Chapitre IX
Éleveurs et revenus de l’élevage
p. 221-241
Texte intégral
Nous avons remarqué un registre couvert en parchemin, écrit d’un côté depuis le 26e feuillet recto jusque sur le 36e recto, sur lequel ledit feu sieur Bennehard couchait les porcs, veaux et vaches grasses et portions de bois qu’il vendait, le prix de la vente des marchandises et les sommes dont il restait redevable […]. Item, de l’autre côté dudit registre, écrit jusque sur le huitième folio verso, où led[it] défunt Bennehard couchait les articles de beurre et le prix de la vente, le nom des acheteurs et couchait les paiements qu’il recevait, en noir, en blanc ceux qui lui étaient dus […].
Inventaire après décès de Jean Bennehard, marchand herbager à Osmanville (26 février 1783) [Arch. dép. Calvados, 8E 24172].
1De la « vache du pauvre » au grand troupeau, l’élevage autour de la baie des Veys présente des réalités bien différentes. Malheureusement, aucune indication de superficie des exploitations n’est portée dans les inventaires après décès normands, ce qui limite d’emblée les possibilités d’approche des structures de production1. À partir de la composition et de la valeur du cheptel, il s’agira néanmoins de distinguer plusieurs profils en leur sein.
2Nous nous pencherons ensuite sur les revenus tirés du beurre et sur les techniques de production laitière mises en place pour les accroître. En effet, comme à Gournay, la primauté des beurres d’Isigny repose non seulement sur la qualité des vaches et des fourrages, mais aussi, sur un ensemble de savoir-faire développés par les familles d’éleveurs.
Le troupeau : un marqueur économique et social
3Pour chacune des deux périodes, les 584 inventaires de notre échantillon ont été répartis en trois catégories : ceux qui ne comprennent aucune vache, parmi lesquels certains ne comptent même aucun animal, les inventaires de moins de cinq vaches et, enfin, ceux qui en comportent davantage2.
Des profils d’exploitation différenciés
4Pour la fin du xviie et le début du xviiie siècle, les lacunes de la documentation restreignent un peu plus encore les possibilités d’analyse, puisque les estimations des biens meubles sont soit épisodiques, soit totalement absentes dans les inventaires des notariats de Carentan, d’Isigny et de Sainte-Mère-Église.
Les troupeaux inférieurs à cinq vaches : une polyvalence limitée
5Les successions sans vache ne réservent guère de surprises3. L’achat d’un bovin adulte et son entretien nécessitent des dépenses qui sont sans commune mesure avec les possibilités des foyers les plus humbles. La composition sociale de ce premier ensemble ne se limite toutefois pas à des « petites gens » (journaliers, veuves, fileuses, invalides). Elle s’élargit à ceux qui n’accordent pas d’intérêt à pratiquer cette activité : parmi eux, quelques écuyers, des ecclésiastiques, des marchands ainsi que de nombreux artisans. Les animaux répertoriés dans les inventaires de ce groupe sont le plus souvent des juments seules, un ou deux jeunes bovins, une « bête porchine » ou quelques ovins. Ce tableau général n’est que rarement démenti. Signalons toutefois qu’au décès de Nicolas René Berryer, seigneur et patron de Ravenoville, père du lieutenant général de police de Paris, vingt-trois équidés sont dénombrés en son château, principalement des juments, des poulains et des pouliches4.
6D’une manière générale, les successions qui comprennent entre une et quatre vaches présentent des valeurs mobilières supérieures, ne serait-ce qu’en raison de la présence de ce gros bétail. Inférieures à 500 livres pour la première période, dans les trois notariats d’Isigny, de Carentan et de Sainte-Mère-Église, elles se situent au-delà de 1 200 livres pour la fin du xviiie siècle5. L’imprécision voire l’absence d’information empêche de préciser la situation sociale des défunts pour la première période de l’échantillon. Dans les années 1780, plusieurs laboureurs et quelques curés, des artisans, des « simples hommes de la campagne » et des journaliers, forment l’essentiel de ce groupe, somme toute assez modeste. Si à Sainteny, en 1786, Pierre Trufault laisse à sa mort une fortune mobilière de plus de 10 000 livres, c’est qu’à dix kilomètres au sud-ouest de Carentan, les labours l’emportent sur l’herbe : trois paires de bœufs de trait sont répertoriées par le notaire alors que les vaches à lait ne sont qu’au nombre de quatre. L’examen de l’outillage et la nature des récoltes mises en grange confirment le caractère céréalier de l’exploitation6.
7Quelle que soit l’époque considérée, les vaches recensées dans les inventaires de cette catégorie sont le plus souvent au nombre de deux, pour un âge compris entre cinq et douze ans ; plusieurs d’entre elles sont dites « estropiées ». La finalité laitière de leur élevage ne fait pas de doute, mais certaines d’entre elles semblent également employées pour le travail : dans le notariat de Carentan, à la fin du xviiie siècle, plusieurs inventaires portent mention d’« attelages de vaches à sanglettes ». Quelques jeunes bovins peuvent faire l’objet de valorisations à court terme. Les juments ne sont pas rares au début du xviiie siècle et l’existence de jeunes équidés dans un tiers des successions montre qu’elles sont régulièrement saillies. Cette présence équine se réduit au cours du siècle, principalement pour les plus jeunes bêtes. Quelques porcs, des ovins de moins en moins nombreux, ainsi que des oiseaux de basse-cour, peuvent compléter le décor.
8Tout le bétail répertorié n’est pas possédé en propre. Outre le prêt et l’achat en commun, des contrats de location sont conclus pour des vaches et des ovins, plus rarement pour des bœufs de trait et des génisses. La plupart sont passés sous seing privé. Dans les quelques actes dont on dispose, les « brevets à loyer » de vaches sont établis pour une durée comprise entre un et trois ans. Le loyer est spécifié en argent, pour des montants très variables7. Si le manque de capitaux est un dénominateur commun des locataires, les propriétaires relèvent de situations diverses. En dehors de ceux qui font fructifier un petit capital d’une ou de deux bêtes, on trouve de véritables entrepreneurs de la location, à l’image de Thomas Eudin, mort à Castilly en septembre 1695, propriétaire de neuf vaches louées à différents particuliers8. C’est aussi le fait de filles non encore mariées, y compris de la noblesse locale, qui peuvent ainsi se constituer un petit pécule, dans une province où le droit coutumier leur est peu favorable.
Les principales exploitations : une dominante laitière tempérée
9Des baux de location de vaches laitières passés dans les années 1650-1670 mettent en lumière les changements en cours dans les exploitations. Deux d’entre eux concernent la région de Lison, au sud d’Isigny. Outre le nombre important d’animaux concernés, soit six et onze vaches à lait, ils se caractérisent par l’expression d’un loyer en quantité de beurre à livrer, de semaine en semaine, au domicile de leur propriétaire, pour un montant total annuel de 100 livres pesant par vache9. Deux tiers des veaux reviennent également au bailleur. On peut rapprocher de ces deux actes un bail conclu pour trois ans concernant la ferme de la Semellerie, à Isigny, dont le propriétaire n’est autre que le marchand de beurre d’origine parisienne Pierre Planson. Ce dernier s’engage à procurer au preneur, en échange d’un loyer de 350 livres tournois par an, « le nombre de quatorze vaches à lait pour spolier led[it] héritage et lui fournir aussi la nourriture desd[ites] vaches durant la saison de l’hiver de chaque année10 ». Ces contrats semblent avoir disparu par la suite : excepté les moments de l’année où les principaux éleveurs peuvent avoir besoin de louer des bovins pour charger leurs herbages, ils possèdent désormais leur bétail en propre11.
10Lorsque les troupeaux comptent au moins cinq vaches, les valeurs mobilières dont on dispose pour la fin du xviie et le début du xviiie siècle se situent entre 1000 et 2000 livres. Elles sont bien plus élevées à la fin du xviiie siècle et se caractérisent par une plus grande dispersion12. Ainsi, sur les dix-huit successions de cette catégorie issues du notariat d’Isigny, quatre sont comprises entre 9 000 et 13 000 livres, sans oublier les 20 248 livres de biens meubles que laisse à sa mort, à trente-cinq ans, Jean Duhamel, laboureur à Osmanville13. Le Cotentin affiche des niveaux plus modestes, avec six successions entre 6 000 et 10 000 livres. Mais un herbager de Carquebut, près de Sainte-Mère-Eglise, mort à trente-six ans en août 1786, laisse à ses héritiers 16 938 livres de biens meubles14.
11Sur les cent un inventaires établis depuis la fin du xviie siècle comprenant au moins cinq vaches, seuls trente-huit comportent des estimations de prix détaillées des différents lots. Dans cet échantillon restreint, à la fin du xviie siècle comme à la fin du xviiie, la part occupée par le cheptel vif est considérable : en général, au-delà de 50 % de l’estimation totale des biens meubles et même, à quatre reprises, autour de 80 %. Les bovins tiennent logiquement la première place. Lorsque les vaches laitières sont entre six et huit, ils représentent entre 80 et 96 % de la valeur du troupeau. Cette part est moindre dans les plus grandes exploitations, où les équidés comptent pour 20 à 40 %. Mort à Osmanville, près d’Isigny, en février 1783, Jean Bennehard détient la palme de notre échantillon avec ses quarante vaches laitières. Mais avec cinq juments carrossières dont deux « pleines », une autre jument elle aussi « pleine », six poulains, quatre « bidettes » et deux chevaux dont un étalon royal, la part des équidés s’élève à 26 % de la valeur totale d’un cheptel vif estimé à près de 7 000 livres15. Il est ainsi remarquable de constater que les exploitations qui sont les plus insérées dans l’agriculture commerciale présentent des troupeaux caractérisés par une plus grande diversité animale que des unités de taille plus modeste.
12Pour l’essentiel, on trouve au sein du groupe des « laboureurs », des « herbagers » et des « marchands ». Chez les artisans recensés, l’activité agricole est plus limitée, même s’il faut signaler le cas de Pierre François Rigobert Richard, marchand chaufournier, décédé à Osmanville, en 1789. La chaux qu’il fabrique avec de la pierre de Montchaton, près de Coutances, et du charbon de Littry semble davantage destinée à la maçonnerie qu’à l’agriculture ; il compte d’ailleurs parmi ses clients des entrepreneurs qui travaillent aux fortifications de Cherbourg. Cet ancien fermier de la dîme d’Isigny n’en est pas moins propriétaire d’un troupeau composé principalement de vingt et une vaches, huit juments et cinq pouliches16.
13Pour la fin du xviie et le début du xviiie siècle, il importe de souligner la présence de onze familles nobles, réparties dans les quatre notariats de l’échantillon. L’orientation laitière de leurs troupeaux est très marquée, alors que les équidés se limitent le plus souvent à une voire deux juments. Dans plus de la moitié de ces successions, le nombre de vaches est inférieur à dix mais trois d’entre elles en comportent respectivement seize, dix-huit et vingt17. La détention d’un capital nécessaire à l’achat et à la nourriture de bovins adultes, associée à des besoins en numéraire probablement plus importants que dans le reste de la société, pourrait expliquer l’implication de ces familles dans l’élevage bovin. Le caractère pléthorique des effectifs de la noblesse en Normandie, particulièrement dans le Plain et le Bessin occidental, ainsi que la mansuétude qui règne dans la province au sujet des cas passibles de dérogeance doivent aussi être pris en considération18. En 1731, dans l’élection de Carentan, le subdélégué signale que des nobles engraissent des bêtes et les conduisent, ou les font conduire, dans les foires et les marchés : ce faire-valoir direct nuit aux taillables, entravés dans leurs possibilités de trouver une ferme à exploiter et surchargés d’impositions alors que ces éleveurs en sont exempts19. Le changement qui s’opère au cours du xviiie siècle est sans équivoque puisqu’à la fin du siècle, plus aucun noble ne figure dans le groupe des exploitations d’au moins cinq vaches. Sans sous-estimer la diminution de la densité nobiliaire des élections de Bayeux et de Carentan, cette évolution traduit sans doute une mutation économique et sociale plus directement liée à l’agriculture : la noblesse a visiblement délaissé les activités d’élevage pour ne plus s’intéresser qu’à la rente foncière tirée des herbages.
Niveaux de vie : le monde des laboureurs et des herbagers
14Bien des intérieurs apparaissent encore comme relativement frustes à la fin du xviie siècle, avant que le niveau de vie du groupe ne s’élève. Les signes du confort et de l’abondance sont à chercher dans le contenu des armoires, remplies de linge de maison et d’un grand nombre de vêtements, ainsi que dans l’inventaire des ustensiles de ménage. La catégorie des « objets de civilisation » est dominée par les horloges et autres réveil-matin, ainsi que par des éléments associés à la culture de l’écrit. Plusieurs laboureurs et herbagers tiennent des comptes précis de leurs achats et de leurs ventes dans des registres ou des petits carnets. Lorsqu’il délaisse ses affaires, le maître de maison – ou sa famille – peut disposer de quelques livres de piété et, pour de rares cas, d’un choix de lectures plus varié. À Saint-Hilaire-Petitville, près de Carentan, en 1787, le marchand herbager Nicolas Néel possède une bibliothèque de bois dans laquelle figurent des livres de dévotion, une géographie de Claude Buffier, un exemplaire du Jardinier solitaire, des œuvres poétiques ainsi que quelques ouvrages scolaires pour le français et l’apprentissage du grec et du latin20.
15Les intérieurs des demeures d’herbagers semblent caractérisés par un raffinement supérieur à ceux des laboureurs. Mais il est vrai que les qualificatifs employés par les notaires ne sont pas forcément très rigoureux. Qualifié de « laboureur », Jean-Jacques Le Masson est issu d’une longue lignée d’herbagers. Il meurt à Écoquenéauville, en décembre 1784, en laissant à ses héritiers un peu plus de 10 000 livres de biens. Dans les pièces du logis, quelques éléments retiennent l’attention, comme la possession d’une râpe à sucre, de quarante-huit assiettes hexagonales en étain, d’une haute couche à impériale et de quinze tabliers aux couleurs vives, la plupart en indienne, à décor de bouquets ou de guirlandes21. Non loin de là, à quelques années de distance, deux intérieurs de demeures d’herbagers comprennent des objets inconnus ou très rares dans le reste de l’échantillon : des tasses à café avec leur soucoupe et des tasses à thé de faïences étrangères, des verres à vin, des plats festonnés, des estampes, de grands miroirs ou encore un violon22. On reste cependant bien en deçà du niveau de vie des marchands de beurre. Là où les successions de ces derniers atteignent souvent les 70/100 dans la seconde moitié du xviiie siècle, selon la méthode mise au point par Micheline Baulant, onze des principales successions d’herbagers et d’éleveurs du Plain et du Bessin occidental des années 1780 donnent une majorité de résultats compris entre 49 et 56/100.
16Les fortes sommes d’argent monnayé parfois répertoriées ne doivent pas pousser l’historien à des conclusions hâtives. Le siège des principales exploitations est constitué d’une ferme, le plus souvent en pierre, et d’une majorité d’herbages, que le chef de famille possède rarement en propre. Tous les ans, il doit verser un loyer qui peut atteindre plusieurs milliers de livres23. Il lui faut aussi s’acquitter des impôts et, le cas échéant, acheter des animaux maigres. Selon la période de l’année, la trésorerie des fermiers connaît donc de grandes fluctuations. Neuf successions de la fin du xviiie siècle présentent des sommes d’argent monnayé comprises entre 894 et 4 568 livres tournois24. Quatre d’entre elles se trouvaient en la possession de marchands herbagers, dont deux voient leurs biens inventoriés à la fin du mois de février et au début du mois de mars, époque où leurs confrères commencent à acheter des animaux maigres dans les marchés. En dehors de notre échantillon, l’inventaire des biens de Charles Belval, mort en 1772 à Saint-Clément, près d’Isigny, révèle l’existence de réserves monétaires d’un montant supérieur. Dans sa ferme, où se trouvent, rappelons-le, quarante-neuf vaches à lait mais aussi vingt-quatre équidés, des sacs et des bourses rangés soigneusement dans une armoire recèlent la somme de 11 732 livres tournois en louis de 24 et de 48 livres et en écus de 3 et de 6 livres25.
17L’analyse de la situation financière doit être élargie aux créances à recouvrer au moment du décès. Deux exemples de la fin du xviiie siècle suffiront à en établir l’importance. ÀIsigny, en juillet 1788, outre 11 480 livres tournois de biens meubles, Marie Catherine Gast, veuve de Pierre Rachel, laisse à ses héritiers 3 494 livres 10 sous de dettes actives, dont 2 225 livres 12 sous pour vente de beurre et de porcs gras, le reste consistant essentiellement en prêts d’argent26. Cinq ans plus tôt, la succession de Jean Bennehard comprend 9 941 livres de biens meubles, 3 336 livres d’argent monnayé et 9 045 livres de créances, dont 3 736 livres 6 sous pour vente de beurre27.
L’argent du beurre : marchés et revenus
18La vente du beurre constitue une part importante des revenus de l’agriculture dans le Plain et le Bessin occidental. En amont, la fabrication est l’objet de tous les soins de la maîtresse de maison et des servantes. La sensibilité des fermiers à l’évolution des prix agricoles n’est pas une vaine supposition. En 1759, le subdélégué de l’élection de Carentan rapporte que les vaches à lait, d’un bon revenu avant la guerre, « ont bien diminué à cause que le beurre est à bon marché28 ».
Essais d’évaluation du revenu par vache
19Selon Arthur Young, entre Isigny et Carentan, une vache laitière peut rapporter jusqu’à 10 louis par an, soit 240 livres tournois. Le même précise qu’elle rapporte 12 sous de profit par jour, une fois défalqué un coût journalier de 8 sous. En prenant pour base cette estimation du profit journalier, on obtient un revenu annuel net de 219 livres, sujet à caution étant donné les variations de la production laitière et des prix du beurre suivant les saisons29. Il semble plus raisonnable de considérer la première estimation donnée par l’agronome anglais comme un revenu brut et d’en soustraire le coût annuel d’une vache, ce qui aboutit à un revenu net de 94 livres, comparable à celui des vaches du pays de Bray30.
20Au sujet de la production par animal, Arthur Young rapporte qu’entre Isigny et Carentan, une vache donne par semaine huit livres de beurre à certains moments de l’année et dix à d’autres, soit plus d’une livre par jour31. Dans sa réponse à l’enquête sur la situation de l’élevage bovin dans la généralité de Caen, le subdélégué de Bayeux fournit des estimations voisines : il considère qu’avec une vache de production laitière moyenne, soit entre huit et onze pots de lait, on obtient entre 1 et 1,75 livre de beurre par jour32. Cependant, aux environs de Carentan, en 1788, Arthur Young note : « On observe que les vaches qui donnent la plus grande quantité de lait ne fournissent pas la plus grande quantité de beurre. Les vaches grasses donnent du lait plus riche que les autres33. »
21Les créances de certaines successions livrent quelques cas précis. À sa mort, en février 1783, nous avons vu qu’il est dû à Jean Bennehard d’Osmanville 3 736 livres 9 sous pour le beurre qu’il a vendu à des marchands. La période couverte par ces ventes court, avec quelques discontinuités, du 4 avril 1782 au 13 mars 178334 (fig. 27 ci-contre). Trente-huit vaches laitières sont recensées lors de l’inventaire de ses biens. L’exercice qui consiste à diviser le produit hebdomadaire des ventes par le nombre de vaches laitières répertoriées au moment du décès n’est pas sans fragilité. Au fil du temps, l’effectif du troupeau, comme sa composition interne, ont pu varier. Il est envisageable que certains acheteurs ont payé comptant leur marchandises ou soldé leurs comptes avant le décès de l’herbager. En outre, une partie de la production a pu être consommée ou cédée à des tiers, sans que le registre des ventes de ce dernier n’en porte mention.
22Les résultats obtenus illustrent l’extrême variabilité des recettes hebdomadaires procurées par les ventes de beurre au cours de l’année. L’été apparaît comme la période où les revenus par vache sont les plus bas. Il faut attendre l’automne pour voir les prix connaître une forte augmentation : en 1782, elle survient entre la vente du 10 octobre et celle du 24 octobre. Cette année-là, d’après les registres du contrôle des actes d’Isigny, il n’y a que trois marchands à avoir ouvert la « campagne » des beurres en panier avant le 20 octobre. Celle-ci ne prend véritablement son essor qu’avec les marchés des 24 et 31 octobre35.
Fig. 27. Revenu brut hebdomadaire moyen par vache laitière, à partir des créances à la succession de Jean Bennehard (1782-1783) (en livres tournois).

23À la lumière des résultats obtenus, force est de constater que le revenu brut moyen par vache, aux alentours de 2,8 livres tournois par semaine, soit 8 sous par jour, se situe bien en deçà des estimations que nous avons rencontrées dans la littérature imprimée et la correspondance administrative. Avec la même méthode, à Saint-Clément, paroisse voisine d’Osmanville, pour une période plus réduite (décembre 1771-février 1772), les quarante-neuf vaches laitières de Charles Belval ne lui auraient procuré que des revenus voisins de 1,95 livre tournois par semaine et par vache36. Dans six autres successions établies entre 1748 et 1764, pour des troupeaux compris entre sept et quarante vaches laitières, on obtient des moyennes encore plus faibles, comprises pour la plupart entre une livre et une livre et demie par semaine.
24Ces écarts avec les estimations précédemment exposées s’expliquent sans doute en partie par l’hétérogénéité qui règne au sein des troupeaux. Mais il est aussi possible que toutes les vaches n’atteignent pas leur maximum de production à la même période.
Décaler le cycle de lactation
25En temps normal, les vaches sont saillies en été et vêlent neuf mois plus tard, c’est-à-dire au printemps37. Or, c’est en hiver que les éleveurs du Plain et du Bessin occidental ont tout intérêt à faire vêler leurs bêtes : le pays de Bray connaît une diminution de ses envois, les températures froides favorisent le transport du beurre frais sur de longues distances, tandis que la demande s’accroît en raison du Carême. En 1787, plaidant la cause de sa petite patrie face à son principal concurrent, l’Isignais Étienne Alexandre Faucon de la Londe ne tarit pas d’éloges sur l’ingéniosité des éleveurs du Bessin :
Oui sans doute : nos besoins, notre luxe, un raffinement sur toutes choses, tout a servi d’encouragement à l’industrie des cultivateurs d’Isigny ; ils ont adopté des procédés extraordinaires, en économie rurale, au moyen desquels ils ont pu dans la saison la plus contraire, satisfaire notre sensualité. Ainsi ils ont privé la vache du taureau dans la saison où elle s’y livre et l’en ont rapprochée dans un autre temps, aux risques que ce fut inutilement et sans fruit ; et par cet arrangement, ils ont disposé cette vache à produire dans la saison la plus ingrate, au milieu de l’hiver, avec les dangers de la perdre, puisqu’ils ont forcé et contrarié la nature, qui de préférence a choisi le printemps pour la reproduction de cette espèce. Ils ont fait plus : ils ont préparé, fait croître et conservé des pâturages, tels qu’au milieu des neiges, des frimas et des plus grandes intempéries de l’hiver, ces vaches mères y trouvent leur subsistance et y restent nuit et jour, comme dans les plus beaux jours du printemps.38
Fig. 28. Répartition des vaches proches du vêlage ou ayant vêlé depuis peu (fin xviiie siècle).

26Afin de pouvoir juger de la véracité de ces témoignages, nous avons relevé dans les inventaires de notre échantillon les mentions de vaches « amouillantes39 », « amouillières », « pleines » ou « renouvelées ». Les résultats portent sur soixante-douze cas recensés pour la fin du xviiie siècle dans des troupeaux de vaches supérieurs à cinq unités (fig. 28).
27En dépit de l’imprécision des résultats, qui provient à la fois d’inventaires dressés en fin de mois et de l’incertitude concernant le délai qui sépare chaque bête du vêlage, il apparaît qu’aucune vache prête à vêler ou ayant mis bas depuis peu n’est recensée durant les mois marqués par les prix du beurre les plus bas. Par ailleurs, on dénombre neuf vaches « renouvelées » en novembre et neuf « pleines » ou « ayant renouvelé » en décembre, ainsi que cinq vaches « renouvelées » et une qui a « vêlé depuis peu » en février. Des exemples contemporains confirment une certaine maîtrise du calendrier de la production laitière par les producteurs. À trente kilomètres au sud d’Isigny, des éleveurs de la région de Torigni[-sur-Vire], près de Saint-Lô, s’arrangent pour que quelques vaches vêlent à l’époque du Carême, pour profiter des hauts prix du beurre40. Il semble que cela soit aussi le cas dans une partie des exploitations du pays de Bray puisque, toute l’année, du beurre frais part de Gournay pour Paris41. Cette stratégie de production permet aussi aux éleveurs de mieux répartir sur l’année les ventes de veaux et l’engraissement des porcs.
L’impossible diversification des productions laitières
28Sur près de 600 inventaires après décès, un seul a révélé l’existence de matériel destiné à la fabrication de fromages. Deux « moules à fromage en osier » sont répertoriés dans les biens de Jean-François Terré, curé de Létanville, près d’Isigny, en 178842. Pour le reste, en dehors de quelques fromages de Hollande, de Brie ou de gruyère parvenus dans la région par voie commerciale, aucune sorte ne semble fabriquée dans le Plain et le Bessin occidental.
29Il est en l’état impossible de conclure à l’incidence de facteurs culturels anciens dans cette absence, même s’il pourrait être tentant de rapprocher sur ce point la Normandie occidentale de la Bretagne, si peu familière de ce type de laitages43. On peut du moins considérer qu’une fois développés, la production et le commerce des beurres ne laissaient que peu d’espace aux autres produits laitiers44. En 1817, un ancien négociant du nom de Dumarais entreprend l’établissement d’une fabrique de fromages de Hollande à Neuilly-la-Forêt45. La fromagerie suscite rapidement l’intérêt : son propriétaire reçoit une médaille de la Société d’agriculture et de commerce de Caen puis obtient une mention honorable, dans la catégorie des comestibles divers, à l’exposition consacrée aux produits de l’industrie française, au Louvre, en 181946. Pourtant, dès 1820, Dumarais doit abandonner son activité, devant les pertes qui s’accumulent. Compte tenu du loyer de la terre et d’un coût de fabrication trop élevés, les fromages de Neuilly se situent dans des gammes de prix supérieures à ceux de la concurrence47.
Des herbages au marché
30Les techniques employées jusqu’au xxe siècle pour obtenir du beurre sont assez éloignées des procédés actuels de fabrication. Il en résulte des produits plus fragiles que ceux que nous avons l’habitude de consommer48.
Les différentes étapes de fabrication
La traite
31Qu’il pleuve ou qu’il vente, la récolte du lait est quotidienne et s’effectue le plus souvent dans les herbages. Plusieurs sources s’accordent sur le fait que les vaches sont traites trois fois par jour49. En 1783, le cahier du vingtième de Neuilly-l’Évêque précise cependant que les vaches sont traites trois fois en été et seulement deux fois en hiver. Le lait « tiré » est recueilli dans des « cruches » ou des « cannes », récipients à anses, en cuivre ou en laiton, d’une capacité comprise en général entre huit et douze pots50. Au xviiie siècle, on a vu que son transport pouvait être assuré par un animal. Mais il n’est pas exclu d’envisager le recours à des jougs, aussi appelés « jouquets ». Placés sur les épaules de la servante et munis de chaînes au moyen desquelles sont fixés les récipients, ils sont encore utilisés en Normandie au xxe siècle. Le matériel de la traite peut aussi comprendre des « capes à traire », qui renvoient probablement à la nécessité de se protéger des aléas climatiques, ainsi que des « nappes à traire », qui pourraient attester du souci de nettoyer le pis des vaches avant d’en solliciter les mamelles. Absence d’utilisation ou négligence des notaires ? Aucun tabouret n’apparaît dans les estimations.
32Au xviiie siècle, la traite apparaît comme une tâche avant tout dévolue aux femmes51. Le 5 mai 1690, une enquête judiciaire est menée à Englesqueville, près de Grandcamp, au sujet d’une saisie qu’un particulier prétend faire exécuter sur les biens de deux frères, Guillaume et Michel Touraine. Afin de pouvoir établir s’ils sont en communauté de biens, plusieurs témoins rapportent leurs habitudes et celles de leurs domestiques. Richard de Mauny, laboureur de la paroisse, affirme que « les mêmes servantes allaient tirer les vaches dans les herbages de lad[ite] ferme et en portaient le lait en ladite maison où on faisait le beurre et on le portait à vendre ». Un autre laboureur confirme cette version et ajoute que le beurre « était porté au marché par ledit Michel et par ses servantes en son absence52 ». Un siècle plus tard, en 1793, alors qu’il s’agit de fixer le maximum des salaires dans la commune, une délibération de la municipalité d’Isigny comprend la mention de « filles à traire53 », sans équivalent pour les hommes. Prises à gages à l’année, notamment à l’occasion de loueries de domestiques54, elles sont « recherchées & gagées à proportion de leur talent dans la préparation du beurre, & surtout à raison de leur propreté, car rien n’est épargné pour cet objet de commerce si intéressant pour le bourg d’Isigny […] », selon le chimiste Cadet de Vaux55. L’existence d’une hiérarchie au sein des femmes employées à la traite et à la fabrication du beurre est attestée dès 1812, mais est sans doute bien antérieure56.
Écrémage spontané et barattage
33Une fois ramené à la ferme, le lait est versé dans des poteries en grès, appelées « terrines » ou « pots à couler », dans lesquelles la matière grasse, moins dense, monte en surface. Au préalable, le lait est filtré dans une sorte de passoire métallique, nommée « couloir », munie d’un tamis en crin ou peut-être d’un de ces « sacs à passer la farine », parfois inventoriés. Le milieu ambiant est déterminant dans la réussite de l’opération : la décantation est ralentie par le froid et si le lait est exposé à des températures trop élevées, il s’aigrit. La crème se forme en une couche épaisse que l’on peut alors récupérer après avoir pratiqué une incision, puis incliné la poterie, afin de laisser s’écouler le lait écrémé. On peut aussi utiliser des cuillères à « écramer », mentionnées dans certains inventaires. Au moins à partir du xixe siècle, les pots sont munis d’un orifice de soutirage qui facilite l’opération57. Comme le remarque Claude-Louis Jore, secrétaire perpétuel de la Société royale d’agriculture de Rouen, et auteur en 1763 d’une longue description de la fabrication du beurre dans le pays de Bray, l’important est que la crème ne reste pas longtemps dans la terrine, sous peine de se dégrader : selon lui, la durée de l’écrémage est comprise entre dix-huit et vingt-quatre heures58. Dans le Bessin, une fois recueillie, la crème est placée dans un autre type de pot appelé « serène », où on la conserve jusqu’au barattage. C’est durant cet intervalle que s’opère sa maturation.
34La fabrication du beurre proprement dite se pratique quelquefois de manière rudimentaire : « un petit taret de bois pour faire du beurre dans une canne » est répertorié, en 1789, lors de l’inventaire des meubles de Pierre Louis François Jean, journalier de Saint-André-de-Bohon59. Mais elle s’effectue la plupart du temps à l’aide d’une baratte. La forme la plus ancienne est la baratte à piston, estimée avec sa « plaque » et son « pilon ». Au xixe siècle, elle est encore d’un usage commun en Normandie, dans des régions agricoles où l’élevage laitier est resté secondaire. Désignée sous le terme de « serène » dans le pays de Bray, la baratte rotative, appelée « baratte tourneresse » en Basse-Normandie, se présente sous la forme d’une sorte de tonneau traversé par un axe sur lequel sont fixées les pales qui servent à battre la crème ; l’ensemble repose sur des montants en bois. Munie de ses « choignoles de fer », elle est déjà déjà très répandue à la fin du xviie siècle autour de la baie des Veys60, signe supplémentaire de l’importance précoce de la production laitière dans la région.
35Selon Claude-Louis Jore, la durée du barattage dans le pays de Bray est d’une heure en été mais de plusieurs heures en hiver, pour un travail qui nécessite entre quatre et six personnes. Dans les plus petites exploitations bas-normandes, cette opération n’a sans doute lieu qu’une fois par semaine, faute de crème. La fréquence doit en être plus rapprochée dans les grandes fermes. Lorsque le beurre est formé, le gros du babeurre est évacué et de l’eau claire est introduite dans le vaisseau pour le délaitage. Le lavage du beurre améliore l’aspect ainsi que le goût du produit et il en prolonge la durée de conservation. Le Journal économique considère que cette opération est réservée aux « beurres d’élite », mais Jore la tient d’un emploi plus fréquent dans le pays de Bray qu’ailleurs61.
36Quand le beurre obtenu est trop pâle, des producteurs brayons en rehaussent la couleur par l’adjonction de colorants. Ils utilisent à cet effet du rocou, du safran, des graines d’asperges, des feuilles ou des fleurs de souci62. Il est tout à fait probable que les éleveurs du Plain et du Bessin occidental recourent aux mêmes subterfuges. Le témoignage le plus ancien que nous avons trouvé à ce sujet pour la Basse-Normandie remonte à 1830 et concerne la coloration du beurre à l’aide de jus de carotte63.
37Une dernière étape consiste à façonner des pains de beurre, appelés « coins ». Le beurre récupéré dans la baratte est modelé à la main ou avec des « cuillers à beurre » de bois, probablement sur les « plats à beurre » ou « plaques à beurre », que l’on trouve quelquefois parmi les ustensiles de laiterie. En revanche, aucun moule à beurre n’est utilisé, ce qui est assez logique pour un pays de beurre en motte. Chez la veuve d’un marchand herbager décédé en juillet 1763, au manoir du Rupalley, à Isigny, se trouve recensée « une établie couverte avec un doublier avec deux coins de beurre pesant environ soixante livres64 ».
38Conditionnée dans des « nappes à beurre », puis placée dans des « hottes à beurre », la production de la semaine prend alors le chemin du marché.
Une denrée fragile
39Alors que le lait est stérile au sortir du pis d’une vache saine, de multiples sources de contamination lors de la traite et des étapes successives de la fabrication peuvent affecter la qualité du beurre obtenu, pour le rendre mou et huileux ; d’un goût qui se rapproche du suif, du métal ou dans lequel l’amertume l’emporte, qui traduit son rancissement. La chaleur ambiante associée à un taux d’humidité élevé, un contact prolongé avec l’air, avec la lumière, avec certains métaux comme le fer ou le cuivre ou encore un pH de crème trop acide en favorisent la dégradation65.
40Tirant parti des découvertes de Pasteur, les techniques industrielles ont permis de surmonter ces problèmes : stocké à basse température après la traite, le lait est chauffé à son arrivée en laiterie, avant d’en extraire la crème par un procédé mécanique de centrifugation. Une fois ensemencée pour modeler sa structure et développer ses propriétés gustatives, cette dernière est alors barattée. Le beurre obtenu est lavé et malaxé pour évacuer les résidus de babeurre. Jusqu’à son achat par le consommateur, il est conservé à des températures inférieures à 6 °C, sans aucune interruption de la chaîne du froid. Ajoutons que le processus de fabrication est particulièrement rapide, ce qui limite les risques de prolifération de micro-organismes.
41Il ne peut en être de même pour des périodes préindustrielles. Ainsi, dès la traite, il est probable que l’on récupère alors tout le lait sorti du pis des vaches et notamment les tout premiers jets, pourtant riches en germes, même chez des animaux sains. Au printemps et en été, alors que la production est plus abondante, les risques s’accroissent. De retour des herbages dans des récipients métalliques exposés au soleil, le lait subit un échauffement et le contact avec le métal des parois est nocif. À la ferme, après une décantation de quelques heures, la crème obtenue est plus humide, plus acide et doit présenter une flore bactérienne bien plus importante que de nos jours. Le manque de maîtrise des températures associé au fait que la crème est stockée plusieurs jours avant son barattage accroissent les risques d’altération. Ces derniers peuvent être amplifiés par la faiblesse des précautions d’hygiène des intervenants, le manque de propreté des lieux, des ustensiles ou de l’eau employée.
Propreté et maîtrise des températures : un souci de qualité
42La confection du beurre a parfois lieu dans la cuisine du logis. Le matériel est remisé sur une étagère, un buffet ou dans un coffre. De passage entre Isigny et Carentan, Arthur Young considère, à tort, que l’emploi des meubles-laiterie est commun66. En fait, au xviiie siècle, ces pratiques se cantonnent aux foyers les plus modestes.
43Dans les grandes exploitations, la transformation du lait a lieu dans une ou plusieurs pièces particulièrement dédiées à cette activité. À la différence du pays de Bray, les fermes de la région ne disposent pas de caves-laiterie, que Jore décrit à demi enterrées, « voutées, profondes et fraîches », aux températures à peu près stables en hiver comme en été67. En 1812, la Société d’agriculture et de commerce de Caen livre la description d’une laiterie – idéale ? – des environs d’Isigny :
Pénétrons dans la laiterie. C’est un lieu simple où règne une extrême propreté. Le pavé est lavé chaque jour, souvent à plusieurs reprises. Des gradins sont disposés pour y placer les terrines de lait. Un feu de charbon renouvelé continuellement pour faire monter la crème est entretenu à grands frais pendant la durée de l’hiver.68
44Dans les inventaires, la pièce est souvent équipée d’étagères appelées « aisseries », sur lesquelles on pose les terrines. La laverie, toute proche, renferme une partie des ustensiles69. Diverses précautions accompagnent les étapes de fabrication du beurre et l’entretien du matériel nécessaire à son élaboration. Pour le beurre le plus renommé du Bessin, Cadet de Vaux précise, en 1787 :
On laisse réfroidir le lait, avant de le couler, dans les vases de grès où il doit crêmer : ces vases sont tenus avec une propreté recherchée ; on les frotte d’ortie grièche, on les lave à l’eau bouillante, on les met dans des fours bien chauds pour les ressuyer, en sorte qu’à chaque fois que l’on s’en sert, ils sont comme n’ayant jamais servi. La crême séjourne peu sur le lait, on la lève avant qu’elle ait acquis de la consistance, on la garde au frais l’espace de deux ou trois jours, & on en fait le beurre qui, au moyen de tant de précautions, sort de la baratte aussi doux que le lait de la mamelle de l’animal. La baratte est sur-le-champ échaudée à l’eau bouillante, & rafraîchie avec de l’eau sortant du puits ou de la fontaine.70
45On l’a vu, la question des températures est fondamentale pour la décantation et le stockage de la crème, mais aussi pour la réussite du barattage. Les auteurs du xixe siècle recommandent que les pièces qui servent à ces opérations soient orientées vers le nord, afin de les préserver des grandes chaleurs de l’été71. En jouant sur l’ouverture des portes, des fenêtres et des volets, il est également possible de réguler la température des lieux. Par ailleurs, certaines laiteries se trouvent placées à proximité d’une salle munie d’une cheminée, utile pour gagner quelques degrés en hiver. Deux autres procédés s’offrent aux producteurs pour la fabrication du beurre : avancer ou retarder le moment de la journée consacré au barattage ; actionner la baratte quelques minutes avec de l’eau fraîche ou, au contraire, avec de l’eau chaude.
46Dans les inventaires comme dans les rares descriptions dont on dispose, le personnel se montre soucieux d’une certaine forme de propreté. Outre le possible lavage des pis avant la traite et le filtrage du lait à la ferme, le matériel serait fréquemment nettoyé à l’eau bouillante. L’acide formique contenu dans les orties constitue un excellent antiseptique. Au moins pour le xixe siècle, les pots sont mis au feu pour les « griller72 » avant un nouvel usage. Dans les grandes fermes du pays de Bray, selon Claude Jore, on écarte les ustensiles en bois et on change de chaussures avant de pénétrer dans la laiterie73. Enfin, si l’accroissement de la fréquence de fabrication du beurre réduit d’autant les risques de dégradation, le façonnage des « coins de beurre » parfait le délaitage.
Conclusion
47L’étude des inventaires après décès permet de dégager quelques caractères fondamentaux des structures de production dans le Plain et le Bessin occidental sous l’Ancien Régime. Dans les petites comme dans les grandes unités, l’activité laitière est dominante. Cependant, de petits exploitants élèvent aussi de jeunes bovins et des poulains. Surtout, dans les plus grandes fermes, la part occupée par les autres élevages, principalement l’élevage équin, est conséquente. Dans les années 1780, avec un cheptel compris entre vingt et quarante vaches, pour des valeurs supérieures à 10000 livres de biens meubles, quelques exploitations se détachent de l’ensemble.
48Dans la conduite des laiteries comme dans la volonté de maîtriser le cycle de reproduction des vaches laitières, les choix des éleveurs sont guidés par une recherche d’adaptation aux exigences et aux rythmes de consommation des clientèles urbaines.
Notes de bas de page
1 Voir à ce sujet Dickinson, John, A., 1989, p. 252.
2 Voir annexe 7.
3 Nous avons limité les estimations des biens dont nous disposions à la valeur des biens meubles, argenterie comprise. L’argent monnayé, facilement dissimulable et sujet à de fortes variations dans l’année, a été exclu ainsi que les créances et les dettes à la succession. Pour la fin du xviiie siècle, on obtient ainsi une valeur moyenne de 648 livres tournois (valeur médiane de 349,8 livres tournois) pour le notariat d’Isigny (soixante-deux cas) ; pour celui de Trévières (vingt-neuf cas), une valeur moyenne de 461 livres (valeur médiane de 310) ; pour celui de Carentan (cinquante-sept cas), une valeur moyenne de 373,8 livres (valeur médiane de 192,1) ; enfin, pour celui de Sainte-Mère-Église (vingt-six cas), une valeur moyenne de 389,8 livres (valeur médiane de 110).
4 Inventaire après décès de Nicolas René Berryer (septembre 1708) [Arch. dép. Manche, 5E 10490].
5 Pour Isigny (vingt-trois cas), on obtient une valeur moyenne de 1 269,9 livres tournois (valeur médiane de 641,75) ; pour Carentan (trente-trois cas), une valeur moyenne de 1 313,3 livres (valeur médiane de 600) ; enfin, pour Sainte-Mère-Église (dix-neuf cas), une valeur moyenne de 1 275,8 livres (valeur médiane de 990).
6 Inventaire après décès de Pierre Trufaut, Sainteny (28 février 1786) [Arch. dép. Manche, 5E 1733].
7 Entre 2,5 et 16,7 % de la valeur des animaux dans la première moitié du xviiie siècle. Pour un exemple de transcription de bail à loyer en nature, voir Poncet, Fabrice, 2000, p. 290-291. Dans le pays de Caux, au xviiie siècle, le montant du loyer d’une vache se situe aux alentours de 20 % de la valeur de l’animal. Dubuc, André, 1967, p. 33.
8 Inventaire après décès de Thomas Eudin, Castilly (12 septembre 1695) [Arch. dép. Calvados, 8E 24405]. Castilly se situe à une dizaine de kilomètres au sud-est d’Isigny.
9 Bail de onze vaches à lait pour trois ans par Marcel Hébert, écuyer, sieur du Fresnel, à Pierre Lavalley, de Saint-Marcouf, pour 1 100 livres de beurre frais net par an, à livrer en sa maison de Lison de semaine en semaine (18 mars 1654) [Arch. dép. Calvados, 8E 24058] ; reconnaissance de bail par Marie Touchaye à Charlotte du Chemin, de Lison, de six vaches à lait pour un an, pour 600 livres de beurre, à livrer de semaine en semaine (13 décembre 1654) [Arch. dép. Calvados, 8E 24058].
10 Bail de Pierre Planson à Gabriel Andrey (18 décembre 1671) [Arch. dép. Calvados, 8E 24075].
11 Un exemple de location d’animaux pour la charge d’herbages est fourni par un inventaire après décès établi à Isigny, en 1692. Un bourgeois de Saint-Lô interpelle la famille du défunt : « Six vaches à lait & deux vaches de graisse, deux desquelles vaches ont été pareillem[en]t réclamées par led[it] Vincent, lequel a dit les avoir achetées & payées de son argent & icelles baillées audit défunt pour aider à charger ses herbages au renouveau dernier à promesse de lui rendre quarante livres, prix de l’achat desdites vaches, ce que le défunt avait reconnu encore quelques jours auparavant son décès […]. » Inventaire après décès de Jean-François Martin, sieur des Longschamps (28 juillet 1692) [Arch. dép. Calvados, 8E 24404].
12 Pour la fin du xviiie siècle, pour le notariat d’Isigny (dix-huit cas), la valeur moyenne est de 6 179 livres tournois (valeur médiane de 4 731,3) ; pour celui de Carentan (dix cas présentant une estimation), la valeur moyenne est de 3 596,6 livres (valeur médiane de 2 582,6) ; enfin, pour celui de Sainte-Mère-Église (dix cas), la valeur moyenne est de 6 541,8 livres (valeur médiane de 2 010).
13 Inventaire après décès de Jean Duhamel, Osmanville (22 septembre 1788) [Arch. dép. Calvados, 8E 24181].
14 Inventaire après décès de Dominique Raisnel, Carquebut (18 août 1786) [Arch. dép. Manche, 5E 10555].
15 Inventaire après décès de Jean Bennehard, Osmanville (26 février 1783) [Arch. dép. Calvados, 8E 24172].
16 Inventaire après décès de Pierre François Rigobert Richard, Osmanville (3 février 1789) [Arch. dép. Calvados, 8E 24182].
17 Inventaire après décès d’Anne Bauquet, veuve de Michel Gosselin, écuyer, sieur de Fontaine, Isigny (9 septembre 1692, seize vaches) [Arch. dép. Calvados, 8E 24404] ; inventaire après décès d’Anne Jahiet, veuve de Richard Senot, écuyer, sieur de la Londe, près de Trévières (29 octobre 1715, dix-huit vaches) [Arch. dép. Calvados, 8E 5968] ; inventaire après décès d’Henri Debrey, écuyer, sieur de Hauquesney, Saint-André-de-Bohon, près de Carentan (22 février 1683, vingt vaches) [Arch. dép. Manche, 5E 1489].
18 Nassiet, Michel, 2011.
19 Élection de Carentan. Productions du sol (1731 et 1759) [Arch. dép. Calvados, C 280].
20 Inventaire après décès de Nicolas Laurent Michel Néel, Saint-Hilaire-Petitville (22 novembre 1787) [Arch. dép. Manche, 5E 1640].
21 Inventaire après décès de Jean-Jacques Le Masson, Écoquenéauville (17 décembre 1784) [Arch. dép. Manche, 5E 10553].
22 Inventaire après décès de Louis Alexandre Hervieu de la Falaise, Montmartin-en-Graignes (2 mars 1786) [Arch. dép. Manche, 5E 1733] ; inventaire après décès de Nicolas Laurent Michel Néel, Saint-Hilaire-Petitville (22 novembre 1787) [Arch. dép. Manche, 5E 1640].
23 Au sujet des fermes du Bessin, voir notamment Gourbin, Bernard, 2014. Pour un exemple de ferme pour le Plain, voir Villand, Rémy, 1984. Certaines grandes fermes, dans les marais, sont bâties en « masse », c’est-à-dire en terre.
24 La plus forte somme est trouvée chez Dominique Raisnel, herbager de Carquebut, près de Sainte-Mère-Église. Inventaire après décès de Dominique Raisnel (18 août 1786) [Arch. dép. Manche, 5E 10555].
25 Inventaire après décès de Charles Belval, Saint-Clément (11 février 1772) [Arch. dép. Calvados, 8E 24161].
26 Inventaire de Marie Catherine Gast, Isigny (2 juillet 1788) [Arch. dép. Calvados, 8E 24181].
27 Inventaire après décès de Jean Bennehard, Osmanville (26 février 1783) [Arch. dép. Calvados, 8E 24172].
28 La guerre de Sept Ans a commencé en 1756. Observations du subdélégué de Carentan sur l’état de l’élection (1759) [Arch. dép. Calvados, C 280].
29 Rappelons qu’une livre tournois équivaut à 20 sous.
30 Arthur Young évalue entre 80 et 100 livres le revenu net d’une bonne vache laitière du pays de Bray, en prenant en compte « les veaux, les porcs, le beurre et le fromage ». Young, Arthur, 1976, t. III, p. 1117 sq.
31 Young, Arthur, 1976, t. III, p. 1119.
32 Réponse du subdélégué de Bayeux Genas de Rubercy sur la situation de l’élevage dans la généralité de Caen [Arch. dép. Calvados, C 2586]. Au siècle suivant, à raison de 25 à 28 litres de lait pour obtenir 1 kg de beurre, Jules Morière estime qu’une vache du Bessin produit entre 125 et 250 kg de beurre par an. Morière, Jules, 1868, p. 19.
33 Young, Arthur, 1976, t. III, p. 1120.
34 Inventaire après décès de Jean Bennehard, Osmanville (26 février 1783) [Arch. dép. Calvados, 8E 24172].
35 Un seul marchand expédie 533 livres pesant de beurre le 10 octobre 1782 ; ils sont trois le 17 octobre 1782, pour 1 956 livres pesant ; six le 24 octobre 1782, pour 3 293 livres pesant ; et, enfin, huit le 31 octobre 1782 pour 5 445 livres pesant [Arch. dép. Calvados, C 11179]. Malgré l’érosion des commandes en Carême dans les années 1780, il est surprenant de ne pas constater de hausse des prix à l’approche de cette période, en 1783.
36 Inventaire après décès de Charles Belval, Omanville (11 février 1772) [Arch. dép. Calvados, 8E 24161].
37 Abad, Reynald, 2002, p. 312. Selon Olivier Fanica, toutefois, quand le cycle reproducteur bovin n’est pas perturbé, les veaux naîtraient principalement entre janvier et mars. Fanica, Olivier, 2001, p. 119.
38 Mémoire sur les beurres d’Isigny et de Gournay (1787) [Arch. dép. Seine-Maritime, C 118]. Voir aussi Poncet, Fabrice, 2000, p. 283 ; Abad, Reynald, 2002, p. 701. En des termes voisins, cet argument est repris dans deux mémoires, l’un de 1812 et l’autre de 1827. Rapport de la Société d’agriculture et de commerce de Caen (1812) [Arch. nat., F11 2847] ; Ducheval, 1827, p. 151 sq.
39 Au xxe siècle, sont dites « amouillantes » les vaches et les génisses qui vont vêler dans les deux mois. Lepelley, René, 1997, p. 161.
40 Bourdon, Jean-Paul, 1992, p. 218.
41 « On sait ici, comme à Isigny, faire vêler les vaches à l’entrée de l’hiver, et on le pratique, et cela n’est pas fort difficile. » Lettre de Bodin, maire et subdélégué de Gournay, à l’intendant de la généralité de Rouen, 28 avril 1787 [Arch. dép. Seine-Maritime, C 118]. Joan Thirsk signale des pratiques similaires dans la région de Cambridge aux xviie et xviiie siècles. Thirsk, Joan, 2007, p. 138 et 192.
42 Inventaire après décès de Jean François Terré, Létanville (7 mars 1788) [Arch. dép. Calvados, 8E 24180].
43 Flatrès, Pierre, 1987.
44 Pour des exemples de disparition de la production fromagère au profit de la production de beurre en Angleterre, voir Broad, John, 2004, p. 103 sq.
45 Neuilly-l’Évêque est devenu Neuilly-la-Forêt à partir de la Révolution.
46 Costaz, Louis, 1819, p. 292 ; Bosc, 1819, p. 261-263 ; Chevalier, Jean-Gabriel-Auguste, 1819, p. 554-555 ; Scribe (et compagnie), 1822, p. 12.
47 Morière Jules, 1859, p. 108.
48 Pour une synthèse des connaissances agronomiques sur le sujet au xviiie siècle, voir Reynaud, Florian, 2010, p. 165-178 et 229.
49 La Rochefoucauld, François (de), 1933, t. I, p. 66. Voir aussi, pour la région de Bayeux, Young, Arthur, 1976, t. III, p. 1119.
50 Rappelons qu’un pot équivaut à 1,82 litre. Dans les inventaires après décès de la région de Carentan sont répertoriées des « cruches » métalliques d’une capacité pouvant aller jusqu’à quinze pots. Le verbe « tirer » est un synonyme normand du verbe « traire ».
51 Aux xixe et au xxe siècles, des adolescents et des hommes sont aussi employés pour la traite dans le Bessin. Boissel, Pierre, 1983 ; Bourdon, Jean-Paul, 1988, p. 45 et 74-75 ; Bourdon, Jean-Paul, 2004.
52 Enquête du bailliage de Bayeux (1690) [Arch. dép. Calvados, 2B 486]. Englesqueville [-la-Percée] est situé à treize kilomètres au nord-est d’Isigny.
53 Délibération du conseil municipal d’Isigny (29 vendémiaire an II – 20 octobre 1793) [Arch. dép. Calvados, 849Edt 3/2].
54 Une « louerie » de domestiques, au cours de laquelle on engage du personnel pour l’année à venir, se tient alors tous les ans à Isigny, dans la lande de la Madelaine. Huet, Louis, 1909, p. 294. Cette foire est déjà mentionnée dans le mémoire de Sicard sur Isigny (1731) [Arch. nat., Marine, C4 159].
55 Cadet de Vaux, Antoine-Alexis, 1787, p. 88.
56 « Une principale ménagère est chargée du soin de la laiterie. C’est sur son active surveillance que reposent tous les soins préparatoires. Elle a sous ses ordres diverses servantes qui ont le pénible emploi d’aller traire les vaches, souvent à une lieue de distance, dès les trois ou quatre heures du matin. » Rapport de la Société d’agriculture et de commerce de Caen (1812) [Arch. nat., F11 2847].
57 Anonyme, « Enquête agricole à Neufchâtel en Bray (Beurre) », 1846, p. 316.
58 Jore, Claude-Louis, 1763, p. 211-214.
59 Inventaire après décès de Pierre Louis François Jean, Saint-André-de-Bohon (21 avril 1789) [Arch. dép. Calvados, 5E 1642].
60 Pour une description d’une baratte rotative du pays de Bray, voir Jore, Claude-Louis, 1763, p. 216.
61 Anonyme, 1763, p. 351 ; Jore, Claude-Louis, 1763, p. 218.
62 Anonyme, janvier 1791, p. 387 sq. Voir aussi Anonyme, 1763, p. 351 ; Jore, Claude-Louis, 1763, p. 220-221.
63 Mérat, François Victor et Lens, Adrien-Jacques (de), 1830, tome second, p. 601, art. « Daucus ».
64 En Normandie, un « doublier » est une sorte de nappe ou d’essuie-mains. Lachiver, Marcel, 1997, art. « Doublier ». Inventaire après décès de Françoise Delauney, Isigny (5 juillet 1763) [Arch. dép. Calvados, 8E 24152].
65 Alais, Charles, 1965 ; Vignola, Carole (dir.), 2002.
66 Young, Arthur, 1976, t. III, p. 1120.
67 Jore, Claude-Louis, 1763, p. 208-209 ; Anonyme, 1763, p. 345.
68 On peut rester dubitatif sur l’emploi de charbon, dont la combustion risque d’affecter le goût de la crème. Rapport de la Société d’agriculture et de commerce de Caen (1812) [Arch. nat., F11 2847].
69 Les barattes sont remisées dans des lieux assez divers (boulangerie, cellier). Mais cela n’indique pas forcément le lieu où elles sont utilisées.
70 Cadet de Vaux, Antoine-Alexis, 1787, p. 86-87. L’auteur distingue le beurre de Geret, le grand beurre et le beurre fort. « Le beurre de Geret est présenté comme celui qui est l’objet des plus grands soins. Le beurre de Geret ne se fait que depuis le commencement de l’hiver jusqu’à la fin de mai […]. » Cette classification ne se trouve dans aucune des autres sources que nous avons consultées.
71 Pour le Bessin, voir notamment Anonyme, 1839, p. 55-56.
72 Anonyme, 1839, p. 57.
73 Jore, Claude-Louis, 1763, p. 210 et 222. Pour un témoignage plus tardif concernant le Bessin occidental, voir Anonyme, 1839, p. 57.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un aliment sain dans un corps sain
Perspectives historiques
Frédérique Audouin-Rouzeau et Françoise Sabban (dir.)
2007
La Pomme de terre
De la Renaissance au xxie siècle
Jean-Pierre Williot et Marc de Ferrière le Vayer (dir.)
2011