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    Presses universitaires François-Rabelais
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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Origines bibliques, un pays de miel et de laitLe « lait corrosif », une matière à poésieLe lait maternelLe lait peut-il restaurer ?L’alliance du lait et du caféLe « thé, boisson sacrée de son gang » Notes de bas de page

    Albert Cohen

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Chapitre VI

    Pouvoir des boissons chaudes, lumière et ombres

    p. 167-193

    Texte intégral Origines bibliques, un pays de miel et de laitLe « lait corrosif », une matière à poésieLe lait maternelLe lait peut-il restaurer ?L’alliance du lait et du caféGros plan sur le caféLe café au lait, une troisième voie pour l’unitéLe « thé, boisson sacrée de son gang »Légendes et traditions autour du théPrendre le thé chez les Gentils Notes de bas de page

    Texte intégral

    1Lait, café et thé sont évoqués à maintes reprises dans les textes. Si la présence de ces breuvages ne possède a priori rien d’original, la représentation qu’en donne l’écrivain ouvre la voie à trois perspectives nouvelles : en dépit de la valeur symbolique d’innocence que lui accorde la tradition, la blancheur du lait n’est pas porteuse d’une lumière bienfaisante. Le café, selon qu’il est pur ou mélangé à du lait, constitue quant à lui un produit fécond sur le plan de l’herméneutique tandis que le raffinement du thé, boisson plus élégante, laisse entrevoir les ombres mensongères de la comédie sociale.

    Origines bibliques, un pays de miel et de lait

    2Les aventures des Valeureux les mènent au cours des dernières pages de Solal à Kfar-Saltiel, un village censé se trouver entre Jaffa et Gaza1, en Palestine. Mais les travaux agricoles ne sont pas du goût de Mangeclous :

    Il avait décidé de ne reprendre son travail qu’après guérison de ses ampoules. « Pays de miel et de lait » ricanait-il en donnant des coups de pied à la boîte qui avait contenu le lait condensé dont il se suralimentait.2

    3Le ricanement du personnage remplace une démonstration : la terre d’Israël n’a rien de paradisiaque. Le lait n’y coule pas en abondance et les prédictions bibliques ont été remplacées par des boîtes de conserve. Cette remotivation du topos témoigne de la distance que Cohen prend par rapport à l’Ancien Testament. Alors que sur les quarante-quatre occurrences du lait qui figurent dans la Bible, la moitié reprennent la formule d’un pays « ruisselant de lait et de miel3 » pour évoquer Canaan, la réplique et le geste de Mangeclous ruinent sans appel le lyrisme de l’expression vétérotestamentaire. Mais parce qu’il prend à rebours le leitmotiv biblique, l’auteur mentionne le lait en le présentant de différentes façons : loin d’être un objet de louanges, la boisson figure en premier lieu sous la forme d’une métaphore de la lumière dont l’étrangeté se révèle inquiétante.

    Le « lait corrosif », une matière à poésie

    4Dans les exemples significatifs, nombreux sont ceux où le substantif « lait » ne figure pas au sens propre mais en tant que support d’une image associée à la lumière : le chapitre XXVI de Solal s’ouvre sur la description des salons dans lesquels M. de Maussane, père d’Aude, donne une réception. Le moment correspond à un état de tension dramatique : Solal est partagé entre le sentiment de fidélité qu’il doit à son peuple et le désir d’être admis sans réserves dans la haute société. La première phrase du chapitre exprime par la métaphore du lait une ligne de force qui va traverser l’ensemble du texte :

    Dans le grand salon mouvementé, les lustres versaient un lait corrosif sur les épaules diamantées et les parfums nouaient des serpentins de désir entre les danseurs et les danseuses molles sur qui l’orchestre soufflait.4

    5Il y a une radicale opposition entre le « lait corrosif » de l’éclairage électrique et la tradition selon laquelle le lait constitue une substance bienfaisante. Dans Mythologies Roland Barthes ne définit le liquide que par le nombre élevé de ses vertus :

    Le lait est cosmétique, il lie, il recouvre, il restaure. De plus sa pureté, associée à l’innocence enfantine, est un gage de force […].5

    6Sous la plume de Cohen au contraire, l’adjectif « corrosif » témoigne du fait que la lumière couleur de lait attaque et détruit tout ce qu’elle touche. Si elle est présentée comme nocive, c’est parce qu’elle éclaire une société, « gavé[e] d’appartenances, et ne sachant pas qu’[elle] mourrait6 ». Le « lait corrosif » des lustres nourrit par conséquent un monde artificiel, voué à sa perte. Mais la lumière représente aussi les forces antagonistes qui minent Solal, celles qui ont eu raison de ses certitudes : au cours de la soirée, en marge du bal, le personnage a une conversation privée avec Saltiel. Or le dialogue avec l’oncle incite le héros à signer sa rupture avec le « peuple élu7 » qu’il compare à un « ramassis de rats peureux8 ». Pour donner plus de force à sa déclaration, Solal accomplit un acte significatif : il jette par la fenêtre son « écharpe hébraïque de prière9 » tout en clamant qu’il est « un renégat10 ». Gestes et paroles proférées dans cette clarté de « lait corrosif » prennent une tonalité tragique, accentuée par l’irruption du rabbin Gamaliel. Le père de Solal, nouvel Œdipe, va ensuite se brûler les yeux pour ne plus voir le visage du fils apostat, corrompu par la lumière qui baigne ce monde décadent. La puissance du mythe s’enrichit en outre d’un « autre symbole fort du blanc : celui de la lumière divine. […] Dieu lui-même est resté perçu comme une lumière blanche11 », écrivent Michel Pastoureau et Dominique Simonnet au cours d’une analyse sur le symbolisme des couleurs.

    7On mesure mieux dès lors l’importance de cette métaphore du lait, une lumière blanche qui renvoie ici à une double figure d’autorité, celle du Père et celle du Créateur. Les deux images qui correspondent à des degrés supérieurs de la transcendance sont mises à mal par le héros dont la seule aspiration est d’être un homme, « simplement homme12 ».

    8C’est encore au cours de Solal que figure dans la fin de l’ouvrage une autre métaphore de la lumière associée à la couleur du lait, et aussi riche d’implicite :

    […] il pensait à l’acte horrible qu’il allait commettre. La lune, mêlée au début de l’aurore, versait son lait bleuissant. Il aperçut le châle hébraïque de prière, le déploya et le posa sur ses épaules.13

    9Le passage est plus violent que le précédent : Solal arrive à la Commanderie, armé d’un poignard destiné à tuer Aude. Mais avant de commettre son crime, le personnage revêt un de ses anciens costumes russes princiers tandis que la lumière lunaire « vers[e] son lait bleuissant ». Comme plus haut, la métaphore du lait donne à la formule descriptive une connotation inquiétante. L’adjectif épithète « bleuissant », tout en rendant compte des nuances de la clarté lunaire, souligne le fait qu’il s’agit d’une couleur froide et que cette froideur s’oppose au feu intérieur qui brûle le héros solaire. Mais cette froideur renvoie aussi à celle d’un corps rigide dont les membres cyanosés bleuiraient, comme si la vision de « l’acte horrible » avait été anticipée par l’intermédiaire de la lumière de lait aux lueurs mortifères. En outre, comme dans le premier passage cité, Solal manie le « châle hébraïque de prière14 ». Mais alors que pendant la scène du bal, il le profanait en le jetant dans la boue, ici il le déploie et s’en enveloppe. Bien que les deux actions soient opposées, la présence divine reste convoquée : révolte ou soumission du personnage sont toutes deux les preuves de la croyance en une existence suprême. De la blancheur corrosive du lait à la lueur blanche du sacré, le lien est ténu, mais il existe.

    10Une troisième métaphore associant la lumière au lait confirme l’hypothèse. Le chapitre XXXIII de Mangeclou s’ouvre sur une nouvelle évocation de Solal :

    Le lendemain soir. Cheveux au vent, il allait rapidement le long de la triste rue des Pâquis15 que de pâles ampoules, pendues à un fil, badigeonnaient de lait frelaté. Après un coup d’œil en stylet sur un mur où était tracée à la craie une injure aux Juifs, il entra dans un bar. Debout devant le comptoir, il but quatre verres, coup sur coup et avec dégoût.16

    11L’ouverture du chapitre est descriptive. Comme dans le salon de M. de Maussane, la lumière est électrique, mais présentée de manière plus dégradée : le lait qui la caractérise n’est pas seulement corrosif, il est « frelaté », c’est-à-dire « altéré, corrompu17 ».

    12La métaphore franchit donc un degré supplémentaire dans le domaine de la violence lexicale. Comme dans les passages précédents, cette lumière empoisonnée est mise en relation avec un fait religieux puisqu’elle éclaire sur un mur « une injure aux Juifs ». Dès lors il est manifeste que dans l’imaginaire cohénien, le lait renvoie au sentiment d’une judéité associée à des visions d’effroi.

    13Dans les trois épisodes mentionnés, Solal se confronte à l’angoisse de ses origines. Il semble chercher une « lumière qui meurt », selon le mot de Beckett dans Fin de partie – lumière de lait corrosif, bleuissant, frelaté – et très éloignée de celle des Psaumes de David : « L’Éternel est ma lumière et mon salut18. » En passant par l’intermédiaire du lait, qui est aussi un aliment maternel, le narrateur – de même que le personnage – laisse entrevoir le conflit intérieur qui agite sa conscience, et dont on peut encore percevoir les échos dans le dernier essai de Cohen, Carnets 1978.

    Le lait maternel

    14Les textes cohéniens font aussi état du lait comme d’un aliment associé à la maternité, que celui-ci se réfère à la mère patrie ou plus simplement à la femme qui a donné le jour à un enfant. Ainsi, pour rendre hommage à la France et à sa langue vernaculaire, le narrateur écrit :

    France, ô jeune mère et déesse Raison […] je suis ton vassal et aimant bâtard et fils étranger, car tu m’as fait ce que je suis, car tu m’as nourri du lait de ta mamelle […] ta langue qui est mienne et pays de mon âme, ta langue qui m’est aussi une patrie.19

    15Cette déclaration aux accents lyriques se retrouve à peu près dans les mêmes termes dans Les Valeureux. Cette fois, c’est Mangeclous qui prend la parole :

    J’en rends grâces à noble France qui m’a nourri du lait de son tétin.20

    16L’image est doublement élogieuse : tout en désignant la France qui a accueilli sans réserves ceux qui venaient d’ailleurs, elle constitue une déclaration de respect et d’amour à l’égard de la littérature française. On retrouve en effet à peu près la même métaphore associée au lait dans les vers du poète Du Bellay, exilé en Italie et attendant de pouvoir revenir dans son pays natal :

    France, mère des arts, des armes et des lois,
    Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle :21

    17Ainsi le thème de l’amour maternel sort glorifié du fait de cette intertextualité. Mais si Cohen salue avec une certaine emphase le lait de la mère patrie, il devient plus ironique lorsqu’il traite du lait maternel à considérer dans son acception la plus prosaïque. Au cours du roman Mangeclou, le personnage éponyme raconte les circonstances extraordinaires de sa naissance :

    Sortant de l’honorable panse de ma dame mère, ma première pensée fut de demander à la sage-femme s’il y avait quelque chose de bon à manger dehors. Elle me répondit que non. – Alors je rentre, dis-je car j’ai faim. – […] et je décidai de n’en point sortir, ayant appris que ma mère avait un lait peu crémeux.22

    18Comme c’est souvent le cas, on retrouve un propos presque à l’identique dans Les Valeureux :

    Or donc, sortant de l’honorable panse de ma dame mère, ma première pensée fut de demander à la sage-femme s’il y avait quelque chose de bon à manger dehors. Elle me répondit que non. Alors je rentre […] ! Et je décidai même de n’en plus sortir, ayant appris que ma mère avait un lait peu crémeux.23

    19Le récit de Mangeclous, qui à bien des égards renvoie à la naissance des géants rabelaisiens, possède une telle puissance comique que l’on prend plaisir à relire la même anecdote dans des ouvrages différents. Mais dans les deux extraits figure une semblable justification : l’enfant refuse de venir au monde parce que le lait de sa mère est « peu crémeux ». En d’autres termes, le lait maternel n’est pas épargné ; il manque de crème, de velouté, de douceur en quelque sorte. Le symbole est évident : mis en correspondance avec l’imago maternelle, le lait devient objet de critiques.

    20Plus grinçantes encore sont les occurrences du lait maternel lorsqu’un autre des Valeureux, Matthatias, connu pour son avarice, y fait allusion. Son épouse et lui ont perdu un bébé, ce qui donne lieu à la réplique suivante :

    Écoute, femme, on ne peut pas laisser improductif tout ce lait de ta poitrine, il faut le vendre ou nous en servir nous-mêmes pour le petit déjeuner, en hommage à la mémoire du cher petit qui serait navré d’en apprendre la perte.24

    21La mère est représentée comme une productrice de lait, une variante de vache laitière en somme. L’idée n’est pas nouvelle chez Cohen ; celui-ci définit volontiers les seins féminins comme des mamelles alors même que le texte est censé suggérer un fantasme érotique, comme c’est le cas au début de Solal. Mais dans l’épisode auquel nous faisons allusion, l’épouse de Mattathias ne s’est pas acquittée de sa tâche de génitrice. Elle doit donc compenser ce manque en faisant fructifier le lait maternel devenu inutile. Certes, les discours et comportements de Mattathias tendent à la caricature car ils ont pour fonction de souligner l’avarice du personnage. Mais précisément, cette avarice correspond à un poncif antisémite. Comme l’observe Alain Schaffner :

    […] il semble que Cohen s’emploie à mettre les archétypes de l’antisémitisme au service de la peinture des juifs.25

    22En accentuant la ladrerie de Mattathias, Cohen tourne en dérision le cliché antisémite parce qu’il le pousse jusqu’aux limites extrêmes du burlesque. Il n’en demeure pas moins que comme dans les épisodes déjà vus, le lait demeure lié à la judéité, à la maternité et aux images équivoques que ces états engendrent.

    23Un dernier exemple comique confirme la désinvolture qu’affiche le narrateur lorsqu’il évoque le sein maternel. L’épisode se déroule sur la Place Grande de la ville, en Céphalonie. Saltiel a découvert le secret de l’énigme d’un chèque crypté envoyé par Solal, mais refuse de le révéler à la foule qui l’implore à grands cris. L’exaltation atteint une telle intensité que l’assistance ne se contrôle plus. Soudain :

    […] une nonagénaire qui avait été la nourrice de Saltiel sortit un de ses seins flétris pour faire honte à l’ingrat nourrisson.
    – Maudit qui ne respectes pas le lait qui t’a abreuvé !26

    24Comme toutes les péripéties ayant trait aux aventures des Valeureux, celle-ci se caractérise par son style burlesque : le grand âge de la nourrice – et surtout celui de l’ancien nourrisson – le geste mélodramatique du sein flétri dénudé sont autant d’indices qui ruinent le pathétique auquel pourrait donner lieu cette situation. Pourtant au-delà du comique, on perçoit dans cette page un écho déformé d’un moment tragique. Nous avons vu plus haut le rabbin Gamaliel maudire son fils Solal lors d’une soirée, tandis que « des lustres versaient un lait corrosif ». Dans la foule populaire du ghetto céphalonien, le processus est sensiblement le même : certes, le lait s’est tari et a perdu son pouvoir corrupteur, mais la malédiction – même burlesque – reste identique : elle s’abat sur ceux qui n’honorent pas leurs ancêtres.

    Le lait peut-il restaurer ?

    25Lorsque le lait n’est pas associé à un contexte religieux ou à une relation maternelle, il peut devenir un soutien. Ainsi, dans le chapitre XXVII de Solal, alors que les liens unissant le couple des jeunes époux sont en train de se défaire, Aude, restée seule à Saint-Germain, songe à son père, « frappé d’une maladie étrange27 » :

    Cette pauvre casquette de ramolli qu’il essaye de soulever et ses jambes qui flageolent. Le bol de lait entre ses deux mains contre sa poitrine.28

    26La description de ce mal, bien qu’à peine esquissée, est éloquente. Tous les termes de la phrase expriment l’incapacité du personnage à coordonner ses mouvements. Pourtant un geste se dessine de façon nette : « le bol de lait entre ses deux mains contre sa poitrine ». Alors qu’on attendrait selon toute vraisemblance un tremblement des mains, un vacillement du lait, rien ne se passe. Le bol se trouve au centre du buste – non loin du cœur – maintenu comme un dernier repère dans l’espace. Le lait deviendrait-il le symbole d’un ancrage, d’un réconfort lorsque l’univers bascule ? Ce dernier exemple le laisse supposer. Les autres occurrences du lait, tout en étant marquées d’une certaine ambiguïté, sont elles aussi placées sous le signe du soutien. Le lait s’y trouve par exemple associé au bien-être des malades. Ainsi, au cours d’un dîner, Saltiel explique à Aude son dernier projet de découverte : « Une canalisation d’air salubre pour tuberculeux à domicile, la nuit j’interromps l’air pyrénéen et je fais passer le lait suisse pour le déjeuner du matin29. » Cette installation fantaisiste, semblable à celle d’une usine ultramoderne, est source d’images féeriques : le lait pourrait-il concurrencer le pétrole en cette riche contrée qu’est la Suisse « où toutes les villes sont sur des montagnes et où le lait a un goût d’amande qui te rajeunit30 » ? Ce n’est pourtant pas le cas. En dépit des apparences subsiste une ombre au tableau : la scène se déroule à table, dans la cave Saint-Germain, alors qu’Aude vient de découvrir le secret de l’entourage de Solal. Or la mention du lait, comme dans les autres exemples mentionnés, fait se rejoindre deux pôles antithétiques : d’une part, l’utopie des montagnes suisses, l’air pur de l’altitude, le confort, l’aisance et l’hygiène ; d’autre part, le cauchemar de la cave, « une race exsudeuse [qui] expectorait, crachait, toussait […]31 », l’image d’un peuple qui est non seulement celui de la mère, mais aussi celui du peuple juif, celui des origines du narrateur.

    27Invariablement, la présence du lait ramène donc à une question déjà suggérée : celle de l’angoisse créée par le sceau de la judéité. Certes, le lait peut être défini comme un aliment biblique et sacré dont la mention figure dans les moments les plus intenses des romans. C’est pourquoi Saltiel exprime sa joie de manière convenue en déclarant : « Eh bien que ce jour soit pétri avec du lait et du miel32. »

    28Mais le lait renvoie aussi à un réseau de questions obsédantes dont les porte-parole sont les personnages – questions posées et non résolues qui demeurent enfouies dans le secret du texte. Pour en terminer avec cette symbolique du lait, il faut se remémorer la fin de Solal, moment où le héros, qui a tout perdu, erre dans Paris à la recherche de quelque nourriture. Dans ces pages apparaissent à trois reprises des occurrences du lait. Il y a d’abord la tentation33 de Solal, près de voler « des pots de lait » découverts dans un corridor, mais qui y renonce parce qu’il a « honte34 ». Puis on entend la commande de ce dernier dans un café de la rue Caulaincourt : « Du lait chaud et du pain35. » Enfin, toujours dans le même épisode survient le refus du verre de lait servi au comptoir parce que des étudiants, qui se proposaient de payer pour Solal, se mettent à le railler : « Vas-y, Jésus, une parabole36 ! »

    29Le lait dans ce passage semble à première vue renvoyer à sa fonction référentielle. Produit peu coûteux, il est la seule nourriture financièrement accessible pour qui ne possède plus de quoi vivre. Pourtant, au cours de la situation dépeinte reviennent deux traits permanents de la caractérisation du lait telle que nous l’avons déjà rencontrée. D’une part, le lait est associé à une situation tragique, la déchéance de Solal. D’autre part, ce tragique se double de références religieuses – les railleries des étudiants en sont le témoignage – ce qui souligne le dilemme du héros et son combat pour affronter les forces qui le dépassent. Celui-ci se trouve de nouveau écartelé entre deux postulations antithétiques : l’une sublime, la figure divine du « roi des Juifs37 », l’autre misérable, « le chat galeux, le sale Juif38 ».

    30Le lait devient donc dans l’œuvre le lieu et l’expression d’une contradiction. Comme plusieurs autres aliments, il constitue un motif récurrent et nourrit l’un des thèmes majeurs des textes : comment réconcilier au cœur d’une conscience unique la grandeur et la misère du peuple juif ? Comment dépasser le déchirement qui se joue entre deux pôles inconciliables pour tendre vers l’unité fondatrice ? Le café au lait, compromis humoristique sur le plan alimentaire, pourrait offrir une issue.

    L’alliance du lait et du café

    31Il est des circonstances où le lait – mélangé au café – offre un certain réconfort. Le breuvage possède en outre un statut fédérateur puisqu’il est aussi bien consommé dans les familles Sarles et Deume que par Mangeclous, Solal ou le narrateur du Livre de ma mère. Mangeclous rêve par exemple de breakfasts avec « café au lait sans chicorée39 ». Un peu plus tard, il se régale, lors d’un somptueux festin, d’un « plat supplémentaire rien que pour lui40 », accompagné de café au lait. Solal, lui, au cours d’un monologue intérieur trouve quelque consolation en imaginant un personnage sucrant « un café au lait les morceaux de sucre papillons entre ses doigts41 ». Puis, lorsqu’il se cherche un « but de vie », il commande « un petit déjeuner complet [avec un] café au lait42 ». Enfin, le narrateur du Livre de ma mère revient sur le café au lait « entouré de flanelles43 » de son enfance, expression formulée dans les mêmes termes au cours de Carnets 197844. Quel intérêt ce mélange de lait et de café présente-t-il sur le plan symbolique ? Avant de répondre à la question, arrêtons-nous sur le café, l’une des composantes de la préparation.

    Gros plan sur le café

    32Consommé le matin au petit déjeuner, à midi pour clore le repas, ou à un autre moment de la journée, le café noir constitue la boisson favorite des personnages. La dégustation de café, contrairement à celle du thé, n’est pas codifiée. Mariette, la bonne d’Ariane, le savoure en toutes circonstances. Les Valeureux ne sont pas en reste : grands amateurs de café noir, ils le commandent volontiers « bien sucré, par bonté45 ».

    33Ce goût marqué pour la boisson n’est pas surprenant d’un point de vue culturel : si l’on en croit la légende, les origines du café sont orientales. Dans La Raison gourmande, Michel Onfray propose une version de la naissance de la mythique boisson. La scène se passe « au point de jonction entre l’Arabie et l’Afrique », dans un monastère où des religieux musulmans vivent du produit de leur troupeau de chèvres :

    Un soir […], le troupeau est affolé. Les moines constatent que les animaux ne dorment pas, qu’ils sautent partout, grimpent, bondissent. Leurs cabrioles extravagantes sont inhabituelles […]. Sciadli et Aidrus, bergers curieux de résoudre l’énigme, s’inquiètent de la nourriture des animaux et découvrent un caféier aux branches abîmées par le troupeau qui a consommé force baies. Les pâtres rapportent des branches avec leurs fruits à l’imam qui préside aux destinées du monastère : il goûte la cerise, déplaisante en fruit frais, la grille, l’écrase, la pile, ajoute de l’eau bouillante et invente presque d’un seul coup, le café d’aujourd’hui.46

    34De cette époque lointaine date la tradition du café dans les pays chauds du Sud méditerranéen. Celui-ci peut se déguster, selon le cas, à la grecque, à la turque ou à l’italienne. Mais en l’occurrence, le fait que les Valeureux boivent beaucoup de café a une valeur moins géographique qu’affective. Outre le fait que « le café allège la tristesse47 » comme l’affirmaient déjà Diderot et d’Alembert, la boisson consommée par les cinq compagnons représente une part lumineuse de l’enfance pour l’écrivain : sous la plume de Cohen, le café devient précieux et « doré48 ». Alain Schaffner observe à ce propos : « L’or dont il est question [dans tous les romans] n’a aucun lien avec l’idolâtrie, mais il symbolise la pureté de l’existence céphalonienne49. »

    35Souvenir de l’âge mythique et à jamais perdu de Céphalonie, le café constitue l’un des référents gustatifs qui permettent à l’écrivain de recréer partiellement l’euphorie du monde sublimé de ses origines.

    Le café au lait, une troisième voie pour l’unité

    36Le lait – nous l’avons vu plus haut – correspond entre autres signes à une métaphore de la présence maternelle. Mais il représente aussi une source de contradictions indépassables et douloureuses. Peut-on alors admettre que le café au lait, nouveau « mariage des contraires », soit une possible expression de la résolution des conflits ?

    37Certes, chaque liquide considéré seul – que ce soit le lait ou le café – est pur au sens où l’entendent les textes du Lévitique qui proscrivent toute entorse au principe d’unité :

    Gardez mes lois : n’accouple pas deux espèces différentes de ton bétail ; ne sème pas dans ton champ deux semences différentes ; ne porte pas de vêtement en étoffe hybride, tissée de deux fibres différentes.50

    38Jean Soller explique en effet :

    […] il est peut-être permis d’avancer maintenant que le système alimentaire des Hébreux aussi bien que le mythe de la Création du Monde reposent sur une taxinomie où l’homme, Dieu, les animaux et les végétaux sont strictement définis les uns par rapport aux autres, par une série d’oppositions. L’ordre que les Hébreux ont mis dans le monde est pensé par eux comme l’ordre selon lequel le monde a été crée. Et l’impureté, c’est le désordre, à tous les niveaux.51

    39Si l’on part du principe que tout mélange d’aliments différents entraîne l’apparition d’un produit hybride, le café au lait, dans le cadre d’une interprétation orthodoxe du Lévitique, serait impur, d’autant plus que la consommation du lait, même bu sans mélanges, suppose de respecter plusieurs prescriptions de l’Ancien Testament. Mais précisément, cette impureté symbolique n’est-elle pas, à l’image du rêve de Cohen, un monde où n’existeraient plus « les haïsseurs de juifs52 », un monde qui verrait « l’humanisation de l’homme53 » et la réunion de « ses deux filles de Jérusalem la juive et la chrétienne […]54 » ?

    40Cette hypothèse éclairerait d’un jour différent la consommation du prosaïque café au lait. Dépassant l’opposition dialectique des deux liquides – café noir de l’Éden céphalonien et lait « corrosif » de la douleur juive – Cohen proposerait avec humour un troisième breuvage qui réconcilierait les extrêmes. Selon Vladimir Jankélévitch : « Humour est le nom du talent qui […] permet de considérer comme des étapes, moments ou degrés […] les images impures d’une pureté inimaginable55. » Le talent de Cohen réside dans le fait de pratiquer cet itinéraire à rebours : dans une démarche dont il est coutumier, l’auteur renverse la définition du philosophe. En combinant deux emblèmes de pureté alimentaire, le lait et le café, le romancier crée un mélange hybride dont le résultat, en dépit de son impureté, est exceptionnel puisqu’il convient à des personnages très divers et issus de tous horizons. C’est ainsi que par l’opération d’un esprit qui ne se veut pas saint, les deux boissons respectives perdent leur singularité pour se joindre en une rencontre qui donne naissance à une nouvelle possibilité, originale dans sa simplicité.

    41Parmi les autres consommations qui reviennent dans les usages d’Ariane et des Gentils figure la perspective d’un « bon thé ». Cette nouvelle dégustation va entraîner un changement de tonalité dans les textes. Adoptant volontiers l’ironie offensive voire le persiflage, l’auteur ne se prive pas de critiquer avec force la cérémonie du thé et tous ceux qui la pratiquent.

    Le « thé, boisson sacrée de son gang56 »

    42C’est par cette formule antiphrastique que Solal désigne au cours d’un monologue de la sixième partie du roman l’une des boissons favorites d’Ariane. L’expression provocatrice joue sur le paradoxe. Cette association antithétique est pourtant retenue dans le texte pour évoquer le comportement des buveurs de thé. Comment interpréter cette aversion – fréquemment réitérée par Solal – alors qu’Ariane et ses semblables considèrent le moment du thé comme une occupation majeure ? Certains signes récurrents, liés au cérémonial du thé, donnent la mesure de la valeur de cette boisson, présentée comme un marqueur social.

    On va s’installer confortablement. (Et causer, pensa-t-il.) Et puis on prendra le thé. (Glorieuse perspective, pensa-t-il. La malheureuse qui essayait de mettre de l’animation avec ce lamentable thé, couvre-défaite annoncé deux heures à l’avance comme un but.57

    43Dans la cinquième partie de Belle du Seigneur, lorsque les amants n’ont plus rien à se dire, le moment du thé comble le vide de leurs échanges, mais le rituel est dépourvu de sens car il ne fait que souligner l’isolement des deux personnages et l’absence de toute activité sociale dans leur existence. C’était pourtant avec une invitation à prendre le thé que Solal avait fait son entrée dans le monde. Ce dernier avait alors eu le sentiment d’une brillante victoire :

    Il montra à son oncle, ébloui de mondanité et quelque peu jaloux, la belle carte de M. de Valdonne. Le consul de France l’invitait à venir prendre une tasse de thé l’après-midi même. Saltiel palpa les reliefs de la carte gravée et s’enfuit, comme au théâtre, pour aller clamer la nouvelle. Tout en courant, il réfléchissait à ce thé. Le breuvage chinois ne bridait-il pas à la longue les yeux des buveurs ?58

    44Le narrateur commentait alors ironiquement la réaction de Saltiel, partagé entre deux sentiments contradictoires. L’invitation possédait la valeur d’un sésame : Solal allait pouvoir pénétrer dans l’univers clos d’Adrienne, l’épouse du consul. Mais ce thé était aussi un emblème d’exotisme, la métaphore d’un ailleurs irrigué par la source de mythes plus ou moins inquiétants.

    Légendes et traditions autour du thé

    45Moins répandu que le café en Europe, le thé est auréolé de mystère à cause de ses lointaines origines, dans l’espace et dans le temps :

    Le thé est noble par son histoire, cinq fois millénaire – c’est la plus ancienne boisson de l’humanité – ponctuée d’aventures individuelles […], de luttes stratégiques farouches, d’enjeux politiques majeurs.59

    46Ce « breuvage d’immortalité60 », selon l’expression des taoïstes, fut découvert dans des circonstances fabuleuses. Un empereur chinois à corps d’homme et à tête de bœuf, Chen Nung, présida à l’origine du prodige. Michel Onfray relate la légende sur le mode de la fantaisie :

    Chen Nung invite chacun à faire bouillir son eau avant de la consommer. […] c’est dans cette posture mi-domestique, mi-pharmaceutique que le mythe vient le cueillir […]. En l’occurrence, c’est le zéphyr qui fit bien les choses en décrochant d’un arbre voisin une feuille qui menaçait de choir tant elle était grillée par le soleil, vidée de sève. Bien sûr, elle tomba dans le récipient de l’empereur, au beau milieu. Comme notre homme est sage, il laisse faire, curieux du résultat. Apprenant de la nature, constatant l’infusion, Chen Nung goûta. Et il vit que cela était bon.61

    47Mais c’est Le Classique du thé de Lu Yu, paru en 780 sous la dynastie des Tang, qui donna à la boisson ses lettres de noblesse :

    De simple boisson, le thé devenait breuvage spirituel, thème de poèmes et de peintures, sujet de réflexion, prétexte de disputes courtoises […] le long du fleuve Bleu. Sous les Song (960-1279), le raffinement envahit l’art du thé jusqu’à une élévation […] qui ne visait rien moins qu’à la perfection.62

    48Cependant, au-delà des faveurs dont bénéficie le thé sur les plans artistique et culturel, la boisson est aussi remarquable quant à la manière dont elle doit être consommée :

    L’infusion triompha sous les Ming et avec elle la codification du rituel qui fait de la cérémonie du thé, encore à l’heure actuelle, un exercice spirituel hautement symbolique, chargé d’exprimer en nuances, finesses et gestes la nature intime d’une civilisation imprégnée de taoïsme et de bouddhisme.63

    49C’est dire que cette cérémonie64 ressemble à bien des égards à une célébration sacrée. Elle demande et inspire le respect, le silence, la méditation, tous comportements étrangers aux personnages cohéniens.

    50Pour mettre en évidence l’importance du rituel, rappelons que Sen No Rikyû65, maître de thé japonais qui vécut au xvie siècle, énonça les sept commandements du thé qui s’achèvent sur une précieuse recommandation : « Accorde à chacun de tes invités la plus grande attention66. »

    51En avant-propos de l’ouvrage Poèmes du thé, Bernard Petit, spécialiste de la culture japonaise, observe à ce propos :

    Art de vivre dans la sociabilité car l’art du thé est avant tout un art de recevoir, de communier que l’on peut presque comparer avec l’eucharistie chrétienne dont l’apparition, au Japon, est étrangement concomitante avec la formalisation du thé. [La cérémonie du thé était] aussi art de mourir, pour les samouraïs notamment, qui pratiquaient ce cérémonial avant de partir au combat […]. Rituel de vie, rituel de mort, d’aucuns qualifient le thé de religion, le théisme.67

    52Alors que ce commentaire rejoint les problématiques à l’œuvre chez Cohen – la quête de l’essentiel, l’art de vivre et l’art de mourir – les personnages mis en scène par le romancier transforment la cérémonie du thé en une mascarade mondaine et remplacent les règles authentiques par un simulacre grossier. Quant à « l’économie maximale du sensible68 » évoquée par Onfray, elle laisse place à la profusion exhibée sur le plan matériel, à l’excès dans le domaine de la parole et témoigne à tous égards d’un parti pris d’ostentation. C’est à cette parodie de cérémonie que nous allons nous intéresser.

    Prendre le thé chez les Gentils

    53Madame Deume accorde beaucoup d’importance aux réceptions données pour prendre le thé. Elle en fait même un repère dans son calendrier personnel d’activités sociales. Ainsi, parlant à Adrien de Mme Ventradour – une relation qu’elle tient à cultiver – elle explique : « […] tu te rappelles quand nous y sommes allés pour le thé en janvier69. » Dans la logique du personnage, le souvenir de la visite chez Mme Ventradour fait office de date mémorable. Il fonctionne comme un élément parodique : de même que dans les récits médiévaux, les fêtes religieuses constituaient des repères pour structurer le temps70, pour Mme Deume, le « thé en janvier » chez son amie constitue un moment-clé de la trame de son existence. Pour que la parodie soit plus drôle encore, Cohen imagine un nouveau concept, très apprécié dans l’entourage des Deume, le thé-méditation :

    Ça fait grand changement dans nos plans, primo parce qu’il faut que je téléphone tout de suite à chère Ruth Granier pour renvoyer à demain notre thé-méditation d’aujourd’hui, et secundo parce que j’avais projeté des rougets grillés pour midi […].71

    54Cependant, Mme Deume ne témoigne pas en l’occurrence d’un grand respect à l’égard de ce thé-méditation sans doute parce que « chère Ruth Granier72 » ne possède pas le même train de vie que Mme Ventradour. « Renvoyé » sans autre forme de procès, le thé-méditation perd sur le champ la spiritualité à laquelle il pouvait prétendre et se voit éclipsé par une vision de « rougets grillés », plus triviale.

    55Outre les invitations à prendre le thé à l’extérieur – réceptions qui lui permettent d’élargir le cercle de ses relations – Antoinette Deume boit aussi du thé chez elle et prend soin de le rappeler quotidiennement, comme une pieuse litanie :

    – J’aime bien le thé, dit-elle, parce qu’il n’y a rien qui désaltère autant. (Phrase dite cinq ou six mille fois depuis son mariage et répétée toujours avec la même fraîche conviction).73

    56Il est toutefois à remarquer que la glorification de cette tradition n’empêche pas la dame de faire preuve de parcimonie : lorsqu’elle charge Ariane d’acheter le produit nécessaire aux cérémonies journalières, Antoinette demande à sa belle-fille de rapporter « une livre de thé, brisures anglaises à neuf vingt cinq74 ». Selon les connaisseurs, les thés à feuilles brisées ont un goût plus corsé que les thés à feuilles entières, mais sont moins coûteux. Secret de famille qui permet de sauver les apparences et de recevoir à moindres frais : le soir où les Deume attendent indéfiniment un Solal qui ne vient pas – un Godot cohénien en quelque sorte – Mme Deume est fière de pouvoir proposer à son futur hôte « trois sortes de boissons chaudes : thé, café normal, café décaféiné. L’invité n’aurait qu’à choisir75. » Mais elle est encore plus satisfaite à l’idée de disserter « sur les mérites comparés des thés de Chine et de Ceylan, le premier ayant un arôme plus distingué et le second plus de corps76 ».

    57Ces exemples suffisent à mesurer la valeur symbolique du thé dans la perspective des personnages. Révélateur d’un comportement social, le breuvage exprime le désir de briller en empruntant les us et coutumes censés être ceux de la bonne société. Mais il dévoile simultanément une incapacité à se hisser à la hauteur de modèles idéaux : les « brisures » des feuilles de thé sont à l’image des insuffisances de Mme Deume. En dépit de ses efforts, celle-ci demeure très éloignée d’une « Lady Cheyne qui [boit] immatériellement une tasse de thé77 » au cours des réceptions données à la SDN.

    58Un autre passage de Belle du Seigneur met en scène des personnages mineurs, mais dont la vacuité se révèle lors d’une scène de thé. Il s’agit de deux dames rompues aux hypocrisies de la vie mondaine, et qui devisent dans le salon de l’hôtel où résident Ariane et Solal. L’instant est crucial sur le plan dramatique parce que Mrs Forbes va expliquer à Mme de Sabran qui est « ce couple bizarre qui ne parl[e] à personne78 ». Mais auparavant, Mrs Forbes appelle un serveur :

    [Elle] convoqua de l’index un valet, commanda du Chine pour madame et du Ceylan très fort pour elle, exigea des toasts brûlants enveloppés dans une serviette, le tout sans un regard pour le domestique. L’ayant ainsi informé de sa boue originelle et qu’il n’existait que pour servir les épouses d’attachés militaires et de consuls généraux, elle se tourna très poétiquement vers l’attachante colonelle et baronne.79

    59Le simple geste qui consiste à commander un thé constitue pour Kathleen Forbes le signe de l’élection. Se considérant comme appartenant à une sphère sociale élevée, celle-ci commence par « convoquer » l’employé d’hôtel : le commentaire pseudo administratif du narrateur souligne d’emblée la portée satirique du propos. Se situant à mi-chemin entre des prétentions monarchiques d’un autre temps et la modernité de son statut d’épouse du « consul général de Grande-Bretagne à Rome80 », Mrs Forbes se caractérise par un discours qui se veut efficace. C’est pourquoi le serveur devient un « valet » : ce n’est plus un salarié mais un esclave au bas de la hiérarchie humaine. Aussi la cliente lui dicte-t-elle ses volontés. L’autorité des verbes utilisés, la demande de « Chine et de Ceylan très fort » qui montre une certaine connaissance des produits, les précisions sur les « toasts brûlants enveloppés dans une serviette », tous les éléments du texte soulignent la longue pratique de Mrs Forbes en matière de consommation de thé mondain. Cette attitude de commandement permet de dessiner d’un trait rapide un tableau de la suffisance en acte qui n’aurait pas détonné chez les moralistes du xviie siècle. En outre la dégustation de thé, du fait de son rituel raffiné, accroît le ton impérieux des instructions : les buveurs de thé constituent une caste qui s’arroge des privilèges aristocratiques. Au cours de la page suivante, Mrs Forbes termine d’ailleurs sa tasse en lançant la formule qui prouve qu’elle en est :

    [Elle] soupira aimablement, dit qu’il n’y avait rien de plus rafraîchissant que le thé, se cala dans le canapé, sourit d’aise et commença sa bonne action quotidienne.81

    60Après avoir affirmé son pouvoir social en dégustant la boisson de l’élite, Mrs Forbes va se livrer à sa deuxième occupation favorite, le jeu de massacre dont l’objectif est ici de ruiner définitivement la réputation de Solal.

    61Lorsqu’il n’est pas le prélude à une séance de commérages – exercice qui se pratique aussi beaucoup dans le salon Verdurin mis en scène par Proust – le thé peut constituer une occupation qui rythme le cours de la vie. C’est ainsi que dans la famille Sarles, l’annonce du thé suscite une joyeuse effervescence :

    […] la cloche du thé sonna, au grand émoi de Mme Sarles. Comme le temps passait vite ! Où avait-elle donc la tête ? Déjà le thé ! De son temps, vraiment, les heures s’écoulaient moins vite. Il y avait quelque chose de changé depuis la guerre. On ne savait plus où on en était ! Elle trottina vers l’important breuvage et les petits fours.82

    62Avec le tintement de la cloche se met en place le sentiment d’un cérémonial, une sorte d’office religieux – ou une représentation théâtrale – nécessitant la présence de tous ceux qui se trouvent sous le même toit. Mais chez les Sarles, le moment du thé, comme celui des autres repas, fonctionne en tant que signe positif : il rassemble et unit ceux qui s’isolent. Ainsi Solal qui, à plusieurs reprises, a affirmé son indépendance par rapport à la maisonnée continue d’être convié à partager ces instants à la table des Sarles. Dans un passage de la première moitié de l’ouvrage, celui-ci se trouve parmi les convives qui prennent le thé. Lors de ces instants, Solal se rallie très vite les sympathies. M. de Maussane, père d’Aude, vient au cours d’un dialogue brillant, de mettre en échec « la pauvre Mme Sarles83 ». Mais son plaisir est accru par la complicité muette qu’il devine chez Solal. Ruth Granier, pour sa part, est secourue par Solal qui détourne le cours de la conversation alors que la nièce de Mme Sarles a commis un impair. Quant à Mme Sarles, réconfortée par l’entregent du visiteur, elle a le loisir de reprendre ses esprits. Pour souligner avec ironie les tropismes qui agitent ce petit monde autour d’une tasse de thé, le narrateur ajoute : « Adrienne eut un soupir de soulagement et offrit une nouvelle tasse de thé à son amant84. » En dépit de la bienveillance de la famille Sarles, la dimension de parade sociale qui caractérise l’heure du thé persiste donc du fait de la personnalité des hôtes. M. de Maussane, habitué des salons parisiens, n’a pas résisté au plaisir perfide d’une conversation piquante. Mme Sarles illustre comiquement la situation de la naïve provinciale, ignorante de l’art du badinage tandis que Solal, rompu aux usages du monde, sait donner le change en toutes circonstances. Le thé apparaît comme l’alpha et l’omega de la vie sociale : il est ce qui déclenche la tempête mais aussi ce qui permet d’en apaiser les remous.

    63Dans les pages suivantes, Maussane séduit par Solal, va jusqu’à proposer à ce dernier de travailler avec lui. Mais refusant de « continuer les ruses de la visite précédente85 », le héros résume en une courte phrase ce qu’il pense de la comédie mondaine :

    Il dit qu’il était fatigué de faire des plans habiles ; qu’il ne lui plaisait plus de faire le jeune homme modèle et de boire du thé ; que d’ailleurs il n’entendait rien aux affaires financières ni à la politique.86

    64La représentation du « jeune homme modèle » est associée – coordonnée grammaticalement – à la posture de buveur de thé, ce qui confère au geste la portée d’un cliché ironique. Prendre le thé est l’occupation des oisifs ; ce n’est pas ainsi que Solal pourra « faire trembler les vitres87 ». Celui-ci rêve en effet de faire « un don de joyeuse entrée à son nouveau pays88 » pour honorer à la fois la « Noble France » et Aude. Une tasse de thé n’est d’aucun secours pour favoriser cet adoubement.

    65Il se trouve en revanche dans Mangeclou un autre personnage qui ne manquerait pour rien au monde l’heure du thé parce qu’à l’inverse de Solal, lui n’éprouve qu’ennui et désintérêt à l’égard de ses obligations professionnelles. Il s’agit d’Adrien Deume au travers duquel Cohen fait une satire mordante de la vie des fonctionnaires à la Société des Nations ou « Satisfaction des Nourris89 », pour reprendre l’un des jeux de mots lancés par Mangeclous.

    66Dans les douze dernières pages du roman90, on relève neuf occurrences du thé qui concernent toutes Adrien et les stratégies mises en œuvre par ses soins pour ne pas travailler. Pratiquant avec brio l’art de la procrastination, Adrien laisse s’entasser les dossiers qui lui sont confiés et attend le service du thé : « Trois heures et demie. Et ce thé, alors quoi, on se fout de moi91 ? »

    67Un moment plus tard, il aperçoit dans les couloirs « la serveuse qui [fait] rouler devant elle le petit chariot chargé de théières, de tasses et de pâtisseries92 ». Témoignant d’une gourmandise enfantine, Adrien va alors se régaler de gâteaux et de « thé ravissant93 », ce qui donne au narrateur l’occasion d’ouvrir une parenthèse ironique :

    (En réalité, il détestait le thé. Il prenait cependant plaisir à ce breuvage qui lui donnait le sentiment d’être un diplomate anglicisé. Et puis le thé de Chine, avec son « fumet évocateur », c’était poétique).94

    68Adrien constitue l’exacte antithèse de Solal. Tandis que le premier ne veut plus être un « jeune homme modèle [qui boit] du thé95 » et qu’il souhaite se lancer dans l’action, le second reste passivement devant sa théière – « Et combien restait-il de thé ? Encore une tasse. Chic96 » – et puise dans la boisson le parfum d’aventure qui manque à sa vie.

    69Dans tous les exemples évoqués, le thé apparaît comme l’élément central d’une mise en scène élaborée. Indispensable accessoire de la vie mondaine, il conserve une importance formelle à l’instar du culte pratiqué en Asie depuis des temps reculés. Mais ces formes vides sonnent creux chez les personnages cohéniens. À propos d’une analyse portant sur le christianisme dans les romans, Alain Schaffner observe : « La société occidentale apparaît […] comme le lieu d’un continuel détournement du sacré97. » Cette affirmation se vérifie dans le cadre de la portée symbolique du thé cohénien. Les Gentils aiment à le consommer selon un certain protocole dont le déroulement immuable semble tendre vers le sacré. En cela, ils agissent conformément à la tradition puisque « l’ensemble des pratiques codifiées, ritualisées et transmises avec une extrême précision donne naissance au théisme, cette religion de la beauté et du geste […]98 ». Mais par leurs comportements caricaturaux, les Deume, Sarles et autres Forbes détournent ces codes et font du mysticisme originel le théâtre d’une farce. Quant aux Valeureux, ils manifestent à l’égard du thé un scepticisme qui apporte une nouvelle touche piquante à la satire.

    70Pour mieux railler l’importance du rituel, le narrateur souligne en effet le ridicule de certains accessoires nécessaires à la célébration. Au cours de Mangeclou, les compagnons qui veulent faire du camping se lancent dans une série d’acquisitions fantaisistes et commentent après coup l’intérêt de leurs achats. C’est ainsi qu’ils découvrent parmi leurs emplettes « un œuf à thé dont ils supposèrent qu’il devait servir de douche portative99 ».

    71Le décalage entre l’objet et son éventuelle utilisation produit un double effet comique : on relève en premier lieu le jeu de mots qui vise les utilisateurs de l’œuf à thé – ou œuf athée100 – discréditant sur le mode burlesque la religion pratiquée par les adorateurs du breuvage. Mais la trouvaille permet de faire de l’ironie aux dépens des personnages : la douche hypothétique est de taille très réduite, ce qui donne à penser que l’hygiène ne figure pas parmi les préoccupations des Valeureux.

    72D’autres situations font allusion aux réticences des Céphaloniens à l’égard du thé. Ainsi, Rébecca, l’épouse de Mangeclous, ne voit dans le thé qu’un produit médicinal. Semblable à « une Pythie possédée d’un haut esprit médical101 » installée sur son pot de chambre, elle énumère sans équivoque possible les médicaments et purges qu’elle affectionne : « Pour le citrate, une demi-heure après, il fallait du tchaï – ainsi appelait-elle le thé102. » Les vertus laxatives de ce thé suffisent à montrer que l’épouse de Mangeclous se situe dans le domaine du carnavalesque. Loin de la cérémonie sacrée du thé mondain, avec Rébecca, le bas corporel reprend ses droits, affirme sa présence et inverse joyeusement l’ordre du culte.

    73Au cours de Solal en revanche, le thé retrouve momentanément la dignité de sa fonction. Saltiel est venu rendre visite à Solal mais la présence d’Aude le trouble à un point tel qu’il accepte simultanément du raki et de la bénédictine. Solal intervient alors :

    Mais, oncle, que voulez-vous, raki ou bénédictine ? Vous avez accepté les deux. Du thé peut-être ? Vous aimez le thé, il me semble.
    – Bien volontiers, du thé dit en s’épongeant le malheureux oncle qui détestait le thé.103

    74Quelques instants plus tard, lorsque la jeune femme a quitté la pièce, Saltiel se risque à un commentaire :

    Elle est un ange, mon fils, et comme raisin muscat. Mais je n’aime pas le thé, mon enfant, ajouta Saltiel avec un ton de doux reproche.104

    75Le passage est intéressant à double titre : sur le plan de la construction des personnages, il met en lumière « le caractère diabolique105 » du héros. Loin de secourir Saltiel égaré dans cet environnement occidental, Solal va jusqu’à lui proposer la boisson détestée. Mais le texte révèle surtout la signification symbolique du thé pour un couple qui incarne une double tradition culturelle. Chez Aude et Solal, il est aussi prévisible de consommer du thé que d’en offrir car la boisson représente une marque de civilité selon le point de vue d’une maîtresse de maison, respectueuse des usages. En revanche, dans la perspective de Solal, la consommation de thé constitue en quelque sorte une expérience initiatique : Saltiel doit faire ses preuves pour mériter d’être admis en ces lieux. C’est donc à ce titre que Solal impose à son oncle, non sans un certain sadisme, de boire la potion honnie, seule susceptible de sceller l’entrée de Saltiel dans la bonne société occidentale.

    76Inscrit dans la culture, les coutumes et les prétentions des Gentils, le thé ne pénètre donc qu’accidentellement dans l’univers des Valeureux. Mais lorsque c’est le cas, la situation devient un moyen de tourner en dérision les caractères. Aucun comportement n’échappe à l’œil exercé du moraliste qui passe par l’intermédiaire de ce thé pour croquer une galerie de portraits comiques en situation.

    77On peut cependant pousser plus loin le parallélisme entre religion et consommation du thé. Un épisode sérieux de Solal, qui met en concurrence les prières juives traditionnelles et la dégustation de thé, en donne un aperçu édifiant. La scène se passe chez les Sarles, dans la quatrième partie du roman. La famille du pasteur est réunie pour célébrer « le dimanche de Pâques [qui] coïncidait cette année avec le premier jour de la Pâque israélite106 ». Plein de nostalgie, Solal se remémore les fêtes de son enfance, puis va jusqu’à la synagogue sans oser y entrer. De retour dans sa chambre, il demeure seul et se met à chanter :

    L’hymne que Moïse et les enfants d’Israël avaient chanté à la gloire de l’Éternel, le cantique pascal que les Solal avaient scandé en Chanaan sous les tentes et sous les palmes :
    Les chars de Pharaon et son armée,
    Il les a lancés dans la mer !
    Il entra dans le salon. Les convives se turent à la vue de cet homme à la démarche hésitante […]. On lui parla avec gentillesse et on lui offrit une tasse de thé […].
    – Certainement, j’accepterai une tasse de thé. Certainement, je boirai. Et pourquoi n’accepterais-je pas ? Ne suis-je pas homme comme vous ?107

    78Il apparaît ici une nette ligne de partage entre deux mondes – « là-haut, dans sa chambre et loin de ses frères108 » – Solal renoue avec la tradition biblique et les prières de ses ancêtres. En bas, dans le salon, redescendu parmi les Sarles parce qu’il n’a pas « pu supporter la solitude », Solal accepte le thé qui devient dans sa réplique un signe d’humanité, et en prend même « avec une fausse assurance une seconde tasse […]109 ». Les indications du haut et du bas renvoient aussi bien à l’espace de la demeure qu’à la signification du cérémonial. Sans passer par un long commentaire, le narrateur oppose deux sphères : l’une évoque un culte empreint de sacré, l’autre se satisfait d’un rituel dérisoire, mais humain.

    79Cependant chez Cohen, le sacré passe aussi par la figure de la mère110. Et c’est précisément dans Le livre de ma mère qu’apparaît de nouveau ce symbolisme du thé :

    Pourquoi a-t-elle acheté avec tant de passion, en vue de la venue de son occidental chéri, de si grandes quantités de ce thé qui était pour elle une étrange herbe médicinale inconcevablement aimée des Gentils, ce thé dont elle était fière de pouvoir proclamer, soudain pleine de courage dans la droguerie de quartier où il moisissait depuis Napoléon III, qu’il était, pour son Fils Qui Allait Arriver, ce cacochyme thé toujours éventé, qu’elle préparait si mal et avec tant de soin, et que je déclarais parfait, quitte à la taquiner le lendemain sur son incompétence.111

    80Avec ces propos, tout est dit. Derrière les figures des Valeureux se dessine celle de la mère, qui ne recule devant aucun effort pour construire un lien fragile entre son Orient d’origine et l’Occident d’adoption de son fils. Mère courage qui ose faire entendre sa voix timide dans une boutique, malgré son statut de « rien du tout soci[ale]112 », mais aussi mère qui assimile le thé à une « herbe médicinale » comme le faisait Rébecca, la peu attirante épouse de Mangeclous. La mère se retrouve ainsi simultanément objet de respect et de raillerie. Quant au thé qu’elle achète avec vénération, il est à son image : « cacochyme » et « éventé », incapable de soutenir la comparaison avec celui de l’Occident, mais conservant malgré ses défauts un pouvoir certain de fascination.

    81Le thé perd pourtant ses vertus lorsque l’existence d’Ariane et de Solal sombre dans l’ennui, au cours de la cinquième partie de Belle du Seigneur :

    Rhabillée et recoiffée, plus que jamais Ariane Cassandre Corisande, née d’Auble, elle avait sonné pour le thé, en était maintenant à sa quatrième tasse.113

    82Si Ariane s’obstine à célébrer ce moment qui lui permet de retrouver ponctuellement sa posture mondaine, pour Solal la cérémonie du thé ne présente plus aucun intérêt. Elle ne constitue qu’une occasion de passer le temps en échangeant des banalités de manière languissante :

    Le lendemain, un peu avant quatre heures, ils descendirent prendre le thé dans le petit salon de l’hôtel […]. La première tasse bue, elle dit qu’on se croirait en avril plutôt qu’en novembre. Puis il y eut un silence.114

    83Paradoxalement le thé a changé de fonction : ce cérémonial pratiqué dans la bonne société occidentale est devenu, en dépit de la mise en scène d’Ariane, une métaphore de l’isolement absolu. Tandis que les voisins qui habitent près de la villa Belle de Mai offrent sur leur terrasse le spectacle d’un dîner joyeux et animé, Solal et Ariane, « nobles et silencieux dans leur somptueux salon fleuri », sont « seuls et beaux, laissés pour compte, élégants115 ». Aussi Ariane tente-t-elle d’animer la conversation :

    […] elle dit qu’elle avait acheté une marque de thé déthéiné qui n’empêchait pas de dormir. Voilà les nouvelles que nous nous donnons, pensa-t-il.116

    84Dès lors, le thé prend une dimension tragiquement ironique. Ce n’est plus une boisson sacrée, mais un philtre de désamour pour les « damnés du paradis117 ».

    85Pourtant dans les derniers chapitres de Solal, le personnage éponyme – qui épiait Aude et Jacques installés dans le jardin de la Commanderie – demeurait encore assez sensible au rituel du thé pour en observer les détails flatteurs : « Un domestique apporta le thé. Étincellement des cristaux taillés et des objets de vermeil118. »

    86À la fin de Belle du Seigneur en revanche, Solal raille cette attitude de dévotion qui l’a longtemps égaré. Détruisant ce qu’il a adoré, que ce soient les succès professionnels, sociaux ou sentimentaux, le héros se tourne maintenant vers la seule valeur qu’il reconnaisse digne de ses aspirations, celle de son peuple119.

    87Dès lors, la cérémonie du thé, forme vide de sens, devient une mascarade. Comme l’amour romanesque, autre pratique stérile et désavouée par le personnage, cette tradition qui ne repose sur aucun fondement culturel sérieux dans l’univers des Gentils, n’a pas résisté à l’usure du temps. L’authentique a eu raison des artifices, le profane perd de son attrait devant le sacré.

    Notes de bas de page

    1  Solal, op. cit., p. 425.

    2  Ibid., p. 430-431.

    3  Exode : 3, 8 ; 3, 17 ; 13, 5 ; 33, 3. Lévitique : 20, 24. Nombres : 13, 27 ; 16, 13 ; 16, 14. Deutéronome : 6, 3 ; 11, 9 ; 26, 9 ; 26, 15 ; 27, 3 ; 31, 20. Josué : 5, 6. Siracide : 39, 26 ; 46, 8. Jérémie : 11, 5 ; 32, 22. Baruch : 1, 20. Ézéchiel : 20, 6 ; 20, 15.

    4  Solal, op. cit., p. 332.

    5  Roland Barthes, Mythologies, Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais », 1957, p. 72.

    6  Belle du Seigneur, op. cit., p. 348.

    7  Solal, op. cit., p. 334.

    8  Loc. cit.

    9  Solal, op. cit., p. 336.

    10  Loc. cit.

    11  Michel Pastoureau et Dominique Simonnet, Le petit livre des couleurs, Paris, Panama, coll. « Histoire », 2005, p. 53.

    12  Montaigne, Essais, livre premier, chap. XX : « Que philosopher c’est apprendre à mourir » [Proximité de la mort], Paris, Librairie Larousse, coll. « Nouveaux classiques Larousse », 1972, p. 34, lignes 55-56.

    13  Solal, op. cit., p. 467.

    14  Loc. cit.

    15  Les Pâquis sont un quartier de Genève. L’origine de ce nom tient aux pâturages situés hors des fortifications entourant Genève et qui descendaient jusqu’au lac Léman.

    16  Mangeclous, op. cit., p. 331.

    17  Définition extraite de celle du TLFi.

    18  Psaume 27.

    19  Ô vous, frères humains, op. cit., p. 76.

    20  Les Valeureux, op. cit., p. 234.

    21  Joachim Du Bellay, Les Regrets et autre œuvres poétiques [1558], Genève, Droz, coll. « Textes littéraires français », 1966, IX.

    22  Mangeclous, op. cit., p. 48.

    23  Les Valeureux, op. cit., p. 23.

    24  Ibid., p. 87. On trouve une réplique similaire dans Mangeclous, p. 52.

    25  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 150.

    26  Mangeclous, op. cit., p. 101.

    27  Solal, op. cit., p. 348.

    28  Ibid., p. 349.

    29  Ibid., p. 361.

    30  Ibid., p. 275.

    31  Ibid., p. 374.

    32  Mangeclous, op. cit., p. 374.

    33  Cette tentation semble faire écho à celle de Jésus dans L’Évangile selon Saint-Matthieu, 4 : « Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il [Jésus] finit par avoir faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : “Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains.” »

    34  Solal, op. cit., p. 459.

    35  Ibid., p. 460.

    36  Ibid., p. 461. Une situation qui renvoie au développement « Les pâtisseries occidentales, des desserts inquiétants ».

    37  Ibid., p. 461.

    38  Ibid., p. 463.

    39  Mangeclous, op. cit., p. 306.

    40  Ibid., p. 354.

    41  Belle du Seigneur, op. cit., p. 840.

    42  Ibid., p. 943 pour les deux dernières mentions.

    43  Le livre de ma mère, op. cit., chap. V, p. 34. Dans le chapitre XII (p. 95), il évoque « un bon petit café au lait bien chaud ».

    44  Carnets 1978, op. cit., p. 16.

    45  Belle du Seigneur, op. cit., p. 176. De même dans Les Valeureux, page 13, Mangeclous prend congé des « bons petits cafés noirs et sucrés du matin […] ! ».

    46  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 142.

    47  Ibid., p. 144.

    48  Solal, op. cit., p. 57.

    49  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 175.

    50  Lévitique, 19, 19.

    51  J. Soler, Sacrifices et interdits alimentaires…, op. cit., p. 27.

    52  Ô vous, frères humains, op. cit., p. 16.

    53  Belle du Seigneur, op. cit., p. 1006.

    54  Loc. cit.

    55  Vladimir Jankélévitch, Le Pur et l’Impur [Paris, Flammarion, 1960], Paris, Flammarion, 1978, p. 18.

    56  Belle du Seigneur, op. cit., p. 936.

    57  Ibid., p. 838.

    58  Solal, op. cit., p. 72.

    59  Kitti Cha Sangmanee, Catherine Donzel, Stéphane Melchior-Durand et Alain Stella, L’ABCdaire du thé, Paris, Flammarion, 1996, p. 11.

    60  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 133.

    61  Ibid., p. 134.

    62  K.C. Sangmanee, C. Donzel, S. Melchior-Durand et A. Stella, L’ABCdaire du thé, op. cit., p. 24.

    63  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 137.

    64  La cérémonie du thé se dit « en japonais le Cha no yu (eau chaude [pour] le thé) » (K.C. Sangmanee, C. Donzel, S. Melchior-Durand et A. Stella, L’ABCdaire du thé, op. cit., p. 34).

    65  Yasushi Inoue évoque ce personnage dans le roman Le Maître de thé [Tokyo, 1991], Paris, Stock, coll. « Nouveau cabinet cosmopolite », 1995, traduction de Tadahiro Oku et Anna Guérineau.

    66  Poèmes du thé, textes extraits des Cent poèmes de Sen No Rikyu, Paris, Alternatives, coll. « Pollen », 2010, traduction de Bertrand Petit, calligraphie de Keiko Yokoyama.

    67  Ibid., p. 8.

    68  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 138.

    69  Belle du Seigneur, op. cit., p. 34.

    70  Ainsi, Chrétien de Troyes écrit dans les vers 30-31 du Chevalier de la charrette : « Et dit qu’a une Acenssïon/ li rois Artus cort tenue ot » (Paris, Champion, coll. « Les Classiques Français du Moyen Âge », 1969, p. 2).

    71  Belle du Seigneur, op. cit., p. 33.

    72  Ruth Granier n’est pas une relation flatteuse : nièce de M. Sarles, elle vit dans la famille depuis qu’elle a perdu ses parents, « missionnaires au Zambèze », et disparus simultanément (Solal, p. 117-118).

    73  Mangeclous, op. cit., p. 412.

    74  Belle du Seigneur, op. cit., p. 268.

    75  Ibid., p. 233.

    76  Ibid., p. 239.

    77  Ibid., p. 134.

    78  Ibid., p. 823 : il s’agit de Solal et d’Ariane.

    79  Ibid., p. 822.

    80  Ibid., p. 816.

    81  Ibid., p. 823.

    82  Solal, op. cit., p. 143.

    83  Ibid., p. 147.

    84  Loc. cit.

    85  Solal, op. cit., p. 150.

    86  Ibid., p. 151.

    87  Ibid., p. 191.

    88  Ibid., p. 190.

    89  Mangeclous, op. cit., p. 355.

    90  Ibid., p. 485-496.

    91  Ibid., p. 485.

    92  Ibid., p. 495.

    93  Ibid., p. 496.

    94  Loc. cit.

    95  Solal, op. cit., p. 151.

    96  Mangeclous, op. cit., p. 496.

    97  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 59.

    98  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 137.

    99  Mangeclous, op. cit., p. 380.

    100  C’est nous qui soulignons.

    101  Mangeclous, op. cit., p. 65.

    102  Ibid., p. 68.

    103  Solal, op. cit., p. 327.

    104  Loc. cit.

    105  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 72.

    106  Solal, op. cit., p. 397.

    107  Ibid., p. 400-401.

    108  Ibid., p. 400.

    109  Ibid., p. 400-401.

    110  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 199-205 : « La mère, figure sacrée. »

    111  Le livre de ma mère, op. cit., chap. XXI, p. 147.

    112  Ibid., chap. VI, p. 44.

    113  Belle du Seigneur, op. cit., p. 806.

    114  Ibid., p. 819.

    115  Ibid., p. 933.

    116  Loc. cit.

    117  Belle du Seigneur, op. cit., p. 1105.

    118  Solal, op. cit., p. 454.

    119  Belle du Seigneur, op. cit., p. 1096 : « Ô la synagogue de son enfance […]. Ô douceur d’entendre l’officiant chanter dans la langue des ancêtres. »

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    1  Solal, op. cit., p. 425.

    2  Ibid., p. 430-431.

    3  Exode : 3, 8 ; 3, 17 ; 13, 5 ; 33, 3. Lévitique : 20, 24. Nombres : 13, 27 ; 16, 13 ; 16, 14. Deutéronome : 6, 3 ; 11, 9 ; 26, 9 ; 26, 15 ; 27, 3 ; 31, 20. Josué : 5, 6. Siracide : 39, 26 ; 46, 8. Jérémie : 11, 5 ; 32, 22. Baruch : 1, 20. Ézéchiel : 20, 6 ; 20, 15.

    4  Solal, op. cit., p. 332.

    5  Roland Barthes, Mythologies, Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais », 1957, p. 72.

    6  Belle du Seigneur, op. cit., p. 348.

    7  Solal, op. cit., p. 334.

    8  Loc. cit.

    9  Solal, op. cit., p. 336.

    10  Loc. cit.

    11  Michel Pastoureau et Dominique Simonnet, Le petit livre des couleurs, Paris, Panama, coll. « Histoire », 2005, p. 53.

    12  Montaigne, Essais, livre premier, chap. XX : « Que philosopher c’est apprendre à mourir » [Proximité de la mort], Paris, Librairie Larousse, coll. « Nouveaux classiques Larousse », 1972, p. 34, lignes 55-56.

    13  Solal, op. cit., p. 467.

    14  Loc. cit.

    15  Les Pâquis sont un quartier de Genève. L’origine de ce nom tient aux pâturages situés hors des fortifications entourant Genève et qui descendaient jusqu’au lac Léman.

    16  Mangeclous, op. cit., p. 331.

    17  Définition extraite de celle du TLFi.

    18  Psaume 27.

    19  Ô vous, frères humains, op. cit., p. 76.

    20  Les Valeureux, op. cit., p. 234.

    21  Joachim Du Bellay, Les Regrets et autre œuvres poétiques [1558], Genève, Droz, coll. « Textes littéraires français », 1966, IX.

    22  Mangeclous, op. cit., p. 48.

    23  Les Valeureux, op. cit., p. 23.

    24  Ibid., p. 87. On trouve une réplique similaire dans Mangeclous, p. 52.

    25  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 150.

    26  Mangeclous, op. cit., p. 101.

    27  Solal, op. cit., p. 348.

    28  Ibid., p. 349.

    29  Ibid., p. 361.

    30  Ibid., p. 275.

    31  Ibid., p. 374.

    32  Mangeclous, op. cit., p. 374.

    33  Cette tentation semble faire écho à celle de Jésus dans L’Évangile selon Saint-Matthieu, 4 : « Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il [Jésus] finit par avoir faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : “Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains.” »

    34  Solal, op. cit., p. 459.

    35  Ibid., p. 460.

    36  Ibid., p. 461. Une situation qui renvoie au développement « Les pâtisseries occidentales, des desserts inquiétants ».

    37  Ibid., p. 461.

    38  Ibid., p. 463.

    39  Mangeclous, op. cit., p. 306.

    40  Ibid., p. 354.

    41  Belle du Seigneur, op. cit., p. 840.

    42  Ibid., p. 943 pour les deux dernières mentions.

    43  Le livre de ma mère, op. cit., chap. V, p. 34. Dans le chapitre XII (p. 95), il évoque « un bon petit café au lait bien chaud ».

    44  Carnets 1978, op. cit., p. 16.

    45  Belle du Seigneur, op. cit., p. 176. De même dans Les Valeureux, page 13, Mangeclous prend congé des « bons petits cafés noirs et sucrés du matin […] ! ».

    46  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 142.

    47  Ibid., p. 144.

    48  Solal, op. cit., p. 57.

    49  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 175.

    50  Lévitique, 19, 19.

    51  J. Soler, Sacrifices et interdits alimentaires…, op. cit., p. 27.

    52  Ô vous, frères humains, op. cit., p. 16.

    53  Belle du Seigneur, op. cit., p. 1006.

    54  Loc. cit.

    55  Vladimir Jankélévitch, Le Pur et l’Impur [Paris, Flammarion, 1960], Paris, Flammarion, 1978, p. 18.

    56  Belle du Seigneur, op. cit., p. 936.

    57  Ibid., p. 838.

    58  Solal, op. cit., p. 72.

    59  Kitti Cha Sangmanee, Catherine Donzel, Stéphane Melchior-Durand et Alain Stella, L’ABCdaire du thé, Paris, Flammarion, 1996, p. 11.

    60  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 133.

    61  Ibid., p. 134.

    62  K.C. Sangmanee, C. Donzel, S. Melchior-Durand et A. Stella, L’ABCdaire du thé, op. cit., p. 24.

    63  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 137.

    64  La cérémonie du thé se dit « en japonais le Cha no yu (eau chaude [pour] le thé) » (K.C. Sangmanee, C. Donzel, S. Melchior-Durand et A. Stella, L’ABCdaire du thé, op. cit., p. 34).

    65  Yasushi Inoue évoque ce personnage dans le roman Le Maître de thé [Tokyo, 1991], Paris, Stock, coll. « Nouveau cabinet cosmopolite », 1995, traduction de Tadahiro Oku et Anna Guérineau.

    66  Poèmes du thé, textes extraits des Cent poèmes de Sen No Rikyu, Paris, Alternatives, coll. « Pollen », 2010, traduction de Bertrand Petit, calligraphie de Keiko Yokoyama.

    67  Ibid., p. 8.

    68  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 138.

    69  Belle du Seigneur, op. cit., p. 34.

    70  Ainsi, Chrétien de Troyes écrit dans les vers 30-31 du Chevalier de la charrette : « Et dit qu’a une Acenssïon/ li rois Artus cort tenue ot » (Paris, Champion, coll. « Les Classiques Français du Moyen Âge », 1969, p. 2).

    71  Belle du Seigneur, op. cit., p. 33.

    72  Ruth Granier n’est pas une relation flatteuse : nièce de M. Sarles, elle vit dans la famille depuis qu’elle a perdu ses parents, « missionnaires au Zambèze », et disparus simultanément (Solal, p. 117-118).

    73  Mangeclous, op. cit., p. 412.

    74  Belle du Seigneur, op. cit., p. 268.

    75  Ibid., p. 233.

    76  Ibid., p. 239.

    77  Ibid., p. 134.

    78  Ibid., p. 823 : il s’agit de Solal et d’Ariane.

    79  Ibid., p. 822.

    80  Ibid., p. 816.

    81  Ibid., p. 823.

    82  Solal, op. cit., p. 143.

    83  Ibid., p. 147.

    84  Loc. cit.

    85  Solal, op. cit., p. 150.

    86  Ibid., p. 151.

    87  Ibid., p. 191.

    88  Ibid., p. 190.

    89  Mangeclous, op. cit., p. 355.

    90  Ibid., p. 485-496.

    91  Ibid., p. 485.

    92  Ibid., p. 495.

    93  Ibid., p. 496.

    94  Loc. cit.

    95  Solal, op. cit., p. 151.

    96  Mangeclous, op. cit., p. 496.

    97  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 59.

    98  M. Onfray, La Raison gourmande…, op. cit., p. 137.

    99  Mangeclous, op. cit., p. 380.

    100  C’est nous qui soulignons.

    101  Mangeclous, op. cit., p. 65.

    102  Ibid., p. 68.

    103  Solal, op. cit., p. 327.

    104  Loc. cit.

    105  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 72.

    106  Solal, op. cit., p. 397.

    107  Ibid., p. 400-401.

    108  Ibid., p. 400.

    109  Ibid., p. 400-401.

    110  A. Schaffner, Le Goût de l’absolu…, op. cit., p. 199-205 : « La mère, figure sacrée. »

    111  Le livre de ma mère, op. cit., chap. XXI, p. 147.

    112  Ibid., chap. VI, p. 44.

    113  Belle du Seigneur, op. cit., p. 806.

    114  Ibid., p. 819.

    115  Ibid., p. 933.

    116  Loc. cit.

    117  Belle du Seigneur, op. cit., p. 1105.

    118  Solal, op. cit., p. 454.

    119  Belle du Seigneur, op. cit., p. 1096 : « Ô la synagogue de son enfance […]. Ô douceur d’entendre l’officiant chanter dans la langue des ancêtres. »

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    Nacache-Ruimi, Claudine. Albert Cohen. Presses universitaires François-Rabelais, Presses universitaires de Rennes, 2015, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pufr.24215.
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