Chapitre VIII
Un élevage spécialisé ?
p. 195-219
Texte intégral
Toutes les branches de commerce quelconque de la Normandie sont dépendantes les unes des autres.
Les habitants du Bessin achètent les vieilles vaches du Cotentin pour les engraisser dans leurs herbages ; ceux de la vallée d’Auge viennent chercher leurs poulains, & leurs veaux pour les mettre dans leurs pâturages ; les habitants du pays de Caux viennent ensuite acheter les vaches du pays d’Auge, qui y ont cru considérablement, pour les mener dans le leur, où on fait peu d’élèves : tels sont les moyens réciproques de commerce de cette grande province, dont les ressources sont immenses, les moyens de s’enrichir très multipliés.
Marquis de Guerchy, « Extrait d’un voyage agricole fait en Normandie & en Picardie », Mémoire d’agriculture, hiver 1788, p. 67-68.
1Dans un cheminement à rebours des flux commerciaux, qui nous a d’abord conduits à considérer les mutations de la consommation du beurre puis l’organisation de son commerce, le temps est désormais venu de porter notre attention sur les exploitations agricoles du Plain et du Bessin occidental. S’il apparaît d’emblée évident que les vaches laitières y occupent une place privilégiée, les troupeaux de la région présentent néanmoins une certaine diversité dans leur composition.
2Pour mieux les connaître, nous avons procédé à une sélection d’inventaires après décès dans les notariats de Sainte-Mère-Église, de Carentan, d’Isigny et de Trévières, couvrant ainsi une bonne partie de notre zone d’étude. Deux échantillons ont été constitués, distants d’environ un siècle : à un premier ensemble de 279 successions de la fin du xviie siècle et du début du xviiie siècle, se sont ajoutés 305 autres inventaires, pour les années 1778- 17901. Sur la totalité de l’échantillon, 65 inventaires de la première période et 36 de la seconde comportent au moins cinq vaches. Ils seront plus particulièrement étudiés dans ce chapitre et dans le suivant ; en dessous de ce seuil, à de très rares exceptions près, les effectifs animaux des successions sont très modestes, quelle que soit l’espèce considérée.
Carte 10. Répartition des 584 inventaires après décès étudiés, dont ceux d’au moins cinq vaches.


a. Inventaires de la fin du xviie et du début du xviiie siècle.
b. Dont inventaires comportant au moins cinq vaches (fin xviie-début xviiie siècle).

c. Inventaires de la fin du xviiie siècle.

d. Dont inventaires comportant au moins cinq vaches (fin xviiie siècle).
3Pour des raisons agronomiques ou économiques, bien souvent, se justifie la coexistence d’animaux différents au sein d’une exploitation. En outre, au cours de leur existence, la plupart d’entre eux connaissent une mobilité fonctionnelle et géographique qui les fait passer entre les mains de plusieurs propriétaires. Par conséquent, il importe d’inscrire les présences animales observées dans des logiques de systèmes, de cycles et de filières.
Un élevage laitier prépondérant
4Sans surprise, les vaches laitières figurent dans une grande majorité d’inventaires. Mais, par-delà leur importance numérique, ces bêtes à cornes se distinguent aussi par leurs aptitudes laitières.
Effectifs généraux et taille des troupeaux
5À la différence d’autres catégories animales, les effectifs de vaches à lait sont relativement stables dans les exploitations au cours d’une année. Les estimations générales dont on dispose n’en demeurent pas moins sujettes à caution. En 1731, l’intendant de la généralité de Caen Aubery de Vastan considère que les vaches laitières sont entre 10000 et 12 000 dans l’élection de Bayeux, sans compter 3 000 à 4 000 destinées à la production de viande. Mais les comparaisons avec les élections voisines sont difficiles à établir, tant il apparaît évident que certains dénombrements prennent en compte indistinctement les vaches laitières, celles destinées à la boucherie et les génisses2. Avec 24 613 vaches, l’enquête réalisée en l’an III (1795) place en tête le district de Bayeux pour la Manche et le Calvados, devant ceux de Carentan et de Vire, aux alentours de 20000 têtes, mais, là aussi, avec des chiffres qui ne renvoient sûrement pas aux mêmes réalités3.
6Dès la seconde moitié du xviie siècle, il est manifeste que la production de beurre autour d’Isigny suscite un accroissement du nombre de bêtes. Jean-Baptiste Colbert s’en fait l’écho en novembre 1672 dans une lettre qu’il adresse à l’intendant de la généralité de Caen : « J’ai reçu le mémoire que vous m’avez envoyé de la sortie des beurres d’Isigny, qui marque certainement l’augmentation des bestiaux dans l’étendue de la généralité de Caen. Appliquez-vous toujours aux moyens de les augmenter et d’en empêcher la saisie4. »
7Dans les inventaires de la fin du xviie siècle et du début du xviiie qui comptent au moins cinq vaches, une fois soustraites celles d’entre elles destinées à la boucherie, les résultats sont très proches d’un notariat à l’autre, avec une moyenne par exploitation légèrement supérieure à neuf unités5. Un siècle plus tard, la situation est bien différente. Mettons à part l’unique inventaire de cette catégorie rencontré dans le notariat de Trévières : il traduit un manque de représentativité de ce fonds pour la fin de l’Ancien Régime. Pour les trois autres, tandis que la moyenne du notariat d’Isigny se rapproche de quinze vaches laitières, celles des notariats de Carentan et de Sainte-Mère-Église se situent autour de six unités.
8Faut-il considérer ces écarts, à un siècle de distance, comme un signe de concentration géographique et d’intensification de la production dans la région d’Isigny ? À tout le moins, l’augmentation de la taille des principaux troupeaux y est indéniable. Si seulement deux exploitations parviennent à dépasser vingt vaches laitières à Isigny et dans ses environs à la fin du xviie siècle, elles sont cinq au terme du siècle suivant, dont une qui en compte quarante. En dehors de notre corpus, des exploitations comprennent des effectifs encore supérieurs : en février 1772, à Saint-Clément, sur la ferme de Chefdeville, Charles Belval possède à sa mort quarante-neuf vaches à lait6.
Des qualités laitières incontestables
9L’approche des troupeaux de vaches par les effectifs présente assez rapidement des limites : les vaches diffèrent par leur âge, leurs aptitudes au lait et à la viande, leur état sanitaire, ce qui se traduit par des fourchettes de prix assez larges. À la fin du xviiie siècle, autour d’Isigny, elles sont en général estimées entre 100 et 150 livres tournois, avec de grandes disparités. Ainsi, deux ans après la sécheresse de 1785, une « vache rouge », pourtant « hors âge », est estimée 200 livres chez un laboureur de Vouilly7.
10Alors que la race normande n’apparaît qu’au xixe siècle, on peine à rendre précisément compte de l’aspect antérieur des bovins dans la région8. Les inventaires après décès ne renseignent le plus souvent que sur la couleur des robes, parfois sur la forme des cornes : au xviiie siècle, la majeure partie des vaches ont des robes « rouges », « bringes » ou « brunes », caractéristiques des vaches dites cotentines. En 1788, après son passage dans le Cotentin, le marquis de Guerchy rapporte que les vaches « sont d’une excellente espèce, & d’un rapport infini ; elles ne sont pas si hautes que celles de la vallée d’Auge, mais plus rondes, plus larges de croupe, & excellentes laitières9 ».
11Des apports extérieurs ont sans doute contribué à modifier les aptitudes du cheptel local, ne serait-ce que par le biais du commerce des bêtes maigres10. Il ne faut pas non plus négliger la portée d’initiatives individuelles. En février 1780, une enquête est diligentée par la maîtrise des Eaux et Forêts de Bayeux auprès des habitants de Saint-Germain-du-Pert, près d’Isigny, à propos de délits de pâturage commis dans les marais de l’Aure. Un dénommé Le Messager, écuyer, sieur de la Houssaye, est accusé d’avoir mis dans le marais commun, sans autorisation, des chevaux et des vaches, au cours des mois d’avril et de mai 1776. Entendu comme témoin, un voiturier de La Cambe affirme avoir reconnu les vaches de l’accusé, « en ce qu’elles lui parurent très fortes et la plupart sous poil blanc, et que le dit sieur de la Houssaye est à peu près le seul dans le quartier qui en eut de pareilles11 ».
12Selon le type, l’âge et l’intervalle de temps qui sépare la vache de son dernier vêlage, la production laitière connaît d’importantes variations. Amputée des premiers jours qui suivent la naissance du veau, où le lait est impropre à la transformation, la période de lactation est évaluée à environ 300 jours dans la seconde moitié du xixe siècle12. Mais à l’image de ce que l’on peut constater en Angleterre à la même époque, il est possible que sa durée soit plus courte au xviiie siècle13. C’est une raison supplémentaire pour considérer avec prudence les estimations dont on dispose pour la fin de l’Ancien Régime. François de La Rochefoucauld, de passage à Isigny au mois de mai 1782, consigne dans son journal que les vaches sont traites trois fois par jour et qu’elles donnent, à chaque fois, deux à trois pintes de lait14. Quelques années plus tard, en 1788, selon Arthur Young, la production journalière d’une vache dans le Cotentin, au-delà de Carentan, s’établit à six pots de lait, estimation légèrement supérieure à celle du comte de La Rochefoucauld, tandis que les meilleures vaches bayeusaines, traites trois fois par jour, donneraient douze pots15.
13Il semble indéniable que les éleveurs du Bessin occidental se soient engagés bien avant le xixe siècle dans une sélection de leurs animaux. Un an après la sécheresse de 1785, l’intendant de la généralité de Caen s’enquiert de la situation de l’élevage dans l’étendue de sa juridiction. La réponse du subdélégué de Bayeux fourmille de détails sur la production laitière et les prix de vente dans le Bessin :
Une génisse de deux ans pleine pour mettre bas vers le mois de décembre vaut de 100 à 120 l[ivres], même jusqu’à 130 livres quand elle est connue d’une bonne espèce. Une vache depuis l’âge de cinq ans jusqu’à huit, donnant 4 à 5 pots de lait par jour, vaut de 75 à 85 l[ivres]. Une du même âge donnant 8 à 9 pots de lait et fournissant une livre ou 5 quarts de beurre par jour vaut de 160 à 200 livres. Il est d’observation qu’il est des vaches qui fournissant la même quantité de lait donnent cependant plus ou moins de beurre, et cette considération entre pour beaucoup dans le prix qu’on y met. Il existe des vaches connues de bonne race et donnant onze pots de lait et sept quarterons de beurre par jour, qui valent jusqu’à 240 et 260 l[ivres]. Il est encore d’observation qu’indépendamment de la bonne qualité de la vache, son produit dépend aussi de la bonne nourriture et de la force des fonds qu’elle pâture, et que la bonté de la race détermine très souvent sur le prix qu’on y met.16
14La comparaison avec les élections pour lesquelles les informations sont suffisamment précises est sans équivoque17. Seul le subdélégué de Caen signale des vaches donnant quinze pots par jour, entre Pâques et novembre, tandis que les « bonnes », qu’il considère comme les plus communes, n’en fournissent que dix à douze et que la production des « mauvaises » se situe entre quatre et six pots. Dans les élections de Valognes et de Coutances, les meilleures vaches ne donnent pas plus de huit pots par jour. Dans celle d’Avranches, le maximum de dix pots est atteint par de rares belles vaches, « quand elles sont fraîches de lait et dans la force des herbes ». Le subdélégué précise que ces vaches appartiennent à des propriétaires riches qui ont beaucoup d’herbages18. Dans la première moitié du xixe siècle, les vaches de l’arrondissement de Bayeux offrent encore le meilleur rendement en lait et en beurre du département du Calvados19.
15« En vert » ou « en sec », l’herbe constitue l’essentiel de la ration journalière. Aucun document n’atteste avec certitude l’adjonction de sel dans l’alimentation. La modicité de son prix d’achat doit pourtant en faciliter l’usage. À la lecture de plusieurs descriptions de l’élevage aux environs d’Isigny, il semble que la stabulation des bêtes soit peu fréquente. Un mémoire sur les beurres d’Isigny et de Gournay rédigé en 1787 par Étienne Alexandre Faucon de la Londe, quelques notes consignées dans le journal de François de La Rochefoucauld et enfin une pétition produite par la Société d’agriculture de Caen, en 1812, s’accordent sur le fait que les vaches restent dans les herbages toute l’année, y compris lorsque l’herbe se trouve sous la neige. La justification première de ces pratiques serait le mauvais goût transmis par l’étable au lait et au beurre20. Sans que l’on puisse transposer les caractéristiques climatiques de notre époque aux xviie et xviiie siècles, il est bon de rappeler que, de nos jours, les éleveurs de l’est du Cotentin et du Bessin bénéficient de conditions particulièrement clémentes par rapport au reste de la Normandie, qui favorisent de longs séjours en plein air des troupeaux21. Quelques témoignages invitent toutefois à ne pas généraliser à l’ensemble de la zone de production ces premières remarques. À trente kilomètres au sud d’Isigny, dans les années 1790, les vaches passent la majeure partie de l’hiver à l’étable22. Même dans des paroisses littorales du Bessin, comme Englesqueville, près de Grandcamp, à treize kilomètres au nord-ouest d’Isigny, une enquête de la fin du xviie siècle atteste que les vaches d’une exploitation qui compte plusieurs servantes employées à la traite sont rentrées l’hiver23.
16Dans tous les cas, la longue période de pâturage extérieur des troupeaux, en limitant les effets de promiscuité, a contribué à une faible exposition des bovins aux maladies. Aucune épizootie sérieuse n’est rapportée avant une épidémie de fièvre aphteuse en 1840-184224. Les épisodes de mortalité connus concernent le manque de fourrage, comme en mars 1769, où Jacques Benoist père écrit à plusieurs de ses correspondants que la moitié des vaches seraient mortes à cause des inondations de l’année précédente25.
Les élevages induits par l’activité laitière
17Une production abondante de lait nécessite une insémination régulière des vaches, ce qui requiert la présence d’animaux reproducteurs et pose la question du devenir des veaux. Jeunes ou vieilles, la plupart des vaches finissent par être engraissées comme bêtes de boucherie. Enfin, les sous-produits qui résultent de la production de beurre peuvent servir à l’alimentation animale, principalement des porcs, tandis que la traite quotidienne implique le recours à des animaux de bât, pour les allers-retours entre les herbages et la ferme.
Reproduction et productions
18En toute logique, les taureaux se trouvent d’abord dans les exploitations qui comprennent les plus grands troupeaux de laitières. C’est-à-dire là où les effectifs dépassent les huit vaches à lait dans les inventaires du notariat d’Isigny de la fin du xviiie siècle. En dessous, il doit être considéré comme plus rentable de recourir à un reproducteur extérieur plutôt que d’en entretenir un à l’année. Les animaux mâles recensés sont en général jeunes, souvent âgés d’un à deux ans.
19Soucieux de préserver le lait destiné à la fabrication du beurre, les éleveurs doivent trouver un emploi pour les jeunes bovins appelés à naître tous les ans. Comme dans d’autres régions laitières, certains d’entre eux n’hésitent pas à en tuer une partie peu de temps après les vêlages, surtout entre Noël et Pâques, à l’époque où les beurres frais atteignent les plus hauts prix26. Mais il est dans l’intérêt des grandes exploitations de préparer le renouvellement du troupeau par des élèves et de se livrer à quelques valorisations à court terme.
20Les notaires ont recours à une multiplicité de dénominations pour désigner les jeunes bêtes. Les termes employés prennent en compte le sexe, l’âge et la destination des animaux. L’appellation « veau » est à la fois la plus simple et la plus imprécise. Un veau peut être mâle ou femelle. Dans les principales exploitations, il a en général moins de deux ans. Les indications « veau de lait », « veau de l’année » et « nourriture » désignent les animaux les plus jeunes : ceux qui n’ont pas « jeté », c’est-à-dire ceux qui conservent encore leurs dents de lait. La plupart du temps, « génisson » et « génisse » désignent de jeunes bovins, ayant entre un et deux ans, mais il peut exister des « génisses de lait ». La distinction sexuelle à laquelle renvoient les deux substantifs apparaît évidente. Toutefois, il est parfois fait mention de « génissons » prêts à vêler. L’« aumeau » se rapporte au jeune bœuf. Pour preuve ces « deux aumeaux commençant à travailler au harnois, l’un rouge, l’autre brun », chez Nicolas d’Auvers, près de Carentan, en mars 168327. Quant aux « veaux de graisse », ils sont destinés à la boucherie.
21Outre la possibilité de vendre de jeunes bêtes en surnombre à de petits exploitants locaux sans vache, il existe également un commerce de génisses et de vaches laitières à destination d’autres régions de la Normandie (pays d’Auge, pays de Bray) et de l’Île-de-France28. Dans le Bessin, ce commerce de jeunes bovins demeure encore important dans la première moitié du xixe siècle29.
Lait ou viande ? Un antagonisme à reconsidérer
22À côté d’éleveurs laitiers qui diversifient leurs productions, des bouchers et des herbagers se chargent de l’engraissement de vaches. En septembre 1678, à Carentan, à la mort du boucher Georges Lemachon, dix-neuf vaches « pour graisser » sont dénombrées en plus de trente-deux « bœufs et aumeaux30 ». En juillet 1703, à Saon, à l’est de Trévières, Nicolas le Parsonnier possède à sa mort soixante vaches, la plupart, semble-t-il, destinées à la boucherie. Leurs mugissements accompagnent ceux d’au moins quarante-quatre « bœufs de graisse31 ». Pour charger leurs exploitations, les herbagers peuvent aussi procéder à des achats dans le Cotentin et dans le sud de l’élection de Bayeux, riches en bétail maigre, et dans les généralités voisines.
23Les « vaches de graisse » ne sont pas toutes des vaches taries. En 1731, l’intendant de la généralité de Caen, Félix Aubery de Vastan, précise au sujet de l’élection de Bayeux : « Quand les vaches ne sont pas propres à faire le beurre, on les engraisse dans des pâturages inférieurs à ceux destinés pour les bœufs [… ]32. » La réponse du subdélégué de Caen, en 1786, au questionnaire relatif aux effets de la sécheresse de l’année précédente, va dans ce sens : « Les [vaches] grasses destinées à être tuées sont vendues depuis 200 l[ivres] jusqu’à 300 l[ivres]. On ne parle point de ces vaches vieilles et usées qui ne se vendent que 60 à 90 l[ivres]33. » Par ce biais, l’éleveur dispose d’une solution économique pour écarter de son cheptel les vaches qui correspondent le moins à ses attentes. Sur les dix-neuf « vaches de graisse » recensées dans le troupeau de Jean Duhamel, un laboureur d’Osmanville mort en 1788, plusieurs ne sont âgées que de trois à cinq ans34. Dans d’autres, certaines bêtes de boucherie sont dites « pleines » ou donnent encore du lait.
24Les vaches engraissées qui ne sont pas consommées localement prennent le chemin des foires et des marchés, dont celui de Beaumont-en-Auge. L’abattage des bovins donne lieu au développement d’activités artisanales. La ville de Bayeux est réputée au xviie siècle pour ses tanneries mais des peaux de vaches et de veaux sont aussi apprêtées à Isigny35. En outre, la corne est utilisée pour la fabrication de boutons, de peignes, d’anneaux, de manches de couteaux et de démêloirs36.
Une présence porcine liée à l’élevage laitier
25Les techniques de fabrication du beurre employées avant l’apparition des écrémeuses génèrent alors des produits plus nutritifs, tant pour le lait écrémé que pour le babeurre. Dans le pays de Bray, ces derniers peuvent servir à l’alimentation humaine37. Ils semblent surtout donnés aux animaux dans dans le Plain et le Bessin occidental. En 1787, le chimiste Cadet de Vaux évoque également cette utilisation, dans sa description de la fabrication du beurre dans le Bessin38. Des « barils à lavures », qui doivent aussi recevoir les eaux de vaisselle et des déchets de la cuisine, sont parfois répertoriés à proximité des bâtiments annexes des fermes, et notamment du « buret », où les porcs sont engraissés.
26Aux xviiie et xixe siècles, les mentions de vente de porcs sont fréquentes dans les créances des successions du notariat d’Isigny. Une partie de la production est destinée à la consommation urbaine. Ainsi, à la mort de Thomas Berel, des hameaux d’Isigny, en 1752, 330 livres tournois sont toujours dues pour la vente de cinq porcs gras au facteur du sieur Quesnel, marchand de porcs à Paris39. Développée par les marchands de beurre dès le xviiie siècle, l’activité de salaison de viande de porc, mais aussi de bœufs, prospère dans la première moitié du siècle suivant. Vers 1835, l’Annuaire du Calvados évalue à trois mille le nombre de porcs salés annuellement à Isigny, auxquels s’ajoute la quantité de cent tonnes de viande de bœuf, le tout à destination du Havre pour la Marine, les colonies et l’étranger40.
27Ce lien entre activité laitière et élevage porcin, somme toute assez attendu, mérite toutefois d’être discuté. Bien qu’il soit parfois difficile de distinguer les animaux adultes des jeunes, les porcs dénombrés dans les inventaires sont en nombre plus important au xviie siècle qu’au siècle suivant. En outre, il n’existe pas de proportionnalité dans les fermes entre le nombre de porcs et celui des vaches laitières. La fermeture de forêts aux usagers durant le xviie siècle, l’interdiction de marais communaux du Bessin au xviiie siècle à tous les porcs, même « annelés » – c’est-à-dire munis d’un anneau au niveau du groin –, sans oublier la réduction des labours au bénéfice de l’herbe, ont pu contribuer à amoindrir leur présence41.
Le retour de la traite : entre mythe et histoire
28Dans l’imagerie bucolique et intemporelle de la Normandie laitière, la servante revient de la traite accompagnée d’un âne, lesté de « cannes42 » pleines de lait. La réalité historique dément cette vision idéalisée des travaux des champs43.
29Pour la fin du xviie et le début du xviiie siècle, sur les soixante-cinq inventaires qui comprennent au moins cinq vaches, on ne dénombre que six « bêtes asines », une mule et un mulet. Quatre de ces animaux sont recensés dans des successions du notariat de Trévières. Pour le notariat d’Isigny, le seul âne répertorié sert à porter une veuve dans ses déplacements. Aucun lien ne semble établi avec l’élevage laitier.
30À la fin du xviiie siècle, si la présence de ces animaux est réduite, voire inexistante, dans trois notariats sur quatre, les sept mentions relevées pour la région d’Isigny concernent des successions aux effectifs supérieurs ou égaux à quatorze vaches laitières. À l’évidence, l’accroissement de la taille des troupeaux nécessite de nouveaux besoins, surtout quand les herbages sont éloignés de la ferme ou que les bêtes sont mises au marais. Par rapport à un transport effectué par des petits chevaux, les ânes offrent bien des avantages. Moins exigeants en nourriture et en soins, ils sont, en outre, d’un prix d’achat modique. En 1811, la répartition des ânes dans l’arrondissement de Bayeux peut être facilement rapprochée des cartes relatives à la collecte des beurres ainsi qu’à la part de l’herbe dans les surfaces agricoles44.
Carte 11. Les ânes dans l’arrondissement de Bayeux d’après un recensement de 1811. [Tableau général des animaux utiles à l’agriculture dans l’arrondissement de Bayeux (1811) – Arch. dép. Calvados, 1 Z 679]

Les bœufs et les équidés
31Malgré la réduction des surfaces en labour, les paysans du Plain et du Bessin occidental ne peuvent pas se passer d’animaux de trait. Par ailleurs, l’élevage des bœufs et encore bien davantage celui des équidés constituent des sources de revenus non négligeables.
« Bœufs de labour » et « bœufs de graisse »
32À la fin du xviie siècle, les bœufs sont présents dans plus de la moitié des inventaires comprenant au moins cinq vaches, des notariats d’Isigny, de Carentan et de Sainte-Mère-Église, contre seulement un tiers de ceux de Trévières et de ses environs.
La raréfaction des bœufs de trait
33Dans le Cotentin, au xviie siècle, les bœufs de labour sont le plus souvent estimés par paire de deux, quatre ou six unités. Pour le notariat d’Isigny, au moins vingt-quatre des quarante-huit bœufs recensés pour cette période relèvent de cette catégorie. En l’espace d’un siècle, alors qu’aux environs de Sainte-Mère-Église et de Carentan demeurent encore des ensembles de six voire de douze bœufs de travail, ces animaux sont devenus rares à Isigny et dans ses alentours.
34Vers la fin de l’Ancien Régime, le vicomte de La Maillardière, originaire de Brucheville, non loin de Carentan, loue les qualités des bœufs du Cotentin et considère qu’ils sont plus adaptés au sol de la presqu’île que les équidés, plus fréquents dans le Bessin45. Il ne faut pas non plus exclure le fait que ce maintien dans les exploitations du Cotentin puisse avoir un lien, en amont, avec les facilités à s’approvisionner en jeunes animaux et, en aval, avec les possibilités de les intégrer ensuite dans les circuits de la viande.
35Il semble en tout cas important de se garder de tout schématisme puisque, nous le verrons, l’élevage équin est également bien développé dans le Cotentin tandis que des attelages mixtes associant chevaux et bœufs sont signalés dans le Bessin occidental.
Les bœufs de graisse : une présence ancienne mais limitée
36En juillet 1346, l’armée anglaise d’Édouard III, débarquée à Saint-Vaast-la-Hougue, se dirige dans un premier temps vers Saint-Lô. En chemin, elle fait étape à Valognes, Saint-Côme-du-Mont et Carentan. Parvenue dans les marais de la Taute, avant de traverser la Vire à Pont-Hébert, la contrée est livrée au pillage46. Froissart rapporte :
Si trouvèrent le pays gras et plentiveus de toutes coses, les gragnes [granges, fermes] plainnes de blés, les maisons plainnes de toutes rikèces, riches bourgois, chars, charètes, et chevaus, pourciaus, brebis et moutons et les plus biaus bues [bœufs] dou monde que on nourist ens ou pays.47
37Au moins dès le xvie siècle, le Bessin n’est pas en reste. En 1517, le parlement de Normandie rend un arrêt qui condamne au paiement de la dîme deux particuliers qui ont converti quatre-vingts vergées de labour en herbage à La Cambe, près d’Isigny. Selon les plaignants, religieux du prieuré du Plessis-Grimoult, ces décimables indociles « y ont mis ou faict mectre beufz, vaches ou autres bestes par eulx achaptees ou fait achapter pour icelles bestes engresser esd[ites] herbaiges48 ». Quelques décennies plus tard, en 1571, les héritiers de Michel Suhard, sieur de la Rivière, concluent un accord avec ceux de Charles Tuasne, au sujet d’un reliquat de la vente de vingt-cinq bœufs gras et de dix « vaches de graisse », effectuée par ce dernier pour le compte du sieur de la Rivière49. Non loin de là, en janvier 1591, à la mort de Paul de Bricqueville, seigneur de Colombières, seize bœufs et dix-sept taureaux sont dénombrés sur ses terres, dont une partie est vraisemblablement destinée à la boucherie50. En effet, quatre ans plus tard, un état des deniers dus à sa veuve comprend plusieurs mentions de saisies de « bœufs de graisse » dont certains ont été mis à pâturer dans les herbages du domaine, pour le compte de marchands51.
38Des bœufs sont toujours engraissés autour de la baie des Veys au xviie et au xviiie siècles, même si les effectifs sont relativement modestes par rapport à ceux des herbagers du pays d’Auge. Pour les inventaires de la première période, les valeurs maximales sont constituées par un ensemble dix-huit « bœufs de graisse » à Isigny, en septembre 168752, trente-deux bœufs et « aumeaux » chez un boucher de Carentan, en septembre 167853, et enfin un troupeau de plus de quarante bœufs de boucherie à Saon, en juillet 170354. Un siècle plus tard, seules trois successions en comprennent, de manière explicite : deux chez un herbager de Saint-Hilaire-Petitville, près de Carentan, en novembre 1787, époque de l’année où les herbages sont généralement peu chargés en bêtes55, quatre à Isigny, en juin 178456, et dix-neuf à Carquebut, près de Sainte-Mère-Église, en août 178657. Si le livre de compte de Gabriel Simon, herbager à Saint-Germain-du-Pert, à la fin des années 1740, témoigne de l’envergure des affaires de certains herbagers du Bessin dans la première moitié du siècle, le commerce des bœufs gras semble avoir connu des difficultés par la suite, notamment dans les années 176058.
39Chez les herbagers du pays d’Auge, le calendrier des achats et des ventes est bien connu. Il est sans doute transposable à la baie des Veys. Les « bœufs d’hiver » acquis à l’automne, principalement dans les foires du Cotentin, s’acclimatent aux herbages de leurs nouveaux propriétaires durant les mois d’hiver. Puis, principalement de février à juin, survient le gros des achats en « bœufs de printemps ». L’aire d’approvisionnement se dilate alors à la Bretagne, au Maine et au Poitou. Après six à sept mois d’engraissement, les bêtes prennent le chemin des grands marchés d’approvisionnement de Paris, à savoir Le Neubourg, Poissy et, dans une moindre mesure, Sceaux59. Les facilités d’achat à proximité de bétail maigre peuvent permettre de compenser, au moins en partie, les dépenses engendrées par la distance plus grande qui sépare les herbagers du Plain et du Bessin occidental des marchés urbains normands et parisiens60.
L’élevage équin : besoins locaux et clientèles de luxe
40Au moins dès les xvie-xviie siècles, le Cotentin et le Bessin occidental s’affirment comme des terres de production réputées pour les chevaux carrossiers. Très prisés des clientèles urbaines, ces équidés sont également recherchés pour la grosse cavalerie61. Selon le rapport de Philibert Chabert, en 1788, ils présentent aussi des aptitudes pour le tirage et le labour. Cette excellence associée à une certaine polyvalence leur assurent des débouchés vers Paris et Rouen, la plaine de Caen, le pays d’Auge et la Picardie. Il s’agit d’une situation originale en Normandie, avant que ne se développe l’élevage du cheval de selle dans la généralité d’Alençon, au xviiie siècle62.
41De Sainte-Mère-Église à Trévières, les exploitations offrent toutes les caractéristiques d’un pays naisseur : les juments sont en proportion nettement supérieure aux chevaux et sont accompagnées de très nombreux poulains et pouliches. Déjà, en 1571, à Isigny, les lots et partages des biens de Thomas Suhard, sieur de Rupalley, comprennent treize juments dont deux « hacquenées », deux « poutres63 », six poulains et seulement deux chevaux, l’un « moulinier » et l’autre « pileur de pommes ». Les robes des animaux recensés sont très variées, ce qui laisse envisager des origines diverses. Une des juments est qualifiée de « petite jument boyarde de la Somme64 ». Vingt ans plus tard, l’inventaire des biens de Paul de Bricqueville, seigneur de Colombières, comprend douze juments aux côtés de neuf chevaux et de trois poulains65.
42Tandis que Charles de Bourgueville vante, en 1588, la vicomté de Bayeux pour ses herbages et ses pâturages, source des meilleurs beurres de France, il associe celle de Carentan à « bon nombre de bons chevaux et haquenees de prix, et plusieurs moyens chevaux de harrasts66 ». Les effectifs recensés dans les inventaires qui comprennent au moins cinq vaches, à la fin du xviie siècle et au début du xviiie, sont également en faveur du Cotentin. Ainsi, dans le notariat de Sainte-Mère-Église, la moyenne par succession est supérieure à dix équidés67. En 1702, Jean Le Masson, à Écoquenéauville, possédait huit juments ou « cavales », douze pouliches (quatre de deux ans et huit d’un an), cinq poulains mâles et un « cheval du roi », c’est-à-dire un étalon royal68. À quelques kilomètres de là, en octobre 1704, Denis Lerouge laisse à sa mort dix-neuf équidés : sept juments, deux pouliches, neuf poulains et un hongre69.
43L’évolution sur un siècle laisse envisager une recomposition : en dehors du cas problématique du notariat de Trévières, les principales exploitations de la région de Carentan présentent des effectifs plus faibles que pour la période précédente. Un resserrement semble s’être opéré autour de Sainte-Mère-Église et d’Isigny, dont les moyennes sont légèrement supérieures à sept équidés par exploitation d’au moins cinq vaches. À Isigny et dans ses environs, deux troupeaux présentent des effectifs de vingt et vingt et une unités70. Dans la région de Sainte-Mère-Église, les deux principaux ensembles ne sont respectivement formés que de dix et douze équidés. Mais cette comparaison numérique ne rend pas compte des différences qualitatives. Au xviiie siècle, durant plusieurs décennies, le Bessin est le plus souvent pourvu d’étalons royaux, dont une forte proportion est d’origine étrangère. La production est jugée abondante mais de moins bonne qualité que dans le Cotentin, où le faible nombre d’étalons royaux des élections de Valognes et de Carentan est compensé par les saillies effectuées par des étalons privés71. En 1788, le marquis de Guerchy remarque que les chevaux du Bessin sont « en moins grand nombre, & d’une qualité inférieure à ceux du Cotentin72 ».
44L’imprécision des sources rend impossible une classification d’ensemble des animaux dénombrés. Pour le transport de personnes et la traction de véhicules, on trouve mention de juments dites « carrossières », « trotteuses » ou « d’allure73 ». D’autres sont employées pour les travaux des champs. En témoignent les estimations de colliers de charroi, de charrue, les selles de limon mais aussi les panneaux et les bâtières. Les cahiers du vingtième d’Engranville et d’Aignerville, qui comprennent une description des deux paroisses pour le début des années 1780, font état de la préférence des habitants pour les équidés par rapport aux bœufs ; ces derniers ne sont utilisés à Engranville que lorsque le terrain est trop pierreux74. Dans ces paroisses, un attelage est formé de quatre ou cinq juments. Il n’y a que dans le cahier de Neuilly-l’Évêque qu’il est rapporté une préférence pour des attelages mixtes, composés de deux bœufs et de deux juments75. Ainsi, la carte établie il y a un siècle par René Musset, concernant les animaux de trait au xviiie siècle, nécessiterait d’être révisée au moins pour le Bessin occidental, caractérisé par les équidés et non par les bœufs de travail76.
45Pour la fin du xviiie siècle, cinq inventaires du notariat de Carentan laissent apparaître des animaux de taille moyenne : entre 4 pieds 6 pouces et 4 pieds 10 pouces (soit entre 1,46 et 1,57 m), alors que dans d’autres provinces, notamment en Île-de France, certains chevaux dépassent déjà les 5 pieds77. Plusieurs juments sont d’ailleurs qualifiées de « bidettes », connues pour leur petite taille. En ce qui concerne les robes, il faut souligner la récurrence de la couleur noire, privilégiée pour les attelages de carrosses des élites urbaines mais aussi de nobles locaux. En 1683, dans la grande écurie du château de Beuzeville-sur-le-Vey, non loin de Carentan, où résidait Marie Césarine de Monteney, sont répertoriés « six chevaux de poil noir de différents âges servant au carrosse, avec leurs attelages78 ». Les robes « baies », « rouges » et « brunes » sont également communes.
46Un dense réseau de foires locales organise les ventes : dans le Cotentin, ce sont celles de Saint-Floxel et de Saint-Côme-du-Mont ; de Formigny et de Saint-Laurent-sur-Mer dans le Bessin, ainsi que celle de la Toussaint de Bayeux79. À la fin du xviiie siècle, les juments estimées dans les inventaires valent entre 100 et 450 livres ; des poulains de dix-huit mois entre 300 et 450 livres, l’un d’eux atteint la somme de 650 livres, en 178880. De passage à Carentan en cette même année 1788, Arthur Young constate également les prix élevés auxquels se négocient certains poulains en début de circuit de commercialisation81. Il faudrait cependant mettre en balance les frais entraînés par la nourriture et l’entretien d’animaux plus exigeants que les bovins. Les équidés sont rentrés à l’écurie après les beaux jours, sous la surveillance d’un valet, qui y dispose d’un lit ou d’une paillasse. Des brosses, des étrilles voire des éponges82 servent à leur entretien. L’activité n’est pas exempte de déconvenues. Le cahier du vingtième d’Aignerville, en 1781, rapporte les mésaventures de propriétaires de juments qui avortent ou qui ne produisent soit que des poulains femelles, soit des mâles mal conformés83. Au demeurant, quelques cas de morve sont signalés pour la seconde moitié du xviiie siècle84.
En marge : les autres élevages
47Si des oiseaux de basse-cour et quelques colonies d’abeilles contribuent à enrichir le bestiaire domestique des exploitations, la raréfaction des « bêtes à laine » est à souligner puisqu’elle est un signe des mutations à l’œuvre dans l’agriculture et de la mise en place d’une nouvelle gestion des marais communaux.
Le recul des ovins
48L’ancienneté de cet élevage dans le Bessin occidental est attesté par de nombreux indices. La toponymie locale comprend des lieux associés à ces animaux, comme ce « grand herbage es Brebis » à Colombières, évoqué dans un contrat d’échange du 25 octobre 153285. Il est en outre fréquent, aux xvie et xviie siècles, que les jeunes mariés reçoivent quelques ovins parmi les biens mobiliers destinés au futur ménage. Enfin, à Isigny même, des documents du xvie siècle concernant la famille Suhard révèlent l’existence d’importants troupeaux en bordure de marais. En novembre 1571, les deux bénéficiaires du partage des meubles de Thomas Suhard, sieur de Rupalley, reçoivent chacun un lot de 278 « bêtes à laines, tant grandes que petites86 ». En juillet 1589, à la mort d’Antoine Suhard, lui aussi sieur de Rupalley, 350 « bêtes à laine, tant grandes que petites » se trouvent dans le marais et dans des herbages87.
49Entre la fin du xviie siècle et le début du siècle suivant, plus de la moitié des inventaires d’au moins cinq vaches des notariats de Trévières et de Sainte-Mère-Église comprennent des ovins, ainsi que 45 % de ceux du notariat d’Isigny. Même s’il est difficile de se faire une idée précise des effectifs, très variables dans l’année, les exploitations de la région de Trévières présentent des troupeaux plus étoffés, la plupart d’entre eux dépassant la trentaine de têtes. À la même époque, de grands troupeaux sont signalés dans le Cotentin, comme celui de Jean Langlois de la Coudrey, à Ravenoville, composé de 675 ovins, dont au moins 480 « moutons de graisse88 ». Une fois engraissés, ils prennent la direction des villes et notamment de Paris, pour alimenter le commerce de boucherie89. En mai 1703, Jacques de l’Homme, boucher d’Évreux, doit encore 300 livres tournois à un habitant de Sainte-Mère-Église nommé Michel Artur. Il s’agit du reliquat d’une plus grande somme qu’il s’est engagé à payer pour une vente de moutons effectuée en août 1702, au marché du Neubourg. Quand le fondé de procuration du vendeur se rend à Paris, rue Saint-Germain, en l’hôtellerie nommée Rose Blanche, le boucher n’y est pas et pour tout règlement, le fils de ce dernier, qui le remplace, s’évertue à repousser une nouvelle fois l’échéance90.
50À la fin du xviiie siècle, à Carentan, Arthur Young observe des ovins qui se distinguent par une tête et des pattes rouges. Il pourrait s’agir de moutons de type cauchois, dont il note également l’existence dans d’autres régions de la Normandie91. Mais il règne une certaine diversité au sein des troupeaux, ainsi qu’il ressort d’un procès-verbal dressé en 1742, aux hameaux d’Isigny, à la suite d’une attaque de chiens sur des moutons, dont certains sont de « laine brune » et d’autres de « laine blanche92 ». Une partie des animaux élevés dans le Cotentin provient du Bessin oriental. Durant l’hiver 1781, à Isigny, un marchand herbager d’Osmanville surprend deux troupeaux d’ovins dans un de ses herbages. L’un des deux, composé de 94 bêtes, est la propriété d’un nommé Lelaidier, herbager d’Azeville, au nord de Sainte-Mère-Église, qui les a achetés à Aignerville, près de Trévières. L’autre, formé de 155 bêtes, provient d’Arromanches. Il est conduit à Hiesville, à une dizaine de kilomètres au nord de Carentan, par Michel Mouchel, « marchand de vaches et de bœufs » de Chef-du-Pont. Mouchel agit en qualité de facteur d’un herbager de Foucarville93. Renforcé de quelques « conducteurs » dont certains ont été recrutés en chemin, l’équipage tente de franchir la Vire à Neuilly-l’Évêque, au passage de la Nef du Pas, alors que le propriétaire de l’herbage et deux sergents veulent les en empêcher. Jouant des poings et à l’aide de leurs chiens, de pierres ainsi que de « bâtons ferrés et en partie tranchants », les hommes parviennent finalement à faire passer en force leurs bêtes94.
51Les troupeaux d’ovins sont encore courants dans les inventaires de la fin du xviiie siècle dans l’est du Cotentin, mais avec des effectifs le plus souvent compris entre quelques unités et une vingtaine de têtes pour ceux du notariat de Carentan. L’effacement est en revanche notable dans le Bessin occidental. L’élevage des gros animaux s’y accommode mal des ovins, perçus comme des concurrents à la dent trop destructrice pour le tapis végétal. Pour cette raison, dans de nombreuses paroisses de la vallée de l’Aure, ils sont la cible d’interdictions de pâturage. Une des premières mesures est prise en ce sens à Colombières, au début de la décennie 1720, où le pâturage des ovins est interdit dans les marais95. À Saint-Germain-du-Pert, en mai 1742, une assemblée des habitants va jusqu’à prohiber le pâturage des moutons et des brebis dans toute l’étendue de la paroisse, au motif qu’ils dégradent les haies et les fossés et qu’ils constituent un préjudice considérable pour les « bestiaux », c’est-à-dire les gros animaux96. Par ailleurs, la conversion des terres de labour en herbages réduit l’espace sur lequel ce petit bétail trouvait une partie de sa subsistance après les moissons. Les possibilités se restreignent aux landes, aux bordures de chemins et à certaines portions de marais. Il est en outre probable que le Bessin oriental et la plaine de Caen aient capté à leur profit une partie du marché97. Dans la région d’Isigny, quelques exploitations possèdent encore des troupeaux d’ovins conséquents. Dans les hameaux d’Isigny, en 1763, à la ferme du Ruppaley, la surveillance de 88 bêtes à laine est confiée à petit berger, pour lequel la propriétaire des lieux a fait confectionner, quelque temps avant son décès, une veste, une culotte et réglé l’achat d’un chapeau98. Non loin de là, à Saint-Clément, en 1815, on dénombre un troupeau de 104 ovins à la mort de Joseph Le Danois, maire de la commune99. Il n’en demeure pas moins vrai que l’ovin est devenu l’animal du pauvre, possédé en propre ou exploité en location. C’est ainsi que le considère Arthur Young, de passage à Isigny à la fin de l’Ancien Régime :
Isigny. Des moutons – de deux à six – liés entre eux par une corde, et conduits par une femme ; beaucoup sont ainsi tenus, qui paissent dans les champs. Je classe ici cette note, car je ne puis imaginer qu’un tel aménagement soit le fait d’éleveurs ; il s’agit de pauvres, qui gardent leurs moutons sur les routes ou paient pour les faire paître dans les champs.100
Les petits élevages
52Les basses-cours qui comptent plus de dix volatiles deviennent plus fréquentes dans les principales exploitations de la fin du xviiie siècle. Pour le notariat d’Isigny, quatre successions dépassent alors les trente pièces. Au moins dans le Bessin, du sarrasin est employé pour leur nourriture et peut-être des sous-produits de la laiterie101.
53Les gallinacés sont les volatiles les plus souvent recensés, même si les œufs ne donnent pas lieu à un commerce d’une importance comparable à celui du pays de Bray. La production de chapons s’explique entre autres par les redevances en nature exigées par certains propriétaires. Mais, au moins dès la seconde moitié du xviie siècle, l’élection de Bayeux alimente aussi le marché parisien en volailles102. Rappelons que tous les ans, les Benoist offrent des chapons à leurs clients parisiens en guise d’étrennes. Suivant les successions, les canards, les dindes ou les oies figurent en seconde position. La fermeture des marais à ces dernières durant le xviiie siècle, dans de nombreuses paroisses du Bessin occidental et sans doute du Cotentin, est probablement à l’origine de la raréfaction de leur présence. Les dindes ne sont pas une nouveauté en Normandie occidentale : les « poules d’Inde » sont en effet déjà connues de Gilles de Gouberville, au milieu du xvie siècle.
54Les autres petits élevages occupent une place encore plus réduite. Les quinze essaims d’abeilles répertoriés pour la fin du xviiie siècle, tous localisés dans le périmètre du notariat d’Isigny, répondent aux vingt-trois ruches à « mouches » dénombrés dans trois successions de la première période. Restent les caprins, qui sont à ranger au rang des curiosités. Une seule mention figure, en tout et pour tout, sur près de six cents inventaires. En 1692, à Isigny, au sujet d’une chèvre suivie de son petit cabri, la veuve déclare que la bête a été « baillée pour avoir du lait dans la maladie dudit défunt103 ».
Conclusion
55Au cours de l’époque moderne, la dominante laitière de l’élevage dans le Plain et le Bessin occidental tend à se renforcer. Pour preuve, la diminution du nombre d’ovins, l’augmentation de la taille des troupeaux de vaches laitières et une certaine sélection des bêtes. Sur ce dernier point, davantage que les sources écrites, l’archéozoologie devrait pouvoir apporter des réponses plus précises.
56Cependant, l’élevage autour de la baie des Veys ne tend pas à la monoproduction. Par-delà les variantes internes que l’on a pu entrevoir, l’activité laitière induit des élevages secondaires et s’assortit du développement d’un élevage équin de grande réputation. Pays naisseur pour les chevaux, l’ensemble Plain-Bessin occidental se distingue en cela, au moins jusqu’au xviiie siècle, des autres pôles herbagers normands104. Cette association entre spécialisation et diversité des productions garantit aux éleveurs des sources de revenus multiples.
Notes de bas de page
1 Un tableau de répartition des inventaires suivant les notariats et les périodes figure en annexe 6.
2 Aubery de Vastan, Félix, Généralité de Caen. Production du sol et de l’industrie (1731), p. 27-28 [Bib. mun. Caen, in fo 43].
3 Festy, Octave, 1941, t. I, p. 144-150 ; t. II, p. 58-66.
4 Clément, Pierre (éd.), 1863, II, 2, p. 668, no 259.
5 Dans les inventaires, la distinction n’est pas toujours effectuée entre les vaches destinées à la boucherie et les vaches à lait. Le nombre de vaches laitières retenu résulte de la soustraction de l’effectif total, des vaches désignées comme bêtes de boucherie. Pour le détail des résultats, voir annexe 7.
6 Poncet, Fabrice, 2000, p. 276.
7 Inventaire après décès de François d’Orival, Vouilly (13 juillet 1787) [Arch. dép. Calvados, 8E 24179].
8 Sur l’émergence de la race normande, voir Bertaux, Jean-Jacques et Levesque, Jean-Marie (dir.), 1997.
9 Guerchy (marquis de), 1788, p. 67.
10 Garnier, Bernard, 1996, p. 234.
11 Témoignage de François Juget, dans une enquête menée auprès des paroissiens de Saint-Germain-du-Pert (février 1780) [Arch. dép. Calvados, 11B 117].
12 Pourriau, Armand-Florent, 1872, p. 5.
13 Broad, John, 2004, p. 111.
14 Soit, au total, entre 6,3 et 9,4 litres par jour. La Rochefoucauld, François (de), 1933, t. I, p. 66. Une pinte mesure de Paris équivaut à peu près à 0,95 litre. Palaiseau, Jean-François Gaspard, 1816, p. 378.
15 Soit 10,9 litres par jour dans le premier cas et 21,8 dans le second, pour un pot de 1,82 litre. Young, Arthur, 1976, t. III, p. 1119.
16 Réponse du subdélégué de Bayeux Genas de Rubercy sur la situation de l’élevage dans la généralité de Caen (25 septembre 1786) [Arch. dép. Calvados, C 2586].
17 Le dossier ne comporte malheureusement pas de réponse pour l’élection de Carentan.
18 Enquête sur la situation de l’élevage dans la généralité de Caen (1786) [Arch. dép. Calvados, C 2586].
19 Désert, Gabriel, 2007, p. 62-63.
20 Mémoire sur les beurres d’Isigny et de Gournay (1787) [Arch. dép. Seine-Maritime, C 118] ; La Rochefoucauld, François (de), 1933, t. I, p. 66 ; rapport de la Société d’agriculture et de commerce de Caen (1812) [Arch. nat., F11 2847]. Concernant ce sujet, voir Poncet, Fabrice, 1999, p. 141-142 ; Abad, Reynald, 2002, p. 701.
21 Frémont, Armand, 1967, p. 49-55 ; Vivier, Michel, 1997, p. 48.
22 Bourdon, 1992, p. 205 et 218.
23 Enquête du bailliage de Bayeux (1690) [Arch. dép. Calvados, 2B 486]. Pour des précisions sur cette affaire, voir chapitre IX.
24 Une contagion de fièvre aphteuse touche la vallée d’Auge en 1839-1842 et se propage dans le Bessin (cantons de Balleroy, Trévières, Isigny). Vallat, François, 2001, p. 82 et 97.
25 Dans une lettre du 20 avril 1769, Jacques Benoist avance le chiffre de 1 500 « bestiaux » morts dans les paroisses de Montmartin et de Graignes, près de Carentan. Lettre de Benoist père à madame Boitte, 20 avril 1769 [Arch. dép. Calvados, 2E 56].
26 Aubery de Vastan, Félix, Généralité de Caen. Production du sol et de l’industrie (1731), p. 28 [Bib. mun. Caen, in fo 43]. Le contrôleur général des finances Philibert Orry doute qu’il soit possible de mettre fin à cette pratique. Lettre de Philibert Orry à l’intendant de la généralité de Caen, Aubery de Vastan, 13 mars 1733 [Arch. dép. Calvados, C 268]. À la fin du xviiie siècle, dans le district de Carentan, une partie des veaux est encore tuée peu de temps après leur naissance. Festy, Octave, 1941, t. II, p. 60-62. D’autres provinces du royaume connaissent les mêmes pratiques. Pour la Bretagne au xviiie siècle, voir Roudaut, Fañch, 1991, p. 324-325.
27 Inventaire après décès de Nicolas d’Auvers, Auvers (6 mars 1683) [Arch. dép. Manche, 5E 1489]. Voir également sur ce sujet Roupsard, Marcel, 2000.
28 Touzery, Mireille, 1995, p. 108 ; Fanica, Olivier, 2001, p. 107. Voir aussi l’épigraphe de ce chapitre.
29 Mémorial d’agriculture et d’industrie du département de la Seine-Inférieure, 1819-1820, p. 133 sq. ; Pluquet, Frédéric, 1829, p. 181.
30 Inventaire après décès de Georges Lemachon, Carentan (20 septembre 1678) [Arch. dép. Manche, 5E 1484].
31 Inventaire après décès de Nicolas le Parsonnier, Saon (11 juillet 1703) [Arch. dép. Calvados, 8E 5967].
32 Aubery de Vastan, Félix, Généralité de Caen. Production du sol et de l’industrie (1731), p. 27 [Bibl. municipale Caen, in fo 43].
33 Réponse du subdélégué Le Paulmier sur la situation de l’élevage dans la subdélégation de Caen (6 octobre 1786) [Arch. dép. Calvados, C 2586].
34 Inventaire après décès de Jean Duhamel, Osmanville (22 septembre 1788) [Arch. dép. Calvados, 8E 24181].
35 Au sujet des tanneries de Bayeux, voir Aubery de Vastan, Félix, Généralité de Caen. Production du sol et de l’industrie (1731), p. 27-28 [Bib. mun. Caen, in fo 43]. Pour Isigny, voir l’inventaire après décès de Jean le Bourgeois, mégissier au bourg d’Isigny (17 janvier 1749) [Arch. dép. Calvados, 8E 24138], ainsi qu’une condamnation par la haute justice d’Osmanville de deux mégissiers d’Isigny, au sujet de 200 peaux de veaux qu’ils n’ont pas livrées à un tanneur de Bayeux (26 octobre 1786) [Arch. dép. Calvados, 15B 825].
36 Inventaire après décès de Jean Guillet, marchand à Trévières (14 juillet 1783) [Arch. dép. Calvados, 8E 6028].
37 Jore, Claude-Louis, 1763, p. 222 et 223.
38 Cadet de Vaux, Antoine-Alexis, 1787, Paris, p. 88.
39 Inventaire après décès de Thomas Berel, Isigny (21 mars, 19 juillet et 13 septembre 1752) [Arch. dép. Calvados, 8E 24141].
40 Annuaire du Calvados, 1835, p. 217. Voir aussi ibid., 1829, p. 208-209 et Pluquet Pluquet, Frédéric, 1829, p. 181.
41 Voir Brunet, Pierre, 2007, ainsi que le chapitre XII de cette présente étude.
42 Il s’agit de récipients métalliques destinés à transporter le produit de la traite. Voir chapitre IX. Le bât sur lequel ces cannes sont placées est appelé « cages à traire » dans les inventaires.
43 Bourdon, Jean-Paul, 2004, p. 113-135.
44 Voir chapitres VI et XI.
45 La Maillardière, Charles-François Lefèvre (de), 1782, p. 465-466.
46 Marin, Jean-Yves (dir.), 1999, p. 25.
47 Froissart, Jean, 2001, vol. I, p. 543 [Premier Livre I, § 258].
48 Arrêt du parlement de Normandie rendu pour La Cambe (13 février 1517) [Arch. dép. Seine-Maritime, 1B 364]. Au xviiie siècle, à La Cambe, la vergée équivaut à un peu plus de 0,2 ha. Navel, Henri, 1932, p. 53-57.
49 Transaction conduite à Isigny entre les héritiers de Michel Suhard et ceux de Charles Tuasne (6 décembre 1571) [Arch. dép. Calvados, 7E 237].
50 Inventaire après décès de Paul de Bricqueville, Colombières (janvier 1591) [Collection privée].
51 État des demandes de deniers dus à madame de Colombières (1595) [Collection privée].
52 Inventaire après décès de Pierre Gosselin, sieur du Val, Isigny (22 septembre 1687 et 5 mars 1688) [Arch. dép. Calvados, 8E 24403].
53 Inventaire après décès de Georges Lemachon, Carentan (20 septembre 1678) [Arch. dép. Manche, 5E 1484].
54 Aux quarante-quatre animaux qualifiés de « bœufs de graisse » s’ajoutent six autres bœufs à l’usage indéterminé. Inventaire après décès de Nicolas le Parsonnier, Saon (11 juillet 1703) [Arch. dép. Calvados, 8E 5967].
55 Inventaire après décès de Nicolas Laurent Michel Néel, Saint-Hilaire-Petitville (22 novembre 1787) [Arch. dép. Manche, 5E 1640].
56 Inventaire après décès de Monique Le Trésor, Isigny (2 juin 1784) [Arch. dép. Calvados, 8E 24173].
57 Inventaire après décès de Guillaume Dominique Raisnel, Carquebut (18 août 1786) [Arch. dép. Manche, 5E 10555].
58 Garnier, Bernard, 1982. Rappelons qu’en dehors des inventaires retenus, un troupeau de quarante-neuf bœufs de graisse est dénombré chez un marchand de beurre d’Isigny en 1741. Inventaires après décès de Jacques Faucon à Isigny (13 juin 1741) [Arch. dép. Calvados, 8E 24130] et à Osmanville (10 juillet et 28 novembre 1741) [Arch. dép. Calvados, 8E 23950]. Au sujet des difficultés du commerce des bœufs gras dans l’élection de Carentan, voir les observations du subdélégué de Carentan (1764) [Arch. dép. Calvados, C 280].
59 Plaisse, André, 1961, p. 383-495 ; Garnier, Bernard, 1999, p. 115-116 ; Abad, Reynald, 2002, p. 111-220.
60 Selon l’intendant de la généralité de Caen, en 1731, les bœufs maigres engraissés dans l’élection de Bayeux proviennent des marchés des élections de Vire, Mortain, Avranches et Saint-Lô mais aussi de Bretagne, du Maine et du Poitou. Seul un sixième des bœufs qui sont engraissés provient de l’élection de Bayeux, principalement de sa partie méridionale. Aubery de Vastan, Félix, Généralité de Caen. Production du sol et de l’industrie (1731), p. 27-28 [Bib. mun. Caen, in fo 43]. Entre 1746 et 1748, l’herbager Gabriel Simon, de Saint-Germain-du-Pert, achète toutefois plus de la moitié de ses bœufs à Fougères et à Rennes. Garnier, Bernard, 1996, p. 242.
61 Mulliez, Jacques, 1983, p. 53-54 ; Roche, Daniel, 2011, t. II, p. 340 ; Talon, Alain, 2014, p. 26-57.
62 Mulliez, Jacques, 1983, p. 53 et 59.
63 C’est-à-dire deux juments marchant à l’amble et deux juments non saillies. Lachiver, Marcel, 1997, art. « Haquenée » et « Poutre ».
64 Lots et partages de Thomas Suhard (19 novembre 1571) [Arch. dép. Calvados, 7E 237].
65 Inventaire après décès de Paul de Bricqueville, Colombières (1591) [Collection privée].
66 Bourgueville, Charles de (sieur de Bras), 1833 [1re éd. 1588], p. 84.
67 Voir annexe 7.
68 Inventaire après décès de Jean Le Masson, Écoquenéauville (29 mars 1702) [Arch. dép. Manche, 5E 10489].
69 Inventaire après décès de Denis Lerouge, Saint-Germain-de-Varreville (29 octobre 1704) [Arch. dép. Manche, 5E 10487].
70 Inventaire après décès de Monique Le Trésor, veuve Le Hot, bourg d’Isigny (2 juin 1784) [Arch. dép. Calvados, 8E 24173] avec neuf juments de poste, deux juments « carrossières » avec chacune un poulain, quatre juments « de charroi » et trois pouliches ; inventaire après décès de Jean Duhamel, Osmanville (22 septembre 1788) [Arch. dép. Calvados, 8E 24181] avec trois juments hors âge, trois « bidettes d’allure », cinq pouliches, dix poulains dont un « d’allure ».
71 Mulliez, Jacques, 1983, p. 196 et 283.
72 Guerchy (marquis de), 1788, p. 66.
73 « En Normandie, cheval qui en trottant fait entendre quatre battues. » Lachiver, Marcel, 1997, art. « Allure ».
74 Cahier du vingtième d’Engranville (1780) [Arch. dép. Calvados, C 5351] ; cahier du vingtième d’Aignerville (1781) [Arch. dép. Calvados, C 5297]. Engranville et Aignerville sont situés à une quinzaine de kilomètres à l’est d’Isigny.
75 Cahier du vingtième de Neuilly-l’Évêque (1781) [Arch. dép. Calvados, C 5 403]. Rappelons que cette paroisse limitrophe d’Isigny prend le nom de Neuilly-la-Forêt à partir de la Révolution.
76 Musset, René, 1917, p. 138. Pour une cartographie plus précise et récente, voir Moriceau, Jean-Marc, 2005, p. 112. Les bœufs de labour seraient employés davantage dans la partie sud de l’élection de Bayeux, c’est-à-dire dans le Bocage. Vallée, Christian, 1979, p. 31-32.
77 Soit 1,6 m. Moriceau, Jean-Marc, 2005, p. 116.
78 Inventaire après décès de Marie Césarine de Monteney, Beuzeville-sur-le-Vey (26 mai 1683) [Arch. dép. Manche, 5E 1489].
79 Guerchy (marquis de), 1788, p. 66-67.
80 Inventaire après décès de Jean Duhamel, Osmanville (22 septembre 1788) [Arch. dép. Calvados, 8E 24181].
81 Young, Arthur, 1976, t. III, p. 1126.
82 Inventaire après décès de Jean Bennehard, Osmanville (26 février 1783) [Arch. dép. Calvados, 8E 24172].
83 Cahier du vingtième d’Aignerville (1781) [Arch. dép. Calvados, C 5297].
84 Épizootie, morve. Élections de Bayeux et de Carentan [Arch. dép. Calvados, C 1033 et C 1034].
85 Registre des contrats passés devant les tabellions en la sergenterie d’Isigny (1531-1533) [Collection privée].
86 Lots et partages de Thomas Suhard (19 novembre 1571) [Arch. dép. Calvados, 7E 237].
87 Inventaire après décès d’Antoine Suhard, sieur de Rupalley, Isigny (14 juillet 1589) [Arch. dép. Calvados, 2B 296].
88 Inventaire après décès de Jean Langlois de la Coudrey, Ravenoville (2 mai 1705) [Arch. dép. Manche, 5E 10487]. Ravenoville est situé à six kilomètres au nord-est de Sainte-Mère-Église.
89 Voir aussi Duval, Marcel, 1963, p. 191.
90 Procuration de Michel Artur de Sainte-Mère-Église, en faveur d’un nommé Roland (18 mai 1703) [Arch. dép. Manche, 5E 10489].
91 Young, Arthur, 1976, t. II, p. 766 ; Denis, Bernard, 1993, p. 182. Voir aussi Annuaire du Calvados, 1829, p. 207-208.
92 Procès-verbal et estimation des bêtes à laine mortes de Richard Gosselin (7 et 8 août 1742) [Arch. dép. Calvados, 15B 820].
93 Foucarville se situe à une vingtaine de kilomètres au nord de Carentan.
94 Procédure devant la haute justice d’Osmanville à la requête de Jacques Viard, d’Osmanville (5 février 1781) [Arch. dép. Calvados, 15B 480].
95 Sentences de la châtellenie de Colombières (21 avril 1721 et 29 juillet 1722) [Collection privée]. Voir chapitre XII.
96 Délibération des habitants de Saint-Germain-du-Pert (20 mai 1742) [Arch. dép. Calvados, 8E 13570]. Référence aimablement communiquée par Lionel Bonnetot, du Cercle généalogique du Calvados.
97 Pluquet, Frédéric, 1829, p. 181.
98 Les créances à la succession comprennent aussi la paye des « touseurs », pour quatre jours de tonte. Inventaire après décès de Françoise Delauney, Isigny (5 juillet 1763) [Arch. dép. Calvados, 8E 24152].
99 Sur son exploitation sont également recensés cinquante-quatre vaches et vingt-cinq équidés, parmi lesquels seize jeunes. Inventaire après décès de Joseph Le Danois, Saint-Clément (11 décembre 1815) [Arch. dép. Calvados, 8E 24239].
100 Young, Arthur, 1976, t. II, p. 809.
101 Gouhier, Pierre, (éd.), 1998, p. 205. Dans le pays de Bray, on humecte le son donné aux volailles avec du babeurre. Jore, Claude-Louis, 1763, p. 222-223.
102 Abad, Reynald, 2002, p. 725.
103 Inventaire après décès de Jean-François Martin, sieur des Longchamps, Isigny (28 juillet 1692) [Arch. dép. Calvados, 8E 24404].
104 Mulliez, Jacques, 1983, p. 55-59.
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