Chapitre VII
Les marchands de beurre dans la société : notabilité et distinction
p. 171-194
Texte intégral
Ils veulent avoir l’apparence de gros commerçants, ils ne se refusent rien, et lorsqu’ils ont épuisé leurs petites finances, et celles qu’ils ont prises en intérêt, ils ne se font point de scrupule de mettre leur état au greffe, et de proposer des arrangements par lesquels ils font perdre à de malheureux fermiers la meilleure partie des sommes qui leurs sont dues pour la marchandise qu’ils ont fournie.
Si ces petits marchands voulaient se réduire dans les bornes d’un petit commerce relatif à leurs facultés, et qu’ils voulussent vivre conformément à leur état, on ne verrait pas toutes ces banqueroutes, mais il semble que l’air qu’ils respirent dans ce pays est contraire à ce plan de vie.
Lettre du subdélégué de Bayeux Genas de Rubercy au marquis de Fontette, intendant de la généralité de Caen, Bayeux, 6 juillet 1772. [Arch. dép. Calvados, C 523]
1Établi dans une modeste localité normande, le groupe des marchands commissionnaires tranche avec le reste de la société locale. Le commerce des beurres et les relations qu’il implique assurent à nombre d’entre eux une position sociale avantageuse, et pour certains une réelle prospérité. Par ailleurs, au contact des villes, ces marchands adoptent de nouvelles habitudes, et notamment de nouvelles pratiques de consommation, qui renforcent leur singularité.
2Pourtant, les importantes sommes d’argent brassées et le confort des demeures ne doivent pas faire illusion. À bien des égards, cette apparente réussite est à relativiser.
Fortunes diverses
3Sans prétendre à une étude sociale exhaustive du groupe, le suivi de trente-deux familles impliquées dans le commerce des beurres révèle le caractère précaire de la situation de certaines d’entre elles, dont la richesse et le rayonnement local n’exemptent pas du risque de faillite.
Une incontestable aisance
4Trois types de sources se prêtent à une évaluation sommaire des niveaux de fortune : les contrats de mariage, les documents de nature foncière et, enfin, les valeurs mobilières des inventaires après décès.
Des apports au mariage assez élevés
5Vingt-trois contrats de mariage relatifs à des familles de marchands de beurre ont pu être rassemblés. Ils proviennent en majorité des notariats d’Isigny et d’Osmanville et se situent, pour l’essentiel, entre la fin du xviie et la première moitié du xviiie siècle1. D’une manière générale, l’apport des hommes n’est pas indiqué dans les contrats normands. Celui des femmes consiste essentiellement en biens meubles et en numéraire2.
6La coutume de Normandie se montre résolument inégalitaire entre les hommes et les femmes. Dans le cas de filles seules héritières d’un père défunt, on procède à un partage à parts égales. Mais si un frère, même puîné, figure parmi les ayant-droits, ses sœurs ne peuvent compter que sur un « mariage avenant », c’est-à-dire juste de quoi leur assurer un établissement convenable3. Dans ces conditions, suivant les situations familiales et les décisions qui ont pu être prises au sein de la famille (liquidation, avances à la succession), les montants des apports connaissent de fortes variations. La comparaison entre les contrats s’en trouve fragilisée.
7Sur l’ensemble de la période, la valeur médiane des apports relevés se situe à 1 800 livres tournois, pour une moyenne arithmétique de 3 248 livres. Un cinquième des contrats est inférieur à 1 000 livres d’apport ; plus de la moitié se trouve compris entre 1 000 et 4 000 livres. Les 20 % restants regroupent cinq cas, entre 6 000 et 12 000 livres. Globalement, les contrats qui impliquent deux familles de marchands de beurre présentent des apports plus élevés. En 1711, après un premier veuvage, Pierre Le Trésor, sieur de Pierreville, reçoit une promesse de la famille Jahiet de 12 000 livres en biens meubles et en argent4. Madelaine Jahiet est fille de marchand de beurre. Leur fils Jacques, lui aussi dans le commerce des beurres, épouse Marie-Thérèse Le Hot du Férage, autre fille de marchand de beurre, qui apporte 10000 livres au futur ménage5. Le second contrat supérieur à 10 000 livres constitue un cas à part. Il est relatif à la future union entre Michel Hébert et Marguerite Porcher, fille d’un négociant de la rue Saint-Thomas-du-Louvre. Préparé suivant la coutume de Paris, il est signé devant un notaire du Châtelet6.
8Au regard de la société rurale normande du xviiie siècle, les apports des futures épouses sont supérieurs à ce que l’on observe dans des milieux paysans, pourtant aisés, de la généralité de Caen. Au milieu du xviiie siècle, la moyenne n’atteint pas les 2 150 livres tournois dans les contrats de familles de laboureurs de la plaine de Caen, entre Caen et Falaise7. Les montants sont encore moindres pour la région d’Argences, à l’est de Caen8. Cependant, la situation des marchands d’Isigny n’est pas exceptionnelle. Elle s’apparente à celle de papetiers de la région de Vire et d’apothicaires de plusieurs villes secondaires de la généralité9.
Un patrimoine limité
9Le patrimoine immobilier des marchands de beurre passe d’abord par la possession d’une maison, dont la valeur s’élève, en général, à plusieurs milliers de livres. Elle matérialise la réussite sociale de la famille et constitue, en même temps, un capital d’exploitation : une partie de l’activité de transformation et de conditionnement peut s’y effectuer. D’autres bâtiments sont tenus en propre ou loués à des tiers pour servir de salerie, de fonderie ou d’entrepôt pour les marchandises et les récipients.
10Un document de gestion seigneuriale fournit une indication globale de l’état de la propriété à Isigny et dans ses environs dans les années 1760. Entre 1764 et 1768, Henry-François de Bricqueville fait dresser un atlas terrier de ses possessions en Basse-Normandie. Le premier volume contient une représentation en plusieurs planches, du bourg et des hameaux d’Isigny, de la seigneurie d’Osmanville et de ses extensions, non loin de là, dans les paroisses de Saint-Clément, Cardonville et Saint-Germain-du-Pert. Dans le second volume se trouve également une représentation de la seigneurie de Monfréville et de ses extensions dans des paroisses voisines. Chaque planche est accompagnée d’une matrice où sont consignées des informations relatives à la superficie des parcelles, à la nature des cultures ainsi qu’à l’identité des tenanciers10.
11Alors que l’essentiel des biens fonciers et immobiliers des commissionnaires d’Isigny se trouve dans le bourg et les hameaux d’Isigny, il ressort qu’à peine 13 % de la superficie de cet ensemble se trouvent en leur possession11. Les familles de marchands qui détiennent les patrimoines les plus importants sont parmi les plus anciennes dans l’activité, mais pour des étendues le plus souvent comprises entre 100 et 150 vergées, en très grande majorité des prés et des herbages12.
Des fortunes mobilières très inégales
12L’historien John Dickinson a montré à quel point les estimations des biens meubles tirées des inventaires après décès normands rendent imparfaitement compte des niveaux de richesse. Dans la plaine de Caen, leur confrontation avec le montant effectif des ventes laisse apparaître des écarts qui peuvent largement excéder la proportion d’un cinquième13. De surcroît, pour les inventaires que nous avons étudiés, la somme des estimations des différents lots ne correspond pas toujours au montant total qui figure en fin de document, avec parfois des différences de 200 à 300 livres. Défalquées de l’argent monnayé qui sera présenté à part, ces informations donnent cependant un nouvel aperçu de la richesse du groupe14 (fig. 25).
Fig. 25. Valeur en livres puis en francs des fortunes mobilières dans les inventaires après décès des marchands de beurre d’Isigny (1715-1837).

13Si la plupart des fortunes mobilières dépassent les 2 000 livres, là aussi, le groupe présente une grande hétérogénéité. À l’inégal succès dans le commerce des beurres s’ajoute le fait que des marchands, on l’a vu, mènent en parallèle d’autres activités économiques. Les troupeaux de bovins ou d’équidés contribuent à accroître fortement le montant total des biens meubles de certaines successions. À sa mort, en 1741, Jacques Faucon possède un important cheptel, entre autres composé de quarante-neuf bœufs de boucherie et de près d’une trentaine d’équidés, pour un total de 10 395 livres15 ; plus modeste, le troupeau de Jacques Le Trésor, mort à Isigny en 1747, comprend tout de même vingt-trois bœufs de graisse, trois vaches à lait et un génisson gras estimés à 2 950 livres16.
14L’argenterie est présente dans la quasi-totalité des inventaires du groupe. Deux critères permettent d’en évaluer l’importance, en dehors de la valeur numéraire : le poids total d’argent (qui n’est pas toujours indiqué) et les types d’objets estimés. Au total, alors que la plupart des successions se limitent à quelques pièces de table, quelques-unes trahissent un goût certain pour l’apparat. Avec 62 marcs d’argent (soit plus de 15 kg), Michel Sébastien Tariel, mort en l’an V, fait figure d’exception17. Mais, dès la décennie 1720, trois ensembles dépassent les vingt marcs. Les successions de la fin du xviie siècle comprennent déjà des tasses, quelques plats ainsi que des couverts (fourchettes, cuillères). Ces pièces portent souvent la gravure des initiales de leur propriétaire, tandis qu’une date de mariage est parfois inscrite sur des écuelles à bouillon. Les sucriers, les poivriers et les salières sont également assez fréquents. Quand l’argenterie est plus fournie, les luminaires font leur apparition, équipés de leur porte-mouchette. En revanche, les grosses pièces (saladiers, soupières, bassins, cafetières) sont rares, tout comme les couteaux. Les premières cuillères à café ne sont pas mentionnées avant la fin du xviiie siècle.
15À quelques exceptions près, les réserves monétaires sont également faibles, voire inexistantes, sans qu’il soit forcément nécessaire d’incriminer l’avidité des héritiers. Sur les vingt-cinq inventaires dressés sous l’Ancien Régime, quinze comprennent des montants supérieurs à 200 livres et seulement cinq se placent au-delà de mille livres. Avec 10 255 livres tournois en louis d’or de 24 livres et en écus, la succession d’Antoine Ducheval, mort en 1728, ne connaît pas d’équivalent. Il est pourtant souvent question d’argent dans les correspondances commerciales, pour régler les achats effectués dans les marchés ou solder les comptes. Les marchands, qui tiennent boutique, ont également intérêt à disposer d’un fonds de roulement pour leur caisse. Au surplus, certains prêtent de fortes sommes : Pierre Leboulanger passe de vie à trépas en 1721 en laissant à ses héritiers de nombreuses créances à recouvrer, dont une obligation de 30 167 livres, signée du duc de Coigny, payable en douze années consécutives18. Mais l’examen des archives commerciales ainsi que des titres et des papiers de successions fait apparaître de nombreuses lettres de change, des effets négociés à distance, qui dispensent d’entreposer chez soi de grandes quantités de monnaie métallique. De surcroît, les besoins sont très variables au cours de l’année et les liquidités difficiles à trouver19.
Pouvoirs locaux et promotion sociale
16Malgré une envergure limitée, les marchands de beurre d’Isigny disposent d’atouts suffisants pour se garantir une place de choix dans la société locale. Par les réseaux qu’ils tissent, les offices qu’ils achètent et une forte implication dans les affaires communes, ils peuvent ainsi préparer l’avenir de leur progéniture.
Un groupe de notables
17De nombreuses familles de marchands, et notamment les plus anciennes dans l’activité, se retrouvent associées à l’exercice de responsabilités locales.
18Avec Bayeux, Isigny est la seule localité de l’élection à disposer d’une municipalité, créée en 169220. L’un des premiers offices de maire échoit à Pierre Lavalley, marchand de beurre mort en janvier 1698. Au gré des destins individuels et des édits bursaux qui redéfinissent le corps municipal, les principales familles engagées dans le commerce des beurres participent à la gestion des affaires de la ville durant le xviiie siècle. Régulièrement, des marchands se trouvent aussi en charge de celles de la paroisse comme trésoriers de la fabrique.
19Le service du roi, même pour des fonctions subalternes, confère un certain prestige social. En 1747, Jacques Le Trésor est inhumé dans la chapelle Saint-Sauveur de l’église d’Isigny, en présence de la compagnie des milices garde-côtes de la ville, dont il était officier major21. Les marchands n’ignorent pas les privilèges associés à certaines charges. La détention d’un brevet de maître de postes procure de nombreux avantages, dont l’exemption de taille. ÀIsigny, la maîtrise des postes est entre les mains de la famille Le Hot du Férage pendant la majeure partie du xviiie siècle22, avant de revenir à Jean-François Le Trésor, puis à Michel Marie, en 178923. Dans les années 1770, Michel Ducheval, Gabriel Tariel et Barthélémy Faucon deviennent respectivement maîtres des postes de Granville, Pontorson et Coutances, ce qui génère une plainte d’habitants du bourg d’Isigny auprès de l’intendant de la généralité de Caen, puisque la charge fiscale de ces marchands doit désormais être supportée par le reste de la communauté. En outre, loin de vouloir gagner le lieu de leur nouvel établissement, ceux-ci prétendent pouvoir demeurer à Isigny pour poursuivre leur commerce24.
20Alors que plusieurs mois peuvent séparer les achats à crédit auprès des producteurs et des petits marchands de leur règlement, les faillites qui marquent le commerce des beurres ne doivent pas contribuer à la popularité du groupe. Cependant, lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts de la communauté ou de la représenter à l’extérieur, les commissionnaires d’Isigny sont bien souvent sollicités ou se portent d’eux-mêmes en avant. En 1787, au nom des marchands de la place mais aussi d’éleveurs locaux, Étienne Alexandre Faucon de la Londe adresse un mémoire au duc d’Harcourt, afin que la nouvelle législation sur le commerce des beurres à Paris soit amendée25. La même année, il est choisi comme l’un des deux députés du tiers état de l’élection de Bayeux pour l’assemblée des notables de la province26. Une nouvelle fois, en 1789, les deux députés élus par le bourg d’Isigny aux assemblées préparatoires aux états généraux sont deux marchands de beurre27. Quelques mois plus tard, face à la menace d’une disette, certains commissionnaires avancent de l’argent pour les achats de grains et prennent des initiatives afin d’assurer l’approvisionnement alimentaire des habitants28. La formation de nouvelles municipalités durant la Révolution ne bouleverse pas la donne : les marchands de beurre y sont bien représentés et sont les principaux artisans d’une émission de monnaie de confiance locale, dans les premières années de la Révolution.
Une trajectoire des fils marquée par la reproduction sociale
21Sur les 128 fils de marchands de beurre dont nous avons pu suivre la trace, la plupart de ceux qui parviennent à l’âge adulte restent dans le monde du commerce. Il s’agit soit de la poursuite de l’activité paternelle, soit d’un négoce élargi. La formation des futurs marchands s’accomplit vraisemblablement dans le cadre familial. Dans les intérieurs domestiques, les éléments relatifs aux études des enfants se limitent, en général, à quelques livres de classe.
22Peu s’écartent de ce schéma : Clément Capard, fils de Jean Capard, mort en 1752, devient capitaine de navire29 tandis que l’aîné des fils Férard, surnommé « l’abbé », choisit les ordres et meurt curé d’Osmanville en 175330. Le xixe siècle voit la liste des situations extra-commerciales s’enrichir d’un percepteur et d’un notaire. Quelques Isignais gagnent aussi les villes, mais pour y exercer des activités essentiellement commerciales. Nous avons déjà évoqué le cas de Pierre Lebourgeois, devenu marchand épicier à Paris, avant 164931. Au xviiie siècle, François Millot dit le Gros, fils de François Millot dit l’Aîné et de Marie Gosselin, effectue de fréquents déplacements entre Isigny et Le Havre, avant d’obtenir le droit de bourgeoisie dans cette dernière ville en 1722 et de fermer l’établissement d’Isigny en 173132. À la fin du siècle, les deux frères Ducheval, Jacques et Michel, suivent son exemple33. Jacques Férard puis Étienne, son neveu, deviennent fruitiers à la Halle de Paris34. Au moins dès 1748, le cousin d’Étienne, Clément Férard, est aussi domicilié à Paris, rue Neuve-des-Petits-Champs, où il sert, un temps, de relais à ses frères restés en Normandie dans le commerce des beurres35.
23Au xviiie siècle, deux destins individuels sont marqués par une ascension sociale spectaculaire, quoique inachevée. Étienne Alexandre Faucon, sieur de la Londe, naît à Isigny le 6 janvier 1740, dans une famille qui est dans les beurres depuis au moins les années 1680. Il a pour associé son frère Jean-Michel et compte parmi les marchands les plus importants d’Isigny36. Le 16 septembre 1784, il épouse à Roye, en Picardie, Antoinette Jeanne Victoire, fille du chevalier Pierre Couillard d’Hautmesnil, dont l’éducation a été assurée à la maison royale de Saint-Louis, à Saint-Cyr37. Un an plus tard, après avoir payé le marc d’or de noblesse, il est reçu secrétaire du roi en la chancellerie de Rouen38. La Révolution ne lui laisse pas le temps de transmettre son nouveau statut à ses enfants. Le cas de Jean-François Le Trésor est encore plus singulier. Né le 30 janvier 1737 à Isigny, il poursuit l’activité paternelle qu’il étend à l’embouche de bœufs. En 1756, il acquiert un office de trésorier général de France39. Il n’abandonne pas pour autant ses activités commerciales et agricoles, auxquelles il ajoute la maîtrise de la poste d’Isigny. Courant à sa perte au milieu des années 1770, en raison de mauvaises affaires et de dettes de jeu, il devient la cible des autres membres du bureau des finances de Caen qui engagent des démarches pour lui faire abandonner son office40.
La trajectoire des filles : des horizons à peine plus ouverts
24Les situations liées au commerce dominent aussi l’établissement des filles. Des alliances entre les principales familles de marchands de beurre se trouvent ainsi scellées par le mariage. Dans la famille Ducheval, entre 1732 et 1777, en l’espace de deux générations, quatre unions renforcent les liens avec les familles Tariel, Le Fèvre et Hébert. Des mariages sont aussi contractés avec des familles de marchands étrangers au commerce des beurres : Geneviève, fille de Pierre Tariel, née à Isigny en 1720, épouse un marchand papetier de Saint-Germain-de-Tallevande, Raoulin Laisné, le 15 juillet 174541.
25Mais on compte également deux épouses de médecin, une de notaire et trois mariages impliquant des familles nobles. Le 31 décembre 1759, à Isigny, Antoinette Françoise Michelle de la Chesnée épouse Charles François Moreaux de Beaumont, lieutenant au régiment de cavalerie de Pressac et originaire de Liège42. En novembre 1789, Antoinette Rosalie, fille de Michel Ducheval, échange les consentements avec Antoine Marie Pierre Couillard, commandant en chef de la milice nationale de la ville, qui n’est autre que le frère de la jeune épouse d’Étienne Alexandre Faucon de la Londe43. Cependant, aucune de ces unions n’égale par son éclat le mariage célébré à Bayeux, le 14 octobre 1762, entre Marie-Anne Thérèse Angélique Le Hot du Férage et Jean-François Lentaigne, seigneur de Logivière. Fils d’un receveur des tailles de l’élection de Mortain, ce dernier est secrétaire du roi, Maison couronne de France. Le couple est à l’origine d’une lignée qui compte notamment un maire de Caen sous l’Empire44.
Une activité à risques
26Si toutes les faillites n’atteignent pas les 100 000 livres tournois de Jean Capard (1742) ou les quelque 140 000 livres de Michel Hébert (1773), elles plongent toutefois les marchands dans des situations délicates, dont plus d’un ne se relève pas45. Il faut alors déposer son bilan et ses registres au greffe de la haute justice d’Osmanville ou à celui du consulat de Caen, puis soutenir le regard des créanciers au cours d’assemblées où on tâche d’obtenir des atermoiements, voire une diminution des sommes à rembourser. Préférant récupérer une partie de leur argent plutôt que de tout perdre, les intéressés consentent souvent à ces arrangements. De la sorte, le failli peut espérer échapper à la saisie de ses meubles ou, pire encore, à la prise de corps, qui le conduirait en prison, laissant sa famille se débattre seule avec les huissiers. Jean Capard est incarcéré en septembre 1743 après une arrestation mouvementée, à laquelle il tente de s’opposer avec l’aide de sa femme, de son gendre Jean Lorget et de ses servantes46. Quand le contrat de mariage ne le prévoit pas déjà, des épouses engagent des procédures en justice pour séparer leurs biens de ceux de leurs maris, afin de protéger leurs intérêts et ceux des enfants.
27En juillet 1772, abondant dans le sens de la lettre du subdélégué de Bayeux, fort peu bienveillante à l’égard de « messieurs les petits bourgeois d’Isigny47 », l’intendant de la généralité de Caen Fontette conseille au secrétaire d’État Henri Bertin de ne pas tenir compte d’une demande de sauf-conduit d’un marchand de beurre d’Isigny, qui entend se protéger de ses créanciers : « C’est le luxe qui perd ce petit endroit. Les marchands ne savent pas s’y rien refuser, et c’est ainsi que le Sr Chrétien a dérangé ses affaires48. » Faute de documentation suffisante, l’historien peine à trancher entre la malhonnêteté, la malchance et la mauvaise gestion pour expliquer les nombreux revers de fortune qui frappent les marchands d’Isigny au cours du xviiie siècle. On est en droit de s’interroger sur les capacités de petits marchands croquetiers à s’établir durablement commissionnaires. Mais le problème se situe, sans doute, à un autre niveau. Structurellement, les marchands manquent de liquidités49. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles ils imposent aux producteurs des achats à crédit avec de longs délais de remboursement. Lorsqu’ils ont besoin de fonds, certains doivent recourir aux services d’officiers de finances ou de prêteurs50. Par ailleurs, la lettre de change, qui apparaît comme un mode de paiement fréquent dans ce commerce, s’avère redoutable en période de difficultés économiques. Ce système repose en effet sur la confiance et la réputation des parties en présence. Si l’une d’entre elles fait défaut, par défiance ou par insolvabilité, le contrecoup peut être durement ressenti par des marchands liés les uns aux autres par de multiples engagements. À la haute justice d’Osmanville, au bailliage de Bayeux, aux consulats de Caen et de Paris, les marchands d’Isigny poursuivent avec ténacité les partenaires défaillants et se font fort de défendre leur nom et leur honneur.
28En 1773, consulté au sujet des plaintes concernant les trois commissionnaires devenus maîtres de postes, le subdélégué de Bayeux invite l’intendant de la généralité de Caen à reconsidérer la situation d’Isigny et de ses marchands :
On prétendait que la taille du bourg d’Isigny n’était pas relative et proportionnée au commerce considérable qui s’y faisait ; mais après avoir entré scrupuleusement dans l’examen et la discussion de ces représentations, on a vu que les apparences trompeuses d’un commerce considérable ne devaient pas déterminer l’augmentation qu’on proposait de donner, sans s’exposer à une injustice dont l’amour propre, l’ambition et l’intérêt particulier même de ces commerçants ne leurs auraient pas permis de se plaindre. En effet, les banqueroutes qui ne sont malheureusement que trop fréquentes dans ce bourg, et les ressources dont ces commerçants, ou plutôt ces commissionnaires à deux pour cent, font usage et qui ne sont ignorées de personne, en fournissent une preuve à laquelle il n’était pas possible de résister.51
29Un mois plus tard, l’intendant rapporte l’affaire en ces termes au contrôleur général des finances, Henri Lefèvre d’Ormesson :
Les maîtres de poste comme les autres commerçants d’Isigny, ne travaillent point pour leur compte personnel ; ce ne sont que de simples commissionnaires desquels, par cette raison, le gain est borné et qui cependant sont exposés à des pertes, car ils sont obligés de faire des emprunts pour les achats dont ils sont chargés, ce qui les met à découvert vis-à-vis de leurs correspondants dont les banqueroutes ne sont malheureusement que trop fréquentes.52
30Les faillites et les banqueroutes empoisonnent aussi les relations entre certains commissionnaires du petit port normand. Dans Isigny, les Benoist père et fils clament, à qui veut l’entendre, que Michel Hébert l’aîné est « un fripon », « un banqueroutier ». À l’assemblée des créanciers de 1773, ils sont quasiment les seuls à lui refuser des délais de remboursement53. Quelques années plus tard, le même Michel Hébert est à nouveau pris pour cible à l’occasion des assemblées organisées en vue de la réunion des états généraux de 1789. Élu député pour l’assemblée de bailliage de Bayeux, Michel Marie, qui est alors un des plus gros commissionnaires d’Isigny, profite des séances de rédaction du cahier de doléances du bourg pour réclamer des dispositions renforcées contre les banqueroutiers et notamment une responsabilité élargie à la famille. Derrière cette proposition à portée générale, il cherche surtout à nuire à l’ancien failli, lui aussi élu député de la communauté54.
31Les nombreuses tentatives de débauchage de clients parisiens ont déjà montré la rudesse dont les marchands d’Isigny font preuve entre eux dans leurs affaires. Dans les années 1740, Jean Lorget, originaire de Saint-Denis-en-France, est victime d’une entente entre plusieurs commissionnaires de la place pour l’empêcher de charger ses beurres dans les bateaux au départ d’Isigny55. A contrario, des signes d’entraide et de solidarité sont perceptibles, au quotidien, dans des arrangements pour le transport des beurres, l’achat de marchandises ou le paiement de cautions pour échapper à la prison56.
Un mode de vie marqué par le confort et la modernité
32Finalement, les marchands de beurre se distinguent avant tout par l’originalité de leur mode de vie. Les inventaires réalisés au décès de trente-quatre d’entre eux entre la fin du xviie siècle et le début du xixe siècle laissent apparaître des intérieurs domestiques peu fréquents à Isigny ou dans ses environs.
Méthodologie
33Émouvants et foisonnants, les inventaires après décès constituent une source irremplaçable pour approcher les situations matérielles et les comportements culturels. Mais ils peuvent vite laisser le chercheur désemparé devant la masse d’informations à traiter et les nombreux problèmes d’interprétation qu’ils posent57.
34Ces actes notariés ne sont pas établis lors de chaque décès : ils sont en général dressés lorsque des enfants mineurs figurent parmi les héritiers ou lorsque la succession ne compte que des filles. Cela pose, d’emblée, un problème de représentativité. De surcroît, d’un notariat à l’autre, le nombre d’actes est très variable. Sur ce point, les familles de marchands sont susceptibles d’y avoir eu davantage recours que d’autres, compte tenu des enjeux économiques des successions. Il reste qu’à la différence d’autres provinces du royaume comme l’Île-de-France, les inventaires sont rares en Normandie avant les années 168058. C’est aux sergents plus qu’aux tabellions qu’incombait auparavant cette tâche, avec des archives qui n’ont, bien souvent, pas été conservées.
35À ces premières faiblesses s’ajoute une certaine sélectivité du notaire dans son travail : des objets qui relèvent pourtant du quotidien sont parfois absents des répertoires. Le notaire peut aussi exclure de son inventaire ce qui appartient à la veuve et aux mineurs et laisser à part ce qu’il considère comme des biens immeubles, même s’il s’agit d’un tournebroche fixé à une cheminée. N’oublions pas qu’au moment du décès, des héritiers soustraient parfois des éléments de la succession avant la pose des scellés.
36Quand l’analyse se resserre sur les objets effectivement inventoriés, de nouveaux problèmes surgissent. La composition des biens meubles varie en fonction des situations familiales et des circonstances du décès : la mort peut avoir surpris le défunt en pleine activité, tandis que d’autres sont passés de vie à trépas après avoir enduré la faillite, la maladie ou tout simplement le poids des ans. Les variations saisonnières qui affectent certains biens meubles (stocks commerciaux, récoltes, troupeaux) introduisent de nouveaux biais. Par ailleurs, parmi les dizaines, voire centaines, d’objets répertoriés, comment savoir ce qui relève du choix du défunt, de celui de son épouse, de biens offerts ou arrivés dans la succession par héritage ? Une autre limite réside dans la difficulté à appréhender, derrière les mots, la qualité des objets et leur fréquence d’utilisation. Que penser de « montres en or » ou de commodes estimées quelques livres tournois ? Combien d’ouvrages restés à s’empoussiérer alors que leur propriétaire ne les a jamais ouverts ou en a tiré un ennui profond au bout de quelques pages ? L’établissement d’une chronologie fine de l’apparition ou de la disparition des objets dans les intérieurs apparaît d’autant plus illusoire qu’il a pu s’écouler un long intervalle de temps entre leur acquisition et le décès de leur propriétaire. Enfin gardons à l’esprit que si le commerce des beurres est le dénominateur commun des défunts du corpus, ces derniers ne sauraient y être réduits.
37L’indice de niveau de vie mis au point dans les années 1970 par Micheline Baulant pour la Brie permet de lever certaines de ces difficultés. Il repose sur la recension d’éléments définis au préalable et répartis en cinq catégories (objets de première nécessité, vie domestique, confort, luxe, objets de civilisation), qui se voient chacune attribuer une note sur 20. Écartant les estimations numéraires, cette approche facilite les comparaisons dans le temps et dans l’espace, même si elle peut avoir tendance à niveler les différences, pour ce qui concerne la qualité des objets et leur nombre. La transposition de cette méthode à la Basse-Normandie s’effectue aisément, au prix de quelques adaptations, ce qui compense un peu le manque d’études dont on dispose à l’heure actuelle sur les foyers bas-normands d’Ancien Régime59.
La composition des intérieurs
38Entre la fin du xviie et le second tiers du xixe siècle, le niveau de vie des marchands de beurre a incontestablement augmenté (fig. 26). Si les inventaires sont souvent compris entre 40/100 et 60/100 à la fin du xviie siècle, dans le demi-siècle suivant, plus de la moitié se situent au-delà de 60/100. La plupart des successions de la fin du xviiie siècle et de la première moitié du xixe dépassent les 70/100.
Le quotidien et le confort
39Passons rapidement sur le fait que les successions se caractérisent, dès la fin du xviie siècle, par des valeurs très élevées pour les objets de première nécessité et ceux de la vie domestique : il est logique de trouver parmi les biens de marchands de cette importance la plupart des objets du quotidien. En revanche, les résultats de la catégorie « confort » sont marqués par une augmentation substantielle au cours de la période. Souvent inférieurs à 10/20 à la fin du xviie siècle, ils se situent entre 12/20 et 14/20 dans la première partie du xviiie. À partir de la fin des années 1740, la plupart dépassent 14/20, huit inventaires étant même compris entre 15,8/20 et un maximum de 18,9/20, pour Michel Marie, en 1800.
Fig. 26. Niveaux de vie des marchands de beurre d’Isigny suivant l’indice Baulant (xviie-xixe siècles).

40Peu d’objets de cette catégorie demeurent rares ou non répertoriés. En dehors des cuisines où le fer blanc et la faïence sont ordinaires dès la première moitié du xviiie siècle, les signes les plus tangibles du confort peuvent être observés dans les chambres. Plusieurs lits à impériale sont recensés dans les années 1730-1740 ; le premier lit à la duchesse est estimé en 1741, chez Jacques Faucon60. D’autres figurent dans des inventaires de la seconde moitié du xviiie siècle, tandis que les alcôves et les couches en tombeau font leur apparition. Dès la fin du xviie siècle, les têtes de lits se garnissent d’oreillers qui remplacent les traversins. Les armoires ont alors déjà largement supplanté les coffres, ce qui n’étonnera pas en Normandie. Elles renferment un linge de maison très fourni pour la literie et la table. Des tables de nuit, des commodes à placage de marbre, plus rarement un secrétaire, complètent le mobilier. Les glaces et les miroirs sont des éléments de décor fréquents. Ils sont le plus souvent rehaussés d’un cadre doré puis, de plus en plus, surmontés d’un chapiteau. Avec la première moitié du xviiie siècle, les horloges rythment la vie des foyers.
41La laine domine les garde-robes de la fin du xviie siècle, remplacée progressivement par d’autres textiles, dont les cotonnades. Par ailleurs, les armoires contiennent des vêtements confectionnés dans des tissus de prix : la soie et ses dérivés, comme le damas, la mousseline, la moire et le taffetas. La richesse et la diversité des vêtements est frappante au regard de certaines garde-robes féminines. Chez les hommes, les hauts de chausse et les pourpoints de la fin du xviie siècle laissent la place à des redingotes, des vestes et des gilets, portés avec des culottes et des bas de soie. Le perfectionnement de la toilette tient également aux accessoires. Des chapeaux et, jusqu’au milieu du xviiie siècle, des perruques étoffent la silhouette. Le port de tête se trouve souligné par un mouchoir de col ou une cravate de mousseline. Jacques Le Hot, mort en 1723, en possède vingt-six61. L’éclat du métal qui jaillit des boucles, des boutons, voire des épées, rehausse l’ensemble. Dans les inventaires des années 1780 figurent des cannes de jonc avec pommeau d’ivoire, parfois cerclées d’or. Les montres ne deviennent courantes que dans la seconde moitié du xviiie siècle, mais elles peuvent alors atteindre des prix élevés, comme celle de Jacques Férard, estimée à 90 livres en 175862.
42Pour finir, s’il apparaît difficile de conclure sur les progrès de l’hygiène corporelle au sein du groupe, dès la fin du xviie siècle, de nombreux pots de chambre en étain sont répertoriés, ainsi qu’une chaise de commodité chez Pierre Leboulanger en 172163. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, au gré des successions, sont estimés deux crachoirs (1752), une boîte à savonnette (1758), deux petites brosses pour nettoyer les dents (1786) et divers flacons médicaux. En dehors des inventaires, en 1778, une baignoire figure dans la liste des ouvrages exécutés et livrés par Langlois, menuisier d’Osmanville, au marchand Jacques Benoist fils64.
La modernité plus que le luxe
43La catégorie des objets de civilisation offre les plus fortes progressions. Assez rapidement, les valeurs se situent au-delà de 12/20 pour culminer jusqu’à 19/20 en 1786, où il ne manque à Pierre Jacques Sorel qu’un jeu de couteaux de table pour incarner, sur le plan matériel, le parfait honnête homme65.
44Dans le détail, sur les trente-quatre inventaires du corpus, vingt-quatre comprennent au moins une représentation iconographique. On dénombre déjà chez Pierre Lavalley, marchand et maire d’Isigny, mort en 1698, sept cartes de géographie encadrées et trente-sept tableaux, dont une représentation du roi et une de Monseigneur le Dauphin qui ornent sa chambre à coucher. Les thématiques religieuses sont évidemment courantes. Avec la seconde moitié du xviiie siècle, la décoration profane semble gagner en importance, même si les sujets représentés ne sont pas toujours décrits66. Chez Pierre Tariel, mort en 1785, on ne dénombre qu’un petit cadre représentant la Sainte Vierge avec l’Enfant Jésus, tandis que douze autres ont pour sujet des couples souverains ou princiers de France et d’Europe67. Avant la Révolution, un seul inventaire porte mention de portraits de famille : chez Jean Capard, des deux côtés de la cheminée d’une chambre donnant sur la salle étaient placés les portraits du maître de maison et de son épouse, ceints d’un cadre doré68. Mais un portrait de Marie Gosselin, veuve de Pierre Jahiet, ainsi qu’un autre de François Millot, son second mari, sont déjà évoqués dans une transaction successorale de 174369. Dans la première moitié du xixe siècle, trois portraits de famille sont à nouveau présents, dans les biens du marchand Étienne, mort en 182070. La décoration des pièces est complétée dans un peu moins de la moitié des intérieurs par quelques statuettes et des bibelots, pendant qu’à l’extérieur de certains logis, des caisses en bois garnies de fleurs embellissent les abords.
45Chez soi, manifester sa réussite et sa délicatesse passe aussi par les manières de table, en famille ou en présence d’invités. Les fourchettes en étain, plus rarement en argent, sont déjà d’un usage commun à la fin du xviie siècle. Les services sont profondément renouvelés et étoffés au xviiie siècle par une vaisselle spécialisée, qui donne quelquefois lieu à de longues énumérations de plats, le plus souvent en faïence, dans ses multiples déclinaisons françaises et étrangères. Le premier pot à beurre, avec son couvercle de faïence, est recensé en 1724. Plusieurs pots à crème figurent dans les intérieurs de la fin du xviiie siècle. Des salières, des huiliers et des moutardiers permettent d’accommoder les plats au goût de chacun. En revanche, les couteaux de table demeurent de l’ordre de l’exception, même dans la première moitié du xixe siècle. Par l’abondance et la diversité des pièces de son service, l’inventaire de Jean Capard, mort en 1752, constitue un cas à part. Dans la salle de sa maison d’Osmanville, trente-huit assiettes en porcelaine de Hollande, sur certaines desquelles sont peints des vers et des chansons, côtoient des plats festonnés ou godronnés. Six gobelets de cristal destinés à la dégustation des liqueurs sont placés dans un petit meuble appelé « cabaret ». Dans la même pièce, deux cuvettes et deux aiguières en faïence de Rouen servent probablement à se laver les mains avant de passer à table.
46Quelle que soit la fréquence de leur usage, les cafetières et, dans une moindre mesure, les théières se multiplient au cours du xviiie siècle : une majorité de successions de la seconde moitié de ce siècle comprend au moins l’un des deux ustensiles. Il en est de même pour les tasses, munies de leur soucoupe, parfois en porcelaine de Chine, et de leur cuillère à café. À côté de tonneaux de cidre et de vin, les premières bouteilles de vin apparaissent dans la première moitié du xviiie siècle. Les réserves inventoriées dans la seconde moitié de ce même siècle témoignent d’un certain éclectisme puisqu’on y trouve des vins de Bourgogne, notamment du Mâconnais, des vins du Bordelais et de Frontignan. Dans les dernières décennies du xviiie siècle, les verres à vins forment des ensembles conséquents, à l’image de la succession de Michel Sébastien Tariel qui comporte trente-huit verres à pied en cristal71.
47Le grand nombre de chaises recensées dès le xviie siècle laisse envisager le passage de nombreux hôtes. Avec le temps, quelques bergères et canapés améliorent le confort et favorisent la sociabilité. En dehors des plaisirs de la table et de la conversation, les possibilités de se distraire apparaissent peu nombreuses. Avant le milieu du xviiie siècle, on ne dénombre que cinq instruments de musique, essentiellement des violons, et guère davantage par la suite. Les inventaires de la seconde moitié du xviiie siècle et de la première moitié du xixe sont marqués par des références fréquentes à des jeux, mais qui se cantonnent le plus souvent à un jeu de dominos ou à une table revêtue d’un tapis vert. Là encore, Jean Capard se distingue par la possession d’un jeu de trictrac estimé avec une table à quadrille en bois, à quatre tiroirs, garnie d’un tapis vert. Alors que les épiciers vendent du tabac à Isigny au moins dès la fin du xviie siècle, peu d’objets s’y rapportent. La pratique de la chasse se devine par la présence de couteaux de chasse, de gibecières et de quelques fusils.
48Dans la classification établie par Micheline Baulant, les baromètres et les thermomètres sont considérés comme des signes de curiosité scientifique. Mais leur présence dans un tiers des successions du groupe des marchands, essentiellement à partir du milieu du xviiie siècle, s’explique sans doute davantage par l’activité commerciale de leurs propriétaires, tributaire des variations météorologiques. Si elle trouve aussi une justification professionnelle, la multiplication des cartes et des planisphères, à partir de la seconde moitié du xviiie siècle, serait un meilleur témoin de l’ouverture des marchands sur le monde. Cependant l’examen des livres, recensés chez trois quarts d’entre eux, invite à la prudence : il s’agit le plus souvent d’ouvrages de piété et de livres destinés à un usage pratique comme des recueils de coutume de Normandie ou des livres d’études pour les enfants. Alors que la décoration des pièces de son logis est particulièrement soignée, c’est à peine si Pierre Tariel, en 1785, se détache du reste du groupe par la possession d’un Parfait maréchal, pour les soins des chevaux et celle d’un exemplaire de La Nouvelle maison rustique de Ligier. Même constat chez Jean Capard où, parmi la quarantaine de livres estimés, on dénombre pour l’essentiel des ouvrages religieux, huit livres d’histoire et un recueil de règlements rendus sur les gabelles. Deux inventaires de la fin du xviiie siècle comprennent toutefois de beaux ensembles. En 1786, parmi la centaine d’ouvrages qui composent la bibliothèque du défunt Pierre Jaques Sorel, on compte des volumes de l’Académie royale des inscriptions et belles lettres, des œuvres du théâtre italien ainsi que des auteurs français comme Rabelais, Molière et Montesquieu72. En l’an V de la République, à la mort de Michel Sébastien Tariel, 130 titres différents sont répertoriés dans une pièce spécifique nommée « bibliothèque ». Les Lumières éclairent les rayonnages par les noms de Montesquieu, Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, la mention de dix-neuf volumes de l’Histoire naturelle de Buffon et de trente-sept tomes de l’Encyclopédie. Les auteurs de l’Antiquité et de la Renaissance y font aussi bonne figure tandis qu’un certain goût pour l’exotisme semble se dégager de la possession de récits de voyages, complétés par un Alcoran de Mahomet en deux volumes et d’une Vie de Mahomet73.
49En revanche, dans ces intérieurs marqués par l’aisance et le confort, peu d’éléments se rapportent au luxe. Parmi les attributs retenus par Micheline Baulant, les plus fréquents sont ici la présence de domestiques masculins, l’existence de maisons composées d’au moins trois chambres ainsi que la possession d’équidés, peu significative dans une région d’élevage de chevaux. Les secrétaires et les commodes – mais dont certaines ne sont évaluées qu’à 30 livres tournois – figurent dans plus d’un tiers des successions. Près de la moitié des cuisines, au moins, sont équipées d’un tournebroche. Pour le reste, moins d’un cinquième des inventaires comprend au moins un objet en porcelaine tandis que la présence d’un trumeau, d’un véhicule ou d’un jeu de tric-trac ne s’observe, à chaque fois, que dans un seul cas. Aussi, sur l’ensemble du groupe, la succession de Jean Capard est la seule à parvenir à 14/20 pour ce qui se rapporte au luxe. Les deux suivantes, concernant Michel Sébastien Tariel et Hervieu Le Breton, se hissent péniblement à 10/2074.
L’influence de Paris
50A Isigny, les marchands de beurre ne sont pas les seuls à être en rapport avec la capitale. Des actes portant le timbre de la généralité de Paris émaillent les archives notariales du lieu. Elle concernent aussi bien de petites gens partis y gagner leur vie que les marquis de Bricqueville, qui y demeurent avec leur famille une partie de l’année. Cependant, par la fréquence de leurs séjours à Paris et dans d’autres villes du nord du royaume et la densité des réseaux familiaux et professionnels qu’ils y ont tissés, les marchands normands jouissent d’une position singulière dans ce petit bourg rural.
51Les relations familiales nouées avec les grands centres urbains reposent à la fois, on l’a vu, sur l’établissement de parents, installés le plus souvent dans le commerce et sur des alliances matrimoniales avec des filles de marchands parisiens75. Au xviie siècle, des marchands rouennais et parisiens de passage à Isigny sont également sollicités pour des événements familiaux. En août 1686, Claude Férard doit ainsi son nom de baptême à son parrain, Claude Bavery, marchand bourgeois de Paris76.
52De toute évidence, à Isigny, les épouses et les belles-familles parisiennes exercent une influence sur les comportements et les modes de consommation. Après son mariage avec le Normand Michel Hébert, célébré à Paris le 6 décembre 1761, Marguerite Porcher suit son époux à Isigny. Par sa lettre du 8 avril 1762, elle remercie tout d’abord ses parents de l’envoi d’un éventail, de trois épingles à diamant ainsi que d’un gobelet accompagné d’un couvert. Elle réitère ensuite une demande de son mari pour obtenir de l’argenterie puisque, « quand il nous vient du monde, nous sommes bien embarrassés77 ». À plusieurs reprises, le ménage Hébert s’enrichit d’autres articles en provenance de Paris, que rapportent les voituriers au retour de la Halle. D’autres marchands d’Isigny procèdent à l’identique78.
53Mais l’influence de Paris ne se réduit pas à une liste d’objets. Arrivée à Isigny le 20 janvier 1762, Marguerite Porcher n’entend visiblement pas renoncer à tout divertissement. Le 25 mars de la même année, son mari, Michel Hébert, écrit seul à ses beaux-parents puisque, explique-t-il, « mon épouse est à la comédie qui joue ici depuis hier et je ne sais jusqu’à quand79 ». Pour distraire sa mère qui lui rend une première visite en mai, Marguerite Porcher l’emmène « faire un tour de Cotentin80 ». Enfin, en prévision de la venue de ses beaux-parents, Michel Hébert envisage la réalisation de quelques travaux. Au sujet d’une quantité de sucre que son beau-père doit lui adresser, il recommande à ce dernier une marchandise sur laquelle il puisse dégager des bénéfices substantiels : « Faites que je recouvre des petites dépenses que je fais à mes appartements pour vous recevoir décemment81. » En juillet, tandis qu’il attend l’arrivée de son beau-père à Isigny, Hébert rend compte des travaux à sa belle-mère : « […] cependant le mur de séparation est fait et la voie qui sépare les quatre appartements, pavée. Mais nos chambres imparfaites82. »
54Dans les comportements mais aussi dans les conversations, la proximité entretenue avec la capitale participe à la distinction sociale des marchands de beurre. Il n’est pas fortuit que trônent dans la salle à manger de Jean Capard, une carte intitulée « La France dans son étendue » ainsi qu’un plan de Paris. Au surplus, si les correspondances commerciales antérieures à 1789 restent circonspectes sur la vie parisienne et les événements de la cour, la fréquentation des clients et des voituriers contribue à faire des marchands normands des personnes bien renseignées sur leur époque83. Ainsi, à Isigny, pendant la Révolution, le marchand Pierre est probablement l’un des premiers à recevoir des informations circonstanciées sur les conséquences du 9 thermidor an II et sur l’insurrection avortée du 1er prairial an III84.
Conclusion
55Au sein de la société rurale normande, les marchands de beurre forment une petite élite, confortée dans sa position par ses stratégies d’alliances et l’exercice de charges locales. La proximité entretenue avec le monde urbain, et notamment Paris, participe à cette réussite, en même temps qu’elle confère à ces marchands un rôle d’intermédiaire culturel.
56Il reste que « messieurs les petits bourgeois d’Isigny » sont très loin de rivaliser avec le monde du négoce rouennais ou malouin85. Le travail à commission est risqué. Dans la décennie 1770, plusieurs maisons sont frappées par la faillite. À nouveau, dans les premières années de la période révolutionnaire, la liste des marchands de beurre se renouvelle en profondeur. Port modeste, excentré et difficilement accessible, Isigny n’offre que des possibilités limitées pour les affaires. Ce n’est qu’après leur établissement au Havre, dans le premier tiers du xviiie siècle, que la famille Millot voit ses affaires prendre une autre envergure86.
Notes de bas de page
1 Au cours du xviiie siècle, en Normandie, de plus en plus de contrats de mariage sont passés sous seing privé. Dickinson, John A., 1987, p. 281.
2 Il s’y ajoute parfois des rentes, de valeur limitée, que nous avons écartées de l’estimation. En Normandie, la dot proprement dite est généralement accompagnée d’un « don mobil », dont l’origine remonte au xvie siècle. Viret, Jérôme Luther, 2013, p. 75-77.
3 Pour une présentation du droit coutumier normand et notamment de la notion de « mariage avenant », voir Viret, Jérôme Luther, 2013, p. 21-65.
4 Ainsi que 50 livres de rente. Contrat de mariage de Pierre Le Trésor de Pierreville avec Madeleine Jahiet (14 avril 1711, déposé le 14 mai 1711) [Arch. dép. Calvados, 8E 23932].
5 Contrat de mariage de Jacques Le Trésor avec Marie-Thérèse Le Hot du Férage (29 juillet 1730) [Arch. dép. Calvados, 8E 23943].
6 Contrat de mariage de Michel Hébert avec Marguerite Porcher (6 décembre 1761) [Arch. nat., MC VII 336].
7 Pour la période 1744-1750, la valeur moyenne des apports de ces familles se situe à 2 136 livres tournois. Dickinson, John A., 1987, p. 283.
8 Les apports au mariage y sont généralement inférieurs à mille livres. Viret, Jérôme Luther, 2013, p. 72.
9 Pour le groupe des papetiers, voir Villeroy, Marie-Jeanne, 2001, p. 42 sq., et Id., 2003, p. 64. L’analyse du groupe des apothicaires ne repose que sur neuf cas, pour des valeurs allant de quelques milliers de livres à 10 600 livres tournois. Tésio, Stéphanie, 2006, p. 470 sq.
10 Atlas terrier de Bricqueville (1764-1768) [Arch. dép. Calvados, 31F 41-42]. Un second exemplaire, sans couleur, livre quelques informations supplémentaires [Arch. dép. Calvados, 31F 39-40].
11 La majorité des terres, particulièrement les terres en herbe, sont possédées par la noblesse (voir chapitre XI).
12 Soit entre 17 et 25,5 ha, à raison de 0,17 ha la vergée. La superficie la plus élevée est en possession de Jean-François Le Trésor, avec 299,6 vergées (environ 51 ha). Les herbages et les prés, complantés ou « clairs », composent à hauteur de 85 % le patrimoine foncier total des marchands identifiés.
13 Dickinson, John, A., 1989.
14 Sur les trente-quatre inventaires recensés, onze ne comprennent pas d’estimation totale des biens meubles. Deux autres, dressés pendant la Révolution, ont été écartés, tant les estimations pâtissent des problèmes monétaires de l’époque.
15 Inventaires après décès de Jacques Faucon à Isigny (13 juin 1741) [Arch. dép. Calvados, 8E 24130] et à Osmanville (10 juillet et 28 novembre 1741) [Arch. dép. Calvados, 8E 23950].
16 Inventaire après décès de Jacques Le Trésor, Isigny (4 septembre 1747) [Arch. dép. Calvados, 8E 24136].
17 Inventaire après décès de Michel Sébastien Leboulanger, Isigny (1er brumaire an V – 22 octobre 1796) [Arch. dép. Calvados, 8E 24193].
18 Inventaire après décès de Pierre Leboulanger, Isigny (3 octobre 1721) [Arch. dép. Calvados, 8E 24408].
19 Cf. infra.
20 Édit royal du mois d’août 1692 [Arch. dép. Calvados, C 1050].
21 Registres paroissiaux d’Isigny (20 août 1747) [Arch. dép. Calvados, 849Edt 79].
22 Tutoy, Raphaël, 2002, p. 9. Sur les Le Hot du Férage, voir aussi Tutoy, Raphaël, 2001.
23 « Note de ceux qui sont informés que je suis maître de poste » (13 juillet 1789). Livre de compte de Michel Marie [Arch. dép. Calvados, F 7226].
24 Intendance de la généralité de Caen. Postes et messageries (1773-1779) [Arch. dép. Calvados, C 3051].
25 Mémoire sur les beurres d’Isigny et de Gournay (1787) [Arch. dép. Seine-Maritime, C 118].
26 Procès-verbal des séances de l’assemblée provinciale de Basse-Normandie…, 1788, p. 5.
27 Voir infra.
28 Voir chapitre X. Au sujet de la monnaie de confiance locale émise par les commissionnaires d’Isigny, voir Pilet-Lemière, Jacqueline, 1989, p. 57-58.
29 Inventaire après décès de Jean Capard à Osmanville (7 janvier 1752) [Arch. dép. Calvados, 8E 23961] et à Isigny (30 mars 1752) [Arch. dép. Calvados, 8E 24141].
30 Testament d’Antoine Férard, curé d’Osmanville (3 décembre 1753) [Arch. dép. Calvados, 8E 24143].
31 Lots et partages de Jacques Lebourgeois (1er août 1649) [Arch. dép. Calvados, 8E 24051]. Voir chapitre VI.
32 Delobette, Édouard, 2011, p. 138.
33 Id., 2005, p. 216.
34 Jacques Férard, probablement né à Isigny en 1690, épouse Jeanne Ravenel vers 1715, avec laquelle il a deux enfants. Acte de tutelle de leurs enfants le 3 avril 1721 (référence découverte grâce au travail collectif Familles parisiennes) [Arch. nat., Y 4346]. Correspondant des Benoist, Étienne Férard, né à Isigny le 29 juin 1725, fait faillite à Paris en 1782. Dossier de faillite d’Étienne Férard (12 juin 1782) [Archives de la ville de Paris, D4B6, carton 84, dossier 5696].
35 Papiers de Clément Férard [Arch. dép. Calvados, 2E 284].
36 En 1784, Étienne Alexandre Faucon déclare être à la tête d’« un commerce très étendu par les relations de sa maison qui fait chaque année pour plus de six cent mille livres [tournois] de commerce et d’affaires sur Paris, sans compter les autres endroits de sa correspondance ». Supplique adressée au bailli de la haute justice d’Osmanville (15 juillet 1784) [Arch. dép. Calvados, 15B 825].
37 Registres paroissiaux de Roye (16 septembre 1784) [Arch. dép. Somme, 5 MI_D981] ; Coët, Émile, 1880, t. II, p. 33.
38 Registre de la Chambre des comptes (22 juin 1785) [Arch. dép. Seine-Maritime, 3B 58]. Voir aussi Arundel de Conde (d’), Gérard, 2006, p. 186.
39 Dozy, Armelle, 1986, s.p., no 155.
40 Jean-François Le Trésor s’enfuit à Paris pour échapper aux poursuites judiciaires. Correspondance relative à une demande de sauf-conduit par Jean-François Le Trésor (1775-1776) [Arch. dép. Calvados, C 562].
41 Registres paroissiaux d’Isigny (15 juillet 1745) [Arch. dép. Calvados, 849Edt 79].
42 Registres paroissiaux d’Isigny (31 décembre 1759) [Arch. dép. Calvados, 849Edt 80].
43 Registres paroissiaux d’Isigny (24 novembre 1789) [Arch. dép. Calvados, 849Edt 85] ; Le mariage d’Étienne Alexandre Faucon avec Antoinette Jeanne Victoire Couillard a aussi été célébré à Isigny (16 septembre 1784) [Arch. dép. Calvados, 849Edt 84].
44 Le mariage est célébré en la paroisse de Saint-Patrice de Bayeux, le 14 octobre 1762. Sur la famille Lentaigne, voir Lentaigne de Logivière, Thérèse, 1982.
45 Procédures relatives à la faillite de Jean Capard devant la haute justice d’Osmanville (1742) [Arch. dép. Calvados, 15B 465 et 15B 468] ; procédures relatives aux deux faillites de Michel Hébert devant la haute justice d’Osmanville (1765 et 1773) [Arch. dép. Calvados, 15B 463, 15 B 464 et 15B 498].
46 Enquête devant la haute justice d’Osmanville (23 mars 1744) [Arch. dép. Calvados, 15B 468].
47 Voir l’extrait de la lettre du subdélégué de Bayeux placé en épigraphe de ce chapitre.
48 Lettre de l’intendant de la généralité de Caen Fontette au secrétaire d’État Bertin, Paris, 9 juillet 1772 [Arch. dép. Calvados, C 523].
49 Jambu, Jérôme, 2013, p. 252 sq.
50 Mémoire touchant la diminution du commerce des beurres de Cotentin (vers 1687) ; lettre de de Mouy, Saint-Lô, au contrôle général des finances, 25 août 1687 [Arch. nat., G7 1685]. Voir aussi Perrichet, Marc, 2000, p. 37. La pratique se poursuit encore dans la seconde moitié du xviiie siècle : lettre de Monchevrel à Michel Hébert, 3 avril 1779 [Arch. dép. Calvados, F 1158].
51 Lettre du subdélégué de Bayeux Genas de Rubercy à l’intendant de la généralité de Caen Fontette, 28 octobre 1773 [Arch. dép. Calvados, C 3051].
52 Lettre de l’intendant de la généralité de Caen Fontette au contrôleur général des finances Lefèvre d’Ormesson, 26 novembre 1773 [Arch. dép. Calvados, C 3051].
53 Supplique de Michel Hébert au bailli de la haute justice d’Osmanville (8 mars 1773) [Arch. dép. Calvados, 15B 464] ; assemblée des créanciers de Michel Hébert (13 octobre 1773) [Arch. dép. Calvados, 15B 498].
54 Procédure devant la haute justice d’Osmanville à la requête de Michel Hébert (mars 1789) [Arch. dép. Calvados, 15B 486].
55 Arrêt du parlement de Normandie (20 août 1746) [Arch. dép. Seine-Maritime, 1B 1411]. Réquisitoire du procureur dans cette affaire [Arch. dép. Seine-Maritime, 1B 5505].
56 En 1770, le marchand Lenteigne paye une caution de 500 livres en faveur du croquetier Aignan Carité, arrêté pour insolvabilité. Procédure de haro devant la haute justice d’Osmanville (13 mars 1770) [Arch. dép. Calvados, 15B 473].
57 Dickinson, John, A., 1989.
58 Deux textes importants modifient le régime du tabellionage puis du notariat. Il s’agit des édits de juillet 1677 et de mai 1686. Barabé, Alexandre, 1863, p. 44 sq.
59 La plupart des travaux de Micheline Baulant ont été regroupés dans un recueil intitulé Meaux et ses campagnes (2006). Dickinson, John A., 1990, p. 213-224. C’est l’occasion pour moi de remercier John A. Dickinson pour ses précieux conseils. À chaque fois que cela a été possible, nous avons pris en compte les biens de l’épouse et nous avons exclu les stocks marchands.
60 Inventaires après décès de Jacques Faucon à Isigny (13 juin 1741) [Arch. dép. Calvados, 8E 24130] et à Osmanville (10 juillet et 28 novembre 1741) [Arch. dép. Calvados, 8E 23950].
61 Inventaire après décès de Jacques Le Hot du Férage (29 janvier 1723) [Arch. dép. Calvados, 8E 24409].
62 Inventaire après décès de Jacques Férard, Isigny (17 juin 1758) [Arch. dép. Calvados, 8E 24148].
63 Inventaire après décès de Pierre Leboulanger, Isigny (3 octobre 1721) [Arch. dép. Calvados, 8E 24408].
64 Compte du menuisier Langlois adressé à Benoist fils (1778) [Arch. dép. Calvados, 2E 56].
65 Inventaire après décès de Pierre Jacques Sorel, Isigny (27 avril 1786) [Arch. dép. Calvados, 8E 24177].
66 Les notaires se contentent parfois de donner le nombre d’images avant d’indiquer leur estimation.
67 Inventaire après décès de Pierre Tariel, Isigny (24 février 1785) [Arch. dép. Calvados, 8E 24174].
68 Inventaire après décès de Jean Capard à Osmanville (7 janvier 1752) [Arch. dép. Calvados, 8E 23961] et à Isigny (30 mars 1752) [Arch. dép. Calvados, 8E 24141].
69 Transaction entre les héritiers de Guillaume Férard et sa veuve (30 juin 1743) [Arch. dép. Calvados, 2E 284].
70 Inventaire après décès de Pierre Étienne, Isigny (1er septembre 1820) [Arch. dép. Calvados, 8E 24226].
71 Inventaire après décès de Michel Sébastien Tariel, Isigny (1er brumaire an V – 22 octobre 1796) [Arch. dép. Calvados, 8E 24193].
72 Inventaire après décès de Pierre-Jacques Sorel, Isigny (27 avril 1786) [Arch. dép. Calvados, 8E 24177].
73 Inventaire après décès de Michel Sébastien Tariel, Isigny (1er brumaire an V – 22 octobre 1796) [Arch. dép. Calvados, 8E 24193].
74 Inventaire après décès de Hervieu Le Breton, Isigny (11 pluviôse an X – 31 janvier 1802) [Arch. dép. Calvados, 8E 24198].
75 Voir chapitre VI.
76 Registres paroissiaux d’Isigny (25 août 1686) [Arch. dép. Calvados, 849Edt 72].
77 Lettre de Hébert l’Aîné à monsieur et madame Porcher à Paris, Isigny, 8 avril 1762.
78 Pour une recension des objets à usage personnel circulant entre les marchands d’Isigny et leurs correspondants, voir annexe 5.
79 Lettre de Hébert l’Aîné à monsieur et madame Porcher à Paris, Isigny, 25 mars 1762 [Arch. dép. Calvados, F 1158].
80 Lettre de Hébert l’Aîné à monsieur Porcher à Paris, Isigny, 27 mai 1762 [Arch. dép. Calvados, F 1158].
81 Lettre de Hébert l’Aîné à monsieur Porcher à Paris, Isigny, 8 avril 1762 [Arch. dép. Calvados, F 1158].
82 Lettre de Hébert l’Aîné à madame Porcher à Paris, Isigny, 25 juillet 1762 [Arch. dép. Calvados, F 1158].
83 En 1779, le marchand Delaistre rapporte à Benoist fils qu’un incendie a eu lieu à la foire Saint-Germain. Lettre de Delaistre à Benoist fils, Paris, 17 mars 1762 [Arch. dép. Calvados, 2E 58]. Le fruitier parisien Serre informe Benoist fils de la naissance de Marie-Thérèse Charlotte de France, en décembre 1778, ainsi que d’un passage du roi à Paris, en février 1779. Lettres de Serre à Benoist fils, Paris, 21 décembre 1778 et 8 février 1779 [Arch. dép. Calvados, 2E 54 et 2E 57].
84 Lettres de Lallemand à Pierre, Paris, 10 et 14 thermidor an II – 28 juillet et 1er août 1794) [Arch. dép. Calvados, 130J 5] ; lettre sans signature, 3 prairial an III – 22 mai 1795) [Arch. dép. Calvados, 130J 2].
85 Hoock, Jochen et Jullien, Nicolas, 1998 ; Lespagnol, André, 1996.
86 Delobette, Édouard, 2011, p. 138 sq.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un aliment sain dans un corps sain
Perspectives historiques
Frédérique Audouin-Rouzeau et Françoise Sabban (dir.)
2007
La Pomme de terre
De la Renaissance au xxie siècle
Jean-Pierre Williot et Marc de Ferrière le Vayer (dir.)
2011