Chapitre I
Saint-Domingue – Nantes – Orléans : l’essor d’un réseau d’importation
p. 33-56
Texte intégral
1Surtout connu pour son implication dans le commerce négrier, Nantes est devenu un centre majeur du commerce colonial atlantique au xviiie siècle. Approvisionné par la colonie de Saint-Domingue et premier fournisseur de la vallée ligérienne et de Paris, les principaux centres de consommation de sucre du pays, le port est une entrée commode pour amorcer l’étude de la filière. L’objectif de cette partie est d’évaluer la croissance du commerce sucrier et ses fluctuations de la fin du xviie siècle à la fin du xviiie siècle. Il s’agit de prendre le pouls du trafic, ses accélérations et ses ralentissements, en analysant la qualité, les prix et les quantités de barriques de sucre échangées sur la place nantaise. Comprendre les variations du commerce implique de s’intéresser à la conjoncture extérieure, aux guerres, aux mauvaises récoltes, et aux aléas des transports qui influent sur le cours du sucre.
Nantes : le développement d’un grand port sucrier (fin XVIIe-fin XVIIIe siècle)
2Avec sa place de second port colonial français, Nantes est représentatif de la croissance commerciale qui touche les ports européens. Son essor est principalement dû au commerce du sucre, en progression constante au cours du siècle. Pour mesurer la croissance du trafic et apprécier les difficultés causées par la conjoncture extérieure, un détour par les sources sérielles s’impose. L’évaluation des importations, les spécificités du commerce sucrier nantais et les fluctuations du trafic seront examinées.
Essor et spécificités du commerce du sucre à Nantes
3L’étude quantitative menée dans les fonds de la chambre de commerce de Nantes alliée aux résultats des nombreuses monographies sur les ports français met en évidence la croissance du trafic. Entre 1698 et 1788, les importations de sucre toutes qualités confondues ont été multipliées par huit : le port de Nantes importe environ 6,4 millions de livres de sucre en 1698 et 53,7 millions en 17881. Les épisodes de guerre mis à part, la croissance est très régulière sur la période étudiée. Le démarrage de Nantes dans la filière sucrière est rapide et sa suprématie totale sur les autres ports atlantiques. De 1706 à 1711, Nantes reçoit deux fois plus de sucre que La Rochelle et près de trois fois plus que Bordeaux2. La situation change à la fin du siècle, Bordeaux concurrence Nantes et devient le premier port colonial3. Pourtant, un document récapitulant « toutes les marchandises venues dans les ports de France depuis le 1er janvier jusqu’au 31 décembre 1775 » permet de relativiser la primauté bordelaise4. Les deux ports importent presque les mêmes quantités de sucre brut en 1775. À l’inverse, les écarts se creusent pour le sucre terré.
4Il s’agit d’une spécificité nantaise : l’importation de sucre brut y domine alors que les autres ports se tournent de plus en plus vers le sucre terré5. Il s’agit de comprendre cette orientation particulière. Avant d’étudier dans le détail la nature des importations nantaises, il convient de préciser les différentes variétés de sucre produites aux Antilles. Les descriptions sur la production de sucre dans les Îles abondent. La plus connue a été rédigée par le père Labat, missionnaire dominicain et propriétaire de plantations6. Ses écrits ont été repris dans les articles « Sucre » du Dictionnaire universel du commerce et de l’Encyclopédie7. Grâce aux mémoires des raffineurs et des négociants métropolitains qui éclairent les propos de l’auteur, le procédé de fabrication des sucres peut être reconstitué. La récolte de la canne se fait principalement au printemps pendant la saison sèche de janvier à juin8. Les cannes sont passées dans un moulin pour en tirer le jus, le vesou. Selon la taille de la sucrerie, le vesou est cuit dans quatre à sept chaudières différentes pour le purifier et opérer la cristallisation du sucre. Le sirop ainsi formé est versé dans des tonneaux percés de trois trous pour ne retenir que le grain. Les barriques, purgées de l’excédent de sirop, sont envoyées aux raffineurs en Europe ; les matières ainsi conditionnées forment le sucre brut, aussi nommé moscouade. Comme le signale Duhamel du Monceau, ces moscouades sont de qualités diverses en fonction du terrain et de l’habileté du raffineur aux Îles. Les plus belles sont formées d’un grain sec et perdent moins de matières pendant le transport. La seconde qualité de sucre fabriquée aux colonies est le terré. Elle demande des opérations plus complexes. Le sirop de sucre est versé dans de grandes formes de terre sur lesquelles les serviteurs de raffinerie disposent de l’argile blanche qui s’infiltre dans le cône de terre et blanchit le sucre. Les pains de sucre ainsi formés sont séchés à l’étuve. Les têtes des pains de sucre qui sont restées d’une couleur brune sont séparées du corps, plus blanc. Les matières sont pilées et donnent la cassonade grise et la cassonade blanche, aussi appelée sucre terré blanc. Le sucre en casson est, comme le sucre brut, envoyé dans des barriques aux négociants européens mais le coulage est moindre. Il peut être consommé tel quel mais, la plupart du temps, il est raffiné dans les villes européennes. La troisième sorte est le sucre raffiné. Le sucre brut est passé dans deux chaudières, écumé puis clarifié avec de la chaux et des œufs. Il est ensuite terré à deux reprises et les pains de sucre sont séchés à l’étuve. Le raffinage du sucre est progressivement interdit dans les colonies françaises pour assurer le monopole de la transformation aux raffineurs métropolitains mais le terrage reste autorisé9. La plupart des autres pays européens ont interdit la production de sucre raffiné ou terré dans leurs colonies et importent uniquement du sucre brut10. En France, le sucre terré est un sérieux concurrent du sucre brut. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, la seule période pour laquelle on dispose d’informations précises, les importations de sucre sont composées de 55 % de sucre terré11.
Graphique 1. Nature des sucres importés dans les ports français en 1775 (en milliers de livres).

Source : ADLA C724
5Les ports français opèrent des choix différents. À la différence de Bordeaux et Marseille, Nantes s’est spécialisé dans l’importation de sucre brut.
6Les données reconstituées pour les années 1730 à 1779 confortent la tendance observée pour l’année 1775 : 59 % du sucre importé par Nantes est brut12. Rares sont les années où le sucre terré l’emporte sur le sucre brut, seules les périodes de guerre bouleversent le schéma. Comment expliquer la spécificité nantaise ? Le port dispose d’un hinterland dynamique avec les raffineries ligériennes et surtout orléanaises, grandes consommatrices de sucre brut, moins coûteux que le terré. Bordeaux, à l’inverse, est tourné davantage vers la réexportation et préfère le sucre terré au sucre brut. Ces choix entraînent des aires spécifiques d’approvisionnement.
7La partie occidentale de l’île de Saint-Domingue, deux fois plus étendue que la Jamaïque, est le premier producteur de sucre pour la France et devance nettement les autres îles. En 1788, sa production représente près de 80 % de l’ensemble de la production française et elle aurait été multipliée par 15 de 1715 à 178813. À Nantes, la part de Saint-Domingue est accentuée et représente 91 % des importations en 178814. La prédilection pour le sucre de Saint-Domingue s’explique aussi par les préférences des raffineurs ligériens, principaux clients des négociants nantais. Le raffineur Ravot souligne la supériorité de sa production : « La plus grande partie des sucres que nous fabriquons viennent de Saint-Domingue, ils sont les meilleurs de toutes nos colonies tant en brut qu’en terré15 . »
8Malgré la concurrence bordelaise, le commerce sucrier nantais est en forte hausse au xviiie siècle. Le port, à la différence de ses concurrents, se spécialise dans le commerce du sucre brut en provenance de Saint-Domingue pour répondre à la demande précise de son hinterland. Le port de Nantes est un des maillons de la filière sucrière et de lui dépend toute une industrie tributaire des irrégularités du trafic.
Les fluctuations du trafic : blocage et nouvelles opportunités
9Les guerres sont les principales causes des fluctuations du trafic colonial et leurs répercussions sur l’économie des pays européens suscitent de vifs débats dans la communauté historienne16. Le premier point sujet à controverse porte sur les chiffres du trafic : le commerce est-il, oui ou non, interrompu en période de guerre ? Le second point litigieux concerne les effets positifs et négatifs des conflits sur les économies. Dans une tentative de synthèse, S. Marzagalli conclut à une forte perturbation des trafics maritimes mais nuance ses propos : les guerres stimulent les économies en fournissant de nouvelles opportunités de profit avec la guerre de course ou encore l’armement des navires de guerre17. Les dépouillements menés dans les fonds de la chambre de commerce de Nantes et dans la correspondance marchande permettent d’éclairer ces questionnements et d’évaluer l’influence des conflits sur le commerce colonial. Si le trafic sucrier est touché de plein fouet par les guerres du siècle, voire anéanti pendant la guerre de Sept Ans, c’est bien la persistance du trafic et la forte reprise qui suit la fin des conflits qu’il faut souligner.
10Les arrivées de sucre s’effondrent en période de conflit. Lors de la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), les importations diminuent d’un tiers à partir de 1744, date du début de la guerre navale anglo-française. Les arrivées sont encore divisées par deux l’année suivante mais le trafic colonial ne s’interrompt pas malgré les tentatives anglaises de blocus.
Graphique 2. Arrivées de sucre des colonies à Nantes selon sa qualité, de 1730 à 1779 (en milliers de livres).

Source : ADLA C706, états récapitulatifs des marchandises venues des colonies et sorties du royaume
11Les effets de la guerre de Sept Ans (1756-1763) sont encore plus grands : les importations chutent dès 1755 avant même la déclaration de la guerre, suite à la capture par l’Angleterre de 300 navires de commerce français dont 39 nantais. Les importations sont quasiment nulles pendant cinq ans, de 1758 à 1762, et de 1760 à 1762 aucun article provenant des colonies n’est noté dans les États récapitulatifs des marchandises18. Alors que Nantes importait des Antilles 12 millions de livres de sucre en 1756, le port en reçoit seulement 0,4 million en 1759. C’est pendant cette période que la France a recours aux sucres étrangers, pour des quantités minimes. Les fermiers indiquent que les deux tiers des sucres étrangers reçus, terrés pour la plupart, sont hollandais. Or, à cette date, la colonie hollandaise du Surinam ne produit que du sucre brut19. Les navires hollandais transportent vraisemblablement du sucre français. Pendant la guerre de Sept Ans, la quasi-suspension de la navigation française dans l’Atlantique fait du recours aux pavillons neutres une des seules alternatives20. La guerre d’Indépendance américaine (1776-1783) perturbe le trafic moins durablement : le commerce s’effondre à partir de 1778, date de l’entrée en guerre de la France. Les chiffres font défaut pour l’année 1780, au cœur du conflit, mais les données récoltées pour les années 1781 et 1782 montrent que le trafic ne s’arrête pas totalement. Le recours aux navires neutres permet de maintenir en partie l’approvisionnement en denrées coloniales21.
12Les négociants et les raffineurs sont dans l’attente des arrivées de sucre, aléatoires quelle que soit la conjoncture – guerre ou paix. En temps de paix, deux motifs principaux expliquent les difficultés d’approvisionnement : les aléas du trafic et les mauvaises récoltes. Les arguments sont utilisés dans la correspondance que le négociant nantais Delaville entretient avec le raffineur Ravot à Orléans22.
Je suis bien charmé que vous ayez fait assez de provisions l’année dernière pour n’avoir pas eu besoin d’en acheter pendant la hausse survenue depuis qui est très forte sur les sucres bruts et causée par les retards du produit de la dernière récolte bien altérée par la sécheresse. (Lettre du 5 juin 1787)
La baisse que j’attends depuis du temps a été reculée par le peu de navires qui nous sont arrivés de Saint-Domingue et par la perte en très peu de temps de quatre navires qui portaient ensemble plus de 2 000 barriques de sucre brut la majeure partie en blanc. (Lettre du 28 décembre 1787)
13En temps de guerre, les négociants sont suspendus aux informations sur les arrivées des convois. Pendant la guerre d’Amérique, Colas de Malmusse, négociant orléanais, s’informe auprès de ses commissionnaires Gerbier et Compagnie, négociants à Nantes.
Dans votre seconde lettre vous me confirmez l’arrivée d’un convoi de 46 voiles et qu’il y en a 16 ou 18 pour votre ville ce qui va donner beaucoup de marchandises sur votre place il y a assez longtemps qu’il en manque, sitôt qu’il y aura des prix stables je vous seray obligé de m’en faire part.23
14Loin d’être un obstacle incontournable, la guerre et sa valse de convois font l’objet de spéculation de la part des négociants. L’arrivée de convois provoque un afflux important de marchandises et entraîne une baisse brutale des prix. Tout l’art du marchand consiste à stocker les sucres en magasin et à les vendre lorsque la pénurie se fait sentir en temps de guerre. En 1780, Chaurand, commissionnaire du comte de Beauharnais, lui conseille d’attendre avant la vente : « il faut au moins chercher à profiter des circonstances […] car il n’est guère possible que le convoi arrive avant Juillet24 ». La prise de risque n’est pas toujours payante et le déficit d’information sur la date des retours des convois entraîne des erreurs de jugement, et des pertes peuvent mettre en péril les relations des négociants. Chaurand s’efforce ainsi de minimiser ses responsabilités.
Nous attendions avec raison une évolution sur vos sucres et elle alloit s’effectuer sans l’arrivée subite du convoy du Tonnant qui entra en rivière jeudi. Nous étions en affaire pour les vendre le mercredi mais ce convoy ne nuira pas tant à vos sucres ils ont apporté tout au plus 800 barriques de terré et l’étranger qui va être instruit de l’arrivée du convoi donnera immanquablement des ordres d’acheter et la concurrence fera soutenir les prix.25
15Les prix récoltés pour Amsterdam, Londres, Paris et Nantes montrent les effets des conflits européens sur le cours du sucre (graphique 3). L’ampleur de la contrebande apparaît aussi en creux : pendant la guerre de Sept Ans, si les prix augmentent en France, ils baissent sur les principales places européennes. L’Angleterre et les Provinces-Unies parviennent à approvisionner en fraude le nord de l’Europe avec du sucre français car rien ne saurait expliquer une hausse si importante des productions des plantations hollandaises et anglaises26.
Graphique 3. Les prix du sucre dans quatre villes européennes, 1680-1800 (en grammes d’argent par kilo de sucre)27.

Sources : Hauser Henri, Recherches et documents sur l’histoire des prix en France de 1500 à 1800, Genève/ Paris, Slatkine Reprints, 1985 (1re édition 1936) ; Posthumus Nicholaes W., Inquiry into the History of Prices in Holland, Leyde, Brill, volume 2, 1964 ; Allen Robert C., Enclosure and the Yeoman, New York, Oxford University Press, 1992 ; site de l’International Institute of Social History (http://www.iisg.nl/hpw/data.php)
16À Nantes, les fluctuations des prix réels relevés dans les livres des comptes de vente du négociant de Guer de 1765 à 1786 mettent en lumière le poids de la guerre d’Indépendance américaine et les adaptations du trafic en période de conflit (graphique 428). La guerre entraîne un changement de comportement des négociants : lors des conflits, les Nantais importent davantage de sucre terré car la valeur ajoutée des cargaisons est plus grande que celle du sucre brut et les risques de pertes causées par l’humidité et le coulage du sucre brut sont moindres. En temps de paix, de 1765 à 1775, le prix des sucres terrés reçus par de Guer est supérieur de 60 % à celui des sucres bruts (en moyenne 42 livres le quintal contre 25 livres) ; en temps de guerre, le négociant ne reçoit plus de sucre brut et les prix du terré doublent.
17Sans surprise, les difficultés d’approvisionnement rejaillissent sur les prix des sucres raffinés comme en témoignent les livres de comptes du raffineur orléanais Ravot. Il indique le prix auquel il a acheté ses marchandises de 1773 à 179129. L’entrée dans la guerre d’Indépendance américaine provoque une envolée des prix ; stables de 1773 à 1777 (environ 40 livres le cent pesant), ils augmentent brutalement de 1777 à 1782 (de 63 à 82 livres), puis les prix reviennent à un niveau raisonnable les années suivantes (50 livres). Pendant la période révolutionnaire, les prix des sucres atteignent des sommets et les raffineurs ligériens peinent à s’approvisionner. En 1799, le négociant de Guer fournit la liste des prix des sucres à Ravot ; presque toutes les qualités de sucre dépassent les 200 livres30. Seul le sucre en provenance d’Inde, beaucoup moins réputé, reste au-dessous de la moyenne mais il est peu recherché par les industriels qui ne peuvent le transformer en sucre raffiné de bonne qualité.
Graphique 4. Mouvement des prix réels du sucre vendu à Nantes d’après les livres de ventes du négociant de Guer, de 1765 à 1786.

Sources : ADLA 8J13 et 8J14
18La hausse du coût de la matière première met en difficulté les industries en aval de la filière. Des causes conjoncturelles comme les conflits sont un des paramètres essentiels dans le processus de fixation des prix du sucre. Ils sont également dépendants de paramètres plus structurels comme les modes de transport utilisés et les aléas rencontrés. L’essor de la commercialisation d’un nouveau produit aussi coûteux et volumineux nécessite la mise en place de réseaux de transports spécifiques. L’importation, la réexportation et la distribution du sucre à l’intérieur même du royaume de France font appel à un ensemble de modes de transports (fluviaux, maritimes, terrestres), et Nantes se trouve au centre de ce que les géographes nomment un véritable carrefour multimodal. Lors de son périple de Saint-Domingue à Nantes vers Hambourg ou Orléans, une barrique de sucre subit de nombreux aléas lors des points de rupture de charge. Les réseaux, leurs connexions, les risques qui en découlent sont des éléments cruciaux pour saisir les choix opérés par les acteurs de la filière.
La route du sucre et ses aléas
19Le 20 septembre 1789, un convoi de sept chalands part de Nantes pour approvisionner trois raffineurs orléanais mais le voyage sur la Loire s’éternise31. À son arrivée à Langeais, il est obligé d’attendre les vents favorables pendant cinq longues semaines ; lorsque le convoi arrive enfin à Amboise le 16 novembre, il reste bloqué à cause des glaces. Les sucres sont alors déchargés et mis en entrepôt mais la débâcle a raison du convoi le 18 décembre 1789 et la brusque montée des eaux emporte une partie des navires. Plus de trois mois se sont écoulés, et les raffineurs orléanais n’ont pas reçu une seule barrique de sucre. Qu’il soit maritime, fluvial ou terrestre, le transit est le moment de tous les dangers. Il a pourtant été peu étudié, comme le souligne D. Woronoff : « du côté des échanges on s’est plus préoccupé de la direction des flux que des étapes ; du point de départ au point d’arrivée, il s’agit souvent d’un trait sans épaisseur32 ». Le trajet est si redouté par les marchands qu’il mérite l’attention de l’historien. Qu’il soit brut ou raffiné, le produit est fragile ; il s’humidifie ou s’échauffe selon la saison et la météo, et se transforme en sirop invendable à la moindre voie d’eau dans le navire.
La voie maritime : de la traversée transatlantique au grand cabotage européen
20Les aléas de la traversée transatlantique et ses étapes donnent des informations sur le coût du sucre brut et sur l’approvisionnement des raffineries françaises. Les mesures prises par les négociants pour se garantir contre les risques éclairent les stratégies marchandes et le rôle de l’État.
21Un document comparatif entre Rouen et Nantes sur les coûts de transport de 100 livres de sucre brut souligne le poids du fret dans le prix de la marchandise33.
Graphique 5. Frais pour l’importation de 100 livres de sucre brut de Saint-Domingue à Nantes en 1733 (en sols).

Source : ADLA C733
22Le voyage de Saint-Domingue à Nantes coûte environ 4 livres et 3 sols pour 100 livres de sucre brut, payées 4 livres. Le transport maritime est plus coûteux que la matière première. On comprend alors la nécessité de limiter les frais de transport, notamment en chargeant au maximum les navires. Pendant la traversée de l’Atlantique, qui dure de six à neuf semaines, les pertes sont considérables : les barriques perdent environ 15 % de leur contenu suite au coulage des matières premières. Parvenu à Nantes, le navire est délesté de ses marchandises dans un des avant-ports (Paimbœuf ou Couëron) car en amont le tirant d’eau de la Loire est insuffisant pour les navires à gros tonnage34. Il faut donc payer un gabarrier pour transporter les tonneaux jusque dans les entrepôts des négociants nantais (2 sols de Paimbœuf à Nantes), puis s’acquitter des droits : les impôts dus à la ville et au domaine d’Occident se montent à 15 sols et 4 deniers. Enfin les barriques sont de nouveau déchargées et stockées et il faut payer des « brouettiers » et tonneliers (9 sols).
23En cas d’avarie sur le chemin du retour, le fret peut s’avérer beaucoup plus coûteux ; or les obstacles sont nombreux. En 1698, le raffineur angevin Vanbredenbec achète une cargaison de sucre dérobée à des navires anglais et l’assure pour la traversée de Saint-Malo à Nantes ; sur ce court trajet, le navire subit les assauts d’un corsaire espagnol auquel il parvient à échapper pour le plus grand soulagement de l’industriel35. Le raffineur reçoit après bien des péripéties les 93 000 livres de sucre à Angers. L’exemple illustre à quel point le trafic est tumultueux et rythmé par les prises de course en temps de guerre. De 1755 à 1758, 37 navires sur 104 partis de Nantes en droiture à destination des colonies antillaises sont capturés par les Anglais36. Excepté les prises de mer, les raisons les plus invoquées sont les erreurs humaines et les conditions météorologiques : sur 149 avaries relevées pour le commerce en droiture avec les îles antillaises de 1700 à 1792, 73 sont dues à des erreurs humaines, 38 aux conditions météorologiques, 14 aux défaillances matérielles ; les autres sont des disparitions inexpliquées et des accidents dus aux corsaires et autres violences humaines37. Les erreurs de navigation ont surtout lieu lors du retour sur les côtes bretonnes, car la visibilité est souvent mauvaise et la position des navires imprécise38. Les pertes en chiffres absolus sont considérables pour les armateurs : la mise hors moyenne est de 150 000 livres pour un navire négrier39. Les incidents survenus sur les cargaisons de sucre réexportées sont peu connus car les armateurs et les navires sont étrangers, il n’existe donc pas de statistique en France. Les avaries sont conservées dans les sources nantaises de manière indirecte, lorsqu’un commissionnaire veut se garantir de toute poursuite ou lorsque les marchandises ont été envoyées en consignation. Les actes mentionnent seulement les naufrages qui ont eu lieu à proximité du port de Nantes quand les marchandises sauvées peuvent être vendues sur place. Ainsi le 26 mars 1751, les négociants Portier, Croop et Struyckman, Ochs et Schweighauser chargent le navire La Liberté à destination de Hambourg mais « l’ouragan qui arriva la nuit du 14 au 15 jeta le navire sur la grande chaussée du bas Paimbœuf où il est resté échoué et son chargement gâté et perdu en la plus grande partie40 ».
24Les armateurs disposent de divers moyens pour éviter de perdre leur cargaison. Le premier levier utilisé par les négociants pour partager les risques d’une expédition maritime consiste à s’associer avec des confrères41. Mais c’est une garantie insuffisante étant donné les investissements nécessaires, et les sociétés recourent à l’assurance42. Son usage se répand au xviiie siècle mais elle n’est ni obligatoire, ni systématique. En 1772, les négociants Proust et Guinnebaud chargent pour compte d’amis 25 barriques de sucre à destination de Rotterdam mais le navire coule car le vent a fait rompre les cordages et « lesdits Proust et Guinnebaud ignorent si le propriétaire desdits sucre les avoit fait assuré43 ». Le montant varie en fonction de la conjoncture, les primes touchées pour assurer un bateau en temps de paix sont en moyenne de 3 % en 1775-1777, mais s’élèvent à près de 29 % en 1778-178244. En temps de guerre, les navires de commerce peuvent se mettre sous la protection de convois. Mais la politique royale en la matière est fluctuante. Les convois sont rendus obligatoires en 1745 par le ministre de la Marine Maurepas, sous peine de 500 livres d’amende pour le capitaine. Pourtant en 1755 et en 1778, aucune politique similaire n’est mise en place45. De plus, les convois ne sont pas des assurances tous risques : en 1779, huit navires sont capturés dans le convoi parti sans escorte de Saint-Domingue, et huit autres dans des convois avec escort. Pour les colons des Antilles et les négociants de Nantes, la chance fait partie des affaires : en 1780, Chaurand regrette ainsi que le sieur des Thébaudières n’ait pas eu la présence d’esprit de charger du « sucre sur le dernier convoi arrivé sans dommage46 ».
25Les navigations au loin et leurs péripéties ont marqué les récits des voyageurs mais ils ne doivent pas occulter les aléas des transports plus quotidiens : les produits coloniaux empruntent des chemins moins exotiques que l’océan Atlantique. Plus proches, ces réseaux sont tout aussi risqués.
La complémentarité des réseaux du commerce intérieur
26L’étude de la redistribution d’un produit comme le sucre permet de saisir la complémentarité des modes de transport et de comprendre les choix opérés par les marchands parmi les réseaux à leur disposition. Ces derniers optent tantôt pour la voie d’eau tantôt pour la voie terrestre en fonction du coût, de la rapidité du trajet et de sa fiabilité. Le commerce intérieur, à l’instar du commerce extérieur, est loin d’être un long fleuve tranquille ; les réseaux sont peu adaptés au transport d’une marchandise à la fois volumineuse et fragile et les pertes sont fréquentes, malgré les précautions prises par les négociants.
Voie de terre et voie d’eau : les raisons de l’arbitrage
27Une ville est souvent un point de rupture de charge comme le montre la vue panoramique de Tours de Pierre-Antoine Demachy (cf. cahier couleur) : on aperçoit clairement la concurrence et la complémentarité entre la voie fluviale ligérienne et la voie terrestre avec le Pont-Neuf sur lequel passe la route vers Paris. Les barriques de sucre empruntent deux routes : la terre et l’eau. Celle-ci se décompose elle-même en deux réseaux : la « voie d’eau salée » (A. Lespagnol) et la voie fluviale47.
28Les contemporains ont peiné à définir les contours du cabotage comme l’attestent les multiples règlements du xviie au xviiie siècle. Il faut attendre 1740 pour que la distinction entre grand et petit cabotage apparaisse plus nettement. Dans l’ordonnance de 1740, le petit cabotage est défini en termes géographiques : il se fait de port en port sans traversée océanique. Le cabotage est privilégié dans la province de Bretagne au détriment de la voie terrestre en raison de son faible prix : il est 10 à 20 fois moins coûteux48. Le cabotage sert également lorsque le port de Nantes souffre d’une pénurie de sucre : en 1722, le négociant rochelais Miron envoie quatre cargaisons de sucre à l’adresse de Vandebergue, raffineur à Orléans ; les sucres sont déchargés à Nantes puis envoyés par le fleuve dans la cité orléanaise49.
29La voie fluviale est privilégiée pour approvisionner les provinces de l’intérieur du royaume. Le sucre brut est transporté par la Loire de Nantes à Orléans puis, une fois raffiné, expédié par voie de terre vers le marché parisien et par voie d’eau vers le Bourbonnais, autre grand bassin de consommation. Selon quels critères les marchands choisissent-ils un mode de transport plutôt qu’un autre ? Ils s’adaptent aux réseaux et aux aménagements développés par la monarchie. La voie fluviale est réputée moins onéreuse en France que la voie terrestre50. Le constat est valable pour la filière sucrière : le fret par la Loire coûte 20 sols par quintal de Nantes à Orléans, soit 4 % du prix de revient du sucre brut qui arrive à Orléans. La dépense est mineure comparée aux sommes versées lors des 14 péages entre les deux villes (près de 4 livres du cent pesant51). Ils soulèvent l’indignation des marchands qui y voient un facteur d’inégalité entre les régions : les raffineurs ligériens arguent qu’ils paient davantage que leurs confrères rouennais52. A. Conchon relativise le poids des péages car ils restent fixes et ne sont pas indexés sur l’inflation alors que le prix des marchandises augmente mais si l’on ajoute aux péages les droits perçus sur les marchandises en transit, les taxes pèsent lourd sur le commerce intérieur53. Au-delà de leurs coûts, les différents prélèvements ralentissent la circulation des marchandises. Le pouvoir royal en a conscience et, en 1724, tente de limiter leur nombre en instaurant une commission des péages, chargée de vérifier la légalité des droits perçus par les différentes communautés et particuliers54. La mesure est efficace car le nombre de péages diminue mais reste trop important au goût des marchands. Malgré les contraintes, les raffineurs orléanais utilisent exclusivement le transport fluvial pour s’approvisionner, sauf en cas de guerre lorsqu’ils sont obligés de faire venir le sucre d’un autre port comme Bordeaux55. À la cherté de la route, les marchands préfèrent le faible coût et la lenteur du transport fluvial malgré ses caprices. Tantôt pris par les glaces, tantôt à sec, le fleuve est navigable seulement six mois de l’année56. Il faut deux à quatre semaines pour aller de Nantes à Orléans lorsque le trajet se déroule normalement mais la normalité en la matière est plutôt rare57.
30À la différence du sucre brut, le sucre raffiné est transporté vers Paris par voie de terre malgré son coût (35 à 45 sols du quintal58). Pourquoi utiliser la route pour approvisionner la capitale alors que le canal d’Orléans est mis en service depuis 1726 ? Les marchands préfèrent la voie terrestre car le sucre raffiné est coûteux et fragile et le canal est considéré comme inefficace. Un mémoire des négociants et échevins de la ville d’Orléans contre les privilèges octroyés aux propriétaires du canal de Briare renseigne sur ses inconvénients59. Le trafic est lent : il faut sept à dix jours pour relier Briare à Paris contre trois jours par voie de terre entre Orléans et la capitale. La navigation sur le canal est aléatoire car il est fermé six à huit semaines par an pour cause de réparations. La route, pavée et en bon état, évite les retards de livraison et illustre la révolution des transports à l’œuvre60.
31L’utilisation de multiples modes de transport permet de concilier des demandes différentes en fonction des marchandises transportées mais elle entraîne des ruptures de charge dans le trafic et des coûts supplémentaires. Ces transferts font vivre une multitude de rouliers, gabariers et portefaix. Selon les maires et échevins d’Orléans, la ville compte en 1737 « 3 000 chevaux de voiture qui font subsister 800 familles, pareil nombre de mariniers, ces deux espèces d’habitants composant 6 000 personnes au moins, et plus de 3 000 déchargeurs, bourreliers, charrons et autres ouvriers artisans que les voitures par terre et sur la rivière occupent journellement61 ». Le déchargement de 100 livres de sucre brut à Nantes coûte 9 sols en 1733, soit 5 % du prix de la marchandise. Les sources laissent dans l’ombre le coût du stockage des sucres, or il entraîne des frais supplémentaires difficiles à quantifier. Le marchand dispose rarement des bâtiments nécessaires pour entreposer toutes ses marchandises. Un état des barriques de sucre en magasins chez les marchands nantais, dressé en 1715, indique que 24 négociants emmagasinent des sucres chez 48 de leurs confrères62. Le coût peut s’élever dramatiquement : les crues sont courantes et les magasins régulièrement inondés63. Le stockage comme le transport sont des moments risqués pour le sucre, d’autant plus que le fret s’effectue majoritairement par la Loire, fleuve capricieux par nature.
Aléas naturels et fautes humaines : les risques du transport fluvial
32Dans un mémoire qui dénonce la prétendue concurrence déloyale des Rouennais, les raffineurs orléanais égrainent les inconvénients de la navigation ligérienne : les sucres « souffrent de grands déchets par des longs séjours sur la rivière, ils y sont ordinairement deux, trois et quatre mois causés par les eaux trop grandes ou trop basses, les glaces et les vents contraires ce qui les met dans la nécessité d’avoir toujours des matières à l’avance pour un an64 ». Pour Vauban, la Loire est la plus grande rivière du royaume et celle qui a le plus de navigation pourtant le fleuve est difficilement navigable. Les aléas climatiques ne sont pas les seuls en cause, s’y ajoutent les imprudences et les négligences humaines65.
33Une étude menée par E. Brouard sur 231 procès-verbaux d’avaries entre Angers et Saumur relevés au xviiie siècle donne un aperçu des difficultés rencontrées par les mariniers : les coups de vent (40 cas), les glaces (11) et les échouages sur les bancs de sable (11) sont les principaux risques naturels66. Les tempêtes ne sont pas plus fréquentes sur la Loire que sur les autres voies d’eau mais les navires sont plus fragiles ; à cause de la faible profondeur du fleuve, les bateaux n’ont pas de quille et pour les rendre plus légers et rapides, ils sont équipés de grandes voiles ce qui les rend vulnérables aux coups de vent67. Le risque dû aux glaces, s’il est moins courant, marque les esprits par sa violence et sa durée. Lors du petit âge glaciaire, la Loire se transforme en rivière gelée à de nombreuses reprises. Les débâcles de glace, lors du dégel de la Loire causent les plus gros dégâts : le fleuve charrie d’énormes blocs de glace susceptibles de couler un navire en quelques minutes. ÀNantes, les bancs de sable sont un danger récurrent, les contemporains sont réduits à constater l’accroissement de l’ensablement de la Loire en aval de Nantes. Le géomètre Mathurin Forestier profite de la situation pour offrir ses services à la ville et n’hésite pas à noircir le tableau.
Messieurs les maires et échevins de la ville et communauté de Nantes,
[…]
cette rivière se trouve actuellement hors d’état de porter les masses énormes qu’elle portoit auparavant et vous n’en ignorez pas la cause, une grande quantité de sables, d’arbres, de bois, de pieux, de pierres et autres matériaux a tellement encombré cette rivière que dans les basses eaux et à basse mer elle porte à peine des petits bateaux. De la viennent les pertes considérables qui ne sont que trop fréquentes.68
34Il cherche à louer ses services pour remettre en état le cours de la rivière grâce à l’invention de machines hydrauliques pour « bêcher les sables », mais la situation décrite s’éloigne peu de la réalité. Parmi les avaries étudiées par E. Brouard, près de la moitié sont dues à des obstacles immergés (93). Le cours et le débit de la Loire ne sont pas seuls en cause dans les naufrages ; la faute provient souvent de la négligence des usagers du fleuve. Le 13 octobre 1719, le négociant nantais Sarrebourse Dulary apprend le naufrage du bateau de Fiacre Trostin, voiturier par eau de la ville d’Orléans, dans lequel il a chargé 50 barriques de sucre. Le bateau a été perforé par une ancre abandonnée69. La plupart des sucres sont mouillés et ne peuvent plus être conduits à destination. Les erreurs humaines apparaissent peu dans les sources car les mariniers tendent à limiter leur responsabilité pour éviter d’avoir à rembourser les affréteurs. Ils sont tenus de payer des dommages et intérêts lorsqu’ils sont responsables du naufrage. En cas de naufrage dû à « la fortune des temps », le commissionnaire fait dresser un procès-verbal pour informer le destinataire de la cargaison qui assume les pertes. Des experts, souvent maîtres raffineurs, sont chargés d’évaluer les dégâts. Si les dommages sont importants, les sucres sont vendus sur place à la Bourse ou achetés à moindre prix par les raffineurs pour les transformer immédiatement. Les sucres mouillés, difficilement transportables, risquent de se transformer en sirop et les pertes sont moindres s’ils sont raffinés de suite.
35La navigation sur la Loire est aléatoire car la durée du trajet et les conditions du trafic varient considérablement. Les marchandises, exposées à des intempéries, souffrent du voyage. À l’image des traversées au long cours, les marchands et les voituriers tentent de limiter les risques.
Prévenir le risque : de l’entretien de la Loire à l’emballage minutieux des marchandises
36Comment rendre plus sûre une traversée de près de 300 km ? C’est l’obsession des marchands et des voituriers, leurs intérêts convergent et les deux parties demandent une réglementation plus stricte de la navigation fluviale. À l’échelle individuelle, les négociants essaient de s’attacher les services d’un voiturier de confiance et portent un soin tout particulier à l’emballage des marchandises.
37Les marchands ont recours à l’État pour réglementer le trafic ligérien. Ils se sont regroupés au sein de la « Communauté des Marchands fréquentant la Rivière de Loire », une ancienne institution dont l’origine exacte demeure inconnue : P. Mantellier la date de 1344 et R. Dion du xiiie siècle70. La communauté défend les intérêts des marchands ligériens ; appuyée par le pouvoir royal, elle a reçu le privilège de lever le « droit de boiste » sur les marchandises qui empruntent le fleuve. L’impôt permet le financement du balisage de la Loire. Seules les villes de Nantes et celles situées sur la portion de la Loire qui chemine dans les provinces réputées étrangères sont exemptées du droit. La communauté agit activement auprès du roi pour lutter contre les péages qui ralentissent le commerce71. Les réglementations de la communauté portent sur toutes les professions liées au fleuve et notamment les meuniers qui doivent installer des moulins à l’écart du passage principal des navires. Le voiturier ne doit pas naviguer de nuit ni pendant une tempête sous peine d’être tenu responsable de la perte de la marchandise. La communauté est-elle efficace ? Le nombre d’avaries causés par le mauvais entretien du fleuve laisse penser le contraire : les travaux de balisage sont coûteux et insuffisants. Elle est peu à peu dépossédée de ses droits et l’intendant de la généralité d’Orléans gère de plus en plus ses revenus72. Le pouvoir royal tente de reprendre la main sur l’aménagement fluvial : le droit de boiste est supprimé en 1764, désormais c’est le service des Ponts-et-Chaussées qui gère les travaux sur le cours de la Loire73. Face à l’inertie des institutions et aux risques de la navigation ligérienne, les marchands s’entourent de voituriers habiles capables d’acheminer la précieuse cargaison à bon port.
38« Vous pouvez être assuré que je ne chargerai que sur un voiturier de confiance » : c’est en ces termes que le négociant nantais Delaville rassure son correspondant orléanais74. Le voiturier par eau doit savoir manœuvrer entre les bancs de sable, éviter les intempéries et tenir les délais imposés par la lettre de voiture. Au-delà de son habileté à naviguer, il doit être honnête car il est responsable d’une cargaison coûteuse et reçoit d’importantes liquidités pour s’acquitter des péages. Les sommes avancées sont considérables : Sarrebourse Daudeville a confié 1 750 livres au voiturier Nicolas Delorme pour livrer le raffineur Vandebergue Villebourré en 1725 ; sur cette somme seules 700 livres sont destinées à payer la voiture75. Les maires et échevins de la ville d’Orléans sont sévères envers les gens du fleuve : selon eux, on trouve dans la ville des « personnes expérimentées pour juger si les marchandises sont bien ou mal conditionnées à leur arrivée, si les commis voituriers n’en ont pas soustrait, et si elles ne sont pas gâtées par leur négligence76 ». La tension entre voiturier et marchand sur la nature de l’avarie est latente dans les sources car le marchand peut tout perdre. Le taux d’assurance fluviale est très élevé, environ 1 % de la valeur des marchandises77. Ce type de contrat, introuvable dans les sources consultées, est sans doute peu souscrit à cause de son coût dissuasif. À défaut d’assurance, chaque raffineur, indique Jean-Pierre Ravot dans son ouvrage sur le commerce du sucre, a son voiturier par eau attitré78. Pour s’assurer un trafic régulier, une solution intéressante a été trouvée par Jean Tesnerel, raffineur : en 1694, il s’associe à Jean Robinet, marchand voiturier par eau, pour l’exploitation d’une raffinerie.
Et sera le dit Robinet préféré pour la voiture des marchandises qu’il conviendra à la raffinerie, dont il sera payé pour raison des moscouades voiturées depuis Nantes jusqu’en la rue du Fresne, à raison de 20 sols par millier, et pour les autres voitures de sucre qu’ils se feront et que le dit Robinet voudra faire en autres villes qu’il sera nécessaire, il sera payé au même prix que les autres voituriers.79
39La société jouit ainsi des services d’un voiturier par eau d’autant plus dévoué à la raffinerie qu’il y est associé et reçoit une partie des bénéfices. La tâche est plus délicate pour les marchands qui ne peuvent s’attacher les services d’un seul voiturier à cause de l’étendue de leur trafic. L’Orléanais Colas de Malmusse, commissionnaire pour de nombreux épiciers, peine à acheminer ses marchandises. Il peste contre les voituriers « qui nous font la loy par la rareté qu’ils sont80 ». Leur nombre est souvent insuffisant dans les périodes de fort trafic ou de basses eaux en été. En 1782, Colas se justifie d’un retard auprès de ses clients Vanbredenbec, raffineurs à Angers : « si je ne vous ai pas fait une plus prompte expédition c’est le défaut de trouver un voiturier qui sont très rares notre rivière étant très basse ». La rareté s’explique aussi par le statut des mariniers, la pluriactivité est la règle car la profession est saisonnière. Le calendrier des travaux des champs impose son rythme au trafic fluvial, au grand regret de Colas : « j’ai été dans la place et dans les auberges pour vous les expédier [barriques de sirop] sans avoir pu trouver des voituriers qui sont occupés à ensemencer les terres ». Posséder un voiturier attitré, c’est l’assurance de pouvoir honorer ses commandes dans des délais raisonnables et d’entretenir un vaste réseau de correspondants. La tâche est ardue mais tous les marchands tentent de fidéliser un ou deux professionnels de confiance. Le choix est d’autant plus crucial que le produit est coûteux et fragile, son transport et son emballage requièrent la plus grande attention.
40D. Woronoff, dans un ouvrage récent, appelle les historiens à s’intéresser à ce pan méconnu de l’histoire du commerce81. Parce qu’il est de l’ordre de l’évidence, il existe peu de travaux sur le sujet. Si l’emballage permet d’identifier un produit, de le valoriser, sa fonction première est la protection de la marchandise comme le rappellent les auteurs de l’Encyclopédie82.
emballer, v. act. (Comm.) faire l’emballage d’une caisse de marchandises, l’envelopper de toile & la garnir de paille, pour la conserver & la garantir de la pluie, du mauvais tems & autres accidens, lorsqu’on est obligé de la transporter au loin, soit par des voitures de terre ou de riviere, soit par mer, & pour les voyages de long cours.
41L’emballage implique un coût supplémentaire pour le marchand mais permet de limiter les pertes. Le stockage, parfois long, nécessite de reconditionner les marchandises. Le 13 juillet 1768, le négociant Jean Leduc fait dresser un procès-verbal car ses barriques de sucre ont perdu en poids ; les experts constatent qu’elles sont mal conditionnées : « il y manque plusieurs cercles […] il seroit nécessaire de resserrer les fonds afin de prévenir la perte des sucres ». La veuve Gilagh qui entrepose les sucres refuse de prendre à sa charge ce coût : « il n’est pas surprenant qu’il manque des cercles aux barriques de sucre en question depuis le temps qu’elles sont dans son magasin le sieur Leduc a négligé de les faire rabattre et c’étoit à lui que cette opération incomboit83 ». Les considérations sur l’emballage émaillent les correspondances marchandes et sont aussi courantes que les négociations sur les prix. Le négociant Delaville se confond en excuses dans sa correspondance avec Ravot : « Je suis mortifié que ceux par terre se soient trouvés si mal conditionnés84. » L’attention au conditionnement importe tout autant que la qualité de la marchandise et le négociant joue aussi sa réputation sur la nature de l’emballage. C’est un élément-clé dans la détermination du prix car il influe sur la bonne conservation et donc la qualité du produit : dans sa lettre, le négociant Delaville indique à son client qu’il avait acheté les sucres dix sols au-dessous de leur prix en raison de leur mauvais conditionnement. En aval de la filière, lors du trajet par voie de terre, les sucres en pain, friables et sensibles à l’humidité, sont enveloppés savamment dans des papiers de diverses couleurs suivant la qualité du sucre. L’emballage peut lui-même être à l’origine de défectuosités puisque le papier de couleur risque de déteindre sur la marchandise ; il est donc doublé avec un fin papier blanc. La disposition des pains de sucre dans les tonneaux pour être voiturés par terre est savamment étudiée : « On arrange les sucres dans un grand tonneau pour cela un homme entre dans le tonneau, il marche sur les fonds pour que les pains soient bien serrés les uns contre les autres85. » Un tel rangement permet de gagner de la place. Les tonneaux sont ensuite remplis avec beaucoup de paille pour éviter que les pains ne prennent des coups86. La qualité de l’emballage est une preuve du soin et du savoir-faire du raffineur auquel les clients prêtent attention. Le marchand Martignon, qui reçoit un petit tonneau contenant des échantillons du sucre en pain de Ravot, indique qu’il l’a reçu « bien conditionné87 ». À l’inverse, le mauvais emballage est une source de conflit entre les marchands comme l’illustre la correspondance entre l’épicier parisien Bachelet et son fournisseur en sucre, Guimprelle :
Vous devriez bien faire des reproches à votre raffineur car le tonneau de sucre étoit bien mal emballé, j’ai 12 ou 15 pains qui sont ecrasés en cassonade faute d’être garnis avec de la paille.88
42La route du sucre de Saint-Domingue à Nantes est pavée d’embûches. Les dangers du transport expliquent le rôle crucial de l’emballage. Les risques naturels et les erreurs humaines sont autant d’aléas qui augmentent les prix. Le nombre de réseaux de transport mobilisés pour le trafic sucrier fait grimper les coûts, chaque point de rupture de charge occasionnant des frais supplémentaires. Mais ce sont surtout les guerres, dont l’enjeu principal est la maîtrise du commerce colonial, qui font fluctuer les cours du sucre. Lorsque les velléités mercantilistes des États européens s’entrechoquent, les négociants des places portuaires espèrent le retour de la paix, propice aux affaires. Ils guettent l’arrivée des navires neutres et des convois, des palliatifs souvent insatisfaisants, et spéculent sur l’arrivée de cargaisons providentielles passées entre les mailles de l’ennemi. Plus généralement, tous les négociants européens suivent les fluctuations du trafic colonial bordelais et nantais, les deux principaux ports importateurs de sucre français, dont ils dépendent pour leur approvisionnement. Lorsque le trafic colonial est au ralenti lors de la guerre d’Indépendance américaine, c’est toute la filière européenne du sucre qui vacille comme en témoigne l’envolée des prix sur les principales places européennes, d’Amsterdam à Paris. Nantes occupe une place centrale dans le commerce et ses négociants sont à l’interface de deux grands marchés distincts : le marché intérieur des raffineries ligériennes, principal centre du raffinage en France et les marchés extérieurs du nord de l’Europe, Hambourg, Amsterdam et Rotterdam, trois grandes villes du raffinage européen.
Notes de bas de page
1 ADLAC706, C716, C717. Sauf mention contraire, le terme « livres » désigne les livres poids de sucre.
2 ADLA C732, mémoire des fermiers généraux, 1711 ; soit plus de six millions de livres pendant six ans durant la guerre d’Espagne.
3 Tarrade Jean, Le commerce colonial…, op. cit., p. 732-733 et Kouamé Aka, Le commerce des sucres…, op. cit., p. 81.
4 ADLA 724 ; Butel Paul, La croissance commerciale bordelaise…, op. cit, p. 94 et p. 125. On estime qu’il faut 150 livres de sucre brut pour faire 100 livres de sucre terré.
5 J. Tarrade a souligné à la fois l’abondance et les lacunes des données statistiques pour le commerce colonial : Tarrade Jean, Le commerce colonial de la France à la fin de l’Ancien Régime, Paris, PUF, 1972, p. 713. Les chiffres manquent pour le tournant des xviie et xviiie siècles et pour la période révolutionnaire à Nantes. Les rôles d’armements, utilisés par Karine Audran, ne mentionnent pas les marchandises transportées ; Audran Karine, Les négoces portuaires bretons sous la Révolution et l’empire. Bilans et stratégies. Saint-Malo, Morlaix, Brest, Lorient, Nantes, 1789-1815, Lorient, thèse dactylographiée, 2007. Les données locales sur les quantités de marchandises sont considérées comme fiables dans de nombreux autres ports français tels que Rouen ou Bordeaux malgré les tentatives des négociants pour sous-estimer leurs déclarations. En revanche, les prix indiqués par la chambre de commerce ont souvent été recopiés d’une année à l’autre, sans tenir compte des fluctuations réelles. Seules les quantités de marchandises sont étudiées ici. Il existe déjà une étude sur les prix du sucre à Nantes : Hauser Henri, Recherches et documents sur l’histoire des prix en France de 1500 à 1800, Genève/Paris, Slatkine Reprints, 1985 (1re édition 1936), p. 491.
6 Labat Jean-Baptiste, Nouveau voyage aux Isles de l’Amérique, La Haye, P. Husson, tome 1, 1724.
7 Savary des Bruslons Jacques, Dictionnaire universel du commerce, veuve Estienne et fils, 1748 (1re édition 1741) ; Diderot Denis et D’Alembert Jean le Rond, Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Genève, Pellet, 1751, article « Sucre ».
8 Duhamel du Monceau Henri-Louis, L’art de raffiner le sucre, Neuchâtel, Imprimerie de la Société typographique, 1781 (1re édition 1764) ; Schnakenbourg Christian, Les sucreries de la Guadeloupe dans la seconde moitié du xviiie siècle (1760-1790), Paris, thèse dactylographiée, 1973.
9 AN AD XI 48, l’arrêt du 21 janvier 1684 interdit toute nouvelle création de raffinerie aux Antilles sous peine de 3 000 livres d’amende ; la mesure est rappelée dans l’arrêt du 26 septembre 1696.
10 Selon François Crouzet, l’Angleterre n’importe pas de sucre terré, quelques fraudes mises à part. Crouzet François, La guerre économique…, op. cit., p. 108.
11 D’après les chiffres avancés par Aka Kouamé, Le commerce des sucres en France…, op. cit., p. 275.
12 ADLA C706, C716 et C717.
13 Soit 10,5 millions de livres en 1715 selon N. Deerr et 163,4 millions de livres en 1788 selon J. Tarrade ; Deerr Noël, The History of Sugar…, op. cit., p. 235-236 ; Tarrade Jean, Le commerce colonial…, op. cit., p. 34. Les estimations sur la part de la production de chaque île française fait débat : Schnakenbourg Christian, « Statistiques pour l’histoire de l’économie de plantation en Guadeloupe et en Martinique (1635-1835) », Bulletin de la Société d’histoire de la Guadeloupe, no 31, 1977, p. 3-121 ; Pluchon Pierre, « L’économie d’habitation à Saint-Domingue », Revue d’histoire maritime, numéro spécial La percée de l’Europe sur les océans vers 1690-vers 1790 dirigé par Étienne Taillemite et Denis Lieppe, no 1, 1997, p. 197-241.
14 ADLA C724, Récapitulation générale de toutes les marchandises des îles venues à Nantes des colonies, 1766-1789.
15 ADL 11J239, Jean-Pierre Ravot, L’art et le commerce du raffineur, livre premier, quatrième partie, huitième lettre (vers 1772).
16 Chassaigne Philippe, « L’économie des îles sucrières dans les conflits maritimes, l’exemple de Saint-Domingue », Histoire, économie et société, no 7-1, 1988, p. 93-105.
17 Marzagalli Silvia et Marnot Bruno (dir.), Guerre et économie dans l’espace atlantique du xvie au xxe siècle, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2006, p. 9.
18 ADLA C706 et 717.
19 Postma Johannes, « Surinam and its Atlantic connections, 1667-1795 », dans Postma Johannes et Enthoven Victor, Riches from Atlantic Commerce. Dutch Transatlantic Trade and Shipping, 1585-1817, Leyde, Brill, 2003, p. 287-322 et 453. Fermin Philippe, Description générale, historique, géographique et physique de la colonie de Surinam, Amsterdam, Van Harrevelt, tome second, 1769, p. 34.
20 Schnakenbourg Éric, Entre la guerre et la paix. Neutralités et relations internationales, xviie-xviiie siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 290.
21 Chassaigne Philippe, « L’économie des îles sucrières… », art. cit., p. 93-105.
22 ADG 73J15, correspondance de Delaville à Ravot.
23 ADL 13J539, 29 août 1782.
24 ADLA 101J10, lettre du 5 février 1780.
25 ADLA 101J10, lettre adressée au négociant Bernard à Marseille, 18 mars 1780.
26 Je remercie Pierrick Pourchasse d’avoir attiré mon attention sur ce point.
27 Les données ont été converties en équivalent argent et en kilos en tenant compte des différences de mesures (la livre hollandaise pèse 469 grammes, la livre française 489 et la livre anglaise 453). Pour Amsterdam, Londres et Paris, il s’agit de sucre raffiné, tandis qu’à Nantes seul le prix du sucre terré blanc a pu être représenté, d’où la différence de prix.
28 ADLA 8J13 et 8J14. L’étude porte sur 225 prix.
29 ADL 11J222, 11J224 et 11J225.
30 ADL 11J207, État des prix courants à Nantes, adossé à une lettre du négociant Foucault à Ravot, 7 floréal an VII.
31 ADIL 3E19/984.
32 Woronoff Denis (dir.), La circulation des marchandises dans la France de l’Ancien Régime, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière, 1998, introduction p. 5.
33 ADLA C733.
34 Michon Bernard, Le port de Nantes au xviiie siècle. Construction d’une aire portuaire, Rennes, PUR, 2011, p. 83.
35 ADLA B4744, procès-verbal des 1er et 2 octobre 1698.
36 Ducoin Jacques, Naufrages, conditions de navigation et assurances dans la marine de commerce du xviiie siècle, Paris, Librairie de l’Inde éditeur, 1993, p. 86.
37 Ibid., p. 23.
38 Haudrère Philippe, Le grand commerce maritime au xviiie siècle, Paris, SEDES, 1997, p. 113.
39 Meyer Jean, L’armement nantais dans la deuxième moitié du xviiie siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999 (1re édition 1969), p. 8.
40 ADLA B4797.
41 Meyer Jean, L’armement nantais…, op. cit., p. 95-117.
42 Pétré-Grenouilleau Olivier, Les négoces maritimes français. xviie-xxe siècle, Paris, Belin, 1997, p. 63-73.
43 ADLA B4817, procès-verbal du 13 janvier 1772.
44 Ducoin Jacques, Naufrages…, op. cit., p. 160.
45 Villiers Patrick, Marine royale…, op. cit., p. 450 et 652.
46 ADLA 101J10, lettre du 16 mars 1780.
47 Voir l’intervention orale d’André Lespagnol dans Woronoff Denis (dir.), La circulation des marchandises…, op. cit., p. 171. Sur le cabotage : Le Bouëdec Gérard, « Le cabotage sur la façade atlantique française (xvie-xixe siècles) », Revue d’histoire maritime, no 8, 2008, p. 9-37 ; Buti Gilbert, « Aller en caravane : le cabotage lointain en Méditerranée, xviie et xviiIe siècles », RHMC, no 52-1, 2005, p. 7-38.
48 Le Bouëdec Gérard, « Le cabotage… », art. cit., p. 15.
49 ADLA 4E2/345, notaire Boufflet, décembre 1722.
50 Butel Paul, L’économie française au xviiie siècle, Paris, SEDES, 1993, p. 145. On peut estimer que le fret fluvial est six fois moins cher que celui par terre. Un négociant débourse 20 sols pour parcourir 300 km par la Loire et paie en moyenne 40 sols pour relier les 100 km d’Orléans à Paris (ADLA C733).
51 ADLAC733. Les droits sont prélevés à Nantes, à Ingrandes, au Pont-de-Cé et à Saumur.
52 AN F12/1501, Mémoire des raffineurs orléanais et réponse des raffineurs ligériens, 1731.
53 Conchon Anne, « Péages et circulation marchande au xviiie siècle », dans Woronoff Denis (dir.), La circulation des marchandises…, op. cit., p. 145-164.
54 Poitrineau Abel, La Loire. Les peuples du fleuve, Saint-Etienne, Horvath, 1989, p. 91.
55 ADL 11J239.
56 Poitrineau Abel, La Loire…, op. cit., p. 16.
57 Villiers Patrick et Sennotier Annick, Une histoire de la marine de Loire, Brinon-sur-Sauldre, Grandvaux, 1996, p. 37.
58 ADL 11J239.
59 ADLA C679, Mémoire pour les maires et échevins, les négociants et autres habitants de la ville d’Orléans, 1737.
60 Arbellot Guy et Lepetit Bernard, Atlas de la Révolution française. Routes et communications, Paris, Éditions de l’EHESS, 1987, p. 11.
61 ADL C331, cité par Roger Dion, « Orléans et l’ancienne navigation de la Loire », Annales de Géographie, tome 47, 1938, p. 128-154.
62 AMN HH240.
63 ADLA B4795, requête de Nicolas Bertrand, 13 juin 1749.
64 ADLA C733, Mémoire pour les raffineurs d’Orléans et de la Loire contre les raffineurs de Rouen, 1734.
65 De Person Françoise, « Les difficultés de la navigation sur la Loire, xve et xviie siècles », Cahiers de la bibliothèque municipale de Blois, no 17, 2002.
66 Brouard Emmanuel, « La navigation en Loire au xviiie siècle », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, no 112-3, 2005, p. 37-69.
67 Poitrineau Abel, La Loire…, op. cit., p. 23.
68 ADLA C359.
69 ADLA 4E2/1672, notaire Poirier.
70 Dion Roger, « Orléans et l’ancienne navigation… », art. cit., p. 128-154 ; Mantellier Philippe, Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire et fleuves descendant en icelle, Orléans, Georges Jacob, 1867, p. 208.
71 AN H4 3026.
72 Mantellier Philippe, Histoire de la communauté des marchands…, op. cit., p. 367-379.
73 Ibid., p. 267.
74 ADG 73J15, lettre du négociant nantais Delaville au raffineur Ravot, 28 septembre 1787.
75 ADLA C732, acquits à Ingrandes.
76 ADL C331.
77 Mantellier Philippe, Histoire de la communauté des marchands…, op. cit., p. 380.
78 ADL 11J239, Jean-Pierre Ravot, L’art de raffiner le sucre, manuscrit non daté (vers 1772).
79 ADLA 4E2/584, notaire Decoussy, acte du 9 juillet 1694.
80 ADL 13J539, fonds Colas de Malmusse, correspondance, lettre du 10 janvier 1783. Les lettres suivantes sont issues du même registre.
81 Woronoff Denis, Histoire de l’emballage en France du xviiie siècle à nos jours, Valenciennes, Presses universitaires de Valenciennes, 2015.
82 Diderot Denis et D’Alembert Jean le Rond., Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Genève, Pellet, 1751.
83 ADLA B4813.
84 ADG 73J15, correspondance Delaville avec Ravot, lettre du 2 janvier 1787.
85 Duhamel du Monceau Henri-Louis, L’art de raffiner le sucre, Neuchâtel, Imprimerie de la Société typographique, 1781.
86 ADL 11J239, Jean-Pierre Ravot, L’art et le commerce du raffineur, vers 1772.
87 ADL 11J208, lettre de Martignon à Paris, 16 germinal an VII.
88 D5B6 2772 ; lettre du 5 juin 1788.
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