Chapitre VII
Le sacre du sucré : la diffusion d’un aliment de bon goût
p. 249-290
Texte intégral
1Grâce à la baisse des prix, les usages du sucre se modifient : le sucre quitte la boutique des apothicaires pour celle des épiciers et gagne peu à peu sa place d’aliment au cours des xviie et xviiie siècles. Le processus est long, comme l’atteste l’article « Sucre » du dictionnaire de Trévoux (1752). Le sucre est présenté comme un condiment et un médicament : il « assaisonne » les fruits, « soigne les rhumes » et il est recommandé d’en « manger au moins une livre […] par jour1 ». L’essor du goût pour le sucre a entraîné de vives controverses médicales et morales : aliment plaisir, sa consommation est un péché et certains médecins le rendent responsable de tous les maux. L’analyse des discours permet une plongée au cœur de la question du risque alimentaire. Les analogies sont fortes avec les débats qui portent sur les autres produits exotiques (ananas, café, thé, chocolat) dès lors que leur consommation devient courante2. La nouveauté n’est pas toujours un gage de réussite, dans le domaine alimentaire comme dans d’autres. J. Styles a ainsi démontré que les indiennes importées au début du xviie siècle ne conviennent pas exactement au goût anglais à cause des couleurs et des motifs utilisés3. La diffusion de nouvelles modes peut être longue et nécessiter des adaptations. Loin de faire l’unanimité, le sucre a fini par s’imposer dans les habitudes alimentaires des Européens. Détaillants, nobles, bourgeois et médecins ont participé à la composition d’une image positive du sucre. À une face sombre correspond une face lumineuse et festive, celle des banquets ornés de pièces en sucre, des boutiques de confiseurs, des salons et des cafés où le sucre accompagne les boissons exotiques, symbole de civilisation des mœurs et de bon goût, bref de distinction sociale. Il devient de bon ton de manger du sucre sous toutes ses formes. Les discours qui ont entouré sa réception permettent de comprendre comment la mode du sucre s’est répandue, malgré les controverses. Grâce au dépouillement massif des inventaires, il est possible de mesurer l’ampleur de la diffusion pour déterminer s’il s’agit d’une consommation de masse comme l’a avancé C. Shammas pour l’Angleterre au xviiie siècle4. L’étude des livres de comptes aide à peindre le portrait des consommateurs et à définir leurs comportements d’achat, en particulier pour les élites qui, suite à la diffusion de sucre, adoptent des pratiques de consommation particulières.
Un produit controversé : de la crainte à l’engouement pour le sucré
2Les Lettres de Mme de Sévigné illustrent les préventions à l’égard de deux produits souvent associés, le sucre et le café. En 1679, sur les recommandations du docteur Duchesne, la marquise persuade sa fille, Mme de Grignan, de ne plus consommer de café ou du moins de ne le sucrer qu’avec du miel, à cause des vertus échauffantes du sucre5. Dix ans plus tard, elle lui confie qu’elle boit chaque jour du café au lait sucré, y compris pendant le Carême6. Pour se justifier, elle cite les médecins du Bois et d’Aliot qui en encouragent l’usage pour les malades de la poitrine. Sa correspondance révèle les désaccords entre médecins et les hésitations des consommateurs sur la potentielle dangerosité des nouveaux produits. Le cœur de la controverse gît dans la tension entre goût et diététique. Alors que dans le monde arabe les cuisiniers s’efforcent de suivre les prescriptions diététiques, en France le discours médical a servi a posteriori à justifier de nouvelles habitudes alimentaires et à parer les plaisirs gourmands de vertus thérapeutiques7. Comme pour les fruits, l’engouement des élites a influencé le discours médical et fait taire les anciennes prescriptions diététiques qui leur étaient hostiles8. L’image positive du sucre a fini par conquérir l’opinion malgré les craintes qui provenaient à la fois des procédés de fabrication et des caractéristiques naturelles attribuées au sucre. Sa diffusion a même été appuyée par le discours médical dominant qui insistait sur ses bienfaits.
Des procédés de fabrication jugés dangereux
3Le raffinage et la confiserie inquiètent les médecins et les consommateurs à cause des produits chimiques utilisés. Les peurs alimentaires sont bien connues pour les produits de première nécessité comme le pain, la viande et le vin, dont le commerce est réglementé ; elles le sont moins pour les articles de luxe comme le sucre, bien que les autorités aient aussi tenté d’intervenir.
4La principale crainte porte sur la présence de métaux dangereux comme le cuivre, très présent dans les ustensiles de raffinage. La peur des métaux a touché d’autres secteurs alimentaires : les négociants trafiquaient le vin en ajoutant de la litharge ou du plomb pour augmenter sa douceur et de la chaux vive pour le rendre rouge rubis9. Dès 1750, l’utilisation du cuivre a soulevé les interrogations des médecins de l’Académie royale des sciences qui recommandent l’interdiction des récipients fabriqués dans ce métal.
Le poison du verd-de-gris est universellement connu. Les plus petits écoliers sçavent fort bien ce que c’est : ils frémissent en le voyant ; ils le montrent au doigt : il est donc surprenant que la plupart des hommes semblent vouloir guérir les enfants d’une juste opinion qu’ils leur ont inspirée eux-mêmes les premiers. En effet, les boulangers, les brasseurs de bierre, les femmes qui vendent le lait dans les rues, se servent de vaisseaux de cuivre. Le sel, le sucre, les fruits, la viande & presque tous les alimens sont pesez dans des balances de cuivre : presque toutes les préparations s’en font dans des vaisseaux de cuivre.10
5Le cuivre est utilisé car il est réputé plus résistant que le fer, facilite la cuisson uniforme des aliments et conserve la couleur naturelle des fruits confits. Mais le vert-de-gris, produit par la combustion des aliments, est toxique ; il provoque des empoisonnements que les contemporains nomment les « coliques métalliques », incidents largement relayés par la presse et à l’origine d’innovations comme le plaquage en or et en argent de la vaisselle11. En 1777, l’État s’empare de la question et interdit l’usage du cuivre et du plomb aux marchands de vins, laitiers, regrattiers de sel et débitants de tabac mais ne mentionne pas les métiers liés au sucre12. La salubrité des friandises devient pourtant un argument de vente des pâtissiers et confiseurs qui mettent en avant leurs conditions de fabrications « loyales » et saines. Dans l’Almanach des gourmands, le pâtissier Delormel assure qu’il n’utilise plus de cuivre13. Delormel fait exception parmi ses confrères. Un article des pharmaciens Bayen et Charlard, paru dans le Journal de littérature, des sciences et des arts en 1781, réaffirme sa dangerosité mais confirme son utilisation par les gens de l’art.
Toutes les confitures sèches & liquides, les dragées de toutes espèces, enfin toutes les préparations de sucre se font dans des bassins de cuivre non étamé, & il seroit très difficile, pour ne pas dire impossible d’amener les confiseurs à changer leur méthode […]. Il est encore d’autres vaisseaux d’une énorme capacité que l’on ne peut faire qu’avec le cuivre, telles sont les chaudières employées dans les brasseries & dans les raffineries de sucre.14
6Le goût pour les confitures et les friandises sucrées s’est tant développé qu’il l’emporte sur le principe de précaution ; malgré les risques encourus, le cuivre fait toujours partie des batteries de cuisine à la fin du xviiie siècle. En l’an II, tous les ustensiles du confiseur liquoriste angevin Boulet sont en cuivre, l’alambic, les bassines et les poêlons, le tout estimé à 257 livres tournois15. Dans la raffinerie orléanaise Vandebergue, dont l’inventaire détaille les ustensiles en fonction des matériaux, le fer est peu utilisé tandis que le cuivre et le plomb dominent : les six chaudières, les « écumeresses » et les cuillères sont en cuivre tandis que le plomb sert de table à toutes les chaudières et aux « conduits des tuyaux tant pour les baques à formes que pour les bacs à terre et à chaux16 ». Le fer, pourtant conseillé par les médecins, sert surtout de « châssis », c’est-à-dire de support et non de contenant. Selon les pharmaciens Bayen et Charlard, les maîtres de métier lui reprochent de donner du goût aux aliments et d’altérer leur couleur. Or, on l’a vu, les raffineurs sont très soucieux de la blancheur des sucres raffinés.
Le luxe & la peur des mauvais effets du cuivre ont tenté d’introduire dans ces cuisines, l’un les casseroles d’argent, l’autre les casseroles de fer battu ; les cuisiniers les ont repoussées, sous prétexte que l’argent s’échauffe trop & garde trop longtemps sa chaleur, & que le fer battu noircit les sauces, & donne aux ragoûts une saveur ferrugineuse.17
7L’éventuelle nocivité de la chaux, employée pour clarifier le sucre, est balayée d’un revers de plume par le pharmacien Prozet dans son Mémoire où l’on examine quelles sont les causes qui ont mérité au sucre raffiné à Orléans la préférence sur celui des autres raffineries du royaume (1787) : « un léger excédent de cette dernière ne lui est pas nuisible, & qu’il lui est même nécessaire18 ». Selon l’avocat Jollin, qui s’érige en défenseur des intérêts des raffineurs orléanais, la chaux est utilisée en trop petite quantité pour rendre le sucre insalubre19. La multiplication des témoignages sur la dangerosité de plusieurs produits a conduit à une banalisation des peurs qui expliquerait l’inertie des pouvoirs publics selon M. Ferrières20. L’absence de solutions satisfaisantes pour remplacer les produits nocifs et l’utilisation courante du cuivre peuvent aussi justifier la faible réglementation du secteur. La politique royale à l’égard des colorants de confiserie confirme l’hypothèse. L’État réglemente strictement le métier car les artisans utilisent, à la place d’articles naturels, des produits chimiques nouveaux, inconnus du grand public.
8Les boutiques de confiseurs s’apparentent à des cabinets de poisons. En 1727, l’office de Simon Landeau à Angers contient de la « cendre gravelée », du « vermillon », du « vers-de-gris » et des « mines de plomb rouge21 ». Le vermillon, colorant chimique nocif pour la santé, permet d’obtenir un rouge plus franc qu’avec la cochenille, produit naturel. Les glaces sont particulièrement touchées par la mode des colorants chimiques. La congélation des fruits modifie leur couleur et seul le meilleur des artisans sait leur redonner leur teinte naturelle. C’est la recherche d’un effet authentique qui conduit les maîtres à la falsification et au maquillage. Leur souci d’imiter la nature les conduit à délaisser les colorants naturels au profit de produits chimiques, l’évocation passe par l’artifice. Les pouvoirs publics ont essayé d’encadrer les pratiques des artisans. En 1741, le lieutenant général de police de la ville de Paris interdit une liste de produits colorants.
Sur ce qui nous a été représenté par le procureur du Roi, que quelques confiseurs, officiers de maisons, même des traiteurs & autres gens, qui par leur état & profession font emploi de sucre, voulant imiter les fleurs, les fruits, les feuilles, les oiseaux, & toutes sortes de figures d’animaux, pour orner leurs desserts, emploient pour leur donner la couleur naturelle & pour colorer leurs pastilles & les fruits glacés, toutes sortes de matières colorantes, mêmes des substances nuisibles & dangereuses à la santé, comme la gomme gutte, les cendres bleues, le bleu d’azur, les préparations de cuivre, les cendres ou chaux de plomb, telles que le massicot, le minium, ou ce que l’on nomme le vermillon, & même l’orpiment ; matières qu’emploient les peintres, mais qui sont dangereuses & très-nuisibles à la santé ; au lieu de se servir de sucs des plantes & de matières non suspectes servant aux teintures, comme la cochenille, les safrans, la gaude, le curcuma, le tournesol, l’indigo & autres dont il n’y a rien à craindre ; quoique ces sortes de desserts ainsi colorés soient plus faits pour servir à la décoration que pour être consommés, cependant on en mange souvent, & on en donne surtout aux enfants ; qu’il lui est revenu qu’il en étoit déjà arrivé différents accidents, & qu’il se croyait obligé de nous en prévenir, afin qu’il fût par nous pourvu.22
9L’ordonnance de police souligne l’analogie entre peintres et confiseurs. Ces derniers revendiquent le statut d’artistes et, à l’image de leurs confrères, peignent leurs compositions en sucre avec des couleurs vives. Le risque alimentaire naît du brouillage des frontières entre l’art pictural et l’art culinaire, et c’est ce qui a conduit le lieutenant de police à marquer les différences : n’en déplaise aux artisans, la confiserie n’est pas un art, les compositions en sucre sont destinées à être ingérées et donc soumises à une réglementation sévère. Les pigments qui servent à obtenir les dégradés de rouge, orange et jaune sont les plus dangereux : le vermillon est un mélange de mercure et de soufre, l’orpiment un sulfure d’arsenic, le massicot et le minium contiennent du plomb. Les autorités sont d’autant plus réticentes à l’égard de ces colorants qu’ils sont nouveaux23. La peur du risque se nourrit aussi d’un argumentaire hostile aux gens de métier, perçus comme fraudeurs. Les industriels innovateurs ont souvent relayé ce discours pour s’octroyer des privilèges aux dépens des artisans24. Malgré la suspicion, l’action de l’État est limitée et les ordonnances ne sont pas respectées. Les boutiquiers continuent d’employer des produits nocifs : en 1781, le Nantais François Monneau utilise un oxyde de plomb, la « litharge », pour colorer en jaune les dragées25. En 1751, dans son manuel destiné aux confiseurs, Le Cannameliste français, J. Gilliers cite la « gomme gutte », le « vermillon » et l’« orpiment » bien qu’ils ne fassent pas partie des colorants les plus utilisés26. Le premier, inoffensif, est une résine utilisée comme laxatif et pigment jaune foncé, mais les deux autres sont dangereux. Pourtant, les craintes des consommateurs ont été prises en compte par les artisans ; soucieux de conserver leur clientèle, ils mettent en avant les colorants naturels. À l’article « Couleurs », J. Gilliers mentionne « la cochenille, l’indigo, le carmin, la gomme-gutte, le safran, le verd-de-vessie et le noir d’yvoire », des pigments tirés de plantes ou d’animaux27. Certains utilisent même la controverse sur l’artifice pour promouvoir leurs produits. Emy, l’auteur d’un traité sur la confection des glaces, appelle à un art plus naturel et déconseille l’usage de colorants28.
Quoique je donne la manière de peindre & de colorer les fruits glacés, c’est-à-dire, leur donner couleur naturelle, comme ils l’ont avant leurs congélations, il est bon d’avertir que les fruits peints ne plaisent qu’à la vue, & non au goût, parce que les maîtres craignent que l’on y ait employé de mauvaises couleurs, attendu qu’il y en a quantité qui sont considérées comme poison, ce qui fait qu’on ne prend les glaces peintes qu’avec appréhension […]. Il est très gracieux pour le Maître, comme pour l’officier, d’avoir un beau service de ces précieuses congelations, mais aussi il ne faut point flatter la vue & répugner le cœur ; ce qui est fait pour manger, doit inspirer du désir, & non pas de la crainte. Malgré tout cela, je donne la manière de préparer les couleurs, pour que le lecteur ne soit point dans l’embarras, si l’on lui demande des fruits glacés & peints au naturel.
10Dépendant de la mode, il ne perd pas le sens des affaires et propose des alternatives naturelles pour colorer les glaces. Sous sa plume, la glace peinte considérée par ses confrères comme une œuvre d’art s’apparente à une duperie. Maquillée, elle n’est plus bonne au goût mais seulement à la vue.
11Lorsqu’elles ne sont pas considérées comme des poisons, les compositions de sucre sont perçues par les plus critiques comme des miroirs aux alouettes confectionnés pour attirer les gourmands dépensiers. Le goût démesuré pour le sucre attire les foudres de certains auteurs, médecins, religieux ou simples observateurs des mœurs.
Les méfaits d’une consommation excessive de sucre : le jugement médical et moral
12En 1798, dans son Nouveau Paris, L.-S. Mercier critique la débauche de luxe occasionnée par le jour de l’an dans les boutiques de confiseur29. Il concentre ses attaques sur la démesure, l’indécence de cette consommation et, au détour de l’article, lance une charge virulente contre l’esclavage.
Hélas ! nous nous vantons d’être libres, et nous admirons de sang-froid des champignons de sucre, des châteaux de sucre, des pots de fleurs de sucre, des boudoirs de sucre, et nous oublions que le sucre, que l’on emploie avec une étonnante profusion, a fait inventer la traite des Nègres, et que tandis que nous le savourons avec délices, il coûte encore des coups de fouet, des larmes et du sang au Nègre esclave.
13La position du chroniqueur est rare car la critique de l’esclavage émerge tardivement en France ; les condamnations des philosophes des Lumières restent mesurées. Conscients des enjeux économiques et des nouvelles habitudes alimentaires de l’élite à laquelle ils appartiennent, leurs protestations contre la traite, selon Y. Bénot, se limitent à des revendications humanitaires30. Diderot, Voltaire, Bernardin de Saint-Pierre ou le chevalier de Jaucourt dénoncent l’immoralité des modes de production sans appeler au boycott comme ce fut le cas en Angleterre avec la création de l’Anti-Saccharite Society en 179231. Le cœur du discours porte sur le statut des esclaves, la responsabilité des consommateurs et l’utilité de l’économie du luxe. Le débat a peu touché les consommateurs : la littérature populaire mentionne rarement l’esclavage, les almanachs l’évoquent seulement à la fin du xviiie siècle et le thème est absent des livres de la « Bibliothèque bleue32 ». Si les débats sur l’esclavage ne concernent qu’une minorité éclairée, les controverses médicales et religieuses sur le sucre traversent toute la société. À l’époque moderne, une grande partie des pratiques culinaires sont dictées par la diététique33. Aux condamnations médicales s’ajoute un jugement moral car la consommation excessive de sucre est un péché de gourmandise. Un discours saccharophobe émerge au moment où le sucre devient commun en Europe34.
14Alors que le sucre est connu depuis la période médiévale, les médecins restent circonspects sur sa nature car les Anciens n’ont pas défini précisément ses vices et ses vertus. Dans les grands textes diététiques arabes, inspirés des encyclopédies médicales du monde classique méditerranéen, seul Ibn Khalsûn évoque la canne à sucre dans son Kitâb al-Agdiya (Livre des aliments, xiiie siècle35). Dans le Traité des aliments de caresme (1713), le docteur et régent de la faculté de médecine de Paris, Andry, rappelle que le sucre était connu des Anciens mais qu’il n’était pas raffiné, d’où la difficulté à définir ses qualités36. Pour combler le silence des traités médicaux précédents, les auteurs de la période moderne comparent le sucre avec le miel, mieux connu37. Plusieurs médecins proscrivent son usage et s’inspirent de la médecine chimique développée par Paracelse (1493-1541), un des précurseurs de la toxicologie grâce à ses travaux sur les poisons. C’est un farouche opposant de la théorie des humeurs : pour lui, le corps peut être soigné grâce aux propriétés chimiques des aliments mais certains sont mauvais par nature et doivent être proscrits, comme le sucre. Joseph Duchesne, médecin ordinaire du roi Henri IV, emprunte des éléments de la médecine paracelsienne et compare le sucre à de l’acide nitrique38.
Tous les grands mangeurs de sucre & de confitures se brûlent le sang, & sont communément alterez, & leurs dents s’en corrompent […]. Il est principalement nuisible aux jeunes gens, & qui sont d’une complexion chaude et bilieuse […]. Le sucre souz sa blancheur cache une grande noirceur, & souz sa douceur une acrimonie fort grande, & qui égale celle de l’eau fort.39
15La position de Duchesne est présente dans le discours médical jusqu’au début du xviiie siècle. On la retrouve dans la virulente charge du médecin Hecquet en 1709. Opposé à la médecine galéniste, Hecquet réfute les éventuels bienfaits du sucre : « acide », il « s’aigrit » vite et peut se transformer en « puissant arsenic40 ». Il le rend coupable de tous les maux : il gâte les dents, altère les poumons et provoque les épidémies de scorbut. Il recommande donc son interdiction. Au tournant du xviiie siècle, les médecins français hésitent encore sur les effets néfastes du sucre mais Hecquet paraît isolé ; des avis aussi tranchés paraissent plus courants en Angleterre, tels ceux de Thomas Willis41.
16En France, les galénistes, défenseurs de la théorie humorale soutenue par Hippocrate, sont les plus nombreux et admettent les vertus du sucre malgré les désordres qu’il peut entraîner. Ils le classent parmi les aliments chauds et humides et recommandent une consommation mesurée42. Un article de la Gazette de santé accuse le sucre de faire maigrir car il est « propre à diminuer la graisse43 ». Pour le médecin Lemery, il « provoque un peu les vapeurs ; il se tourne facilement en bile ; il cause des maux de dents ; il les noircit et les échauffe beaucoup quand on s’en sert avec excès ». De son côté, Andry observe que « le sucre nuit aux viscères44 ». Tous deux recommandent l’usage du sucre dans certains cas mais condamnent sa consommation excessive.
17Les médecins sont les premiers à relayer le jugement moral : ils condamnent le glissement des usages qui s’est opéré du soin au plaisir. L’aliment est autorisé pendant les périodes de jeûne car il est considéré comme une drogue mais sa consommation n’est plus acceptable quand le but est le seul plaisir de la gourmandise. Andry réprouve avec virulence sa consommation pendant le Carême.
Il n’étoit usité que dans la Medecine ; & il seroit à souhaiter pour la santé des hommes, qu’il ne se fût introduit sur les tables, où il est devenu si fréquent, qu’il n’y a presque plus de mets où il n’entre. On ne se contente pas même d’user de sucre dans les repas, on porte sur soi des sucreries de toutes sortes, pour en pouvoir manger à toute heure ; on y accoutume même les enfants, & on expose par-là leurs corps tendres & délicats à une infinité de maladies. Mais un abus qu’on ne sçauroit passer ici sous silence, c’est que les collations de Carême ne consistent presque plus qu’en ces sortes de délicatesses, non seulement peu convenables dans un temps où l’on est plus particulièrement obligé de mortifier son goût, mais encore très contraires à la santé par l’impression de feu qu’elles laissent dans le sang.45
18La gourmandise est assimilée à la sexualité pour ses liens avec le plaisir. Selon C.-L. Strauss, partout dans le monde, les hommes associent l’acte sexuel et le repas, à tel point que de nombreuses sociétés ont un seul mot pour désigner les deux fonctions biologiques vitales46. Les romans et les ouvrages de cuisine présentent les femmes comme des gourmandes invétérées. Leur goût exagéré pour le sucre devient alors une preuve de leur frénésie sexuelle, d’où l’association classique du sucre, des femmes et du libertinage. L’article « Friandises » du Dictionnaire universel de Furetière le reflète bien : « on dit proverbialement, qu’une femme a le nez tourné à la friandise, pour dire, qu’elle a la mine, la physionomie d’estre amoureuse47 ». Fournel, l’auteur du Traité de la séduction considérée dans l’ordre judiciaire (1781), rapporte qu’à Toulouse, une femme condamnée pour proxénétisme fut conduite à travers la ville et coiffée « d’un casque fait en pain de sucre, orné de beaucoup de plumes & et de petites sonnettes ou grelots, avec un écriteau attaché derrière le dos, où sont écrits ces mots Maquerelle publique48 ». Le sucre symbolise la tentation et le plaisir coupable, même si Fournel ajoute que la punition n’est plus guère usitée : à Paris, la coiffe est remplacée par un chapeau de paille et une promenade infâmante sur un âne. Les romanciers associent libertinage et goût excessif pour les plaisirs de la table et les mets sucrés. Dans Le pied de Fanchette (1769), de Restif de la Bretonne, Apatéon, le tuteur libidineux de Fanchette, après avoir enlevé sa pupille dans un but peu charitable, se repaît de viande, de vin et d’une multitude de confitures49. De son côté, la position de l’Église catholique est ambiguë car de nombreuses communautés religieuses produisent des sucreries. Pourtant, la consommation de friandises s’apparente à de la gourmandise, un péché capital50. Si certains prédicateurs acceptent les festins ponctuels, comme Molinier, d’autres, plus nombreux dans la deuxième moitié du xviiie siècle, se montrent plus sévères51. Le jésuite Houdry, qui rédige un sermon sur « l’intempérance dans le boire et le manger », critique les cuisiniers qui consacrent un temps excessif à la confection de mets délicats où l’artifice l’emporte sur la nature52. L’attitude du gourmet, qui se délecte à manger, est critiquée par l’Église mais les confesseurs peinent à définir le seuil du plaisir coupable. Le docteur en théologie Pontas, auteur du Dictionnaire des cas de conscience (1715), réédité à de nombreuses reprises au cours du siècle, aborde le cas d’une jeune femme, Théodelinde, et de son goût pour le sucré, au chapitre des cas d’intempérance.
Cas I. Théodelinde, jeune fille de 16 ans, mange souvent des fruits du jardin de la maison de son père, ou des confitures que l’on fait chez elle, ou enfin d’autres choses qui lui paroissent délicates, seulement pour contenter son goût. Peche-t-elle en cela par intempérance ?
R[éponse]. Ce n’est point un péché de manger avec plaisir une chose qu’on trouve agréable au goût, puisque ce plaisir est un moyen que la nature nous a donné pour nous porter à faire les actions nécessaires à la conservation de notre vie ; mais il n’est jamais permis d’en faire la fin de ses actions, en agissant pour la volupté […].53
19La réponse de Pontas illustre la position ambivalente de l’Église : elle déculpabilise les gourmands car le plaisir de manger amène les hommes à s’alimenter et se maintenir en vie, mais la seule recherche du plaisir reste un péché54. L’Église fait preuve d’une certaine souplesse envers la bonne chère, comme le montrent ses hésitations sur le rang de la gourmandise (en 4e ou 5e position) dans la liste des sept péchés capitaux55. Seul l’excès provoque réellement le courroux des médecins et des religieux. La consommation modérée de sucre est justifiée par le corps médical ; son statut de médicament autorise un usage régulier. Le sucre s’impose dans la pharmacopée et sur les tables des Français, et les voix discordantes qui le condamnaient finissent par s’essouffler.
Un discours dominant favorable à la consommation de sucre
20Depuis la période médiévale, le sucre est vendu sous forme de sirops, de juleps ou de confitures par les apothicaires56. Il est recommandé pour les personnes âgées ou malades car ses qualités nutritives sont censées redonner des forces. Au xviie siècle, il est encore déconseillé aux enfants et aux adolescents au tempérament chaud puis, au siècle suivant, ses bienfaits tendent à devenir universels. Même le discours virulent de Philippe Hecquet s’est adouci depuis la publication du Traité des dispenses du carême (1709) : dans La médecine, la chirurgie et la pharmacie des pauvres (1740), le médecin prescrit de l’eau sucrée aux nourrissons et une potion fortifiante à base de sucre pour les malades57. En 1791, Jacques-François Dutrône, dans son Précis sur la canne, s’érige contre les médecins qui ont privé une partie de leurs malades de ses bienfaits58. Pour apprécier l’évolution des discours médicaux, devenus favorables au sucre, il suffit d’examiner les vertus thérapeutiques qui lui sont désormais attribuées.
21À écouter la majorité des médecins du xviiie siècle, le sucre est irremplaçable à condition de le consommer en petites quantités : il enrichit le régime alimentaire et soigne une multitude de maladies. Les soupçons sur ses effets néfastes tombent à tel point que le médecin Hébert, dans Le citoyen dentiste (1778), recommande son usage sous forme de hochet pour soigner les dents des enfants59. L’examen de treize manuels médicaux et ouvrages consacrés au sucre, parus de 1694 à 1791, montre l’augmentation des maladies soignées par le sucre. L’Histoire générale des drogues (1694) et le Traité des aliments (1705) de Pomet et Lemery cantonnent le sucre à la guérison des rhumes, des maux de poitrine et à la conservation des médicaments sous forme de dragées. Puis, lentement, l’éventail des maladies s’élargit. En 1713, Andry trouve le sucre pertinent pour soigner les calculs rénaux, « la gravelle », et les œdèmes, « l’hydropisie » ; en 1719, Quélus révèle ses vertus cicatrisantes dans les cas de gangrène et son efficacité pour soigner les vers et les ulcères. Chaque traité médical suivant ajoute une vertu à la liste : le sucre soigne les dents, les coliques et permet de combattre les « fièvres putrides ». Les discours médicaux pénètrent la population. Dans le manuel médical le plus populaire au milieu du siècle, le Dictionnaire portatif de santé (1759), l’auteur Vandermonde cite sept grands types de maladies guéries grâce au sucre60. Nutritif, il permet de fortifier les nourrissons, cicatrise les plaies et a fait ses preuves contre les coliques, les diarrhées, les maux d’estomac et les convulsions. La variété des usages médicaux s’accompagne d’une plus grande diversité des patients, des vieillards aux enfants ; tous sont encouragés à le consommer. À partir du milieu du siècle, des chapitres entiers sont consacrés aux bienfaits du sucre sur les enfants, ce qui était impensable au xviie siècle. L’eau sucrée est recommandée aux nourrissons que les mères ne peuvent allaiter. Des hagiographies du sucre relatent l’histoire de vies sauvées ou prolongées grâce à lui. Dans la Gazette de santé (1786), le chirurgien Imbert de Lonnes relate ses effets bénéfiques sur le scorbut des marins ; en 1709, Hecquet affirmait au contraire que le sucre le provoquait61. Le récit à la gloire du sucre est plausible car les molécules du sucre sont proches de la vitamine C, seul remède contre le scorbut.
22Les écrits médicaux influencent directement les usages populaires. Les actes de la pratique confirment la grande utilisation du sucre dans les hôpitaux. Au xviiie siècle, la cassonade est mentionnée dans la moitié des hôpitaux aquitains62. Dans la vallée ligérienne, les hôpitaux angevins sont aussi gourmands en sucre. C’est le troisième ingrédient le plus utilisé après le vin et l’eau-de-vie dans les livres de l’apothicairerie de l’Hôtel-Dieu d’Angers63. Les recettes rédigées par les sœurs de la charité mentionnent des usages nouveaux par rapport aux traités médicaux : le sucre est recommandé pour soigner la dysenterie, les fièvres, les ulcères du poumon, l’asthme et les inflammations des yeux64. De petites douceurs sont servies pour donner de l’appétit aux malades lors de la collation de 14 heures. La pratique est aussi attestée à Nantes. En juin 1665, le règlement de l’Hôtel-Dieu détaille les obligations des sœurs et le déroulement d’une journée : outre les repas, composés pour l’essentiel de vin, de pain et de bouillon de viande, le règlement mentionne la collation sucrée de 14 heures, plus substantielle pour les « débilles », ceux qui ont perdu l’appétit65. L’habitude est critiquée et, en 1785, les médecins angevins se plaignent du dérèglement des heures des repas à cause des cadeaux sucrés faits par les sœurs : elles offrent des parts de gâteaux aux convalescents qui les aident à entretenir l’Hôtel-Dieu. Selon les médecins, « tous les jours les lits des malades sont fournis de vins, de liqueurs, de biscuits, de pains et de fruits66 ». À la fin du siècle, le sucre est devenu si indispensable que la loi du Maximum impose sa réquisition pour les malades. Le commissaire national Mozenne, envoyé par la commission des Subsistances à Orléans, encadre les ventes des raffineurs et rappelle qu’il est « essentiel de n’user de cette denrée que pour les besoins les plus pressants67 ». L’année suivante, quatre millions de livres de sucre terré et de sucre brut sont réquisitionnés à Nantes par l’État « pour approvisionner Paris, les hôpitaux militaires et les autres hospices d’humanité68 ». Les commandes émanent de corps de ville des communes environnantes, de directeurs d’hôpitaux ou de manufactures, dépourvus de sucre et qui craignent pour la santé des malades et des ouvriers. Les suppliques des médecins reçoivent l’écoute attentive de Mozenne qui envoie les commissaires de police chez les raffineurs pour hâter les livraisons.
23Au xviiie siècle, le sucre triomphe dans les cuisines mais reste présent dans les pharmacopées : le plaisir gourmand, contrairement à l’idée avancée par P. Dockès, ne remplace pas l’utilisation thérapeutique première69. Aux arguments médicaux s’ajoutent les plaisirs gustatifs, le sucre est bon car il réjouit le palais et corrige certains maux. Les opposants se font moins entendre et se limitent à une condamnation morale de l’excès. La caution scientifique encourage sa consommation, à tel point qu’en 1830, l’Encyclopédie méthodique de médecine le considère comme un produit de première nécessité qui se serait répandu dans les foyers. Si ces propos appellent quelques nuances, le sucre s’est largement diffusé dans la société française malgré les controverses initiales.
La mesure du goût pour le sucre : vers une démocratisation
24Dans son journal, le bourgeois de Paris Célestin Guittard de Floriban relate les émeutes populaires liées à la hausse du prix du sucre pendant la Révolution.
De Janvier 1792 – 21 samedi. Le sucre depuis 15 jours est augmenté de 30 s. de façon qu’il est à un écu la livre depuis trois jours, ce qui ne s’est jamais vu ; hier et aujourd’hui le peuple s’est porté à un magasin près les Gobelins et ont fait donner le sucre à 22 et 24 s. mais on n’a rien pillé. Le Maire s’y est transporté aujourd’hui pour apaiser le peuple.70
25L’épisode souligne la démocratisation du sucre car le faubourg Saint-Marcel, théâtre des émeutes, est l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale71. Mais l’indice est mince pour apprécier l’ampleur de la diffusion du produit colonial dans la société française car l’épisode a lieu dans la capitale et il est difficile de préciser les contours du « peuple » évoqué. Quelques historiens ont essayé de quantifier la consommation moyenne par habitant grâce aux chiffres de la production et de l’exportation de sucre. Leurs estimations s’avèrent, de leur propre aveu, assez décevantes, faute de sources précises. S’ils s’accordent sur la forte consommation des Anglais et plus généralement des Européens par rapport aux Français, tous n’avancent pas les mêmes chiffres. En Europe, la consommation moyenne par an et par habitant est estimée à 12 livres en 1780 ; en Angleterre, elle varie entre 12 et 21 livres et en France, elle serait de 1,5 à 4 livres72. En s’appuyant sur les mémoires du temps, on arrive à une évaluation proche de celle de R. Stein pour la France, soit deux livres par an dans les années 178073. Mais l’estimation est insuffisante car elle ne permet pas de saisir les rythmes de la croissance et les disparités sociales et géographiques de la consommation. Si la demande parisienne s’élèverait, selon les chiffres de Lavoisier, à près de onze livres par personne en 1784, la consommation provinciale reste méconnue74. Elle est pourtant indispensable pour prendre la mesure de la diffusion du sucre en France. Afin d’établir si le produit est devenu un objet de consommation courante, comme l’a avancé C. Shammas pour l’Angleterre, les deux aspects de la distribution du sucre seront étudiés : la diffusion dans les foyers, grâce à l’analyse d’un vaste échantillon d’inventaires après décès, et les pratiques d’achat, à travers les livres de comptes et les livres de raison75.
Portraits de gourmands : la diffusion sociale et spatiale du sucré
26La diffusion de nouvelles habitudes de consommation a suscité l’intérêt des historiens, notamment depuis les travaux de P. Bourdieu76. Pour le sociologue, les goûts et les dégoûts des individus dépendent de leur statut social. Les classes sociales dominées et dominantes se livrent une lutte symbolique pour posséder le capital culturel ; les plus modestes se lancent dans une course effrénée pour imiter le supposé bon goût des élites qui, en retour, inventent de nouveaux moyens pour se distinguer des catégories sociales populaires. Une des hypothèses dominantes de l’historiographie est d’admettre la diffusion par le haut des nouvelles pratiques : les manières de tables et les modes de la société de cour se répandraient dans toute la société77. D. Roche a montré que les domestiques cherchaient à imiter leurs maîtres78. G. Lévi appelle à nuancer ce schéma ; selon lui, il existe plutôt des sphères de consommation séparées en fonction des corps de la société79. Dans le secteur des cosmétiques, C. Lanoë a découvert que l’adoption massive de la poudre, instrument de propreté, par les commerçants et les artisans ne relevait pas d’une volonté d’imiter les consommations aristocratiques mais du souci de s’intégrer et d’affirmer son appartenance à la communauté80. Les historiens se sont aussi opposés sur le rôle de la fortune dans la diffusion de nouveaux modes de consommation. C. Shammas accorde un rôle prépondérant à la richesse ; L. Weatherill insiste sur le rôle de la profession et la proximité d’un marché urbain81. Les études de cette dernière ont remis en cause le modèle de diffusion par imitation mais restent peu reprises82. Il s’agit de mener l’enquête sur les mécanismes de diffusion des produits coloniaux : quels facteurs principaux déterminent l’essor de la demande de sucre ? À la manière des historiens de la culture matérielle, les inventaires après décès sont utilisés pour mettre en évidence la modification des pratiques alimentaires des Français. Après avoir mesuré l’essor de la consommation au cours du xviiie siècle, il s’agira de déterminer quels sont les espaces et les classes sociales les plus touchés par la mode.
27Seuls les inventaires après décès des habitants de la capitale ont fait l’objet de dépouillements massifs. D. Roche et A. Pardailhé-Galabrun les ont utilisés pour comprendre les profonds bouleversements du cadre de vie des Parisiens. Les villes de province et les campagnes restent en grande partie des territoires vierges où l’on ne dispose pas d’indicateurs fiables sur la diffusion des nouveaux objets de consommation. Le retard de l’historiographie française est grand par rapport à l’Angleterre où les chercheurs ont recouru massivement à cette source, y compris dans les régions les plus reculées. Pour mesurer, la pénétration des produits exotiques, près de 1 300 inventaires ont été dépouillés pour deux périodes, de 1679 à 1690, au moment du décollage de l’activité sucrière, et de 1779 à 1780, un siècle plus tard, pour évaluer l’essor de la consommation83. L’étude porte sur une ville portuaire, Nantes, et une ville en amont de la Loire, Tours. Cette dernière est bien approvisionnée grâce au fleuve mais la ville est éloignée de plus de 200 km du port d’arrivée des produits coloniaux. L’analyse des deux villes permet d’évaluer l’écart supposé entre consommation portuaire et consommation de l’intérieur. L’espace maritime guérandais, les territoires ruraux proches de Nantes et les campagnes tourangelles ont été ajoutées pour comparer les consommations urbaines et rurales.
Tableau 5. Les inventaires après décès dépouillés selon les lieux (1679-1780).

Sources : ADLA et ADIL
28Pour chaque inventaire, le lieu d’habitation, la profession du chef de feu, la valeur des biens meubles prisés, les occurrences liées aux produits exotiques (théière, cafetière, sucrier, cuillères à sucre, tasses, etc.) et leur localisation dans la demeure ont été relevés84. Les limites des inventaires ont été soulignées à maintes reprises85. De nombreux actes sont incomplets et ne mentionnent pas les professions ou les qualités, notamment pour le xviie siècle. Lorsque les métiers et les qualités sont précisés, l’exercice de classification reste délicat86. Les grilles d’études de F. Furet, A. Daumard et C. Petitfrère ont servi de modèle tout en étant adaptées à l’étude87. Les chiffres obtenus sont sous-estimés car il n’est pas nécessaire d’avoir des objets spécifiques pour consommer du sucre88. À l’inverse, posséder un sucrier n’atteste pas d’une consommation régulière. Malgré les faiblesses de la source, les inventaires restent indispensables pour étudier la culture matérielle, a fortiori en province et dans les campagnes où les sources littéraires et les livres de comptes font défaut.
29À la fin du xviie siècle, le sucre reste rare dans les campagnes et les villes de l’Ouest : moins d’un dixième des intérieurs mentionne des objets liés aux produits coloniaux (33 sur 410). La diffusion du sucre a nettement précédé celle des boissons coloniales. Au xviie siècle, la plupart des foyers équipés ne possèdent qu’un ou deux objets liés au sucre, « sucriers en argent », « poilettes à confiture », une seule théière a été relevée dans les 410 actes dépouillés et aucune cafetière. La situation est identique en Europe. En Angleterre, L. Weatherill n’a pas trouvé d’ustensiles liés aux boissons exotiques dans les 520 inventaires anglais de 1685 ; à la même date, B. Blondé et I. Van Damme, qui ont travaillé sur 86 inventaires anversois, ont trouvé quelques objets liés au chocolat dans les intérieurs les plus aisés et plus souvent du sucre, y compris dans les foyers modestes, mais aucune occurrence liée au café et au thé89. Un siècle plus tard, 36 % des foyers ligériens (315 sur 868) sont désormais touchés par la mode ; un chiffre qui monte à 43 % pour les seuls urbains90. Si la progression est similaire à celle constatée pour Bordeaux ou la région vannetaise, l’équipement des ménages français reste très inférieur à celui des grandes villes européennes91. Alors que les cafetières sont présentes dans un quart des intérieurs, le thé reste peu répandu : seuls 11 % des intérieurs sont touchés (99 sur 868).92
30Seule une petite partie des élites a changé ses habitudes alimentaires dès le xviie siècle, avant l’arrivée massive des produits coloniaux et la baisse des prix. À l’image des Bordelais étudiés par M. Figeac, les nobles ligériens ont succombé à la mode, qui touche déjà 61 % des intérieurs de la noblesse vers 1680 (11 sur 18). Le groupe devance nettement les marchands, à la différence de ce qu’a pu observer L. Weatherill avec la gentry93. Dans l’espace ligérien, les hiérarchies consuméristes paraissent épouser les hiérarchies sociales. Le niveau de fortune peut être un facteur explicatif : les foyers nobles étudiés possèdent en moyenne 3 628 livres de biens meubles contre 2 305 pour les foyers marchands. La catégorie des boutiquiers artisans (109 personnes) est peu touchée par la nouveauté au xviie siècle : seuls quatre foyers sont équipés. Les paysans ne sont pas concernés par l’arrivée de produits exotiques, même si quelques exceptions font mentir les statistiques. Le laboureur lochois René Danaillas conserve une théière dans l’unique pièce de son logis, malgré une fortune modeste de 136 livres en biens meubles94.
Tableau 6. La diffusion des objets liés aux produits coloniaux dans les inventaires des Ligériens de 1679 à 1780.

Sources : ADLA et ADIL
31La démocratisation du sucre apparaît nettement à la fin du xviiie siècle si l’on compare les niveaux de richesse. Alors qu’en 1680, à peine 3 % des individus qui possèdent moins de 1000 livres de biens meubles sont équipés en objets liés aux produits exotiques, 23 % le sont un siècle plus tard95. Les catégories moyennes sont celles pour qui l’essor est le plus fulgurant : 38 % des artisans et boutiquiers en possèdent. La plupart des professions sont représentées, des boutiquiers de luxe (parfumeur, orfèvre, tapissier) aux artisans plus modestes (tonnelier, fileur de laine, boucher, cloutier, réparateur de draps, vitrier).
32Les marchands ont rattrapé leur retard sur les nobles puisque 64 % d’entre eux sont désormais équipés. Ils sont toutefois devancés par les professions libérales, les officiers et les rentiers. Les voituriers, qui transportent les produits coloniaux, possèdent rarement de la vaisselle destinée aux nouvelles consommations. Les quatre inventaires de voituriers par eau de Batz-sur-Mer, qui sont proches des réseaux commerciaux atlantiques, ne contiennent pas de trace de café ou de sucre. Avec en moyenne 995 livres de biens meubles prisés, les voituriers ne sont pourtant pas parmi les catégories les plus pauvres. Les marins, dont la fortune moyenne est identique aux voituriers (1 020 livres), sont plus touchés par la mode, en particulier la catégorie supérieure du personnel navigant : onze des quinze capitaines de navire possèdent au moins un objet lié au sucre et neuf d’entre eux ont une théière.
33Plus encore que l’appartenance à une catégorie socio-professionnelle, la fortune est le facteur explicatif déterminant pour comprendre la diffusion des produits coloniaux96. Quel que soit le métier ou le statut, seul un cinquième des foyers possèdant moins de 500 livres de biens sont équipés à la fin du xviiie siècle, bien qu’ils constituent plus de 40 % du corpus. À partir de 1 500 livres, 71 % des foyers (168 sur 237) consomment des boissons coloniales et 88 % des ménages ayant plus de 4 000 livres de biens sont touchés par la mode (soit 75 foyers sur 85). Toutefois, si la corrélation entre le niveau de fortune et l’adoption de nouvelles modes est forte, elle est insuffisante pour expliquer tous les comportements. La fileuse de laine Jeanne Allard défie ainsi les statistiques : malgré une fortune modeste de 75 livres, elle conserve une cafetière dans l’unique chambre de sa demeure. Il en va de même avec demoiselle Jeanne Deniaux, chez qui le notaire prise une petite « boîte à bonbons » parmi seulement 46 livres de biens meubles. À l’inverse, parmi les 50 foyers les plus fortunés (plus de 7 000 livres de biens meubles), un fabricant de soie tourangeau, deux bouchers nantais et un métayer de Carquefou ne sont pas équipés. La plupart des paysans, quelle que soit leur fortune, restent à l’écart de la mode : sur les 157 individus recensés, seul un vigneron tourangeau possède « 5 pots de fayance remplis de confiture97 ». Il est délicat d’expliquer ce comportement individuel car le paysan est modeste (l’inventaire s’élève à 297 livres) mais habite à proximité de la ville, faubourg Saint-Symphorien.
34Alors que les montres ou les miroirs deviennent de plus en plus courants dans les campagnes, les produits exotiques se diffusent plus lentement98. E. Margoline-Plot a montré que les cotonnades étaient peu présentes dans les foyers ruraux bretons, y compris dans les paroisses littorales proches des circuits de distribution99. La proximité d’un marché urbain est un facteur explicatif essentiel de la diffusion des produits nouveaux. Les habitants des campagnes nantaises sont trois fois moins nombreux que les urbains à posséder un sucrier, une théière ou une cafetière. Le même constat a été dressé pour Génainville, petit village du Vexin français où le café entre timidement dans les intérieurs100. Seuls les riches fermiers d’Île-de-France font exception, à l’image de leurs confrères anglais situés à la périphérie de Londres : sur 28 inventaires récoltés de 1750 à 1759, la moitié mentionne du café ou du sucre101. La diffusion de produits coloniaux s’explique ici par la proximité de Paris et par le haut niveau de vie des fermiers. À la fin du xviiie siècle, la consommation de boissons exotiques reste d’abord un fait urbain. C’est en ville, dans les marchés, les auberges et les hôtels « qu’on attrape le goût des nouvelles manières », pour reprendre les termes de D. Roche102. À fortune égale, moins de 1 000 livres de biens meubles, les foyers ruraux sont trois fois moins équipés que les urbains. Dans les campagnes, l’accès aux produits exotiques est plus difficile car la densité de commerces est moindre. Pourtant, des détaillants sont présents et des colporteurs complètent l’offre des produits exotiques. Certains foyers sont ouverts aux modes nouvelles. Dans l’échantillon de 185 inventaires ruraux récoltés dans les campagnes ligériennes, 23 mentionnent des produits coloniaux (12 %). Les officiers, les nobles et les marchands emportent leurs manières de table dans les campagnes lorsqu’ils fréquentent leurs résidences secondaires. François Guilbaud, un ancien négociant qui résidait à Nantes, se retire dans sa maison seigneuriale de la Rousselière à Frossay, un village à 40 km à l’ouest de Nantes103. Le notaire prise dans sa demeure un éventail varié de vaisselle : « 12 tasses à café » dans son cabinet, « 2 moulins à café » dans l’office et « 2 théières » dans la cuisine.
35Les pratiques urbaines et rurales sont éloignées : l’analyse des inventaires ligériens montre qu’environ 43 % de la population urbaine et 12 % de la population rurale s’est équipée en vaisselle destinée à la consommation de produits coloniaux à la fin du xviiie siècle104. Les différences entre les catégories socio-professionnelles se sont atténuées au cours du siècle mais restent importantes. Les manouvriers, les voituriers, les paysans, y compris ceux qui habitent en ville, et la plupart des foyers modestes sont à l’écart de la mode. Si l’on peut parler de « révolution de la consommation » à propos des élites et des classes moyennes urbaines, les classes populaires restent largement en dehors du mouvement. Sucre et café sont deux produits devenus familiers dans les foyers urbains, mais il paraît délicat de leur attribuer le qualificatif de produits de consommation de masse. L’expression, utilisée par C. Shammas pour l’Angleterre de la fin du xviie siècle, est inappropriée tant la diffusion des produits exotiques est inégale en France105. De plus, les inventaires ne permettent pas de savoir si la consommation de produits coloniaux est ponctuelle ou quotidienne. Pour mesurer à quelle fréquence sont consommées ces marchandises, il est nécessaire de changer de source et d’étudier les pratiques d’achat.
Les pratiques d’achat : de l’exotique au quotidien
36J. Stobart a, le premier, plaidé pour une meilleure connaissance de la façon dont s’achetaient les produits exotiques106. Saisir les pratiques des consommateurs s’avère délicat car les livres de raison sont rares pour les élites et font défaut pour les autres catégories de la population. Les livres de comptes des épiciers, qui auraient permis de repérer leur clientèle, n’ont pas été conservés dans l’espace ligérien ; les bornes géographiques ont donc été repoussées pour étudier les registres de l’épicier parisien Séjourné107. Il devient ainsi possible d’apprécier les rythmes d’achat et de déterminer si le sucre est entré dans les habitudes alimentaires quotidiennes des Français.
37L’analyse doit beaucoup aux travaux de J. Stobart qui a utilisé les livres de comptes de l’épicier Thomas Dickenson de 1740 à 1751 pour observer la consommation de la ville de Worcester. Il a démontré la régularité des achats de produits coloniaux dans cette ville de 10 000 habitants108. L’épicier Séjourné, déjà rencontré comme client des raffineurs orléanais Ravot et Vandebergue, fait faillite en 1783 et dépose ses livres de comptes qui se présentent comme des journaux de vente tenus quotidiennement ; ils sont particulièrement riches pour les années 1768-1769109. L’épicier est installé paroisse Saint-Jacques-de-la-Boucherie, dans la rue Saint-Martin, l’une des plus denses, longues et anciennes voies commerçantes de Paris. La rue regroupe des métiers variés, du luxe au bâtiment110. En un an, 1 112 achats sont effectués par 185 clients, enregistrés sur le « Journal des ventes ». Les acheteurs sont difficiles à identifier car, à la place des noms, Séjourné se contente souvent de les décrire par leur apparence physique ou leur habitation : « le rat d’église louche habillé de noir », « l’homme à la vilaine perruque », « la dévote », « la demoiselle aux gros yeux », « la femme aux rumatisses ». Un tel flou étonne de la part d’un épicier de proximité qui devrait connaître ses clients, mais Séjourné continue de les désigner ainsi malgré leurs nombreuses visites. La profession ou le statut de 71 acheteurs ont pu être identifiés ; 59 sont des boutiquiers, des artisans et de petits marchands (fruitier, menuisier, chapelier, etc.). Le livre permet donc de saisir les pratiques d’achat des catégories moyennes. Les autres clients identifiés appartiennent plutôt aux catégories supérieures : quatre officiers (un membre de la garde française, un huissier et deux procureurs), un chanoine, un chirurgien, cinq maisonnées nobles ou notables qui envoient systématiquement leurs serviteurs et la manufacture de porcelaine de Chantilly. Les dépenses ne sont pas systématiquement chiffrées dans le registre, ce qui rend impossible la mesure des sommes payées à chaque visite. Seuls le nombre de visites à la boutique et la nature des emplettes sont donc étudiés. Les achats de sucre et de ses dérivés représentent une part importante des ventes de l’épicier puisque 29 % des visites se soldent par ce type d’achat (317 mentions), devant les ventes d’eau-de-vie (28 %, 314 mentions). La comparaison avec l’épicier Dickenson de Worcester confirme la différence de goûts entre Français et Anglais. Alors que le thé est presque absent de la boutique de Séjourné, il est vendu lors de 15 % des visites chez Dickenson (120 fois sur 797). Le café est davantage prisé en France : il représente seulement 4 % des visites effectuées dans l’épicerie anglaise (34 mentions) contre 15 % chez son confrère parisien (167). Les achats de sucre sont presque identiques chez les deux épiciers (34 % chez l’Anglais, 269 visites). Sur les 185 clients de Séjourné, 106 ont acheté du sucre, le plus souvent en petite quantité, 4 onces, soit 1 livre. L’achat est peu lié aux autres produits coloniaux ; ainsi, seuls 37 clients achètent du café et du sucre. La mode du sucré est largement indépendante des boissons exotiques. La fréquence des achats est variable. Les pratiques témoignent d’une consommation quotidienne plutôt que d’achats festifs et se retrouvent chez tous, des nobles aux artisans. Mme Dorville – ou plutôt ses domestiques – se rend en moyenne dix fois par mois chez l’épicier et achète parfois du café trois jours de suite. La coiffeuse Trotez se rend à 22 reprises chez l’épicier de janvier à mars : le 15 mars elle achète 4 onces de sucre, 4 onces de raisin, 1 once de poivre ; le lendemain, elle revient acheter du sucre, du riz, du chocolat, du café, de l’huile ; le surlendemain, elle choisit du raisiné et du beurre salé. Si les ventes de l’épicier Séjourné varient beaucoup d’un mois à l’autre, l’étude des achats de produits coloniaux confirme l’hypothèse de leur banalisation car ils suivent le volume des ventes du détaillant. Il n’y a pas de saison pour manger du sucre et boire du café si l’on se fie aux livres de comptes.
38En revanche, les achats diffèrent en fonction des catégories sociales et l’analyse confirme les résultats de l’étude sur les inventaires. Les classes moyennes ont accès aux produits coloniaux mais en achètent moins souvent que les élites (quatre officiers, un chanoine, six foyers nobles). Les plus privilégiés achètent plus fréquemment des produits coloniaux : 30 % de leurs visites au magasin se soldent par un achat de sucre (40 mentions sur 132 visites) contre 21 % pour les artisans et boutiquiers (98 sur 469). La différence est plus flagrante pour le café : les élites en achètent lors de 37 % des visites à l’épicier, les artisans et boutiquiers en prennent dans seulement 6 % des cas. Ces derniers franchissent plus souvent la boutique de Séjourné pour acheter de l’eau-de-vie. Au sein de la classe moyenne, on observe de grandes disparités : les artisans liés à un métier du luxe ou du demi-luxe, comme les deux doreurs et les deux miroitiers, s’offrent tous du sucre et du café et agrémentent parfois leurs emplettes de tablettes de chocolat tandis que les plus modestes, le charbonnier, le dégraisseur, le fondeur et le porteur d’eau, n’achètent aucun produit exotique. Mais les consommateurs se laissent difficilement emprisonner dans des catégories et d’humbles artisans sont des gourmands : le cordonnier Colas, qui rend trois visites à Séjourné, achète du sucre à deux reprises.
39Tandis que sucre et café sont devenus des produits familiers pour les élites comme en témoigne la fréquence des achats chez l’épicier et des objets destinés au service des boissons coloniales dans leurs intérieurs, les artisans et les boutiquiers les consomment mais de manière plus ponctuelle. Comme le souligne M.-C. Natta, les sociétés humaines ne se satisfont pas de l’indifférenciation et le désir d’être semblable se double de celui d’être différent : imitation et distinction sont donc intimement liés111. Outre la régularité des achats de produits coloniaux, les catégories supérieures de la société se différencient par leur goût pour les confiseries et la vaisselle de service luxueuse.
La consommation différenciée des élites : la création de nouvelles formes de distinction sociale
40Un mémoire des raffineurs orléanais et des représentants du commerce de Nantes, rédigé pendant la guerre d’Amérique, distingue deux types de consommation selon la catégorie sociale112. Le sucre raffiné est destiné aux plus riches et le terré ou la cassonade, dont l’usage est plus massif, sont consommés par les catégories populaires. Le fossé entre les deux consommations se creuse en période de guerre lorsque les prix du sucre s’envolent.
La majeure partie du peuple ne connaît pas le sucre en pain, elle n’employe pour les confitures, ratafias et autres usages que de la cassonade telle qu’elle vient de l’Amérique sans aucune préparation. Ce grand débit des sucres de l’amérique en nature s’est considérablement augmenté depuis la guerre. Il ne se borne plus à la consommation du peuple il s’est étendu à celle du bourgeois qui ne fait usage du sucre en pain ou raffiné que dans les cas où il doit paraître en morceaux comme pour le thé ou le café […]. L’opulent, seul, fait la consommation de sucre raffiné.
41Dans cette citation surgit le terme-clé qui permet de comprendre les pratiques des élites à table : le sucre raffiné n’est pas recherché pour son goût mais parce qu’il « doit paraître » sur les tables. Le blanc immaculé du raffiné est utilisé pour affirmer le statut social et économique de celui qui le consomme. Les bourgeois se différencient des classes populaires en déplaçant l’accent de la fonction nourricière vers l’apparence du repas113. Au xviiie siècle, les élites manifestent leur bon goût par de nouvelles manières de table et par leurs préférences culinaires, pour les fruits par exemple114. Si de plus en plus de foyers achètent des boissons exotiques et du sucre, les usages et les qualités des produits diffèrent. Selon A. Stanziani, les chercheurs peinent à s’écarter du modèle diffusionniste car ils étudient des produits présentés comme homogènes – « sucre », « café » – alors qu’ils sont loin de l’être115. Le jeu sur la qualité et son rôle dans l’augmentation de la demande a été davantage étudié pour les biens durables : N. Coquery a mis en évidence la création du demi-luxe pour plaire à une clientèle plus large116. Le goût pour l’inédit, le rare et le nouveau correspond à un désir puissant du consommateur qui touche des produits aussi disparates que les porcelaines chinoises, les tulipes, ou le sucre et ses dérivés117. À table, les élites se lancent dans une véritable course à la nouveauté et s’offrent des sucreries plus raffinées et plus chères pour se démarquer. Loin de se banaliser malgré sa diffusion, le sucre a gardé son pouvoir de distinction sociale grâce aux objets qui entourent sa consommation et aux nouvelles confiseries, symboles de luxe et de bon goût, dont les élites se sont emparées.
La valse des objets de luxe liés au sucre : profusion et raffinement au service de la distinction
42Pour affirmer leur réussite ou leur prééminence sociale, aristocrates et bourgeois aiment se faire représenter devant une tasse de café ou de thé. Le marquis de Roulhac, gentilhomme du Limousin, se fait portraiturer richement vêtu de soieries, de dentelles et d’indiennes, prenant son café dans un service de porcelaine sur un cabaret recouvert d’un plateau laqué d’inspiration chinoise (cf. cahier couleur). Comble du luxe, le marquis donne négligemment un morceau de sucre à ses chiens. La présence d’ustensiles de provenance exotique ajoute une forte valeur symbolique au seul produit alimentaire. Les tables royales ont été les premières à être équipées d’ustensiles luxueux118. Certains sont de véritables objets d’art, c’est le cas du nécessaire offert à la reine Marie Leczinska par le roi lors de la naissance du dauphin en 1729119. Le service en porcelaine importée du Japon et en argent doré contient une multitude de pièces : une chocolatière, un moussoir, une grande cuillère à chocolat, une pince à sucre, des cuillères à café, un bougeoir, un sucrier, une théière, des gobelets, des tasses et soucoupes. La diffusion des sucreries fait naître de nouvelles habitudes alimentaires et des innovations dans l’art de la table. Le processus est identique à celui observé par M. Berg pour les produits manufacturés asiatiques : l’arrivée de porcelaines de Chine suscite de nouveaux goûts et de nouvelles créations industrielles120. Pour mettre en scène la dimension ostentatoire de leurs pratiques alimentaires, les élites accumulent les objets précieux.
43Un échantillon de 3 253 objets a été récolté dans 308 inventaires ligériens. Les nobles accumulent en moyenne 19 éléments liés aux produits exotiques, deux fois plus que les artisans et boutiquiers. Si les marchands sont moins nombreux que les nobles à s’être équipés, ceux qui se sont lancés possèdent beaucoup d’ustensiles : le groupe des marchands imite la noblesse avec 19 objets en moyenne. Les boissons exotiques et le goût des desserts sont au cœur de leur course aux honneurs et à la respectabilité. Dans l’office du négociant nantais Jean Gabriel Montaudouin, le notaire prise :
une table de cabaret garnie de 12 soucoupes, 11 tasses, une théière, un sucrier, un pot au lait le tout de porcelaine, une autre table de cabaret, 10 soucoupes et 6 tasses, une autre table de cabaret, 8 soucoupes et 8 tasses, 3 sucriers de porcelaine, une autre table garnie de diverses théières, 4 compotiers, 1 moulin à café, 1 gaufrier, 1 moulin à café, des boîtes à confiture.121
44Dans le salon, la valse des objets se poursuit avec « 29 compotiers, 9 pots à crème, 6 autres compotiers et du café ». Les habitudes de table des négociants sont très influencées par leur activité professionnelle. Jean Gabriel Montaudouin est un grand armateur impliqué dans le commerce colonial, marié à Catherine Olive Hay, née à Saint-Domingue122. Certains ustensiles symbolisent l’écart entre la consommation des catégories moyennes et supérieures. Les élites se distinguent par l’acquisition d’ustensiles plus rares. Les chocolatières sont mentionnées dans trois foyers seulement123. Les objets liés aux glaces (gobelets, moules, tasses) sont exceptionnels : trois mentions seulement dans les intérieurs de deux aristocrates et un ecclésiastique. Leur rareté s’explique par le coût de production des friandises en l’absence de glace artificielle et par celui des contenants eux-mêmes. Le nombre d’ustensiles nécessaires est conséquent : le service de la glace nécessite un seau composé d’un récipient garni de glace pilée, d’une « doublure » où est présentée la glace et d’un couvercle pour conserver le froid. Il est présenté sur la table et un domestique remplit les tasses des convives. Bien que plus répandue, la consommation de thé reste aussi un indice d’appartenance aux couches aisées de la société : seuls 6 % des artisans boutiquiers en consomment (21 sur 327) contre 37 % des nobles, rentiers et officiers (26 sur 70). Un décalage identique a pu être observé à Bordeaux : 51 % des inventaires des élites bordelaises contiennent une théière contre 10 % de ceux du peuple124.
45L’art de la distinction repose aussi sur la qualité des ustensiles utilisés, leur matière et leur couleur125. La faïence, terre cuite couverte d’émail, est la matière la plus courante (38 % des objets prisés, soit 261), devant des matériaux précieux comme la porcelaine (32 % des objets, soit 222) qui reste d’après l’Encyclopédie le modèle à atteindre126 :
Fayancerie : […] les plus belles que l’on voye en France sont celles dont on vient d’établir de nouvelles manufactures à Rouen, à Saint-Cloud près Paris, & à Poissy, dont la beauté approche beaucoup de celle de la porcelaine. On voit dans quelques cabinets de curiosités de très beaux vases de fayance d’une grande rareté & d’un grand prix.
Figure 12. Cuillère à sucre en porcelaine de la manufacture de Vincennes, vers 1751.

Source : © RMN-Grand Palais (Sèvres, Cité de la céramique, Martine Beck-Coppola)
46Même si des artisans parviennent à donner leurs lettres de noblesse à des pièces en faïence, la porcelaine importée de Chine ou produite en France, comme la cuillère à sucre ci-dessus fabriquée à la manufacture de Vincennes, reste plus prestigieuse et plus coûteuse.
47L’étude des matières permet de dessiner des contours nets entre les catégories sociales. Les artisans et boutiquiers ne possèdent pas de porcelaine. Ils se replient sur la faïence (144 objets sur 189, soit 76 %) et les articles en terre, sous-évalués dans les inventaires à cause de leur faible valeur127. Chez les marchands, les ustensiles en porcelaine sont majoritaires ; les nobles et les rentiers restent attachés à l’argenterie (22 articles sur 94, 23 %). La répartition dans les différentes pièces confirme la dimension ostentatoire de la vaisselle. Les ustensiles les plus précieux sont exposés dans le salon, tandis que les objets en métal ou en terre, plus communs, sont relégués à l’office. À l’image des pendules accrochées fièrement dans les intérieurs, la vaisselle de service des boissons exotiques est devenue un signe extérieur de réussite sociale128. Le capitaine de navire nantais Harault exhibe deux théières, un sucrier et deux tasses de porcelaine en « garniture » de sa cheminée129. Les décors des théières, des cafetières et des sucriers évoquent l’exotisme et invitent au voyage. La saupoudreuse à sucre en céramique fabriquée par la manufacture Guillibaud à Rouen est ornée d’une pagode bleue, motif asiatique par excellence (cf. cahier couleur). Et pour les acheteurs, peu importe après tout que le sucre ne vienne plus d’Asie au xviiie siècle, le goût des chinoiseries prime. Les objets liés aux boissons exotiques sont souvent prisés dans les cabinets de travail et dans les chambres, où se prend le déjeuner. Ces dernières sont des espaces de sociabilité dans lesquels les plus riches reçoivent et servent thé ou café à leurs hôtes. Le Tourangeau Jean Chabelard, marchand fabricant, conserve dans sa chambre « deux cafetières, deux théières, un sucrier, six tasses à café le tout de porcelaine, un sucrier et son couvercle, douze tasses à café avec chacune leur soucoupe de porcelaine dorée sur tranche », et le même service en porcelaine à fleurs, le tout pour la coquette somme de 34 livres130.
48Plus que la consommation de sucre et de boissons exotiques, c’est le rituel et le luxe de la table qui restent socialement discriminants à la fin du xviiie siècle. Les plus riches s’entourent d’objets luxueux fabriqués en matériaux nobles et richement décorés pour marquer leur différence avec les catégories moyennes. Les élites se singularisent aussi par la qualité et la variété des sucreries consommées. Pour afficher leur bon goût, elles marquent leur préférence pour les confiseries, plus chères et plus élaborées que le sucre, devenu plus courant.
La mode des confiseries conquiert la table des élites
49En 1700, lors de l’entrée à Orléans de Philippe de Bourbon, le tout nouveau roi d’Espagne, les échevins s’empressent « de faire provision du plus excellent cotignac, des confitures sèches les plus rares, […] afin d’avoir quelque chose qui mérita d’estre présenté à un si grand monarque131 ». Rois, princes, intendants et édiles municipaux donnent et se font offrir du sucre et des friandises sucrées. Les cadeaux alimentaires sont un moyen d’affirmer le rang social de celui qui offre et d’honorer le destinataire132. Les confitures sèches qui ressemblent à des pâtes de fruit sont les cadeaux les plus courants ; elles se conservent bien et peuvent se transporter aisément pour les visiteurs de passage. L’offre se diversifie au xviiie siècle et la confiserie ne se limite plus à « l’art de faire des confitures de toutes les espèces » mais désigne selon l’Encyclopédie « plusieurs autres ouvrages en sucre, comme biscuits, massepains, macarons, & c.133 ». La baisse du prix du sucre et l’habitude de consacrer les deux derniers services, l’entremets et le dessert, aux aliments sucrés, ont encouragé la consommation de confiseries134. La mode du dessert est portée par les livres spécialisés, destinés à un public restreint de privilégiés. L’engouement est perceptible dans les pratiques alimentaires, lors des manifestations publiques et dans les achats domestiques des élites, accessibles grâce aux livres de raison et aux registres des confiseurs.
50L’étude de La cuisinière bourgeoise suivie de l’office (1746), véritable bestseller, révèle la place prise par le sucre dans l’alimentation : il est présent dans 17,5 % des recettes (148135). De moins en moins associé au salé, il doit son succès au goût pour les desserts et tend à disparaître de certains ouvrages. Ainsi, à peine 6 % des recettes de la Nouvelle maison rustique (1755) utilisent du sucre136. L’analyse du manuel Le nouveau cuisinier royal et bourgeois (1721) aboutit aux mêmes conclusions137. Rédigé par François Massialot, c’est une réédition du Cuisinier royal et bourgeois (1691) présentée sous forme de dictionnaire et composée de trois volumes. Les deux premiers détaillent 1 168 recettes dont 67 seulement mentionnent du sucre (5,7 %). Le sucre accompagne désormais les laitages, les œufs, les fruits, et n’est presque plus associé à la viande. Seuls le veau et de rares légumes (asperges, épinards, artichauts) sont accompagnés de sauces sucrées. La disparition du sucre dans certains livres de cuisine s’explique par la multiplication des ouvrages spécifiques dédiés à l’office, c’est-à-dire au service des desserts et de la confiserie. Dès le xviie siècle, les ouvrages tels que Le Cuisinier françois (1651) consacrent aux desserts des chapitres distincts : dans la seconde édition, en 1652, La Varenne a intégré un traité de confiture intitulé Le Cuisinier françois enseignant la manière de bien apprester, & et assaisonner toutes sortes de viandes, grasses & maigres, légumes, patisseries, etc. Reveu, corrigé & augmenté d’un Traité de Confitures seiches et liquides, & autres délicatesses de bouche. Quelques années plus tard, il est imité par un auteur anonyme qui publie en 1662 L’Escole parfaite des officiers de bouche dont une partie est consacrée à l’art de faire les confitures138. Une littérature spécialisée se développe ; au fur et à mesure que les desserts prennent de l’importance, des ouvrages consacrés à l’office sont édités séparément139.
51La période la plus florissante pour l’édition de nouveaux ouvrages de confiserie s’étend de 1660 à 1692 : quatre titres voient le jour140. Ces parutions s’inscrivent dans le vaste mouvement de vulgarisation technique et scientifique du dernier tiers du xviie siècle. L’essor est similaire pour les livres de cuisine plus généralistes141. Au xviiie siècle, outre les rééditions des ouvrages les plus populaires, trois nouveaux titres paraissent142. La réception de ces ouvrages spécialisés est variable. Certains ne sont pas ou peu réédités à l’image du Traité de confiture (1689), de L’Art de bien faire les glaces (1768) ou du Cannameliste (1751) : tous trois s’adressent à un public restreint de professionnels. La préface du premier indique qu’il est destiné aux « chefs d’office de fruiterie et de sommellerie », celle du deuxième à « ceux qui désirent apprendre l’office et les limonadiers » et celle du troisième aux officiers. L’auteur du Cannameliste explique les termes techniques et fournit des planches pour dessiner des dormants sur les tables. Certains ouvrages touchent un public plus large : celui attribué à La Varenne, Le Confiturier françois (1660), a compté pas moins de six rééditions à Paris et en province et vingt autres grâce au recueil L’École des ragouts, qui regroupe aussi Le Cuisinier françois et Le Pâtissier françois143. L’ouvrage de Massialot connaît une belle postérité avec dix rééditions connues sous ce titre et trois sous celui du Confiturier royal ou Nouvelle instruction pour les confitures144. Ces traités sont de grands succès dans le secteur de l’édition culinaire comparés aux ouvrages plus généraux. Ainsi le très élitiste L’Art de bien traiter n’est réédité que 3 fois et le plus populaire, Les Délices de la campagne, 23 fois. Mais les ouvrages de confiserie s’adressent avant tout aux classes aisées, désireuses de suivre la mode comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage de Massialot, Suite du Nouveau cuisinier royal & bourgeois, également utile aux maîtres-d’hôtels & dans les familles, pour sçavoir ce qu’on sert de plus à la mode dans les repas. Les femmes sont souvent citées et l’art de faire les confitures est assimilé à un loisir : Menon affirme ainsi que pour faire du sirop « les Dames qui veulent s’amuser à la distillation, la peuvent faire dans leur chambre, sans aucun embarras145 ». La spécificité de ces ouvrages réside dans leurs illustrations abondantes, quasiment absentes des autres livres de cuisine. Les éditeurs transcendent l’aliment sucré en objet d’art pour susciter le désir d’achat des élites.
52À la différence du sucre brut et terré, produit de consommation plus courant, les confiseries sont encore considérées comme des produits de luxe au xviiie siècle. Les tables royales et municipales se parent de leurs plus beaux atours sucrés lors des temps festifs. Les agapes ont un rôle politique pour les autorités ; les festins permettent d’afficher puissance et pouvoir146. Les fêtes données par Louis XIV à Versailles sont l’archétype de cette débauche de luxe sucré. Les éphémères compositions en sucre élaborées pour la fête de juillet 1678 ont été immortalisées par Félibien. Le souverain et ses invités se promènent dans le parc, paré de tables qui regorgent de sucreries. Après avoir profité d’un paysage en sucre, le roi quitte la scène et laisse à sa cour le soin d’engloutir les confiseries, signe de la puissance et de la supériorité du prince sur les élites147.
Du bassin sortaient cinq tables en manière de bufets, chargées de toutes les choses qui peuvent composer une colation magnifique. L’une de ces tables représentait une montagne, où dans plusieurs especes de cavernes on voyait diverses sortes de viandes froides. L’autre estoit comme la face d’un palais basty de massepains & pastes sucrées. Il y en avoit une chargée de pyramides de confitures seiches ; une autre d’une infinité de vases remplis de toutes sortes de liqueurs ; & la dernière estoit composée de caramels. […] Il y avoit entre ces tables une petite plouse de mousse verte qui s’avançoit dans le bassin, & sur laquelle on voyoit dans un grand vase un oranger dont les fruits estoient confits : chacun de ces orangers avoit à costé de luy deux autres arbres de différentes especes, dont les fruits estoient pareillement confits.148
53L’évocation des desserts est rare dans les archives de la maison du roi car les menus conservés ne mentionnent pas le fruit149. M.-F. Noël-Waldteufel signale l’unique description de dessert présenté lors d’un repas royal150. Rédigé par Brain de Sainte-Marie, le récit décrit le repas donné en l’honneur de la dauphine Marie-Josèphe de Saxe, le mercredi 8 février 1747. Les maîtres-mots sont la profusion et la variété des confiseries proposées aux cinquante convives.
Le milieu de table de 47 pieds de long sur 3 pieds de large formoit le Dormant qui a resté pendant tout le souper et représentoit Hébé désse de la Jeunesse à qui l’Amour rendait les armes […]. Après le service de Bouche, le Dormant a été entouré de 74 pièces garnies de toutes sortes de confitures sèches des plus exquises et des fruits les plus beaux de la saison […]. 200 compotes et assiettes de fours de différentes espèces formaient un autre cordon ; un moment on a servy 24 soucoupes de glaces de toutes les façons, au milieu de chaque soucoupe était dans une caisse de verdure un oranger garny de fleurs et de petites oranges confites : 24 assiettes garnies de petites dragées remplies de toutes sortes de pastillages, caramel à l’ambre, sucre tors, diablotins et autres choses que l’on peut mettre dans des tabatières, au milieu de chaque assiette sortait un vase de verdure en abricotier chargé d’abricots à l’eau-de-vie et au caramel et dans d’autres des pruniers chargés de prunes aussi au caramel. Cette variété faisait un effet fort agréable à la vue.
54Comme lors des fêtes données à Versailles, le dessert est l’occasion d’une folie décorative ; dans un jeu de miroir, les jardins servent à la fois d’écrin et de modèle aux confiseries, véritables artefacts de la nature.
55Loin de la cour, les sucreries s’imposent dans les banquets publics provinciaux, lors des visites de personnages célèbres ou d’événements locaux. ÀAngers, lors du passage du roi d’Angleterre Jacques II en 1691, la municipalité offre un festin ponctué de confiseries : « un grand carre remply de trente pourselinnes et de dix huit gobelets garny de confitures seiches […] plus un plat de machepain royal, plus un plat de poires de Bon Chrétien et un plat de pomme de Reinette en piramide, une tourte de massepain de fleur d’orange, une tourte craquante, quatre compotes de confitures liquides d’amandes vertes d’abricots verts serizes et franboize151 ». Les banquets sont l’occasion pour le corps de ville de faire preuve de prodigalité. En 1778, le mariage du maire M. Boulay du Martray donne lieu à une débauche de confiseries élaborées152.
Une corbeille à deux anses en forme de masne d’osier blanc à jour garnie de gaze, rubans, fleurs d’Italie contenant 6 grandes boites de confitures, oranges aigres et douces et citrons confits entiers et glacés ornés de zeste d’oranges et citrons en décoration marrons rubans noix et noyaux et autres fruits en sucre montant à 101L11s.
56Les sucreries sont en bonne place dans tous les repas municipaux. Le 13 juillet 1778, le confiseur Fabre fournit pour le repas des échevins des fruits locaux et exotiques, présentés sous forme de pyramide, accompagnés de sucre en poudre, plus de cinq types de bonbons différents, « pastilles à devises », « anis de Verdun », « pralines », « dragées fines », « angélique et autres bonbons », et des tasses de glace pour la somme conséquente de 51 livres et 7 sols153.
57La consommation de confiseries n’est pas limitée aux temps festifs et politiques ; les élites et les classes moyennes ont pris l’habitude d’en consommer. Pour déterminer le profil des acheteurs de bonbons et de dragées, il est possible d’utiliser les livres de comptes et les bilans de confiseurs spécialisés qui, à l’inverse de l’épicier Séjourné étudié précédemment, vendent peu d’épiceries et de sucre non transformé. 29 inventaires de confiseurs à Nantes, Angers, Tours et Paris ont été retrouvés mais les professions et les statuts des clients ne sont pas précisés. Seul le bilan de René Lemercier à Angers est exploitable154. 95 clients sont mentionnés et la profession connue pour 53 d’entre eux. La plupart sont des artisans et des boutiquiers (24), puis suivent les marchands (13), les religieux (6), les officiers (5), les rentiers (2) et les représentants des professions libérales (3). Parmi les boutiquiers et les artisans, un large échantillon de professions est représenté. Les petits métiers (portefaix, revendeurs de menues denrées, lingères, etc.) sont absents des listes des débiteurs, tandis que les artisans du luxe et du demi-luxe (horloger, perruquier) ou des professionnels plus modestes (boucher, cordonnier, tailleur) sont clients. L’achat de sucreries a donc gagné les classes moyennes provinciales. Mais la source reste muette sur la fréquence des achats, les sommes dépensées et la nature des emplettes. Deux livres de comptes de confiseurs parisiens permettent de contourner la difficulté.
58Le premier, tenu de 1766 à 1770 par le confiseur André Mosnier place Dauphine à Versailles, est intitulé « livre des marchandises que je founy à crédit155 ». Il s’agit d’un journal, où les ventes sont notées au jour le jour avec le prix des marchandises. Au total, 538 ventes pour les années 1767, 1768 et 1769, soit les pratiques d’achats de 145 clients ont été étudiées. Mosnier est un marchand à la fois grossiste et détaillant : parmi les 82 acheteurs identifiés, 50 interviennent dans la vente de produits coloniaux (cafetiers, limonadiers, épiciers). Sa pratique se compose de clients prestigieux, la reine de France, Marie Leczinska, le chancelier Charles de Maupeou, le contrôleur général des Finances L’Averdy. La clientèle des deux confiseurs Lemercier et Mosnier est disparate mais paraît moins populaire que celle de l’épicier Séjourné : les revendeuses de légumes, par exemple, ne fréquentent pas sa boutique. Les produits sont trop coûteux pour ce type de clientèle. Pour preuve, les dépenses moyennes par visite sont trois fois plus élevées chez le confiseur Mosnier que chez l’épicier Séjourné, 9 livres contre 3,5 livres. L’analyse des achats effectués chez Mosnier selon les métiers met en évidence des consommations différentes. Alors que les élites déboursent en moyenne 9 livres par visite pour des dragées (28 % de leurs achats), des sirops (16 %) des biscuits (15 %), les artisans et les boutiquiers dépensent 5,5 livres et achètent surtout des liqueurs (38 % des achats), des dragées (21 %) et des confitures (11 %156). La plupart des clients achètent peu d’articles et en petites quantités. Des artisans diversifient ponctuellement leurs achats, tel le tailleur Janillon qui se rend chez Mosnier à cinq reprises pour lui acheter de la liqueur de fruit ou « ratafia » et, en août, ajoute quelques dragées à son panier ordinaire. Mosnier vend peu de desserts élaborés, comme les assiettes montées et les décors en pastillage. Seules quelques commandes sortent du lot, telle celle de M. Le Duc, rue neuve, qui doit le 25 février 1768 :
2 douzaines de gaufres à 3s… 3L12s
2 assiettes de bonbons à 40s… 4L
1 pot de gelée de pomme… 24s
1 de gelée groseille… 1L 10s
1 assiette de fours assortis… 1L 10s
Pour le plateau garni de confiture… 6L
59Les confiseries les plus chères sont destinées aux détaillants pour les revendre. La demoiselle Chapuy, épicière, achète ainsi trois des quatre pièces en pastillage mentionnées dans le livre, « un cœur de fleur d’orange garny » et « deux figures en sucre » pour huit livres.
60Le second document comptable, tenu par Jacques Bonvalet, confiseur à Paris, fournit des renseignements plus détaillés sur les achats des particuliers car le boutiquier est uniquement détaillant157. Le registre recense les ventes de Bonvalet de 1772 à 1783 et se présente sous la forme d’une compilation de comptes ouverts pour un client particulier et soldé parfois deux ans plus tard. Les 52 premiers comptes qui couvrent les années 1772-1775, soit 412 achats, ont été analysés. Une marchande de mode mise à part, les livres de Bonvalet ne mentionnent pas de clients des classes moyennes à la différence de Mosnier. Le confiseur fournit une clientèle prestigieuse : au moins 18 comptes sont ouverts pour de riches aristocrates, le comte de Vaudreuil, la comtesse de Choiseul, la marquise de La Salle, monseigneur le prince de Soubise, la maréchale de Mirepoix, etc. La régularité des dépenses et leur montant sont frappants : le prince de Soubise ou ses domestiques se sont rendus à quatorze reprises dans la boutique du confiseur du 4 septembre au 25 octobre 1772 et achètent macarons, meringues, biscuits, marmelade de groseille, petits fours ou pain d’aveline pour une trentaine de livres par mois. Les clients de Bonvalet sont friands de confiseries recherchées et coûteuses ; le confiseur s’approvisionne donc chez des fournisseurs renommés, tel le marchand-confiseur Duval, rue des Lombards158. Le 28 janvier 1774, le comte de Vaudreuil achète pour 106 livres de confiseries originales.
2 compotes de pomme en gelée et une de poire bon chrétien, 2 assiettes de meringue à la crème, 3 quarterons de confitures sèches un champignon de fleur d’oranger, 2 sorbetières de glace, une de citron, un quarteron de marrons glacés, un baton de sucre filé.
61Les glaces, absentes chez Mosnier, sont un des articles phares du confiseur qui les vend dans des tasses individuelles ou dans les « sarbotières », des vases en étain ou en fer munis d’un couvercle pour conserver le froid159.
62Il offre à ses clients une grande variété de parfums (pêche, poire, abricot, citron, crème de caramel et vanille). Les glaces sont destinées aux plus riches en raison de leur prix (6 livres pour les sorbetières et 1 livre pour la tasse de 10 à 20 cl160). Le vicomte de Rivière est friand de cette sorte de gourmandise : les 28 et 30 janvier 1773, il achète deux fromages glacés au café et à la crème au caramel (5 et 3,5 livres). Ces glaces à base d’œuf sont plus compactes que les sorbets ou les glaces à la crème, ce qui facilite leur moulage161. Selon Grimod de La Reynière, « ces fromages cannelés et glacés sont les plus beaux ornements des desserts. Ils ont sur les glaces en tasses, l’avantage de se conserver plus longtemps sans se fondre [… ]162 ». Les plus riches, à l’image du vicomte, s’affranchissent des modes saisonnières et s’offrent des glaces toute l’année, au grand dam du glacier Emy qui considère qu’elles doivent rester un luxe, à consommer l’été163. Il les compare aux fraises et aux petits pois, ces primeurs attendues avec tant d’impatience. Mais son propos est vain, car c’est précisément le but recherché par les élites : grâce aux propriétés conservatrices du sucre, elles se libèrent des contraintes saisonnières. En s’affranchissant des lois de la nature, elles accroissent leur prestige social.
Figure 13. Matériel pour fabriquer et servir les glaces.

Source : Emy, L’Art de bien faire les glaces…, op. cit., p. 72
63Après les critiques médicales et morales qui ont entouré sa réception, le sucre, porté par la mode des boissons exotiques, s’est diffusé largement dans la population. L’étude des inventaires a mis en évidence le rôle des classes moyennes, déjà souligné pour d’autres objets (les montres, les vêtements), dans l’élargissement du marché. Mais l’analyse a permis de nuancer la démocratisation du sucre : s’il est devenu courant chez les classes moyennes urbaines à la fin du xviiie siècle, le produit et les ustensiles liés à sa consommation, sont peu répandus dans les campagnes, et les plus modestes n’y ont pas accès. Jusqu’à la fin du xixe siècle, malgré les encouragements des élites, les classes populaires ont peu utilisé le sucre164. Le sucre a échappé à la banalisation grâce aux pratiques distinctives déployées par les élites et son image, associée à l’exotisme et à la richesse, est restée intacte. L’utilisation d’une vaisselle luxueuse pour le consommer, exhibée dans les salons, et l’achat de confiseries, de plus en plus élaborées, ont préservé son fort pouvoir de distinction sociale. Si les catégories moyennes fréquentent les boutiques des confiseurs, illustrant ainsi le brouillage des conditions sociales à l’œuvre au xviiie siècle, leurs achats se démarquent de ceux des élites – moins coûteux, moins fréquents –, et leur nature diffère également. Les catégories supérieures de la société, comme l’aristocratie et les négociants, se sont appropriées les confiseries fastueuses pour réaffirmer leur prééminence symbolique. L’offre s’est diversifiée pour répondre aux désirs des consommateurs. Les confiseurs sont ainsi passés maîtres dans l’innovation pour stimuler la demande, et leur office est devenu un laboratoire d’où naissent les modes du dessert et les normes du bon goût.
Notes de bas de page
1 Dictionnaire universel français et latin vulgairement appelé dictionnaire de Trévoux, Paris, Libraires associés, 1752, article « Sucre ».
2 Ferrières Madeleine, Histoire des peurs…, op. cit., p. 119 ; Galli Marika, « La réception des produits alimentaires du Nouveau Monde : pratiques et représentations », Food & History, no 7-1, 2009, p. 163-176 ; Mauro Frédéric, Histoire du café, Paris, Éditions Desjonquères, 1991, p. 28 ; Butel Paul, Histoire du thé…, op. cit., p. 84 ; Harwich Nikita, Histoire du chocolat…, op. cit., p. 89.
3 Styles John, « Product innovation in early modern London », Past and Present, no 168, 2000, p. 124-169.
4 Shammas Carole, The Pre-industrial Consumer…, op. cit., p. 76.
5 Sévigné Marie de Rabutin, Lettres de Mme de Sévigné, tome VI, Paris, Hachette, 1862- 1868, p. 78 et 182, lettres du 8 novembre 1679 et du 10 janvier 1680.
6 Ibid., tome IX, p. 435, lettre du 29 janvier 1690.
7 García Sánchez Expiración, « La diététique alimentaire arabe, reflet d’une réalité quotidienne ou d’une tradition fossilisée ? (ixe-xve siècles) », dans Audoin-Rouzeau Frédérique et Sabban Françoise (dir.), Un aliment sain dans un corps sain, Tours, PUFR, 2007, p. 65-92 ; Flandrin Jean-Louis, « Médecine et habitudes alimentaires anciennes », dans Margolin Jean-Claude et Sauzet Robert, Pratiques et discours alimentaires à la Renaissance, Paris, Maisonneuve et Larose, 1982, p. 85-93.
8 Quellier Florent, « Les fruits, le Thrésor de santé de la France classique (xviie-xviiie siècles) », dans Audoin-Rouzeau Frédérique et Sabban Françoise (dir.), Un aliment sain…, op. cit., p. 185-198.
9 Sleeswijk Wegener Anne, « Du nectar et de la godaille : qualité et falsification du vin aux Provinces-Unies, xviiie siècle », RHMC, no 51-3, 2004, p. 17-43.
10 Anonyme, Nouvelles fontaines domestiques approuvées par l’Académie royale des sciences, Paris, chez Coignard et Boudet, 1750, p. 71.
11 Ferrières Madeleine, Histoire des peurs…, op. cit., p. 338 ; Hilaire-Pérez Liliane, L’invention technique au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel, 2000, p. 300.
12 Jourdan, Isambert et Decrusy, Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l’an 420 jusqu’à la révolution de 1789, Paris, Belin-Leprieur, 1827, tome 25, 13 juin 1777.
13 Grimod de La Reynière, Almanach des gourmands, servant de guide dans les moyens de faire excellente chère, Paris, Maradan, 1804 (3e édition).
14 Bayen et Charlard, « Observations sur le cuivre-étamé et sur le fer-blanc », Journal de littérature, des sciences et des arts, tome 4, 1781, p. 67-69.
15 ADML 5E7/652, inventaire de la veuve d’Antoine Boulet, confiseur liquoriste à Angers, 16 floréal an II.
16 ADLA 33J110, inventaire Vandebergue, 1784.
17 Bayen et Charlard, « Observations sur le cuivre-étamé… », art. cit., p. 67.
18 Prozet, « Mémoire où l’on examine quelles sont les causes qui ont mérité au sucre raffiné à Orléans la préférence… », art. cit., p. 86.
19 Jolin Delavau, Le raffineur ou l’art de raffiner le sucre, Orléans, chez Perdoux, 1789, p. X.
20 Ferrières Madeleine, Histoire des peurs…, op. cit., p. 339. Les réglementations sont tardives et peu suivies : l’État attend 1787 pour interdire l’ajout de plomb dans le vin et le cidre ; Jourdan, Isambert et Decrusy, Recueil général des anciennes lois françaises, op. cit., tome 28, 5 février 1787.
21 ADML 5E5/429, inventaire du confiseur Simon Landeau, 10 avril 1727.
22 Réminville Edme de La Poix, Dictionnaire ou Traité de la police générale des villes, bourgs, paroisses, et seigneuries de la campagne, Paris, chez l’auteur, 1778, p. 451.
23 Ferrières Madeleine, Histoire des peurs…, op. cit., p. 114.
24 Hilaire-Pérez Liliane, L’invention technique…, op. cit., p. 307.
25 ADLA B9503/2, inventaire de François Monneau, 21 avril 1781.
26 Gilliers Joseph, Le Cannameliste français ou Nouvelle instruction pour ceux qui désirent d’apprendre l’office, Lunéville, chez l’auteur, 1751.
27 Ibid., p. 62. Le « verd-de-vessis » est tiré des baies du nerprun, le « noir d’yvoire » est produit avec de l’ivoire calciné, la cochenille, un pigment rouge, est obtenue grâce à l’insecte du même nom.
28 Emy, L’Art de bien faire les glaces d’office, ou les Vrais principes pour congeler tous les rafraîchissemens, Paris, chez Leclerc, 1768, p. 100.
29 Mercier Louis-Sébastien, Paris pendant la Révolution (1789-1798) ou le Nouveau Paris, Paris, Poulet-Malassis, volume 1, 1862 (1re édition 1797), p. 170.
30 Benot Yves, Les lumières, l’esclavage, la colonisation, Paris, La Découverte, 2005, p. 107.
31 Voltaire, Candide, Genève, J. Cramer, 1759, p. 109 ; Bernardin de Saint Pierre Jacques-Henry, Œuvres complètes, mises en ordre par L. Aimé-Martin, tome 1er, Voyage à l’île de France, Paris, chez Méquignon-Marvis, 1820 (1re édition 1773) ; Diderot Denis et D’Alembert Jean le Rond (dir.), Encyclopédie…, op. cit., article « Traite des nègres » ; Fischler Claude, L’Homnivore…, op. cit., p. 283.
32 Ehrard Jean, Lumières et esclavage…, op. cit., p. 46.
33 Flandrin Jean-Louis, « Médecine et habitudes alimentaires anciennes », art. cit., p. 85-93 ; Ferrières Madeleine, Histoire des peurs…, op. cit., p. 118-152.
34 Fischler Claude, L’Homnivore…, op. cit., p. 272.
35 García Sánchez Expiración, « La diététique alimentaire arabe… », art. cit., p. 65-92.
36 Ibid., p. 25.
37 Andry Nicolas, Traité des aliments de caresme, tomes 1 et 2, Paris, chez Jean-Baptiste Coignard, 1713, p. 29-31.
38 Duchesne fait partie des héritiers modérés de Paracelse ; Maclean Ian, Le monde et les hommes selon les médecins de la Renaissance, Paris, Éditions du CNRS, 2006, p. 102.
39 Duchesne Joseph, Le pourtraict de la santé, Paris, chez Claude Morel, 1620, p. 484 (1re édition 1606).
40 Hecquet Philippe, Traité des dispenses du carême, Paris, chez François Fournier, 1709, p. 228.
41 « I so much condemn all things that are preserved with sugar, or have much sugar mixed with tem, that I consider the invention, and immoderate use of it, in this present age, to have very much contributed to the immense increase of the scurvy », cité par Moseley Benjamin, Medical tracts, Londres, John Nichols, 1800, p. 92.
42 Garcia Soler Maria José, « Nourriture et santé dans la médecine grecque ancienne », dans Audoin-Rouzeau Frédérique et Sabban Françoise (dir.), Un aliment sain…, op. cit., p. 25-37 ; Byl Simon, « Humeurs », dans Lecourt Dominique (dir.), Dictionnaire de la pensée médicale, Paris, PUF, 2004, p. 598-603 ; Vigarello Georges, Histoire du corps, volume 1, De la Renaissance aux Lumières, Seuil, 2005, p. 353.
43 Anonyme, « Remarques diététiques sur l’usage du sucre », Gazette de santé, no 23, 1786, p. 89-90.
44 Lemery Louis, Traité des aliments, Paris, chez Pierre Witte, 1705 (1re édition 1702), p. 207 ; Andry Nicolas, Traité des aliments de caresme, op. cit., p. 33.
45 Ibid., p. 25.
46 Lévi-Strauss Claude, La pensée sauvage, Paris, Pocket, 2006 (1re édition 1962), p. 129.
47 Furetière Antoine, Dictionnaire universel, La Haye, A. et R. Leers, 1690, article « Friandise ».
48 Fournel Jean-François, Traité de la séduction considérée dans l’ordre judiciaire, Paris, chez Demonville, 1781, p. 434.
49 Restif De La Bretonne Nicolas-Edme, Le pied de Fanchette, La Haye, chez J.G. Eslinger, 1769, p. 79.
50 Quellier Florent, Gourmandise…, op. cit., p. 87.
51 Galinier-Pallerola Jean-François, « Peut-on manger avec plaisir et sans péché ? La gourmandise dans les sermons catholiques français du xviiie siècle », Lumières, no 11, 2008, p. 47-56.
52 Migne (abbé), Collection intégrale et universelle des Orateurs Sacrés, Paris, J.-P. Migne, volume 37, 1844, p. 533.
53 Pontas Jean et Collet Pierre, Abrégé du Dictionnaire des cas de conscience de M. Pontas, Toulouse, chez Sens et Dupleix, volume 1, 1783, p. 557.
54 Quellier Florent, Gourmandise…, op. cit., p. 99.
55 Ibid., p. 66.
56 Ouerfelli Mohamed, Le sucre…, op. cit., p. 538-550.
57 Hecquet Philippe, La médecine, la chirurgie et la pharmacie des pauvres, tome 2, Paris, veuve Alix, 1740, p. 354 et 393.
58 Dutrône Jacques François, Précis sur la canne…, op. cit., p. 291.
59 Hébert J.-A., Le citoyen dentiste, ou l’art de seconder la nature pour se conserver les dents et les entretenir propres, Lyon, L. Rosset, 1778.
60 Vandermonde, Dictionnaire portatif de santé, Paris, chez Joseph Barbou, 1759 ; Lebrun François, Se soigner autrefois. Médecins, saints et sorciers aux xviie et xviiie siècles, Paris, Temps actuels, 1983, p. 20.
61 De Lonnes Imbert, « Observations sur les bons effets du sucre par M. Imbert de Lonnes », Gazette de santé, no 41, 1786, p. 162-164.
62 Meyzie Philippe, La table du sud-ouest…, op. cit., p. 199.
63 Mairot Samuel, Les malades de l’Hôtel-Dieu d’Angers, 1720-1789, Angers, mémoire de maîtrise dactylographié, 1998, p. 119.
64 ADML 1Hs F8 et 1Hs F9, recettes éparses et livres de recettes médicales, seconde moitié du xviiie siècle.
65 Maître Léon, Histoire administrative des anciens hôpitaux de Nantes, Nantes, veuve Mellinet, 1875, p. 157-161.
66 Mairot Samuel, Les malades…, op. cit., p. 69.
67 AMO 6F1, lettre de Mozenne, 4 pluviôse an II.
68 ADLA L363, lettre du représentant du peuple Lindet pour le Comité de salut public, 16 vendémiaire an III.
69 Dockès Pierre, Le sucre et les larmes…, op. cit., p. 69.
70 Guittard de Floriband Célestin et Aubert Raymond (présenté et commenté par), Journal de Célestin Guittard de Floriban, bourgeois de Paris sous la Révolution, 1791-1796, Paris, Éditions France-Empire, 1974, p. 119.
71 Burstin Haim, Une révolution à l’œuvre. Le faubourg Saint-Marcel (1789-1794), Seyssel, Champ Vallon, 2005, p. 332 ; Mathiez Albert, La vie chère et le mouvement social sous la Terreur, Paris, Payot, 1973 (1re édition 1927).
72 Schnakenbourg Christian, Les sucreries de la Guadeloupe…, op. cit., p. 207 ; Deerr Noel, The History of Sugar…, op. cit., p. 532 ; Crouzet François, La guerre économique…, op. cit., p. 117 ; Stein Robert Louis, The French Sugar Business…, op. cit., p. 164 ; Kouamé Aka, Le commerce des sucres…, op. cit., p. 303 ; Blackburn Robin, The Making of New World Slavery from the Baroque to the Modern, 1492-1800, Londres/New York, Verso, 1997, p. 382.
73 AN F12 1639a, Mémoire sur les sucres, 1777 ; ADL 2J354, Observations des entrepreneurs des manufactures de sucre d’Orléans, s.d. [vers 1786].
74 Lavoisier (textes et documents présentés par Jean-Claude Perrot), De la richesse territoriale du royaume de France, Paris, Éditions du CTHS, 1988, p. 144.
75 Selon C. Shammas, le sucre peut être considéré comme un produit de consommation de masse car il aurait été consommé par un quart de la population anglaise de manière quotidienne dès la fin du xviie siècle ; Shammas Carole, The Pre-industrial Consumer…, op. cit., p. 81-82.
76 Bourdieu Pierre, La distinction : critique sociale du jugement, Paris, Les Éditions de Minuit, 1979.
77 Roche Daniel, Histoire des choses banales, Paris, Fayard, 1997, p. 266 ; Meyzie Philippe, L’alimentation en Europe…, op. cit., p. 83 ; McKendrick Neil, « The consumer revolution of eighteenth-century England », dans McKendrick Neil, Brewer John et Plumb J. H. (dir.), The Birth of a Consumer Society…, op. cit., p. 11.
78 Selon Daniel Roche, l’usage de boissons excitantes est attesté dans les intérieurs de 15 % des salariés et de 25 % des domestiques parisiens en 1775-1790 ; Roche Daniel, Le peuple de Paris, Paris, Fayard, 1998, p. 198.
79 Levi Giovanni, « Comportements, ressources, procès : avant la révolution de la consommation », dans Revel Jacques (dir.), Jeux d’échelles…, op. cit., p. 186-207.
80 Lanoë Catherine, La poudre et le fard…, op. cit., p. 287-291.
81 Shammas Carole, « Changes in English and Anglo-American consumption from 1550 to 1800 », dans Brewer John et Porter Roy (dir.), Consumption and the World of Goods, Londres/New York, Routledge, 2005 (1re édition 1993), p. 177-203. P. Verley souligne le rôle des réseaux commerciaux dans la diffusion de nouveaux produits avant celui du taux d’urbanisation ; Verley Patrick, L’échelle du monde. Essai sur l’industrialisation de l’Occident, Paris, Gallimard, 1997, p. 140-143.
82 Ses travaux ont surtout été utilisés par L. Fontaine ; Fontaine Laurence, Histoire du colportage en Europe, xve-xixe siècle, Paris, Albin Michel, 1993, p. 235.
83 Les professions liées à la consommation de produits coloniaux ont été exclues du corpus.
84 La vaisselle destinée à la consommation de boissons exotiques a été relevée car thé, café et chocolat sont la plupart du temps consommés avec du sucre : Dufour Philippe Sylvestre, Traités nouveaux & curieux du café, du thé, du chocolat, La Haye, chez Adrian Moetjens, 1685, p. 44 ; Chamberlayn John, The Manner of Making Coffee, Tea and Chocolate, as it is Used in Most Parts of Europe, Asia, Africa and America, Londres, William Crook, 1685, p. 8.
85 Poisson Jean-Paul, Notaires et société. Travaux d’histoire et de sociologie notariale, tome II, Paris, Economica, 1990 ; Roche Daniel, Le peuple de Paris, Paris, Fayard, 1998 (1re édition 1981), préface p. V ; Baulant Micheline, « L’appréciation du niveau de vie. Un problème, une solution », Histoire et mesure, nos 3-4, p. 267-302.
86 Revel Jacques (dir.), Jeux d’échelles…, op. cit., introduction ; Cosandey Fanny, Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éditions de l’EHESS, 2005 ; Béaur Gérard, « Les catégories sociales à la campagne : repenser un instrument d’analyse », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, tome 106, 1999, p. 159-176.
87 Daumard Adeline et Furet François, Structures et relations sociales à Paris au xviiie siècle, Paris, Armand Colin, 1961 ; Petitfrère Claude, « Les milieux populaires à Tours sous le règne de Louis XIV », dans Guignet Philippe (dir.), Le peuple des villes dans l’Europe du Nord-Ouest, Lille, CRHEN-O, 2002, p. 69-90. La catégorie « manouvrier » réunit des individus modestes, les journaliers et les compagnons. Les marchands et les négociants sont regroupés et désignent des commerçants de plus grande envergure que les détaillants. Sous la dénomination « professions libérales », on retrouve les médecins, les avocats ou encore les artistes. La catégorie « noble » regroupe les seuls individus détenteurs d’un titre. Tous les officiers supposés roturiers, civils et militaires, sont réunis et les « rentiers », enfin, désignent les bourgeois sans profession précise.
88 Radeff Anne, Du café dans le chaudron. Économie globale d’Ancien Régime (Suisse occidentale, Franche-Comté et Savoie), Lausanne, Société d’histoire de la Suisse romande, 1996.
89 Weatherill Lorna, Consumer Behavior…, op. cit., p. 27 ; Blondé Bruno et Van Damme Ilja, « Retail growth and consumer changes in a declining urban economy : Antwerp (1650-1750) », Economic History Review, no 63-3, 2010, p. 638-663.
90 Soit 292 sur 683 foyers urbains.
91 Meyzie Philippe, La table du sud-ouest…, op. cit., p. 266 ; Arthuis Emmanuelle, Le sucré dans le pays vannetais au xviiie siècle, Lorient, mémoire de maîtrise dactylographié, 2002. À Londres, 60 % des intérieurs ont des ustensiles liés à la consommation de boissons exotiques en 1725 ; la part tombe à 6 % pour les campagnes ; Weatherill Lorna, Consumer Behavior…, op. cit., p. 31. En 1730, B. Blondé et I. Van Damme estiment que la proportion est identique pour Anvers ; Blondé Bruno et Van Damme Ilja, « Retail growth and consumer… », art. cit., p. 645.
92 Les chiffres sont identiques à ceux trouvés par R. Lick pour la ville de Coutances dans la Manche et proches de ceux de P. Haudrère pour Angers ; Lick Richard, « Les intérieurs domestiques dans la seconde moitié du xviiie siècle d’après les inventaires après décès de Coutances », Annales de Normandie, no 20-4, 1970, p. 293-316 ; Haudrère Philippe, « Esquisse d’une histoire des intérieurs angevins au xviiie siècle », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, no 99-3, 1992, p. 227-242.
93 Figeac Michel, La douceur des Lumières. Noblesse et art de vivre en Guyenne au xviiie siècle, Paris, Mollat, 2001, p. 294. Selon L. Weatherill, 10 % des inventaires de toutes les catégories de marchands possèdent des objets liés aux boissons chaudes entre 1675 et 1725, 7 % de la gentry, 4 % des maîtres de métier ; Weatherill Lorna, Consumer Behaviour…, op. cit., p. 184.
94 ADLA 3E37/360, inventaire de René Danaillas, mai 1685.
95 Soit 7 individus sur 268 en 1680 et 122 sur 538 en 1780.
96 La richesse des foyers étudiés est approximative car la plupart des inventaires ne prennent en compte que les biens meubles et délaissent les crédits et les débits, les patrimoines immobiliers et les liquidités. C. Shammas estime que le niveau de richesse explique 60 à 70 % de la propension à consommer ; Shammas Carole, « Changes in English and Anglo-American consumption from 1550 to 1800 », art. cit., p. 198.
97 Bennezon Hervé, La vie en Picardie au xviiie siècle. Du café dans les campagnes, Paris, Les Indes savantes, 2012, p. 339 ; Volpe Tony, « La civilisation matérielle dans les campagnes lorraines (xviie-xviiie siècles) », Annales de l’Est, no 1, 1999, p. 63-104.
98 Baulant Micheline, « L’appréciation du niveau de vie… », art. cit., p. 290. Aux Provinces-Unies, J. de Vries a souligné combien les ruraux sont réceptifs à la culture de consommation urbaine : dès le xviie siècle, les paysans de Frise se parent de montres et agrémentent leurs intérieurs de miroirs, d’objets en porcelaine et de rideaux ; De Vries Jan, The Dutch Rural Economy in the Golden Age, 1500-1700, New Haven/Londres, Yale University Press, 1974, p. 218-219.
99 Margoline-Plot Eugénie, Les pacotilles d’indiennes, la boutique et la mer. Organisation, structures et logiques d’une économie parallèle en Bretagne au xviiie siècle, Lorient, thèse dactylographiée, 2014, p. 509-512.
100 Waro Desjardins Françoise, « Permanences et mutations de la vie domestique au xviiie siècle : un village du Vexin français », RHMC, no 40-1, 1993, p. 3-29.
101 Moriceau Jean-Marc, Les fermiers de l’Île-de-France. L’ascension d’un patronat agricole (xve-xviiie siècle), Paris, Fayard, 1999 (1re édition 1994), p. 759 ; Weatherill Lorna, Consumer Behavior…, op. cit., p. 79.
102 Roche Daniel, Histoire des choses banales…, op. cit., p. 267.
103 ADLA B6916, inventaire de François Guilbaud, juin 1780.
104 Soit 23 sur 185 intérieurs ruraux et 292 sur 683 foyers urbains.
105 Shammas Carole, The Pre-industrial Consumer…, op. cit., p. 81-82.
106 Stobart Jon, « Sucre et épices… », art. cit., p. 128.
107 La comparaison est forcément biaisée car l’analyse porte sur les Parisiens qui consomment plus de sucre qu’en province.
108 Stobart Jon, « Sucre et épices… », art. cit., p. 138.
109 AP D4B60087, bilan de faillite du 15 juillet 1783. Les cotes des six livres de comptes sont D5B6 197, 604, 686, 3654, 3902 et 4000.
110 Coquery Natacha, Tenir boutique à Paris…, op. cit., annexe 1.
111 Natta Marie-Christine, article « Mode », dans Montandon Alain (dir.), Dictionnaire raisonné de la politique et du savoir-vivre, Paris, Seuil, 1995, p. 607-635.
112 ADLA C730, Mémoire commun des raffineurs d’Orléans et des représentants du commerce de Nantes, 7 juin 1781.
113 Bourdieu Pierre, La distinction…, op. cit., p. 219.
114 Flandrin Jean-Louis, « La distinction par le goût », art. cit., p. 270 ; Quellier Florent, Des fruits et des hommes…, op. cit., p. 76. Les élites désignent le groupe d’individus qui de par leur fortune, leur mode de vie, leur statut ou leur activité sont au sommet de la hiérarchie sociale ; Chaussinand-Nogaret Guy (dir.), Histoire des élites en France du xvie au xxe siècle, Paris, Tallandier, 1991, p. 12.
115 Stanziani Alessandro (dir.), La qualité des produits…, op. cit., p. 14.
116 Coquery Natacha, Tenir boutique…, op. cit., p. 267.
117 Bianchi Marina, « In the name of the tulip. Why speculation ? », dans Berg Maxine et Clifford Helen (dir.), Consumers and Luxury. Consumer Culture in Europe 1650-1850, Manchester, Manchester University Press, 1999, p. 88-102.
118 Babelon Jean-Pierre, Arminjon Catherine et alii (dir.), Versailles et les tables royales en Europe, xviie-xixe siècles, Paris, Éditions de la Réunion des Musées Nationaux, 1993.
119 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) ; cliché Martine Beck-Coppola, numéro d’inventaire : OA9598.
120 Berg Maxine, « Les siècles asiatiques de l’Europe. Asie, luxe et approches nouvelles de la révolution industrielle », dans Daumas Jean-Claude (dir.), L’Histoire économique…, op. cit., p. 341-356.
121 ADLA B9503/2, inventaire du négociant Jean-Gabriel Montaudouin, mai 1781.
122 Chanson J., Une famille de négociants nantais à l’époque moderne, les Montaudouin, Nantes, mémoire de maîtrise, 1977.
123 ADIL 3E26/419, inventaire du chevalier Pierre Dethienne, janvier 1779 ; ADIL 3E4/485, inventaire de Testard Dubournais, avril 1780 ; ADIL 3E26/420, inventaire de Joseph de la Corne, novembre 1780.
124 Meyzie Philippe, La table du sud-ouest…, op. cit., p. 126.
125 Seuls 687 objets sont décrits par le notaire.
126 Diderot Denis et D’Alembert Jean le Rond, Encyclopédie…, op. cit., article « Fayancerie ».
127 La faïence triomphe dans les intérieurs et remplace l’étain dans les catégories populaires ; Garnot Benoît, Un déclin : Chartres au xviiie siècle, Paris, Éditions du CTHS, 1991, p. 207.
128 Dequidt Marie-Agnès, Horlogers des Lumières. Temps et société à Paris au xviiie siècle, Paris, Éditions du CTHS, 2014, p. 54.
129 ADLA B9502/3, inventaire de Jean Harault, avril 1781.
130 ADIL 3E4/483, inventaire de Jean Chabelard, mars 1779.
131 Denis Serge, « Entrée solennelle de Philippe de Bourbon, roi d’Espagne à Orléans, le 7 décembre 1700 », Bulletin hispanique, no 40-1, p. 61-77.
132 Meyzie Philippe, « Les cadeaux alimentaires… », art. cit., p. 35.
133 Diderot Denis et D’Alembert Jean le Rond, Encyclopédie…, op. cit., article « Confiserie ».
134 Flandrin Jean-Louis, L’ordre des mets, Paris, Éditions Odile Jacob, 2002, p. 130.
135 Menon, La cuisinière bourgeoise suivie de l’office, Bruxelles, chez François Foppens, 1756 (1re édition 1746).
136 Flandrin Jean-Louis, « Le sucre dans les livres de cuisine français… », art. cit., p. 217.
137 Massialot François, Le nouveau cuisinier royal et bourgeois, Paris, chez Prudhomme, 1721.
138 Anonyme, L’Escole parfaite des officiers de bouche ; contenant Le vray Maistre-d’Hostel, Le grand Escuyer-Tranchant, Le Sommelier royal, Le Confiturier royal, Le Cuisinier royal, et le Patissier royal, Paris, chez Jean Ribou, 1676 (1re édition 1662).
139 Vicaire Georges, Bibliographie gastronomique…, op. cit. ; Le Cuisinier françois, textes présentés par Jean-Louis Flandrin, Philip et Mary Hyman, Paris, Montalba, 1983, p. 64. Au xvie siècle, outre le célèbre traité de Nostradamus, deux ouvrages ont déjà été consacrés au sujet : Anonyme, Petit traicté contenant la manière de faire les confitures, Paris, Jean Longis, 1545 ; Nostramadus, Excellent et moult utile opuscule […]. La seconde nous monstre la façon & manière de faire confitures de plusieurs sortes, tant en miel, que sucre et vin cuict, Lyon, Antoine Volant, 1555 ; Anonyme, La pratique de faire toutes les confitures, Lyon, Benoist Rigaud et Jean Saugrain, 1558.
140 Anonyme [La Varenne ?], Le Confiturier françois, Paris, J. Gaillard, 1660 ; La Varenne, Le Parfaict confiturier, Paris, J. Ribou, 1667 ; Anonyme, Traité de confiture ou Le nouveau et parfait confiturier, Paris, T. Guillain, 1689 ; Massialot François, Nouvelle instruction pour les confitures, les liqueurs, et les fruits, Paris, De Sercy, 1692. L’attribution du premier ouvrage à La Varenne est remise en cause ; Hyman Mary et Philip, « Les livres de cuisine imprimés en France… », art. cit., p. 64.
141 Girard Alain, « Le triomphe de La cuisinière bourgeoise. Livres culinaires, cuisine et société en France aux xviie et xviiie siècles », RHMC, no 24, 1977, p. 497-523.
142 Menon, La science du maître d’hôtel confiseur, Paris, Paulus-Du-Mesnil, 1750, p. 520 ; Gilliers Joseph, Le Cannameliste français ou Nouvelle instruction pour ceux qui désirent d’apprendre l’office, Lunéville, chez l’auteur, 1751 ; Emy, L’Art de bien faire les glaces…, op. cit.
143 Le Cuisinier françois, op. cit., p. 64 ; La Varenne Pierre-François, L’École des ragouts ou le chef d’œuvre du cuisinier, du patissier & du confiturier, Lyon, Jacques Canier, 1688 (12e édition).
144 Vicaire Georges, Bibliographie gastronomique…, op. cit., p. 453 ; Massialot François, Nouvelle instruction pour les confitures, les liqueurs, et les fruits, Paris, De Sercy, 1692.
145 Menon, La science…, op. cit., p. 520.
146 Meyzie Philippe, « Gastronomie et politique à Angers au xviiie siècle », Archives de l’Anjou, no 16, 2013, p. 119-129.
147 Apostolidès Jean-Marie, Le roi-machine. Spectacle et politique au temps de Louis XIV, Paris, Les Éditions de Minuit, 1981, p. 104.
148 Félibien André, Relation de la feste de Versailles du dix-huitième juillet mil six cens soixante-huit, Paris, Pierre Le Petit, 1678, p. 7.
149 Les sources soulignent seulement la place des entremets sucrés dans les menus princiers ; AN K1719, MIC/K/505, États des dîners et soupers du roi.
150 Noël-Waldteufel Marie-France, « La table de Louis XV au château de Choisy », Lumières, no 11, 2008, p. 95-103.
151 AMA CC17, cité dans Bodineau Christophe, Fêtes et cérémonies publiques…, op. cit., p. 157.
152 AMA CC37, compte de Fabre à Messieurs du corps de ville d’Angers, 19 janvier 1778.
153 AM CC37, compte du confiseur Fabre, 13 juillet 1778.
154 ADML 5E6/2 (fonds en cours de cotation), inventaire du 18 mars 1771.
155 AP D5B6 1876, livre journal de Mosnier, confiseur à Versailles, 1766-1770. Son dépôt de bilan a également été conservé : AP D4B6 43, dossier 2408, 17 décembre 1771.
156 Dans la catégorie « élite » sont regroupés les marchands, les officiers, les professions libérales, les religieux, les nobles et les domestiques qui font les courses pour leurs maîtres (soit 23 clients pour 85 visites) et, dans la rubrique « artisans boutiquiers », les professionnels liés à la vente de produits coloniaux ont été exclus, ce qui réduit le groupe à 9 acheteurs qui ont effectué 56 visites chez Mosnier.
157 AP D5B6 2156, livres de comptes de Bonvalet, confiseur à Paris, 1772-1783.
158 La faillite du détaillant a été conservée : AP D4B6 216 dossier 2712, 10 mars 1777.
159 Emy, L’Art de bien faire les glaces…, op. cit., p. 72.
160 Les glaces restent un produit de luxe dans toute l’Europe jusqu’au début du xixe siècle ; Grandi Alberto, « Le bien-être frais. La consommation de glace et de neige en Europe du xve au xixe siècle », dans Sougy Nadège (dir.), Luxes et internationalisation…, op. cit., p. 109-123.
161 Perrier-Robert Annie, Dictionnaire de la gourmandise, Paris, Robert Laffont, 2012, p. 582.
162 Grimod de La Reynière, Almanach des gourmands, servant de guide dans les moyens de faire excellente chère, Paris, Maradan, 1805 (4e édition), p. 227.
163 Emy, L’Art de bien faire les glaces…, op. cit., avant-propos.
164 Bruegel Martin, « A bourgeois good ? Sugar, norms of consumption and the labouring classes in nineteenth-century France », dans Peter Scholliers (dir.), Food, Drink and Identity. Cooking, Eating and Drinking in Europe since the Middle Ages, Oxford, Berg Publishers, 2001, p. 99-118.
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