L’anthroposystème et la zone atelier : nouveaux concepts territorialisés de l’étude des interactions société/milieux
p. 279-292
Texte intégral
1Note portant sur l’auteur1
2Note portant sur l’auteur2
3Note portant sur l’auteur3
4Note portant sur l’auteur4
5Note portant sur l’auteur5
INTRODUCTION
6La programmation en matière d’environnement existe au CNRS depuis septembre 1978, date de la création du Programme Interdisciplinaire de Recherche sur l’Environnement (PIREN). Interdisciplinaire par nécessité en raison de la complexité des questions traitées, ce programme était transversal aux Départements scientifiques du CNRS et associait le Ministère de l’Environnement. Ses missions étaient, entre autres, de définir des problématiques prioritaires, de promouvoir la recherche interdisciplinaire dans le champ de l’environnement en mobilisant les compétences des chercheurs relevant de l’ensemble des organismes de recherche français et, enfin, de favoriser le développement de la coopération scientifique internationale. Depuis lors, ce programme a été renouvelé tous les quatre ans sous diverses appellations dont la dernière en date, en 1995, porte le nom de Programme Environnement Vie et Sociétés (PEVS). Fin 1998, le PEVS 2 a pris la suite du précédent, mais sa direction a été rattachée à l’INSU (Institut National des Sciences de l’Univers, agence émanant du Département des Sciences De l’Univers - SDU - du CNRS). L’évolution des objectifs scientifiques et l’histoire de la programmation environnementale au CNRS entre 1978 à 1998 ont fait récemment l’objet de deux articles de synthèse auxquels le lecteur intéressé pourra se reporter avec profit (Jollivet, 2001 et Pavé, 2001).
7Dans le cadre de sa programmation quadriannuelle, le PEVS 2 a identifié plusieurs axes thématiques prioritaires6 et a promu des actions incitatives de recherche et de réflexion par l’intermédiaire de ses quatre Comités scientifiques pluridisciplinaires : Écosystèmes Et Environnements (C3E), MOdélisation, Transfert d’Informations, Valorisation pour l’Environnement (MOTIVE), Sociétés, Environnements et Développement Durable (SEDD) et Zones Ateliers (ZA). Ces actions incitatives ont donné lieu à des lancements d’appels d’offre, à la mise en place de séminaires de réflexion sur des questions environnementales, à l’organisation de colloques thématiques et à la tenue d’une école d’été sur la prospective en matière environnementale. Les principaux résultats obtenus ont fait, ou font actuellement, l’objet de publications de synthèse sous forme d’ouvrages7.
8Outre cette activité de programmation habituelle à un tel organisme, plusieurs membres du PEVS 2 ont conduit une réflexion théorique sur les concepts utilisés dans le champ scientifique de l’environnement. En premier lieu, l’attention a été portée sur des notions largement utilisées par la plupart des acteurs sociaux s’intéressant à l’environnement, mais dont la signification doit être précisée et affinée dans le cadre d’une approche interdisciplinaire des questions environnementales. Par exemple, un séminaire de réflexion pluridisciplinaire a été organisé sur la question de la perception et de la gestion par les sociétés passées et actuelles des crises de certaines ressources voire, plus généralement, des crises environnementales (Beck et Luginbuhl, 2001). La seconde préoccupation a été de prolonger la réflexion entamée dès 1992 par l’équipe de direction du PEVS sur les objectifs, les méthodes et les stratégies de recherche privilégiant une approche interdisciplinaire et intégrée des problèmes environnementaux (Jollivet et Pavé, 1992, 1993). Dans cette nouvelle phase, les objectifs visés étaient divers. D’une part, il s’agissait de proposer des concepts unificateurs du champ de l’environnement qui aient un sens heuristique pour les diverses disciplines. D’autre part, il fallait que ces concepts résistent à l’épreuve du terrain. Ils devaient donc faire la preuve de leur robustesse et de leur capacité opérationnelle. Enfin, l’utilisation de ces concepts devait favoriser les possibilités de modélisation couplées ou intégrées des systèmes naturels et sociaux en interaction sur un territoire.
9Amorcée par le PEVS 2, cette réflexion n’est pas encore achevée. Ainsi, l’une des recommandations finales du Comité SEDD (Vivien et al, 2002) a été de souligner l’importance de cet enjeu épistémologique qui, à terme, devrait conduire à élaborer une théorie unificatrice des dynamiques des systèmes intégrés naturels et sociaux, qualifiée dans ce rapport de “théorie sociale” de l’environnement. Dans la pratique, on constate en effet que les relations des sociétés avec leurs environnements sont très diversifiées. Elles varient en fonction des caractéristiques des milieux bio-physiques, des cultures et des représentations de la nature, des contraintes environnementales, sociales et économiques et, des systèmes politiques et techniques. À la simple énumération de cette liste, on mesure la difficulté de généralisation à partir d’un tel foisonnement de variables internes et externes en interaction, et donc de processus possibles aux divers niveaux d’organisation des systèmes considérés. L’élaboration d’une théorie portant sur les dynamiques d’adaptation réciproque et de co-évolution des systèmes naturels et sociaux sur un territoire donné devrait conduire à sérier ces multiples relations. Elle permettrait de mettre en évidence certaines convergences et certains invariants, e.g. des types de fonctionnements internes présentant des caractéristiques communes, dans l’espace et le temps, ainsi que des modes d’auto-organisation de ces systèmes, visant à maintenir leur durabilité.
10Nous rendons compte brièvement dans cet article du travail de réflexion sur les concepts conduit récemment au PEVS 2. Réalisé dans la perspective de mieux intégrer les dynamiques sociales et biophysiques, il est soumis à la critique de la communauté scientifique travaillant sur ces questions. Il est à noter que les systèmes naturels et sociaux sont à la fois fermés, i.e. qu’ils ont chacun des limites spatiales qui ne se superposent pas toujours, et ouverts, car chacun d’eux échange des flux de matière (dont les flux migratoires des espèces vivantes), d’énergie et d’information avec les systèmes voisins.
11Dans ces conditions, la question du continu et du discontinu se pose dans plusieurs domaines. D’abord, dans l’espace géographique avec un questionnement sur la définition des limites spatiales des deux systèmes naturel et social avec des systèmes dits externes, mais aussi sur l’existence de l’interface entre ces deux systèmes occupant un même territoire, sachant que ces limites et interfaces sont plus ou moins perméables (f. supra). En second lieu, dans celui des rapports entre nature et culture, dont on sait qu’ils sont variables selon les représentations que se font les sociétés de leur place dans, ou à l’extérieur, des mondes minéral et vivant qui les entourent. S’y ajoute une difficulté supplémentaire dans un troisième domaine, celui de la recherche, tant l’Occident moderne a érigé une frontière entre nature et culture. Elle se retrouve dans la séparation, depuis le xixe siècle, de l’enseignement académique entre les sciences de la nature, plus ou moins expérimentales, et les sciences humaines et sociales Cette scission a privilégié, jusqu’à ces derniers temps, l’analyse réductionniste par rapport à l’approche holiste À la fois mythique et scientifique, une telle cosmogonie dichotomique, complique singulièrement la tâche des chercheurs essayant de travailler sur les relations et les interactions entre systèmes naturels et sociaux, que ce soit dans un cadre disciplinaire (e g géographie et anthropologie) ou interdisciplinaire Cet isolement des sciences sociales par rapport aux sciences de la nature n’est plus d’actualité : les hommes sont maintenant parties intégrantes de presque tous les écosystèmes (Low et al., 1999 ; Redman, 1999) et le contexte biogéophysique exerce de toute évidence une influence sur les comportements sociaux (Diamond, 1997) Il est donc indispensable de réfléchir à une nouvelle approche intégrée de ces systèmes sociaux et biophysiques, de développer les outils et les méthodes pour y parvenir, mais également de mettre en place les structures de recherche qui permettront de réunir l’information, de la gérer et de mettre en place des programmes qui favoriseront l’interdisciplinarité Une telle démarche ne peut être seulement spontanée Elle doit être accompagnée d’une volonté politique de la part des organismes de recherches, de soutenir la mise en place de telles structures
1 - L’ANTHROPOSYSTÈME
12Se plaçant résolument dans le cadre d’une approche holiste et systémique de l’étude des relations réciproques entre les sociétés et la nature, développée depuis les années 40 aux États-Unis, nous proposons un nouveau concept définissant les interactions et les dynamiques de co-évolution mises en eu entre systèmes naturels et systèmes sociaux Ce concept se place dans la filiation directe de notions définies antérieurement dans des disciplines abordant :
- soit les rapports entre le monde vivant et le milieu physico-chimique dans lequel il vit, tel l’écosystème, entité écologique de base qui n’inclut pas explicitement l’homme (Tansley, 1935) puis l’écocomplexe qui inclut partiellement l’homme considéré comme un facteur de forçage des écosystèmes (Blandin et Lamotte, 1985), l’ensemble étant repris dans un contexte biogéographique plus large avec l’écologie du paysage (cf. Burel et Baudry, 1999) ;
- soit les relations des sociétés avec leurs milieux dits “naturels” Il en est ainsi de :
- la géographie, avec le géosystème (cf. Bertrand, 1968 ; Bertrand et Beroutchachvili, 1978), le paysage qui intègre le temps et donc l’histoire (e g Bertrand, 1969) ou encore la relation entre “naturalité” et “culturalité” au sein de systèmes spatiaux supports des paysages (cf. Pinchemel & Pinchemel, 1988),
- l’anthropologie qui a connu une évolution progressive depuis son ancrage premier dans les sciences naturelles vers une anthropologie structuraliste puis sociale et culturelle. Elle prend en compte la notion de système, essentiellement “socio-culturel”, incluant néanmoins l’analyse des pratiques et des techniques liées à l’exploitation du milieu par les sociétés (e.g. Friedberg, 1992 ou Descola, 2001),
- l’agronomie qui centre ses recherches sur une entité territorialisée, la parcelle agronomique, perçue comme une partie d’un système piloté par l’agriculteur dans le cadre de son exploitation agricole (systèmes de culture et fourrager étant des sous-systèmes du système de production ; Deffontaines, 1992).
13Le nouveau concept proposé est celui d’anthroposystème. Il est défini en tant que système complexe, hybride (Latour, 1999) et interactif8 entre deux ensembles organisés constitués par un (ou des) sociosystème(s) et un (ou des) écosystème(s), plus ou moins artificialisé(s). Ces systèmes se développent sur un territoire donné et évoluent selon une trajectoire temporelle. Les écosystèmes concernés sont occupés, aménagés et utilisés par les sociétés, ou sont nécessaires à leur vie et à leur développement. Selon la théorie des hiérarchies (Allen et Starr, 1982), ces écosystèmes peuvent être décomposés en plusieurs niveaux d’organisation emboîtés, chacun d’entre eux étant le siège de processus fonctionnels se déroulant dans une gamme déterminée d’échelles spatio-temporelles. Les sociosystèmes comprennent eux aussi des sous-systèmes fonctionnels qui interagissent entre eux afin de remplir les fonctions indispensables à toute organisation sociale. Ils interagissent également avec les écosystèmes de l’espace concerné puisque les sociétés vivant sur ce territoire utilisent et exploitent les ressources des milieux physiques et biologiques qu’ils y trouvent. Les sociosystèmes comprennent des groupes sociaux ayant parfois des intérêts divergents et des comportements propres vis-à-vis de l’utilisation et de la gestion de l’environnement, ce qui peut entraîner des crises et des conflits.
14Le concept d’anthroposystème est voisin du concept anglo-saxon de “socio-ecosystem” (Holling, 2000). Il lui a été préféré pour deux raisons : d’une part le terme écosystème est très connoté en français et a suscité des réactions de rejet de la part des sciences sociales qui reprochent (souvent à tort) aux écologistes d’exclure l’homme de leurs recherches. Le terme sociosystème est lui aussi très spécifique. Mais surtout, l’idée principale portée par le concept d’anthroposystèmes est l’interaction réciproque entre les systèmes sociaux et les systèmes écologiques. Nous ne sommes plus dans une démarche encore très répandue chez les scientifiques des sciences de la nature de systèmes utilisés et aménagés par l’homme. Nous sommes dans une démarche où l’usage des milieux et des ressources modèle, au moins partiellement, les structures sociales et les comportements des sociétés vis-à-vis de leurs territoires. La connaissance de cette interaction réciproque est à la fois un enjeu de recherche et un préalable indispensable à la mise en œuvre du concept de développement durable.
15L’anthroposystème, vu sous l’angle thermodynamique, est un système ouvert qui est le siège d’un certain nombre de flux (cf. supra) en son sein, entre les sous-systèmes qui le composent, et vers l’extérieur, avec d’autres systèmes. Sa dynamique au cours du temps est régie par l’action conjointe de facteurs naturels et/ou sociaux qui, par rapport au système, peuvent être exogènes (e.g changements climatiques globaux, applications de normes et de règles de gestion imposées à un niveau hiérarchique supérieur, etc), ou endogènes (e.g. innovations techniques, nouvelles utilisations et mises en valeur des territoires locaux, etc). Ainsi :
- lorsque la perturbation induite par ces facteurs est de faible amplitude, chacun des systèmes naturel(s) et social(aux) en interaction réussit à minimiser (boucles de rétroaction négatives) les effets produits en son sein. La régulation de l’anthroposystème se fait par des mécanismes, plus ou moins rapides, de détection, d’échange, de “mémoire environnementale” et de contrôle qui agissent à l’échelle de un ou de plusieurs niveaux d’organisation constituant les systèmes naturels et sociaux. Face à la perturbation, elle se traduit par un ajustement des milieux physiques, par une adaptation des espèces vivantes et par une adaptation et une régulation socio-politique, économique et technique des sociétés qui constituent l’anthroposystème ou qui sont dans son voisinage (effets de solidarité). Il en résulte une succession de fluctuations autour d’un ensemble d’états proches qui, tout en maintenant la structure organisationnelle du système, assurent son fonctionnement et sa pérennité dans le changement ;
- à l’inverse, lorsque la perturbation est de grande amplitude, i.e. qu’elle dépasse un certain seuil, ou encore lorsqu’elle a des effets plus faibles mais fréquents, la capacité d’adaptation d’un système peut être dépassée et l’anthroposystème tout entier est susceptible de “décrocher” en se transformant notablement, i.e. en changeant d’état. On a alors affaire à une crise. Il est à noter que ce seuil de tolérance n’est pas fixe et dépend, outre de la nature de la perturbation, des caractéristiques intrinsèques de l’anthroposystème à un moment donné de son histoire.
16Dans le premier cas, il y a une série de fluctuations autour d’une forme d’équilibre (dérive dynamique). Dans le second, le système s’adapte en changeant tout ou partie de son organisation et de son fonctionnement pour s’ajuster à de nouvelles conditions. Dans des situations de “crises” extrêmes, le système peut aussi s’effondrer et les sociétés peuvent être conduites à migrer hors du territoire où les conditions de vie sont devenues peu favorables ou carrément insoutenables.
17La co-évolution imbriquée des systèmes naturel(s) et social(aux) en interaction sur un territoire donné est donc la principale caractéristique de l’anthroposystème. Quant à sa durabilité et/ou à ses changements d’état sur le long terme (itinéraire évolutif), elles résultent de ses capacités d’adaptation passives (caractéristiques et propriétés immanentes), et/ou actives face aux changements : par exemple par les facultés d’adaptation des espèces vivantes, par le biais de la sélection naturelle ou par la modification de leur comportement, et, pour les sociétés humaines, par la possibilité de prévoir un certain nombre de fluctuations et d’innover en inventant de nouvelles stratégies de lutte et/ou d’évitement de ces perturbations.
18Si, dans l’état actuel des connaissances, il est nécessaire de distinguer, i.e. de considérer séparément les systèmes naturels et sociaux, ne serait-ce que parce qu’ils n’obéissent pas aux mêmes types de lois, que les méthodologies utilisées pour les étudier sont différentes et que les espaces et les temporalités dans lesquelles ils s’inscrivent ne sont pas forcément, ni superposables, ni synchrones, ils sont en revanche indissociables. La raison en est que les interactions qui lient ces deux systèmes sur un territoire et une période de temps sont beaucoup plus fortes que celles qu’ils peuvent entretenir avec d’autres anthroposystèmes de niveaux hiérachiques supérieurs ou de rang équivalent (et donc avec les sous-systèmes qui les composent). Il est donc important, entre autres, d’analyser et de tenir compte des conséquences induites par les asynchronies entre les processus physiques, biologiques et sociaux (s.l.) se produisant au sein de l’anthroposystème, notamment lors d’une perturbation, ou, encore, entre les flux de matière, d’énergie et d’information échangés avec l’extérieur.
19Tel qu’il a été défini, l’anthroposystème peut avoir toutes les dimensions géographiques (du local au global) et toutes les durées (trajectoires transtemporelles du passé plus ou moins lointain, au présent et au futur) possibles. Afin de le rendre opérationnel, il est nécessaire de lui attribuer des dimensions spatio-temporelles compatibles avec la nature des questions traitées.
2 - LES ZONES ATELIERS
20Les questions environnementales se posant à toutes les échelles d’espace et de temps, le PEVS 2 a choisi de privilégier celles qui émergent à une échelle moyenne. Ce choix pragmatique est fondé sur les considérations suivantes. Il s’agit d’éviter de traiter uniquement des problèmes locaux, afin de ne pas multiplier les études de cas ponctuelles difficilement généralisables, ou encore d’aborder des questionnements à l’échelle du globe qui, face à une trop grande complexité, conduiraient à trop simplifier la richesse des interactions sociétés /milieux bio-physiques. La méso-échelle est apparue comme étant la dimension scalaire la plus pertinente pour approcher ces interactions dans une complexité “raisonnable”. Ainsi, cette échelle est particulièrement appropriée pour : (i) qualifier les problèmes environnementaux les plus fréquents, (ii) étudier l’application concrète des politiques environnementales nationales et internationales, (iii) analyser les modes de gestion en liaison avec l’expression de la gouvernance, (iv) spatialiser des comportements ou des dispositifs innovants testés à des échelles plus locales, (v) prendre la mesure du rôle joué par les entreprises, les ONG, les associations, les citoyens dans la résolution de ces problèmes, etc. La zone atelier (ZA) est ainsi un lieu de confrontation entre les dynamiques locales et celles qui sont nationales et/ou globales.
21La ZA se définit comme étant un territoire d’échelle moyenne9 occupé par un anthroposystème (Lévêque et al., 2001). C’est donc un dispositif de terrain déterminé par des questionnements scientifiques et impliquant des recherches à long terme sur ce système. Les questionnements résultent d’une dynamique scientifique ou s’expriment par une attente ou une demande sociale. D’un point de vue plus pratique, la ZA joue le rôle d’une plate-forme de recherche ayant des centres de compétence scientifiques et techniques nécessaires pour traiter les questionnements scientifiques identifiés. Elle dispose d’équipements d’acquisition, d’organisation et de traitement des données qui lui permettent de pérenniser la “mémoire environnementale”, i.e. qui lui donne les moyens de gérer les données relatives aux interactions des sociétés avec leurs milieux dans la durée. Elle assure également la fonction d’interface de formation pour les jeunes chercheurs et d’information et d’éducation vis-à-vis des gestionnaires, des politiques, des associations et du grand public (restitution des résultats).
22Les thématiques scientifiques traitées dans la zone atelier sont interdisciplinaires et s’inscrivent dans une perspective de développement durable. Elles intègrent, à la fois, des recherches sur le long terme (analyses rétrospectives, actualistes et prospectives), la mise en œuvre de méthodologies d’observation et d’analyse standardisées et d’études comparatives entre ZA, des possibilités d’expérimentation dans le cadre d’unités géographiques de taille plus modeste, les sites ateliers, et enfin de formalisation des connaissances par le biais de la modélisation et de la simulation du fonctionnement de tout ou partie de l’anthroposystème. Un effort particulier devrait être fait pour progresser dans ce domaine (élaboration de modèles intégrés, assemblage et couplage de modèles, modèles testés dans différentes ZA,.).
23Les zones ateliers du PEVS 2 peuvent être comparées au modèle des LTER (Long Term Ecological Research), stations écologiques à long terme, incluant pour partie les activités humaines, mises en place aux États-Unis depuis plus de vingt ans. Un accord a été signé entre le PEVS/CNRS et la NSF (National Scientific Foundation) pour formaliser une coopération entre les chercheurs des deux réseaux. Enfin, une demande a été faite auprès de l’Union européenne, qui l’a honorée, pour que les zones ateliers créées en France puissent servir d’ancrage à la création d’un réseau à l’échelle européenne.
24À la fin de l’année 2002, le PEVS 2 a labellisé onze zones ateliers de recherche sur les anthroposystèmes en France (figure 1) et trois autres ZA hors de la métropole (Recherche sur l’environnement Antarctique et Subantarctique ; Environnement et développement en front pionnier amazonien ; Savanes d’Afrique de l’Ouest). Par ailleurs, constatant la participation moindre des chercheurs des sciences humaines et sociales (SHS) dans les ZA par rapport aux chercheurs des sciences de la terre et de la vie, le Comité SEDD a incité, lors du lancement de son second appel d’offres portant sur la question de la gouvernance en matière environnementale, les chercheurs de SHS à s’insérer dans les zones ateliers déjà labellisées. Un certain nombre d’actions porteront donc sur ces aires géographiques.
25Trajectoires d’évolution de l’agriculture et des paysages en Bretagne : réactivité et temps de réponse de la qualité de l’eau et la biodiversité ; Baie du Mont St Michel et ses bassins versants ; Bassin versant de la Loire : évolution dans le long terme (Holocène à l’Actuel) d’un anthroposystème ; Bassin de la Seine ; Bassins Lys-Escaut : enjeux écologiques et socio-économiques transfrontaliers ; Bassin de la Moselle ; Nappe du fossé rhénan. Dynamique de systèmes écologiques sous la dépendance des activités anthropiques ; Bassin du Rhône ; Arrière-pays méditerranéen : changement d’utilisation des terres et biodiversité en milieu méditerranéen ; ORME : Observatoire Régional Méditerranéen sur l’Environnement ; Bassins Adour-Garonne : interactions entre les composantes naturelles et sociales dans la dynamique des flux d’eau, de matières et d’espèces.
3 - CONCLUSION ET DISCUSSION
26Le concept d’anthroposystème et son application à une échelle géographique moyenne, celle de la zone atelier, ont permis de mettre en place un réseau d’observation, de mesure, d’enregistrement et de traitement des données se rapportant à la co-évolution sur le long terme de systèmes naturels et sociaux qui interagissent sur un même territoire. Quatorze ZA ont été créés en France, dans les TOM et à l’étranger constituant ainsi un réseau comparable au réseau des LTER déjà existant aux États-Unis. L’objectif est d’étendre ce réseau à l’Europe dans les prochaines années. Cette ébauche de dispositif transcontinental est à mettre en relation avec les enjeux environnementaux, sociaux et économiques qui sous-tendent la notion de développement durable. C’est une réponse opérationnelle, en matière de recherche, qui reste encore largement insuffisante compte tenu des questions soulevées à l’échelle de la planète. Mais elle devrait être particulièrement utile pour observer in situ et in vivo la variabilité des effets des facteurs externes, globaux ou régionaux, et des variables internes sur la dynamique des anthroposystèmes. L’objectif est bien d’inscrire la recherche environnementale sur le long terme, de manière à disposer d’indicateurs qui permettent d’évaluer les effets aussi bien positifs que négatifs des politiques environnementales et de leur cortège de réglementations sur l’évolution des anthroposystèmes. Au travers de l’acquisition et du traitement d’un corpus de variables pertinentes et d’indicateurs de changements, il sera possible de dépasser la simple compilation d’études de cas locales ou régionales pour tenter d’élaborer des modèles généraux décrivant les évolutions et les capacités auto-adaptatives des systèmes étudiés.
27Parmi les domaines concernés, celui des impacts des changements globaux sur les anthroposystèmes est particulièrement pertinent, que ce soit pour évaluer :
- les effets combinés des facteurs naturels et des activités anthropiques, tel le réchauffement climatique dû à l’effet de serre, sur la variabilité spatiotemporelle des productions agricoles, de la migration des espèces vivantes (dont les vecteurs de certaines maladies), etc.
- les effets de la démographie galopante, de la croissance urbaine inexorable, de l’absence ou de l’insuffisance d’eau potable, de nourriture, d’hygiène, de soins, et de leurs conséquences sur la morbidité, principalement dans les pays du Sud, etc.
- les conséquences écologiques et économiques de la surexploitation des ressources renouvelables, de l’utilisation des substances polluantes et des rejets de déchets toxiques (chimiques, biologiques, radioactifs), de la généralisation de l’emploi de biotechnologies (OGM, clonages, manipulation génétiques de l’espèce humaine,.), etc.
28Ces réseaux sont également une opportunité d’évaluer l’impact joué par l’éducation et l’information des citoyens grâce au développement d’internet, et donc le rôle joué par la rapidité de la diffusion planétaire des données environnementales, des prospectives réalisées par les scientifiques, et des débats sur les décisions politiques à promouvoir.
29L’approche conceptuelle et pragmatique développée par le PEVS 2 n’est plus une démarche isolée. Depuis la prise de conscience par les politiques, les scientifiques et l’ensemble des acteurs sociaux de l’impasse que représente un développement agricole et industriel qui ne tient pas compte de l’environnement, des initiatives ont vu le jour afin de relever le défi méthodologique et intellectuel que constitue la connaissance des systèmes interactifs sociétés-milieux. Quelques tentatives de coopération scientifique interdisciplinaire et internationale ont ainsi pour finalité de développer des théories intégrées du fonctionnement de systèmes complexes écologiques, sociaux et économiques soumis à des perturbations et de développer les modèles intégrés susceptibles de rendre compte de leurs dynamiques à long terme, de leurs capacités de résilience et de leurs capacités adaptatives.
30On peut citer par exemple les travaux qui ont été soutenus par la Fondation MacArthur sur la résilience des écosystèmes, des économies et des institutions (Projet Résilience, site web http://www.resalliance.org/ ; voir e.g. Holling et al., 2000 ; Walker, 2000 ; Holling, 2001 ; Gunderson et Pritchard, 2002 ; Gunderson et Holling, 2002). Leur théorie combine l’idée de l’existence de hiérarchies spatio-temporelles de processus, avec celle de cycles d’adaptation. Selon la théorie des hiérarchies, les systèmes complexes sont en effet constitués de plusieurs niveaux hiérarchiques semi-autonomes et emboîtés, que l’on peut distinguer selon les échelles spatio-temporelles des processus concernés. Chaque niveau communique de l’information, de la matière et/ou de l’énergie à un éventail de niveaux immédiatement supérieurs et/ou inférieurs. Mais l’originalité de la théorie est que les trajectoires de systèmes complexes, tels les anthroposystèmes, consistent en une répétition sans fin, et à tous les niveaux hiérarchiques du système, d’un cycle d’adaptation qui relie quatre états : “exploitation ou croissance”, “conservation ou accumulation”, “destruction créatrice ou restructuration” et “réorganisation ou rénovation”. De tels systèmes constitués de différents niveaux qui peuvent être à des stades différents de leur trajectoire, sont supposés être plus cohérents et résilients dans le temps.
31Une autre approche multidisciplinaire de l’environnement est celle du “Millennium ecosystem assessment” (voir site web sous ce même nom) qui est actuellement mise en œuvre par plusieurs agences des Nations Unies. Il s’agit d’une démarche basée sur l’analyse de la capacité d’un écosystème à fournir des biens et services tels que les aliments et l’eau salubre pour satisfaire les besoins fondamentaux de l’humanité. Une évaluation intégrée des écosystèmes est donc, tout à la fois, une analyse écologique et une analyse économique qui tient compte aussi bien de l’état actuel de l’écosystème que de son potentiel. Cette évaluation des écosystèmes est une approche systémique conçue pour décrire comment un ensemble de facteurs biophysiques ou sociaux entrent en interaction pour modifier la dynamique de l’écosystème et comment l’ensemble des biens et des services fournis par cet écosystème peut en être affecté. Cette démarche est certes très orientée vers la satisfaction des besoins des sociétés, car elle aborde le fonctionnement des écosystèmes sous l’angle de ses usages. Mais elle privilégie cependant les interactions entre le développement et la conservation des ressources naturelles.
32Nous avons postulé précédemment que les systèmes naturels et sociaux associés sur un même territoire n’avaient pas forcément les mêmes limites spatiales. Ainsi, les “enveloppes” limitant respectivement un anthroposystème et les systèmes qui le composent présentent nécessairement un caractère flou qui peut être variable dans l’espace et dans le temps. Cette imprécision n’est pas gênante tant la propriété essentielle et inhérente à ces systèmes est d’être ouverts et d’être perméables aux échanges internes et externes par le biais de flux de matière, d’énergie et d’information.
33Par ailleurs, la définition d’un système quelconque par les chercheurs s’appuie, à la fois, sur une réalité bio-physique et/ou sociale (un écosystème forestier, un système fluvial, un agrosystème, une système urbain, un système de production,.) et sur un artifice de découpage de cette réalité pour en dégager un objet de recherche ayant une dimension spatiale, à un niveau d’analyse compatible avec les questionnements qui s’y posent. Le système présente ainsi une double face comme Janus (Godard et Legay, 1992). En premier lieu, il est un moyen d’isoler une entité fonctionnelle de son environnement, en mettant en évidence les relations d’auto-organisation internes à l’origine de son comportement global et de ses capacités de s’adapter aux perturbations. Conjointement, un tel système ne peut être réduit à un isolat et n’est concevable qu’inscrit dans un environnement composé d’autres anthroposystèmes et d’autres systèmes naturels (e.g. la terre gravitant autour du soleil) avec lequel ont lieu continuellement des échanges.
34À la lumière de ces différentes considérations, il apparaît clairement que les rapports entre nature et culture au sein d’un anthroposystème doivent être pris en compte comme un tout indissociable. Compte tenu de l’éclatement du champ scientifique en disciplines académiques sectorielles, les problématiques relatives à ces systèmes ne peuvent être traités que par une approche interdisciplinaire englobant les sciences pour l’ingénieur, celles de la nature (terre et vie) et les sciences humaines et sociales. Cette démarche implique la définition d’un objet commun de recherche et de problématiques interdisciplinaires pouvant être déclinées, dans un second temps, en problématiques adaptées à chaque discipline. Cette démarche, qui est celle du PEVS depuis sa création, est désormais inscrite dans le projet d’établissement du CNRS.
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Notes de bas de page
1 Écologue, responsable du Programme Environnement, Vie et Sociétés (PEVS 2) du CNRS.
2 Géographe, présidente du Comité Sociétés, Environnements et Développement Durable (SEDD) du PEVS.
3 Archéologue, membre du Comité SEDD.
4 Chargé de mission au PEVS des départements scientifiques du CNRS, respectivement physicien de l’atmosphère (SDU) et écologue (SDV).
5 Chargé de mission au PEVS des départements scientifiques du CNRS, respectivement physicien de l’atmosphère (SDU) et écologue (SDV).
6 Cf. la plaquette Programme Environnement, Vie et Sociétés, 2000, Éd. CNRS-PEVS, Paris, 30 p. et le site web du PEVS (http://www.cnrs.fr/cw/fr/prog/progsci/evs.html).
7 Un certain nombre de ces ouvrages sont ou seront publiés par Elsevier dans sa collection Environnement.
8 Il ne s’agit plus de prendre en compte et donc d’étudier de façon univoque les seuls impacts des sociétés sur leur environnement ou les seules contraintes du milieu bio-physique sur le développement des sociétés, mais bien d’analyser leurs interactions, i.e. les effets réciproques d’un système sur l’autre et leur évolution couplée dans la longue durée.
9 Par commodité, cette échelle a été parfois qualifiée de “régionale”, sans que cette appellation entende une limitation administrative.
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Quatre ans de recherche urbaine 2001-2004. Volume 2
Action concertée incitative Ville. Ministère de la Recherche
Émilie Bajolet, Marie-Flore Mattéi et Jean-Marc Rennes (dir.)
2006
Quatre ans de recherche urbaine 2001-2004. Volume I
Action concertée incitative Ville. Ministère de la Recherche
Émilie Bajolet, Marie-Flore Mattéi et Jean-Marc Rennes (dir.)
2006