Dissimulation, ententes politiques et revirements dans l’Athènes du ve siècle*
p. 75-131
Texte intégral
1Nous nous intéresserons ici à la face cachée du comportement politique des Athéniens au ve siècle, en examinant la manière dont tout ce qui se rattache à la dissimulation et aux manœuvres en coulisses, loin des discours tenus devant l’ecclesia ou les autres organes démocratiques, joue dans un système politique original : comment l’art de la parole « en privé ». les astuces, intrigues, trahisons et même assassinats, toutes méthodes basées sur le secret et l’effet de surprise, fonctionnent-elles dans une cité où existe un corps civique auquel le régime démocratique offre de nombreuses possibilités de s’exprimer et de débattre ouvertement, alors que ne sont pas constitués de véritables partis politiques et que les relations personnelles, familiales et amicales, restent primordiales pendant la majeure partie du siècle ? Dans quelles situations souplesse et habileté, ou ruse et duplicité apparaissent-elles comme nécessaires à ceux qui y recourent, jusqu’où peuvent-elles aller et peuvent-elles permettre d’inverser le cours prévu des événements — à moins précisément que la manœuvre se retourne contre son auteur ? Comment, encore, la dissimulation devient-elle, de marque de prudence pour ceux qui veulent éviter de trop attirer les regards, une arme entre les mains de ceux qui ne peuvent dévoiler encore leur projet au grand jour ? Notre étude porte sur la dissimulation dans le jeu politique à l’intérieur de la cité : est exclue l’étude de la dissimulation dans le cadre des rapports entre Athènes et les autres cités, alors même que la diplomatie requiert habileté et, bien souvent, ruse1.
2Le comportement caractérisé par une prudente discrétion, par de la dissimulation ou de la duplicité, les ententes provisoires entre gens que tout semblait séparer, les revirements de personnages que l’on croyait acquis à une cause et qui finalement se révèlent appartenir à un autre bord, tout cela, qui se rencontre dans d’autres cités grecques, a été, dans certains cas, permis, ou même encouragé en partie, par les rapports existant entre la société athénienne et le fonctionnement des institutions démocratiques athéniennes. Athènes se pose comme une cité où règnent la liberté et l’égalité de parole, la parrhèsia et l’isègoria, qui doivent permettre à des opposants loyaux de s’exprimer en toute franchise dans des débats ouverts2 : dans une cité où le dèmos est souverain, où il choisit les magistrats qui appliqueront la politique qu’il a décidée et où il se défait de ceux dont il désapprouve la gestion3, les citoyens sont placés à égalité et seul le mérite, comme le rappelle Périclès dans l’hiver 431/430 (Thucydide II, 37), doit permettre aux uns d’être distingués par le peuple — tandis qu’une peine frappera justement les coupables : c’est précisément pour dépasser cette égalité, parce qu’ils refusent, pour des raisons diverses — ambition, crainte, idéologie,...- de laisser le dèmos les départager selon une apparente équité, que certains Athéniens font le choix de « doubler », par des manœuvres occultes, l’action menée au grand jour, telle qu’elle est proposée ou défendue dans les discours tenus devant l’Ecclesia ou devant l’Héliée. Ces luttes en coulisses, qui avaient pour enjeu, en utilisant le cadre légal, la participation aux institutions de la cité, formaient la trame quotidienne de la vie de la cité, puisque les occasions d’exprimer leur suffrage revenaient régulièrement dans la vie des citoyens athéniens, notamment lors des élections aux magistratures et lors des procès, auxquels on ajoutera les procédures d’ostracophorie qui eurent lieu jusque dans la seconde moitié du ve siècle : nous examinerons donc d’abord, en prenant quelques exemples qui tiennent compte du durcissement des antagonismes provoqué par la guerre du Péloponnèse, la manière dont les résultats de ces consultations du dèmos pouvaient être « aidés », comment ils pouvaient être obtenus par une manipulation de l’opinion publique abusée par des stratagèmes, à l’intérieur même des institutions démocratiques, par ceux qui rivalisaient pour obtenir la faveur du peuple et le diriger.
3Cette pratique souterraine du jeu politique n’est cependant pas réservée à ceux qui s’affrontent dans le cadre de la politeia pour être distingués par le peuple : elle est utilisée aussi par ceux qui, dans l’impossibilité de manifester ouvertement leur opposition à un régime qu’ils méprisent ou auquel ils ne sont pas attachés, sont contraints de s’en accommoder, mais qui sont prêts à saisir, par idéologie ou sous le poids des circonstances, l’occasion de le renverser. Nous étudierons ainsi dans un second temps certaines actions qui, se situant en dehors de la légalité, étaient préparées dans une clandestinité absolue : ces complots visaient des objectifs politiques immédiats, que devaient leur permettre d’atteindre les assassinats d’adversaires, ou, plus ambitieux et long à mettre en place, le renversement des institutions existantes. Dans un contexte de discorde civile, la dissimulation aide en effet puissamment au succès d’une entreprise subversive, car elle supprime les repères et rend pour la victime la lutte plus incertaine contre un ennemi masqué. Nous nous attarderons particulièrement, plus que sur les scandales de 415 ou sur l’installation du régime oligarchique des Trente grâce à l’aide étrangère dans un contexte de défaite, sur le coup d’État de 411 qui fut rendu possible par une préparation minutieuse qui avait mis la population sous condition psychologique4.
4Pour finir, nous nous intéresserons à la réaction des Athéniens face à ce comportement. Blâmable moralement dans la mentalité grecque parce qu’il est assimilé au comportement du lâche et du fourbe qui veut esquiver l’affrontement loyal, et déprécié comme tel par tous les auteurs du ve siècle, d’Hérodote à Aristophane, il arrive aussi qu’il soit reconnu comme un moyen nécessaire, comme l’arme intelligente des rusés et des faibles face à la force aveugle. La cité, elle, se sent particulièrement vulnérable face à un danger venu de l’intérieur, qui la frappe à plusieurs reprises au cours du ve siècle : sa crainte face à des gens qui conspirent et ne respectent pas de règles, qui s’opposent insidieusement en adoptant des visages divers avant de se déclarer ouvertement, est telle qu’elle adopte, ou remet en vigueur pendant un temps, à l’encontre de ces gens avec lesquels on ne peut pas traiter, de sévères mesures dissuasives et va, dans sa hantise du complot, jusqu’à favoriser la répression d’un délit en préparation, prenant le risque d’encourager des règlements de comptes personnels au détriment de l’équité.
5Un tel sujet d’étude, portant sur des faits qui étaient destinés à être ignorés, pose bien sûr le problème de la documentation : mais, si la part des hypothèses reste conséquente, il importe de garder conscience des lacunes dans le tableau que nous tentons de brosser de la vie politique à Athènes : derrière les discours de façade se livraient des luttes acharnées, qui pouvaient utiliser, en faussant leur fonctionnement, les organes de la cité si elles avaient pour objectif de faire une place à leurs auteurs dans le « circuit » démocratique, ou qui au contraire visaient à renverser ces organes par leur action préparatoire.
I. DES OBJECTIFS À ATTEINDRE DANS LE CADRE LÉGAL
I.1. Les hommes politiques, leurs groupes de soutien et leurs conseillers
6Avant de nous intéresser aux objectifs proprement dits, il nous faut évoquer le type d’organisation qui apportait son soutien aux hommes politiques athéniens dans les différentes circonstances de leur vie publique, et qui pouvait leur fournir un moyen d’action privilégié dans les cas où était requise une préparation clandestine. Il était en effet difficile, pour un individu isolé, d’agir efficacement sans soutien, que ce soit au grand jour ou dans l’ombre : les Athéniens qui jouaient dans la vie de la cité un rôle de quelque importance étaient soutenus par un groupe d’amis qu’ils avaient constitué autour d’eux. Athènes, comme les autres cités grecques, connaissait depuis l’époque archaïque, pour laquelle nous en avons plusieurs témoignages, l’existence de groupes, composés de jeunes gens riches issus des meilleures familles, qui se rassemblaient autour de l’un des leurs, et qui, de groupes d’amis, pouvaient devenir, selon les circonstances, des groupes à coloration politique. Que l’objectif recherché ait été ou non dans les limites de la légalité, le type d’organisation restait à peu près le même : il ne faisait que s’adapter, exigeant de ses membres un secret absolu, garanti par serinent, en cas d’agissements effectués dans la clandestinité. Au ve siècle, ces groupes devaient être nombreux, car chaque homme politique de quelque envergure disposait autour de lui d’un cercle d’amis prêts à le soutenir5. Nous ne disposons cependant pas sur eux de renseignements aussi précis que sur les organes politiques officiels d’Athènes, car ces associations, nullement figées, sans contour précis, n’avaient pas de fondement juridique ni de caractère exclusif : il était possible à un même individu d’appartenir à la fois à plusieurs groupes, des groupes voisins pouvaient collaborer et des groupes rivaux pouvaient se coaliser provisoirement contre un adversaire également menaçant. Certains groupes étaient nettement structurés autour d’une personnalité éminente, tandis que d’autres semblaient graviter autour de plusieurs6.
7Des hommes politiques de premier plan, comme Périclès ou après lui, dans une moindre mesure. Nicias, préféraient cependant, dans leur désir de montrer qu’ils se consacraient entièrement à la chose publique, renoncer à l’activité sociale des banquets avec des compagnons de leur milieu et agir de manière plus discrète auprès du peuple, par l’intermédiaire de personnes de confiance partageant leurs vues politiques, et n’intervenant eux-mêmes, pour éviter l’effet d" « usure », que dans les occasions importantes7. Dans les dernières décennies du siècle, poursuivant en partie dans cette voie, les chefs du peuple, les « prostatai tou dèmou », rejettent le modèle aristocratique du groupe d’amis restreint pour se consacrer à la communauté des citoyens dans son ensemble, intervenant eux-mêmes directement et fréquemment devant la foule et gagnant apparemment une large audience, au détriment peut-être de soutiens ponctuels solides8.
8Au ve siècle, les textes, lorsqu’ils ne recourent pas à l’expression toute simple : « hoi peri » ou « hoi amphi » suivie du nom du personnage, désignent les groupes de soutien par plusieurs appellations, qui comportent des nuances parfois difficiles à établir. Le terme le plus fréquent, qui peut désigner des groupes travaillant dans la légalité ou déjà dans la clandestinité, est celui d’« hetaireia », « hétairie », qu’utilisent souvent Thucydide et des auteurs postérieurs et qui sert aussi pour désigner des réalités antérieures à la guerre du Péloponnèse : les membres de ces groupes sont des « hetairoi », des « compagnons d’armes », c’est-à-dire avant tout des gens que lie le danger partagé d’une action passée ou à venir, et qui se doivent mutuellement, selon les circonstances, aide ou secret9. Le terme « stasis », qui signifie « discorde civile » plus souvent que « faction », implique généralement un contexte de violence politique, celui de « synômosia », « conjuration », contient l’idée d’un serment prêté en commun par les membres d’un groupe qui pouvait se trouver auparavant dans la légalité et être désigné sous le nom d’« hetaireia » : nous rencontrerons donc ce type de groupe plutôt dans notre seconde partie10. La composition de ces groupes de convivialité, tout en ne revêtant aucun caractère officiel, puisqu’elle reposait uniquement sur le jeu de relations sociales basées sur des liens familiaux, amicaux ou de voisinage, pouvait être connue par qui s’en serait donné la peine. Elle était fluctuante, puisque les hetairoi se rassemblaient d’abord entre gens partageant les mêmes valeurs, dans le cadre du banquet, élément du mode de vie aristocratique, autour d’une personnalité et que c’est seulement le soutien qu’ils apportaient à leur chef dans sa vie publique qui donnait une coloration politique à leur regroupement ; le chef disparu, les membres de l’hétairie se dispersaient, jusqu’au moment où certains d’entre eux, soit entraient dans une hétairie existante, soit en constituaient avec d’autres une nouvelle, autour d’un autre chef. L’action de ces groupes, tout en étant préparée dans un cercle restreint, n’était donc pas nécessairement illégale et pouvait ne prendre le caractère d’une conspiration que de manière parfaitement occasionnelle ; en même temps, leur origine aristocratique va finir, en raison du pouvoir grandissant du dèmos athénien au cours du ve siècle et de l’accentuation des tensions provoquées par la guerre du Péloponnèse, par leur donner une coloration politique qui est de plus en plus nettement d’opposition, au point que, après la révolution de 411, ceux que l’on nomme des « hetairoi », et plus seulement des « sunômotai », seront considérés par leurs adversaires démocrates comme les membres de groupes à tendance oligarchique11.
9Les Athéniens que la faveur populaire appelait par moments à jouer un rôle de premier plan dans la cité devaient contribuer eux-mêmes, et surtout au début de leur carrière politique, à la fabrication de leur propre image12. La dissimulation, certes, n’est pas de mise lorsque l’objectif est de plaire au peuple en faisant parler de soi en bien : c’était là ce que visaient Cimon. Nicias et Alcibiade avec leurs somptueuses liturgies dont chacun pouvait profiter, et plus généralement tous les Athéniens fortunés qui rivalisaient de faste dans l’exercice des charges qu’ils assumaient au bénéfice de la communauté13. Mais il était naturel aussi que ces hommes politiques disposent d’un noyau de sympathisants prêts dans les occasions importantes à se mobiliser pour leur chef : aussi cette mobilisation pouvait-elle se faire au grand jour, à l’Ecclesia par des prises de parole ou plus simplement par un effet de masse destiné à intimider les indécis (Thucydide VI, 13,1), ou encore dans la rue ou chez des particuliers, par un soutien argumenté apporté au chef du groupe. C’est ouvertement encore, même si la manière est plus discrète, que des dons étaient effectués par des membres du groupe pour rendre leur chef populaire et lui permettre ainsi d’être élu par le dèmos : on pensera bien sûr aux largesses de Cimon rapportées par Plutarque (Cimon, 10).
10Jusqu’à la guerre du Péloponnèse, les activités de ces groupes de soutien ne nous sont connues que de manière fragmentaire, car elles s’intégraient généralement sans faire de remous dans le jeu politique athénien, où les hétairies n’intervenaient que pour soutenir leur chef. Dans une page célèbre où il retrace les prémices de la révolution de 411 (VIII, 54,4), Thucydide évoque ces groupes (sunômosiai), qui existaient alors depuis longtemps à Athènes et qui agissaient dans la cité en prouvant leur force collective lors des grands événements de la vie publique athénienne, comme les procès et les élections aux magistratures14. La première forme d’intervention publique par laquelle se signalait la force de ces groupes qui ne s’étaient jusqu’alors réunis que de manière privée résidait dans l’impressionnant effet de masse qu’ils produisaient lors de certaines séances de L’ecclesia, pour des élections ou pour tout vote en général : ainsi, en 415, le poids de l’hétairie d’Alcibiade apparaît clairement à l’ecclesia, lorsque Nicias exprime l’appréhension que les Athéniens plus âgés votent pour la guerre en Sicile par crainte de paraître des lâches aux yeux des jeunes partisans d’Alcibiade, présents en foule15. D’après Thucydide VI, 13,1, Nicias exhorte en effet les partisans de la paix à ne pas se laisser influencer par le voisinage de partisans d’Alcibiade, que leur chef a appelés en nombre à venir siéger à la séance de l’assemblée consacrée au débat sur l’expédition de Sicile : le texte ne permet pas de savoir comment étaient répartis les partisans d’Alcibiade, il insiste seulement sur leur nombre et sur la possibilité d’intimidation redoutée par Nicias.
11Autre forme par laquelle se manifestait devant le peuple la longue préparation souterraine effectuée par ces groupes, l’influence exercée par tel ou tel personnage reconnu par ses proches comme un guide : on citera, comme exemple illustre de personnage qui s’était alors, à l’intérieur de ces groupes, « spécialisé » dans ce type de préparation, l’oligarque Antiphon. qui ne recherchait pas pour lui-même le soutien des hetairoi, car il se tint en retrait de la vie publique jusqu’en 411, mais qui jouait le rôle de conseiller occulte pour des proches qui, lancés dans la politique à des degrés divers, venaient le solliciter avant leurs propres interventions publiques devant les tribunaux de l’Héliée ou devant l’ecclesia : « Il est vrai qu’il ne prenait jamais la parole devant l’Assemblée et n’intervenait dans aucun débat public, à moins d’y être forcé, car sa réputation d’habileté lui avait attiré la méfiance du peuple, mais il n’avait pas son pareil pour aider les gens qui, avant d’affronter un adversaire devant les tribunaux ou à l’Assemblée, venaient lui demander conseil » (Thucydide VIII, 68, 1, trad. D. Roussel) : non seulement l’influence d’Antiphon était réelle avant 411 — nous reviendrons plus loin sur son rôle d’organisateur avant le coup d’État -, mais ce que dit Thucydide de lui avant cette date montre combien était nécessaire, dans le régime démocratique athénien, dès les dernières décennies du ve siècle, une formation rhétorique minimale, et combien était important dans la vie publique à Athènes le rôle de conseillers politiques secrets, dont le nom était rarement prononcé, et qui pourtant inspiraient la conduite d’un certain nombre de personnalités. À partir des années 420, les Athéniens qui se lancent dans la politique ont bien souvent bénéficié des leçons de rhétorique prodiguées par les sophistes : cette formation théorique est complétée par la formation pratique que donne la participation à certains organes de la cité, comme la Boulè16.
I.2. Les manœuvres politiques et leur contexte avant la guerre du Péloponnèse
L’ostracisme
12La procédure de l’ostracisme, même si le dernier vote d’ostracisme eut lieu tard dans le ve siècle, en 417 ou en 416, marqua les comportements politiques à Athènes surtout jusque vers les années 440 : les ostracophories frappèrent souvent dans les décennies 480 et 470, et, si le rythme se ralentit par la suite, l’ostracisme resta longtemps une menace pour les hommes politiques athéniens dès lors qu’ils jouaient un rôle de quelque importance dans la cité. Ce risque était tel que, lorsqu’il semblait devoir se concrétiser, il entraînait des actions ponctuelles de manipulation d’un côté, pour que l’ostracisme frappe un adversaire politique, et, de l’autre, un comportement de prudente discrétion, qui pouvait même être érigé en règle de vie politique, pour éviter d’éveiller ou d’encourager la suspicion populaire que favorisaient si facilement les rumeurs hostiles : nous allons successivement examiner certains aspects de ces deux faces du comportement politique athénien lié à l’ostracisme, selon que l’on pense pouvoir profiter de l’ostracisme d’autrui ou être soi-même menacé.
13La procédure que suivaient les Athéniens lors du vote d’ostracisme favorisait les manœuvres, en raison de l’absence d’accusé, et donc de discours d’accusation et de défense officiels devant les organes de la cité : griefs et ripostes s’opposaient par en-dessous, mais sans que les arguments puissent s’opposer terme à terme, puisque chacun était libre de choisir la cible et le mode d’attaque qui lui semblaient les plus avantageux, de la prise à partie quasiment publique aux règlements de compte secrets, en passant par les rumeurs que savaient diffuser les membres des hétairies. Le problème est donc que souvent, en l’absence d’explicitation par les textes17, il nous manque des informations sur les circonstances de tel ou tel ostracisme, qu’il s’agisse des citoyens menacés par le vote, les « candidats » à l’ostracisme, que cette situation ait été la leur seulement selon l’opinion commune, ou effectivement d’après le nombre d’ostraka inscrits à leur nom — information qui nous donnerait les résultats du vote, que nous ne possédons pour aucune ostracophorie —, des motifs qui leur faisaient courir un risque ou encore de la parade qu’ils pouvaient imaginer contre ce danger : nous verrons plus bas que même la donnée littéraire de l’ostracisme qui frappa des gens comme Cimon ou Thucydide fils de Mélésias nous laisse ignorer certains éléments de l’affaire ; quant aux milliers d’ostraka qui ont été retrouvés dans les fouilles de l’Agora et surtout du Céramique, ils sont parfois difficiles à interpréter au-delà du nom du « candidat »18. Certains sont particulièrement intéressants dans la mesure où ils apportent des éclaircissements sur des motivations qui. en raison de la procédure même, resteraient autrement pour nous obscures : en effet, des jugements sont parfois portés sur l’ostrakon à côté du nom d’un homme dont nous savons qu’il a été effectivement ostracisé ou dont nous pensons qu’il a été seulement « candidat » à l’ostracisme. Ces remarques, qui ne se recoupent pas nécessairement avec un jugement prononcé par ailleurs par un organe officiel de la cité, expriment ce que pensent des citoyens ordinaires à propos des hommes qui administrent les affaires. Ces opinions particulières reflètent une partie de l’opinion publique : chaque citoyen, puisqu’il n’a aucune justification à fournir, peut librement exprimer son avis, en toute discrétion, sans craindre le regard de ses voisins comme à l’Ecclesia lors d’un vote à mains levées sur telle ou telle question19, choisir l’homme politique qui lui déplaît et, s’il le souhaite, ajouter un commentaire désobligeant qui peut avoir trait non seulement à la conduite politique du personnage en question, mais aussi à son comportement privé, caractère et moralité20 : la procédure secrète et « muette » de l’ostracisme permet à chacun de donner libre cours au côté passionnel, et même irrationnel, de ses rapports aux personnages en vue. Ces opinions, sans effet lorsqu’elles sont dispersées, peuvent mener effectivement à l’ostracisme d’un individu lorsqu’elles sont habilement répandues, voire inspirées, par une campagne de dénigrement et de rumeurs. Avec la part d’hypothèse, et donc la prudence, qu’exige notre ignorance relative de la politique athénienne antérieure à la seconde guerre médique, il semble ainsi que des éliminations par ostracisme ont dû résulter, en 487 et dans les années suivantes, de manœuvres dirigées contre des hommes politiques contre lesquels étaient répandus par leurs adversaires les reproches d’amitié pour les tyrans, puis de médisme : l’éloignement, ou la tentative d’éloignement, d’Alcméonides comme Mégaclès, Callias fils de Cratias ou Callixenos fils d’Aristonymos auraient été le résultat de machinations, dont certaines devaient être imputables à Thémistocle, qui occupe seul le devant de la scène à Athènes après l’ostracisme d’Aristide en 48221.
14Plus concrètement, et en relation étroite avec les effets que pouvait avoir sur les esprits la campagne non officielle et plus ou moins souterraine que pouvaient mener des adversaires politiques22, la nature même de ce qui tenait lieu de bulletin de vote, un tesson de poterie, l’ostrakon, sur lequel chaque citoyen indiquait, en l’incisant ou en le peignant, le nom de celui de celui dont il souhaitait l’exil pour dix ans, permet de soulever la question de la préparation éventuelle de lots de tessons en vue d’une remise individuelle aux citoyens qui se rendaient au vote. Deux groupes d’ostraka, parmi ceux, très nombreux, qui furent dirigés pour la période 480-470 contre un certain Callixenos, un membre de la famille des Alcméonides, connu uniquement par les ostraka, et contre Thémistocle, sont intéressants par leur homogénéité : le nom de Callixenos a été inscrit par la même « main » sur un groupe d’au moins sept tessons23, tandis que le nom de Thémistocle a été inscrit par seulement quatorze « mains » sur un groupe — resté, semble-t-il inutilisé — de cent-quatre-vingt-dix ostraka24. La question se pose alors de l’intention nourrie par ceux qui reportèrent plusieurs fois sur des ostraka le nom d’un même personnage : lors des procédures d’ostracophorie, où la cité ne remettait pas aux citoyens de bulletins de vote officiels25, agissaient-ils pour des motifs politiques, parce que, soutenant un homme, ils cherchaient à le protéger ou à le favoriser en proposant gratuitement des tessons préparés au nom d’un autre ou, obéissant à un mobile lucratif, ces « scribes » étaient-ils « neutres », se faisant payer pour préparer des ostraka, qui pouvaient, en grande quantité, porter le même nom ? Ces inscriptions en série étaient-elles le résultat de l’activité politique secrète de groupes de soutien, cherchant soit à faciliter le travail à des citoyens décidés mais analphabètes, soit à influencer des indécis, ou de l’entreprise quasiment professionnelle d’un fournisseur cherchant à exploiter, sans parti pris, les possibilités offertes par le manque d’instruction, par la paresse ou par l’imprévoyance des citoyens se rendant à une ostracophorie ? Une étude effectuée sur les milliers d’ostraka découverts au Céramique a permis de découvrir des tessons jointifs portant des noms différents gravés par une même personne : il est ainsi prouvé que des scribes « neutres » pouvaient, à côté des Athéniens très nombreux qui portaient eux-mêmes sur leur tesson le nom de celui qu’ils voulaient ostraciser, préparer des ostraka qui étaient distribués, « tout faits », aux citoyens26.
15Ainsi, la préparation en série d’ostraka a existé, même s’il est impossible d’affirmer qu’elle ait été habituelle, car il est très difficile de reconnaître, alors que les ostraka — à l’exception de ceux du puits de l’Acropole et de ceux du dépôt de Callixenos — généralement jetés à la volée, sont retrouvés de manière très dispersée, une même « main » sur des noms différents, composés de peu de lettres portées sur un matériel très fragmentaire : ce fait, quelle qu’ait été l’intention première des exécutants, faire un profit ou nuire à un adversaire politique, laissait le champ libre à des manœuvres ou des jeux d’influence juste avant le vote, au moment de la remise des ostraka « tout faits » ; les deux sortes d’intérêts pouvaient du reste se conjuguer, si l’on imagine que les scribes professionnels pouvaient vendre leur marchandise non seulement à des citoyens isolés, mais aussi à des membres de groupes politiques, qui pouvaient leur avoir commandé un lot d’ostraka pour les écouler ensuite eux-mêmes auprès de citoyens influençables. Ainsi, on peut imaginer qu’après la préparation strictement matérielle, qui, peut-être, était plus souvent le fait de professionnels — mais des membres d’hétairies pouvaient aussi préparer ensemble des ostraka, et leur culture leur permettait certainement de les préparer aussi bien que des professionnels — intervenaient les manipulations proprement dites, dont le mobile cette fois-ci n’était plus lucratif, mais bien politique, du fait de membres d’hétairies, qui pouvaient faire pencher les indécis vers le bon choix en leur distribuant les ostraka qu’ils venaient d’acheter ou qu’ils avaient préparés eux-mêmes. On pourra, à propos des 190 tessons gravés par un petit nombre de « mains » au nom de Thémistocle, sans doute en 486, et qui restèrent apparemment inutilisés, remarquer qu’ils purent, non seulement avoir été inscrits ou commandés par des adversaires de Thémistocle. qui ne réussirent pas ou renoncèrent à les écouler, en raison de la popularité et/ou de l’habileté de Thémistocle, qui l’emporta sur tous ses rivaux dans les années 480 et ne fut effectivement ostracisé que dans les années 470, mais aussi avoir été réunis, pour les soustraire à toute utilisation contre leur chef, par des partisans de Thémistocle, qui se les procurèrent soit auprès de professionnels, comme un achat normal si les « scribes » gravaient dans tous les cas les noms des personnalités les plus en vue ou bien au prix de luttes ou de manœuvres s’ils avaient été gravés sur commande, soit de vive force ou par ruse auprès des opposants à Thémistocle.
16Cependant, la documentation nous manque pour des cas précis de préparation souterraine d’une action légale pour la période antérieure à la guerre du Péloponnèse. Ainsi, nous savons que Cimon était entouré déjeunes gens qui avaient pour charge d’offrir un secours discret aux Athéniens nécessiteux — lesquels allaient ensuite chanter les louanges de ce généreux aristocrate — (Constitution des Athéniens, 27, 3 ; Plutarque, Cimon, 10. 2-3), et l’on peut penser que, plus tard, ce sont ces mêmes partisans, ou leurs proches, qui devaient appartenir à plusieurs groupes en raison de l’immense prestige de Cimon, qui, après l’encouragement de leur chef à se comporter vaillamment, mourront groupés à Tanagra en 457, au nombre de cent, d’après Plutarque (Cimon, 17, 6-7), l’armure de Cimon dressée au milieu d’eux ; mais nos sources ne nous disent pas ce que ces partisans ont pu tenter pour venir en aide à Cimon lors de son procès pour corruption à son retour de Thrace, en 463 — Plutarque, Cimon, 14 et Périclès, 10, 6, ne parle que d’Elpinikè — ou surtout, lors des jours qui précédèrent le vote d’ostracisme qui le chassa en 46127. Le climat politique très tendu, avec, d’un côté, la réforme d’Éphialte qui, votée après plusieurs procès intentés à des Aréopagites, prive l’aristocratique conseil de tout rôle politique important, et, de l’autre, le mécontentement causé par le renvoi de Sparte du contingent athénien, explique que le soutien des partisans de Cimon n’ait pu renverser une trop forte tendance qui s’exprimait en faveur d’une démocratisation plus grande des institutions28. Par ailleurs, les amis de Cimon étaient certainement moins bien organisés que ne le seront les hetairoi des dernières décennies du siècle, car, ne se sentant pas encore trop menacés dans leurs valeurs du fait que l’aristocratie à laquelle ils appartenaient fournissait encore nombre de dirigeants au peuple, ils n’avaient pas formé de bloc uni29 : leurs manœuvres étaient donc nécessairement vouées à l’échec, à un moment où Cimon était devenu minoritaire dans son combat pour maintenir le pouvoir de contrôle de l’aristocratie dans une société où le dèmos entendait exercer partout un droit de regard. Néanmoins, pour cette période encore, il semble que les relations personnelles entre membres de grandes familles, même traditionnellement rivales au sommet de la cité, ont joué un rôle non négligeable pour régler les antagonismes : en effet, si les divergences personnelles et politiques se concluent encore souvent par l’ostracisme de l’un des protagonistes, la liberté de jugement et d’action permise par l’absence de parti politique proprement dit, s’ajoutant, chez Périclès, à la souplesse de l’homme, rend possibles des accommodements et des réconciliations : un rapprochement intervient ainsi entre Périclès et Cimon après Tanagra30. La souplesse de Périclès se retrouve en politique extérieure, où l’homme d’État n’hésite pas, dans l’intérêt d’Athènes, à recourir à la corruption pour écarter de l’Attique l’armée péloponnésienne de Pleistoanax (Plutarque, Périclès, 22, 1-2).
17La situation changea quelque peu dans les années qui suivirent l’ostracisme de Cimon, dans la mesure où se serait opérée une radicalisation des forces politiques, qui, pour certaines, versèrent dans la préparation d’actions secrètes ou illégales31. D’après Plutarque, l’une de nos principales sources pour l’histoire politique de cette période, mais qu’il faut parfois considérer avec prudence. Thucydide, fils de Mélésias, avait regroupé autour de lui les « gens de bien », les kaloikagathoi (Périclès, 11, 2), faisant d’eux une force qui servait de contrepoids aux gens du peuple sur lesquels s’appuyait Périclès32 ; mais ces partisans, qui devaient faire bloc autour de Thucydide dans les séances de l’Ecclesia comme devaient le faire plus tard les partisans d’Alcibiade lors de la séance du printemps 415 évoquée plus haut (Thucydide VI. 13. 1)33, auraient été dispersés après l’ostracisme, intervenu, comme pour Cimon, après un procès34, qui frappa leur chef, en 443 sans doute ou quelques années plus tard, sans que nous ayons d’indication précise sur ce qu’ils purent faire secrètement pour tenter de détourner de leur chef le vote d’ostracisme, dans une tentative que le consensus réalisé par Périclès autour de sa personne condamnait d’avance à l’échec35.
18Périclès en revanche, malgré l’austérité de son mode de vie qui lui faisait éviter les banquets, pouvait compter sur des amis politiques qui intervenaient en public selon les directives qu’il leur avait adressées en privé, tandis que lui-même se réservait pour les grandes occasions36 : celui qui était le premier de la cité savait, pour ne pas conforter chez ses concitoyens la crainte de la tyrannie — qui risquait d’entraîner un vote d’ostracisme, mesure qui avait frappé son père Xanthippe en 484 -, doser ses apparitions et gouverner par en-dessous, en déléguant ses prises de position politiques37. On fera le rapprochement avec la manière dont, selon Plutarque aussi (Aristide, 3, 4), aurait déjà procédé Aristide : mais celui-ci aurait eu recours à ce moyen détourné non qu’il craignait de se faire accuser de tyrannie, mais pour éviter l’opposition systématique de Thémistocle. La force de Périclès venait ainsi de sa souplesse et de sa capacité d’adaptation et de collaboration, que l’on opposera à la rigidité d’un Éphialte, et grâce auxquelles il parvenait à se concilier ses adversaires38.
19On notera que Périclès lui-même était, dans une certaine mesure, soutenu et conseillé dans ses orientations intellectuelles et politiques par des penseurs qui se tinrent toujours à Athènes en retrait par rapport aux affaires publiques, par choix ou par nécessité, comme Damon d’Oa ou comme les philosophes Zenon d’Élée et surtout Anaxagore de Clazomènes (Constitution des Athéniens, 27. 4 ; Plutarque. Périclès, 4-6 ; 9, 2 ; 16, 8-9 et Aristide, 1. 7), ou encore comme le sophiste Protagoras (Plutarque. Périclès, 36. 4-5) : administrer les affaires de la cité avec autorité, mais discrétion, telle était la manière de faire de Périclès39. L’ostracisme, cette procédure marquée dans tout son déroulement par le secret, puisqu’elle dispensait le citoyen de justifier son vote, pouvait sembler particulièrement indiquée pour atteindre ceux qui restaient dans l’ombre, mais que le peuple associait avec certitude à tel ou tel homme politique : ces conseillers secrets, que souvent le peuple n’aimait pas. constituaient des cibles faciles, à travers lesquelles serait atteinte la personnalité de premier plan qui prenait leurs avis et qui en imposait trop elle-même pour qu’on osât la toucher directement, en même temps que pouvaient difficilement être mises en branle pour ces conseillers de l’ombre les relations de clientélisme et de sympathie qui soutenaient l’homme politique. En même temps, le peuple éprouvait de la crainte à l’égard de ceux qui se tenaient trop systématiquement en retrait, qui étaient considérés comme des « habiles ». et donc comme des personnages potentiellement dangereux : tout au long du ve siècle, il manifesta à plusieurs reprises sa méfiance à leur égard, interprétant leur retenue comme une marque de dissimulation et de fourberie, annonciatrices d’intentions mauvaises40, — dans un comportement bien paradoxal, puisqu’au même moment il affirmait craindre les intentions de tyrannie de ceux qui se mettaient à son goût trop sur le devant de la scène : en effet, des ostraka, sans qu’ils aient été nécessairement suffisamment nombreux pour entraîner un ostracisme effectif, furent inscrits au nom de conseillers d’Athéniens de premier plan, connue Mnésiphilos, le maître de Thémistocle et l’un des artisans de son ascension, d’autant plus important peut-être que Thémistocle n’aurait pas bénéficié à ses débuts de l’appui de sa famille41, ou Damon, proche de Périclès42.
Les procès
20Pour la période antérieure à la guerre du Péloponnèse, on rappellera seulement ici que les procès étaient un moyen d’action fréquemment employé, que les fondements en aient été justifiés ou non, pour se débarrasser de rivaux politiques : on a mentionné les procès intentés par Éphialte à certains Aréopagites, le procès de Cimon à son retour de Thrace en 463, ou celui de Thucydide, fils de Mélésias. Périclès lui-même fut en butte à des procès, l’un en 438/7 ou 437/6, l’autre en 430, sur lesquels nous ne nous attarderons pas ici en raison de l’opposition ouverte de ses adversaires. Il fut visé aussi, on le rappellera, par personnes interposées, que ce soit par la menace d’ostracisme dirigée contre Damon, ou par des procès qui furent intentés à des proches, particulièrement Phidias et Anaxagore43. Le décret qui fut voté à l’initiative de Diopeithès contre « ceux qui ne croyaient pas aux dieux et enseignaient des doctrines relatives aux phénomènes célestes » (Plutarque, Périclès, 32, 2) cherchait aussi à atteindre Périclès en raison de l’étroitesse de ses relations avec Anaxagore, qui n’échappa à une condamnation que par la fuite44. À l’origine des coups portés de manière détournée à Périclès, on croit pouvoir placer principalement tantôt Thucydide, fils de Mélésias, tantôt Cléon, opposés tous deux à Périclès par des questions de rivalités politiques et personnelles bien différentes45.
I.3. Les manœuvres politiques pendant la guerre du Péloponnèse
21Au cours de la guerre, dont la longueur exaspéra les antagonismes politiques, il exista plusieurs genres de regroupements, dont la durée d’existence dépendait de l’objectif qu’ils s’étaient fixé : certains groupes se réunissaient toujours durablement autour d’un chef, comme ceux qui se signalèrent à l’attention publique en 415, tandis que d’autres étaient constitués temporairement et secrètement dans un objectif précis, soit dans le cadre des luttes politiques auxquelles se livraient ceux qui aspiraient à diriger le peuple — coalitions contre Hyperbolos en 416, contre Alcibiade en 415 -, soit à l’initiative de certains meneurs qui pouvaient réunir plusieurs hétairies, comme le fit Pisandre en 411 pour essayer d’atteindre un objectif ponctuel de grande envergure, comme la katalusis tou dèmou (Thucydide VIII. 54. 4). Les sources nous renseignent davantage pour cette période sur les activités des hétairies, dans la mesure où elles sont plus remarquées parce que certains groupes, refusant désormais les règles du jeu politique régulier, cherchent à détruire la politeia dans le cadre de laquelle ils avaient jusqu’alors trouvé leur place46. Thucydide (II, 82. 1). parlant des luttes civiles qui se généralisent dans le monde grec après les massacres de Corcyre en 427, insiste sur le rôle de la guerre, qui fait éclater au grand jour les conflits latents : elle donne en effet aux tenants de factions adverses, qui existaient déjà mais s’opposaient dans le cadre de la cité, des prétextes pour faire appel, selon leurs préférences politiques, soit aux Athéniens, soit aux Lacédémoniens47 Aux effets de la guerre, qui se font de plus en plus pesants avec la durée du conflit, pertes humaines, contraintes financières, lassitude, s’ajoutent très rapidement, dans le cas d’Athènes, les conséquences de la disparition d’un chef qui avait su s’imposer depuis une vingtaine d’années : même si Périclès s’est heurté à la fin de sa vie à l’hostilité de ses concitoyens, mécontents des premières difficultés de la guerre, il était le seul capable, par ses origines, par son orientation politique et par la souplesse avec laquelle il savait la mettre en œuvre, de faire régner dans la cité un consensus devenu en apparence presque parfait après l’ostracisme de son rival, Thucydide fils de Mélésias. sans doute en 443 (Thucydide II, 65 ; Constitution des Athéniens, 28. 1) : après sa disparition en 429, aucun homme politique ne parvient à s’imposer si bien que, la guerre aidant, la lutte pour le pouvoir, en même temps que l’évolution vers davantage de démocratie, va faire sortir les groupes aristocratiques du jeu politique traditionnel et les mettre en situation de défense pour, finalement, les pousser à attaquer, après une période de préparation souterraine.
L’action à l’Ekklésia
22L’action secrète des groupes politiques se poursuivit pendant la guerre du Péloponnèse aussi dans le cadre de la légalité, même si les hétairies qui agissaient en-dehors de la légalité firent évidemment davantage parler d’elles : élections, procès et même vote d’ostracisme, puisqu’il y en eut un sans doute en 416, le premier depuis celui qui avait chassé le fils de Mélésias fournissaient toujours aux groupes de soutien la matière de leurs activités. Au cours des années qui suivirent la conclusion de la paix avec Sparte en 421. la lutte entre hommes politiques désireux de maintenir, ou d’imposer, leur influence devint de plus en plus âpre : ambitions personnelles et rivalité dans les moyens de les satisfaire, que pouvaient accentuer des différences d’âge et de tempéraments, tout cela opposait ouvertement les uns aux autres des hommes comme Alcibiade et Nicias, les plus connus, mais aussi des chefs du mouvement démocratique, comme Hyperbolos et Androclès, ou encore bien d’autres personnages qui, sans jouer un rôle de premier plan dans la cité, étaient connus de leurs concitoyens en raison de leurs origines et des magistratures ou des liturgies qu’ils avaient assumées de leur mieux — des gens comme Phaiax notamment, dont on parlera à propos du vote d’ostracisme, ou encore comme Anytos, Pisandre, Théramène ou Critias. Dans ce contexte, le soutien de sympathisants actifs était précieux, plus peut-être que la faveur populaire, que nul ne pouvait considérer comme un bien définitivement acquis. Nous sommes renseignés par Plutarque (Nicias, 3-4 et 15, 2) sur les efforts de Nicias pour contenter le peuple, à la fois par la somptuosité de ses liturgies et par des dons en particulier ; en même temps. Nicias était, par tempérament, homme à agir par en-dessous, grâce au soutien que lui apportait sa fortune, et il a bénéficié, sans se mettre en avant mais en agissant par l’intermédiaire de partisans qui savaient organiser de véritables mises en scène autour de l’homme politique entièrement dévoué à la chose publique (Plutarque, Nicias, 5), du soutien d’un groupe, dans une intention qui n’allait nullement contre la légalité48. Il ne mettait tout son poids dans la balance que lorsque sa position lui semblait sérieusement menacée : ainsi, au printemps 415, il exprima devant l’Ecclesia la crainte que les Athéniens les plus âgés et les plus sages votent pour la guerre en Sicile en se laissant influencer par les nombreux partisans d’Alcibiade présents dans la foule (Thucydide VI, 13. 1)49. A l’intimidation des électeurs, qui ont peur de passer pour des lâches ou de se singulariser, pouvaient s’ajouter l’intimidation, ou peut-être aussi l’entente secrète acquise par sympathie politique ou encore par corruption, des magistrats chargés d’estimer le nombre de mains qui se levaient pour élire un magistrat ou pour accepter une proposition50. Nicias, s’il n’y était absolument contraint, comme en 415 face à Alcibiade. préférait biaiser et contourner l’obstacle : on notera que son comportement politique se retrouve dans sa conduite de la guerre, où il savait nouer, en usant de corruption grâce à sa fortune, des ententes secrètes à l’intérieur des cités ennemies, comme à Syracuse où des habitants espionnaient pour son compte (Thucydide VII, 48, 49, 73, 86 ; Plutarque, Nicias, 21, 5)51.
L’ostracisme
23Nous avons vu, pour la période antérieure à la guerre du Péloponnèse et particulièrement pour les premières décennies du ve siècle, comment l’étude des ostraka permet de faire des hypothèses sur les manipulations d’opinion auxquelles pouvait se prêter la procédure « muette » de l’ostracisme dans le cadre des rivalités politiques52. Les « règles » de la procédure n’ont pas changé au cours du siècle : lorsque, à la question qui continuait de leur être posée chaque année, à l’assemblée principale de la sixième prytanie, sur l’utilité d’une ostracophorie, les Athéniens répondaient positivement, les partisans des hommes politiques qui avaient poussé au vote d’ostracisme devaient tout faire pour que ce qui n’était encore qu’une possibilité devienne la réalité souhaitée, tandis que les partisans de ceux qui avaient des raisons de se sentir visés devaient au contraire manœuvrer pour tenter soit d’obtenir la nullité du vote, faute du quorum de six mille votants à l’assemblée qui se tenait alors à la huitième prytanie53, soit de détourner sur un autre la terrible menace. Si tout débat public était interdit, les Athéniens en revanche devaient abondamment discuter entre eux avant le vote et les groupes de soutien des hommes qui se sentaient menacés devaient recourir à tous les moyens, argumentation, cadeaux, promesses, menaces, prise en main des citoyens hésitants, qui sont employés dans une campagne d’opinion ; on soulignera cependant que le caractère secret du vote devait se répercuter aussi sur la manière dont était menée la campagne, moins sûre d’atteindre son objectif qu’une campagne menée pour des élections, où le vote, étant public, était contrôlable, et le résultat, plus facilement prévisible.
24La différence pour nous dans l’étude de l’ostracisme des années de la guerre du Péloponnèse par rapport à celui des premières décennies du siècle est que nous disposons alors d’une documentation explicite sur le contexte d’un célèbre vote d’ostracisme qui illustra l’âpreté des luttes politiques à Athènes, et qui fut d’ailleurs le dernier. Dans un discours fictif, mais qui fait bien ressortir les caractéristiques de la procédure de l’ostracisme, qui date du début du ive siècle alors qu’il est censé être prononcé avant 415 et se rapporter à Γ ostracophorie qui menaça Alcibiade mais ne l’atteignit pas, le Contre Alcibiade du Ps. Andocide, le personnage qui parle et qui se sait en danger souligne au §4 la supériorité que possèdent sur lui ses adversaires soutenus par des hétairies : dans un vote d’ostracisme, où tous les Athéniens contribuent à la décision, ils auront en effet pour eux, faisant nombre dans la masse des citoyens, leurs hetairoi, alors que, dans les tribunaux, le sort qui désigne les juges garantit l’égalité de traitement pour ceux qui sont mis en cause. En outre, comme le souligne le personnage au § 3, avant de se contredire au § 7 en évoquant le débat dans lequel il va s’engager, il court le risque d’être frappé par dix ans d’exil sans avoir même la possibilité de se défendre : le caractère « muet » de la procédure, en laissant le champ libre aux manœuvres souterraines, qui consistent à masser les voix sur un adversaire précis ou à les disperser pour les éloigner de celui que l’on soutient, avantage ceux qui possèdent le soutien d’une hétairie54. Nous connaissons en effet, pour la période de la guerre, un cas célèbre d’intervention secrète des hétairies. Qui travaillèrent pour détourner de ceux qu’il semblait devoir atteindre le vote d’ostracisme décidé lors de l’assemblée principale de la sixième prytanie pour une séance extraordinaire de la huitième prytanie, sans doute pour le printemps 41655. On rappellera que l’Ecclesia n’avait pas procédé à un vote d’ostracisme depuis une génération, lorsqu’elle avait frappé Thucydide, fils de Mélésias, sans doute en 443 : mais la question de la nécessité ou non d’une ostracophorie continuait d’être posée chaque année au peuple, qui attribuait à l’ostracisme une forte valeur symbolique56. Le contexte de l’ostracisme qui frappa Hyperbolos, tel qu’il est rapporté par Plutarque, notre principale source, est bien connu57 : les années qui suivent la paix de Nicias voient s’affronter de manière constante Nicias et Alcibiade, au point que l’un de leurs rivaux, Hyperbolos, connu et apprécié du dèmos, auprès duquel il tenait d’une certaine manière la place de Cléon, aurait imaginé de dénouer à son profit58 cette rivalité par un ostracisme qui aurait frappé l’un des deux, et plus sûrement Alcibiade. Celui-ci en effet attirait tous les regards depuis sa première élection à la stratégie en 420 et sa conduite privée, jugée « peu démocratique » (Thucydide VI, 15, 3-4, pour l’année 415), pouvait le faire accuser de nourrir des visées tyranniques et le désignait comme la cible privilégiée d’un vote d’ostracisme, procédure qui n’avait jusqu’alors frappé que des puissants, membres de grandes familles. A cette première manipulation d’une procédure hautement symbolique répondirent les manœuvres plus heureuses d’Alcibiade, qui aurait alors « uni » secrètement son hétairie à celle de Nicias pour détourner la menace sur Hyperbolos. Aux trois personnages le plus souvent cités, Alcibiade, Nicias et Hyperbolos, il faut ajouter un quatrième personnage, que Plutarque met en avant dans sa Vie d’Alcibiade. Phaiax, lui aussi menacé par l’ostracophorie. En fait, l’examen de vingt-neuf ostraka retrouvés se rapportant sûrement à cette ostracophorie et portant les noms de dix personnes — Alcibiade, Phaiax, Hyperbolos et Nicias, mais aussi Cléophon et des personnalités moins connues -, ajouté au fait que les ostraka d’autres périodes sont inscrits au nom d’un grand nombre d’Athéniens, dont beaucoup, bien que leur renommée ne soit pas parvenue jusqu’à nous, devaient en leur temps être suffisamment connus pour provoquer des réactions de rejet, montre que le nombre d’hommes politiques indésirables au gré des Athéniens — quelle qu’en ait été la raison59, était toujours élevé : la dispersion des votes facilitait l’obtention d’un résultat inattendu, la conjonction préparée du vote de deux ou trois groupes sur un même homme pouvait permettre d’atteindre une majorité relative, qui pouvait être faible60. Le personnage que fait parler le Ps. Andocide dans le Contre Alcibiade souligne bien, aux § 3 et 4, le rôle des hétairies dans une procédure qui, réunissant tous les Athéniens sans qu’il y ait débat, favorise ceux qui bénéficient de soutiens inconditionnels61. Alcibiade, en raison de ses origines illustres, de sa place dans la cité et de ses ambitions, était entouré d’amis et de parents fidèles, dont la présence à ses côtés est attestée à plusieurs occasions62 ; Nicias lui-même, nous l’avons vu, en raison de sa richesse et de hautes fonctions régulièrement exercées, disposait, si ce n’est d’un groupe de personnes entreprenantes comme devaient l’être, à l’image de leur chef, les hetairoi d’Alcibiade, du moins de partisans, discrets mais sérieux, par l’intermédiaire desquels il pouvait atteindre un cercle plus large63. Les sources, en revanche, ne mentionnent aucune « hétairie » sur laquelle aurait pu s’appuyer Hyperbolos — ce qui n’est pas pour étonner, en raison du « nouveau modèle » d’homme politique auquel il se rattachait64 : le prostatès tou dèmou, parce qu’il s’adresse directement au dèmos rassemblé à l’ecclesia, doit sur chaque question chercher par son autorité à emporter une majorité qui, dans une démocratie directe, où est inconnue la discipline de vote caractéristique de groupes organisés, n’est jamais acquise d’avance65. Quant au soutien que lui apporta, peut-être, un homme encore peu connu en politique, comme Cléophon, il ne pouvait compenser l’absence du soutien d’une hétairie66. On remarquera que l’adversaire principal d’Hyperbolos, Alcibiade, possédait le double avantage d’avoir à la fois le soutien d’une hétairie, indispensable dans une procédure où les griefs ne sont pas explicités, et, comme son rival, même si certains la jugeaient acquise d’une manière répréhensible, de l’influence sur le dèmos réuni en ecclesia. Le résultat de l’ostracophorie surprit les Athéniens, mais la réunion des votes de deux hétairies qui s’étaient fortement mobilisées était suffisante, en raison de la dispersion des voix, — phénomène qui semble avoir été fréquent, à voir le grand nombre de votes « éparpillés » attestés par les ostraka — pour emporter une majorité relative dans une assemblée où régnait la liberté individuelle de vote et où les citoyens se prononçaient à bulletin secret. L’absence de discours propre à cette procédure « muette », empêchant toute clarification de la situation, avait favorisé les manœuvres secrètes des hétairies. Néanmoins, le fait que Nicias et Alcibiade soient réélus stratèges aux élections suivantes montre que l’ecclesia, dans des circonstances où la libre parole pouvait éclairer les choix des citoyens, n’était finalement pas en désaccord avec le résultat d’un vote sans débat, sur lequel avaient pesé les manœuvres des hétairies.
Les procès
25Avec la publicité louangeuse pour se faire élire, que savait bien orchestrer Nicias, allait de pair le travail mené contre les adversaires politiques, au grand jour ou dans l’ombre, dirigé directement contre les rivaux ou cherchant à les atteindre par personnes interposées. Dans l’Athènes du ve siècle, un bon moyen d’atteindre un rival politique était, dès qu’il y prêtait le flanc de quelque manière, de lui intenter un procès, pour des motifs variés, procès en reddition de compte, accusation de corruption, trahison, ou autres... Les prostatai tou dèmou. dans les années 420, tout en se manifestant fréquemment devant l’ecclesia, interviennent aussi en intentant des procès à des adversaires politiques, le plus souvent lorsqu’ils sortent de charge67 : nous examinerons ainsi plus loin les manœuvres qui se déroulèrent autour du procès qui menaça Alcibiade au moment de son départ pour la Sicile en 415. Aux procès intentés à dessein par des adversaires politiques pouvaient s’ajouter ceux qu’intentaient, poussés en sous-main par ces mêmes hommes lorsque ceux-ci ne voulaient pas s’exposer aux dangers d’un procès, des hommes de paille, que l’opinion publique traitait de « sycophantes », car elle leur reprochait de n’agir qu’en vue du gain que leur rapporterait la condamnation éventuelle de l’accusé : les sycophantes en effet, aussi bien qu’à des riches peu connus, pouvaient s’en prendre à des Athéniens qui jouaient un rôle politique de premier plan, comme les stratèges- qui étaient riches, ou même très riches, tel Nicias68. Aristophane s’en prend souvent dans ses comédies aux sycophantes : il cite dans Les Acharniens (v. 703-712), pièce jouée en 425, le cas de Thucydide fils de Mélésias qui, après son retour d’ostracisme et alors qu’il était déjà âgé, aurait été la victime de sycophantes dans un procès en reddition de comptes69.
26Celui qui était visé par ce qui n’était parfois qu’une attaque politique déguisée tentait, dans un premier temps, de riposter lui aussi par un travail de l’ombre, en faisant agir son groupe, ou ses partisans, pour faire abandonner l’accusation. Une somme d’argent était versée à l’accusateur éventuel pour le dissuader de ne pas intenter d’accusation ou, si celle-ci était déposée, pour le persuader de la retirer : les riches Athéniens, devant les risques de procès « détournés », dont ils pensaient qu’ils ne visaient en fait à les atteindre que dans leur richesse ou leur rôle politique, ou dans les deux, recouraient aux services d’individus qu’ils s’étaient attachés le plus souvent financièrement, à la manière de patrons, comme le faisait déjà d’une certaine manière Cimon, au niveau des gens de son dème. On pensera non seulement à Nicias, mais surtout à Criton, l’ami de Socrate, dont la richesse faisait une proie de premier ordre, en dépit de son relatif retrait de la vie publique (Xénophon, Les Mémorables, 2, 9). Les sycophantes, pour gagner leur vie, attendaient autant des profits du chantage que de la part d’amende qui leur revenait en cas de condamnation de l’accusé. A la somme d’argent versée directement au sycophante s’ajoutait la pression intimidante de l’hétairie rassemblée derrière celui qui intervenait au nom de tous, car le soutien mutuel en cas de procès était l’un des objectifs principaux de ces groupes — même si la pression de l’hétairie, en cas de procès devant l’Héliée, se manifestait de manière plus insidieuse que lors des votes à l’ecclesia, où elle se manifestait directement, pesant par sa seule présence, comme le fit l’hétairie d’Alcibiade au printemps 415 (Thucydide VI, 13, 1). Les menaces pouvaient même être le seul argument : ainsi, dans un contexte très particulier il est vrai, puisqu’il s’agit de l’affaire de la mutilation des hermès, mais qui donne pourtant des indications sur les moyens auxquels pouvaient recourir ceux qui craignaient un procès. Andocide alité reçoit la visite de deux de ses hetairoi, Euphilétos et Mélétos, qui lui conseillent de ne rien révéler de ce qu’il sait : « Si tu trouves bon de te tenir tranquille et de te taire, nous serons amis comme auparavant ; sinon, notre inimitié te fera plus de mal que tu ne trouverais de profit à gagner des amis en nous dénonçant » (Sur les Mystères (I), 63). Cadeaux, menaces, tels étaient les moyens utilisés d’abord pour faire repousser une accusation imminente. Si finalement le procès avait lieu, les membres du groupe tentaient de créer dans la cité un sentiment favorable à l’accusé, qui ne pourrait manquer d’influencer les héliastes appelés à siéger ; l’accusé lui-même, renonçant aux tractations de l’ombre, pouvait appeler à témoigner ses proches (Aristophane. Guêpes, v. 568-573 ; Ps. Lysias. Pour Polystratos (XX), 34-35). La corruption du jury était plus difficile lorsque l’accusation était effectivement intentée — mais elle était plus facile au ve siècle qu’au ive, où l’affectation des jurys à tel ou tel tribunal était faite le jour même70. On connaît par la Constitution des Athéniens, 27, 5, le cas du stratège Anytos, auquel avait été intentée, en 409, une eisangélie pour avoir perdu Pylos, et qui aurait obtenu son acquittement après avoir corrompu le jury : mais notre ignorance de l’identité de l’accusateur, en même temps que l’absence apparente de rival sur lequel Anytos aurait pu faire retomber sa faute, cantonnent au champ strictement judiciaire la manœuvre par laquelle Anytos fut acquitté71. Il a pu arriver enfin, et le cas est extrême, qu’un accusé, ou son groupe, décident de se débarrasser d’une accusation gênante par l’assassinat de l’accusateur72 : nous aborderons plus loin les complots visant à l’assassinat d’adversaires politiques.
27Les procès, dont l’enjeu était souvent l’exil ou la peine capitale, étaient donc la meilleure occasion, dans le champ politique, pour provoquer la chute d’un rival, même en déformant la vérité ou en opérant des amalgames. C’est ainsi qu’Alcibiade fut victime, en 415, de la coalition de gens auxquels il faisait de l’ombrage, lui qui, pour s’imposer, avait toujours préféré les débats au grand jour devant l’ecclesia qui lui permettaient de briller devant la foule73, aux mesquins règlements de comptes qui s’opéraient devant les tribunaux pour détruire des rivaux personnels74. Le scandale créé par la mutilation des hermès semble en effet avoir été exploité avec un remarquable à- propos par les ennemis d’Alcibiade, provenant d’horizons politiques divers, mais unis provisoirement par le désir de mettre fin à la carrière d’un gêneur, dont le comportement privé rendait crédible une accusation d’impiété. Une commission en effet est créée, dès la révélation de la mutilation sacrilège, pour enquêter sur l’éventualité d’autres sacrilèges : elle découvre d’autres actes d’impiété, dans lesquels Alcibiade serait impliqué (Thucydide VI, 28). En dehors de la question de la réalité ou non de la participation d’Alcibiade aux parodies des Mystères d’Éleusis, on est frappé par la rapidité avec laquelle Alcibiade est mis en cause, rapidité qui semble indiquer une volonté préméditée de lui nuire, y compris par des incitations à la dénonciation ou peut-être des dénonciations mensongères. Certains hommes politiques, que le prestige d’Alcibiade empêchait de revendiquer pleinement la prostasia tou dèmou, l’impliquent encore dans la mutilation des hermès ; Alcibiade adjurant ses concitoyens de le faire passer sur-le-champ en jugement, ses adversaires, qui veulent précisément éviter un procès immédiat qui pourrait lui être favorable, montent une coalition : « aussi s’acharnaient-ils à écarter sa manière de voir. Poussés par eux, d’autres orateurs soutenaient que, pour le moment, il devait prendre la mer... On voulait qu’il n’affrontât les débats que ramené à Athènes sur un rappel, à la suite d’un redoublement de calomnies, qui serait plus facile à provoquer, lui absent… » (VI, 29, 3 ; cf. Plutarque, Alcibiade, 19. 5). Le travail de calomnie serait, pensaient-ils, facilité par l’absence, comme il l’était par la procédure sans discours ni accusation officielle de l’ostracisme : un procès qui devait se dérouler en l’absence des soldats athéniens retenus en Sicile, évidemment partisans d’Alcibiade, avait en effet plus de chances de mener à une condamnation qu’un procès qui se serait déroulé avant le départ de l’expédition75. Cette intense activité secrète aboutit à une coalition si forte que celui qui est visé a beau se débattre, il ne peut qu’obtempérer à l’ordre qui lui est finalement donné par le peuple abusé, qui n’y voit pas si loin... Quels étaient ces orateurs qui se déclarèrent dans un second temps contre Alcibiade, nous ne le savons pas précisément, si ce n’est qu’il devait y avoir parmi eux à la fois des démocrates, partisans d’Hyperbolos récemment ostracisé par l’action d’Alcibiade et désireux de prendre leur revanche, et des aristocrates, qui réprouvaient le comportement trop individualiste de l’un des leurs, ou qui, pour certains, étaient encore opposés pour des raisons personnelles et familiales à un membre de la famille des Alcméonides, comme Thessalos, fils de Cimon : Thucydide ne nomme pas les ennemis d’Alcibiade (VI, 28, 2), mais nous savons par ailleurs qu’il s’agit principalement, au début, du dèmagôgos Androclès, qui devait alors être bouleute (Thucydide VIII, 65, 2 ; Plutarque, Alcibiade, 19, 1-3)76, auquel s’adjoignit notamment, peut-être seulement dans un second temps, après les dénonciations faites par Diocleidès et par Agaristè, Thessalos (Plutarque, Alcibiade, 19, 3 et 22, 4), qui déposera contre Alcibiade, en l’absence du stratège parti pour la Sicile, une accusation d’eisangélie, prenant la suite, avec des arguments nouveaux, de celle qu’avait déposée Pythonicos — inconnu par ailleurs, peut-être un proche d’Androclès -, alors qu’Alcibiade était encore présent à Athènes77 : la coalition qui se fixait pour objectif l’élimination politique du gêneur qu’était Alcibiade réunit ainsi provisoirement des gens que l’idéologie séparait en temps ordinaire. Leurs origines diverses font supposer que le travail préparatoire dut s’accomplir à la fois selon le mode de fonctionnement des groupes de convivialité, typiques du mode de vie aristocratique, et par des démarches individualisées au plus près de la population.
28Il est révélateur que la critique adressée pour finir à Alcibiade, presque de manière accessoire, sa manière peu démocratique de se comporter (Thucydide VI, 28, 2 : tèn allèn autou es ta epitèdeumata ou dèmotikèn paranomian), soit en fait l’élément principal de l’accusation, le grief essentiel, que l’on peut rattacher à point nommé à l’accusation précise de participation à la parodie des Mystères qui aurait pour objectif le renversement de la démocratie. On comparera ici, avec leurs résultats respectifs, deux manières de procéder : Alcibiade, attirant l’attention par son mépris des conventions, son désir tout aristocratique de briller (Thucydide VI, 15, 4) et revendiquant, dans sa vie privée, le droit à la différence (Thucydide VI, 16, 4-5 : « ce n’est pas non plus un crime, quand on a de soi une haute opinion, que de se refuser à l’égalité avec autrui... »), n’a pas voulu retenir la leçon de prudence de Périclès qui, craignant de se faire accuser de tyrannie et d’être ostracisé, se faisait discret et veillait à faire parler de lui le moins possible (Plutarque. Périclès, 4, 3 : 7. 1-7 : 13, 10 et 16. 1) : Alcibiade veut agir au grand jour, il refuse la prudence qui serait pour lui dissimulation, ou plutôt conformisme qu’il méprise, car, s’il respecte les institutions de sa cité, il estime que les actes de sa vie privée n’ont pas de répercussion négative, bien au contraire, sur ses actes à l’égard de la cité (Thucydide VI, 16, 1-3 et 6 ; VI 17,1) : il s’oppose donc à l’égalitarisme et réclame le droit de dépasser de la masse anonyme, d’autant plus que son illustration personnelle rejaillit sur la cité78. Alcibiade fascine ses concitoyens et suscite l’intérêt passionné de beaucoup, qui lui sont favorables. Mais la fameuse tolérance des Athéniens pour la vie privée de leurs concitoyens (Thucydide II, 37)79 a ses limites, la méfiance et la jalousie s’en mêlent, Alcibiade provoque le scandale et encourt le reproche d’aspirer à la tyrannie, quand bien même aucun projet d’établissement de la tyrannie ne peut lui être attribué80.
29Davantage peut-être que son comportement privé qualifié d’ « antidémocratique » en raison de ses excès, le décalage entre les actes de la vie privée d’Alcibiade, destinés à le mettre toujours au premier plan et donnant en fait de lui aux Athéniens une image qui dérange, et ses proclamations publiques d’attachement au peuple, provoque un malaise diffus chez les Athéniens et lui attire des détracteurs ardents chez ses rivaux personnels, qui aspirent précisément à diriger le peuple81. Le Contre Alcibiade du Ps. Andocide, composé au début du ive siècle, alors que le personnage d’Alcibiade continue à nourrir la polémique à Athènes, rassemble tous les griefs qui furent adressés à Alcibiade : § 16 : «...il se donne pour le gardien de la constitution, alors qu’il ne consent à être l’égal d’aucun Athénien et qu’une supériorité médiocre n’est pas de son goût » : §19 : «... celui-là montre clairement, comme Alcibiade, qu’il prétend non pas obéir aux lois de la cité, mais vous faire obéir à ses propres caprices ». Les affectations politiques d’Alcibiade, parlant pour le peuple, alors qu’il agirait contre lui. seraient en fait, si l’on suit l’auteur anonyme du Contre Alcibiade, et aussi les adversaires d’Alcibiade en 415, une forme très élaborée de manipulation, qui consiste à faire ce qui est répréhensible au vu et au su de tous, car, dans l’opinion commune, c’est seulement ce qui est accompli dans le secret, manière de faire qui indique les intentions mauvaises des auteurs, qui est effectivement répréhensible82 : Alcibiade, qui a bien failli séduire les Athéniens, exploiterait la crédulité du peuple en violant les lois de manière flagrante, dans ce qui serait le comble de la dissimulation, l’habileté suprême, la manipulation qui consiste à agir sans dissimulation : « Mais les responsables c’est vous, qui ne châtiez pas les auteurs de violences, vous qui êtes sévères à ceux qui font le mal secrètement et pleins d’admiration pour ceux qui se livrent au grand jour à leurs écarts impudents » (§ 21-23), et l’auteur conclut au § 24, exprimant bien l’ambivalence des sentiments des Athéniens fascinés : « Avec cela, certains osent dire que jamais on n’a vu son pareil ». Les adversaires démocrates d’Alcibiade mettent en cause la sincérité des sentiments démocratiques qu’il affiche, et le soupçonnent de manipuler le peuple pour favoriser ses intérêts personnels. En 415, dans le contexte de suspicion générale créé par la découverte du double scandale, ils savent, instruits par la manière dont a été préparé peu de temps auparavant le vote d’ostracisme qui a mené au départ d’Hyperbolos, obtenu par une procédure sans discours, qu’il faut travailler dans l’ombre et que l’absence d’Alcibiade, entraînant nécessairement l’absence d’une réaction de défense, facilitera la diffusion de la calomnie. En effet, l’absence d’Alcibiade, dont la demande de passer immédiatement en jugement a été repoussée, ne permet pas au stratège, comme l’ont escompté ses ennemis, de faire jouer efficacement ses amis politiques contre les dénonciations et les calomnies, qui redoublent de violence après son départ, atteignant son entourage et aboutissant à une nouvelle accusation, à laquelle la cité lui intime cette fois-ci l’ordre de venir répondre sur-le-champ (Thucydide VI, 53, 2 et 61 ; Plutarque, Alcibiade, 20, 4-8 et 21, 7).
30Les sources nous permettent encore de connaître au moins deux cas, à la fin de la guerre, dans lesquels, dans des circonstances dramatiques pour la cité, il semble que certains individus surent utiliser, à l’intérieur du cadre de la procédure en justice, toutes les ressources de la manipulation, pour se sauver eux-mêmes au détriment des autres, ou pour, en supprimant des adversaires politiques, préparer la voie à un changement de régime. Le procès des stratèges vainqueurs au combat naval des îles Arginuses, en 406, fut l’occasion d’affrontements très complexes, en raison du nombre et de la personnalité de ceux qui étaient concernés ; le retournement d’appréciation qui suivit de la part du dèmos fut tel, influençant l’idée que l’on se fit de l’affaire, qu’on ne peut guère se risquer qu’à des suppositions, même si elles ont une forte part de probabilité. L’opinion qui prévalut en tout cas rapidement fut que l’émotivité du dèmos avait été exploitée83 : la question qui se pose est de savoir à quel stade de l’affaire intervint la manipulation et quelle coalition d’intérêts se noua — comme dans l’accusation montée contre Alcibiade en 415. D’après le récit très détaillé de Xénophon dans les Helléniques (I, 7), il semble bien que Théramène, qui pouvait être compromis comme triérarque dans cette victoire coûteuse en vies humaines, où il n’avait pu accomplir, avec Thrasybule, la tâche de sauvetage que lui avaient confiée les stratèges, et handicapé par son passé d’oligarque, sut habilement exploiter l’affaire en conjuguant son action à celle non seulement de ses proches ou de son entourage, auquel appartenait peut-être Timokratès, mais aussi d’Athéniens dont certains étaient d’un tout autre bord politique que lui : parmi eux, le plus notable, Archédèmos, qui lança la première accusation contre le stratège Érasinidès, était l’un des chefs du peuple, un proche de Cléophon ; Callixénos, qui intervint dans un second temps de manière décisive et qui devait par la suite rentrer à Athènes en 403 avec « ceux du Pirée », était sans doute lui aussi un proche de Cléophon, dont on ne saurait dire s’il agissait alors par conviction ou pour le compte d’autres, en sycophante. Théramène réussit à la fois à écarter loin de lui la menace d’un procès, qui était toujours possible même si les stratèges ne le mettaient pas en cause, et à perdre des rivaux politiques. Plusieurs stratèges en effet étaient des démocrates sincères, politiquement éloignés de Théramène, comme Thrasyllos et Diomédon, qui avaient joué un rôle important à Samos en 411 ; ces démocrates pouvaient aussi être liés à Alcibiade, dont s’était éloigné Théramène, ou à des proches d’Alcibiade comme son cousin Euryptolémos, défenseur des stratèges, par l’amitié, comme Diomédon ou Érasinidès, qui avait proposé de récompenser Thrasyboulos de Calydon, l’assassin de Phrynichos84, ou par la parenté, comme Périclès le Jeune. Seul le stratège Aristokratès. qui avait été proche politiquement de Théramène en 411, offrait un profil sensiblement différent : Théramène, si on lui prête effectivement de telles arrière-pensées, n’aurait pas hésité à sacrifier Aristokratès pour obtenir l’élimination de ses rivaux85 par des manœuvres qui exploitèrent l’embarras du dèmos et la douleur des familles. D’après Xénophon, une importante préparation en coulisses, dans laquelle le soutien de son entourage fut déterminant, lui permit d’organiser, profitant de la fête des Apaturies, une manifestation de personnes en deuil, qui se présentaient comme des parents des marins naufragés (Helléniques, I, 7. 8)86 ; cette mise en scène est complétée auprès de l’ecclesia par une intervention individuelle suscitée par Théramène, celle du bouleute Callixénos qui vient à point nommé accuser les stratèges (Helléniques, I. 7. 8-14). Peu après, Callixénos se verra intenter, comme un sycophante, une probolè pour avoir trompé le peuple (Helléniques, I, 7, 35)87 Critias, dans son accusation de Théramène en 403, n’hésitera pas à reprocher à son rival d’être responsable de la mort des stratèges (Helléniques, II, 3, 32), amenant une justification de Théramène (II 3, 35). La procédure suivie, qui veut juger ensemble les stratèges, est illégale : mais la manipulation a été si habile qu’elle obtient même une apparence de légalité démocratique, puisque le peuple déclare vouloir faire ce qu’il veut : «...la foule se mit à crier que c’était une chose abominable si l’on empêchait le peuple de faire ce qu’il voulait » (I, 7, 12) : Théramène, soutenu par son hétairie (Diodore XIII, 101). a su utiliser, pour se sauver peut-être lui-même et, par la même occasion, pour perdre des rivaux (Thrasyllos, Diomédon, Érasinidès,...), la souveraineté du dèmos sur laquelle, 411 l’avait montré, son opinion est mitigée88. Enfin, en mettant de côté toutes les pressions et irrégularités qui caractérisent ce « procès », on remarquera que le choix même de la procédure, l’eisangélie, qui fait juger les accusés par l’ecclesia, facilement influençable, et qui ne leur laisse aucune chance au cas où leur culpabilité serait reconnue, résulte d’un certain détournement de la définition du délit, qui pouvait difficilement être considéré comme un acte de prodosia89.
31Dans les tout derniers temps de la guerre, alors qu’Athènes vaincue à Aigos-Potamoi tente de négocier avec Sparte, se succèdent les procès politiques truqués, suscités par de fausses dénonciations et destinés à éliminer, sous l’apparence de la légalité, les partisans du régime démocratique que certains travaillent à miner de l’intérieur : d’abord Cléophon, puis des stratèges et taxiarques en charge, susceptibles de s’opposer au régime oligarchique, sont victimes de fausses dénonciations faites par des agents des oligarques, suivies d’un procès qui se déroule, dans sa seconde partie, de manière illégale. Cléophon. qui s’oppose à la capitulation alors que la famine sévit dans Athènes assiégée, est accusé au printemps 404 par le bouleute Satyros de Képhissia — qui, sous les Trente, sera le chef des Onze — sous le prétexte de désertion de poste : pour le procès, le greffier Nicomachos fournit à point nommé un texte permettant d’adjoindre aux héliastes, qui auraient dû seuls juger Cléophon et l’auraient vraisemblablement acquitté, les membres de la Boulè, dont un certain nombre sont à cette date partisans de l’oligarchie, afin de le faire condamner plus sûrement : Cléophon est en effet jugé coupable et condamné à mort par ce tribunal nouveau, grâce à une machination à laquelle Théramène, qui a écarté lors du procès des Arginuses plusieurs rivaux potentiels, n’a certainement pas été étranger90.
32Peu après, dans l’été 404. alors que les conditions mises par Sparte à la conclusion de la paix sont connues, c’est au tour de plusieurs stratèges et taxiarques, susceptibles de s’opposer à l’installation de l’oligarchie, d’être arrêtés, grâce à une fausse dénonciation de complot suscitée par leurs adversaires — parmi lesquels a dû compter Théramène : le processus, jusqu’alors légal, par lequel l’ecclesia avait prévu un jugement par un tribunal de l’Héliée, formé de deux mille membres, est interrompu par l’établissement des Trente, qui confient le jugement à la Boulè : déclarés coupables par un vote qui n’est pas secret et qui se fait en présence des Trente, tous les accusés sont condamnés à mort91.
33On ajoutera ici pour finir, en considérant que les Trente menés par Critias prétendent respecter des formes légales, et non recourir aux assassinats politiques plus expéditifs qui avaient préparé l’installation du régime des 400. le simulacre de procès qui atteint Théramène lui-même à la fin de l’automne 404. Les Trente, après un travail de préparation, au cours duquel ils conspirent contre Théramène, l’accusant chacun par des conversations privées auprès des membres du Conseil, convoquent le Conseil, tout en faisant venir des jeunes gens armés : la dissimulation de l’étape préliminaire (Helléniques. II, 3, 23) est suivie dans un second temps du recours à la terreur, qui se couvre cyniquement du voile d’une légalité manipulatrice, lorsque Critias prononce les mots célèbres : « Eh bien, moi, j’efface de la liste Théramène que voici » (Helléniques. II. 3,51 )92.
Les manœuvres dans l’orientation de la politique extérieure
34Pour finir l’étude de cette première partie, nous ne ferons ici que mentionner, car ils concernent autant la politique extérieure, que nous n’étudions pas ici, que la politique intérieure d’Athènes, les effets des intrigues menées par Alcibiade, à Athènes en 420, puis en exil, tant à Sparte qu’auprès des satrapes perses. Dans sa cité, Alcibiade, on l’a vu, revendique en tant qu’individu le droit de dépasser des autres têtes, il refuse le masque du conformisme : cela ne l’empêche pas, pour se faire sa place, lorsque l’occasion s’en présente, de manœuvrer habilement pour ruiner les efforts de son rival Nicias après la paix de 421, en « travaillant » à part les ambassadeurs Spartiates et l’ecclesia athénienne, de manière à parvenir à une alliance avec Argos (Thucydide V, 43-47 ; Plutarque, Nicias, 10, Alcibiade, 14, 3-12 et 15, 1-2)93. Une fois en exil, Alcibiade sait faire preuve, jusqu’à un certain point, d’un type particulier de dissimulation dans le comportement : la nécessité -qui n’existait pas pour lui à Athènes jusqu’en 415 — le condamne, pour survivre, puis espérer l’emporter, à imiter son nouveau milieu, et il en adopte si bien les manières de faire, autant à Sparte qu’en Perse, que Plutarque va jusqu’à le comparer à un caméléon (Plutarque, Alcibiade, 23. 3-5 et 24, 5). Cette capacité d’adaptation, marque de l’intelligence d’Alcibiade, l’exilé en fait preuve encore, même s’il surestime d’abord sa propre influence, dans les tractations qu’il entreprend entre Tissapherne et les Athéniens de Samos dans l’hiver 412/11 (Thucydide VIII, 47-56 ; Plutarque, Alcibiade, 25, 5-14)94.
II. DES OBJECTIFS QUI SE SITUENT EN DEHORS DE LA LÉGALITÉ
35Des individus ou des groupes d’individus qui, en temps normal, jouaient le jeu des institutions démocratiques, ou au contraire se tenaient en retrait, ont. à des périodes bien précises, préparé dans le secret des actions visant à renverser les institutions ; le cadre dans lequel s’élaboraient ces complots était fourni par des hétairies, à l’origine des groupes de convivialité dans lesquels se retrouvaient les « meilleurs », les beltistoi95, auxquels pouvaient s’adjoindre pour la circonstance des citoyens opportunistes ou fluctuants, comme en 411. La dissimulation est l’étape obligée d’un coup d’État : elle est dans les luttes civiles un précieux auxiliaire, elle vaut des guerriers et des navires par l’avantage que donnent l’effet de surprise et l’incertitude : Thucydide (VIII, 68, 4) insiste ainsi sur l’habileté de ceux qui ont préparé la révolution oligarchique de 411, réussie sans aide extérieure : « Il n’est donc pas surprenant qu’une entreprise conduite par tant d’hommes habiles ait pu réussir, malgré les difficultés qu’elle présentait » (trad. D. Roussel).
36Ces complots, depuis celui qui aurait eu lieu en 479, à la veille de Platées, jusqu’à celui qui mena à l’établissement du régime oligarchique des Trente, sont liés à un malaise, provoqué par les difficultés persistantes d’une guerre ou par une atteinte supplémentaire aux intérêts d’un groupe social, si forte que ce groupe refuse de se plier à des règles qu’il estime iniques : se trouvant devant ce qu’il considère comme une impasse politique, il décide de recourir à la clandestinité. Ces complots sont plus nombreux, et en tout cas ils sont les seuls qui réussissent à renverser effectivement le régime, dans les dernières années du siècle : la guerre interminable et ses difficultés en sont la cause principale, mais aussi l’évolution des mentalités, marquées par la relativisation des valeurs traditionnelles effectuée par la sophistique96. Avec l’orateur Antiphon, cerveau de la révolution de 411, ou Critias, le chef des Trente, maîtres dans l’art de l’argumentation contradictoire, la polis est remise en cause comme communauté civique, et le débat est ouvert sur la manière de prendre et de conserver le pouvoir.
II. 1. Les complots pendant les premiers temps de la démocratie
37Plutarque, dans la Vie d’Aristide, 13, est le seul à rapporter un complot d’aristocrates athéniens qui aurait eu lieu en 479, dans le camp de Platées, à la veille de la bataille : l’authenticité de cet épisode peu connu a été mise en doute, car Hérodote ne le mentionne pas, Plutarque ne cite pas précisément sa source97 et les deux Athéniens nommés par Plutarque comme les chefs du complot. Aischinès de Lamptres et Agésias d’Acharnes, ne sont pas connus par d’autres sources littéraires. Cependant, l’absence de traces laissées par ce complot ailleurs que chez Plutarque peut s’expliquer, outre le fait, si l’on met à part Hérodote, que nous ne disposons pas sur les premières décennies du ve siècle d’une documentation abondante, par l’échec de cette conjuration, qui avorte très vite, une fois connue du seul Aristide pour lequel l’intérêt supérieur de la cité est de rassembler et donc de ne faire aucune publicité aux divisions en châtiant les coupables. Il faut en effet reconnaître que, dans l’ambiance générale de la seconde guerre médique, et particulièrement dans les mois d’incertitude qui précèdent Platées, l’idée d’un complot aristocratique ne serait pas déplacée : le médisme reste répandu en Grèce, même après Salamine, et Athènes a grandement souffert des deux invasions perses, celle de Xerxès et celle de Mardonios : or, les Athéniens qui complotent à Platées appartiennent à des familles illustres et riches, la guerre les a ruinés, leur faisant perdre, au bénéfice d’autres, la considération dont ils jouissaient dans la cité. On peut penser que ces aristocrates désespèrent d’une victoire qui, pour eux, viendrait trop tard et qu’ils sont exaspérés par le comportement des autorités athéniennes qui, après avoir repoussé les offres transmises par Alexandre de Macédoine (Hérodote VIII. 143), viennent pour la deuxième fois de refuser avec hauteur les propositions d’alliance de Mardonios (Hérodote EX. 4-5) — alors même qu’elles en font valoir l’intérêt auprès des autorités de Sparte (Hérodote LX, 7). Il est sûr qu’une partie de la population, difficile à estimer, ne serait pas hostile, après l’avantage donné aux Athéniens par la victoire de Salamine, à une négociation avec les Perses : l’affaire du bouleute Lycidas. que rapporte Hérodote (IX. 5), car elle permet d’exalter les sentiments panhelléniques des Athéniens dans l’adversité, montre bien que certains milieux à Athènes étaient prêts à accepter les offres d’alliance du Grand Roi, surtout alors qu’elles venaient d’être renouvelées par Mardonios installé pour la deuxième fois dans Athènes. Hérodote ignore si le conseil d’acceptation donné par Lycidas est dicté par la corruption ou par la sincérité : il est impossible, en l’absence d’autres informations, d’écarter la sincérité, surtout si l’on met en rapport cette affaire avec le complot rapporté par Plutarque. On peut reconnaître dans les aristocrates athéniens de Platées des gens dont la situation personnelle de riches propriétaires terriens a été compromise par la guerre et sans doute aussi par l’évolution récente du régime clisthénien, marquée dans les années 480 par plusieurs ostracismes et par l’orientation nouvelle due à Thémistocle, dont les conséquences à long terme sont déjà envisageables : convaincus de l’intérêt des propositions perses, ils ont décidé de se regrouper après le lynchage de Lycidas qui a montré le refus absolu des Athéniens de toute négociation, et se sont unis par serment pour passer à l’action. Leur objectif est de renverser le régime qui refuse des offres avantageuses et, en cas d’échec, de provoquer le désordre dans le pays pour remettre les affaires aux Perses — qui recherchent des alliés chez les Grecs, particulièrement les Athéniens98, et qui rétabliraient alors leur situation d’autrefois en leur confiant le pouvoir : l’entente avec les Perses en vue d’un intérêt particulier est pratiquée alors par certains Grecs qui en profitent pour dominer dans leur cité sous l’autorité perse, comme le faisaient les tyrans ioniens avant la révolte de 499, et les conjurés avaient par ailleurs l’exemple d’exilés athéniens célèbres, les Pisistratides, pour les encourager99 Le récit de Plutarque a gagné en crédibilité avec la découverte d’ostraka dans les fouilles du Céramique, qui semblent bien montrer que l’un des deux chefs de la conjuration au moins, Agasias, était un personnage en vue à Athènes : la présence d’ostraka, une quarantaine, les uns au seul nom d’Agasias, les autres au nom d’Agasias fils d’Arximachos, d’Agrylè, ou encore au nom d’Agasias de Lamptres, doit s’expliquer par la situation sociale prééminente de cet Agasias, qui justifierait qu’il ait pu apparaître, à son corps défendant, comme un « candidat » à l’ostracisme dans les années 480 et plus encore 470, où se succèdent les votes d’ostracophorie : cet homme — ou l’un de ces hommes, si l’on pense qu’il pouvait y avoir deux Athéniens au moins, portant le même nom. à se trouver dans la même situation — assez connu pour être rejeté par une partie de l’opinion publique athénienne, a de fortes chances d’avoir été le chef de la conjuration de 479. La différence de démotique entre le texte de Plutarque, Agasias d’Acharnes, et les ostraka, Agasias d’Agrylè ou de Lamptres, pourrait s’expliquer, d’une part, par une confusion, commise par Plutarque ou par sa source, entre les démotiques des deux complices, puisque Aischinès est donné par Plutarque comme originaire de Lamptres, et ensuite, si l’on admet qu’Agasias avait lui-même un lien avec Lamptres, par le fait que les Athéniens pouvaient désigner leurs concitoyens illustres par leur dème de résidence, ici le dème urbain d’Agrylè, ou par le dème où ils possédaient des terres, ici le dème rural de Lamptres100. Dans la période 490-470, des accusations de « médisme » et d’amitié pour les tyrans sont parfois portées sur des ostraka : il ne paraît pas étonnant qu’Agasias, le chef d’une conjuration pro-perse en 479, ait été visé lors d’ostracophorie(s) dans les années 470101.
38Un deuxième complot aristocratique, rapporté cette fois-ci par Thucydide (I. 107), fut monté à une autre période marquée par une avancée démocratique dans les institutions. La réforme d’Éphialte, précédée de procès intentés à des aréopagites et suivie de la réforme de l’archontat, désormais ouvert aux zeugites (Constitution des Athéniens, 25, 1-2), et l’ostracisme de Cimon au retour de son expédition à Sparte, en 461, entraînent un profond malaise dans l’aristocratie athénienne, atteinte à la fois dans la situation de prééminence institutionnelle, et donc de supériorité politique, qui était encore la sienne dans la cité, et dans sa traditionnelle laconophilie : l’assassinat d’Éphialte, résultat d’un complot sur lequel la lumière ne put jamais être vraiment faite, témoigne de la profondeur de l’opposition à un homme apparu comme trop rigide et à des réformes ressenties comme partisanes de la part de certains cercles d’aristocrates, qui, refusant l’action politique légale qui leur paraît être une impasse, recourent au meurtre, conçu comme une vengeance ou comme la seule solution pour freiner une évolution ressentie comme négative102. C’est en relation avec ce malaise qui culmine avec un assassinat politique, fait rare dans l’histoire d’Athènes en-dehors de périodes précises de crise comme 411 ou 404, que se situe le complot de 457 : Thucydide donne explicitement comme objectif à cette conjuration aristocratique, qui n’hésite pas, pour restaurer l’entente avec Sparte traditionnelle dans ce milieu, à entrer en relation avec les Lacédémoniens stationnés en Béotie, la volonté d’arrêter l’évolution démocratique du régime et d’interrompre la construction des Longs-Murs : celle-ci en effet, en confirmant la vocation maritime et démocratique des choix de la cité, signifie l’abandon, en cas de guerre avec Sparte, des campagnes où sont situés les biens fonciers de ces aristocrates103. Mais les conjurés, sur l’organisation et la personnalité desquels nous savons très peu, étaient une minorité, car la guerre extérieure, même contre Sparte, fait à ce moment précis resserrer les rangs des citoyens athéniens, y compris des aristocrates laconophiles, fidèles à l’appel de Cimon à Tanagra (Plutarque, Cimon, 17, 4 et Périclès, 10. 1-4).
39Les complots de 479 et de 457 en restèrent au stade de la conception : ils avaient en commun d’avoir été préparés par une aristocratie qui se sentait dépossédée, en position de défense, et qui pourtant ne paraît pas, en dépit des cercles de convivialité dans lesquels elle se retrouvait, s’être dotée encore de l’organisation solide et efficace qui sera la sienne dans les dernières décennies du siècle : les partisans de Thucydide, fils de Mélésias, semblent bien s’être dispersés après l’ostracisme de leur chef, dans les années 440. Tous deux aussi prenaient en compte, même si la nature en était différente, l’appui que pouvait leur apporter une puissance ennemie, la Perse ou Sparte : la prodosia, l’entente avec l’ennemi, était même envisagée, sans que l’on sache très bien jusqu’à quel point les conjurés entendaient la mener. Mais seules les atteintes progressives à leur situation de prééminence et les difficultés dues à une longue guerre, avec l’évolution des mentalités, qui lient, pour quelques-uns, la cité et ses lois aux intérêts de certaines catégories sociales de la cité, encourageant de multiples luttes civiles à l’intérieur même du grand conflit, mettront à même ceux que l’on appellera plutôt alors des oligarques de préparer avec succès le renversement du régime104.
II.2. La préparation de la révolution oligarchique de 411
40Les prémices de la révolution de 411 sont bien connues105 : je voudrais insister ici simplement sur l’effet recherché par certains actes des conjurés et sur la personnalité de quelques-uns des Quatre-Cents, dans la mesure où elle a pu contribuer à la réussite de l’entreprise par le bénéfice que lui apportèrent, dans le cas d’Antiphon, une longue période de réflexion et de discrète influence dans un cercle précis, et, dans celui de Pisandre. au moment du passage à l’action, le trouble jeté par le reniement apparent de tout un passé politique. La conduite des conjurés est, dès le départ, sous le signe du double langage et de la dissimulation : Pisandre, l’un des initiateurs du complot, adapte son langage à ses interlocuteurs, les Athéniens encore en démocratie pleine et entière (Thucydide VIII, 53, 2 à 54. 2). devant lesquels il n’emploie que des termes vagues et ambigus, faisant croire habilement que des mesures modérées de « changement », terme qu’il préfère au mot « oligarchie « jamais prononcé, sont provisoirement nécessaires pour le salut de l’État, mais que les Athéniens pourront toujours plus tard revenir sur celles qui leur déplaisent, ou les membres des sociétés secrètes (VIII, 54, 4), qu’il exhorte nettement à renverser la démocratie. Pisandre n’utilise pas le terme « oligarchie », mais, au § 53, 3, le terme « oligoi » : cependant, la réaction du dèmos, rapportée au § 54, 1, montre bien qu’il ne se laisse pas abuser par le flou que Pisandre est contraint de laisser planer sur son discours, car il serait impossible de proposer ouvertement un régime oligarchique au dèmos athénien106. Viennent ensuite les assassinats politiques d’adversaires bien choisis, qui comptent parmi les éléments les plus importants de la préparation de la révolution oligarchique, car ils visent à inspirer la terreur et à détruire toute velléité de défense : Androclès, l’homme le plus influent devant le peuple, qui avait été un accusateur zélé des hermocopides en 415 — et aussi le principal artisan de la coalition contre Alcibiade, fut peut-être le premier assassiné à Athènes, lors d’une opération secrète (Thucydide VIII, 65) ; mais d’autres assassinats d’adversaires politiques suivirent, tandis qu’à Samos, lors de la tentative simultanée de prise de pouvoir oligarchique, l’assassinat d’Hyperbolos, l’ostracisé. est lui aussi suivi de crimes du même genre (Thucydide VIII, 73 ; Théopompe, dans Jacoby, FGrHist 115)107. Un degré dans la terreur est franchi lorsque sont assassinés, d’une manière ou d’une autre, tous ceux qui osent s’élever contre les propos tenus par les conjurés, tant à l’ecclesia qu’à la Boulé : les meurtres ne sont jamais suivis d’enquête, même s’il y a des soupçons, si bien que l’on s’estime heureux de passer inaperçu (Thucydide VIII, 66. 2). Le calcul qu’ont fait les oligarques est de s’avancer à couvert, la force de la terreur qu’ils inspirent vient de ce que ceux qui sont frappés ignorent d’où est parti le coup : l’incertitude entraîne attentisme et hésitation, les victimes restent comme désarmées, ne pouvant se défendre puisqu’elles ignorent qui les a frappées. Dépeignant l’atmosphère qui règne à Athènes en 411. au moment où se prépare activement le coup d’État oligarchique des Quatre-Cents, Thucydide (VIII, 66. 3-5) attribue ainsi en partie le manque de réaction des Athéniens aux effets de la conduite de dissimulation, savamment dosée avec une politique de terreur, adoptée par les conjurés qui maintiennent le peuple dans l’ignorance et le doute, le persuadant ainsi de son impuissance. La préparation du coup d’État de 411 relève, pour une part, de l’art de la mise en scène, qui vise à créer l’illusion du nombre : « Croyant les conjurés bien plus nombreux qu’ils n’étaient, les gens avaient le sentiment d’une impuissance complète » (VIII, 66, 3, trad. D. Roussel).
41Un programme politique tronqué a été présenté dans un premier temps (Thucydide VIII, 65, 3 et 66, 1) de manière à plaire à la majorité, mais ce n’est qu’une façade : lorsque l’ecclesia, conditionnée psychologiquement par la terreur et l’incertitude, est finalement réunie dans un lieu inhabituel, à Colone, et non sur la Pnyx, le voile est levé : « Dès lors, il n’y eut plus de mystère » (VIII, 67, 3), et le programme est révélé dans sa totalité. Les Quatre-Cents se débarrassent ensuite facilement des bouleutes (VIII, 69), puis s’installent au pouvoir, sans qu’il y ait d’abord de réaction parmi les citoyens (VIII, 70. 1). Seules une habile préparation et une remarquable capacité d’adaptation aux événements ont permis le succès du coup d’État : Thucydide, après avoir passé en revue les principaux auteurs, estime qu’une opération aussi difficile n’a pu réussir que parce qu’elle a été menée par beaucoup d’hommes « intelligents » (sunetoi) (68, 4)108, des hommes qui. en fait, ont su procéder par étapes, en maniant avec subtilité la dissimulation, l’intoxication et la terreur. Auprès des Athéniens de Samos. les Quatre-Cents vont user de même d’une argumentation spécieuse, affirmant qu’ils ont agi pour le salut de la cité et que le pouvoir revient non à quatre cents personnes, mais à cinq mille, nombre jamais atteint auparavant du fait de l’absence d’Athéniens retenus à l’extérieur par la guerre ou d’autres affaires (Thucydide VIII. 72, 1). À la duplicité des 400 participent le non-dit, le détournement du sens des mots et la manipulation des valeurs, issus d’une ambivalence du discours sophistique, détournement caractéristique de la propagande, devenue l’un des éléments des luttes civiles qui avaient jusqu’alors épargné Athènes109.
42Parmi les artisans du coup d’État oligarchique, nous nous intéresserons ici rapidement à ceux qui prirent la décision du changement de régime et surent la faire passer dans les faits sans aide extérieure et sans défaite militaire, en laissant de côté tous ceux, sans doute assez nombreux, qui leur apportèrent le soutien de leurs hétairies pour les basses besognes (Thucydide VIII. 48, 2 ; 54, 4 ; 55, 1-2 ; 56, 57)110. Le premier est évidemment Antiphon. le théoricien du mouvement, pour lequel Thucydide exprime son admiration (VIII, 68,1), et auquel il attribue l’organisation de toute l’opération. Antiphon diffère de ses compagnons par l’ancienneté de ses convictions, oligarchiques depuis toujours, qui expliquent que, jusqu’en 411, il ait pratiqué l’abstention vis-à-vis du régime démocratique, se tenant dans l’ombre, s’opposant en tous points au citoyen qui parle ouvertement devant l’ecclesia : le retrait n’empêche pas la science et l’éloquence, et Thucydide nous dit qu’« il n’avait pas son pareil pour aider les gens qui, avant d’affronter un adversaire devant les tribunaux ou à l’Assemblée, venaient lui demander conseil » (trad. D. Roussel). Seule la conjonction, grâce aux circonstances difficiles pour Athènes en 411, avec un homme comme Pisandre, lui permet d’entreprendre une action efficace contre le régime démocratique111. Les autres oligarques de premier plan, à la différence d’Antiphon, s’étaient tous impliqués à des degrés divers dans les institutions démocratiques, comme stratèges ou triérarques, si bien qu’ils opèrent apparemment en 411 un retournement politique : Pisandre, qui avait en 415 enquêté dans l’affaire des hermocopides, qui s’était montré un démocrate ardent, que certains Athéniens plaçaient peut-être politiquement sur le même plan qu’Hyperbolos et que Cléophon, fut le partisan de l’oligarchie le plus actif et le plus énergique (VIII, 68, 1), celui qui, se mettant le plus en avant, était en quelque sorte le chargé des « relations publiques » des conjurés : de lui, on pouvait penser ce que dit Thucydide, sondant les pensées de la foule (VIII. 66. 5) : « Dans le peuple, en effet, tous s’abordaient avec suspicion, au cas où l’autre aurait part aux événements. De fait, il y en avait bien là dont on n’eût jamais cru qu’ils donneraient dans l’oligarchie ; et ce sont eux qui portèrent à son comble la défiance dans les rapports à l’intérieur de la masse et qui contribuèrent le plus à la sécurité des oligarques, en leur permettant de compter sur cette défiance du peuple envers lui-même. »112. Pour quelle raison Pisandre passa-t-il d’un bord à l’autre ? Au lendemain du désastre de Sicile, devant la situation catastrophique de la cité, a-t-il éprouvé lassitude et exaspération devant les contraintes financières de la guerre pesant sur les plus riches comme triérarques (Thucydide VIII, 47-48), s’est-il résolu à ne plus travailler pour d’autres que lui-même (VIII, 63, 4), se refusant désormais, en particulier, à rendre des comptes au dèmos ? L’intérêt a pu rejoindre la conviction que la victoire, donc le salut pour la cité, nécessitait, tant étaient préoccupantes les difficultés financières depuis 413, un changement de régime qui permettrait d’obtenir le soutien perse (VIII, 48, 53 et 54, 1-3). La proposition d’Alcibiade. changement de régime contre subsides perses, n’aurait finalement qu’aidé à faire passer dans les actes un raisonnement politique déjà bien avancé, selon lequel le régime démocratique constituait un obstacle à la victoire : l’argument « choc » de Pisandre devant l’ecclesia, sur lequel il revient inlassablement, est que l’urgence doit faire passer le salut, c’est-à-dire la victoire, avant les institutions — d’autant plus que rien n’est irréversible et que rien n’empêche, affirme-t-il, de revenir en arrière lorsque l’on a obtenu ce que l’on désirait. Une fois mis en route le processus qui correspondait à sa nouvelle vision des choses. Pisandre pouvait s’accommoder de la mise à l’écart d’un Alcibiade dépourvu d’influence réelle sur les Perses (VIII, 56, 5 et 63, 4)113. Le changement d’itinéraire politique de Phrynichos semble, quant à lui, dicté presque tout entier par la nature de ses rapports avec le même Alcibiade, auquel il s’est d’emblée opposé, en venant même à trahir, par un incroyable jeu d’intrigue, le camp athénien auprès du navarque Astyochos (Thucydide VIII, 68,3) : Alcibiade se retrouvant finalement du côté des Athéniens démocrates de Samos. Phrynichos, qui a trahi et qui se sait dévoilé auprès d’Alcibiade, n’a d’autre choix, en raison d’un conflit privé et devant l’échec de ses machinations, que de s’employer avec ardeur pour l’oligarchie114. Quant au dernier, Théramène (VIII, 68,4), auquel le rôle éminent de son père Hagnon dans les affaires d’Athènes dès les années 430 et jusqu’en 413, où Hagnon fut désigné comme l’un des dix probouloi, assurait une certaine notoriété avant même sa première élection comme stratège en 411, il a joué jusqu’alors lui aussi le jeu de la démocratie, sans être jamais encore intervenu au premier plan. Après avoir pris, semble-t-il, une part non négligeable dans l’établissement du régime nouveau grâce à son éloquence devant le peuple rassemblé à Colone, il est rendu insatisfait devant la tournure des événements qui ne voient pas le retour d’Alcibiade à Athènes et se signale plus tard par sa contribution à l’ébranlement du régime des 400 ; avec habileté, voire opportunisme, il manœuvrera, nous l’avons vu, lors du procès des stratèges vainqueurs aux Arginuses en 406 et joue un rôle majeur lors du régime oligarchique des Trente, à l’établissement duquel il a contribué, mais à l’intérieur duquel il se singularise rapidement, voulant attribuer le pouvoir aux hoplites, à la différence des extrémistes menés par Critias face auquel, accusé de versatilité, il revendique la cohérence de ses convictions modérées (Xénophon, Helléniques, II, 3, 45-49)115.
III. UNE RÉPONSE DE LA CITÉ AU COMPORTEMENT DE DISSIMULATION
43Le dissimulateur, qui pratique Fart de la tromperie, de la parole en coulisses, qui vise à créer une illusion, à l’opposé de l’orateur qui, le front ceint d’une couronne pour parler en public, se doit de dire la vérité devant les hommes et les dieux, est généralement blâmé par les auteurs anciens, pour lesquels ruse et fourberie sont l’apanage des lâches. Néanmoins, la dissimulation, condamnée moralement lorsqu’elle est tournée vers un objectif considéré comme mauvais, peut être admirée lorsqu’elle apparaît comme une marque d’intelligence : habileté et souplesse sont alors l’apanage des faibles, qui leur permet de se protéger d’abord, puis de l’emporter sur de plus forts, dépourvus de capacité de raisonnement. Les tragédies, dans lesquelles les personnages recourent souvent à la ruse, montrent l’ambivalence du jugement porté sur la dissimulation. Si la fourberie de Clytemnestre à l’égard d’Agamemnon, annonciatrice de son crime, est éminemment condamnable, il en va autrement dans l’Hélène d’Euripide, où l’héroïne de la pièce envisage de recourir à la technè pour échapper à la garde injuste de Théoclymène (v. 1091 : technômenè) ; dans le Philoctète de Sophocle, pièce jouée en 409, l’opposition essentielle entre le droit et le torse doit être dépassée, car c’est même une obligation pour le loyal Néoptolème de s’emparer par ruse de l’arc de Philoctète, au point que le refus de recourir à la dissimulation le ferait considérer comme un traître par les autres Grecs (v. 94). Il n’empêche que la dissimulation — comportement dont les Athéniens viennent de subir les résultats pernicieux en politique —, même dans les cas où elle est une nécessité, reste affectée d’une connotation négative116 : car on recourt à la dissimulation non seulement par faiblesse, mais aussi parce que, souvent, on est lié à la personne contre laquelle on veut agir : ainsi, Néoptolème se trouve pris dans un conflit de devoirs entre ce qu’il doit à l’armée grecque et ce qu’il doit à Philoctète. Ulysse lui-même a ses détracteurs, malgré l’admiration qu’inspire sa mètis jamais à court d’inventions — et le personnage historique qu’on pourrait lui comparer. Thémistocle, souffre aussi, chez certains de ses historiographes antiques, malgré sa gloire, de l’image négative d’un fabricant de stratagèmes.
44La communauté civique a bien conscience que toutes les pratiques de dissimulation visent à fausser son jugement et, en fin de compte, à entraver le fonctionnement normal des institutions : d’où l’existence de mesures destinées à lutter contre ces pratiques. Nous ne nous attarderons pas ici sur la répression de la corruption et de la sycophantie, qui constituaient des délits théoriquement bien identifiables (Constitution des Athéniens, 43. 5 et 59, 3) — encore que des adversaires politiques pouvaient peut-être facilement s’accuser mutuellement de ces pratiques117. Nous évoquerons plutôt, à propos du vote d’ostracisme de 416 qui frappa Hyperbolos, l’évolution de l’ostracophorie : mesure qui était déjà tombée en désuétude en 416, puisqu’elle n’avait plus frappé personne depuis une génération, l’ostracophorie. qui n’avait jamais atteint, à l’exception d’Hyperbolos, que des membres des grandes familles, était affectée d’une forte valeur symbolique qui en empêchait l’abolition dans un régime démocratique où l’on se méfiait toujours, en 337118, de possibles intrigues visant à l’établissement de la tyrannie119 : on continuait donc à proposer au peuple, à l’assemblée principale de la sixième prytanie, un vote d’ostracisme (Constitution des Athéniens, 43, 5), même si cette institution obsolète avait laissé la place dans les faits à des procédures mieux adaptées à l’évolution du régime et permettant de frapper plus sûrement des adversaires politiques, comme la graphè paranomôn, dont la plus ancienne attestation remonte à 415 et qui, comme l’ostracisme en son temps, passait pour une procédure caractéristique du régime démocratique qu’elle était destinée à protéger120. Le grand nombre de procès politiques que connaît Athènes à la fin du ve et au ive siècle, avec des tractations souterraines qui nous échappent pour beaucoup, est en fait une manifestation de la vie qui caractérise un gouvernement démocratique avec de fréquentes consultations populaires, à l’opposé de l’immobilisme d’un régime oligarchique étroit.
45La cité confie à ses membres le soin de veiller sur ses lois ; elle leur confie aussi celui de veiller sur son autorité et sur son existence même. Après la rupture du consensus qui avait précédé la guerre du Péloponnèse, les luttes politiques aiguës, puis la crise de 411 font prendre conscience à la cité du danger que représentent pour elle tous ceux qui travaillent dans l’ombre, les comploteurs : à la méfiance qu’exprime dans la tragédie le chef. Agamemnon, face à l’homme seul, Ajax, qui attaque de nuit, par ruse, parce qu’il refuse, tel un kakos, l’arrêt rendu et met ainsi en péril la stabilité des lois (Sophocle. Ajax (en 438 ?). v. 47, 1071-1072, 1244-1247), répond, dans un registre certes différent, et avec des arrière-pensées qu’il est nécessaire de préciser selon la date de la pièce et selon l’identité de la personne qui parle, dans les comédies d’Aristophane, la hantise du complot et de la tyrannie, maintes fois exprimée (Les Cavaliers, v.236, 257, 452, 476-478. 628, 862 ; Les Guêpes, v.345, 417, 464, 483-507, 953, 1373-1383 ; Les Nuées, v. 991 ; Les Thesmophories, v.331-371 — à propos d’Alcibiade)121. La dissimulation est condamnée sans ambiguïté lorsqu’elle est tournée contre la communauté civique. Les Athéniens de Samos, en 411, déclarent vouloir traiter les oligarques en ennemis et refuser de leur envoyer des hérauts (Thucydide VIII, 75, 2) : il ne faut pas entretenir de rapports officiels avec des gens qui ne respectent pas les règles, avec des gens qui agissent de manière dissimulée et ne se déclarent ouvertement que lorsque leur coup est fait. Critias, dont la carrière politique avait jusque-là été quelque peu fluctuante et qui sait bien de quoi il parle, condamne sans appel, au moment où la division apparaît entre les Trente, le comportement de Théramène, dont il voit le danger pour ses amis politiques : « Aussi n’est-ce pas comme adversaire (echthros) seulement, mais encore comme traître (prodotès) vis-à-vis de vous et de nous qu’il doit être puni. Et même, la trahison (prodosia) est plus dangereuse que l’hostilité (polemos), dans la mesure où il est plus difficile de se garder de l’invisible (aphanes) que de l’apparent (phaneron), et plus haïssable, dans la mesure où, avec leurs ennemis (polemioi), les hommes font des traités (une fois la guerre finie) et leur rendent leur confiance, tandis qu’avec un traître (prodidôn) pris sur le fait, personne ne veut jamais faire de convention ni lui donner sa confiance pour l’avenir » (Xénophon. Helléniques, II, 3, 29).
46La gravité d’un danger qu’elle risque de ne pas voir venir explique la sévérité de la cité, méfiante envers ceux qu’elle soupçonne d’agissements secrets : elle reprend en 410, dans le contexte de la restauration démocratique, la législation ancienne dirigée contre ceux qui cherchent à « faire tort » (adikein) à la cité : le décret de Démophantos contre la dissolution de la démocratie, qui aurait été adapté de lois antérieures, ordonne, sous serment, de tuer celui qui renverserait la démocratie, ou exercerait une magistrature après le renversement de la démocratie, et exempte de toute souillure le meurtrier122. Le concept archaïque d’atimia, qui mettait hors-la-loi celui qui était frappé de cette peine, est adapté au ve siècle par l’ordre de tuer le coupable et l’exemption de souillure accordée au meurtrier123. On notera que ceux des oligarques de 411 qui furent par la suite jugés, sous le régime des Cinq Mille, furent accusés seulement de trahison (prodosia), car la subversion de la démocratie (katalusis tou dèmou) est pour la première fois nettement formulée comme crime par le décret de Démophantos en 410 lors de la restauration de la pleine démocratie124.
47Le décret de Démophantos frappe par l’importance accordée au soupçon et par le caractère expéditif de la peine. La loi primitive portée contre la tyrannie (Constitution des Athéniens, 16, 10) visait non seulement ceux qui avaient établi la tyrannie, mais aussi ceux qui cherchaient à l’établir : l’individu pouvait être puni avant même que son crime soit commis, sur une simple intention -qui pouvait être mal interprétée ou être déformée à dessein. Le soupçon de crime est puni, au même titre que le crime avéré, car, l’expérience faite par les Athéniens avec Pisistrate l’a montré, un tyran installé au pouvoir est difficile à faire tomber : la prévention joue donc un rôle essentiel dans le cas des tentatives de renversement du pouvoir établi — Lycurgue, dans le Contre Léocrate, insistera, en amplifiant, sur son importance125. Le décret de Démophantos qui représente, en justifiant la mort par le seul fondement du soupçon, une grave menace pour des innocents, pose, en lui-même et plus largement, la question de la liberté de parole dans la cité démocratique et du comportement politique à adopter, prudence à la Périclès ou provocation à l’Alcibiade ; il renvoie à une question plus vaste, celle de la souveraineté du dèmos, tout-puissant pour punir ceux qu’il suspecte d’arrière-pensées126. Dans ce décret, qui sera tel quel en vigueur jusqu’en 403127, la personne simplement soupçonnée d’agissements contre l’État est non seulement dans l’impossibilité absolue de se défendre, en l’absence d’acte d’accusation, mais elle risque en outre une peine irréversible, la plus forte qui soit, la mort. Le caractère expéditif de la « peine », qui est infligée sans que le « justicier » s’embarrasse de précautions élémentaires, est commun au décret de Démophantos et à l’ostracisme, car, en l’absence d’accusation en forme, toute défense est dans les deux cas impossible. Le décret de Démophantos va cependant plus loin : la procédure d’ostracophorie exigeait la présence de six mille citoyens, et la majorité dégagée par un vote secret infligeait seulement un exil de dix ans. Avec le nouveau décret, n’importe quel citoyen peut impunément assouvir une inimitié privée en mettant en avant le salut de la cité : si l’on transpose le contexte de l’Ostracophorie de 416 en 410, Alcibiade aurait risqué non pas un exil de dix ans, mais la mort, que n’importe quel citoyen aurait pu lui infliger ! D’une certaine manière, le décret de Démophantos prend le relais, comme outil de dissuasion, de la procédure d’ostracophorie, qui, elle aussi fondée sur le soupçon, sur l’intention supposée, avait été, jusqu’en 416. malgré d’incontestables dérives, l’outil destiné à empêcher toute prise de pouvoir tyrannique128 ; mais, tombé en désuétude, et semblant même, après le coup d’État oligarchique de 411, frapper d’une peine trop douce d’hypothétiques coupables, le vote d’ostracisme est remplacé pour un temps, jusqu’en 403, par le décret voté sur la proposition de Démophantos. L’évolution de la législation concernant la prodosia et la katalusis tou dèmou entre 411/0 et 403/2 mène ensuite progressivement à la formulation, ou à la reformulation, de l’eisangeltikos nomos129 ; plus tard, en 337/6, le décret d’Eucratès contre la tyrannie, qui remplace pour peu de temps le nomos eisangeltikos, car Lycurgue, dans le Contre Léocrate, n’en parle pas en 331/0, reprend en partie le décret de Démophantos, mais aussi une législation antérieure130. A la manipulation et à la dissimulation qui avaient caractérisé la préparation du coup d’État oligarchique de 411 répondait ainsi un décret qui permettait de mettre à mort, en toute impunité, le premier suspect venu : adopté dans une situation d’urgence, dans l’idée que la cité doit agir avant d’avoir subi, il devait, il est vrai, être adouci, au-delà même de l’amnistie qui fut proclamée au lendemain des troubles civils en 403, en étant remplacé dans les faits par la loi d’eisangélie qui accordait à l’accusé le droit de se défendre.
Notes de bas de page
1 Dans les rapports entre Athènes et les autres cités, on songera bien sûr à la mètis du Thémistocle de Salamine, contraignant à la lutte par son stratagème Grecs et Perses, ou encore à celle du Thémistocle de la victoire, berçant Sparte de belles paroles pendant que s’édifient à la hâte les remparts d’Athènes. Le comportement de Thémistocle devant la résistance des autres Grecs, qui refusent par crainte après Salamine d’aller détruire les ponts de bateaux sur l’Hellespont, est encore un bel exemple d’adaptation à des circonstances contraires : Thémistocle sait changer de plan, tirer parti d’une décision qu’il ne souhaitait pas, pour la faire tourner ensuite à son profit en s’en attribuant la paternité auprès de Xerxès (Hérodote VIII, 108-110). Thucydide (I, 138) admire la clairvoyance et la pénétration de Thémistocle, qui sait toujours analyser la situation au mieux des intérêts d’Athènes. Mais cette habileté qui est à l’œuvre, dans les rapports entre cités, pour le bien même de l’État, est blâmée lorsqu’elle n’a pour objectif, à l’intérieur de la cité, que le bien d’individus particuliers.
2 Les Athéniens se caractérisent eux-mêmes comme appréciant les échanges oratoires : cf. Thucydide iii, 37-38 ou Euripide, Ion, v. 670-672. Sur la parrhèsia, marque de l’Athènes péricléenne, voir Wallace (R.W.), « Private Lives and Public Enemies : Freedom of Thought in Classical Athens », dans Boegehold (A.L.) et Scafuro (A.C.), éd., Athenian Identity and Civic Ideology, Baltimore-Londres, 1993, p. 127 ; Fouchard (A.), Aristocratie et Démocratie, Idéologies et sociétés en Grèce ancienne, Paris, (Annales Littéraires de l’Université de Franche-Comté, 656),1997 (sera cité sous la forme Fouchard, Aristocratie et Démocratie), p. 194-198 ; sur la parrhèsia dans la comédie, cf. Ehrenberg (V.), The People of Aristophanes, A Sociology of Old Attic Comedy. Oxford, 1951, p. 347-351. Sur l’isègoria et sa date d’apparition, voir Ostwald (M.), From Popular Sovereignty to the Sovereignty of Law, 1986 (sera cité sous la forme Ostwald, Popular Sovereignty), p. 203. Sur l’éloquence politique à Athènes, principalement au ive siècle, cf. Ober (J.), Mass and Elite in Démocratic Athens, Rhetoric, Ideology and the Power of the People, Princeton University Press, 1989.
3 Cf. Sinclair (R.K.), Democracy and Participation in Athens, Cambridge, 1988 (sera cité sous la forme Sinclair, Democracy and Participation), p. 20-23.
4 On trouvera une intéressante étude du vocabulaire de l’opposition politique, qu’elle soit ouverte ou qu’elle soit secrète, à la fin du ve siècle, à propos de Lysias, dans l’article de Bearzot (C.), « La terminologie dell’opposizione politica in Lisia : interventi assembleari (enantioûmai, antilegô) e trame occulte (epibouleuô) », dans Sordi (M.), éd., L’opposizione nel mondo antico (Contributi dell’Istituto di storia antica, 26), Milan, 2000, p. 121 -134.
5 Cf. Connor (W.R.). The New Politicians of Fifth Century Athens, Princeton, 1971 (sera cité sous la forme Connor, The New Politicians), p. 27.
6 Cf. Aurenche (O.), Les groupes d’Alcibiade, de Léogoras et de Teucros, Remarques sur la vie politique athénienne en 415 avant J.-C., Paris, 1974 (sera cité sous la forme Aurenche, Les groupes d’Alcibiade). p. 44-47.
7 Sur la rupture de Périclès avec le mode de vie aristocratique, typique des hétairies, que rapporte Plutarque, Périclès. 7, 5-7, cf. Connor, The New Politicians. p. 119-133. Le cas de Nicias est moins clair : Plutarque, Nicias, 5, 9,5 et 11,5, dit qu’il évitait les banquets, mais aussi qu’il possédait une hétaine : cf. Aurenche, Les groupes d’Alcibiade, p. 47-48 et 77. Rhodes (P.J.), « Political Activity in Classical Athens », JHS, 106 (1986), p 139, distingue l’hétaine aristocratique traditionnelle, caractérisée par les banquets et les intrigues politiques, et les groupes de partisans, acquis de manières diverses, qu’un homme politique pouvait utiliser comme agents.
8 Sur les prostatai tou dèmou de la fin du siècle, comme Cléon et Hyperbolos, voir Connor. The New Politicians, p. 28-30 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 199-229, qui souligne que les prostatai tou dèmou utilisaient aussi comme moyen politique privilégié, à côté de leurs interventions devant l’Ekklésia, les poursuites devant les tribunaux.
9 Les liens entre hetairoi, toujours forts, se resserrent encore en période de troubles : parlant des luttes civiles en Grèce, Thucydide III, 82, 6, insiste sur le fait que les liens de compagnonnage passent alors même avant la parenté : « En vérité, la parenté même devint un lien moins étroit que le parti — to hetairikon — où l’on était prêt davantage à oser sans détour ».
10 Pour une étude du vocabulaire concernant les groupes politiques, voir Calhoun (G.M.), Athenian Clubs in politics and litigation, 1913, réimpression anastatique Rome, 1964, (sera cité sous la forme Calhoun, Athenian Clubs), p. 4-9 ; Hatzfeld (J.), Alcibiade, Étude sur l’histoire d’Athènes à la fin du ve siècle. Paris, 1951 (sera cité sous la forme Hatzfeld, Alcibiade), p. 110- 13 ; Aurenche, Les groupes d’Alcibiade, p. 9-43 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 354-357. On consultera aussi sur le rôle des hétairies en général Sartori (Fr.), Le eterie nella vita polilica ateniese del vie v secolo a. C, Rome, 1957 (sera cité sous la forme Sartori, Le eterie), p. 17-33 ; Connor, The New Polilicians, p. 25-32, 70-71 ; Donlan (W.), The Aristocratie Ideal in Ancient Greece. Attitudes of Superiority from Hower to the End of the fifth Cenluiy B.C., Lawrence, Kansas, 1980 (sera cité sous la forme Donlan, The aristocratie ldeal), p. 155- 168 ; Murray (O.), « The Affair of the Mysteries : Democracy and the Drinking Group », dans Murray (O.), éd., Sympotica, A Symposium on the Symposion, Oxford, 1990, p. 149-161 ; Fouchard, Aristocratie et démocratie, (1997), p. 447-457 ; Siewert (P.), « Il ruolo di Alcibiade nell’ostracismo di Iperbolo », dans Luppino-ManeS (E.), (éd.), Aspirazione al consenso e azione politica in alcuni contesti di fine v sec. a. C. : il caso di Alcibiade, Seminario interdisciplinare, Cattedre di Storia Greca e di Epigrafia Greca, Chieti, 12-13 marzo 1997, Turin, 1999 (sera cité sous la forme Siewert, « Il ruolo di Alcibiade »), p. 19-27 ; Bearzot (C.), « Gruppi di opposizione organizzata e manipolazione del voto nell’Atene democratica », dans Sordi (M.), éd., Fazioni e congiure nel mondo antico (Contributi dell’Istituto di storia antica, 25), Milan, 1999, p. 265-307 : l’auteur, insistant p. 271, sur le fait que les activités secrètes des hétairies avaient plutôt pour objectif une activité antidémocratique, s’intéresse surtout au rôle de préparation des hétairies dans les renversements du régime démocratique en 411 et en 404 ; MCGlew (J.F.), « Politics on the Margins : the athenian hetaireiai in 415 B.C. », Historia, 48(1999), p. 1-22.
11 Cf. Calhoun, Athenian Clubs, p. 7-9 ; Sartori, Le elerie, p. 53-54 ; Heftner (H.), Der oligarchische Umsturz des Jahres 411 v. Chr. und die Herrschaft der Vierhundert in Athen, Quellenkritische und hislorische Unlersuchungen, Vienne, 2001 (sera cité sous la forme Heftner, Der oligarchische Umsturz), p. 65-67
12 Sur la sollicitation personnelle des suffrages, cf. Staveley (E.S.), Greek and Roman Voting and Elections, Londres, 1972 (sera cité sous la forme Staveley. Voting and Elections), p. 105-108, qui renvoie aux vers 337-342 d’Iphigénie à Aulis, dans lesquels Ménélas dépeint le comportement d’Agamemnon, désireux d’obtenir le commandement en chef de l’expédition contre Troie : « Tu serrais les mains à la ronde, ta porte était ouverte à tout venant parmi tes compatriotes, tu adressais la parole à tous, l’un après l’autre, qu’ils en aient envie ou non ».
13 Cf. Constitution des Athéniens, 27,3 ; Plutarque, Nicias, 3 ; Thucydide VI. 16, 3. Sur la recherche ouverte de partisans par les riches Athéniens qui assumaient des liturgies, voir Rhodes (P.J.), « Political Activity in Classical Athens », JHS, 106 (1986), p. 136-138.
14 Cf. Aurenche. Les groupes d’Alcibiade, p. 35, sur le terme employé et sur le détournement que fait Pisandre des ligues existantes.
15 Le mode de répartition des citoyens à la Pnyx, qui est discuté, semble en fait n’avoir obéi à aucune règle : les citoyens pouvaient s’asseoir au hasard, ou se regrouper, régulièrement ou occasionnellement, par affinités politiques. Voir à ce sujet Staveley, Voting and Elections, p. 81 ; Hansen (M.H.), « The Athenian Ecclesia and the Assembly-Place on the Pnyx », GRBS, 23 (1982), p. 241-249 (repris dans The Athenian Ecclesia. A Collection of articles 1976-83, Copenhague, 1983, p. 25-34) ; id., La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Structure, principes et idéologie, Paris, 1993 (sera cité sous la forme Hansen, La Démocratie athénienne), p. 168-169 ; Ruzé (Fr.), Délibération et pouvoir dans la cité grecque, de Nestor à Socrate, Paris, 1997 (sera cité sous la forme Ruzé, Délibération et pouvoir), p. 402-403, 407-408. Sur l’influence exercée sur les citoyens indécis lors des votes de l’ecclesia par les groupes organisés qu’étaient les hétairies, voir Staveley, Voting and Elections, p. 106-107.
16 La capacité de savoir exposer clairement ses idées en public est présentée par Périclès (Thucydide II, 60, 5-6) comme l’une des qualités indispensables de l’homme d’État Les sophistes, dans les dernières décennies du ve siècle, déclarent enseigner cette science : cf. Platon. Protagoras, 318e- 319a. Ruzé, Délibération et pouvoir, p. 433-434, soulève la question du niveau d’instruction du citoyen ordinaire et souligne le rôle joué par l’enseignement sophistique dans la formation de certains orateurs, à côté de l’expérience essentielle de la chose politique donnée par la participation à la Boulé. Sur l’enseignement rhétorique prodigué par les sophistes à partir des années 420, voir aussi Ostwald, Popular Sovereignty ; p. 237-250. Sur le rôle nécessaire des orateurs devant des assemblées qui pouvaient atteindre six mille personnes, voir Hansen, La démocratie athénienne, p. 175-176.
17 Seule l’ostracophorie qui aboutit à l’ostracisme d’Hyperbolos nous est rapportée de manière détaillée par des textes : cf infra p. 99-100. Pour un rassemblement des testimonia littéraires sur l’ostracisme, voir Siewert (P.), éd., en coll. avec Brenne (S.), Eder (B.) Heftner (H.) et Scheidei. (W.), Ostrakismos — Testimonien I, Die Zeugnisse antiker Autoren, der Inschriften und Oslraka über das athenische Scherbengericht aus vorhellenistischer Zeit (487-322 v. Chr), (Historia, Einzelschriften 155), Stuttgart, 2002 (sera cité sous la forme Siewert, Ostrakismos), p. 167-478.
18 L’ostracisme athénien a suscité une abondante bibliographie, dans laquelle de nombreux ouvrages traitent de points particuliers Sur l’ostracisme en général, on citera ici simplement Carcopino (J.), L’ostracisme athénien, Paris, 1935 (sera cité sous la forme Carcopino. L’Ostracisme) ;Peek (W.), Kerameikos, Ergebnisse der Ausgrabungen III, Inschriften, Ostraka, Fluchtafeln, Berlin, 1941, p. 51-85 ; Kagan (D.), « The Origin and Purposes of Ostracism », Hesperia, 30 (1961), p. 393-401 ; Willemsen (F.), « Ostraka », MDAI (A), 80 (1965), p. 100-126 ; Thomsen (R.), The Origin of Ostracism, A Synthesis, Gyldendal, 1972 (sera cité sous la forme Thomsen, Ostracism), qui fait le point sur toutes les recherches sur l’ostracisme parues jusqu’alors ; Martin (A.), « L’ostracisme athénien. Un demi-siècle de découvertes et de recherches », REG, 102 (1989), p. 124-145 ; Stein-Holkeskamp (E.), Adelskultur und Polisgesellschaft, Studien zum griechischen Adel in archaischer und klassischer Zeit, Stuttgart, 1989, p. 193-204 ; Lang (M.L.). The Athenian Agora XXV : Ostraka, Princeton, 1990 (sera cité sous la forme Lang, Ostraka) ; Willemsen (F.) et Brenne (S.), « Verzeichnis der Kerameikos-Ostraka », MDAI (A), 106 (1991), p 147-156 ; Schubert (Ch.), Die Macht des Volkes und die Ohnmacht des Denkens, Studien zum Verhältnis von Mentalität und Wissenschaft im 5. Jahrhundert v. Chr, Stuttgart, 1993, p. 20-31 ; Brenne (S.), « Ostraka and the Process of Ostrakophoria », dans Coulson (W.D.E.), Palagia (O.), Shear (T.L.), Shapiro (H.A.) et Frost (F.), éd., The Archaeology of Athens and Attica under the Democracy, Oxford. 1994, (sera cité sous la forme Brenne, « Ostraka »), p. 13-24 ; Dreher (M.), « Verbannung ohne Vergehen, Der Ostrakismos (das Scherbengericht) », dans Burckhardt (L.) et von Ungern-Sternberg (J.), éd., Grosse Prozesse im antiken Athen, Munich, 2000. p 66-77 ; Brenne (S.), Ostrakismos und Prominenz in Athen, Attische Biirger des 5. Jhs v. Chr. auf den Ostraka, (Tyche Suppl. 3), Vienne, 2001 (sera cité sous la forme Brenne, Ostrakismos), qui recense, p 87 à 314, tous les noms inscrits sur les ostraka retrouvés à l’Agora et au Céramique ; Siewert, Ostrakismos ; Forsdyke (S.). Exile, Ostracism and Democracy, The Politics of Expulsion in Ancient Greece, Princeton University Press, 2005, et on renverra, pour des points particuliers concernant la dissimulation en politique, aux n. 19 à 27, 35-42, 52-66 et 100-101.
19 Le type de procédure, d’après lequel chacun devait remettre un tesson inscrit, pose le problème du degré d’instruction des citoyens athéniens, parmi lesquels un certain nombre devaient maîtriser insuffisamment, ou pas du tout, l’écriture, comme tend à le prouver l’anecdote d’Aristide rapportée par Plutarque, Aristide, 7, 7-8 : on peut penser que tous les citoyens analphabètes n’étaient pas nécessairement décidés avant le vote et qu’ils pouvaient, s’ils tombaient sur des concitoyens moins scrupuleux qu’Aristide le Juste, se laisser influencer.
20 Sur la variété des griefs qui peuvent être adressés à ceux dont les Athéniens inscrivent le nom sur un ostrakon, cf. l’article de Siewert (P.), « Accuse contro i " candidati " all’ostracismo per la loro condotta politica e morale », dans Sordi (M.), éd., L’immagine dell’uomo polilico : vita pubblica e morale nell’antichità (Contributi dell’Istituto di storia antica, 17), Milan, 1991, p. 3-14.
21 Cf. Stamtres (F.A.) et Vanderpool (E.), « Kallixenos the Alkmeomd », Hesperia, 19 (1950), p. 376-390 ; Knight (D.W.), Some Studies in Athenian Politics in the Fifth Centwy B.C., (Historia Einzelschriften 13), 1970, p 29 ; Thomsen, Ostracism, p. 95 et 131-133 ; Karavites (P.), « Realities and Appearances, 490-480 B.C », Historia, 26 (1977), p. 142-144 ; Williams (G.M.E.), « Athenian Politics 508/7-480 B.C. : A Reappraisal », Athenaeum, 60 ( 1982), p. 533-544, qui note, comme Thomsen, que la manœuvre n’était pas sans risque et se retourne ensuite contre Thémistocle lui-même ; Welwei (K.-W.), Das klassische Athen, Demokratie und Machtpolitik im 5. und 4. Jahrhundert, Darmstadt, 1999 (sera cité sous la forme Welwei, Das klassische Athen), p. 45-46 ; Brenne (S.), dans Siewert, Ostrakismos, p. 87-91, 142-143 et 156-158. Nous ne sommes vraiment renseignés, par les textes, que sur la campagne, plus ou moins secrète, qui mena à l’ostracisme d’Hyperbolos, sans doute en 416.
22 Cf. infra n. 57, 60 et 66 les renseignements que peuvent apporter les ostraka sur le vote d’ostracophorie qui mena au départ d’Hyperbolos.
23 Sur Callixenos, qui fut visé peut-être en 483, cf. Stamkes et Vanderpool, « Kallixenos », p. 376-390 ; sur la préparation d’un groupe d’ostraka, cf. Lang, Ostraka, p. 66 et 161 ; Brenne, « Ostraka », p. 18, qui rajoute le cas d’un groupe de tessons peints au nom de Callias, fils de Didymias.
24 Cf. Broneer (O.), « Excavations on the north Slope of the Acropolis, 1937 », Hesperia, 7 (1938), p. 212 et 228-243 ; Connor, The New Politicians, p. 25-28 ; Thomsen, Ostracism, p. 88-89 et 95, d’après lequel ce groupe d’ostraka se rattacherait à l’ostracophorie de 486 plutôt qu’à celle de 482 ; Lang, Ostraka, p. 142-161 ; Brenne, « Ostraka », p 18-19.
25 La variété des supports d’argile utilisés et des types d’écriture montre bien l’absence de règle qui caractérisait le premier moment de l’ostracophorie. Une preuve de la liberté laissée aux Athéniens quant à l’origine du tesson qu’ils devaient fournir est apportée par le fait qu’ils n’arrivaient pas nécessairement à l’Agora munis de leur propre tesson : la découverte de tessons jointifs, sur lesquels des noms différents ont été portés par des « mains » différentes, prouve que des tessons trop grands peuvent avoir été cassés et distribués en fragments avant l’ostracophorie entre gens ayant des intentions de vote différentes : cf. Brenne, « Ostraka », p. 20.
26 Il est difficile d’estimer la quantité de tessons qui pouvaient être ainsi préparés, en raison de la difficulté à identifier des « mains » sur des milliers de tessons incisés ou peints, qui ont été retrouvés de manière très dispersée. Le travail d’identification a été facilité par la découverte en un même lieu des tessons de Thémistocle et de ceux de Callixenos : Brenne, « Ostraka », p. 19. Sur la question des « scribes » professionnels, déjà soulevée par Lang, Ostraka, p. 161 et Phillips (D.J.), « Observations on some ostraka from the Athenian Agora », ZPE, 83 (1990), p. 133-148, cf. Brenne, « Ostraka », p. 16-21. Sur la question du degré d’instruction des Athéniens, qui se pose notamment à propos de la procédure de l’ostracophorie, cf. Harvey (F.D), « Literacy in the Athenian Democracy », REG, 79 (1966), p 590-593 ; Staveley, Voting and Elections, p. 89 et 114 ; Lenardon (R.J.), The Saga of Themistocles. Londres, 1978, p. 46-49 ; Lang, Ostraka, 26, p. 102-132 sur les 386 ostraka de l’Agora, p. 142-158 sur les 190 ostraka « préparés » du versant nord de l’Acropole, avec quelques modifications apportées au classement de Broneer, et p. 158-161 pour la comparaison entre les ostraka de l’Agora, travaillés par des « amateurs » — autant de « mains » que de tessons — et ceux du versant nord de l’Acropole, travaillés par un petit nombre de « professionnels » (les ostraka de l’Acropole sont tous incisés ; l’utilisation de l’alphabet suggère que les « mains » du versant nord de l’Acropole possédaient une instruction supérieure à celle des « mains » de l’Agora ; de même, l’écriture, sur les tessons de l’Agora, montre des gens moins avancés ; l’orthographe des ostraka de l’Acropole est généralement moins fantaisiste — ce qui est attendu de la part de gens qui se répètent).
27 Sur l’ostracisme de Cimon, voir Plutarque, Cimon, 17, 3. Les sympathisants de Cimon, présents dans son armée lors de l’expédition de secours à Sparte, devaient être revenus à Athènes avec leur chef. Sur des ostraka, provenant du Céramique et de l’Agora, portant le nom de Cimon, voir Thomsen, Ostracism, p. 83 n. 207, Lang, Ostrak, p. 88-89, Brenne, Ostrakismos, p. 193-195 ; sur Cimon, voir Piccirilli (L.), Temistocle, Aristide. Cimone, Tucidide di Melesia, fra politica e propaganda, Gênes, 1987 (sera cité sous la forme Piccirilli, Temistocle, Aristide), p. 82-89. Les partisans de Cimon ont peut-être essayé de provoquer une dispersion des votes : l’étude des ostraka de ces années montre en tout cas qu’il existait à cette période d’autres hommes politiques qui attiraient sur eux de très nombreux votes pouvant les mener effectivement à l’ostracisme, même s’il faut sans doute écarter ici les nombreux ostraka au nom de Ménon, fils de Ménékleidès, de Gargettos, qui sont plutôt à rattacher à une ostracophorie antérieure, sans doute de 471, d’après la datation proposée par Brenne pour le grand dépôt du Céramique : cf. Raubitschek (A.E.), « Menon, son of Menekleidès », Hesperia, 24 (1955), p. 289 ; Thomsen, Ostracism, p. 83-84 et 93 ; Lang, Ostraka, p. 96 ; Brenne, Ostrakismos, p. 38, 235-237 et 407 ; id., dans Siewert, Ostrakismos, p. 120-128
28 Cf. Piccirilli (L.), Efialte, Gênes, 1988, p. 71-78 ; Rihll (T.E.), « Democracy denied : why Ephialtes attacked the Areiopagus ? », JHS, 115 (1995), p. 87-9.
29 L’assassinat d’Ephialte, après le départ de Cimon, est le signe d’une impasse politique : cf. infra p. 119-120 D’après Plutarque, Périclès, 11, 2-3, Thucydide, fils de Mélésias, s’emploiera surtout à rassembler les « gens de bien » ; mais ceux-ci seront encore facilement dispersés après l’ostracisme de Thucydide, car la présence d’un chef est essentielle. Sur la dureté des oppositions politiques dans la période qui entoure la réforme d’Ephialte, cf. Raaflaub (K.A.), « Perceptions of democracy in fifth-century Athens », dans Connor (W.R.), Hansen (M.H.), Raaflaub (K.A.) et Strauss (B.S.), éd., Aspects of Athenian Democracy, Copenhague, 1990, p. 33-70 ; sur cette période, et plus généralement sur l’évolution des orientations politiques de la cité au ve siècle, voir Sinclair, Democracy and participation, p. 34-43.
30 Cf. Plutarque, Périclès, 10, 3-5. Sur l’alliance politique conclue alors entre Cimon et Périclès, voir Connor, The New Politicians, p. 58-62 ; sur les ententes entre Ephialte, Périclès et Cimon, voir Piccirilli (L.), « Opposizione e intese politiche in Atene : i casi di Efialte — Cimone e di Pericle — Tucidide di Melesia », dans Sordi (M.), éd., L’opposizione nel mondo antico (Contributi dell’istituto di storia antica, 26), Milan, 2000, (sera cité sous la forme Piccirilli, « Opposizione »), p. 63-67 et 71-72.
31 Cf. infra p. 119-120 sur la crise politique marquée par l’assassinat d’Ephialte et le complot aristocratique de 457.
32 Thucydide aurait regroupé ses partisans, sans doute ceux qui avaient l’idéal et le mode de vie étudiés par Donlan, The aristocratie Ideal, p. 113-180, pour en faire un groupe compact dans les assemblées : cf. Piccirilli, « Opposizione », p. 67-69. D’après Ostwald, Popular Sovereignty, p. 186, cette opposition était surtout une opposition de personnes, touchant notamment à la politique étrangère, plus qu’une opposition aux institutions athéniennes en tant que telles : Thucydide fils de Mélésias ne cherchait pas à établir une oligarchie.
33 Sur le mode de répartition des citoyens à la Pnyx, cf. supra n. 15.
34 Sur l’action judiciaire intentée contre Thucydide, fils de Mélésias, à son retour de Grande Grèce, cf. Piccirilli, Temistocle, Aristide, p. 95-97 ; id., « Opposizione », p. 69-71.
35 Il est possible que les partisans de Thucydide aient tenté de provoquer ou d’augmenter l’éparpillement des voix, en suscitant des votes contre Cleippidès, comme le supposait Hatzfeld, Alcibiade, p. 115, n. 1. En effet, des vingt-quatre ostraka portant le nom de Cleippidès, contre onze au nom de Thucydide, sur les quarante-trois découverts ensemble au Céramique en 1910 et attribuables sûrement à une même ostracophorie, celle qui mena au départ de Thucydide, il faut à présent rapprocher cent-un autres ostraka au nom de Cleippidès, contre quarante-neuf au nom de Thucydide, découverts dans les fouilles du Céramique de 1965 à 1967 : on peut penser que ces ostraka appartenaient à la même ostracophorie : voir Thomsen, Ostracism, p. 82 n. 198 avec bibliographie, et à présent Brenne, Ostrakismos, p. 37 et 197-198 ; id., dans Siewert, Ostrakismos, p. 92-93, qui apporte en même temps un argument à la datation de l’ostracisme par Krentz après 440. Les partisans de Thucydide furent dispersés par Périclès après l’ostracisme : Plutarque, Périclès, 11, 3 et 14, 3 ; cf. Aurenche, Les groupes d’Alcibiade, p. 24. Sur Thucydide, fils de Mélésias, son opposition à Périclès et son ostracisme, voir Wade-Gery (H.T.), « Thucydides, son of Melesias », JHS, 52 (1932), p. 205-227 ; Frost (Fr.J.), « Pericles, Thucydides, son of Melesias, and Athenian Politics before the War », Historia, 13 (1964), p. 385-399 (repris dans Wirth (G.), éd., Perikles und seine Zeit, Darmstadt, 1979, p. 271-289) ; Meyer(H.D.), « Thukydides Melesiou und die oligarchische Opposition gegen Perikles », Historia, 16 (1967), p. 141-154, qui insiste, p 145, sur le fait que, malgré Plutarque. la situation politique avait dû être beaucoup plus tendue lors de l’affrontement Ephialte-Périclès/Cimon, que pendant la période d’opposition entre Périclès et Thucydide ; Thomsen, Ostracism, p. 80 ; Klein (R), « Die innenpolitische Gegnerschaft gegen Perikles », dans Wirth (G.), éd., Perikles und seine Zeit, Darmstadt, 1979, p. 505-509 ; Krentz (P.), « The Ostracism of Thoukydides, son of Melesias », Historia, 33 (1984), p. 499-504 (sur la date de l’ostracisme) ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 185-188 ; Piccirilli, Temistocle, Aristide, p. 93-102 ; Lang. Ostraka, p. 132-133 ; Schubert (Ch.), Perikles. Darmstadt 1994, p. 92-94 ; Piccirilli, « Opposizione »,p. 49-73.
36 Cf. Plutarque, Périclès, 7, 5-7 ; 36, 7 Sur les citoyens « ordinaires », qui intervenaient fréquemment au nom d’hommes politiques importants, cf. Hansen, La Démocratie athénienne. p. 176-177.
37 Cf. Plutarque, Périclès, 7, 1-4. Sur des ostraka au nom de Périclès et de Xanthippe, cf. Thomsen, Ostracism, p. 78 et 93 pour Périclès, p. 80 et 95 pour Xanthippe ; Lang, Ostraka, p 98 pour Périclès, p. 133-135 pour Xanthippe ; Brenne, Ostrakimos, p. 377-379. L’accusation de « tyrannie » était adressée à Périclès, en particulier par l’opposition aristocratique regroupée par Thucydide fils de Mélésias : on en retrouve l’écho, lié à la menace d’ostracisme, qui avait frappé deux membres de la famille de Périclès, dans des comédies, comme certaines de Cratinos (Plutarque, Périclès, 13, 10 et 16, 1-2) : voir à ce sujet Klein, « Gegnerschaft... », p. 506-509 ; Ostwald, Popular Sovereignty ; p. 181-198 ; Schwarze (J.), Die Beurteihmg des Perikles durch die attische Komödie und ihre historische und hitloriographische Bedeutung, Munich, 1971 ; Schubert (Ch.), Perikles, Darmstadt, 1994, p. 5-18 ; Giuliani (Α.), « Riflessi storiografici dell’opposizione a Pericle allo scoppio delia guerra del Peloponneso », dans Sordi (M.) éd., Fazioni e congiure nel mondo antico (Contributi dell’lstituto di storia antica, 25), Milan, 1999, p. 23-40, particulièrement p. 30-33, sur la critique de Périclès olympien par les comiques (sera cité sous la forme Giulianl « Riflessi dell’opposizione.. ») ; Morawetz (Th.), Der Demos als Tyrann und Banalise, Aspekte antidemokratischer Polemik im Athen des 5. und 4. Jahrhunderts v. Chr., Francfort-sur-le-Main, 2000, p. 86-93 ; Κνibβε (k), dans Siewert, Ostrakismos, p. 205-209. Sur l’opposition antidémocratique — ou aristocratique — à Athènes dans la seconde moitié du ve siècle, jusqu’en 411, voir Wolff (H), « Die Opposition gegen die radikale Demokratie in Athen bis zum Jahre 411 v. Chr. », ZPE, 36 (1979), p. 279-302 D’après Plutarque. Aristide, 7, 1-2, l’ostracisme qui frappa Aristide en 483/2, et dans lequel Thémistocle joua un rôle important, s’explique par la jalousie, à laquelle ils donnaient le nom de « haine de la tyrannie », qu’éprouvaient les Athéniens à voir Aristide s’élever au-dessus d’eux.
38 Cf. Piccirilli (L.), Efialte. Gènes, 1988, p. XI.
39 Sur Damon, voir particulièrement Meister (K.), « Damon, der politische Berater des Perikles », Rivista storica dell’antichità, 3 (1973), p 29-45 ; Giuliani, « Riflessi dell’opposizione. », p. 33-36 ; Piccirilli, « Opposizione », particulièrement p. 57-61 ; Wallace (R.W.), « Damon of Oa : A Music Theorist Ostracized ? », dans Murray (P.) et Wilson (P.), éd., Music and the Muses, The Culture of « Mousikè » in the Classical Athenian City Oxford, 2004, p. 249-267 Sur les maîtres de Périclès en général, voir Ostwald, Popular Sovereignty, p.237.
40 Cf. Thucydide VIII, 68 sur la méfiance du peuple à l’égard d’Antiphon ; Constitution des Athéniens, 27, 4 sur la méfiance du peuple à l’égard de Damon. et Plutarque, Nicias, 6, 1, sur la méfiance du peuple à l’égard de Périclès, Damon et Antiphon Sur la mauvaise image du comportement de dissimulation dans la mentalité commune, voir infra p. 109.
41 Sur Mnésiphilos, cf. Hérodote VIII, 57-58, d’après lequel le stratagème de Salamine est l’idée de Mnésiphilos, qu’utilise Thémistocle, et Plutarque, Thémistocle, 2, 6 et 12, 3-4, d’après lequel Thémistocle a lui-même l’idée du stratagème pour lequel il utilise le prisonnier perse Sikinnos Sur le rôle de conseiller de Mnésiphilos, voir Frost (F.J.), « Themistocles and Mnesiphilus », Historia, 20 (1971), p. 20-25 ; Lenardon (R.J.), The Saga of Themistocles, Londres, 1978, p. 22 et 46-49 ; Harvey (F.D.), « The Conspiracy of Agasias and Aischines (Plutarch, Aristeides 13) », Klio, 66 (1984), p. 71 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 237. Plusieurs ostraka du Céramique, qui dateraient de l’ostracophorie de 486, montreraient qu’un rôle suffisamment important du point de vue politique était attribué à Mnésiphilos pour lui attirer l’hostilité de certains : cf. Frost (F.J.), op. cit., p. 103 ; Thomsen, Ostracism, p. 94-95 et 100 ; Williams (G.M.E.), « The Kerameikos Ostraka », ZPE, 31 (1978), p. 109.
42 Sur Damon, voir supra n. 39. Sur l’ostracisme éventuel de Damon, voir Carcopino, L’ostracisme, p. 125-148 ; Thomsen, Ostracism, p. 73 et 83 ; Lang, Ostraka, p. 5 ; Wallace, « Damon of Oa », p. 249-267, pour lequel l’ostracisme aurait eu lieu en 443 ou 442, juste après celui de Thucydide fils de Mélésias, dont des partisans auraient intrigué contre Damon.
43 Sur les procès intentés à Périclès et à ses proches, cf. Thucydide II, 65, 3 ; Diodore XII, 39,2 ; Plutarque, Périclès, 31-32. Voir aussi Ostwald, Popular Sovereignty, p. 191-198, 274 et 528-536, et récemment, Bearzot (C.), « Anomalie procedurali ed elusione del " nomos " nei processi per alto tradimento : " eisangelia " e " asebeia "«, dans Sordi (M.), éd., Processi e politica nel mondo antico (Contnbuti dell’Istituto di storia antica, 22), Milan, 1996, p. 74-75 (sera cité sous la forme Bearzot, « Anomalie procedurali »), avec bibliographie sur ces procès, et Raaflaub(K), « Den Olympier herausfordern ? Prozesse im Umkreis des Perikles », dans Burckhardt (L.) et von Ungern-Sternberg (J.), éd.. Grosse Prozesse im antiken Athen, Munich, 2000, p. 96-113.
44 Sur le décret de Diopeithès, voir MacDowell, The Law in Athens, p. 200-201 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 196 ; Schubert (Ch.), Die Macht des Volkes und die Ohnmacht des Denkens, Studien zum Verhältnis von Mentalität und Wissenschaft im 5. Jahrhundert v. Chr., Stuttgart, 1993, p. 46-55.
45 Cf. Giuliani, « Riflessi dell’opposizione... », p. 33-36 ; Piccirilli, « Opposizione », particulièrement p. 61-63. Welwei, dans Das klassische Athen, p. 115, insiste sur la difficulté à identifier les membres du groupe qui attaquèrent les proches de Périclès dans les années 430 ; Raaflaub»Den Olympier… », p. 106 n. 26, souligne le caractère hypothétique de l’attribution d’une action souterraine contre Périclès à Thucydide fils de Mélésias, après son retour d’exil.
46 Sur la réunion en 411 d’hétairies par Pisandre, qui sortent du jeu politique régulier, cf. Aurenche, Les groupes d’Alcibiade, p. 9 et 35.
47 Sartori, Le eterie, p. 57, insiste, contrairement à Hatzfeld, Alcibiade, p 110-111 n 4, sur l’ancienneté des groupes de soutien à Athènes, auxquels la guerre va permettre non pas d’exister, mais de s’opposer avec virulence au régime en place. Voir aussi sur ce point Losada (L.A.). The fifth Column in the Peloponnesian War, (Mnemosyne Suppl. 21), 1972, p. 1.
48 Sur la nature du groupe de Nicias, cf. Aurenche, Les groupes d’Alcibiade, p. 46-47 et 77, et Rhodes (P.J.), « Political Activity in Classical Athens », JHS, 106 (1986), p. 136-138, et infra n. 63 à propos de l’ostracisme d’Hyperbolos.
49 Cf. supra n. 15.
50 Sur la manière en général dont se faisait le vote à l’ecclesia, cf. Hansen (M H), « How did the Athenian Ekklesia vote ? », GRBS, 23 (1982), p. 123-137 (repris dans The Athenian Ecclesia. A Collection of articles 1976-83, Copenhague, 1983, p. 103-121) ; id., La Démocratie athénienne, p. 178-180, sur le vote au ive siècle. Sur la possibilité de fraude qu’offrait l’opération de l’estimation des mains, cf. Staveley, Voting and Elections, p. 114-115 ; sur la possibilité d’accords entre un groupe politique et les magistrats chargés d’estimer le nombre de mains, cf. Bearzot, « Gruppi di opposizione... », p. 283-284. Le procès des stratèges des Arginuses, que nous évoquerons p. 110-112, est marqué par l’intimidation des prytanes, à laquelle échappe seul Socrate.
51 D’après Plutarque, Nicias, 10, 1, qui ne suit pas Thucydide V, 21,1, Nicias aurait même, en 421, acheté secrètement la décision du sort qui contraignait les Lacédémoniens à opérer les restitutions les premiers. Avant Nicias, Périclès. que caractérisaient souplesse et capacité d’adaptation, avait recouru à la corruption à l’égard du jeune Pleistoanax et de son conseiller Cléandridas pour détourner d’Attique l’armée péloponnésienne : cf. supra p. 90.
52 Cf. supra p. 86 Sur le caractère « muet » de la procédure, cf. particulièrement Carcopino, L’ostracisme, p. 63-72.
53 Sur la question très débattue de savoir si les six mille suffrages au moins qui étaient nécessaires pour qu’une ostracophorie soit valable désignaient les suffrages exprimés en tout ou les suffrages portant sur la seule personne qui allait être ostracisée, Thomsen, Ostracism, p. 11 et 66-67 n. 23, que nous suivons ici, fait le point sur la question et conclut que le nombre de six mille votants devait être un quorum.
54 Sur le Contre Alcibiade, cf. Heftner (H.), « Ps.-Andokides’ Rede gegen Alkibiades ([And.]4) und die politische Diskussion nach dem Sturz der " Dreissig " in Athen », Klio, 77 (1995), p. 75-104.
55 Sur la date de l’ostracisme qui frappa Hyperbolos, longtemps placée en 417 et descendue par certains auteurs à présent, sur la base d’une inscription, à 416 ou même 415, cf. Rhodes (P.J. ), « The Ostracism of Hyperbolus », dans Osborne (R.) et Hornblower (S.), éd., Ritual, Finance, Politics, Athenian Democratic Accounts presented to D. Lewis. Oxford, 1994, p 86-91 (plutôt 415) ; Siewert (P.), « Il ruolo di Alcibiade », p. 21 (416).
56 Cf. Rosivach (V.J.), « Some Fifth and Fourth Century Views on the Purpose of Ostracism », Tyche, 2 (1987), p. 163.
57 Les sources qui mentionnent l’ostracisme d’Hyperbolos sont Thucydide VIII, 73, 3, avec une brève mention rétrospective à propos du meurtre d’Hyperbolos à Samos en 411, et surtout Plutarque, qui revient à trois reprises, avec de légères variantes à propos du rôle de Phaiax, sur les circonstances de cet ostracisme : Nicias, 11, Alcibiade, 13 et Aristide, 7, 3-4 ; sur la mort d’Hyperbolos, cf. Thucydide VIII, 73, 3 et Théopompe, dans FGrHist, 115 F 96 Les sources sont rassemblées et commentées dans Siewert, Ostrakismos, p. 227-270. Sur cet ostracisme qui eut lieu vraisemblablement en 416, sur son contexte et particulièrement sur le rôle d’Alcibiade, on relèvera, dans une bibliographie très abondante, des ouvrages sur les hétairies ou sur l’ostracisme en général, qui consacrent souvent plusieurs pages à Hyperbolos, et des ouvrages sur Hyperbolos lui-même : Calhoun, Athenian Clubs, p. 136-140 ; Carcopino, L’ostracisme athénien, p. 191-251 ; Hatzfeld, Alcibiade, p. 106-118 ; Sartori, Le eterie, p. 80-83 ; MCGregor (M.F.), « The Genius of Alkibiades », Phoenix, 19 (1965), p. 31-32 ; Roobaert (A.), « L’apport des ostraka à l’étude de l’ostracisme d’Hyperbolos », Antiquité classique, 36 (1967), p. 524-535 ; Connor, The New Politicians, p. 79-84 ; thomsen, Ostracism, p 75 et 81-82 ; Ostwald, Popular Sovereignty ; p. 302-305 ; Lehmann (G.A.), « Überlegungen zur Krise der attischen Demokratie im Peloponnesischen Krieg : vom Ostrakismos des Hyperbolos zum Thargelion 411 v Chr. », ZPE. 69 (1987), p. 41-43 et 48-49 ; Rosivach (V.J.), « Some Fifth and Fourth Century Views on the Purpose of Ostracism », Tyche, 2 (1987), p. 163-166 ; Sinclair, Democracy and Participation, p. 169-170 ; Lang, Ostraka. p. 33, 64 et 97-99 ; Phillips (D.J.), « Observations on some ostraka from the Athenian Agora », ZPE, 83 (1990), p. 126-129 (un ostrakon contre Nicias, sur 30 ostraka de 417/6) ; Christ (M.R.), « Ostracism, Sycophancy, and Deception of the Demos : [Arist] Ath. Pol. 43.5 », Classical Quarterly, 42 (1992), p. 337-338 (sera cité sous la forme Christ, « Ostracism ») ; Rhodes, « Ostracism », p 85-98 ; Siewert, « Il ruolo di Alcibiade », p. 19-27 ; Bearzot, « Gruppi di opposizione... », p. 294-296. Sur Hyperbolos lui-même et sa carrière, voir plus précisément Brun (P.), « Hyperbolos, la création d’une “légende noire” ». Dialogues d’histoire ancienne, 132 (1987), p. 183-198 ; Cuniberti (G.), Iperbolo, Ateniese infame, Gênes, 2000.
58 La version selon laquelle Hyperbolos aurait été à l’origine de la procédure d’ostracophorie ne nous est donnée que par Plutarque, notre principale source : la réalité fut sans doute plus complexe, comme le souligne Hatzfeld, Alcibiade, p. 109, qui pense que l’intérêt personnel d’Hyperbolos était de laisser s’user Alcibiade et Nicias dans leur rivalité, plutôt que de se retrouver seul face à l’un des deux.
59 Pour une recension des Athéniens « candidats » involontaires à l’ostracisme, cf. Thomsen, Ostracism, p. 72-80 ; Willemsen (F.) et Brenne (S.), « Verzeichnis der Kerameikos-Ostraka », MDAI (A), 106 (1991), p. 148-156, et Brenne, Ostrakismos, p. 87-314. Sur les motivations variées des Athéniens lors d’un vote d’ostracisme, cf. Siewert, « Il ruolo di Alcibiade », p. 24-27, à propos d’Alcibiade, dont l’ostracisme aurait été souhaité parce qu’il représentait un danger pour l’égalité démocratique.
60 Sur la faible majorité relative nécessaire, en cas d’éparpillement des votes, pour ostraciser un citoyen, cf. Siewert, « Il ruolo di Alcibiade », p. 20-22. Heftner (H.), « Der Ostrakismos des Hyperbolos : Plutarch, Pseudo-Andokides und die Ostraka », Rheinisches Museum für Philologie, 143 (2000), p. 32-59, pense qu’il n’y eut pas réellement d’« union des hétairies » contre Hyperbolos, comme le rapporte Plutarque, car une campagne qui aurait été secrète jusqu’au dernier jour n’aurait pu obtenir de résultats significatifs sur une assemblée forte d’au moins six mille citoyens : la tradition rapportée par Plutarque résulterait de spéculations échafaudées après coup, pour tenter d’expliquer comment avait pu être ostracisé un personnage comme Hyperbolos, si différent des grands ostracisés des décennies passées, alors que l’éparpillement des votes sur plusieurs personnalités d’envergure, comme le montre l’étude des ostraka rapportés à cette ostracophorie, permet de croire que le champ des personnes menacées ne se limitait pas à deux ou trois ; le Pseudo-Andocide quant à lui, plus proche des événements dans le temps, aurait volontairement limité à deux le nombre des personnes menacées pour mieux rapprocher son discours fictif des véritables débats judiciaires. On remarquera, à propos de la position de Heftner. qui récuse l’union des hétairies et donc la préparation, en estimant qu’il y avait naturellement dispersion de votes, que, dans le cadre des luttes politiques, l’éparpillement naturel des votes était tel que le travail d’hétairies puissantes, même gêné par la discrétion qui était de mise, devait pouvoir parvenir à obtenir une faible majorité relative.
61 Sur le Contre Alcibiade, voir Raubitschek (A.E.), « The Case against Alcibiades (Andocides IV) », TAPhA, 79 (1948), p. 191-210 ; Rosivach (V.J.), « Some Fifth and Fourth Century Views on the Purpose of Ostracism », 2 (1987), p. 162-169 ; Heftner (H.), « Ps.-Andokides’ Rede gegen Alkibiades ([And]4) und die politische Diskussion nach dem Sturz der “Dreissig” in Athen », Klio, 77 (1995), p. 75-104 ; id., « Der Ostrakismos des Hyperbolos : Plutarch, Pseudo-Andokides und die Ostraka ». Rheinisches Museum, 143 (2000), p. 42-45 ; Eder (B.) et Heftner (H), dans Siewert, Ostrakismos, p. 277-326.
62 Sur les sympathisants fidèles d’Alcibiade, cf. Hatzfeld, Alcibiade, p. 111-113 ; Aurenche, Les groupes d’Alcibiade, p. 56-65 et 124-144.
63 Sur la « stasis » de Nicias, mentionnée seulement par Plutarque, Alcibiade, 13 et Nicias, 11, voir Hatzfeld, Alcibiade, p. 113 ; Aurenche, Les groupes d’Alcibiade, p. 46-47 et 77 ; Rhodes (P.J.), « Political Activity in Classical Athens », JHS, 106 (1986), p. 136-138.
64 Sur le « nouveau modèle » d’homme politique, cf. Connor, The New Politicians. p. 81-84 ; Sinclair, Democracy and Participation, p. 41-42.
65 Sur les prostatai tou dèmou et leur relation avec le peuple, cf. Reverdin (O.), « Remarques sur la vie politique d’Athènes au ve siècle », Museum Helveticum, 2 (1945), p. 201-208 et 211-212 On se reportera à la remarque reformulée par Thomsen, Ostracism, p. 121, à propos de la réforme de Clisthène : celui-ci a ajouté le dèmos à ses hetairoi, mais cette « clientèle » du dèmos s’est bientôt révélée vide de sens dans un système où le dèmos n’a pas besoin de la protection des puissants et où, par suite, ce sont les hommes politiques, auxquels manquera le prestige de Clisthène, qui devront systématiquement chercher à acquérir la majorité à l’ecclesia.
66 Pour des ostraka au nom de Cléophon, à rapporter à l’Ostracophorie qui frappa Hyperbolos, voir Vanderpool (E.), « Kleophon », Hesperia. 21 (1952), p. 114-115 ; Lang, Ostraka. p. 90-91. Roobaert (A.), « L’apport des ostraka à l’étude de l’ostracisme d’Hyperbolos », Antiquité classique. 36 (1967), p. 532-533, se demande, en raison de la présence de quelques ostraka portant le nom de Cléophon, si Hyperbolos, devant le danger qui le menaçait, n’aurait pas essayé de faire bloc avec Cléophon, qui du coup aurait été visé lui aussi, dans une moindre mesure.
67 Cf. Piccirilli, « Opposizione », p. 69-71 ; Ostwai.d, Popular Sovereignty, p. 202-229 ; Sinclair, Democracy and participation, p. 174-176.
68 Cf. Plutarque, Nicias, 4, 5 : un poète comique cité par Plutarque évoque un sycophante qui faisait chanter Nicias.
69 On trouve d’autres allusions aux sycophantes chez Aristophane, en particulier dans Les Acharniens, v. 910-958 ; Les Cavaliers, v. 258-263 et 824-835 ; Les Guêpes, v. 1096 ; Les Oiseaux, v. 1422-1468. Sur les sycophantes, et plus généralement le chantage et la corruption chez Aristophane, voir Ehrenberg (V.), The people of Aristophanes, A Sociology of old Attic Comedy ; Oxford, 1951, p. 342-347 ; Ostwai.d, Popular Sovereignty ; p. 211-236 ; Schubert (Ch.), Die Macht des Volkes und die Ohnmacht des Denkens, Studien zum Verhältnis von Mentalität und Wissenschaft im 5. Jahrhundert v. Chr., Stuttgart, 1993, p. 56 ; MacDowell (D.M.), Aristophanes and Athens, An Introduction to the Plays, Oxford, 1995, p. 71-75. Sur la sycophantie et les procédures contre les sycophantes. voir MacDowell, The Law in Athens, p. 62-66 et 225-226 ; sur la sycophantie et ses implications politiques, cf. Calhoun, Athenian Clubs, p. 105 ; Osborne (R.), « Vexatious Litigation in classical Athens : sykophancy and the sycophant », dans Cartledge (P.), Millett (P.) et Todd (S), éd., Nomos, Essays in Athenian Law, Politics and Society ; Cambridge University Press, 1990, p. 83-102, particulièrement p. 95-98, et Harvey (D.), « The sykophant and sykophancy : vexatious redefinition ? », ibid., p. 103-121, particulièrement p. 118-119 ; Christ, « Ostracism », p 336-346.
70 Pour divers exemples de corruption dans la vie politique athénienne du ve siècle, cf. Aristophane, Les Cavaliers, v. 438-440 (silence contre argent) et Les Guêpes, v. 100-102 et 552-558 (tentative de corruption des juges) ; Lysias, Contre Agoratos (XIII), 72 (corruption d’un auteur de décret) ; Pour Polystratos (XX), attribué à Lysias, 7 et 10 (accusateurs soudoyés) ; Ps. Andocide, Contre Alcibiade (IV), 105 (retrait d’accusations contre de l’argent) ; Ps. Xénophon, Constitution des Athéniens, III, 7 (risque de corruption des juges). Sur le rôle des hétairies dans les élections et sur les tentatives de corruption au ve et au ive siècle, voir Cai.houn, Athenian Clubs, p. 126-136 (élections) et 40-96 (procès, surtout au ive siècle) ; Staveley, Voting and Elections, p. 108-117 ; Sinclair, Democracy and Participation, p. 180-186 ; H. Heftner, « Ps.-Andokides’ Rede gegen Alkibiades ([And.]4) und die politische Diskussion nach dem Sturz der “Dreissig” in Athen », Klio, 77 (1995), p. 99-100 ; Wankel (H.), « Die Korniption in der rednerischen Topik und in der Realitat des klassischen Athen », dans Schuller (W.), éd., Korruption im Altertum, Vienne, 1982, p. 37-38 ; Harvey (F.D.), « Dona ferentes : Some aspects of Bribery in Greek Politics », dans Cartledge (P.A.) et Harvey (F.D.), éd., Crux, Essays in Greek History presented to G.E.M. de Ste. Croix on his 75th birthday, Exeter, 1985. p. 76-113, sur la corruption dans la politique en général ; Mastrocinque (A.), « Il dono nel mondo greco : dallo “status symbol” ai processi per corruzione », dans Sordi (M.), éd., Processi e politica nel mondo antico (Contributi dell’Istituto di storia antica, 22), Milan, 1996, p. 16-18 La corruption et la fraude ne se pratiquaient pas seulement au niveau des organes supérieurs de la cité : elles sévissaient aussi au niveau des dèmes. où l’inscription sur les registres, destinée à assurer l’obtention de la citoyenneté athénienne tant prisée, était parfois obtenue à prix d’argent, de manière très risquée pour les deux parties si la fraude était découverte : cf. Staveley, Voting and Election, p. 114-115.
71 L’indication de la Constitution des Athéniens est reprise par Diodore XIII, 64, 6 et par Plutarque, Coriolan, 14, 6. Sur le procès d’Anytos, voir Hansen (M.H.), Eisangelia, The Sovereignty of the People’s Court in Athens in the Fourth Century B.C. and the impeachment, Copenhague, 1975 (sera cité sous la forme Hansen, Eisangelia), p. 84 ; MacDowell, The Law of Athens, p. 173 et 178 ; Wankel, « Die Korruption.. », p. 37.
72 Cf. la première tétralogie attribuée à Antiphon, 5-8. Voir Calhoun, Athenian Clubs, p. 62.
73 Alcibiade avait su faire preuve de dissimulation lors de l’ostracisme d’Hyperbolos. mais il était alors sur la défensive Ses manœuvres en 418 lors de la venue à Athènes des ambassadeurs Spartiates ne visaient pas à proprement parler à éliminer politiquement Nicias : cf. p. 114-115.
74 Voir à ce propos Ostwald, Popular Sovereignty, p. 299-300.
75 Prandi (L.), « [ " tempi " del processo di Alcibiade nel 415 a.C. », dans Sordi (M.), éd., Processi e politica nel mondo antico (Contributi dell’lstituto di storia antica, 22), Milan, 1996, p. 65-70, insiste sur le fait que l’ecclesia d’avant le départ de l’expédition était considérée comme favorable à Alcibiade, ce qui ne devait plus être le cas en l’absence des soldats retenus en Sicile.
76 Sur le rôle essentiel d’Androclès dans l’exploitation des dénonciations faites contre Alcibiade, voir Hatzfeld, Alcibiade. p. 190-192 ; sur les prostalai tou dèmou et les dèmagôgoi, voir notamment Reverdin (O.), « Remarques sur la vie politique d’Athènes au ve siècle », Museum Helveticum, 2 (1945), p. 203-208 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 199-229 ; Fouchard, Aristocratie et démocratie, p. 297-300.
77 Sur la coalition contre Alcibiade, rapportée par Thucydide VI, 28, 2 ; 29, 3 ; VI, 61 ; 89, 5 ; VIII, 65, 2 et Plutarque, Alcibiade, 19-20 et 22,4, voir Hatzfeld, Alcibiade, p. 190-192 ; McGregor (M.F.), « The Genius of Alkibiades », Phoenix, 19 (1965), p. 34-36 ; Connor, The New Politicians, p. 71-72 Sur l’accusation de Pythonicos, voir Andocide, Sur les Mystères, 11-14 et 27. Sur les deux accusations successives d’eisangélie, voir notamment Hatzfeld, Alcibiade, p. 163-179, 194-195 et 296-297 ; Hansen, Eisangelia, p. 74-79 Sur la nature des délits reprochés à Alcibiade par eisangélie, asebeia et katalusis tou dèmou, voir Bearzot, « Anomalie procedurali... ». p 76-79 Sur les dénonciations successives concernant les affaires de la mutilation des hermès et de la parodie des Mystères et sur leur répercussion sur Alcibiade, voir notamment Hatzfeld, Alcibiade, p. 158-195 et 202-205 ; Aurenche, Les groupes d Alcibiade, p. 155-176 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 322-333 et 537-550 ; Murray (O.), « The Affair of the Mysteries : Democracy and the Drinking group », dans Murray (O.). éd., Sympotica, A Symposium on the Symposion, Oxford. 1990, p. 149-161 ; de Romilly (J.), Alcibiade ou les dangers de l’ambition, Paris, 1995, p. 101-115 et 121-123 ; McGlew (J.), « Politics on the Margins : the Athenian Hetaireiai in 415 B.C. », Historia, 48 (1999), p. 1-22 ; Welwei, Das klassische Athen, p. 204-208 ; Graf (F.), « Der Mysterienprozess », dans Burckhardt (L.) et von Ungern-Sternberg (J.), éd.. Grosse Prozesse im antiken Athen, Munich, 2000, p. 114-127.
78 Le fossé est immense entre Alcibiade et le « vil » (mochthèros) Hyperbolos, qui, non seulement, s’adressait directement au peuple, mais ne voulait en aucune manière se distinguer du peuple : « Je sais bien que les ambitieux dont je parle et tous ceux qui se sont distingués dans quelque domaine ont toujours été, de leur vivant, impopulaires, surtout parmi leurs égaux, mais aussi auprès de tous ceux qu’ils étaient amenés à fréquenter. Cela n’empêche pas qu’après leur mort on se targue de leur être apparenté, même si, dans bien des cas, cela est inexact, et que leur patrie, loin de les renier comme des étrangers ou des gens engagés dans le mauvais chemin, est fière de les revendiquer comme des fils qui ont fait de grandes choses. C’est à cela que j’aspire et voilà pourquoi la médisance s’acharne sur ma vie privée » (Thucydide VI, 16, 5-6, trad. D Roussel) Sur la défense par Alcibiade de sa vie privée, cf. notamment Ober (J.), Political Dissent in Democratic Athens, Intellectual Critics of Popular Rule, Princeton University Press, 1999, p. 110-111.
79 La question qui se pose, en dehors du fait qu’il y ait eu ou non, atteinte effective aux valeurs de la cité, est celle de la possibilité d’un comportement privé sortant des normes que semble dicter le système politique athénien. Sur la liberté de parole dans l’Athènes du ve siècle, et notamment sur la censure, de brève durée semble-t-il, imposée à la comédie, voir Ehrenberg (V.), The People of Aristophanes, A Sociology of old Attic Comedy, Oxford, 1951, p. 29-33 ; Radin (M.), « Freedom of Speech in Ancient Athens », AJPh, 48 (1927), p. 215-230 ; Herrmann (J.), « Attische Redefreiheit », dans Synteleia V. Arangio-Ruiz, II. Naples, 1964, p. 1 142-1 148, avec indication des limites portées à cette liberté de parole dans la vie quotidienne, p. 1 145-1 147 ; Wolff (H.), « Die Opposition gegen die radikale Demokratie in Athen bis zum Jahre 411 v. Chr. », ZPE, 36 (1979), p. 284 ; sur les limites à la liberté de pensée et à la liberté religieuse, cf. Dover (K.J.), « The Freedom of the Intellectual in Greek Society », Talanta, 7 (1976), p. 24-54 ; Schubert (Ch.), Die Macht des Volkes und die Ohnmacht des Denkens, Studien zum Verhältnis von Mentalität und Wissenschaft im 5. Jahrhundert v. Chr., Stuttgart, 1993, p. 46-57 ; Wallace (R.W.), « Private Lives and Public Enemies : Freedom of Thought in Classical Athens », dans Boegehold (A.L.) et Scafuro (A.C.), éd., Athenian Identity and Civic Ideology, Baltimore-Londres, 1993, p. 127-155.
80 Sur le scandale causé par le comportement privé d’Alcibiade et la crainte de la tyrannie qu’il fait naître, malgré la liberté que la cité démocratique s’enorgueillit de laisser à ses membres, cf. Thucydide VI, 15, 4 ; Ps. Andocide, Contre Alcibiade, 24 ; Plutarque, Alcibiade, 16, 1-3 et 7-9. On rappellera la comparaison attribuée par Aristophane à Eschyle dans Les Grenouilles, jouées en 405. v. 1431-1432, d’après laquelle Alcibiade serait « un lion dans la cité », comparaison reprise par Plutarque. Alcibiade, 16, 3 Sur les propos d’Alcibiade, tels que les rapporte Thucydide VI, 16, 4-5, qui mettent à mal en apparence l’égalité démocratique et peuvent, autant que des manœuvres d’Hyperbolos cherchant à exploiter sa rivalité avec Nicias, avoir été à l’origine de la menace d’ostracisme qui pesa sur lui sans doute en 416, voir Siewert, « Il ruolo di Alcibiade », p. 24-27 ; Seager (R.), « Alcibiades and the charge of aiming at Tyranny ». Historia, 16 (1967). p. 6-18 ; Bearzot (C.), « Strategia autocratica e aspirazioni tiranniche Il caso di Alcibiade », Prometheus, 14 (1988), p. 39-57. Sur les craintes de la tyrannie, exprimées par Aristophane dans Les Thesmophories (v. 336-339, 356-367 et 1143-1144), jouées en mars ou avril 411, au moment où il est question d’un retour d’Alcibiade, voir Ostwald, Popular Sovereignty ; p. 357-358. Sur l’idéal aristocratique d’Alcibiade. cf. Donlan, The aristocratic Ideal, p. 171, et Stein-Hölkeskamp (E.), Adelskultur und Polisgesellschaft. Studien zum griechischen Adel in archaischer und klassischer Zeit, Stuttgart, 1989.
81 Sur l’image brillante, et destinée surtout à frapper l’opinion publique, qu’Alcibiade donne de lui et qui va renforcer les accusations portées contre lui, les rendant crédibles, cf. Prandi (L.), « Il caso di Alcibiade. Profanazione dei Misteri e ripristino della processione eleusina », dans Sordi (M.), éd., L’immagine dell’uomo politico : vita pubblica e morale nell’antichità (Contributi dell’istituto di storia antica, 17), Milan, 1991, p. 41-50, particulièrement p. 41-44.
82 Sur la méfiance du peuple à l’égard de ceux qui se tiennent trop notoirement dans l’ombre, qui sont considérés comme des « habiles », et donc comme des personnages dangereux, cf. Thucydide VIII, 68 (Antiphon) et Plutarque, Nicias, 6, 1 (Périclès, Damon et Antiphon) : voir plus haut p. 93. Sur l’accusation de manipulation dirigée contre Alcibiade, cf. Ostwald, Popular Sovereignty, p. 300.
83 Dans la Constitution des Athéniens, 34, 1, la rapide appréciation portée sur l’affaire des Arginuses est simplement que le peuple fut trompé par des gens qui profitèrent de sa colère.
84 Sur la proposition d’Erasinidès, cf. Meiggs (R.) et Lewis (D.), A Selection of Greek Historical Inscriptions to the end of the fifth Century B.C., Oxford University Press, 1969. p. 260-263 n°85 ; Bertrand (J.-M.), Inscriptions historiques grecques, Paris, 1992. p. 75-77, n°33.
85 Sur les tendances politiques et les liens de parenté et d’amitié des protagonistes, accusateurs et accusés, du procès des Arginuses, cf. Nemeth (G.), « Der Arginusen-Prozess. Die Geschichte eines politischen Justizmordes », Klio, 66 (1984), p. 51-57.
86 Sordi (M.), « Teramene e il processo delle Arginuse », Aevum, 55 (1981 ), p. 3-12, insiste sur la responsabilité que Xénophon attribue à Théramène dans la mise en accusation et dans les manipulations de la foule qui mènent à la condamnation des stratèges, alors même que l’auteur est par ailleurs plutôt favorable à Théramène, comme dans le récit de son opposition à Critias et de sa mort (Helléniques, II, 3, 50-56) ; elle relève les allusions que fait Aristophane dans les Grenouilles, jouées en 405 (vers 416-421 et 540), à l’habileté de Théramène et à la collaboration de ce « modéré » avec un démocrate radical comme Archédèmos ; pour le même point de vue, cf. aussi Bearzot (C.), « Lisia e l’amnistia : l’orazione XXV e il suo sfondo politico », dans Sordi (M.) (éd.). Amnistia, perdono e vendetta nel mondo antico (Contributi dell’Istituto di storia antica, 23), Milan, 1997, p. 68-69. En revanche, Diodore XIII, 101-102, qui suit sans doute Ephore, insiste davantage sur le rôle initial de Thrasybule, lui aussi triérarque, et accorde un rôle moindre à Théramène dans la condamnation des stratèges, car la manifestation de parents en deuil est chez lui spontanée : néanmoins, même si la manifestation est spontanée, il est possible qu’elle ait été utilisée par Théramène contre les stratèges, comme le soulignent Andrewes (A. ), « The Arginousai Trial », Phoenix, 28 (1974), p. 118 et Ostwald, Popular Sovereignty ; p. 442.
87 Cf. Christ, « Ostracism ». p. 339. D’après Ostwald, Popular Sovereignty, p. 443, il n’est pas sûr que l’on puisse suivre Xénophon, Helléniques, I 7, 8, lorsqu’il attribue à une manipulation de Théramène l’accusation déposée par Callixénos. Diodore XIII 101-102. qui suit une source favorable à Théramène, insiste, lui, sur la responsabilité de la foule, qui est moins manœuvrée que chez Xénophon.
88 Sur le procès des Arginuses, on ne retiendra, d’une très abondante bibliographie, que des ouvrages qui traitent du rôle de Théramène et de manipulations de la foule : Cloché (P.), « L’affaire des Arginuses (406 avant J.-C.) », RH, 130 (1919), p. 5-68 ; Hatzfeld, Alcibiade, p. 325-329 ; Andrewes (Α.), « The Arginousai Trial », Phœnix, 28 (1974), p. 112-122 ; Hansen, Eisangelia, p. 84-86 (avec indication complète des sources) ; MacDowell, The Law of Athens, p. 186-189 ; Lintott (A), Violenc, Civil Strife and Revolution in the Classical City, 750-330 BC, Londres, 1982 (sera cité sous la forme Lintott, Violence), p. 156-158 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 431-445 ; Piccirilli, Temistocle, Aristide, p. 44-45 ; Lavelle (M.B.), « Adikia, The Decree of Kannonos, and the Trial of the Generals », Classica et Mediaevalia, 39 (1988), p. 19-41 ; Sinclair, Democracy and participation, p. 171-172 ; Hansen, La démocratie athénienne, p. 252-253 et 276-277 ; Natalicchio (A.), Atene e la crisi della democrazia, I Trenta e la querelle Teramene-Cleofonte, Bari,1996 (sera cité sous la forme Natalicchio, Atene), p. 57-58 ; Fouchard, Aristocratie et démocratie, p. 330 et 338 ; Lehmann (G.Α.), Oligarchische Herrschaft im klassischen Athen, Zu den Krisen und Katastrophen der attischen Demokratie im 5. und 4. Jahrhundert v. Chr., Opladen, 1997 (sera cité sous la forme Lehmann, Oligarchische Herrschaft im antiken Athen), p. 47 ; Burckhardt (L.), « Eine Demokratie wohl, aber kein Rechtsstaat ? Der Arginusenprozess des Jahres 406 v. Chr. », dans Burckhardt (L.) et von Ungern-Sternberg (J.), éd., Grosse Prozesse im antiken Athen, Munich, 2000, p. 128-143 ; sur le rôle de Callixénos, qui intente, poussé par Théramène, une charge « sycophantique » contre les stratèges, voir Christ. « Ostracism », p. 339 ; Lang, « Theramenes and Arginousai », Hermes, 120 (1992), p. 267-279 ; Mossé (Cl.), Politique et Société en Grèce ancienne, Le « modèle » athénien, Paris, 1995, p. 159-161 ; Morawetz (Th.), Der Demos als Tyrann und Banause, Aspekte antidemokratischer Polemik im Athen des 5. und 4. Jahrhunderts v. Chr., Francfort-sur-le-Main, 2000, p. 114-131 (compare les versions de Xénophon et de Diodore). Sordi (M.), « Teramene e il processo delle Arginuse », Aevum, 55 (1981), p. 3-12, reconnaît dans le procès et la condamnation des stratèges vainqueurs aux Arginuses le résultat d’une machination de Théramène, qui n’aurait pas agi par crainte d’être lui-même inquiété, mais aurait voulu, en jouant habilement de l’émotion provoquée dans le peuple par les pertes en hommes et par leur absence de sépulture, comme avait su le faire un peu plus tôt Hennocrate à Syracuse, surmonter ses propres difficultés politiques et entreprendre l’élimination de ses rivaux — il devait poursuivre avec les stratèges et les taxiarques en 404.
89 Sur la définition du délit, asebeia, auquel aurait été rajouté celui de prodosia, dont auraient été coupables les stratèges des Arginuses, et sur le recours à l’eisangélie, auquel Théramène n’aurait pas été étranger, cf. Bearzot, « Anomalie procedurali.. », p. 79-82.
90 Sur le procès de Cléophon, sur lequel nous sommes renseignés par Lysias, Contre Agoratos (XIII), 12, et Contre Nicomachos (XXX), 10-14, on se reportera à Calhoun, Athenian Clubs, p. 65-66 et 105-106 ; Renaud (R.), « Cléophon et la guerre du Péloponnèse », Études classiques, 38 (1970), p. 472-477 ; Hansen, Eisangelia, p. 116 n°139 ; Lévy (E.), Athènes devant la défaite de 404, Paris, 1976, p. 15 et 192 ; Hansen (M.H.), « Eisangelia in Athens : A Reply », JHS, 100 (1980), p. 89 ; Lintott, Violence, p. 158-162 ; Natalicchio, Atene, p. 26-37. Sur la ligne de conduite qui aurait été celle de Théramène, visant à écarter ses rivaux par tous les moyens, voir supra n. 82-88.
91 Sur le procès des stratèges et taxiarques, évoqué par Lysias, Contre Agoratos (XIII), 13-36, et Sur la confiscation des biens du frère de Nicias (XVIII), 4-5, voir Calhoun, Athenian Clubs. p. 105-106 ; Hansen. Eisangelia. p. 86 ; Lintott, Violence, p. 158-162 ; Natalicchio, Atene, p. 25-29. Sur ces deux « complots » judiciaires, voir Bearzot, « Gruppi di opposizione.. », p. 303-304.
92 Sur la mort de Théramène, le récit de la Constitution des Athéniens, 37 est, on le sait, beaucoup plus bref que celui de Xénophon. De la très abondante bibliographie sur la tyrannie des Trente, on ne citera ici, à propos de la manière dissimulée dont procèdent les principaux acteurs, que Calhoun, Athenian Clubs, p. 109 ; Salmon (P.), « L’établissement des Trente à Athènes », Antiquité classique. 38 (1969), p. 497-500 ; Lévy (E.), Athènes devant la défaite de 404, Paris, 1976, p. 143 ; Krentz (P.), The Thirty at Athens, lthaca-Londres, 1982 ; Tolbert Roberts (J.), Athens on Trial, The Antidemocralic Tradition in Western Thought. Princeton University Press, 1994, p. 62-64 ; Fouchard, Aristocratie et démocratie, p. 451-453, 467-470, 480-485 ; von Ungern-Sternberg (J.), « “Die Revolution frisst ihre eigenen Kinder”, Kritias vs. Theramenes », dans Burckhardt (L.) et von Ungern-Sternberg (J.), éd., Grosse Prozesse im antiken Athen, Munich, 2000, p. 144-156.
93 Sur les manœuvres d’Alcibiade en politique extérieure, voir Hatzfeld, Alcibiade, p. 81-95, qui limite la portée de l’action d’Alcibiade ; Delebecque (E.), Thucydide et Alcibiade, Aix-en-Provence, 1965 (sera cité sous la forme Delebecque, Thucydide el Alcibiade), p. 197-203 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 300-302
94 Cf. Delebecque, Thucydide et Alcibiade, p. 149-153.
95 Sur le vocabulaire de supériorité oligarchique dans les dernières décennies du ve siècle, tel qu’il est employé par le Pseudo- Xénophon dans La République des Athéniens, voir Donlan, The Aristocratic Ideal, p. 127-131 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 189-191 ; Fouchard, Aristocratie et démocratie, passim.
96 Sur les sophistes en général, cf. Romeyer-Dherbey (G.), Les sophistes. Paris, 1985 ; de Romuly (J.), Les grands sophistes dans l’Athènes de Périclès, Paris, 1988 ; Fouchard, Aristocratie et démocratie, p. 399-444 ; Wallace (R.W.), « The Sophists in Athens », dans Boedeker (D.) et Raaflaub (K.A.), éd., Democracy, Empire, and the Arts in Fifth-Centuty Athens, Harvard University Press, Cambridge, Massachusetts –Londres, 1998, p. 203-222 ; pour la remise en cause des valeurs traditionnelles, cf. Ostwald, Popular Sovereignty ; p. 238-250.
97 D’après Burn (A.R.), Persia and the Greeks, The Defence of the West, c. 546-478 B.C., Londres, 1962, rééd. 1984 (sera cité sous la forme Burn, Persia), p. 525-527, la source de Plutarque était peut-être l’atthidographe Cleidèmos.
98 Hérodote (IX, 2 et IX, 41) mentionne les conseils donnés à Mardonios par les Thébains d’abord, puis par Artabaze : il faut obtenir le ralliement des Grecs par des dons en argent Mardonios cependant refuse de suivre ces avis.
99 Sur Plutarque, Aristide, 13, voir Calhoun, Athenian Clubs, p. 143 ; Burn, Persia, p. 503 et 525-527, repris par Green (P.), The Year of Salamis. 480-479 B.C., Londres, 1970, et The Greco-Persian Wars, Berkeley-Los Angeles-Londres, 1996, p. 230 et 253-254 ; Harvey (F.D.). « The Conspiracy of Agasias and Aischines (Plutarch, Aristeides 13) », Klio, 66 (1984), p. 58-73 ; Ostwald, Popular Sovereignty ; p. 176-177 ; voir Piccirilli, Temistocle, Aristide, p. 40, sur l’exécution sommaire de Lycidas, et Ruzé, Délibération et pouvoir, p. 438-440, sur le cadre de la Boulè, dans lequel se déroule l’« affaire » de Lycidas.
100 Sur ces ostraka et leur possible lien avec Agasias ou Agésias d’Achames, voir Willemsen (Fr.), « Ostraka », MDAI (A), 80 (1965), p. 108-109 et pl. 33 ; Willemesen (Fr.), « Die Ausgrabungen im Kerameikos », Arch. Delt., 23 (1968), p. 28 ; Thomsen, Ostracism, p. 72 ; Wlllemsen (Fr.) et Brenne (S.), « Verzeichnis des Kerameikos-Ostraka », MDAI (A), 106 (1991), p. 148 ; Brenne, Ostrakismos, p. 89-90, qui modifie les datations proposées jusqu’alors en abaissant à 471 les ostraka d’Agasias en raison de leur appartenance au grand dépôt du Céramique On citera particulièrement, à propos du complot d’Agasias et des ostraka, Bicknell (P.J.), Studies in Athenian Politics and Genealogy, Wiesbaden, (Historia Einzelschriften 19), 1972, p. 61 et 74 (l’auteur insiste sur le fait que les membres de familles aristocratiques pouvaient être désignés couramment soit par le dème urbain où ils avaient leur résidence, soit par le dème rural où ils possédaient des terres : il y avait là une source de confusion pour les Athéniens qui votaient lors des ostracophories, qui expliquerait la mention à la fois du dème rural de Lamptres, où la famille d’Agasias devait posséder des terres, et du dème urbain d’Agrylè, où elle devait résider.) et Harvey (F.D.), « The Conspiracy of Agasias and Aischines (Plutarch, Aristeides 13) », Klio, 66 (1984), p. 58-73 (l’auteur met en relation avec les ostraka la conjuration de Platées, pensant qu’il y a chez Plutarque une erreur dans l’indication du démotique — d’autant plus, comme le souligne Ostwald, Popular Sovereignty ; n. 7 p. 177, que le complice d’Agasias, Aischines, était de Lamptres.)
101 Plutarque, Aristide, 13, écrit qu’Agasias, arrêté, parvint à s’enfuir. Les ostraka inscrits au nom d’Agasias dans une datation de 471 peuvent se rapporter au chef de la conjuration avortée de 479, dans la mesure où le silence qui entoura l’affaire permet de penser qu’il fut possible à Agasias de retourner à Athènes après la victoire grecque — tout en étant sans doute soupçonné de médisme. si un tel reproche est bien à l’origine des ostraka. Sur la relation entre politique intérieure athénienne et rapports avec la Perse dans la période 490-470, relation éclairée par quelques inscriptions sur des ostraka, qui évoquent trahison, amitié pour les tyrans et « médisme », cf. Stamires (G.A.) et Vanderpool (E.), « Kallixenos the Alkmeonid », Hesperia, 19 (1950), p. 376-381 ; Bicknell, Studies in Athenian Politics, p. 64-76 ; Thomsen, Ostracism, p. 97-99 et 132 ; Karavites (P.), « Realities and Appearances, 490-480 B.C. ». Historia, 26 (1977), p. 129-147 ; Williams (G.M.E.), « The Kerameikos Ostraka », ZPE, 31 (1978), p. 106 n. 11, p. 110 ; id., « Athenian Politics 508/7 — 480 B.C. : A Reappraisal », Athenaeum, 60 (1982). p. 533-543 ; Lang, Ostraka, p. 66-88 ; Brenne, « Ostraka », p. 21-22.
102 Sur le meurtre d’Éphialte, voir Antiphon, Sur le meurtre d’Hérode (V), 68, qui suit la thèse oligarchique, selon laquelle les meurtriers restèrent inconnus ; mais Constitution des Athéniens, 25, 4 attribue le meurtre à un certain Aristodikos de Tanagra. qui aurait tendu un guet-apens ; Plutarque, Périclès, 10, 8, suit la thèse du complot politique et de l’assassinat par Aristodicos, qui agit sur ordre des ennemis d’Éphialte. Sur cet assassinat politique, cf. Calhoun, Athenian Clubs, p. 109-110 ; Sartori, Le eterie, p. 63 ; Piccirilli, Efialte, p. 71-78, particulièrement p. 77-78, qui voit dans cet assassinat le résultat d’une collaboration ponctuelle entre oligarques et démocrates, parmi lesquels se serait trouvé Périclès.
103 Sur le complot de 457, cf. Calhoun, Athenian Clubs, p. 144 ; Sartori, Le eterie, p. 64 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 177-181 ; Raaflaub (K.A.), « Perceptions of Democracy in fifth-Century Athens », dans Connor (W.R.), Hansen (M.H.), Raaflaub (K.A.) et Strauss (B.S.), éd., Aspects of Athenian Democracy, Copenhague, 1990, p. 37.
104 Le terme oligarchikos n’apparaît qu’à la fin du ve siècle, chez Thucydide VI, 60, 1 (en 415, à propos de la crainte d’une conspiration oligarchique) et VIII, 72, 2 (à propos du régime des 400) et plus tard chez le Ps Andocide (Contre Alcibiade (IV), 16, à propos des affectations politiques d’Alcibiade), avec l’idée d’une opposition idéologique au régime démocratique : voir Ostwald, Popular Sovereignty, p. 333, qui remarque qu’en 415. à la différence de ce qui se passera en 411, le succès d’une entreprise oligarchique dépourvue d’organisation est rendu impossible par la confession d’Andocide et par la conduite légaliste d’Alcibiade ; id., « Oligarchy and Oligarchs in Ancient Greece », dans Polis and Politics, Studies in Ancient Greek Histoty presented to Mogens Herman Hansen, Copenhague, 2000, p. 387.
105 Sur la révolution oligarchique de 411, dont seul un aspect est étudié ici, on ne donnera qu’une bibliographie sommaire : Lintott, Violence, p. 135-155 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 344-411 ; Heftner (H.), « Die Rede fur Polystratos ([Lysias] XX) als Zeugnis fur den oligarchischen Umsturz von 411 v. Chr. in Athen », Klio, 81 (1999), p. 68-94 ; Welwei, Das klassische Athen, p. 217-227 ; Ostwald (M.), Oligarchia, The Development of a Constitutional Form in Ancient Greece, (Historia Einzelschriften 144), 2000, p. 22-30 ; et surtout Heftner, Der oligarchische Umsturz, (préparation, présentation des principaux acteurs, idéologie, déroulement et fin). Sur la préparation même du coup d’État, voir particulièrement Sartori, le eterie, p. 115-126 ; Ruzé, Délibération et pouvoir, p. 475-487 ; Bearzot (C.), « Gruppi di opposizione... », p. 273-279 ; Balot (R.K.), Greed and Injustice in Classical Athens. Princeton University Press, 2001, p. 211-218. Sur les personnages « fluctuants » de 411 et 405/4 et sur leurs moyens d’action, voir Delebecque, Thucydide et Alcibiade, p. 85-153 (sur Phrynichos et Pisandre) ; Koerner(R.), « Die Haltung des attischen Demos zu den Umsturzbewegungen nach 412 v. u. Z. », Klio, 57 (1975), p. 405-414 ; Lévy (E.), Athènes devant la défaite de 404, Paris, 1976, p. 143-144 et 217 ; Fouchard, Aristocratie et Démocratie, p. 449-457.
106 Sur les procédés auxquels recourt Pisandre pour « tester » les dispositions du peuple, puis le préparer psychologiquement au coup d’État, voir McCoy (W.J.), « The " Non-speeches " of Pisander in Thucydides’ Book eight », dans Stadter (P.A.), éd., The Speeches of Thucydides, The University of North Carolina Press, Chapel Hill, 1973, p. 78-89 (sera cité sous la forme McCoy, « Non-speeches »), et la récente étude détaillée de Heftner, Der oligarchische Umsturz, p. 63-65.
107 Sur le « secret » des assassinats d’Androclès et d’Hyperbolos, voir Cuniberti (G.), Iperbolo. Ateniese infame. Gênes, 2000, p. 134-149, particulièrement p. 144 Le sort réservé par-delà la mort à Hyperbolos, dont le cadavre cousu dans un sac est jeté à la mer, marque aussi la haine et le mépris de ses assassins : cf. Heftner, Der oligarchische Umsturz :. p. 212-214.
108 On trouve dans la Constitution des Athéniens, 32, 2 la même remarque sur la sunesis des trois principaux artisans du coup d’État, Pisandre, Antiphon et Théramène.
109 Cf. Lévy (E.), Athènes devant la défaite de 401, Paris, 1976, p. 94-96, pour une étude de vocabulaire à propos des luttes civiles à Corcyre. Sur les sophistes et leur influence sur une partie de la classe politique athénienne de la fin du ve siècle, voir ostwald, Popular Sovereignty ; p. 238-250 et p. 363-364. Sur la manière dont Thucydide rapporte les discours tenus par Pisandre aux Athéniens, voir McCoy, « Non-speeches », p. 78-89.
110 Les termes employés par Thucydide sont : sunômosia, hoi amphi, hoi peri, hoi hetairoi, to xunestèkos...
111 Sur Antiphon, cf. Ferguson (W.S.), « The Condemnation of Antiphon », dans Mélanges Gustave Glotz, Paris, 1932, t. 1, p. 349-366 ; Heitsch (Έ.), Antiphon aus Rhamnus, Wiesbaden, 1984 ; Tolbert Roberts, Athens on Trial, p. 57 ; Heftner, Der oligarchische Umsturz, p. 68-70 Gagarin (M.), Antiphon the Athenian, Oratory, Law and Justice in the Age of the Sophists, Austin, 2002, particulièrement p. 38-52 sur l’identité des deux Antiphon, l’orateur et oligarque, et le sophiste.
112 Dans le discours XXV de Lysias, « Pour un citoyen accusé de menées », prononcé vers 400, l’accusé, pour soutenir son argumentation selon laquelle les hommes se déterminent politiquement selon leur intérêt, cite au § 9 comme exemples bien connus de gens qui changèrent de bord « Phrynichos. Pisandre et les démagogues qui étaient avec eux ». Sur le caractère indispensable du secret dans la réussite du coup d’État de 411, voir Bearzot, « Gruppi di opposizione... », p. 306-307.
113 Sur le rôle de Pisandre, qui « activa » en vue du coup d’État les hétairies déjà existantes, cf. surtout Hatzfeld, Alcibiade, p. 236-237 ; Woodhead (A.G.), « Peisander », AJPh, 75 (1954), p. 131-146 ; Jameson (M.H.), « Sophocles and the Four Hundred », Historia, 20 (1971), p. 547-564 ; McCoy, « Non-speeches », p. 78-89, qui écrit que Pisandre jouait le rôle de « public relations man » ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 351 et 354-358 ; Heftner, Der oligarchische Umsturz, p. 61-67 et p. 62, pense que Pisandre peut fort bien avoir été un homme déjà âgé, né dans les années 480. La possibilité que non seulement l’opportunisme, mais aussi la conviction, aient été à l’origine du revirement de Pisandre est soulignée par Woodhead, p. 138-141, par McCoy et par Heftner, p. 62.
114 Sur Phrynichos, cf. Hatzfeld, Alcibiade, p. 233-258 ; Delebecque, Thucydide et Alcibiade, p. 87-125 ; de Romtlly (J.), Alcibiade ou les dangers de l’ambition, Paris, 1995, p. 157-165 ; Heftner, Der oligarchische Umsturz, p. 50-58.
115 Sur Théramène, auquel est consacrée une très abondante bibliographie, voir notamment Harding (P.), Phoenix, 28 (1974), p. 101-111 ; Lehmann (G.A.), « Überlegungen zur Krise der attischen Demokratie im Peloponnesischen Krieg : vom Ostrakismos des Hyperbolos zum Thargelion 411 v. Chr. », ZPE, 69 (1987), p. 68-73 ; David (E.), « Theramenes’Speech at Colonus », Antiquité Classique, 64 (1995), p. 15-25 ; von Ungern-Sternberg (J.), « “Die Revolution frisst ihre eigenen Kinder”, Kritias vs. Theramenes », dans Burckhardt (L.) et von Ungern-Sternberg (J.), Grosse Prozesse im antiken Athen, Munich. 2000, p. 144-156 ; Heftner, Der oligarchische Umsturz, p. 126-130.
116 Sur le Philoctète de Sophocle, joué après le rétablissement de la démocratie, et le dilemme auquel est confronté Néoptolème, voir Ostwald, Popular Sovereignty, p 413.
117 Sur la lutte contre la corruption judiciaire, cf. Calhoun, Athenian Clubs, p. 64-77 ; MacDowell, The Law of Athens, p. 62-66 et 172-174 ; Harvey (D.), « The sykophant and sykophancy : vexatious redefinition ? », dans Cartledge (P.), Millett (P.) et Todd (S.), éd., Nomos, Essays in Athenian law, politics and society, Cambridge University Press.1990, p. 106-107 ; Christ, « Ostracism », p. 336-346 ; Heftner (H.), « Ps.-Andokides’ Rede gegen Alkibiades ([And.]4) und die politische Diskussion nach dem Sturz der “Dreissig” in Athen », Klio, 77 (1995), p. 99-100 ; Arnaoutoglou (I.), Ancient Greek laws, A Sourcebook, Londres, New York, 1998, p. 69-70.
118 Cf. infra n. 123 et 130 sur le décret d’Eucratès.
119 Sur la valeur symbolique de l’ostracisme, cf. Rosivach (V.J.), « Some Fifth and Fourth Century Views on the Purpose of Ostracism », Tyche, 2 (1987), p. 163 ; Christ, « Ostracism », p 340. Brun (P.), « Hyperbolos, la création d’une "légende noire" ». Dialogues d’histoire ancienne, 13 (1987), p. 191-192, insiste sur le fait que le déclin de l’ostracisme était antérieur au vote qui frappa Hyperbolos et qu’il fut accéléré par les mesures politiques qui furent mises en place à la suite des crises de la fin du ve siècle.
120 Sur la fin de l’ostracisme, voir Connor (W.R.) et Keaney (J.K.), « Theophrastus and the End of ostracism », AJPh, 90 (1969), p. 313-319 Sur l’apparition et le rôle de la graphè paranomôn, cf. Lehmann (G.A.), « Überlegungen zur Krise der attischen Demokratie im Peloponnesischen Krieg : vom Ostrakismos des Hyperbolos zum Thargelion 411 v. Chr. », ZPE, 69 (1987), p. 50-51 ; Hansen, La démocratie athénienne, p. 241 et 247 ; Rhodes (P.J.), « The Ostracism of Hyperbolus », dans Osborne (R.) et Hornblower (S.), éd., Ritual, Finance, Politics, Athenian Democratic Accounts presented to D. Lewis, Oxford, 1994, p. 97-98.
121 Sur l’obsession des complots exprimée, à temps et contretemps, — voir la réplique de Bdélycléon dans Les Guêpes, v. 488-499 – par certains personnages d’Aristophane, originaires surtout du petit peuple, voir Ostwald, Popular Sovereignty, p. 219-229, 234, 323 et 357-358, et MacDowell (D.M.), Aristophanes and Athens, An Introduction of the Plays, Oxford, 1995, p. 158-160.
122 Le décret de Démophantos contre la dissolution de la démocratie est rapporté par Andocide, Sur les Mystères (I), 96-98 (= Arnaoutoglou (I.), Ancient Greek laws, A Sourcebook, Londres, New York, 1998, n°64)et par Lycurgue, Contre Léocrate, 126 : voté sous la démocratie restaurée, il est adapté de lois plus anciennes, qui pourraient remonter à une époque antérieure à Dracon, ou à Dracon lui-même, ou à Solon, auquel la Constitution des Athéniens, 8, 4-5 (« celui qui ne prendra pas les armes avec l’un des partis sera frappé d’atimie et n’aura aucun droit politique ») et 16, 10 (« si quelqu’un se révolte pour devenir tyran, il sera privé de tout droit, lui et sa famille ») attribue deux lois, reprises par Plutarque, Solon, 19, 4, ou à l’époque qui suivit la chute des Pisistratides. Sur ce décret, son contexte, la législation qui l’inspira et l’eisangélie, cf. Carcopino, L’ostracisme, p. 30-31, 109-110 et 250-251 ; Ostwald (M.), « The Athenian Legislation against Tyranny and Subversion », TAPhA, 86 (1955), p. 106-107 et 115-119 ; Hansen, Eisangelia, p. 12-20 : MacDowell, 77k ? Law of Athens, p. 175-178 et 190 ; Rhodes(P.J.), « Eisangelia in Athens », JHS, 99 (1979), p. 103-114 ; Hansen (MH), « Eisangelia in Athens : a Reply », JHS, 100(1980), p 89-93 ; Gagartn (M), « The Thesmothetai and the Earliest Athenian Tyranny Law », TAPhA, 111 (1981), p. 71-77 ; Bleicken (J), « Verfassungsschutz im demokratischen Athen », Hermes, 112, 1984, p. 388, n. 8 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 8-9, 114-117, 399 et 414-418.
123 Sur le décret de Démophantos, le décret d’Eucratès et la légitimation de la mise à mort du tyran par un meurtrier qui est « hossios », cf. Landucci Gattinoni (F.), « La legitimazione della vendetta neH’uccisione del tiranno », dans Sordi (M), éd., Amnistia, perdono e vendetta nel mondo antico (Contributi dell’Istituto di storia antica, 23), Milan, 1997, p. 201-216 (avec une riche bibliographie).
124 Sur la distinction entre prodosia et katalusis tou dèmou, et entre les châtiments qui s’y rapportent, voir Piccirilli, Temistocle, Aristide, p. 36-37. Sur les procès de certains des Quatre-Cents, on pourra consulter rapidement MacDowell, The Law of Athens, p. 177-178.
125 MacDowell, The Law of Athens, p. 181 et 184-185, insiste sur l’importance pour la cité de pouvoir prévenir toute tentative de renversement du pouvoir établi : de là découle la nécessité d’une réglementation de la dénonciation. Sur l’importance du soupçon, qui permet de mettre à mort tout suspect sans accusation et sans procès, donnant à tout citoyen athénien la puissance absolue d’un tyran, voir Carcopino, L’ostracisme, p. 30-31, 109-110, 250-251 ; Schubert (Ch.), Die Macht des Volkes und die Ohnmacht des Denkens, Studien zum Verhältnis von Mentalität und Wissenschaft im 5. Jahrhundert v. Chr., Stuttgart, 1993, p. 63-68. Lycurgue surtout, dans le Contre Léocrate, 124-127, fera en 331/0, en s’appuyant sur la leçon de l’expérience, un très long développement sur le soupçon, en commentant la stèle de Démophantos exposée dans la salle du Conseil.
126 Sur la question de l’attitude des Athéniens, qui ne punissent pas les auteurs de violences ouvertes, mais ceux qui font le mal secrètement, cf. le Ps. Andocide, Contre Alcibiade (IV), 21 Sur la question de la liberté dans la cité et de la souveraineté du dèmos, cf. Sinclair. Democracy and Participation, p. 20-23. Sur le danger qu’auraient représenté pour la cité, dans la période qui suivit la chute des Quatre-Cents, des démocrates considérés comme des radicaux ou même des extrémistes par leurs adversaires politiques, voir, à propos du discours XXV attribué à Lysias, Pour un citoyen accusé de menées contre la démocratie, prononcé vers 400, §25-31, Natalicchio, Atene, p. 32-38. L’amnistie proclamée en 403 et l’application qui en fut faite, s’opposant à tout règlement de compte et donc à tout excès, prenaient le contrepied du décret de Démophantos.
127 Cf. infra n. 129.
128 Sur le rapport entre l’ostracisme et la loi contre la tyrannie attribuée à Solon, cf. Carcopeno, L’ostracisme, p. 109-110 et 249-251 ; Raubitschek (A.E.), « The Origin of Ostracism », AJA. 55 (1951), p. 224-226.
129 À l’époque d’Hypéride, qui mentionne dans le Pour Euxénippos (III), 7-8 les délits qui tombent sous le coup de l’eisangélie, les dispositions du décret de Démophantos concernant la katalusis tou dèmou sont remplacées dans l’usage, sans doute depuis 403, par celles de la loi d’eisangélie, qui visent notamment, de manière moins rude, le renversement ou la tentative de renversement de la démocratie : cf. Andocide, Sur les Mystères (1), 99, et voir Carcopino, L’ostracisme, p. 249-250 ; MacDowell, The Law of Athens, p. 176 et 184-185 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 115-118 L’accusé, sur une action intentée par celui des citoyens qui le désire, est déféré soit devant l’ecclesia, soit devant la Boulé, et peut se défendre : s’il est reconnu coupable, il est frappé d’une peine qui va d’une amende à la mort Sur l’eisangélie, on se reportera principalement à Hansen, Eisangelia. Sur le problème de la date d’apparition de la loi d’eisangélie, on consultera notamment, outre Hansen, Eisangelia. p. 12-20, Bearzot, « Anomalie procedurali… », p. 71-76 et 86.
130 Sur le décret d’Eucratès, cf. : SEG 12, 87, p. 26-27 ; Pouilloux (J.), Choix d’inscriptions grecques. Paris, 2e éd., 2003, N°32 p. 121-124 ; Ostwald, Popular Sovereignty, p. 120-123 ; Schwenk (C.J.), Athens in the Age of Alexander. The dated Laws and Decrees of « the Lykourgan Era » 338-322 B.C. Chicago, 1985, N°6, p. 33-41 ; Ober (J), Athenian Legacies. Essays on the Politics of Going on together, Princeton University Press, 2005, p. 21-24 et 222-225.
Notes de fin
* J’adresse tous mes remerciements à Jean-Christophe Couvenhes et à Silvia Milanezi pour m’avoir invitée à participer à ce colloque sur Athènes, et à M. André Laronde pour ses conseils dans l’élaboration de cette étude. Je suis aussi reconnaissante à MM. Patrice Brun et Olivier Picard pour les remarques qu’ils m’ont faites à l’issue de ma communication, m’amenant à développer davantage la partie de mon article consacrée à l’ostracisme
Les traductions françaises de textes grecs sont, sauf exception, celles des ouvrages de la Collection des Universités de France
Auteur
Université de Paris IV — Sorbonne
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Divertissements et loisirs dans les sociétés urbaines à l’époque moderne et contemporaine
Robert Beck et Anna Madœuf (dir.)
2005
Les Cités grecques et la guerre en Asie mineure à l’époque hellénistique
Jean-Christophe Couvenhes et Henri-Louis Fernoux (dir.)
2004
Les entreprises de biens de consommation sous l’Occupation
Sabine Effosse, Marc de Ferrière le Vayer et Hervé Joly (dir.)
2010
La Galicie au temps des Habsbourg (1772-1918)
Histoire, société, cultures en contact
Jacques Le Rider et Heinz Raschel (dir.)
2010
Saint François de Paule et les Minimes en France de la fin du XVe au XVIIIe siècle
André Vauchez et Pierre Benoist (dir.)
2010
Un espace rural à la loupe
Paysage, peuplement et territoires en Berry de la préhistoire à nos jours
Nicolas Poirier
2010
Individus, groupes et politique à Athènes de Solon à Mithridate
Jean-Christophe Couvenhes et Silvia Milanezi (dir.)
2007
Une administration royale d'Ancien Régime : le bureau des finances de Tours
2 volumes
François Caillou (dir.)
2005
Le statut de l'acteur dans l'Antiquité grecque et romaine
Christophe Hugoniot, Frédéric Hurlet et Silvia Milanezi (dir.)
2004