Reprise de conscience de la saisonnalité via la régionalité
p. 71-92
Texte intégral
1Que ce soit dans une perspective éthique d’une alimentation à circuits de proximité potentiellement moins polluants et consolidateurs d’emplois régionaux et/ou nationaux, ou dans une perspective hédonique de recherche d’authenticité des saveurs de terroirs, les produits régionaux ont aujourd’hui le vent en poupe auprès des consommateurs. En questionnant la population du Luxembourg et de la Grande Région à trois années d’intervalle, nous avons vu apparaître une préoccupation grandissante de la notion de régionalité. La saisonnalité y est associée – de façon implicite et selon des logiques distinctes – comme son ombre discrète, mais inséparable.
2L’argumentaire est basé sur deux projets de recherche interdisciplinaires, réunissant à chaque fois une trentaine de chercheurs en sciences humaines et sociales, menés entre 2007 et 2010, respectivement entre 2011 et 2016 à l’Université du Luxembourg1. Les deux études étaient constituées par une enquête quantitative (N = 1 579, récolte des données en 2009-2010 pour faire des statistiques descriptives et multivariées ; N = 3 300, récolte des données en 2012-2013 pour faire des statistiques descriptives), approfondies par une enquête qualitative via des entretiens semi-directifs avec la population (N = 75 pour le projet IDENT ; N = 47 pour le projet IDENT2).
3 Ce chapitre met en lumière des évolutions sociétales empiriques endéans un laps de temps assez court et récent : d’une part, les interdépendances et divergences entre des processus d’attribution et d’appropriation identitaires, dans les champs de recommandations nutritionnelles politiques et de pratiques alimentaires quotidiennes2 ; d’autre part, les interprétations plurielles d’une alimentation responsable, entre idéal et pratique alimentaire, ainsi qu’en relation à la provenance géographique des aliments3. La saisonnalité y apparaît comme un fil rouge – discret et évolutif –, reliant les différents aspects autour d’une alimentation responsable.
La saisonnalité en 2009-2010
Désirabilité sociale
4Pour l’enquête quantitative, en nous appuyant sur Herde4 et Brunner5, nous avons retenu des critères à valence quotidienne, représentant des priorités quant à des caractéristiques nutritionnelles, éthiques, ainsi qu’économiques, lors des arbitrages d’achats alimentaires, pour obtenir une première hiérarchisation des modes de sélection selon différents profils sociaux. Nous avons choisi des attributs qui font sens dans une démarche quotidienne pragmatique : graisse, sucre, sel (caractéristiques nutritionnelles) ; prix (caractéristique économique) ; provenance régionale, saisonnalité, agriculture biologique (caractéristiques éthiques6) (figure 1).
Figure 1. Arguments prioritaires dans les achats alimentaires de la population luxembourgoise.

Source : Université du Luxembourg, 2011.
5Les qualifications auxquelles les consommateurs déclarent accorder la priorité lors de leurs achats alimentaires sont, en premier lieu, la saisonnalité (67 %) et ensuite le prix (64 %). Inversement, les attributs les moins importants, à leurs yeux, sont, en ordre décroissant, la teneur en sucre (38 %), les produits issus de l’agriculture biologique (30 %), ainsi que la teneur en sel (25 %). Or, deux propriétés alimentaires ressortent avec plus d’ambivalence, étant évaluées à part quasi égale comme pertinentes ou non pertinentes au quotidien : la provenance régionale et la teneur en graisse des aliments.
6Ces résultats sont, de plus, profilés socialement. D’une part, le genre joue un rôle important, car pour tous les items demandés, les femmes ont un taux d’approbation plus élevé que les hommes, mais singulièrement pour les items de type diététique : d’abord pour les matières grasses7, ensuite pour le sucre8. Par la suite, un écart de 9 % se constate entre les femmes et les hommes, en ce qui concerne la sensibilité déclarée pour les produits de saison9, respectivement pour la teneur en sel10. La caractéristique pour laquelle il y a le moins de différences de genre est l’agriculture biologique11. D’autre part, l’orientation des choix alimentaires est également conditionnée par l’appartenance sociale, que nous avons cernée par le concept des milieux socioculturels12. Parmi les attributs éthiques, l’influence de la couche sociale est la plus évidente sur les produits issus de l’agriculture biologique, dont la moyenne des approbations (30 %) est la plus basse dans la population générale, mais qui sont quasi uniquement plébiscités par l’ensemble des milieux supérieurs13. La saisonnalité aussi est une valeur importante principalement pour les strates supérieures, mais également pour des personnes de catégories intermédiaires14. La provenance régionale est investie par ces mêmes milieux supérieurs et intermédiaires, mais dans un ordre différent15.
7Quant aux qualificatifs nutritionnels (graisse, sucre, sel), ils constituent des priorités pour des répondants issus de milieux beaucoup moins favorisés, sauf pour le milieu conservateur privilégié, sans doute parce que les personnes constituant ce milieu sont en moyenne dix ans plus âgées que la population globale16 et prioriseraient ainsi des préoccupations sanitaires17.
8Le prix des denrées est l’item le plus clairement corrélé au revenu net des ménages18 : les personnes moins dotées font le plus attention à leur budget. Néanmoins, 48 % parmi les plus aisés maintiennent un rapport parcimonieux à leurs dépenses alimentaires, qui ne sont alors pas en adéquation à leurs revenus élevés, constituant un frein à une rémunération généralement plus élevée de circuits de valeur ajoutée locale, saisonnière et/ou de production biologique.
9Bref, les évaluations des dimensions éthiques vont de l’approbation (saisonnalité) à l’ambivalence (régionalité) et, dans un intervalle plus conséquent, à la désapprobation (produits issus de l’agriculture biologique). Néanmoins, les minorités ici tournent à chaque fois autour d’un tiers des réponses, ce qui indique que ces tendances ne sont dans aucun des cas entièrement homogènes. Il n’empêche que la saisonnalité occupe le statut le plus valorisé parmi les priorités selon lesquelles les répondants déclarent choisir leurs aliments – du moins lorsque cet item est listé directement dans un questionnaire quantitatif.
Lien elliptique à la diététique, surtout pédagogique
10Quand on se penche sur le sens subjectif que des individus attribuent à leur alimentation, lors d’entretiens qualitatifs, une tout autre image apparaît : la saisonnalité est quasi absente des discours spontanés lorsque les personnes évoquent ce qui leur tient à cœur dans leur façon de manger au quotidien et ce qui correspond, à leurs yeux, à une « bonne » alimentation.
11Cette impulsion a incité essentiellement des discours de type nutritionnel. Notamment, une alimentation « équilibrée » est évoquée en tant que préoccupation centrale, de même qu’une consommation raisonnable de tous les aliments. Le souhait de manger « plus de fruits et de légumes » est le plus souvent exprimé, mais la maxime des « cinq par jour », tel qu’elle est diffusée dans des campagnes de santé publique ou de plans d’action nationaux19, n’est citée qu’occasionnellement. La saisonnalité de ces fruits et légumes n’est jamais mentionnée. Enfin, la pratique alimentaire devrait être caractérisée, selon les personnes interrogées, par des aliments « pas trop gras », l’aspiration à une vie saine étant dans ce cas liée à l’idéal puissant de la minceur.
12La saisonnalité ne figure pas non plus dans les recommandations nutritionnelles de santé publique diffusées dans le cadre du plan d’action national « Gesond iessen, méi bewegen » (GIMB, traduisible en « Manger sainement, bouger plus ») à la même période où se déroulait la campagne des entretiens20. GIMB est mis en œuvre par quatre ministères (Santé, Famille, Éducation nationale, Sport) plus axés sur la population générale que sur les problématiques plus spécifiques de la production alimentaire, tendanciellement gérés par d’autres ministères (Agriculture, Environnement, Économie). Ainsi, des notions éthiques ou économiques, telles la durabilité du secteur alimentaire national et, plus précisément, la production qualitative à circuits de proximité, divers types d’agriculture (conventionnelle, raisonnée, biologique, biodynamique, etc.), la redécouverte du maraîchage professionnel, les garanties offertes par différents labels, ou encore la consommation régionale ou saisonnière ne figurent pas dans ce plan d’action. GIMB est clairement un outil de politique de santé publique, mais il n’est pas un instrument de politique alimentaire nationale. En l’absence de telles informations ou recommandations publiques au sujet des conditions de production agricole, artisanale ou industrielle de la nourriture, les citoyens posent alors leurs propres jalons individuels. Notamment, ni la saisonnalité des aliments ni les contextes agroalimentaires ne leur viennent à l’esprit quand ils détaillent leurs visions d’une « bonne » alimentation.
13Dans ces descriptions, les interviewés véhiculent des valeurs personnelles majoritairement hédoniques et profondément socioculturelles. Pour leur subjectivité, est mis en avant le plaisir gustatif pragmatique, peu subordonné aux préceptes normatifs d’alimentation saine. Pour leurs intersubjectivités, est soulignée la dimension culturelle de réactualisation communautaire et conviviale lors de repas pris ensemble : entre amis et proches, mais surtout dans le souci parental envers les enfants, unissant éducation et affectivité. Bref, dans leur centrage sur le bien-être socioculturel des personnes, elles font preuve d’un travail identitaire plus complet que la seule orientation sanitaire telle qu’elle est véhiculée dans GIMB, dans son centrage sur l’objet, c’est-à-dire sur la partie cognitive de l’alimentation et notamment la composition des repas par diverses catégories de denrées primaires.
14L’idéal de l’autogestion responsable – qu’elle soit pratiquée dans un esprit d’ouverture ou de doutes voire de résistance – gagne en importance lorsqu’il est appliqué, en plus, aux enfants du ménage21. Le discours sur le rôle modèle des parents englobe en particulier une revalorisation normative des fruits et légumes, sans pourtant thématiser leur saisonnalité.
15On retrouve cette prévalence diététique dans les deux seuls extraits d’entretien qui font mention explicite de la saisonnalité, émanant de deux professionnels de la garde d’enfants :
À la crèche, j’ai essayé de faire de l’éducation à l’alimentation avec les enfants, où je voulais leur expliquer les différentes sortes de fruits et de légumes. […] Il y en a beaucoup qui savent à peine ce que c’est qu’une pomme ou une banane […]. Pour Halloween, on fait de la soupe de potiron avec les enfants […]. Pour Noël, on fait avec eux des biscuits sablés. Ça se distribue sur l’année. En été, nous faisons des brochettes de fruits.
(Femme, 31 ans, Lux.)
Il faudrait […] sensibiliser les parents à quel point c’est important que les enfants aient […] une alimentation équilibrée et aussi pour pointer les risques qu’apporte le surpoids […]. Nous sommes conséquents [envers les enfants de la structure d’accueil parascolaire]. « Vous pouvez quasi toujours prendre des fruits », mais on les mange à des heures fixes, avant ou après une activité, pour que ça devienne un rituel […], pour qu’ils mangent le fruit en entier. Au lieu de le gaspiller. Et nous sortons exactement les fruits qui correspondent aux saisons, de façon à ce que chacun puisse trouver ce qui lui plaît.
(Homme, 30 ans, Lux.)
16Dans les deux passages, la saisonnalité n’est pas au centre de la réflexion, mais elle fait partie de savoirs associés à une éducation alimentaire que les deux professionnels de la (petite) enfance pratiquent dans leurs structures. À la crèche, il s’agit d’une sensibilisation basique pour distinguer les fondamentaux et contrer la néophobie ; ensuite, la saisonnalité des ingrédients pour des préparations est reliée, par des activités kinesthésiques et sensorielles, au défilement des saisons calendaires, ponctuant l’apprentissage de la temporalité. Dans la structure d’accueil parascolaire (pour enfants de trois à douze ans), la saisonnalité est plutôt mentionnée dans le contexte de l’optimisation sanitaire et pondérale que peut favoriser l’accès libre à des fruits frais. La saisonnalité apparaît, de plus, subordonnée à l’impératif éducatif et éthique de ne pas gaspiller. Dans cette argumentation, il y a cependant une contradiction entre l’idéal de cet accès libre et le rituel à heures fixes, censées limiter le gaspillage par la surveillance adulte. De plus, ce qui reste elliptique, c’est la raison pour laquelle les fruits de saison correspondraient aux préférences des enfants. Sur quoi ce lien hypothétique est-il fondé ?
17On conçoit ainsi que la saisonnalité, mentionnée de façon extrêmement rare lors de discussions ouvertes en 2009-2010, ne remplit de fonction ni éthique ni écologique, par un choix éventuel conscient de produits issus d’une économie circulaire de proximité et à peu d’intermédiaires, avec valeur ajoutée locale. Elle tient plutôt d’une catégorie morale qui a un lien – mais un lien elliptique et peu réflexif – à la diététique, et notamment la diététique à visée pédagogique, tant dans un but explicatif de la diversité alimentaire que dans un but correcteur de surpoids.
18Quant à sa prééminence statistique en relation à d’autres propriétés alimentaires d’ordre éthiques (explicitement sollicitées, contrairement aux développements qualitatifs sans impulsion directe à ce sujet), la saisonnalité apparaît comme un élément de désirabilité sociale. En effet, c’est surtout le milieu alternatif – les trends setters libéraux et aisés – qui y adhère, sans doute en tant que valeur redécouverte. En parallèle, la saisonnalité reste investie par la frange conservatrice des milieux supérieurs, là sans doute en tant que valeur traditionnelle transmise. Le troisième milieu qui valorise la saisonnalité est le milieu petit-bourgeois. Ainsi, la sensibilité à la saisonnalité est un phénomène mené par des couches sociales supérieures – quitte à ce que ce soit pour des motivations distinctes – et maintenu par un milieu intermédiaire.
La saisonnalité en 2012-2013
19Étonnés de l’importance quantitative et de l’absence qualitative de la saisonnalité, de même qu’au sujet de l’ambivalence liée à la régionalité, nous avons creusé dans l’étude subséquente les raisons de ces orientations, ainsi que les façons de faire associées. Nous avons commencé par un panorama quantitatif sur l’importance de l’origine géographique selon différentes catégories d’aliments primaires. C’était un parti pris méthodologique d’éviter de mentionner les termes « régional », « local », « terroir », etc., mais de faire référence de façon neutre à la « provenance géographique », afin d’élucider ce que les interviewés associent avec ce concept.
Savoirs anciens et féminins, liés à la production horticole
20Selon les données quantitatives, l’origine des aliments est considérée comme importante avant tout pour les produits animaliers frais, suivis des fruits et légumes. Ensuite, ce sont les vins et les crémants qui sont valorisés selon leur origine. Plus loin derrière suivent les pommes de terre, d’autres boissons, ainsi que, en dernier lieu, les produits céréaliers. Ainsi, plus les produits sont périssables, plus leur origine géographique est valorisée, sans doute – et les entretiens qualitatifs viennent confirmer cette interprétation – parce que cette origine est assimilée à la proximité et donc à une fraîcheur accrue, due à une temporalité et un parcours de transport réduit. Les jus de fruits constituent une exception intéressante à cet égard, car même si c’est une version transformée d’un produit à la base régional et saisonnier, son industrialisation, sa conservation prolongée par flash pasteurisation, ainsi que ses prédicats de vitamines et de detox lui confèrent une universalité qui en a gommé la provenance et aussi la saisonnalité (infra figure 2).
21Les résultats quantitatifs de cette seconde étude confirment de nouveau la saillance de la saisonnalité : 82 % des répondants déclarent que c’est important pour eux que les fruits et légumes soient de saison. Les femmes22 y font le plus attention, et singulièrement les femmes âgées entre 55 et 64 ans23 ; les personnes qui s’y intéressent le moins sont, au contraire, les jeunes hommes24 et les célibataires25.
22Souhaitant revenir sur les attributs éthiques des aliments (régionalité, saisonnalité, agriculture biologique, complétées par le commerce équitable), nous avons investigué les modes de renseignement et de savoir que les répondants mettent en œuvre à leur sujet, catégorisées en recherche active d’information, confiance passive, autonomie confiante et désintérêt, avec à chaque fois des sous-divisions pratiques (infra figures 3, 4 et 5). Des réponses multiples étaient possibles.
23Pour la provenance régionale, le commerce équitable et l’agriculture biologique, on retrouve une combinaison des modes de renseignement – avec des pondérations légèrement variées – entre « je lis l’étiquette » et « je fais confiance au label » ; les répondants n’utilisent ainsi pas la totalité de la palette indiquée. La première posture est active, mais il s’agit d’une prise d’information sur le lieu d’achat, concernant des aliments individuels, pas nécessairement préméditée ni inscrite dans une démarche de spécialisation. La deuxième tactique consiste en une délégation passive, avec ou sans renseignement préalable au sujet des cahiers de charges et garanties que fournit un label donné ; son maniement quotidien est plus facile, car portant sur une série de produits de plusieurs marques identifiées et mémorisées.
Figure 2. Arguments de la provenance géographique pour différentes catégories d’aliments pour la population luxembourgeoise. Items représentés en pourcentages.

Source : Université du Luxembourg, 2016.
Figure 3. Modalités d’information sur la provenance géographique locale des aliments. Items représentés en pourcentages.

Source : Université du Luxembourg, 2016.
Figure 4. Modalités d’information sur le commerce équitable. Items représentés en pourcentages.

Source : Université du Luxembourg, 2016.
Figure 5. Modalités d’information sur l’agriculture biologique. Items représentés en pourcentages.

Source : Université du Luxembourg, 2016.
24La même question posée au sujet de la saisonnalité des fruits et légumes donne un tout autre résultat (figure 6).
Figure 6. Modalités d’information sur la saisonnalité d’un produit. Items représentés en pourcentages.

Source : Université du Luxembourg, 2016.
25Ici, 60 % des répondants déclarent « je m’y connais », alors que 28 % disent lire l’étiquette et seulement 17 % font confiance au label. La revendication de connaissances antérieures et non formelles est ici très marquée. Le caractère non formel de ces savoirs doit également frapper les lecteurs d’étiquettes qui auront bien du mal à retrouver des informations au sujet de la saisonnalité sur l’étiquetage – car elle n’y est quasiment jamais mentionnée –, si ce n’est de façon indirecte via la provenance : si des asperges en février proviennent du Pérou, c’est qu’elles ne sont sans doute pas encore de saison en Europe de l’Ouest. Ce manque d’information tirée de la lecture de l’étiquette, ainsi que l’absence de labels certifiant la saisonnalité sont alors compensés par d’autres tactiques de prise d’information, plus développée que pour les autres attributs éthiques des aliments : 17 % des répondants font confiance à leur commerçant, par délégation passive de jugement, et 13 % font des recherches sur internet, dans un geste actif dépassant la situation d’achat immédiate, potentiellement spécialisant.
26Au sujet de la saisonnalité, on a les différences de genre les plus marquées : les personnes qui déclarent s’y connaître sont très majoritairement des femmes26, en particulier des femmes de 45 ans et plus27 ; les très jeunes hommes28 s’y connaissent le moins. Ce sont les hommes qui recourent majoritairement aux tactiques compensatoires pour la saisonnalité : lecture d’étiquette29, confiance faite au label30, confiance faite au commerçant31. Les consommateurs, cependant, qui font des recherches sur internet sont à parts égales des hommes ou des femmes.
27Ainsi, la saisonnalité continue non seulement à occuper un statut distinct parmi les attributs éthiques des aliments relevés quantitativement, par son évidence et sa désirabilité sociale. Elle est aussi l’attribut qui fait référence le plus clairement à des savoirs et savoir-faire liés à la cuisine et à la production agricole, horticole ou maraîchère, anciens et surtout féminins.
Contrainte morale
28Tout comme dans l’étude précédente, le statut de la saisonnalité change lorsque les interviewés détaillent dans des entretiens qualitatifs, d’une part, ce qui selon eux serait une « bonne » alimentation pour notre société et, d’autre part, ce qui leur importe lorsqu’ils choisissent leurs aliments. Dans le contraste ainsi posé entre un idéal et une pratique alimentaire se montrent la signification quotidienne et les valeurs sous-jacentes.
29D’abord, les assertions autoréférentielles, majoritaires, montrent qu’une « bonne » alimentation « pour notre société », telle qu’elle a été demandée dans les entretiens, a été prise comme « bonne » alimentation « pour moi ». En revanche, les réflexions égocentrées sont moins importantes lors des pratiques d’évaluation et de sélection, où c’est plutôt l’origine des aliments qui devient prioritaire. Mais ce sont bien ces deux types de discours qui priment, et ce même de façon symétrique : quand les interviewés parlent de leur idéal alimentaire, la moitié de leurs considérations tournent autour de leur personne et un tiers autour de l’origine des aliments ; quand ils parlent de leurs pratiques de sélection alimentaire, la moitié de leurs développements concernent la provenance des aliments et un gros tiers concerne leur propre personne (tableau 1).
Tableau 1. Schématisation des discours thématiques d’autoréférentialité, relevés lors d’entretiens qualitatifs.

Source : Reckinger R., 2016.
30Dans la perspective sur l’idéal, l’orientation sanitaire selon les valeurs nutritives, ainsi que l’équilibre et la variation autodisciplinantes viennent en tête des argumentations égocentrées. Au niveau pratique, les valeurs nutritives jouent par contre un rôle minoritaire et la résolution de manger de façon équilibrée et variée encore plus – alors qu’elle serait pourtant interprétable et praticable de façon hédoniste. Elles sont pragmatiquement remplacées par la préférence donnée à un prix bas ou modéré. L’attente subjective et hédonique d’une qualité supérieure – entendue empiriquement comme aliments ayant « bon goût »- revient régulièrement, tant dans l’idéal que dans la pratique alimentaire. Les idéaux sont souvent énoncés avec une certaine généralité, à l’instar de l’évitement des additifs « chimiques », comme si une prise de position politique, engagée, nommée (en faveur d’une agriculture par exemple biologique, raisonnée, extensive, de connaissance interpersonnelle ou autre) était évitée. De même, la saisonnalité et la régionalité ne sont aucunement thématisées en tant qu’idéal, ni personnel ni sociétal. Dans les développements autoréférentiels pratiques, les aliments savoureux apparaissent, plus concrètement, liés à la fraîcheur-catégorie inexistante en termes d’idéal alimentaire. Certes, on peut concevoir la notion temporelle de « fraîcheur » comme une actualisation pratique et partielle de la régionalité (par un transport court et ainsi rapide) ou de la saisonnalité (par la récolte potentielle à maturité optimale, rendant les fruits et légumes plus délicats à transporter, d’où la nécessité de chemins courts), mais ce lien n’est pas fait explicitement par les interviewés (tableau 2).
Tableau 2. Schématisation des discours thématiques sur la provenance locale des produits. Source : Reckinger R., 2016.

31Lorsque les interviewés évoquent spontanément la provenance dans leur idéal et leur pratique alimentaire, c’est surtout la régionalité qui ressort. Ces deux glissements – que l’idéal alimentaire est principalement perçu comme égocentré (et pas sociétal) et que l’origine des aliments est principalement perçue comme régionale (et pas simplement traçable et réglementaire, comme le certifient divers labels) – sont fondateurs de sens empirique.
32Dans les pratiques d’évaluation et de sélection alimentaires, d’autres aspects, qui prennent appui sur la régionalité, s’ajoutent : il s’agit de « soutenir » économiquement des producteurs régionaux – même si ce verbe, utilisé fréquemment, indique davantage des actes sporadiques de solidarité symbolique qu’une pratique d’achat consistante. Les interviewés disent également vouloir éviter des chemins de transport longs et privilégier des produits régionaux, qui apparaissent comme une alternative authentique et digne de confiance par rapport à des produits biologiques, parfois empreints de suspicion. La locution relativisante récurrente « mais peut-être que c’est juste dans ma tête » laisse conclure à du savoir implicite, qui fonctionne davantage via de la confiance globale et des représentations que via des canaux cognitifs précis.
33En parlant de la provenance des aliments, tant dans une perspective idéale que pratique, des références sont faites au type d’agriculture qui les produit. Dans les cas de positionnement clair envers les produits biologiques, cette légitimation est faite d’une part par leur « meilleur goût », soit un argument hédonique subjectif – et pas par un argument sanitaire (tel qu’il apparaît, sous une forme plus générale d’évitement de composants « chimiques » dans les discours égocentrés) ni par un argument écologique d’évitement d’intrants synthétiques ; d’autre part, la confiance accrue due à des contrôles de qualité et des conditions de production est structurante, notamment au sujet des œufs, de la viande et des fruits et légumes. Dans ce sens, tant l’approbation que le rejet de l’agriculture biologique de la part des consommateurs est davantage un credo affectif qu’une décision consciente en vue d’un mode de vie écologique.
34Cette affectivité subjective se retrouve dans d’autres thèmes évoqués spontanément : les « bons produits » du potager personnel, mais également la légitimation des produits (régionaux, biologiques et généralement des produits dont l’origine est connue) par leur présupposé meilleur goût. Malgré cette fréquence d’évocation des produits régionaux, leur approbation est modérée, ce qui se perçoit aux potentialités mentionnées dans ce contexte : que ce soit une intention qui n’est pas une volonté assez forte pour être suivie de façon consistante, ou que ce soit une intention qui se heurte à des problèmes spécifiques.
35La saisonnalité, quant à elle, semble notablement découplée de l’excellence gustative – c’est là que réside sa différence affective des produits régionaux – et apparaît par conséquent uniquement comme injonction morale de responsabilité personnelle, sur le mode de l’astreinte.
On essaye. C’est toujours mieux d’acheter des légumes de saison et de ne pas prendre des fraises en hiver par exemple. Évidemment. Maintenant, s’il y a une super-promo sur... je ne sais pas, un melon en hiver, je ne vous garantis pas qu’on ne le fera pas, parce qu’on a dans l’idée que le melon a peut-être fait 1 000 km en avion et que ça pollue beaucoup en CO2. […] On n’a pas encore cette mentalité écologiste très ancrée. Mais en tout cas on a conscience qu’il faut acheter des produits de saison et des produits locaux si possible.
(Homme, 44 ans, Wallonie, Be.)
J’achète des aliments de saison, qui sont donc la plupart du temps de la région ici. Acheter en hiver des haricots frais d’Afrique, c’est un non-sens pour moi. Les gens ne savent plus ce que c’est que des légumes d’été et des légumes d’hiver. Autrefois, on faisait avec ! (Femme, 67 ans, Lux.)
36La rareté de mention de la saisonnalité peut aussi être un indicateur d’une pratique évidente et intériorisée, qui n’a pas besoin d’être argumentée :
Vous ne me verrez jamais acheter des fraises au mois de décembre, même s’il y en a hein, je suis de saison. Je suis très de saison.
(Femme, 49 ans, Lorraine, Fr.)
37La saisonnalité est donc évoquée essentiellement comme une contrainte à laquelle il faut se soumettre, comme dans les cas où c’est le budget qui dicte la saisonnalité, dans la mesure où des fruits et légumes de qualité seraient plus abordables en saison ; mais même dans cet argumentaire économiste, des exceptions hédoniques sont permises. Notons également une notion élastique de la saisonnalité, les asperges étant présentées comme arrivant à maturité simultanément que les fraises.
Donc la saison est importante, maintenant des fraises, maintenant des asperges. Prendre des fraises et des asperges en hiver est un no-go pour moi. Rien que par le prix, là ça commence où je dis « non, non, là ça fait mal ! »
(Femme, 51 ans, Lux.)
Si c’est des choses de saison qui n’ont pas voyagé beaucoup, on va forcément avoir quelque chose de qualité et ce n’est pas forcément lié au prix. Pour avoir des choses de qualité, on est obligé de payer plus cher. Voilà, c’est surtout pour avoir des bonnes cerises à Noël où on va payer cher. Si on veut avoir des bonnes cerises en ce moment, on aura plus de chances de trouver un prix acceptable ».
(Homme, 44 ans, Lorraine, Fr.)
38L’affectivité en matière de saisonnalité intervient uniquement lorsqu’elle est liée à une production familiale, dans un potager ou pour des conserves. Vu que la vague du urban gardening32 n’avait pas encore beaucoup d’ampleur au moment où les entretiens ont été menés, ces passages sont très minoritaires :
Je vais aller ramasser mes fraises pour faire de la confiture, ce sera la saison ici […]. En règle générale c’est dans mon congélateur, tous les légumes que j’ai, c’est des légumes qui viennent du jardin.
(Femme, 49 ans, Lorraine, Fr.)
Évidemment, j’ai un jardin et un potager. Donc il y a beaucoup de légumes que je n’achète pas, en saison en tous cas, plus du tout. Je n’achèterai plus de salade […] jusqu’au mois d’octobre, parce que là maintenant la production domestique est abondante.
(Homme, 52 ans, Wallonie, Be.)
39Deux aspects se dégagent de ces observations : d’abord, même dans les discours au sujet de la provenance des aliments, plus centrés sur l’objet, se dessine une dimension égocentrée sous-jacente, par exemple lorsque des routes de transport lointaines sont moins critiquées pour leurs émissions en CO2 que pour leur durée, nécessitant un traitement chimique de produits autrement périssables, que des interviewés considèrent comme représentant un risque sanitaire personnel. Ou lorsque des catégories d’aliments avec des origines reconnaissables ou issus de l’agriculture biologique ou régionaux sont préférées par l’argument hédonique que l’on considère qu’ils ont de meilleures saveurs. Le modèle mental principal reste l’autoréférentialité.
40Ensuite, les savoirs au sujet de la saisonnalité semblent d’ordre général et de qualité très superficielle, quasi jamais déclinée selon des catégories d’aliments spécifiques, mis à part quelques exemples emblématiques, surtout des fruits rouges gourmands et exceptionnels (fraises, cerises). Mais il ne semble pas y avoir de conscience que manger toute l’année, par exemple, des pommes – un fruit également autochtone, mais banalisé – ne relève pas de la saisonnalité non plus. Pour pallier cette lacune, le projet « Natur Genéissen – mir iesse regional, bio a fair » (« savourer la nature – nous mangeons régional, bio et équitable33 »), mené par le Syndicat intercommunal SICONA, fournit un calendrier précis aux professionnels des cuisines collectives sur son territoire. Ce calendrier, en spécifiant le début, le sommet et la fin de saison, fait un lien explicite entre la régionalité locavore et son ombre de nos jours peu visible qu’est la saisonnalité (infra figure 7).
Figure 7. Exemple de communication spécifique sur la saisonnalité de légumes régionaux au Luxembourg. Source : SICONA (ibidem).

41Depuis 2011, ce projet est en vigueur parmi les municipalités membres de ce syndicat intercommunal pour la conservation de la nature. Il met en relation des agriculteurs produisant selon les critères ci-dessus définis dans un cahier des charges et les responsables de cuisine des services d’éducation et d’accueil (SEA) pour les écoliers de ces mêmes communes.
42Dans la population générale, seuls les jardiniers – et notamment pour la partie potager les femmes plus âgées – semblent en avoir gardé une certaine conscience pratique ; pour les autres, elle représente une contrainte morale. Cette contrainte morale est aussi imprécise qu’intériorisée (relevant des savoirs implicites, socialement transmis, mais vécus comme personnels, tel qu’a montré l’importance de la statistique de l’affirmation « je m’y connais ») : une maxime autodisciplinante plutôt qu’un guide concret.
En conclusion
43En 2009-2010, nous avons analysé une politique publique et des conceptions de la population générale au sujet d’une « bonne » alimentation. Les auteurs du plan d’action national GIMB promeuvent une alimentation saine, variée et équilibrée, qui doit faire plaisir ; elle est centrée de façon analytique sur l’objet-alimentation, notamment sous la forme de recommandations diététiques. En ayant un rapport moins sanitaire, plus spontané et plus hédonique à leur alimentation, les interviewés opèrent un centrage sur la personne, en particulier dans les dimensions intersubjectives et socioculturelles de la communautarisation. Cependant, ni la régionalité ni la saisonnalité ne sont thématisées explicitement dans ces développements qui, lorsqu’ils prennent une tournure autodisciplinante, font tout au plus référence à la diététique sanitaire, mais aucunement à des préoccupations au sujet des conditions agricoles, environnementales ou économiques de la production alimentaire ; la saisonnalité transparaît statistiquement comme élément de désirabilité sociale, menée par des couches privilégiées, mais ayant peu d’effets pratiques quotidiens, si ce n’est comme catégorie morale liée de façon elliptique à la diététique pédagogique.
44En 2012-2013, les interprétations qualitatives d’une « bonne » alimentation ont été analysées en contrastant un idéal et une pratique alimentaire individuelle. Là non plus, il n’y a pas d’identification collective notable avec des éléments de durabilité écologique. Cependant, des glissements importants se constatent : l’idéal alimentaire est dépeint essentiellement par des critères autoréférentiels, tandis que la pratique d’évaluation et de sélection alimentaire s’appuie avant tout sur des réflexions au sujet de la provenance des aliments (même si elles restent également traversées par un égocentrisme certain). En regardant de près l’autoréférentialité, dans l’idéal alimentaire, ce sont les aspects de promotion de santé individuelle qui priment (et une composition équilibrée des repas selon des valeurs nutritives saines est souvent présentée comme antinomique aux aliments goûteux) ; dans la pratique, ce sont des critères économiques au niveau du ménage, et singulièrement le prix, qui sont les plus importants, suivis de préférences hédoniques. La provenance des aliments, quant à elle, est surtout vue comme étant régionale, tant dans l’idéal alimentaire que dans la pratique ; la saisonnalité, en étant mentionnée moins souvent et avec moins d’emphase, en apparaît comme l’ombre peu visible. Mais même la régionalité locavore, si centrale dans les discours, passionne uniquement lorsqu’elle est thématisée comme garante de produits plus frais et de meilleures saveurs. L’argument gustatif à leur encontre est uniquement utilisé de façon positive et affective. La saisonnalité est alors, quelquefois, mentionnée : sauf à parler du potager domestique, lié à des savoirs anciens et surtout féminins, la saisonnalité est évoquée sur le mode de la contrainte morale généralisatrice autodisciplinante, mais pas en tant qu’étalon précis d’action responsable. L’argument hypersubjectif de la fraîcheur et de la meilleure saveur est, en fait, le plus souvent utilisé pour étayer une méfiance ou une approbation éventuelle, le cas échéant, envers les produits issus de l’agriculture biologique ou conventionnelle : soit en négatif (on ne remarquerait pas de différence sensorielle entre les produits de ces deux types d’agriculture), soit en positif (les produits d’un de ces deux types d’agriculture, en général l’agriculture biologique, seraient meilleurs au goût). L’agriculture biologique et conventionnelle est ainsi construite comme antonymique, par des arguments symétriques. Les produits régionaux – pourtant également inscrits dans un type d’agriculture parmi plusieurs possibles – apparaissent comme dissociés des arguments gustatifs à usage discriminant négatif.
45Ainsi, pour les interviewés, la régionalité comme qualification alimentaire prime largement sur la saisonnalité, qui, elle, demande une réflexivité et une conscience agricole plus importante. Mais la forme locavore de la notion de régionalité est une tendance montante et elle favorise, justement, une (re)prise de conscience des contextes géolocalisés de la production alimentaire. Sa diffusion pourrait avoir un impact positif sur la saisonnalité tant dans les représentations que dans les pratiques des consommateurs – en tant que facteur de réduction d’émissions liées au transport, de potentiel d’identification communautaire et, si elle est liée à des critères qualitatifs certifiés, de valorisation locale. Elle pourrait même avoir un impact sur la lutte contre le gaspillage alimentaire, en réintroduisant éventuellement les pratiques domestiques ou communautaires saisonnières de mise en conserve et en (ré)investissant des métiers artisanaux de transformation alimentaire locale. Le fait que la saisonnalité est plébiscitée par les milieux socioculturels alternatifs et conservateurs privilégiés – soit les personnes dont les pratiques alimentaires sont le plus en adéquation aux recommandations diététiques publiques34 –, pointe dans cette direction, de même que la redécouverte par ces mêmes milieux nantis du maraîchage amateur via l’engagement dans des jardins communautaires35, ainsi que la multiplication de coopératives maraîchères et agricoles à participation citoyenne36, unissant producteurs innovants et consomm’acteurs pour favoriser les circuits de proximité et la saisonnalité37.
46Mais, à l’heure actuelle, la saisonnalité attend encore d’être pleinement réinvestie par les pratiques sociétales (réglementations politiques, productions et diffusions professionnelles, consommations privées) et d’être désenclavée de son image morale et disciplinante
Notes de bas de page
1 IDENT – Identités socioculturelles et politiques identitaires au Luxembourg a abouti à un ouvrage collectif édité par IPSE (identités, politiques, sociétés, espaces), 2010 (en allemand) et 2011 (un en français et un en anglais). Les résultats du projet de recherche IDENT2 – Processus de régionalisation et constructions identitaires dans des espaces transfrontaliers ont été rassemblés dans la publication collective éditée par Wille C.,Reckinger R., Kmec S. et Hesse M., 2014 (en allemand) et 2016 (en anglais), l’adresse d’hébergement définitive de ces deux projets de recherche est https://ident.uni.lu.
2 Reckinger R., « Une “bonne” alimentation. Oscillation entre principe directeur politique et pratique individuelle au quotidien », in IPSE [identités, politiques, sociétés, espaces] (éd.), Construire des identités au Luxembourg. Appropriations subjectives – Projections institutionnelles – Milieux socioculturels, Paris, Berg International, 2011, p. 270-286.
3 Reckinger R., « Sustainable everyday eating practices from the perspective of spatial identifications », Wille C., Reckinger R., Kmec S., Hesse M. (eds.), Spaces and identities in border regions. Politics – Medias – Subjects, Bielefeld, transcript, 2016, p. 252-266.
4 Herde A., « Kriterien für eine nachhaltige Ernährung auf Konsumentenebene », Discussion Paper 20/05, Berlin, Technische Universität Berlin, Zentrum Technik und Gesellschaft, 2005.
5 Brunner K.-M., « Konsumprozesse im Ernährungsfeld : Chancen für Nachhaltigkeit ? », Internationaler Arbeitskreis für Kulturforschung des Essens, Mitteilungen 10, 2003, p. 22-29.
6 J’entends le terme « éthique » ici au sens où le choix d’un des attributs qu’il subsume demande un arbitrage conscient et selon des catégories éthiques aux consommateurs ; il n’implique pas automatiquement que la régionalité, la saisonnalité ou l’agriculture biologique seraient éthiquement supérieures à d’autres alternatives, cf. la critique du très fréquent « local trap », assumant à tort que l’échelle locale de production alimentaire serait en soi garante de qualité (Born B., Purcell M., « Avoiding the local trap. Scale and food systems in planning research », Journal of Planning Education and Research 26, 2006, p. 195-207).
7 58 % des femmes affirment y faire attention et 43 % des hommes (moyenne : 50 %).
8 44 % des femmes affirment y faire attention et 32 % des hommes (moy. : 38 %).
9 Plébiscités par 72 % des femmes et 63 % des hommes (moy. : 67 %).
10 Surveillée par 29 % des femmes et 20 % des hommes (moy. : 25 %).
11 Favorisée par 33 % des femmes et 28 % des hommes (moy. : 30 %). L’agriculture biologique est le seul item éthique où le revenu mensuel net du ménage a une incidence : les ménages à < 3 000 € ont une consommation de ces produits en dessous de la moy. (25 %), alors que les ménages à > 7000 € en ont une consommation au-dessus de la moy. (39 %).
12 L’originalité de cette approche constitue à allier des données socio-démographiques quantitatives classiques à un questionnaire qualifiant les valeurs socioculturelles des personnes. Ainsi, un axe vertical de stratification (comprenant des milieux défavorisés, des milieux intermédiaires et des milieux privilégiés) est combiné à un axe horizontal de diversification allant de conservateur à avant-gardiste [IPSE (éd.), Construire des identités au Luxembourg. Appropriations subjectives – Projections institutionnelles – Milieux socioculturels, Paris, Berg International, 2011, p. 41-68]. Les noms des milieux socioculturels obtenus suivent la dénomination de Vester M., Von Oertzen P., Hermann T., Müller D., Soziale Milieus im gesellschaftlichen Strukturwandel. Zwischen Integration und Ausgrenzung, Frankfurt/M., Suhrkamp, 2001, qui a été transposée au Grand-Duché de Luxembourg.
13 À 53 % par des personnes appartenant au milieu alternatif privilégié, à 42 % par des personnes appartenant au milieu libéral privilégié, puis à 34 % par des personnes appartenant au milieu conservateur privilégié.
14 Les répondants qui l’approuvent sont issus à 78 % du milieu alternatif, à 75 % du milieu conservateur privilégié, mais aussi à 72 % du milieu petit-bourgeois (moy. : 67 %).
15 D’abord par des personnes appartenant à 60 % au milieu conservateur privilégié, ensuite à 57 % au milieu petit-bourgeois, puis à 53 % au milieu alternatif (moy. : 51 %).
16 Amann W., Mein G., Fehlen F., « Milieux socioculturels au Luxembourg », IPSE (éd.), Construire des identités au Luxembourg. Appropriations subjectives – Projections institutionnelles – Milieux socioculturels, Paris, Berg International, 2011, p. 41-68, ici p. 62.
17 L’attention à la teneur en matière grasse (moy. : 50 %) est la plus marquée, en ordre décroissant, parmi le milieu conservateur privilégié (63 %), le milieu petit-bourgeois (59 %), ainsi que le milieu statutaire (53 %). La teneur en sucre (moy. : 38 %) est surveillée de plus près par des personnes appartenant au milieu petit-bourgeois (45 %), au milieu conservateur privilégié (44 %) et au milieu défavorisé (43 %). La vigilance envers la teneur en sel (moy. : 25 %), enfin, compte le plus parmi le milieu conservateur privilégié (35 %), le milieu défavorisé (32 %) ainsi que le milieu petit-bourgeois (29 %).
18 Parmi les ménages à < 3 000 €, 82 % y font attention, mais parmi les ménages à > 7000 €, c’est quasi la moitié (48 %) qui continue à orienter ses achats selon cette priorité. En termes de strates sociales, transparaît une nette prépondérance des milieux défavorisés ou intermédiaires : c’est d’abord le milieu conservateur populaire (85 %) qui se fie au prix, suivi du milieu défavorisé (77 %) et ensuite du milieu petit-bourgeois (70 %).
19 Reckinger R., Régnier F., « Diet and public health campaigns. Implementation and appropriation of nutritionnal recommendations in France and Luxembourg », Appetite 112, 2017, p. 249-259.
20 Les femmes se sentent les plus concernées par ces messages et cette tendance est amplifiée si elles sont mères ; à l’inverse, la paternité est la raison principale pour les hommes de commencer à développer un tel intérêt (Ibid., 2017). À côté du genre, c’est le milieu socioculturel qui est le prédicteur le plus probable de l’appropriation de messages nutritionnels de santé publique : si 70 % des répondants indiquent qu’ils ont entendu parler du GIMB, moins de la moitié (43 %) s’y est intéressée activement et cette minorité émane surtout du milieu libéral privilégié et du milieu alternatif (Reckinger R., op. cit., 2011, p. 278).
21 Le souci des enfants peut s’accompagner d’une forme de consommation éthique ; cette corrélation se constate cependant essentiellement de façon quantitative, auprès des familles monoparentales, plus sensibles que les célibataires et les couples avec ou sans enfants au sujet de la saisonnalité (79 % par rapport à la moy. de 67 %), de la provenance régionale (61 % par rapport à la moy. de 51 %), ainsi que des produits biologiques (38 % par rapport à la moy. de 30 %).
22 Femmes : 86 % ; hommes : 78 % ; moy. : 82 %.
23 91 %.
24 De 16 à 24 ans, respectivement de 25 à 34 ans : à chaque fois 66 %.
25 61 %.
26 Femmes : 66 % ; hommes : 54 % ; moy. : 60 %.
27 Femmes 45-54 ans : 74 % ; femmes 55-64 ans : 73 % ; femmes 65 ans et plus : 69 % ; moy. : 60 %.
28 Hommes 16-24 ans : 41 % ; moy. : 60 %.
29 Hommes : 35 % ; femmes : 21 % ; moy. : 28 %.
30 Hommes : 23 % ; femmes : 12 % ; moy. : 17 %.
31 Hommes : 22 % ; femmes : 12 % ; moy. : 17 %.
32 Tornaghi C., « Critical geography of urban agriculture », Progress in Human Geography, 38/4, 2014, p. 551-567.
33 SICONA, Projet « Natur genéissen – mir iesse regional, bio a fair », 2015, en ligne https://www.sicona.lu/d/aktuelles/2015/Info0115.pdf
34 Reckinger R., Régnier F., 2017, op. cit., ; Reckinger R., 2011, op. cit.
35 Tornaghi C., 2014, op. cit.
36 Le terme courant en France, AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) n’a pas cours au Luxembourg, où on parle plutôt de SoLaWi, en emprunt de l’allemand « Solidarische Landwirtschaft » (agriculture solidaire) ou, en anglais, de CSA (Community-Supported Agriculture).
37 Reckinger R., « Social change for sustainable localised food sovereignty. Convergence between prosumers and ethical entrepreneurs », Sociologia del Lavoro. Special issue Prosumers on the move : overcoming the line between labour and consumption, 152, 2018, p. 174-192.
Auteur
Université du Luxembourg, Faculté des Sciences humaines, de l’Éducation et des Sciences sociales (FHSE).
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Un aliment sain dans un corps sain
Perspectives historiques
Frédérique Audouin-Rouzeau et Françoise Sabban (dir.)
2007
La Pomme de terre
De la Renaissance au xxie siècle
Jean-Pierre Williot et Marc de Ferrière le Vayer (dir.)
2011