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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Du terroir, des femmes, de l’écriture et du goût non corrompu des sauvagesL’effet normatif du terroirBodin, la théorie des climats et le racisme autochtoneLe terroir sur le devant de la scène : Olivier de Serres et Le Théâtre d’agriculture Notes de bas de page

    Le goût du terroir

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    Table des matières

    Chapitre II

    Les hommes au miroir des plantes

    p. 55-74

    Texte intégral Du terroir, des femmes, de l’écriture et du goût non corrompu des sauvagesL’effet normatif du terroirBodin, la théorie des climats et le racisme autochtoneLe terroir sur le devant de la scène : Olivier de Serres et Le Théâtre d’agriculture Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Le premier chapitre a démontré comment les membres de la Pléiade contribuèrent à idéaliser une notion intellectuelle du « terroir poétique » qui mêlait les métaphores du vin, l’abondance agricole et certaines théories concernant la genèse de la langue française. Il a également montré comment, à travers ses écrits agronomiques, la science de la Renaissance reliait la constitution physiologique de l’homme au terroir par le vin.

    2À la fin du xvie siècle, un troisième (et nouveau) discours est venu combler le fossé entre le corps et l’esprit, en attribuant au terroir les caractéristiques physiques et intellectuelles des hommes et en comparant ceux-ci au monde végétal. Cette comparaison est devenue une antienne philosophique et littéraire encore répandue au xxe siècle. L’importance de ce thème dépasse sa simple longévité : il démontre comment l’évolution d’une esthétique de la nourriture et du vin en France se rattachait à la relation plus générale établie par les Français entre les habitants, leurs actions et ce qu’ils percevaient comme étant le pouvoir déterminant du sol.

    3L’un des écrivains français du xvie siècle les plus connus encore aujourd’hui, Michel de Montaigne, a incorporé dans ses Essais des théories anciennes sur le rôle déterminant de l’environnement pour expliquer comment le comportement et la vertu morale dépendent de la relation de l’individu avec la nature, l’environnement et le terroir1. À la même période, Jean Bodin, un des plus importants théoriciens politiques de la Renaissance française, observait que l’influence du climat sur les hommes était chose commune, mais également négative dans la mesure où, selon lui, l’empreinte du sol et les différences régionales pouvaient affecter défavorablement la langue et le caractère. Les conceptions de Montaigne et de Bodin ont perpétué de concert un modèle d’explication rationnelle du comportement d’après l’environnement qui, avec les auteurs cités au chapitre précédent, a planté le décor pour Le Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres, le plus célèbre et le plus pérenne des manuels d’agriculture français de l’Ancien Régime.

    Du terroir, des femmes, de l’écriture et du goût non corrompu des sauvages

    4La façon dont Montaigne dépeint la relation entre les hommes, la nature et la terre fournit de précieux indices pour expliquer l’évolution de la notion de terroir. Deux de ses essais en particulier proposent un aperçu d’un ensemble de valeurs qui se sont largement répandues au xvie siècle. Dans l’essai le moins connu, « Des Senteurs » (1580), Montaigne évoque le terroir sous l’angle des odeurs, en réfléchissant à ce qui constitue la senteur idéale2. Méditant sur l’attrait des senteurs en général, tout en reliant la fragrance à l’éthique et à la santé du corps, l’auteur remarque que les odeurs fortes indiquent souvent une infirmité cachée. À l’inverse, l’haleine des enfants présente une odeur neutre, signe de leur santé et de leur pureté3. Cette opinion s’applique également aux femmes, Montaigne étant d’avis que « la plus parfaicte senteur d’une femme, c’est ne sentir à rien », intimant par là que les femmes à l’odeur neutre sont, si on se fie à l’odorat, aussi innocentes que les enfants4.

    5L’essai prolonge la métaphore étendue qui mêle senteur et éthique dans un passage assimilant les êtres humains à la terre et qui vante les mêmes valeurs de simplicité, de naturel et d’authenticité que l’on trouvait dans la poésie pseudo-anacréontique de la Pléiade. C’est dans ce contexte que Montaigne célèbre le rituel de toilette des femmes scythes en se référant à une « drogue » propre à leur « terroir » : « Les senteurs plus simples et naturelles me semblent plus aggreables. Et touche ce soing principalement les dames. En la plus espesse barbarie, les femmes scythes, apres s’estre lavées, se saupoudrent et encroustent tout le corps et le visage de certaine drogue qui naist en leur terroir, odoriferante ; et, pour approcher les hommes, ayans osté ce fard, elles s’en trouvent et polies et parfumées5. » Bien que ce baume ne soit pas clairement identifié, la dichotomie entre naturel et artificiel saute immédiatement aux yeux lorsque Montaigne amalgame les terroirs, les odeurs et les habitants. Selon une opinion largement répandue au xvie siècle, les Scythes étaient l’incarnation de la barbarie, ce qui implique que le procédé esthétique employé était des plus primitifs6. En revanche cette technique a le mérite d’être proche de la nature, tout comme la poésie anacréontique, et ce geste de simplicité subtile et d’ingénuité innocente reflète des valeurs saines. Ici donc, avec l’équivalent scythe du masque de boue étalé sur tout le corps, ces soins sont considérés comme normaux, sincères et sans malice justement parce qu’ils sont issus de la terre scythe. Montaigne insiste sur le résultat « poli » et « parfumé » du traitement, mais le parfum du terroir, tel un oxymore, est associé à l’idée d’« anti-parfum » car il est simple et naturel, par opposition à ce qui serait élaboré et artificiel7.

    6Il peut paraître surprenant, à première vue, que le même registre esthétique soit utilisé pour qualifier le meilleur parfum pour la femme et la pureté de l’écriture recherchée par les poètes de la Pléiade. Pourtant, Montaigne utilise des termes descriptifs similaires pour qualifier sa propre production littéraire. En 1580, dans la préface aux lecteurs, au début des Essais, il écrit :

    Je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention ni artifice : car c’est moi que je peins. Mes défauts s’y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l’a permis. […] si j’eusse été entre ces nations qu’on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t’assure que je m’y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu.8

    7Montaigne indique que, malgré les limites imposées en fin de compte à la limpidité de son message par les conventions sociales, le modèle de vérité « nue » dont il fait un idéal littéraire est le même qu’il vante chez les femmes scythes. La simplicité naturelle décrite ici rappelle aussi la mythologie naturalisée invoquée par les poètes de la Pléiade pour qualifier la genèse de leur propre poésie. En effet, ils cultivaient leur art en harmonie avec les caractéristiques naturelles de l’agriculture régionale. Nous sommes amenés à conclure que ces écrivains appliquaient plus ou moins indifféremment aux femmes, aux mots et au vin certains topos rhétoriques valorisant la nature. Cette analogie des valeurs semblerait expliquer comment la notion de terroir a pu très tôt s’installer dans une relation de dialogue entre la sphère de l’agriculture et d’autres domaines.

    8Dans l’essai le plus connu de Montaigne, « Des Cannibales », on trouve des éléments qui appuient cette hypothèse. L’attrait de la simplicité, du naturel et de l’innocence chez l’être humain y est défendu par le biais d’une comparaison avec la nourriture. La manière dont les hommes devraient animer leurs principes éthiques par un recours à une nature intacte est un des thèmes majeurs de l’essai. Montaigne explique, avec des métaphores végétales et des références à l’Antiquité, que les bonnes valeurs morales sont en harmonie avec les origines de l’humanité, avant que les hommes ne soient corrompus sous l’influence de la société. Une fois reconnue la prééminence de la nature, explique-t-il en citant le livre 2 des Géorgiques, nous pourrions construire une société qui surpasserait en perfection celle que Platon avait imaginée pour sa République, puisque ses habitants seraient « frais sortis des mains des dieux » et vivraient selon les lois que « la nature d’abord leur imposa9 ».

    9Dans une série d’arguments se concentrant sur le primitivisme et le relativisme culturel, Montaigne démontre de quelle manière les Européens, qui se considèrent plus « civilisés » que les indigènes du Nouveau Monde, sont en réalité pervertis par leurs sociétés : ils ont dégénéré à partir d’un état de pureté naturelle et sont devenus plus barbares que les habitants du Nouveau Monde. Ces derniers, explique Montaigne en les comparant à des plantes, sont plus proches de la nature parce qu’ils sont comme des fruits inaltérés : « Or, je trouve […] qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. […] Ils sont sauvages, de mêmes que nous appelons sauvages les fruits que nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons altéré par notre artifice et détourné de l’ordre commun, que nous devrions appeler plutôt sauvages10. » Montaigne ne plaide pas uniquement pour la préservation de l’homologue humain du fruit sauvage (en tant qu’opposé à la variété cultivée), mais aussi, dans la suite du texte, contre l’altération de la nature, quand on la contraint à se conformer au goût corrompu des Européens11.

    10Vantant les qualités authentiques et naturelles des cannibales, Montaigne indique que, même si notre société encourage l’artificiel et le cultivé, les saveurs naturelles s’imposent une fois qu’on y a goûté : « En ceux-là [les habitants du Nouveau Monde] sont vives et vigoureuses les vraies, et plus utiles et naturelles vertus et propriétés, lesquelles nous avons abâtardies en ceux-ci, et les avons seulement accommodées au plaisir de notre goût corrompu. Et si pourtant la saveur même et délicatesse se trouvent à notre goût excellentes, à l’envi des nôtres, en divers fruits de ces contrées-là, sans culture. Ce n’est pas raison que l’art gagne le point d’honneur sur notre grande et puissante mère nature12. » Ici, la « mère nature » primitive est saluée pour sa supériorité absolue. C’est la référence objective du Bien, tant en ce qui concerne le goût des fruits que le comportement des gens. On imagine non seulement que se conformer à la nature constitue le meilleur indice d’une identité morale honorable, mais aussi que cultiver ses goûts au gré des affections et des modes changeantes n’est simplement « pas raison ». Ainsi, même si Montaigne invoque parfois l’idéal de la nature avec ironie (sa propre écriture fourmille d’artifice), il jauge la vérité et la beauté en fonction d’un cadre naturaliste. C’est en accord avec ce cadre que Montaigne dresse avec netteté une carte de la notion de terroir, plus concrète et philosophique, créant ainsi un modèle de la normalité où le goût, le comportement et l’origine ont la même valeur.

    L’effet normatif du terroir

    11Montaigne décrit avec une grande clarté les effets du climat sur l’être humain dans un autre essai bien connu, l’« Apologie de Raimond Sebond ». Il n’est absolument pas étonnant d’y trouver une représentation de l’influence de la terre sur les hommes puisque l’essai constitue une apologie d’une théologie naturelle, qui relie les cieux aux lois matérielles de la vie sur terre. L’essai propose également une vision sceptique de la connaissance humaine et des valeurs morales. Montaigne tente de déstabiliser le lecteur pour l’obliger à reconsidérer ce qu’il croit savoir sur sa propre existence et à mettre en question la suprématie de sa propre raison. Dans le cours de sa réflexion, un paragraphe essentiel situe l’humanité au beau milieu d’un monde où le terroir règne en maître.

    12Le passage en question cite les auteurs latins Cicéron et Végèce, et traduit par « terroir » le mot latin terra (« terre » ou « sol ») pour montrer les effets de l’environnement sur notre apparence, notre comportement extérieur et même notre raison. Montaigne explique : « La forme de notre être dépend de l’air, du climat et du terroir où nous naissons, non seulement le teint, la taille, la complexion et les contenances, mais encore les facultés de l’âme13. » Ici, Montaigne voit dans le terroir bien plus qu’un coin quelconque du paysage, un lopin de terre ou une parcelle du sol. Il le décrit plutôt comme ayant, au même titre que l’air et le climat, le pouvoir de déterminer l’apparence physique et le caractère des êtres humains. Cette reconnaissance du pouvoir déterminant de la terre entraîne également le lecteur vers les aspects sceptiques de l’essai. La position de Montaigne sur le terroir met à mal notre croyance en l’autonomie totale de nos actions. En réalité, dit-il, les facteurs environnementaux déterminent non seulement notre constitution physique, mais aussi les caractères non physiques que nous associons à l’esprit et à l’âme.

    13Pourtant, les caprices de la terre n’enlèvent pas toute autonomie aux hommes. Le ton très terre à terre de Montaigne correspond à une conception rationalisée, propre à la Renaissance, de la nature, qui offrirait au lecteur quelque consolation. Selon ce point de vue, la reconnaissance des lois de la nature et de leur influence sur nous n’est pas nécessairement un facteur de contrainte. Au contraire, puisque l’on considérait que la compréhension des mystères de la nature et de leur relation aux hommes était la source de la connaissance humaine, le simple fait de comprendre les cycles naturels et de définir comment nous sommes déterminés constituant une forme de liberté. Les agents humains, n’étant plus aveuglément soumis au destin, peuvent donc réexaminer et réorienter leur raison selon les règles du cycle naturel14. Il n’est pas exagéré de dire que Montaigne et d’autres penseurs comparables jugeaient naturel que les hommes portent la marque du climat et du terroir. C’est seulement quand l’empreinte de la nature est excessive qu’il faut chercher, par la connaissance et l’éducation, à ôter la patine de la rusticité.

    14Cette description des actions humaines comme produits de l’ordre naturel reste toutefois ambivalente. Les implications du déterminisme climatique apparaissent plus clairement dans la suite du passage de l’Apologie où Montaigne fait allusion aux effets à la fois positifs et négatifs de l’environnement. Ce passage est significatif car il conforte ce qui allait devenir une conception courante en France, bien distincte de nombreuses visions antiques sur le déterminisme climatique dans la mesure où il compare directement les hommes aux plantes :

    […] en maniere que, ainsi que les fruicts naissent divers et les animaux, les hommes naissent aussi plus et moins belliqueux, justes, temperans et dociles : ici subjects au vin, ailleurs au larecin ou à la paillardise ; icy enclins à superstition, ailleurs à la mescreance ; icy à la liberté, icy à la servitude […] selon que porte l’inclination du lieu où ils sont assis, et prennent nouvelle complexion si on les change de place, comme les arbres.15

    15À première vue, l’approche de Montaigne peut paraître dévalorisante puisqu’il affirme que des populations entières sont déterminées par leur origine, ce qui ne leur laisse aucun libre arbitre. En revanche, l’absence de libre arbitre attribue aux hommes un rôle de victimes du climat : ceux qui sont belliqueux ou enclins au larcin, par exemple, ne sont pas intrinsèquement immoraux, mais proviennent simplement d’un climat qui les a rendus ainsi.

    16Laissant de côté pour l’instant la stratégie rhétorique de Montaigne qui consiste à créer une représentation de l’humanité déterminée par le climat, ce qui frappe le plus ici, c’est l’aspect potentiellement dangereux qu’il y a à redéfinir des populations entières et à les réduire aux qualités du sol. Mais au moment même où Montaigne semble sur le point de transformer le climat et le terroir en une construction qui exclut et même qui discrimine, il altère le modèle pour prendre en compte un détail important : lorsqu’ils sont déplacés les hommes, comme les plantes, s’adaptent pour se conformer à leur environnement. Ce qui importe en fin de compte, ce n’est pas l’endroit où les hommes sont nés. Ce scénario exclurait toute évolution humaine et créerait des sociétés figées et bornées (de celles que la prose de Rabelais tentait de démolir). L’important, en dernier ressort, c’est le lieu où l’on choisit de vivre, un cadre qui permet de s’adapter et assure l’existence de liens communautaires. La transplantation des êtres humains dans un nouvel environnement les encourage à développer les particularités du climat ou du terroir qui les entoure. Ce processus ressemble à la greffe que du Bellay proposait aux Français de réaliser avec leur langue. En insérant des greffons français sur des porte-greffes latins, puis en les plantant en terre française, on ferait naître une langue nouvelle, à la fois purement française, de par le sol où elle croît, et portant en même temps la marque illustre d’un lignage antique. Montaigne ne précise pas si la personne déplacée conservera ses caractéristiques originelles dans sa nouvelle situation, mais la métaphore de la transplantation a trouvé sa place dans une ébauche d’une théorie française de l’immigration selon laquelle les nouveaux-venus dans un pays finissent par abandonner leurs manières anciennes pour adapter leurs mœurs à leur nouvel environnement.

    Bodin, la théorie des climats et le racisme autochtone

    17Quand il s’agit de parler des habitants de différents pays, Jean Bodin, éminent penseur politique français du xvie siècle, n’associe pas les odeurs neutres à l’innocence, pas plus qu’il ne représente la simplicité et le naturel comme des qualités positives ou qu’il n’encourage l’introspection implicite dans le relativisme culturel de Montaigne. Le point de vue de Montaigne, qui amalgame climat et identité, semble quasi anecdotique comparé à la position de Bodin, et ce dernier eut bien plus d’influence sur les dialogues intellectuels explicites qui cristallisèrent le déterminisme climatique dans l’esprit français16. Plus précisément, les réflexions de Bodin sur le climat sont le fruit d’influences allant de l’ancienne théorie grecque des humeurs à l’architecte romain Vitruve et à l’historiographe Tacite, qui explique l’évolution de la civilisation germanique par le climat17.

    18Bodin étaye son argumentation sur un éventail de sources, mais comme beaucoup de penseurs dans ce domaine, qu’ils soient de la Renaissance ou de la période pré-moderne, il se fonde essentiellement sur les théories médicales matérialistes de l’Antiquité, dont celles d’Hippocrate et de Galien (voir le chapitre 5 pour plus de détails sur l’aspect médical). Dans le cinquième des Six Livres de la République, Bodin paraphrase à la fois Galien et Hippocrate pour expliquer l’identité des hommes en fonction des variations de latitude18. Ce faisant, Bodin appuie sa propre théorie sur un précédent d’une autorité incontestable, Hippocrate ayant affirmé sans ambiguïté l’importance du climat dans la détermination du caractère et des valeurs. Dans Airs, eaux, lieux, Hippocrate explique que les « vicissitudes [des saisons] sont […] les causes les plus puissantes des variations dans la nature de l’homme. Vient ensuite la qualité du sol qui fournit la subsistance, et celle des eaux ; car vous trouverez le plus souvent les formes et la manière d’être de l’homme modifiées par la nature du sol qu’il habite19. »

    19La théorie de Bodin, selon laquelle la terre façonne les qualités des hommes, des plantes et des aliments, s’appuyait sur l’autorité incontestable de sources antiques. Mais on peut également l’interpréter comme la quête d’un modèle de vie harmonieuse au xvie siècle dans un pays déstabilisé par les guerres de Religion. Les Six Livres de la République sont l’œuvre la plus connue de Bodin, mais un texte antérieur, Methodus ad facilem historiarum cognitionem (« Méthode pour un apprentissage aisé de l’histoire »), donne à bien des égards un meilleur éclairage sur le lien entre la complexité du déterminisme environnemental et le contexte politique de l’époque. Dans un passage consacré à la question des origines, Bodin explique qu’il s’agit d’un des plus grands défis posés par l’historien. Il énumère les moyens par lesquels des ethnies et des groupes humains ont, au cours de l’histoire, utilisé l’idée d’origine, qu’elle soit biologique ou géographique, pour revendiquer une supériorité sur d’autres. Pour certains, le sentiment de supériorité provient de ce qu’ils croient être les exploits héroïques de leurs ancêtres, et la transmission de cet héroïsme par le sang. D’autres donnent des raisons plus fantaisistes. Par exemple, Bodin raconte avec un brin de dédain que Jules César s’imaginait issu de mortels de sang royal par sa mère et des dieux immortels par son père.

    20Malgré son adhésion au déterminisme climatique, Bodin s’applique à réfuter avec vigueur la théorie suprême qui supplante celles où la classe ou l’héroïsme joue le rôle primordial. Cette théorie, d’une application potentiellement assez étendue, est celle de l’autochtonie, la notion selon laquelle les peuples naissent directement de la terre. Chaque groupe humain est donc distinct de par sa région d’origine. Bodin donne sa propre version pour la naissance de cette théorie : « Ceux qui ignoraient leur première origine ou qui la dissimulaient aux yeux d’un étranger haï se déclarèrent nés de la terre-mère, autochtones ou géogènes. C’est ainsi qu’Aristide dans les Panathénées attribue aux Athéniens qu’ils ont tiré leur origine de la terre elle-même, mère de tous les dieux20. » Bodin explique que l’idée de la supériorité des autochtones, loin d’être une folle aberration héritée de l’Antiquité, persistait encore de son temps. Les Bretons, par exemple, étaient convaincus de leur supériorité, n’étant pas corrompus par des influences externes21.

    21Pour Bodin, cette façon de raisonner offense la religion d’une part et menace les relations humaines d’autre part car elle entraîne l’isolement des groupes humains qui se coupent des autres. Autrement dit, Bodin ne voit pas dans l’origine une construction qui fonde la communauté ; il y perçoit au contraire une menace pour la civilité des relations humaines, une force qui détruit les liens amicaux et sociaux : « Et je veux bien, jusqu’à un certain point, l’excuser chez les Anciens, mais elle ne peut à notre époque provenir que d’une erreur grave ou d’une intention sacrilège. Car d’un côté ses promoteurs combattent ouvertement […] ce que Moise dans nos saints livres a écrit sur les origines, de l’autre, en ne reconnaissant à ces nations aucune autre origine que celle du sol natal, ils les retranchent du même coup de la société et de l’amitié du reste22. » Bodin note que des guerriers ont souvent déposé les armes au cours d’une bataille en se rendant compte qu’ils partagent les mêmes parents et ancêtres, tandis que ceux qui se vantent d’être autochtones « brise[nt] le lien de la communauté » avec un vocabulaire où le mot « étranger » est remplacé par « ennemi23 ». Bodin transmet un message similaire à celui diffusé implicitement par Rabelais à travers les personnages de Gargantua et Grandgousier cinq décennies auparavant. En faisant appel à la théorie politique plutôt qu’à la fiction, Bodin conteste le recours aux limites et aux frontières physiques pour définir certaines communautés et en exclure d’autres.

    22Mais au lieu de subvertir le régionalisme et les frontières par une culture de la transgression dans l’ivresse et par le vocabulaire d’un corps collectif voué à la digestion, la stratégie de Bodin, de manière paradoxale, recourt au déterminisme climatique pour saper l’autorité de ceux qui plaident en faveur d’une identité exclusive fondée sur l’autochtonie. Son argumentation oppose origine autochtone et origine d’adoption, et fait appel à une forme de déterminisme environnemental pour en combattre une autre avec une métaphore qui compare les hommes aux végétaux. Pour ce faire, Bodin soutient, en premier lieu, que les hommes ne sont pas définis par leur origine autochtone. Malgré les différences régionales, on remarque qu’il y a une parenté entre des peuples dont les ancêtres proviennent de régions différentes car on voit des similarités dans les structures et les racines de leurs diverses langues. S’appuyant sur des mots tirés de plusieurs langues anciennes et modernes présentant des ressemblances appréciables, Bodin montre comment des langues différentes ont évolué à partir d’un ancêtre commun. Il en conclut que des populations diverses partagent de fait une même origine, malgré des différences régionales. Pour défendre cette communauté humaine élargie, il déploie ce qui va devenir sa vision personnelle de la théorie des climats.

    23Malgré les preuves d’une ancienne langue commune, Bodin maintient qu’on ne peut nier les différences entre les langues dans les sociétés contemporaines. Ces différences ont trois causes. Premièrement, le temps lui-même engendre des changements dans les langues. Une langue ancienne se modifie au cours de son évolution organique naturelle. Le mélange des peuples de différentes colonies et de pays dont la langue a déjà subi l’altération due au temps constitue une deuxième raison. Par exemple, les Scythes ont compromis l’homogénéité de la langue latine en y mélangeant la leur, faisant ainsi perdre à la langue des Romains sa pureté originelle. Cependant c’est la « nature », selon le terme de Bodin, qui constitue le troisième et le plus pertinent des facteurs. L’auteur explique que les influences géographiques entraînent des différences linguistiques et affirme que les peuples du « Nord »« heurte[nt] durement les consonnes […] sans faire attention aux voyelles » et communiquent « avec de fréquentes aspirations profondes » parce que le climat et la géographie leur ont donné un tempérament violent et instillé en eux une « chaleur impétueuse24 ». Autrement dit, si Bodin voit les risques qu’il y a à prôner la théorie de l’autochtonie, il ne méconnaît pas pour autant les effets du sol et du climat. De fait, pour lui, la théorie des climats devient un moyen de réaffirmer l’existence intrinsèque d’une communauté humaine largement partagée. Malgré des différences linguistiques extérieures, nous sommes tous issus des mêmes racines.

    24Cependant, contrairement à Montaigne, Bodin voit dans les effets de l’environnement des corruptions de la norme, et non pas la norme elle-même. De son point de vue, la langue parfaite fut assez tôt adultérée par le temps, mais aussi par l’environnement. Bodin développe ces nuances dans une métaphore étendue que l’on trouve aussi bien dans le Methodus que dans Les Six Livres. Il y explique les actions humaines par rapport à la nature des végétaux25 et prévient qu’il faut légiférer pour empêcher les hommes de redevenir sauvages puisque le climat reprendra bientôt le dessus en l’absence d’une force civilisatrice : « Vrai est que si les lois et coutumes ne sont bien entretenues, le peuple retournera bientôt à son naturel : et s’il est transporté d’un pays en autre il ne sera pas si tôt changé que les plantes qui tirent le suc de la terre, mais en fin il changera26. » Avec Montaigne, Bodin admet que les hommes s’adaptent à l’environnement, comme le font, quoique plus lentement, les arbres. Plus important, il prône, beaucoup plus que Montaigne, la création par la société d’une structure législative pour atténuer l’influence de la terre.

    25Il n’est guère étonnant que la méthodologie de Bodin, malgré son fondement d’ordre politique, s’accorde avec les sources médicales, à savoir Hippocrate et Galien. Mais de façon plus inattendue, Bodin est redevable, pour ses théories, à diverses disciplines qu’on ne s’attend pas à voir associées à la genèse d’une théorie des climats ou au terroir. Vitruve, architecte de l’Antiquité romaine, constitue un exemple éclairant. Dans son ouvrage De Architectura, traduit du latin en français en 1547 sous le titre Architecture ou Art de bien bâtir, Vitruve soutient qu’une origine géographique déterminée influence le comportement des hommes. Il n’est pas superflu de citer ici un passage un peu long du huitième livre de l’auteur car cette source, bien qu’ancienne, présente des aspects modernes et fournit une théorie du terroir parmi les plus influentes de la Renaissance. Vitruve y explique que l’eau varie autant que les fruits ou le vin, en fonction de son origine. Faisant appel à la même métaphore du sol et de la sève que Bodin appliquera plus tard aux hommes, il écrit :

    Ces choses différentes en goût, proviennent du naturel de la Terre, aussi bien comme la sève des arbres fruitiers, desquels si les racines, et en pareil des vignes […] ne prenaient substance en la vertu des territoires, et les fruits ne ressentaient aucunement les saveurs de tout serait en chacune contrée d’une pareille qualité […]. La Sicile baille le Mamertin, qui est du cru de Messine, et combat tous les meilleurs vins d’Italie. La campagne de Naples preste le Falerne. Puis Terracine et Fundi ministre le Cecube qui prend son nom d’un terroir étant près de Gayette. […] Mêmes au reste des autres provinces croient innumérable multitude de vins tous différents en qualités ou vertus. Choses qui ne se sauraient faire si la propriété de l’humeur terrestre n’infundoit ses saveurs dedans les racines, & ne nourrissait une matière laquelle montant jusque aux extrémités de ses objets, engendre une sève convenable aux lieux & aux espèces.27

    26Indépendamment de cette description d’apparence relativement contemporaine, cet exemple est important parce qu’il survient dans un texte qui n’évoque pas l’origine dans le cadre de l’appréciation de mets ou de vins. Vitruve fait plutôt référence au vin et à la viticulture afin de nous faire comprendre comment la terre, grâce à l’eau de ses sources, peut affecter la santé des hommes, leur beauté physique et même la qualité vocale de leur chant.

    27En d’autres termes, à l’origine d’un discours utilisé aujourd’hui presque exclusivement dans le contexte de l’appréciation des mets, existait un désir de comprendre le comportement humain. Cette compréhension était nécessaire à l’architecte pour prévoir l’alimentation en eau des cités et des états. Curieusement, on peut noter qu’aucun équivalent latin, même approximatif, du mot « terroir » n’apparaît dans le texte original de Vitruve. Le passage qui contient le terme (« qui prend son nom d’un terroir étant près de Gayette ») est une interprétation du traducteur français qui a adapté le sens du latin au lexique français et a introduit le mot « terroir », un terme français de la Renaissance, dans sa traduction du texte antique. Donc, bien que l’expression textuelle du concept dans son acception moderne trouve sa source dans l’Italie antique et non dans la France de la Renaissance, le mot « terroir » lui-même est une construction purement française.

    28Bodin ne se réfère pas précisément à ce passage, mais il devait certainement le connaître. Il cite à plusieurs reprises dans son Methodus le De Architectura, le seul ouvrage de Vitruve qui ait survécu, et toujours dans un contexte de déterminisme climatique28. Ailleurs, mettant ce discours en pratique et développant des idées qu’il avait proposées en premier lieu dans le Methodus, Bodin évoque une application pratique de l’architecture et de la législation dans le contexte de la théorie des climats. Dans Les Six Livres de la République il stipule qu’un législateur potentiel doit tenir compte des humeurs terrestres dominantes de la région à gouverner. Il est inutile d’essayer d’appliquer à un peuple une législation qui est complètement en opposition avec les conditions prédominantes du sol : « Il faut donc que le sage gouverneur d’un peuple sache bien l’humeur de celui-ci et son naturel, auparavant que d’attenter chose quelconque au changement de l’état ou des lois […] on doit diversifier l’état de la république à la diversité des lieux, à l’exemple du bon architecte, qui accommode son bâtiment à la matière qu’il trouve sur les lieux29. »

    29Malgré une conception rationnelle commune concernant l’effet de la terre sur ses produits, on ne saurait trop insister sur les différences entre Bodin et d’autres écrivains de la Renaissance. Pour Montaigne, l’origine naturelle ou le terroir conditionne les coutumes et les lois physiques de façon normative. Montaigne et les poètes de la Pléiade ont idéalisé cette conception et en ont fait un modèle à cultiver et préserver par les hommes. À l’inverse, Bodin représente l’influence du climat et du terroir comme une force de corruption de la société. Établissant un parallèle avec la chute de l’homme dans la Bible, il suggère que les hommes ont dégénéré à partir d’un état de pureté originel et qu’ils ont été corrompus par la marche du temps et l’influence de différents lieux. En d’autres termes, pour Montaigne le terroir et le déterminisme du climat produisent les fruits les plus doux et les plus naturels, alors que pour Bodin ils constituent pour la condition humaine une souillure et un vice qu’il faut contenir autant que possible par l’application judicieuse des lois. Ces deux perspectives auront leur importance dans l’évolution ultérieure de la notion de terroir, qui s’est rapidement développée dans le contexte de l’agriculture et de l’alimentation à la fin du xvie siècle dans l’œuvre d’Olivier de Serres.

    Le terroir sur le devant de la scène : Olivier de Serres et Le Théâtre d’agriculture

    30Les nombreux écrits du xvie siècle sur le terroir, l’agriculture et l’identité qu’on vient d’évoquer ont préparé le lecteur français de l’époque à ce qui demeure l’œuvre majeure parue en France sur l’agriculture : Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs d’Olivier de Serres. Nous savons que ce manuel eut d’emblée un grand retentissement puisque la première édition, publiée en 1600, fut suivie de huit autres tirages au cours des premières années du xviie siècle30. De plus, selon certains témoignages, Henri IV aurait aimé à se faire lire quelque chapitre du Théâtre d’agriculture pendant une demi-heure le soir après le dîner31. Qu’elle soit réelle ou relève simplement du mythe culturel, cette caution explique pourquoi Olivier de Serres est appelé le « père de l’agriculture française », titre consacré par de nombreux centres de formation, de lycées et d’autres établissements qui portent son nom encore aujourd’hui32.

    31Dans Le Théâtre d’agriculture, le terroir est une notion centrale. Jamais, avant de Serres, on n’avait autant mis en valeur l’interaction entre l’homme et la terre. Dans son livre, les théories sur l’identification des hommes avec le sol trouvent une application dans l’organisation matérielle du domaine rural idéal, comme celui qui est représenté à l’arrière-plan du portrait de l’auteur. L’image, tirée d’une des premières éditions, au début du xviie siècle, montre de Serres au premier plan, avec un air de confiance distinguée. Son portrait occupe l’essentiel de l’image. Ce n’est qu’à l’arrière-plan qu’on distingue des collines ondoyantes avec des champs bien délimités et des rangées régulières de cultures. Cet homme, comme l’exprime son air assuré, règne en maître sur un domaine organisé avec méthode et n’obéit qu’à la raison et à l’appel de l’Église (protestante33).

    32Plus important encore, le mot « terroir » apparaît 87 fois dans Le Théâtre d’agriculture et de Serres affirme clairement qu’il importe avant tout de connaître son rôle déterminant car il façonne les aliments et les boissons – et plus particulièrement le vin : « Le climat et le terroir donnent le goust et la force au vin : selon leurs propriétés de telle façon qu’il n’est nullement possible, réduire en certaines espèces, la diversité des vins. D’autant qu’un mesme plant de vigne, mis en divers lieux, produira autant de différentes sortes de vin, que diversement ils seront logés34. » Comme l’avaient fait Estienne et Liébault dans leur Maison rustique, de Serres distingue des nuances macro- et microclimatiques et attribue les saveurs et qualités du vin au terroir, et non pas au cépage. Néanmoins, malgré leur modernité apparente, ces passages constituent une sorte d’aberration dans la vision globale du terroir de de Serres. En particulier, ce dernier n’insiste pas sur le rôle des causes telluriques dans les caractéristiques apparentes des produits agricoles. Il valorise plutôt la compréhension du terroir dans la mesure où elle facilite les choix culturaux du lecteur et lui permet de mettre sa vie en harmonie avec son environnement naturel35. Au lieu de porter un regard extérieur sur le terroir pour rendre compte des jugements des sens, de Serres part du sol. Le terroir le guide pour déterminer les choix de plantation. Ce regard qui part du sol met l’accent, dans le Théâtre d’agriculute, sur l’utilisation des divers « acteurs », animaux et végétaux, de chaque domaine afin de créer un résultat agricole spécifique pour le propriétaire. Il n’est donc pas superflu de s’intéresser à l’identité de ce « propriétaire » à la tête du domaine.

    Fig. 3. Portrait d’Olivier de Serres, tiré du Théâtre d’agriculture. Le « père de l’agriculture française » est représenté devant son domaine du Pradel, dans le Vivarais, qu’on peut encore visiter aujourd’hui. [Association Vivante Ardèche, château de Vogüé]

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    33De Serres postulait, et Henri IV avec lui, que l’on pouvait inciter la noblesse française à s’occuper de la production alimentaire d’une façon plus rentable et plus intelligente qu’auparavant. Pour donner de l’élévation à un livre sur l’agriculture, activité largement dédaignée par les classes supérieures, de Serres saupoudre son manuel de citations et de références tirées d’un corpus d’écrits savants allant d’Hésiode, aux viie et vie siècles av. J.-C., à Virgile et Columelle au ier siècle apr. J.-C.36. Il cite des dizaines de noms prestigieux que ses lecteurs, cultivés, étaient censés connaître. Ces citations et allusions, ainsi que des figures de style telles que la métaphore étendue et la personnification, sans oublier des descriptions nombreuses et riches en couleurs de récoltes abondantes, font de cet écrit agricole un objet dont le style est aussi séduisant que la matière est édifiante. L’édification provient aussi, en partie, du ton religieux de l’ouvrage et de la droiture morale supposée du bon ménager, qui pourvoit aux besoins de sa famille et cultive le nécessaire en fonction des différents types de terrain à sa disposition. Ainsi, de Serres parvient à légitimer le rôle de maître du domaine, tout en élevant l’agriculture et le terroir à un niveau supérieur de conscience, le tout dans un manuel agréable à lire, dont l’influence s’étendra sur des générations de lecteurs, les imprégnant de l’amour de la terre.

    34La structure même du Théâtre d’agriculture reflète une architecture tournée vers le terroir. Au lieu d’appeler les chapitres « jours », comme le fait Agostino Gallo, ou « livres » comme Estienne et Liébault, de Serres en fait des « lieux ». Il n’est pas surprenant que la première phrase, et le premier « lieu » du livre, invitent le lecteur à comprendre les qualités uniques du terroir à cultiver : « Le fondement de l’agriculture est la cognoissance du naturel des terroirs que nous voulons cultiver37. » L’exploitant rationnel, explique de Serres, sait répartir ses cultures selon le potentiel spécifique de chaque parcelle. Il recommande au lecteur d’estimer ce potentiel par la méthode qu’Estienne et Liébault avaient empruntée à Virgile et Columelle : faire macérer de la terre dans de l’eau, puis goûter celle-ci. Pour de Serres, l’agriculture doit se fonder sur une évaluation précise et une compréhension intime du sol, associées à l’objectif pragmatique d’une progression quantitative et qualitative des récoltes.

    35Malgré cette approche pragmatique et technique de l’évaluation du terroir, le lecteur perçoit rapidement le rapport étroit qui lie l’homme à la terre qu’il cultive. De Serres ne met pas l’accent sur la domination unilatérale du sujet rationnel sur la matière inanimée, mais insiste au contraire sur la relation intime et réciproque qui engage en profondeur les hommes et la terre : « Comme la terre est la mère commune et nourrice du genre humaine et tout homme désire de pouvoir y vivre commodément : de mesme, il semble que la Nature ait mis en nous, une inclination à honorer et faire cas de l’Agriculture38. » Ce passage, avec d’autres, met en valeur le lien de dépendance entre l’humanité, la nature et la terre. Cette dernière monte dans l’estime du cultivateur jusqu’à devenir une allégorie méritant le plus grand respect de l’humanité. L’auteur élève le travail de la terre et le place au niveau des images idéalisées et des normes éthiques de l’agriculture associées à la poésie hésiodique antique (de Serres se réfère à Hésiode à plusieurs reprises, citant même à un endroit six vers du poète) et aussi aux images idéalisées plus modernes de la nature telles qu’elles apparaissent chez Montaigne39. À ceci il lie une construction éthique : le lecteur est appelé à honorer la terre par le travail autant que par la compréhension de ses différentes qualités40. Plus important, de Serres réduit l’écart entre les êtres humains et le terroir qu’on rencontre chez Bodin. Ce dernier fait état très prosaïquement des effets du climat et du terroir sur les hommes et y voit des influences qui entachent et corrompent l’intégrité de leur parole et des leurs actes. Pour de Serres, qui place les hommes et la terre sur le même degré de hiérarchie, c’est exactement le contraire.

    36Cette dernière observation est confirmée, non seulement dans le titre, mais aussi dans l’esprit de l’œuvre de de Serres puisque Le Théâtre d’agriculture est de fait un « théâtre » où les végétaux et les animaux jouent tous un rôle et où l’homme de la terre est à la fois le metteur en scène assis au-dessus du décor agreste et un acteur qui interprète son personnage sur le domaine. De même que la division du livre en « lieux » met les considérations géographiques au premier plan, la langue donne vraiment vie à la terre. Ce détail n’a pas échappé aux commentateurs modernes : « L’anthropomorphisme contribue au charme du récit : les moutons se réjouissent de la luzerne, qui paraît exquise aux vaches ; il y a grande sympathie entre le bestail à laine & cestui cy à-poil, ou si la terre se délecte plus à porter du foin que du bled, son principal vise au foin41. » Cette personnification permet à de Serres d’acculturer la nature, non seulement en conférant à la terre un statut humain, mais aussi, encore une fois, en faisant appel à la sensibilité littéraire du lecteur cultivé et en n’abandonnant pas le paradigme du terroir à un contexte purement technique42. Autrement dit, même si les notions agricoles sont présentées sous la forme d’une science rationnelle, leur dimension littéraire reste importante. Si toutefois on trouve dans Le Théâtre d’agriculture certains aspects des écrits géorgiques et bucoliques de l’époque, une des différences entre de Serres et les poètes de la Pléiade est l’absence de mythologie bacchique43. De toute évidence, de Serres exclut le mythe de son ouvrage pour mieux encourager une compréhension scientifique de la terre.

    37Nonobstant cette différence, il y a bien chez de Serres ainsi que chez les poètes de la Pléiade une tendance à vouloir créer une identité sur la base de la langue régionale. Le Théâtre d’agriculture est situé dans le Vivarais et de Serres présente à ses lecteurs un lexique riche en termes régionaux variés. Il propose des énoncés provinciaux et donne des éclaircissements sur quelques variantes lexicales (par exemple « luzerne » et « sainfoin ») ou le terme qui désigne un mélange d’œillets rouges et blancs (« de rozete » ou « piquassats »), et bien souvent il préfère la version provençale au terme parisien44. À l’aube du xviie siècle, le livre de de Serres constitue donc une promenade à travers un jardin lexical qui met en relief les « fleurs », réelles ou métaphoriques, de son domaine du Vivarais. Ces variations linguistiques éclairent la richesse régionale et la diversité de la France. De même que Grandgousier ingère la France entière en avalant des spécialités aux noms divers provenant de régions éloignées, de Serres allèche le lecteur avec un méli-mélo lexical qui illustre la diversité régionale de la France, tout en valorisant la thèse sous-jacente du livre qui affirme l’importance du terroir.

    38Pour conclure cette étude de la notion de terroir à la Renaissance, nous pourrions dire que de Serres, de même que Montaigne, Bodin, Rabelais et les poètes de la Pléiade, a brossé un tableau moderne, mais qui présente des traits nettement pré-modernes. Sa modernité tient au fait que les Français reconnaissaient le rôle de la physiographie du terrain sur les saveurs. De plus, on y trouve le début d’une relation à la fois nationaliste et nostalgique entre des habitants et des lieux déterminés qui se manifeste dans la production agricole. Mais le tableau est aussi pré-moderne. En effet, concernant la nourriture, le mot « terroir » apparaît le plus souvent dans le contexte technique du choix d’une parcelle pour une culture particulière plutôt que dans le domaine de la dégustation culinaire. En réalité, les effets extérieurs du terroir semblent s’appliquer davantage aux êtres humains qu’aux saveurs. C’est chez les hommes, plus que dans les aliments, que le terroir se fait sentir. Mais surtout, les auteurs précités ont donné au mot français « terroir » une valeur plurivoque, créée et développée à partir de diverses sources, afin d’expliquer le pouvoir déterminant de la terre et du monde physique qui les entourait.

    Notes de bas de page

    1  Pour une analyse générale des rapports de Montaigne avec la nature, voir Hoffman George, « Montaigne and the investigation of Nature », in Langer Ullrich (dir.), The Cambridge Campanion to Montaigne, Cambridge, Cambridge University Press, 2006 ; Bellenger Yvonne, « Nature et naturel dans quatre chapitres des Essais », Bulletin de la Société internationale des Amis de Montaigne, 25, no 6, 1978, p. 37-49 ; Duval Edwin, « Lessons of the New World : design and meaning in Montaigne’s “Des Cannibales” and “Des Coches” », Yale French Studies, 64, 1983, p. 99-104 ; Micha Alexandre, Le Singulier Montaigne, Paris, Nizet, 1964, p. 121-133 ; Céard Jean, La Nature et les prodiges : l’insolite au xvie siècle en France, Genève, Droz, 1977. Sur Montaigne et le vin, traités indirectement dans le présent chapitre, voir Coulon Christian, La Table de Montaigne, Paris, Arléa, 2009 ; Bots Wim, « Montaigne, du boire et du manger », in Viallon-Schoneveld Marie (dir.), Le Boire et le manger au xvie siècle, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2004, p. 47-53 ; De Souza Filho et José Alexandrino, « La civilisation à la française vue d’un point de vue culinaire : le cas Montaigne », in Viallon-Schoneveld M. (dir.), Le Boire et le manger…, op. cit., p. 55-74 ; O’Brien John, « At Montaigne’s table » French Studies, 54, no 1, 2000, p. 1-16. Si Montaigne ne traite pas précisément du terroir en relation avec la nourriture, celle-ci apparaît souvent dans son œuvre comme métaphore du langage. Voir, par exemple « De la vanité des paroles », livre I, chap. 51, qui associe les artifices de la table à la langue. Les citations des Essais de Montaigne seront suivies de l’indication du livre en chiffres romains et les cas échéant du chapitre.

    2  Montaigne Michel de, Œuvres complètes, Thibaudet Albert et Rat Maurice (éd.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1962, « Des Senteurs », I, 55.

    3  Ibid.

    4  « […] la plus parfaicte senteur d’une femme, c’est ne sentir à rien, comme on dit que la meilleure odeur de ses actions c’est qu’elles soyent insensibles et sourdes. Et les bonnes senteurs estrangieres, on a raison de les tenir pour suspectes à ceux qui s’en servent, et d’estimer qu’elles soyent employées pour couvrir quelque defaut naturel de ce costé-là. » (Ibid., I, 55, p. 301.)

    5  Ibid.

    6  Ce stéréotype est demeuré intact pendant des siècles. Le Dictionnaire d’Émile Littré (1872) donne pour « scythe » : « Nom de peuples errants dans le nord de l’Europe et de l’Asie. Fig. Homme barbare, grossier. »

    7  En plus des références à la nature chez Montaigne figurant dans la note 1, voir Christo-doulou Kyriaki, « Art et nature chez Montaigne », Bulletin de la Société internationale des Amis de Montaigne, 5, nos 31-32, 1979, p. 27-32 ; Schneider Bettina, Nature und Art in Montaignes Essais, Tübingen, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1996.

    8  Montaigne Michel de, Essais, Villey Pierre et Saulnier Verdun-Louis (éd.), Paris, PUF, 1965, 3 vol., vol. 1, préface « Au lecteur », p. 2.

    9  Id., Œuvres complètes, I, 31, p. 204, « Des Cannibales ». « Des hommes frais sortis des mains des dieux » (Viri a diis recentes), Sénèque, Lettres, 90. « La nature d’abord leur imposa ces lois » (Hos natura modos primum dedit), Virgile, Géorgiques, 2, 208.

    10  Montaigne M. de, Œuvres complètes, op. cit., I, 31, p. 203.

    11  Sur l’esthétique de la pureté et du naturel dans le contexte culinaire de la Renaissance, voir le dernier chapitre de Freedman Paul, Out of the East : Spices and the Medieval Imagination, New Haven (Connecticut), Yale University Press, 2008.

    12  Montaigne M. de, Œuvres complètes, op. cit., I, 31, p. 203. On peut noter que Jean Bruyérin-Champier était d’un avis contraire. Il affirme qu’une vigne non cultivée ne peut donner de bon vin, tout en reconnaissant que certaines personnes trouvent meilleur le vin provenant d’une vigne négligée. Cf. Bruyérin-Champier J., De Re Cibaria, op. cit., p. 524.

    13  Montaigne M. de, Œuvres complètes, op. cit., II, 12, « Apologie de Raimond Sebond ». La théorie des climats est une construction politique et médicale née dans l’Antiquité. Hérodote évoque le déterminisme environnemental dans ses Histoires. La théorie fut également développée, entre autres, par Platon (Lois) et Aristote (Politique). Parmi les principales influences on compte Cicéron, Vitruve (notamment dans le livre 6 de son traité sur l’architecture) et Végèce, théoricien militaire du ive siècle de notre ère. On trouve des passages qui reprennent la position de Cicéron sur le déterminisme environnemental dans son œuvre, notamment dans De lege agraria, 295, 5, où Cicéron avance que la nature de l’individu est conditionnée par l’environnement plutôt que par la semence. « Le caractère des hommes leur vient non pas tant de l’origine et de la semence que de ces choses dont la nature même forme le cadre de vie au sein duquel nous vivons mangeons. » (Non ingenerantur hominibus mores tam a stripe generis ac seminis quam ex eis rebus quae ab ipsa natura nobis ad vitae consuetudinem suppeditantur, quibus alimur et vivimus.) Cité par Isaac Benjamin, The Invention of Racism in Classical Antiquity, Princeton (New Jersey), Princeton University Press, 2004, p. 88. Voir aussi Végèce, I, I, 321 ; I, 2, 87 ; 3, 10, 222.

    14  Voir Lenoble Robert, Esquisse d’une histoire de l’idée de nature, Paris, Albin Michel, 1969.

    15  Montaigne M. de, Œuvres complètes, op. cit., II, 12, « Apologie de Raimond Sebond ».

    16  Sur le déterminisme environnemental de Bodin et son impact, voir Lestringant Franck, Écrire le monde à la Renaissance. Quinze études sur Rabelais, Postel, Bodin et la littérature géographique, Caen, Paradigme, 1993, p. 255-275. Bernard Palissy incarne une troisième influence du déterminisme environnemental en France. Voir Palissy Bernard, « De la marne », in Œuvres complètes, Paris, Dubochet, 1844 (1re éd. 1580), p. 325-357. Si le point de vue de Bodin l’emporta sur celui de Montaigne en ce qui concerne le déterminisme climatique, les remarques de ce dernier furent reprises presque mot pour mot par Pierre Charron à la fin du siècle. Voir Charron Pierre, De la sagesse, Bordeaux, Simon Millanges, 1601, livre 1, chap. 38.

    17  Sur Tacite, voir La Germanie (De origine et situ Germanorum). Sur le déterminisme climatique, voir Krebs Christopher, AMost Dangerous Book : Tacitus’s « Germania » from the Roman Empire to the Third Reich, New York, Norton, 2011, p. 159-160.

    18  Bodin Jean, La Méthode de l’histoire, Pierre Mesnard (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1941 (1re éd. 1566), p. 667-668.

    19  Hippocrate, Air, Water, Places, traduction de William H.S. Jones, Cambridge (Massachusetts), Loeb, 2004 (1re éd. 1923), 23, 133.

    20  Bodin J., La Méthode de l’histoire, op. cit., p. 334.

    21  Ibid., p. 335.

    22  Ibid.

    23  Ibid.

    24  Ibid., p. 344.

    25  Voir Bodin Jean, Les Six Livres de la République, Frémont Christiane, Couzinet Marie-Dominique et Rochais Henri (éd.), Paris, Fayard, 1986 (1re éd. 1576), livre 5.

    26  Ibid., p. 52.

    27  Vitruve, Architecture ou Art de bien bâtir, traduction de Jean Martin, Paris, J. Gazeau, 1547, 8, 3.

    28  Voir par exemple ce passage de Bodin : « Vitruve d’ailleurs, confirme à peu près cette opinion. Dans les pays du Nord, dit-il, croissent des nations de haute taille, de teint clair, aux cheveux droits et roux, aux yeux pers, au sang généreux. » (Bodin J., La Méthode de l’histoire, op. cit, p. 75.) Voir Vitruve, Architecture…, op. cit., p. 611-612.

    29  Bodin J., Les Six Livres…, op. cit., livre 5, chap. I.

    30  Voir Argod-Dutard F., Charvet P. et Lavaud S. (dir.), Voyage aux pays du vin…, op. cit., p. 356.

    31  Anecdote rapportée par Joseph Scaliger. Voir de Serres Olivier, Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Favre Paul (éd.), Paris, L. Favre, 1873, préface de Paul Favre, p. IX. Voir aussi Vaschalde Henry, Olivier de Serres, seigneur du Pradel, Paris, Éditions Plon, 1886, p. 84.

    32  Par exemple l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art-Olivier de Serres, l’école Olivier de Serres-Carrette de Roubaix, etc.

    33  De Serres était protestant. Sur la place de la religion dans les écrits agricoles au xvie siècle, voir Duport D., Le Jardin et la nature…, op. cit., par exemple p. 194 : « La Renaissance rend à l’activité agricole sa place première dans le projet divin. »

    34  De Serres Olivier, Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Arles, Actes Sud, 2001, p. 274.

    35  Malgré cette formulation pragmatique et non esthétique, Florent Quellier, à la suite de Danièle Alexandre-Bidon, cite un passage d’Olivier de Serres sur « l’importune senteur terrestre » que la terre peut communiquer à l’eau et en conclut que ce goût de terre, apprécié à l’époque médiévale, était tombé en défaveur. Voir Quellier Florent, La Table des Français : une histoire culturelle (xve-début xixe siècle), Rennes, PUR, p. 79 ; Alexandre-Bidon Danièle, Une Archéologie du goût : céramique et consommation, Paris, Picard, 2005, p. 160-170 ; de Serres O., Le Théâtre d’agriculture…, op. cit., 2001, p. 1301. Nous pensons qu’il n’y a pas assez d’éléments chez de Serres pour en tirer des conclusions définitives.

    36  De Serres relève ce mépris de l’agriculture dans la préface du Théâtre d’agriculture : « Il y en a qui se mocquent de tous les livres d’agriculture, en nous renvoyent aux paysans sans lettres, lesquels ils disent être les seuls juges compétans dans ceste matière. » (De Serres O., Le Théâtre d’agriculture…, op. cit., 2001, p. 63.)

    37  Ibid., p. 71.

    38  Ibid., p. 59.

    39  Ibid., p. 79-80.

    40  La préface invoque Dieu que de Serres remercie pour la quantité et la diversité infinies des produits qu’il accorde à ses enfants par l’intermédiaire de la Terre.

    41  Boulaine Jean et Moreau Richard, Olivier de Serres et l’évolution de l’agriculture, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 37. La citation exacte se trouve dans De Serres O., Le Théâtre d’agriculture…, op. cit., 2001, p. 89. Les italiques sont de Boulaine et Moreau.

    42  La personnification doit beaucoup aux Géorgiques de Virgile et également à Lucrèce. Comme le précise Monica Gale dans son ouvrage sur les thèmes lucrétiens dans les Géorgiques, les sols différents ont des caractères distincts : dans le livre 2, le sol riche est « joyeux » (laeta, v. 184), alors que la craie blanche est « difficile » (difflciles, maligni, v. 179), les terres salines ou froides sont qualifiées de « mauvaises » (malus, v. 243 ; sceleratum, v. 256). Gale M., Virgil on the Nature of Things…, op. cit., p. 87. Gale explique dans une note que laeta (« fertile », « joyeux »), assez courant dans des contextes agricoles, implique ici, par un effet cumulatif, une personnification et une personnalité.

    43  Pour de Serres les références mythologiques relèvent de l’ignorance des païens. « Touchant l’inventeur du vin, nous nous arrêtons à celui que la sainte Écriture nous marque, c’est à savoir, Noé, laissant les imaginations des païens dont l’ignorance les a tant fait égarer, que confusément ils ont donné cet excellent filtre : les uns à Denys, fils de Jupiter, nommé aussi Bacchus et Pater Liber pour la liberté du vin : les autres à Icare, père de Erigone, à Saturne, à Eumolpe, et à d’autres, que je laisse avec raison. » (De Serres O., Le Théâtre d’agriculture…, op. cit., 2001, p. 270.)

    44  Ibid., p. 449 pour la référence à la luzerne, p. 884-885 pour les œillets.

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    1  Pour une analyse générale des rapports de Montaigne avec la nature, voir Hoffman George, « Montaigne and the investigation of Nature », in Langer Ullrich (dir.), The Cambridge Campanion to Montaigne, Cambridge, Cambridge University Press, 2006 ; Bellenger Yvonne, « Nature et naturel dans quatre chapitres des Essais », Bulletin de la Société internationale des Amis de Montaigne, 25, no 6, 1978, p. 37-49 ; Duval Edwin, « Lessons of the New World : design and meaning in Montaigne’s “Des Cannibales” and “Des Coches” », Yale French Studies, 64, 1983, p. 99-104 ; Micha Alexandre, Le Singulier Montaigne, Paris, Nizet, 1964, p. 121-133 ; Céard Jean, La Nature et les prodiges : l’insolite au xvie siècle en France, Genève, Droz, 1977. Sur Montaigne et le vin, traités indirectement dans le présent chapitre, voir Coulon Christian, La Table de Montaigne, Paris, Arléa, 2009 ; Bots Wim, « Montaigne, du boire et du manger », in Viallon-Schoneveld Marie (dir.), Le Boire et le manger au xvie siècle, Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 2004, p. 47-53 ; De Souza Filho et José Alexandrino, « La civilisation à la française vue d’un point de vue culinaire : le cas Montaigne », in Viallon-Schoneveld M. (dir.), Le Boire et le manger…, op. cit., p. 55-74 ; O’Brien John, « At Montaigne’s table » French Studies, 54, no 1, 2000, p. 1-16. Si Montaigne ne traite pas précisément du terroir en relation avec la nourriture, celle-ci apparaît souvent dans son œuvre comme métaphore du langage. Voir, par exemple « De la vanité des paroles », livre I, chap. 51, qui associe les artifices de la table à la langue. Les citations des Essais de Montaigne seront suivies de l’indication du livre en chiffres romains et les cas échéant du chapitre.

    2  Montaigne Michel de, Œuvres complètes, Thibaudet Albert et Rat Maurice (éd.), Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1962, « Des Senteurs », I, 55.

    3  Ibid.

    4  « […] la plus parfaicte senteur d’une femme, c’est ne sentir à rien, comme on dit que la meilleure odeur de ses actions c’est qu’elles soyent insensibles et sourdes. Et les bonnes senteurs estrangieres, on a raison de les tenir pour suspectes à ceux qui s’en servent, et d’estimer qu’elles soyent employées pour couvrir quelque defaut naturel de ce costé-là. » (Ibid., I, 55, p. 301.)

    5  Ibid.

    6  Ce stéréotype est demeuré intact pendant des siècles. Le Dictionnaire d’Émile Littré (1872) donne pour « scythe » : « Nom de peuples errants dans le nord de l’Europe et de l’Asie. Fig. Homme barbare, grossier. »

    7  En plus des références à la nature chez Montaigne figurant dans la note 1, voir Christo-doulou Kyriaki, « Art et nature chez Montaigne », Bulletin de la Société internationale des Amis de Montaigne, 5, nos 31-32, 1979, p. 27-32 ; Schneider Bettina, Nature und Art in Montaignes Essais, Tübingen, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1996.

    8  Montaigne Michel de, Essais, Villey Pierre et Saulnier Verdun-Louis (éd.), Paris, PUF, 1965, 3 vol., vol. 1, préface « Au lecteur », p. 2.

    9  Id., Œuvres complètes, I, 31, p. 204, « Des Cannibales ». « Des hommes frais sortis des mains des dieux » (Viri a diis recentes), Sénèque, Lettres, 90. « La nature d’abord leur imposa ces lois » (Hos natura modos primum dedit), Virgile, Géorgiques, 2, 208.

    10  Montaigne M. de, Œuvres complètes, op. cit., I, 31, p. 203.

    11  Sur l’esthétique de la pureté et du naturel dans le contexte culinaire de la Renaissance, voir le dernier chapitre de Freedman Paul, Out of the East : Spices and the Medieval Imagination, New Haven (Connecticut), Yale University Press, 2008.

    12  Montaigne M. de, Œuvres complètes, op. cit., I, 31, p. 203. On peut noter que Jean Bruyérin-Champier était d’un avis contraire. Il affirme qu’une vigne non cultivée ne peut donner de bon vin, tout en reconnaissant que certaines personnes trouvent meilleur le vin provenant d’une vigne négligée. Cf. Bruyérin-Champier J., De Re Cibaria, op. cit., p. 524.

    13  Montaigne M. de, Œuvres complètes, op. cit., II, 12, « Apologie de Raimond Sebond ». La théorie des climats est une construction politique et médicale née dans l’Antiquité. Hérodote évoque le déterminisme environnemental dans ses Histoires. La théorie fut également développée, entre autres, par Platon (Lois) et Aristote (Politique). Parmi les principales influences on compte Cicéron, Vitruve (notamment dans le livre 6 de son traité sur l’architecture) et Végèce, théoricien militaire du ive siècle de notre ère. On trouve des passages qui reprennent la position de Cicéron sur le déterminisme environnemental dans son œuvre, notamment dans De lege agraria, 295, 5, où Cicéron avance que la nature de l’individu est conditionnée par l’environnement plutôt que par la semence. « Le caractère des hommes leur vient non pas tant de l’origine et de la semence que de ces choses dont la nature même forme le cadre de vie au sein duquel nous vivons mangeons. » (Non ingenerantur hominibus mores tam a stripe generis ac seminis quam ex eis rebus quae ab ipsa natura nobis ad vitae consuetudinem suppeditantur, quibus alimur et vivimus.) Cité par Isaac Benjamin, The Invention of Racism in Classical Antiquity, Princeton (New Jersey), Princeton University Press, 2004, p. 88. Voir aussi Végèce, I, I, 321 ; I, 2, 87 ; 3, 10, 222.

    14  Voir Lenoble Robert, Esquisse d’une histoire de l’idée de nature, Paris, Albin Michel, 1969.

    15  Montaigne M. de, Œuvres complètes, op. cit., II, 12, « Apologie de Raimond Sebond ».

    16  Sur le déterminisme environnemental de Bodin et son impact, voir Lestringant Franck, Écrire le monde à la Renaissance. Quinze études sur Rabelais, Postel, Bodin et la littérature géographique, Caen, Paradigme, 1993, p. 255-275. Bernard Palissy incarne une troisième influence du déterminisme environnemental en France. Voir Palissy Bernard, « De la marne », in Œuvres complètes, Paris, Dubochet, 1844 (1re éd. 1580), p. 325-357. Si le point de vue de Bodin l’emporta sur celui de Montaigne en ce qui concerne le déterminisme climatique, les remarques de ce dernier furent reprises presque mot pour mot par Pierre Charron à la fin du siècle. Voir Charron Pierre, De la sagesse, Bordeaux, Simon Millanges, 1601, livre 1, chap. 38.

    17  Sur Tacite, voir La Germanie (De origine et situ Germanorum). Sur le déterminisme climatique, voir Krebs Christopher, AMost Dangerous Book : Tacitus’s « Germania » from the Roman Empire to the Third Reich, New York, Norton, 2011, p. 159-160.

    18  Bodin Jean, La Méthode de l’histoire, Pierre Mesnard (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1941 (1re éd. 1566), p. 667-668.

    19  Hippocrate, Air, Water, Places, traduction de William H.S. Jones, Cambridge (Massachusetts), Loeb, 2004 (1re éd. 1923), 23, 133.

    20  Bodin J., La Méthode de l’histoire, op. cit., p. 334.

    21  Ibid., p. 335.

    22  Ibid.

    23  Ibid.

    24  Ibid., p. 344.

    25  Voir Bodin Jean, Les Six Livres de la République, Frémont Christiane, Couzinet Marie-Dominique et Rochais Henri (éd.), Paris, Fayard, 1986 (1re éd. 1576), livre 5.

    26  Ibid., p. 52.

    27  Vitruve, Architecture ou Art de bien bâtir, traduction de Jean Martin, Paris, J. Gazeau, 1547, 8, 3.

    28  Voir par exemple ce passage de Bodin : « Vitruve d’ailleurs, confirme à peu près cette opinion. Dans les pays du Nord, dit-il, croissent des nations de haute taille, de teint clair, aux cheveux droits et roux, aux yeux pers, au sang généreux. » (Bodin J., La Méthode de l’histoire, op. cit, p. 75.) Voir Vitruve, Architecture…, op. cit., p. 611-612.

    29  Bodin J., Les Six Livres…, op. cit., livre 5, chap. I.

    30  Voir Argod-Dutard F., Charvet P. et Lavaud S. (dir.), Voyage aux pays du vin…, op. cit., p. 356.

    31  Anecdote rapportée par Joseph Scaliger. Voir de Serres Olivier, Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Favre Paul (éd.), Paris, L. Favre, 1873, préface de Paul Favre, p. IX. Voir aussi Vaschalde Henry, Olivier de Serres, seigneur du Pradel, Paris, Éditions Plon, 1886, p. 84.

    32  Par exemple l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art-Olivier de Serres, l’école Olivier de Serres-Carrette de Roubaix, etc.

    33  De Serres était protestant. Sur la place de la religion dans les écrits agricoles au xvie siècle, voir Duport D., Le Jardin et la nature…, op. cit., par exemple p. 194 : « La Renaissance rend à l’activité agricole sa place première dans le projet divin. »

    34  De Serres Olivier, Le Théâtre d’agriculture et mesnage des champs, Arles, Actes Sud, 2001, p. 274.

    35  Malgré cette formulation pragmatique et non esthétique, Florent Quellier, à la suite de Danièle Alexandre-Bidon, cite un passage d’Olivier de Serres sur « l’importune senteur terrestre » que la terre peut communiquer à l’eau et en conclut que ce goût de terre, apprécié à l’époque médiévale, était tombé en défaveur. Voir Quellier Florent, La Table des Français : une histoire culturelle (xve-début xixe siècle), Rennes, PUR, p. 79 ; Alexandre-Bidon Danièle, Une Archéologie du goût : céramique et consommation, Paris, Picard, 2005, p. 160-170 ; de Serres O., Le Théâtre d’agriculture…, op. cit., 2001, p. 1301. Nous pensons qu’il n’y a pas assez d’éléments chez de Serres pour en tirer des conclusions définitives.

    36  De Serres relève ce mépris de l’agriculture dans la préface du Théâtre d’agriculture : « Il y en a qui se mocquent de tous les livres d’agriculture, en nous renvoyent aux paysans sans lettres, lesquels ils disent être les seuls juges compétans dans ceste matière. » (De Serres O., Le Théâtre d’agriculture…, op. cit., 2001, p. 63.)

    37  Ibid., p. 71.

    38  Ibid., p. 59.

    39  Ibid., p. 79-80.

    40  La préface invoque Dieu que de Serres remercie pour la quantité et la diversité infinies des produits qu’il accorde à ses enfants par l’intermédiaire de la Terre.

    41  Boulaine Jean et Moreau Richard, Olivier de Serres et l’évolution de l’agriculture, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 37. La citation exacte se trouve dans De Serres O., Le Théâtre d’agriculture…, op. cit., 2001, p. 89. Les italiques sont de Boulaine et Moreau.

    42  La personnification doit beaucoup aux Géorgiques de Virgile et également à Lucrèce. Comme le précise Monica Gale dans son ouvrage sur les thèmes lucrétiens dans les Géorgiques, les sols différents ont des caractères distincts : dans le livre 2, le sol riche est « joyeux » (laeta, v. 184), alors que la craie blanche est « difficile » (difflciles, maligni, v. 179), les terres salines ou froides sont qualifiées de « mauvaises » (malus, v. 243 ; sceleratum, v. 256). Gale M., Virgil on the Nature of Things…, op. cit., p. 87. Gale explique dans une note que laeta (« fertile », « joyeux »), assez courant dans des contextes agricoles, implique ici, par un effet cumulatif, une personnification et une personnalité.

    43  Pour de Serres les références mythologiques relèvent de l’ignorance des païens. « Touchant l’inventeur du vin, nous nous arrêtons à celui que la sainte Écriture nous marque, c’est à savoir, Noé, laissant les imaginations des païens dont l’ignorance les a tant fait égarer, que confusément ils ont donné cet excellent filtre : les uns à Denys, fils de Jupiter, nommé aussi Bacchus et Pater Liber pour la liberté du vin : les autres à Icare, père de Erigone, à Saturne, à Eumolpe, et à d’autres, que je laisse avec raison. » (De Serres O., Le Théâtre d’agriculture…, op. cit., 2001, p. 270.)

    44  Ibid., p. 449 pour la référence à la luzerne, p. 884-885 pour les œillets.

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    • Wolikow, Serge. (2019) Palgrave Studies in Economic History A History of Wine in Europe, 19th to 20th Centuries, Volume I. DOI: 10.1007/978-3-030-27772-7_3

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