36 Charneux (P.), « Inscriptions d’Argos », BCH, 77 (1953),p. 402-3 (désormais nommé document B) ; Charneux (P.), « Inscriptions d’Argos », BCH, 109 (1985), p. 376-83 (désormais nommé document C).
37 Cf. Vollgraff (W.), « Novae Inscriptions Argivae », Mnemosyne, 47(1919), p. 252-8 (désormais nommé document A). À la fin de la page 254, l’auteur mentionne avoir trouvé au même endroit que la stèle portant les deux listes de Technites un tout petit fragment de marbre également bleuâtre, à lui attribuer sans hésiter. On y lit un patronyme se terminant par -keidès et l’ethnique Thourieus.
38 Sur les 33 noms mentionnés, plusieurs sont ceux d’artistes connus pour avoir remporté des prix lors de concours organisés dans le premier tiers du ier siècle avant notre ère (Charitèsia et Homoloia d’Orchomène ; Amphiaraia d’Oropos ; Sarapieia de Tanagra) L’un d’entre eux, Exakestos, fils de Kallistratos, de Thèbes (1. 23) appartenait très vraisemblablement à la famille du Kallistratos, fils d’Exakestos, de Thèbes, vainqueur comme kômôdos aux Charitèsia et aux Homoloia d’Orchomène (entre 100 et 75) ainsi qu’aux Amphiaraia d’Oropos, peu après 86, et attesté sur le document Β, 1. 6. Il en va de même d’Athanias, fils d’Exakestos, de Thèbes (1. 20), cf. Vollgraff, Mnemosyne, 47 (1919), p. 255.
39 Il est question tour à tour de synagonistes comiques (selon la restitution proposée pour le premier terme), de chorodidaskaloi tragiques, de citharôdes, d’acteurs tragiques (tragôdoi), d’auteurs de tragédies et enfin de chanteurs. 11 se pourrait que les cinq premiers noms de la liste, qui figurent dans une rubrique dont nous n’avons plus l’intitulé, fassent référence à des kômôdoi. En effet, à la ligne 1, Agatho[…] (Stéphanis, n° 19), à la ligne 3, Dion, fils de D[…] (Stéphanis, n° 793) et à la ligne 4, Kallik[…] (Stéphanis, n°1330) sont peut-être à identifier aux Technites Agathoklès, fils de Sokratès (Stéphanis, n° 29), Dion, fils de Dion (Stéphanis, n° 794). Kallikratès, fils de Kallikratès (Stéphanis, n° 1339), attestés comme membres de l’association d’Athènes en tant que kômôdoi et chanteurs, à la fin du iie siècle ou au début du Ier. On ajoutera cependant que la liste dressée sur la face antérieure, dont le début est lacunaire, et sans intitulé connu, se termine, 1. 35, par la mention d’une rubrique appellée hègemones (sur ce terme, voir Slater (W), « L’hègemôn dans les fêtes hellénistiques », dans le Guen (B.), éd., De la scène aux gradins, Pallas, 47 (1997), p. 97-106.
40 Parmi les chorodidaskaloi tragiques, on lit le nom d’un certain Dèmètrios, fils d’Hermogénès, originaire du dème de Koilè (1. 24). Quant au seul poète répertorié dans la catégorie des auteurs de tragédies, il s’agit de Sôstratos, fils d’Athèniôn, de Chalcis, totalement inconnu par ailleurs (TGFr, n° 161) Je ne sais comment expliquer ces précisions autrement que par le désir de distinguer des homonymes dans la profession (ou dans la corporation concernée, s’il s’agit d’une liste associative).
41 Parmi les cinq premiers noms, seul le dernier (15) ne peut être rapproché d’aucun Technite affilié à l’association d’Athènes Les quatre autres le sont parce qu’on leur restitue un patronyme aujourd’hui illisible sur la pierre, exception faite du cas de Dion pour lequel on connaît la première lettre du nom de son père (delta). Parmi les six synagonistes comiques, deux portent les mêmes noms et patronymes que des Technites d’Athènes : Dèmôn, fils d’Eugeitôn (1. 8) et Dèmètrios, fils d’Aristodèmos (1. 12), et peut-être trois, si l’on fait d’Archippos (1. 7) le fils de Nikaios Parmi les 13 chorodidaskaloi tragiques recensés, neuf sont totalement inconnus ; trois portent les noms et patronymes de membres de l’association d’Athènes (Nikokratès. fils de Théopompos, 1. 15 ; Eubios, fils d’Eubios, 1.18 ; Théodôros, fils de Théodôros, 1. 23) et l’un, Dionysodôros, fils de Ktésiphôn (1. 26), s’appelle comme un ephèbe du dème de Leukonoè (attesté en 102/1), ce qui ferait de lui un Athénien, si les deux personnages étaient à identifier. Si le citharôde Praxitélès, fils de Charinautès (1. 29), peut, quant à lui, avoir participé à la Pythaïde de 105 av. J.-C, l’acteur de tragédie, Dèmètrios, fils de Théodosios (1. 31) a toutes les chances d’être l’artiste homonyme, qui participa, avec la même spécialité, à la IVe Pythaïde en tant que membre de l’association d’Athènes (Le Guen, Technites, I, TE 14,1. 49).
42 Telle est l’attitude de Stéphanis qui écrit, dans son recueil prosopographique, qu’il s’agit d’une liste de Technites, avec entre parenthèses la précision « d’Athènes, semble-t-il », pour les artistes répertoriés sous les n° suivants : 19, 443, 620, 629, 631, 660, 700, 740, 763, 769, 793, 926, 1049, 1170, 1189, 1286, 1330, 1540, 1826, 1843, 2084, 2138, 2297, 2489, 2496, 2559. Ce faisant il accompagne leurs noms de l’ethnique Athènaios. S. Aneziri, quant à elle, pose comme principe que les Pythaïstes, éphèbes et théores, attestés sur les listes en notre possession (cf. infra), jouissaient tous de la citoyenneté athénienne. C’est ainsi que des artistes mentionnés sur les listes argiennes et assimilés à des Technites connus pour avoir participé aux cérémonies organisées à Delphes comme éphèbes, se trouvent ipso facto parés de l’ethnique Athènaios (cf. Techniten. p. 421 et tableaux, p. 429-431), quand bien même celui-ci ne se lit sur aucune pierre en notre possession et que l’éphèbie s’est ouverte aux étrangers dès la seconde moitié du iie siècle (voir la thèse, à paraître chez De Boccard, de Perrin-Saminadayar (É.), Les acteurs de la vie culturelle athénienne, de la « Libération » d’Athènes à la crise mithridatique). En revanche, dans le cas des théores (du moins ceux que dépêche la polis), leur citoyenneté athénienne ne fait aucun doute.
43 Même pour le document C. à propos duquel P. Charneux écrit, en s’appuyant sur les ouvrages alors disponibles, « qu’aucun des personnages figurant dans ce nouveau catalogue n’est connu par ailleurs comme technite » (p. 378). La prosopographie de Stéphanis n’a malheureusement pas permis de nouveaux rapprochements Néanmoins la conformité de ce catalogue sans intitulé avec ceux publiés antérieurement, qu’il s’agisse du matériau utilisé comme de la gravure, lève le doute sur la qualité des personnes qui y sont inscrites.
44 On notera toutefois que sur un total de 27 Technites, inscrits sur la face latérale du document A, 5 portent les mêmes noms et patronymes que des artistes affiliés à la confrérie athénienne, 7 pourraient être également assimilés à des membres de cette corporation, si les restitutions et/ou recoupements prosopographiques étaient tous avérés, et 15 ne permettent aucun rapprochement avec des artistes connus dans l’association. Pour le décompte de S. Aneziri, qui considère que l’on a vraisemblablement affaire à des artistes affiliés à l’association d’Athènes, voir Techniten, 233-236.
45 C’est l’interprétation de Vollgraff, Mnemosyne, 47 ( 1919), p. 255.
46 Concernant le document B, où les ethniques attestés évoquent des natifs du Péloponnèse, mais aussi de Rome, de Milet et de Thesprotie, il inviterait à conclure que l’association de l’Isthme et de Némée recrutait largement en dehors de ses sièges principaux Pour ce qui est du document C. il faudrait admettre que les ethniques mentionnés (Sicyonien, Lacédémonien, Phénéate, Mégalopolitain, Argien, Tégéate, etc.) sont autant d’indices d’artistes affiliés à l’association de l’Isthme et de Némée – ce que ne fait pas Ρ Chameux qui parle seulement d’une liste de Technites), puisqu’aucun des personnages figurant dans ce catalogue n’est connu par ailleurs, que ce soit comme Technite ou comme membre de cette confrérie. On retrouve le danger, précédemment évoqué, du raisonnement circulaire, puisque l’on s’appuie sur les cités d’où sont originaires les artistes pour les rattacher systématiquement à la confrérie géographiquement la plus proche.
47 Il s’agirait alors de concours échelonnés dans les années 90-80, car même si les trois documents dont nous disposons présentent de très grandes similitudes, ils ne forment pas un seul et même ensemble, et ne correspondent pas à un événement artistique unique.
48 Voir B. Le Guen, « Le statut professionnel des acteurs grecs à l’époque hellénistique », dans Hugoniot, Hurlet et Milanezi, Le statut de l’acteur, p. 77-106 et plus particulièrement p. 94-104.
49 Ce qui ne veut pas dire que l’association ne s’occupait pas, en collaboration avec la cité, de l’organisation de ces festivités, comme elle le fit notamment pour les Mouseia de Thespies, les Agriônia de Thèbes et les Sôteria amphictioniques.
50 Il est sans doute fait allusion à cette fête dans le décret des Technites en l’honneur de Zènôn, lorsqu’est mentionné « le jour du dieu » célébré par la confrérie d’Argos (le Guen, Technites, I, TE 36,1. 37).
51 On sait que les Héraia comportaient des concours d’aulètes et de trompettes, mais également des concours de tragédies, puisqu’un acteur y fut vainqueur vers la fin du iiie siècle av. J.-C. (Syll.3 1080), en jouant deux pièces d’Euripide (l’Héraklès et l’Archélaos). Les intertitres du document A (face latérale) ne font connaître qu’un acteur de tragédie, en dépit du pluriel utilisé, et qu’un auteur de tragédies ; en revanche ce sont treize chorodidaskaloi tragiques qui sont répertoriés. Je ne sais comment interpréter ces différences de chiffres.
52 On désigne sous ce nom les processions que le peuple athénien décida de reconduire à Delphes à partir de 138 avant notre ère, après une longue interruption due à la domination macédonienne (cf. ici-même la communication de K. Karila-Cohen, p. 365-383).
53 Ce que fait Stéphanis (I.E.), Diomsiakoi Technitai, Héraklion, 1988 (en grec moderne), pour les artistes qu’aucun recoupement prosopographique n’autorise à considérer en toute certitude comme Athéniens et qui figurent sous les n° suivants : 29, 37, 51, 119, 251, 253, 254, 286, 351, 427, 444, 446, 544, 583, 620, 622, 630, 631, 633, 637, 642, 660, 677, 682, 699, 703, 729, 730, 742, 743, 746, 747, 751, 759. 775, 781, 782, 786, 810, 835, 974, 978, 1099, 1118, 1125, 1133, 1134, 1139, 1140, 1145, 1178, 1185, 1221, 1222, 1236, 1317, 1336, 1365, 1368, 1397, 1461, 1533, 1549, 1553, 1562, 1590, 1636, 1643, 1655, 1659, 1666, 1684, 1697, 1700, 1841, 1842. 1843, 1880, 1913, 1935, 1973, 1986, 2040, 2063, 2079, 2091, 2115, 2150, 2186, 2189, 2228, 2233. 2288. 2289, 2290, 2360, 2413, 2423, 2427, 2487, 2488, 2511, 2517, 2521, 2522, 2537, 2572. 2592, 2609. 2719, 2759, 2799, 2823, 2839, 2848, 2850, 2866, 2877, 2878, 2888. En l’état des sources aujourd’hui disponibles, et pour s’en tenir aux Technites documentés par les différentes Pythaïdes, le cas des artistes mentionnés ci-dessus est à distinguer des suivants, dont le statut d’Athéniens, s’il n’est pas assuré, est néanmoins possible. Il est déduit :
1- de l’attestation, comme éphèbe, d’un individu à assimiler à l’artiste lui-même ou à un membre de sa famille (père, fils, frère) : n° 189, 778, 808, 891, 1032 ; 1166 ; 1170 ; 1188 ; 1592 ; 1262, 2533 ; 2665.
2- de l’attestation, comme détenteur d’une charge officielle dans l’État athénien, d’un individu à assimiler à l’artiste lui-même ou à un membre de sa famille (père, fils, frère) : n° 732, 870, 1763, 2028, 2280, 2547. Dans cette catégorie entre également l’artiste répertorié chez Snell, TGFr n° 137.
3- de l’attestation d’un homonyme revêtu de l’ethnique Athènaios ou d’un démotique : n° 67, 517. 965, 1223, 1339, 1668, 1774,2573, 2824 ( ?).
4- de l’attestation d’un ancêtre (généralement le père) revêtu de l’ethnique Athènaios ou d’un démotique : n° 176, 233, 394, 547, 931, 1141, 2425, 2574.
5- de l’attestation d’un fils revêtu de l’ethnique Athènaios ou d’un démotique : n° 1174, 1231, 1433, 1578,1891.
54 Ainsi des artistes classés sous les n° 1096, 1183. Par ailleurs, la participation d’un fils de Technite aux Pythaïdes, en qualité de puthaïstès pais, ne préjuge pas, me semble-t-il, de la citoyenneté de ses parents. Le fait que les deux fils de Philodromos, lui-même fils de Nikophôn (n° 2517), figurent en 128 parmi les Pythaïstes enfants, au moment même où leur propre père fait office de théore des Technites, n’implique pas à mon sens qu’il s’agit d’une famille athénienne. Ce qui ne signifie pas qu’un de ses membres n’éprouva jamais le besoin de se voir octroyer la politeia athénienne et n’en fit pas un jour la demande en bonne et due forme.
55 Ainsi des artistes n° 760, 761, 943. De même l’attestation de leurs enfants comme éphèbes présents lors des Pythaïdes ne confère pas ipso facto la politeia athénienne aux artistes classés sous les n° 794, 1215. 1545. 1577, 2566 (cf. ici-même la note 41).
56 L’ouvrage de Stéphanis (op. cit.), témoigne de cette tendance, fâcheuse à mon sens, à annexer de nombreux artistes dont on ignore en réalité s’ils appartenaient ou non à une quelconque association, et le cas échéant à laquelle d’entre elles Systématiquement, et comme lavait fait avant lui J.B. O’Connor dans sa propre prosopographie, Chapters in the History of Greeks Actors (Chicago, 1908), l’auteur qualifie d’Athènaios chaque représentant de l’association athénienne aux Pythaïdes de 138/7, 128/7, 106/5 et 98/7, voire chaque artiste mentionné en relation avec l’association athénienne.
57 Je reste convaincue qu’il est plus facile de rajouter un nom sur une liste, si une nouvelle source documentaire le permet, plutôt que l’inverse.
58 Sont intégrés dans cette rubrique les artistes référencés dans les sous-catégories 1 à 5 de la note 51. Il leur a été adjoint, pour le iie siècle, les Technites suivants, attestés hors du contexte des Pythaïdes : Stéphanis, n° 1231 (documenté par TE 11), et TGFr n° 149. On ignore en revanche tout de la citoyenneté des Technites suivants, documentés au ier siècle par la quatrième Pythaïde, mais non référencés chez Stéphanis, en raison de leur spécialité : TGFr n° 145, 150, 151 Il en va de même des artistes, attestés au iie siècle, mais en dehors des Pythaïdes : Stéphanis, n° 744, 1140,2487 ; PCG IV, p. 349 (corriger ier siècle en iie chez Kassel-Austin), PCG VII p. 15
59 Il s’agit des Technites pour lesquels on possède un ethnique étranger, outre la citoyenneté athénienne : Thébain + démotique : TGFr n°140 ; Pergaménien + Athénien : PCG V, 31.
60 Voir ici-même la note précédente.
61 Cf. Le Guen. Technites, I, TE 13,1. 25.
62 IG VII 420,1. 12.
63 Tous les spécialistes n’identifient pas cet homme avec le poète tragique homonyme, issu du dème d’Halai, qui en 117/6 fait office de prêtre de l’association et siège la même année au conseil amphictionique comme hiéromnémon pour la cité athénienne (cf. Aneziri, Techniten, p. 235, note 176).
64 Cf IG IV (1)2 626.
65 Cf. I. Magnesia, 88 A, b, à condition bien sûr qu’il ne s’agisse pas d’un homonyme.
66 On sait de source sûre (IG II2 4257) qu’il fut honoré d’une statue au théâtre de Dionysos d’Athènes Ainsi, cet artiste, originaire de Pergame, aurait dû à sa victoire dans la cité (aux Dionysies ou aux Lénéennes), non seulement les honneurs d’une statue, mais également l’octroi de la politeia qu’il aurait transformée en citoyenneté réelle, après en avoir officiellement fait la demande, selon la procédure alors en usage (cf. Osborne (M.J.), Naturalization in Athens, Bruxelles, 1981, PT 149). En atteste l’inscription d’Épidaure, obligatoirement postérieure à celle de Magnésie du Méandre. En conséquence, Diomédès, fils d’Athènodôros, dont le nom apparaît en TE 13.1. 33, aurait entre 150 et 100 av. J.-C, rejoint les rangs de la confrérie athénienne, qu’il représente à Delphes à l’occasion de la Pythaïde d’Agathoklès et en qualité de synagoniste tragique (si la compréhension de ce passage lacunaire est exacte). Contra Sifakis (G.M.), Studies in the History of Hellenistic drama, Londres, 1967, p. 93 et 171, pour qui l’inverse serait plus plausible : citoyen athénien de naissance, Diomédès aurait reçu ensuite la citoyenneté pergaménienne. Il aurait gravi peu à peu les échelons de la profession, débutant comme synagoniste à Athènes, avant de devenir un poète de renom, gratifié d’une politeia d’honneur à Pergame. Seulement la chronologie s’accorde mal avec une telle interprétation, puisque c’est dans les années 150 que Diomédès remporte la victoire à Magnésie du Méandre, avec l’ethnique Pergamènos, alors que c’est en 106/5 (si l’homonymie ne nous trompe pas) qu’il aurait fait office de synagoniste. Il est peut-être préférable de distinguer deux Diomédès, fils d’Athènodôros : l’un serait le poète comique, attesté à Pergame, à Épidaure ainsi qu’au théâtre de Dionysos à Athènes. L’autre (peut-être son fils) serait le synagoniste qui participe à la Pythaïde de 106/5.
67 Il convient alors d’ajouter aux Technites déjà connus ceux répertoriés chez Stéphanis sous les n° 629,740, 763,769, 1049, 1189, 1286, 1540, 1826, 2084, 2138, 2297, 2496, 2559 et chez Snell (TGFr n° 161), Sôstratos, fils d’Athèniôn, de Chalcis.
68 On inclut dès lors les artistes recensés ici-même, notes 54 et 55, auxquels il convient d’ajouter le Technite classé chez Stéphanis sous le n° 2138.
69 La date communément admise est de peu avant 130 (cf. Le Guen, Technites, I, TE 5).
70 Il comportait une cérémonie mensuelle avec désignation autoritaire des artistes et collaboration gratuite de leur part, et une célébration annuelle ainsi que plus majestueuse, car dotée d’un concours thématique (i.e. doté de prix en argent) aux épreuves dramatiques et musicales (TE 5).
71 Et ce, très certainement à leur demande (cf. le parallèle fourni par TE 41,1. 40-42).
72 Le texte stipule en effet clairement « que l’on dresse une statue cultuelle du roi à côté du dieu, ainsi qu’une statue de bronze dans les propylées du sanctuaire et... que l’on annonce l’érection des statues lors du concours de tragédies nouvelles des Dionysies de la ville et lors des concours gymniques des Panathénées et des Éleusinia » (11. 25-7).
73 On ne peut s’empêcher de penser qu’ils servaient ce faisant, plus ou moins volontairement, la politique menée par la polis athénienne à l’égard de la cité de Delphes et de son sanctuaire, depuis le début du iie siècle. Rappelons que c’est la cité elle-même qui, avec l’aide de la Thessalie, s’était attachée à faire renaître l’amphictionie dans les années 186-5 ; qu’à compter de la seconde moitié du iie siècle des citoyens de haut rang, originaires d’Athènes, reçurent des honneurs à Delphes, tandis que les Delphiens s’adressèrent à plusieurs reprises au peuple athénien pour qu’il lui dépêchât des juges capables de régler différents litiges (cf. Habicht. Athènes hellenistique, p. 303-4).
74 Même si les artistes affiliés à la confrérie n’y participèrent pas, du moins à titre officiel, certains étaient déjà présents. Ainsi Elpinikios, fils d’Epikratès, participe en effet non seulement à la première Pythaïde de 138 comme didaskalos du chœur des Pythaïstes, mais également comme ambassadeur de la confrérie à Delphes en 130 (il est alors qualifié de hypodidaskalos tragique), et participe à la seconde Pythaïde de 128 pour chanter le péan et diriger le chœur tragique, si la restitution proposée est exacte A cette occasion, les Athéniens ne déléguèrent pas moins de 14 théores, 57 éphèbes, 11 canéphores, ainsi qu’un chœur de paides placés sous la direction de deux chefs.
75 Le Guen, Technites, I, TE 15.
76 Pour Mikalson, Religion, p. 258-9, la participation des Technites aux cultes éleusimens expliquerait peut-être l’absence de mystères de Dionysos à Athènes, alors qu’on en connaît à même époque en Égypte, en Asie mineure ou encore à Cos (cf. Burkert (W.), « Bacchic Teletai in the Hellenistic Age », dans Carpenter (Th.H.) et Faraone (Ch.A.), éd., Masks of Dionysos, Ithaca, New-York, 1993, p. 259-75).
77 Cf. Démosthène, Sur la couronne (XVIII), 141 et Mikalson, Religion, p. 98 et n. 64.
78 Voir Le Guen, Technites, I, TE 12 et p. 107. Pour Ch. Habicht (Athènes hellénistique, p. 305) les Sôteria amphictioniques, dont Athènes aurait assuré la direction artistique, auraient soudain été monopolisées par les Technites de l’Isthme A mes yeux, la querelle s’explique par la nouvelle situation des Technites du Péloponnèse : les sièges de leurs principales filiales avaient été rayées de la carte ou considérablement affaiblis, tandis que Délos était repassée sous contrôle athénien. Tenir loin de Delphes, autant que faire se peut, l’association athénienne était pour les Technites de l’Isthme une question de survie.
79 Sur ce point, voir e.g. Kallet-Marx (R.), Hegemony to Empire. The Development of the Roman Imperium in the East from 148 to 62 B.C., Berkeley, Los Angeles, Oxford, 1995, et plus particulièrement le chapitre 6 « Roman Arbitration of Greek Disputes after 148 », p. 161-183.
80 Aneziri, Techniten, p. 36, 291 et 294. Cf. Pickard-Cambridge (A.), The Dramatic festivals of Athens, Oxford, 2e éd., 1988, p. 289 et Perrin (É.), « Propagande et culture théâtrales à Athènes à l’époque hellénistique », dans Le Guen (B.), éd., De la scène aux gradins. Théâtre et représentations dramatiques après Alexandre le Grand, Pallas, 47 (1997), p. 210-11, qui parle de « collusion exemplaire entre la cité et l’association ».
81 Digeste, 47, 22, 4.
82 Voir Le Guen (B.), « Les artistes dionysiaques dans les entrées royales hellénistiques », Studi Ellenistici (à paraître).
83 Le Guen, Technites, I, TL 8 ; Π, p. 15-7. Selon Aneziri, Techniten, p. 46-8, l’épisode serait à comprendre tout simplement comme la suite naturelle des intérêts communs de la polis et de l’association.
84 Cf. Habicht, Athènes hellénistique, p. 330 sqq.
85 Athénée, Deipnosophistes, V, 211d-215b ; Épitomè II, 1, 79.
86 Cf. Le Guen, Technite, II. p. 16, notes 59 et 60.
87 Cf. infra, III. 3.
88 De l’avis de Tamura (T.), « Les artistes dionysiaques et la première guerre de Mithridate » dans Yuge (T.) et Doi (M.), éd., Forms of Control and Subordination in Antiquity, Leiden, New-York, Copenhague. Cologne, 1988, p. 169-76, ils auraient par pur réalisme politique opté pour Mithridate dont les actions et les promesses leur laissaient espérer qu’ils continueraient de jouir, sous son règne, des mêmes privilèges que par le passé.
89 Et ce, quand bien même, dans sa forme, le décret qui constitue notre source documentaire gomme les discussions et autres dissensions et fait croire au consensus, voire à l’unanimité (cf. Loraux (N.). « La majorité, le tout et la moitié. Sur l’arithmétique athénienne du vote », Le Genre humain, 22 (1990), p. 89-110).
90 Contra S. Aneziri, qui considère (p. 256), que si l’on voit si bien la participation des Technites dans la vie athénienne, c’est d’abord parce que les documents ne manquent pas, mais aussi sans doute en raison des liens unissant la cité et l’association.
91 Voir Le Guen, Technites, I, TE 60 à 70 ; II. p. 7-9 et 34-6.
92 Voir Le Guen, Technites, I, TE 17 à 37 ; II, p. 17-27 et 75-6.
93 Voir Le Guen, Technites, I, TE 38 à 59, TL 13 ; II, p. 27-34.
94 Voir Le Guen, Technites, I, TE 39 et, pour le commentaire, principalement les pages 205-210.
95 Voir Le Guen, Technites, I. TE 45, et le commentaire aux pages 236-239 ; II, p. 27-30.
96 Voir Le Guen, Technites, II, p. 76-7. Sur la localisation du temenos des artistes à Pergame, voir Le Guen (B.), « Kraton, son of Zotichos : Artist’s associations and monarchie power in the Hellenistic period », dans Wilson (P.), The Epigraphy of the Greek Theatre, Oxford University Press (à paraître).
97 Strabon (XIV, I, 29 = TL 13) emploie expressément, pour la dépeindre, le terme de stasis, qui traduit à la fois la coexistence au sein de la cité de deux groupes affichant des prétentions politiques divergentes et le degré de violence auquel les antagonistes en étaient arrivés.
98 Cf. Le Guen, Technites, I, TE 56, et le commentaire de ces lettres de Sylla à Cos, p. 285-288.
99 Sur la vaste politique menée par Athènes pour séduire les artistes, voir Perrin-Saminadayar (É.), « Propagande et culture théâtrales à Athènes à l’époque hellénistique », dans Le Guen (B.), éd., De la scène aux gradins, Pallas, 47 (1997), p. 201-218 Page 207, il renvoie au passage où Hérakleidès le Crétois rappelle que les Athéniens « sont très habiles pour faire acquérir une grande réputation à tout artiste dionysiaque », en distribuant « les lauriers sur tous ceux qui se présentent ».
100 Voir Aneziri, Techniten, p. 254-6.
101 Cette date est controversée : il a été proposé de l’abaisser de 30-35 ans, ce qui toutefois conviendrait toujours pour notre poète. Le stemma de sa famille figure en annexe 1 de l’article d’É. Perrin, mentionné dans la note 95.
102 Ménélaos, fils d’Aristôn (TE 5 et 10 ; TGFr, n° 137 ; IG II2 1938,1. 46) et Basileidès, fils de Poseidônios (TE 10 ; Stéphanis. n° 517 ; IG II2 1938,1. 51).
103 Thoinos, fils de Thoinos (TE 10 ; Stéphanis, n° 1223 ; Habicht (Ch.), Athènes hellénistique, p. 468, n. 42).
104 Hiérôn, fils de Hiérôn (TE 13 ; Stéphanis, n° 1262)
105 Athènopolis, fils de Dèmètrios (TE 14 ; Stéphanis. n° 81).
106 Hérakleidas, fils de Kallisthénès (TE 10 et 14 ; Stéphanis, n° 1084).
107 Dionysios, fils de Dionysodôros (TE 14 ; Stéphanis, n° 732).
108 Satyriôn, fils de Satyriôn (TE 10 ; Stéphanis. n° 2228 ; ID 1922,1. 4 ; 2589,1 41).
109 Philoxénos, fils de Philoxénos (TE 14 ; Stéphanis, n° 2547).
110 Glaukias, fils de l’archithéore Hérakleidès de la Pythaïde de 128 (IG II2 2336,1. 49) et Myron, fils de Philétairos (TE 13 ; Stéphanis, n° 1763).
111 Cf. TE 10 ; Stéphanis, n° 1080.
112 Cf. TE 10 ; Stéphanis, n° 36.
113 Aneziri, Technilen, p. 236, s’appuie sur les analyses de Osborne (M.J.), « Athenian Grants of Citizenship after 229 B.C. », AncSoc, 7 (1976), p. 107-125 et Naturalization in Athens (4 vol.), Bruxelles, 1981-83. Il faudrait compléter ces travaux par ceux où Ph. Gauthier prend soin d’opérer une distinction, absolument cruciale pour le sujet qui nous occupe ici, entre citoyenneté honorifique et virtuelle et citoyenneté réelle (Cf. Gauthier (Ph.), Les cités grecques et leurs bienfaiteurs ive – ier siècles (BCHSuppl., 12), Athènes-Paris, 1985, p. 150-2).
114 Cf. le Guen, Technites, I. TE 47, III A, 1. 8.
115 Cf. Le Guen, Technites, I, TE 8.
116 Cf. Le Guen, Technites, I, TE 11.
Auteur
Université de Paris VIII
Centre L. Gernet (UMR 8567)
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