Seuils biologiques, révolutions floristiques et limites climatiques
p. 77-115
Texte intégral
1Ce texte revient sur quelques concepts utiles à la phytogéographie et à la compréhension du rôle organisateur du climat vis-à-vis de la végétation, discutés antérieurement dans des publications dispersées1 Des exemples aux échelles zonale et régionale fourniront l’illustration.
2Ces publications ont remis en perspective les notions liées de seuil biologique et de limite climatique, à partir d’un faisceau d’analyses des variations spatiales parallèles de la flore et du climat. Aux échelles moyennes, le mode continu domine l’organisation de la phytosphère et de la sphère enveloppante du climat - les discontinuités botaniques surgissant plutôt aux grandes échelles, sous l’influence de variables autres que climatiques, et plus particulièrement des aménagements et des modes d’utilisation du sol présents ou passés par les sociétés humaines. L’ensemble des méthodes mises en œuvre constitue le fondement de ce que Lecompte (1987, 1988) a dénommé “phytoclimatologie dynamique”.
1 - LA TRADITION PHYTOGÉOGRAPHIQUE ET PHYTOSOCIOLOGIQUE
3La difficulté était, au départ, de prendre des distances par rapport aux descriptions classiques de la végétation (Alexandre et al., 1998b), d’inspiration très systématicienne2 dont le but était de parvenir à une classification générale des groupements végétaux. Appliquées à la phytogéographie, de telles classifications aboutissent à une lecture du tapis végétal comme une mosaïque d’unités discrètes, position régulièrement réaffirmée par de nombreux biogéographes en Europe continentale3. Cette vision est pourtant mal accordée a priori au caractère continu des variations climatiques, qui sont les principales organisatrices de la végétation à petite et moyenne échelles. Cette continuité, ajoutée à certaines dysharmonies spatiales entre les éléments du climat, rend d’ailleurs le plus souvent artificielle la délimitation de climats, voire la définition même de ceux-ci4. Celle-ci ne semble justifiée que dans le cas de nets changements génétiques, comme ceux à l’origine des régimes saisonniers de précipitations distinctifs des climats généraux. Aussi, aura-t-on plutôt à l’esprit l’idée de types climatiques, aux contours flous, que celle d’entités spatiales plus ou moins nettement circonscrites.
1.1 - DISCRÉTISATION DU PAYSAGE ET DU CLIMAT
4L’illusion de l’existence de discontinuités au sein de la végétation est entretenue par la référence aux limites géographiques d’espèces ou de types biologiques physionomiquement dominants qui servent à séparer les formations végétales, unités discrètes du paysage5 (Grisebach, 1875). Les observations prémonitoires de Humboldt (1807) soulignaient la dualité des perceptions paysagère et naturaliste du monde végétal. Rendant compte de ses observations menées en “Amérique équinoxiale”, Humboldt signale qu’une physionomie paysagère simple, par exemple étagée, peut recouvrir une organisation plus complexe de la “géographie des plantes”, où chaque espèce occupe une place particulière (Lecompte et Alexandre, 1996) :
5“Lorsque du niveau de la mer, on s’élève aux sommets des hautes montagnes, l’on voit changer graduellement l’aspect du sol et la série des phénomènes physiques que présente l’atmosphère. Des végétaux d’une espèce très différente succèdent à ceux des plaines ; les plantes ligneuses se perdent peu à peu et font place aux plantes herbacées et alpines ; plus haut, on ne trouve plus que des graminées et des cryptogames. Quelques lichens couvrent les rochers, même dans la région des neiges perpétuelles”.
6Ces observations auraient pu faire a posteriori douter de la pertinence des discrétisations peu ou prou physionomiques de l’espace, pour représenter l’organisation spatiale de la végétation, particulièrement aux échelles où domine l’influence du climat sur la distribution des plantes.
7Pourtant, la discrétisation du paysage a servi l’idée d’un climat lui-même segmenté en unités homogènes, chacune signalée par une formation particulière : les mosaïques climatiques s’exprimeraient dans les mosaïques de “grands” paysages. Le climat n’est pourtant, par définition, qu’un artifice commode - permettant de reconstituer par l’esprit l’état de l’atmosphère en un lieu donné6. Par essence, le climat d’un lieu est en perpétuelle redéfinition et le climat est en constante variation dans l’espace géographique. Ch.-P. Péguy (1989) rappelle cette complexité dans un chapitre “où l’on fait connaissance avec l’étendue” :
8“Sahara, Amazonie, Taïga sibérienne ou inlandsis groenlandais : les médias ont popularisé ces immensités où, sur des centaines de milliers de kilomètres carrés, l’uniformité du paysage paraît refléter une homogénéité du climat. (.) Mais ailleurs, que de régions viennent apporter un démenti à cette idée que la planète ne serait que juxtaposition d’éléments de grande taille, à l’intérieur desquels le climat, le paysage ne varieraient que peu, et par touches imperceptibles. N’importe où, à dix kilomètres à l’intérieur des terres, le climat n’est déjà plus exactement celui du littoral. (.) En montagne, les trois pas qui vous auront permis d’enjamber une crête vous inciteront à mettre votre anorak, ou inversement à l’enlever si vous le portiez déjà. D’un point à un autre, le maillage climatique change d’échelle. Parfois, plusieurs maillages se superposent, et les réalités qu’ils portent s’imbriquent”.
9Ainsi fondée sur un objet qui se laisse malaisément discrétiser, la classification la plus connue, celle que Wladimir Köppen mit au point entre 1930 et 1939 en publiant son Handbuch der Klimatologie, donne la mesure de l’intérêt et des limites de la perspective classificatrice. Cette dernière nécessite de reconnaître, au sein des champs climatiques, des caractères communs à de vastes étendues, permettant de différencier ces contrées d’autres entités spatiales. À l’instar de bien des auteurs, Köppen cherche alors dans la géographie contrastée des formations végétales, la justification de son découpage climatique. Ainsi, les différences entre formations végétales sont-elles retenues comme significatives des discontinuités climatiques ; à l’inverse, la dominance de telle ou telle espèce ou type biologique dans le paysage traduirait l’unité climatique des contrées où elle se manifeste. Les limites tracées sur les continents amènent Köppen et ceux qui ont, par la suite, retravaillé sa classification, à tenter de conjecturer sur les climats régnant au-dessus des océans (sans le secours ici des paysages végétaux). Au total, le réseau de limites est construit à partir de limites conventionnelles d’indices climatiques qui tentent de traduire des bio-climats. Le commentaire d’Hufty (2001) sur la classification de Köppen est révélateur :
10“Certes, [cette] classification a été critiquée dans le détail, et il est souvent de bon ton de mépriser son ‘empirisme’, mais elle n’a jamais été remplacée et reste une référence commode utilisée dans le monde entier. [.] Il reste utile de décrire [le système que constitue l’interface sol-atmosphère] par ses effets sur quelques variables de l’atmosphère, faciles à mesurer et à cartographier, relativement indépendantes, telles que sa température et son état hydrique. Ce système passe périodiquement par des états discontinus, des formes géographiques identifiables et, dans ce cas, les limites ont un sens ; ailleurs, cependant, il ne change que très lentement et il faut penser en termes de gradients, de zones de transition où les limites ont peu de sens : si la concordance est bonne entre les trajectoires des perturbations du front polaire et la bordure de la taïga, on voit mal par contre où placer une coupure au nord de la prairie canadienne”.
11Par une semblable évolution, le contenu de certains modèles spatiaux va se trouver infléchi, tel celui de Schröter (1908) concernant l’étagement des paysages montagnards des Alpes du Nord. Schröter l’avait conçu comme un modèle de géographie globale dans lequel les discontinuités correspondaient à des changements dans l’occupation agro-sylvo-pastorale de l’espace montagnard guidés par les gradients altitudinaux (Alexandre, 2003). Le modèle acquiert, chez les auteurs postérieurs, une signification phytoclimatique7 ; l’ambivalence des étages est consacrée par une nomenclature inchangée (collinéen, montagnard, subalpin, alpin).
12Les phytoclimats sont alors caractérisés d’après des moyennes de paramètres élémentaires (températures, précipitations) ou des indices bioclimatiques synthétiques simples, formulés d’après des exigences fonctionnelles des plantes, comme leur besoin en eau. Ainsi les indices courants cherchant à approcher la méditerranéité (Daget et David, 1982) visent-ils à approcher le bilan d’eau climatique, en combinant les paramètres évaporation (souvent appréhendée par les températures) et pluies. Chez Emberger (1930, 1955) apparaît l’idée étonnante de délimiter directement les mosaïques climatiques sur le terrain, et, renversant ainsi les habitudes, de fixer les coupures de la végétation d’après cette géographie climatique élaborée préalablement :
13“Les limites déterminées floristiquement n’indiquent que l’aire d’extension des espèces ou des groupements employés comme réactifs. Avant d’affirmer que telle ou telle espèce ou groupement d’espèces permet de délimiter une aire aussi naturelle que les territoires climatiques, il faut d’abord connaître ce climat, puis fixer ses limites sur le terrain, et alors seulement chercher des espèces qui, à l’intérieur de l’aire délimitée, suivent le plus étroitement les frontières climatiques”.
14Le climat d’une région botanique, définie comme une “unité biologique, plus précisément végétale, qui se modèle sur le climat général dont elle est l’expression vivante”, se compose ainsi “d’une série de sous-climats dont les divers termes établissent la liaison avec les climats des régions voisines” ; ce sont ces termes qui définissent les étages bioclimatiques8 auxquels sont superposés les étages de végétation. Ajoutons, toujours dans cet emboîtement d’échelles, qu’à chaque subdivision des étages bioclimatiques correspond un sous-étage de végétation lui-même composé des groupements végétaux élémentaires, unité de base de la classification d’Emberger. Voici donc la Nature soigneusement emboîtée, climat et végétation confondus. Cependant, sur son “bioclimagramme de la Région méditerranéenne”, Emberger ne cherche guère à justifier les contours très sinueux des étages par des “limites” climatiques, même par référence au “quotient pluviothermique” pourtant conçu à cette fin. Le dessin d’ensemble de ces contours reflète en revanche assez fidèlement la succession des paysages botaniques méditerranéens de végétation le long des gradients climatiques, comme le montre, par ailleurs, la carte phytogéographique du Maroc (Emberger, 1939).
15Le glissement de la géographie des paysages végétaux vers une géographie climatique où prévalent les discontinuités a été permis par une approche du climat demeurée rudimentaire. Celui-ci est seulement connu d’après des valeurs moyennes de mesures spatialement dispersées, -particulièrement en montagne -, ayant trait principalement aux précipitations, et secondairement aux températures de l’air, parfois à l’évaporation. En outre, la formulation des indices phytoclimatiques est loin d’exprimer les exigences complexes, et toutes en nuances, des plantes vis-à-vis du climat (Lecompte, 1973, Lecompte et Alexandre, 1996, Génin, 1997).
1.2 - PAYSAGE ET DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DE LA FLORE
16Une définition de la végétation respectueuse du dualisme (physionomie/ flore) énoncé par Humboldt pourrait être la suivante : l’ensemble des individus végétaux dans l’espace, selon leur distribution qualitative - leur appartenance à des espèces floristiques - et quantitative - fréquences, densités spécifiques, taux de recouvrement, etc. La végétation constitue ainsi en quelque sorte “l’émergence spatiale organisée” de la flore (De Miranda, in Godron, 1984). La description de la végétation est donc excessivement simplifiée lorsqu’elle se ramène à la géographie des paysages végétaux, fondée sur l’observation de ses espèces ou des types biologiques dominants... Ces derniers sont bien commodes pour la cartographie, commodité disparaissant lorsque le botaniste s’avise de vouloir représenter simultanément la distribution d’un grand nombre d’espèces. En effet, chacune de celles-ci présente une aire de répartition propre (Gleason, 1926) qui n’est pas corsetée par la mosaïque des formations. Cette aire est l’expression spatiale de son adaptation spécifique au milieu, de sa niche écologique9. Ce qui signifie que, sauf sujétion particulière aux dominantes10, les limites des paysages sont transgressées par les espèces que l’on voudrait leur rattacher. Ceci engendre une géographie botanique d’apparence désordonnée, qui livre pourtant une information spatiale, ignorée de manière plus ou moins avouée par ceux qui, dans l’étude de la végétation, ont une visée classificatrice les conduisant à privilégier l’homogène.
17La transgression des limites des formations végétales par “leurs” compagnes floristiques est patente sur la carte de la végétation de la France du CNRS à l’échelle du 1 : 200 000. Par exemple, sur la coupure de Carcassonne (Gaussen et al., 1963), ou sur celle d’Avignon (Dupias et al., 1973), des formations classées dans différentes séries et étages ont couramment en partage une flore de composition voisine (Alexandre, 1996, Génin 1997). La “série évolutive du Chêne pubescent”, qui constitue “l’étage collinéen propéméditerranéen”, y est souvent représentée par des formations arbustives basses de dégradation et par des châtaigneraies. Or, les maquis classés dans cette série ne sont guère différents de ceux qui sont versés dans la “série du Chêne vert” de “l’étage eu méditerranéen (...) à l’intérieur de la limite de l’Olivier”. Le cortège des compagnes floristiques cité dans la notice est pratiquement identique dans les deux cas, avec le Buis, la Bruyère arborescente, le Thym, le Cade, etc. Les découpages de la carte ne sont donc guère justifiés floristiquement. Ils s’appuient en fait sur des critères extérieurs, comme l’altitude en montagne. Faute d’arguments floristiques, les auteurs de la carte ont simplement suivi une “logique” altitudinale, classant certaines formations arbustives du côté de la série supposée du Chêne pubescent, lorsque l’altitude atteignait ou dépassait 600 mètres, et dans la série du Chêne vert lorsque l’altitude était inférieure. Les limites altitudinales choisies sont supposées indiquer des seuils climatiques, tout aussi hypothétiques que les changements de végétation.
18Brunet (2001) a proposé de faire du modèle de l’étagement altitudinal un des archétypes de l’organisation “bandée”
19“Des progressions apparemment continues sont exploitées par la végétation en bandes assez homogènes entre deux seuils : c’est qu’un sous-système se développe à l’intérieur d’une fourchette acceptable par lui et réussit au point d’occuper tout l’espace de la fourchette. Le saut est souvent brusque. Les transitions sont réduites au minimum”.
20Pourtant une telle organisation des climats de montagnes, similaire à celle des étages physionomiques de végétation, procède moins d’une analyse systémique que d’un raisonnement circulaire : les étages phytoclimatiques sont repérés - en l’absence de mesures sur le climat - par l’étagement des paysages, lui-même établi d’après un critère indirectement climatique, l’altitude. L’“habillage” du climat des étages est complété de manière plutôt impressionniste. Ainsi, “La série du Hêtre”, caractéristique de “l’étage montagnard” de la carte du CNRS est-elle réputée “correspondre à un climat nébuleux, humide, assez froid, neigeux l’hiver” (Gaussen et al., 1963). Ces résonances entre paysages et phytoclimats se concrétisent par certaines productions de cartographie phytoclimatiques qui s’avèrent être de simples décalques de cartes physionomiques de végétation (Emberger et al., 1962, Sauvage, 1963).
1.3 - PHYTOSOCIOLOGIE
21La position simplificatrice issue de la tradition phytogéographe n’a pas échappé pas aux naturalistes qui, à la suite notamment de Flahault (1900), ont propagé, au cours du xxe siècle, les théories phytosociologiques. La description de la diversité floristique de la végétation - reflet de la diversité écologique et chorologique11 - devient pour les botanistes une question centrale. Les théories postulent l’organisation communautaire des espèces de plantes, communautés que l’école sigmatiste12, qui représente la tentative la plus aboutie de construction d’une phytosociologie, a l’ambition de classer au sein de groupements hiérarchisés, à l’image de la systématique des êtres vivants. Transposition phytosociologique de l’espèce, l’association végétale unité tout aussi abstraite que celle-là - constitue le concept fondamental de la phytosociologie et vient à la base de cette classification.
22Pour caractériser les groupements, les phytosociologues sigmatistes recherchent les espèces dites “caractéristiques” qui leur sont plus ou moins circonscrites, donc d’écologie assez étroite et d’aire restreinte, à l’inverse des phytogéographes ou des phytosociologues de l’école d’Uppsala (Du Rietz, 1930), qui privilégient les espèces dominantes. Cette règle n’empêche pas la grande majorité des associations forestières des sigmatistes en Europe occidentale d’être caractérisées et dénommées - Quercetum ilicis, Quercetum robori-petraeae... - par des essences dominantes à larges amplitudes écologique et géographique.
23La phytosociologie prend pour objet l’ensemble de la flore. Elle serre donc de près la diversité de la végétation, au moins dans les localités étudiées. Toutefois son postulat associatif l’éloigne des réalités géographiques. Pour être nettement différenciées, les associations doivent en effet correspondre à des milieux typés et tranchés, les espaces de transition étant exclus ; sinon, elles deviennent indistinctes, car il n’y a pas d’équivalent phytosociologique à la rupture d’interfécondité qui sépare les espèces (parfois imparfaitement, d’ailleurs, pour les végétaux qui s’hybrident). Ici la pertinence de l’analogie entre associations et espèces trouve sa limite. Une objection semblable a pu être opposée aux conceptions organicistes de Clements (1916).
24La différenciation des groupements floristiques se trouve par artifice renforcée par la dispersion spatiale des échantillons de relevés, cantonnés aux seules stations écologiques homogènes13. Comme l’a montré Guillerm (1969), lorsque les relevés sont multipliés, l’individualité des groupements s’estompe, les milieux de transition prenant une importance accrue. Ces milieux intermédiaires sont en effet majoritaires, car des variables continues sont actives à toute échelle : outre celles liées au climat, celles constitutives, par exemple, des catenas pédologiques de versants, des gradients de salinité littoraux, des hydroclines périphériques aux mares, etc. Les phytosociologues excluent donc, quoiqu’ils s’en défendent, une grande partie de l’espace14. Lorsque vient le temps de cartographier les résultats, ils recourent finalement à la physionomie pour la spatialisation des groupements végétaux - voir la carte phytosociologique au 1/25 000 de Pontarlier (Alexandre et al., 1998) alors qu’ils affirment - à juste titre - que la géographie de la végétation ne peut être confondue avec celle des paysages végétaux (Guinochet, 1973).
25Il existe une analogie frappante entre les problèmes de spatialisation éprouvés par les phytosociologues et ceux éprouvés par les climatologues. Dans les deux cas, en effet, des “types” sont le plus souvent seuls définissables, qui ne peuvent être confondus avec des entités spatiales si des contours n’existent pas. La solution des “zones de transition” entourant des “noyaux de référence” (Durand-Dastès et Sanders, 1984) est le plus souvent factice car, dans des systèmes spatiaux où dominent les variations continues, la détermination de ces noyaux est arbitraire : quelle référence spatiale faut-il, par exemple, choisir pour le climat de type tempéré océanique en Europe : Galway ou Dublin, ou Londres, ou Paris, ou Bordeaux, ou Santander... ?
2 - PRINCIPES DES RELATIONS ENTRE CLIMAT ET VÉGÉTATION
2.1 - LE CLIMAT, CHAMP “INFORMATIONNEL” DE LA VÉGÉTATION
26Sachant les très fortes implications de diverses variables du climat sur la vie des plantes, il est admis que ce dernier constitue un puissant facteur organisateur de la végétation, le principal aux échelles petites et moyennes. L’influence du climat se manifeste également aux échelles de détail, lorsqu’il varie localement de manière intense ; par exemple, sur les versants pentus des montagnes, les littoraux, les lisières forestières, etc.
27L’analyse des variations spatiales du climat laisse donc attendre des explications essentielles sur la géographie de la végétation, “pour peu que le biogéographe considère l’hétérogénéité de celui-ci comme une source d’information utile et non comme une faiblesse néfaste” (Godron, 1966, et in Alexandre et al., 1998b). Comme le climat varie de manière graduelle, ses variations spatiales peuvent être envisagées sous forme de champs, dont les “forces” consistent ici en informations appliquées à la géobotanique : champs informationnels, ou “phorons”, de la végétation (Wolkowski, 1988).
2.2 - GRADIENTS ET STRATES DE VARIATIONS CLIMATIQUES
28Les mesures recueillies dans les stations climatiques permettent de fixer les axes majeurs des champs climatiques. Ces axes sont orientés par des centres d’action atmosphériques assez stables autour de leur position géographique moyenne. Les anticyclones dynamiques subtropicaux déterminent ainsi sur leurs marges nord et sud des gradients méridiens de xéricité. De même, les anticyclones thermiques continentaux sont à l’origine de gradients dits de continentalité, ou encore, des centres plus locaux, liés à l’orographie, sont générateurs de gradients divers en montagne.
29Les reliefs aux lignes générales simples déterminent des portions de champ régulières, axées sur des gradients orographiques (fig. 1). À l’influence de l’altitude, ceux-ci combinent celle des dynamiques de l’atmosphère dirigées par le relief. La géographie des paysages végétaux visualise parfois les gradients orographiques : en effet, la distribution des espèces dominantes - mais pas seulement elles - s’aligne sur ceux-ci. Dans certains cas favorables, l’agencement des formations permet indirectement de discriminer certaines composantes de ces gradients (fig. 2). La physionomie de la végétation fournit donc ici une intéressante indication phytoclimatique, quoique beaucoup plus limitée que celle que lui prêtaient les phytogéographes au départ. Un autre exemple d’indication physionomique est constitué par la distribution des anémomorphoses visualisant les champs de vents dominants (Alcoforado et al., 1993).
30L’ensemble des portions régulières des champs du climat constitue une base d’échantillonnage stratifié du climat d’un type particulier. Les strates (1, 2 de la figure 1) ne sont pas caractérisées par des états donnés des variables climatiques, mais par des variations d’un type donné (ordonnées) de ces états : ce sont les “strates de variation climatique” (Lecompte, 1973, 1986) (fig. 1 et 2).
31GR est supposé orthogonal aux étages de végétation. L’inhabituelle obliquité de l’étagement par rapport à la pente résulte d’une inflexion du gradient pluviothermique altitudinal (G1) sous l’effet des dynamiques perturbées de SW canalisées par la vallée du Guigou, qui augmentent les pluies sur la terminaison méridionale du chaînon (G2). Les flèches sont dans le sens d’une pluviosité croissante et de températures décroissantes. En ce secteur dépourvu de mesures climatiques, le rapprochement de la phytogéographie et de la dynamique de l’atmosphère est particulièrement éclairant. Un itinéraire botanique, transposable latéralement, est représenté parallèlement à GR.
2.3 - CONTINUUM FLORISTIQUE - CONTINUUM À FACETTES
32Organisée par le climat, la géographie de la végétation reflète, réciproquement, non seulement ses grandes orientations (par sa physionomie), mais également le rythme de ses variations, si des espèces sensibles à celles-ci sont observées. De la sorte, l’analyse des changements de composition de la flore peut contribuer à préciser les champs climatiques dans leur continuité, les seules mesures stationnelles du climat, et les conjectures sur sa dynamique n’y suffisant pas.
33Dans cette optique, il est logique d’entreprendre l’étude de la distribution des plantes conjointement aux gradients climatiques qui sont supposés l’organiser. Reflétant une variation graduelle, cette distribution peut être considérée au départ comme un continuum le long duquel les espèces se relaient en fonction de leur optimum climatique. De part et d’autre de cet optimum, les fréquences diminuent de manière plus ou moins progressive, les espèces se succédant en écailles, selon un modèle “gaussien chevauchant” (Godron, 1966, Whittaker, 1967, Bachacou, 1973) (fig. 3). L’“aire minimale”, chère aux phytosociologues, est rarement atteinte, nulle communauté “homogène” ne s’individualisant véritablement le long du continuum - ce qui n’empêche pas certaines espèces d’avoir localement une distribution similaire. Ralentissements et accélérations des gradients climatiques se traduisent par des changements d’allure de la succession des espèces, voire des “accidents”, avec de brusques apparitions et disparitions (à l’exemple de la figure 3).
34Lorsque la définition des strates climatiques est correcte et suffisante, les gradients étant bien marqués, les variations latérales du climat sont faibles. Aussi, puisque les évolutions botaniques soumises à celles du climat sont concentrées le long du continuum assujetti au gradient, les variations latérales de la flore sont-elles également faibles par rapport au transect, qui exprime le continuum. Les résultats obtenus par un échantillonnage linéaire continu peuvent alors être transposés à toute la largeur des strates de variation climatique qu’ils explorent (fig. 2). Les strates acquièrent dès lors une double définition, botanique et climatique : chaque élément du continuum ainsi décrit, considéré comme un tout, constitue un individu d’échantillonnage de la strate d’où il est tiré.
35Le regard porté sur le continuum floristique est ici fondamentalement géographique. Il cherche à percer les relations entre les variations spatiales graduelles de la flore et celles de son facteur organisateur, le climat, celui-ci considéré globalement. Le modèle de départ d’organisation spatiale de la végétation choisi - le continuum - est suffisamment large pour que ces variations graduelles soient prises en compte. Il est cependant à noter (voir les exemples ci-dessous) que, si des discontinuités sont rencontrées, elles n’échapperont pas à l’observateur. Mieux : le modèle choisi et le mode de collecte de l’information spatiale qui en découle permettent de prendre en compte la diversité des discontinuités ; celles-ci ne se réduisent pas - on le verra - au cas simple d’un réseau de limites ou d’étroites bandes de transition entre des entités floristiques homogènes.
36Les naturalistes ont été nombreux à s’intéresser, à la suite, en particulier, de Whittaker (1967) aux gradients écologiques et à leur expression floristique (gradient analysis), que celle-ci soit continue ou non dans l’espace géographique (voir revue bibliographique dans Kent et al., 1997). Lorsque c’est le cas, les gradients écologiques sont, dans ces études, le plus souvent envisagés comme des bandes plus ou moins larges de transition (écoclines ou écotones) entre des entités de définitions diverses (paysages, biomes, communautés, etc.) tenues pour plus ou moins homogènes. L’étude d’organisations plus largement continues de la végétation, aux échelles privilégiant l’influence du climat général, ne semble en revanche pas avoir été particulièrement explorée en association avec l’analyse spatiale de celui-ci.
37Cependant, même tout puissant, le climat n’agit pas seul sur la végétation, mais conjointement à d’autres variables écologiques, et avec l’homme. Or plusieurs de ces variables présentent une distribution discontinue, dessinant des mosaïques écologiques de grande ou moyenne échelle, souvent forcées par les aménagements, intégrées aux gradients climatiques. L’organisation spatiale de ces mosaïques et la structure de leurs limites sont, notamment, objets de l’attention de l’école de l’écologie du paysage (Forman et Godron, 1986, Kent et al., 1997, Burel et Baudry, 1999). Cette attention est souvent motivée par le désir de mieux connaître les conditions d’habitat des populations animales en réalisant une sorte de synthèse entre l’écologie fonctionnelle et l’écologie spatiale.
38Les motifs des mosaïques apparaissent souvent répétitifs, à l’image de bosquets parsemant une campagne ouverte, mais ils ne sont jamais rigoureusement identiques, puisque leur environnement se modifie progressivement au fil des gradients climatiques. Le contrepoint floristique de ces milieux à variation complexe constituent des figures où le continu et le discontinu s’imbriquent (Lecompte, 1973, Alexandre et al., 1998).
2.4 - SEUILS BIOLOGIQUES, RÉVOLUTIONS FLORISTIQUES, LIMITES PHYTOGÉOGRAPHIQUES ET CLIMATIQUES
39Le reflet botanique des changements climatiques graduels est cependant rarement mimétique. Les gradients climatiques ne se répercutent sur le continuum floristique que dans la mesure où les plantes sont sensibles au changement d’environnement qu’ils entraînent. Lorsqu’un tel changement climatique touche simultanément chez de nombreuses plantes une sensibilité partagée par celles-ci, la flore subit un renouvellement profond et rapide, que l’on qualifiera de révolution floristique15. De telles révolutions sont d’autant plus remarquables qu’elles sont rares, puisqu’elles supposent l’existence côte à côte de cortèges floristiques bien différenciés, héritages de l’histoire de la flore au quaternaire.
40En l’absence de changements génétiques du climat concentrés sur une étroite bande de territoire, une révolution floristique ne peut résulter que du franchissement d’un seuil lié à une exigence corrélative de cette sensibilité éprouvée par un ensemble de plantes vis-à-vis des conditions environnementales. Un seuil classique est celui de la durée de la saison chaude compatible avec les exigences d’une végétation arborée, vers les hautes latitudes ou altitudes. Un autre seuil thermique limite vraisemblablement l’extension de la flore mésophile des plaines et basses altitudes montagnardes tempérées en altitude et en latitude (Alexandre et al., 2002), nous y reviendrons. Bien que d’essence biologique, relatifs à un besoin vital des plantes - qu’il soit énergétique, lumineux, hydrique... - que l’environnement est ou non en état de satisfaire, les seuils sont le plus souvent désignés par les facteurs auxquels ils se réfèrent (ou le changement d’état de ces facteurs qui détermine le dépassement du seuil).
41Les révolutions floristiques, et les seuils qu’elles dénotent sont tout à fait appropriés à la délimitation des domaines phytogéographiques. Elles le sont, pour le domaine méditerranéen occidental, de manière plus réaliste que les aires d’espèces emblématiques - que l’on songe à l’Olivier, emblème du domaine méditerranéen - ou que les classes purement conventionnelles d’indices bioclimatiques discutables. et discutés (Daget et David, 1982, Alexandre, 1996, Génin, 1997).
42En revanche, révolutions et seuils n’ont pas de raison a priori de coïncider avec des “limites” de climats définis indépendamment de la végétation, d’après des critères - comme le régime saisonnier des précipitations - généralement déduits de leur dynamique générale. Cependant, les transitions par lesquelles s’opèrent les passages entre ces climats, parfois hâtées par le relief, augmentent, malgré tout, les chances d’apparition de seuils, même si ceux-ci sont d’abord liés au dépassement de certaines valeurs absolues. Ainsi, la régularisation du régime saisonnier des précipitations sur les marges tempérées, humides, du climat méditerranéen peut-elle contribuer, par l’effacement de la sécheresse estivale, à l’apparition du seuil hydrique de la végétation mésophile qui s’installe au-delà de ces marges (voir ci-dessous). Seuils biologiques et limites - ou transitions climatiques ne sont alors pas sans relation géographique.
2.5 - MÉTHODE D’ÉTUDE
43Les continuités climatiques et botaniques sont approchées par la méthode de la phytoclimatologie dynamique (Lecompte, 1987, 1988, 1989). L’analyse des champs et gradients climatiques gagne en finesse avec l’étude de la distribution des données quotidiennes du temps dans divers contextes de circulation atmosphérique, et donc, de dynamiques associées à ces circulations. Les circulations sont caractérisées soit “qualitativement” (Delannoy et Lecompte, 1975), par l’interprétation les bulletins météorologiques quotidiens, soit par le calcul (Bénichou, 1985) à partir de banques de données atmosphériques. Les gradients climatiques sont ensuite confrontés au continuum botanique qui les reflète.
44Le continuum floristique est décrit au long d’itinéraires botaniques segmentés sous forme de chaînes de relevés, dont la maille est ajustée à l’échelle des variations du climat. L’examen des lignes, effectué pas à pas, est exhaustif. Les discontinuités de diverses origines qui compliquent le défilement du continuum ne passent donc inaperçues de l’observateur. Le relevé “en cheminant” de la végétation permet ainsi d’étudier des combinaisons éventuelles de variables continues et discontinues (voir § 2-4). Utile à la description des paysages botaniques, la télédétection spatiale s’est avérée être d’un faible secours pour confirmer et extrapoler ces observations floristiques16.
45Les détails d’exécution de l’échantillonnage sont fournis par Lecompte (1973). Les mailles pratiquées (fig. 4), appliquées à des lignes de plusieurs dizaines de kilomètres (jusqu’à 200 km) sont comprises entre 350 et 500 m, le choix final dépendant du caractère plus ou moins accidenté des reliefs traversés. Ces mailles “longues” sont appropriées à l’étude des variations climatiques de petite échelle, conduites dans des végétations ligneuses, de “grain” grossier (Godron, 1982). Cette longueur de maille filtre les variations de détail de la flore, représentatives de la micro-hétérogénéité du milieu (Godron, 1982, Forman et Godron, 1986), que l’on ne souhaite pas prendre en considération. Les relevés portent sur la seule présence des espèces, jugée plus significative de leur adaptation au milieu que leur abondance - dans une audacieuse analogie, Guinochet (1973) assimile la première au génotype des organismes et la seconde à leur phénotype.
46Les premiers transects étudiés, au Maroc, sous forêt et dans des formations buissonnantes, ont montré la meilleure cohérence des informations phytoclimatiques fournies par la fraction vivace (hormis les géophytes) et, particulièrement, ligneuse, de la flore, comparativement à la flore complète. L’observation de cette dernière a donc ensuite été abandonnée en négligeant les plantes annuelles. Il est vrai que celles-ci échappent plus aisément que les espèces vivaces aux contraintes du milieu aérien, et que, par conséquent, leur distribution est moins facile à relier au climat général. L’observation des annuelles ne peut donc que troubler le reflet floristique de ce climat.
47L’analyse factorielle des correspondances (Benzecri, 1980) où les variables initiales sont tantôt les profils des présences des espèces botaniques dans les suites de relevés (Lecompte, 1973, Gauthier et al., 1977), tantôt les éléments du temps mesurés dans les réseaux climatologiques, ont permis de tirer parti de grandes quantités d’information. L’existence du continuum botanique et des gradients climatiques se manifeste dans ces analyses par la fréquente apparition de “l’effet Guttmann” (Bachacou, 1973), qui constitue un remarquable support théorique au schéma de succession gaussienne chevauchante (fig. 3) des espèces de la flore. Le recours à des analyses couplant le tableau des données à un tableau de variables explicatives (du type des ACC - Analyse Canonique des Correspondances : Ter Braak, 1987, Lebreton et al., 1988) permet d’introduire et de tester, par l’intermédiaire de régressions linéaires multiples, les facteurs des distributions observées, botaniques ou climatiques : facteurs géographiques et écologiques pour les premières, circulations atmosphériques pour les secondes. La théorie de l’information (Abramson, 1963, Godron, 1966, 1967, 1971) apporte d’intéressantes précisions sur l’intensité des liaisons entre paramètres climatiques et distribution des espèces ; surtout, elle permet de quantifier et de hiérarchiser les changements de rythme dans le défilement des espèces le long du continuum floristique, mettant ainsi particulièrement en relief les révolutions floristiques.
48L’analyse fréquentielle de la distribution spatiale des espèces de plantes suggère une autre analogie avec la génétique que celle proposée par Guinochet. Le caractère combinatoire de l’expression floristique des fluctuations du climat n’évoque-t-il pas le rôle - de sens inverse -oué par la recombinaison des gènes dans la diversité intra- et inter- spécifiques ? L’expression combinatoire affranchit, partiellement, l’analyse floristique des interférences chorologiques liées à l’histoire des flores et des sociétés humaines sur la distribution de telle ou telle espèce, prise séparément. Cette “histoire” permet d’expliquer que la position d’une espèce, entre plusieurs lignes-échantillons explorant un même gradient climatique, peut changer alors même que l’allure générale de la variation reste la même. Ceci relativise beaucoup le caractère indicateur que l’on reconnaît généralement aux espèces ou aux groupements végétaux.
3 - SUR LE POURTOUR DE LA MÉDITERRANÉE OCCIDENTALE
49Cette partie reprend, amende et complète, à l’aide de nos travaux récents sur le sujet (Alexandre et al., 2002), un texte publié dans la Revue de Géographie de Lyon-Géocarrefour (Alexandre et al., 1998).
3.1 - QUELLES LIMITES, QUELS SEUILS ?
50Par définition, le climat méditerranéen constitue une transition entre ceux des zones tempérée et tropicale. Le bilan d’eau y est moindre que dans les marges tempérées au nord mais supérieur à celui des bordures tropicales arides au sud. Un blocage anticyclonique engendre la récurrence régulière de pannes de précipitations en saison chaude, donc en période de forte évaporation potentielle. Le bilan d’eau climatique est alors durablement négatif, situation encore aggravée par la faible pénétration des pluies violentes dans les sols. Les plantes ressentent d’autant plus fortement les effets du déficit hydrique qu’elles le subissent en période thermiquement favorable à la vie végétale. Seules les espèces xérophiles, capables de supporter un stress hydrique prolongé, sont adaptées à ce contexte hydrologique. L’entité biogéographique qui en découle est unique : à côté d’une richesse spécifique importante, la flore montre une adaptation originale au climat.
51Au nord du bassin méditerranéen, en France tempérée, notamment, les sécheresses deviennent occasionnelles, et l’éventualité de stress sévères est réduite. Les plantes éprouvent donc là une meilleure satisfaction hydrique, évidemment corrélative de l’installation de la flore mésophile atlantique et de la disparition conséquente des espèces méditerranéennes. L’existence d’un seuil hydrique séparant les deux flores est vraisemblable ; à celui-ci pourrait être associée une limite phytogéographique nord-méditerranéenne. Une situation comparable ne se présente-t-elle pas à l’ouest du bassin méditerranéen où l’épanouissement d’une flore atlantique, sur les serras occidentales du Portugal et en Galice, suggère le franchissement d’un même seuil et de la même limite phytogéographique associée ?
52Vers le sud de la Méditerranée, la végétation méditerranéenne est en souffrance : elle exige un minimum de régularité saisonnière de son approvisionnement en eau. Le stress hydrique devient, au contraire, un état quasi-permanent de la végétation au passage au “régime” de la zone tropicale aride. Un seuil d’insatisfaction hydrique est donc ici possible, qui pourrait caractériser une limite phytogéographique sud-méditerranéenne. Toutefois, quelle est la forme de la transition zonale ? Où la placer : au sein même des plateaux, sur la ligne de crête d’un des Jbel ? La limite coïncide-t-elle avec l’éventuel seuil d’insatisfaction hydrique ?
53Les seuils hydriques invoqués sont à rapprocher du seuil d’efficacité photosynthétique des pluies tropicales indirectement noté dans les indices de végétation satellitaires (Davenport et Nicholson, 1993), expression d’une satisfaction en eau comparable à celle observée aux latitudes moyennes ; Poccard et Richard (1996) estiment à 2 mètres le montant annuel de pluie qui réalise cette satisfaction.
54Le régime hydrologique si typique du climat méditerranéen distingue bien celui-ci des autres climats zonaux. Cette distinction est accentuée en Méditerranée occidentale par les montagnes entourant celle-ci, qui forcent le contraste avec les régimes des climats adjacents. À cet endroit, le passage d’un régime zonal à l’autre est suffisamment rapide pour suggérer, fait assez exceptionnel, une limite climatique nette, non réductible toutefois à un trait. Sans se confondre a priori avec elle (auquel cas la limite serait de nature également phytoclimatique) les seuils hydriques n’en sont pas très éloignés, car la montagne force également les extrêmes de précipitations favorables à l’apparition de ces seuils.
55La géographie méditerranéenne offre souvent des coupes propices aux essais sur les transitions zonales, sur la variabilité des éléments climatiques et sur la mise en évidence des gradients et des seuils. Il est possible alors, avec le dispositif d’étude évoquée plus avant, de rechercher la gamme des changements (du brusque à l’imperceptible), de restituer les “véritables” limites, d’en saisir l’épaisseur, de tenter d’obtenir l’intensité des seuils invoqués et d’examiner l’éventuelle correspondance spatiale entre limites et seuils.
56À l’instigation de M. Lecompte, des transects floristiques ont été établis sur le pourtour occidental de la Méditerranée (fig. 5), d’abord par lui-même : transects 1, 2 et 3 dans le Moyen Atlas au Maroc, puis par ses élèves : transects 4 et 5, encore au Maroc, respectivement dans le Moyen Atlas et le Rif, puis, sur la rive nord de la Méditerranée, le 6 dans le nord du Portugal, les 7 et 8 dans le sud et le sud-est du Massif central et, de nouveau sur la rive sud avec le dernier (9) en Tunisie (fig. 5).
3.2 - LIMITES NORD-MÉDITERRANÉENNES
57* Haut-Languedoc (Alexandre, 1996) (transect 7 de la figure 5)
58Le long d’une ligne traversant l’Espinouse et la Montagne Noire depuis la plaine languedocienne, la flore connaît une rapide transformation sur les premières pentes de l’obstacle orographique principal, traduite par la courbe du premier facteur principal de l’analyse factorielle des correspondances (AFC) et soulignée par une forte quantité d’information (fig. 6).
59La révolution floristique voit disparaître en quelques kilomètres la plus grande part de l’élément méditerranéen17, particulièrement les ligneux bas (chaméphytes, micro- et méso-phanérophytes) ; elle se lit en conséquence assez bien dans les paysages, malgré l’extension artificielle de la châtaigneraie. Seules quelques espèces subméditerranéennes réapparaissent vers l’ouest lorsque l’on redescend dans le Bassin Aquitain, infléchissant l’axe 1 de l’AFC, et porteuses “d’information” (vallée de l’Agoût, relevés 172 à 179). Celles-ci sont d’ailleurs présentes bien au-delà, dans le Quercy, le Poitou, la Touraine, sur calcaire, et même, sur les littoraux sableux, jusqu’en Bretagne et en Cornouailles. Le cortège mésophile qui se substitue aux espèces méditerranéennes est, quant à lui, répandu dans toute l’Europe occidentale ; certaines de ses espèces sont déjà postées sur les premières collines qui dominent la plaine du Bas-Languedoc (Monts de Faugères).
60Le “décrochement” de la flore méditerranéenne dès le contrefort méridional des reliefs hauts languedociens coïncide avec un fort accroissement du volume des précipitations, comme le montrent les données climatiques moyennes (fig. 7). L’uniformisation rapide de la flore atlantique qui s’opère à partir de là sur le relief suggère le franchissement d’un seuil de satisfaction hydrique. Celui-ci correspondrait localement à un total annuel moyen de 1 400 à 1 500 mm de pluie, valeur évidemment indicative, le bilan hydrique climatique dépendant des autres éléments régissant le bilan hydrique climatique : évaporation potentielle, types et régime saisonnier des pluies (le total annuel exigé par les plantes est moindre sous un régime saisonnièrement régulier, comme cela peut être constaté en Albigeois, fig. 7)... Et qui ne vaut donc en toute rigueur que pour le transect étudié. Au-dessous de ce seuil, les espèces de la végétation mésophile cèdent rapidement la place, ce qui explique l’installation sur une courte distance d’un cortège méditerranéen aux traits xérophytiques.
61L’augmentation du montant des abats montagnards concerne surtout, comme le montre la figure 8, les précipitations d’origine méridionale, raréfiées en été. La transition des flores méditerranéenne à atlantique s’opère donc, paradoxalement, sous un régime ayant conservé sa méditerranéité. Cette qualité est même soulignée par le renforcement de la saison pluvieuse, d’où un contraste accentué avec la sècheresse estivale. L’installation de la végétation atlantique ne signale donc pas précisément le passage au climat de la zone tempérée, si l’on admet que la marque principale de ce passage est l’effacement de la “saison sèche” méditerranéenne. Où se trouve la limite climatique ?
62En résumé, la révolution floristique entre végétations méditerranéenne et atlantique, et le seuil hydrique qu’elle suggère, ne permettent donc pas de fixer sur le Haut-Languedoc une limite climatique, puisqu’ils ne coïncident pas avec le changement du climat zonal. La situation est un peu plus complexe dans les Cévennes, au niveau du Mont-Lozère.
63*Cévennes et Mont-Lozère (Génin, 1997) (transect 8)
64Les analyses phytoclimatiques conduites en Cévennes confirment la distinction précédente entre révolution floristique et limites climatiques. Toutefois, il est possible de montrer ici que ces dernières ne passent pas toujours inaperçues de la végétation.
65Le transect cévenol s’étend entre Remoulins et la face septentrionale du Mont Lozère où il a été divisé en deux branches (au nord et à l’ouest du sommet du Lozère) orientées par les champs pluviométriques moyens. Seuls les résultats de la branche nord (vers Langogne) sont ici pris en compte. Sur l’autre branche, ils n’en diffèrent que par l’individualisation d’un cortège d’espèces liées aux calcaires du Causse, traversé en son extrémité ouest. L’analyse factorielle (fig. 9) montre deux ruptures floristiques nettes sur l’axe 1, et une transformation plus discrète sur l’axe 3. En progressant du sud est vers le nord ouest après la traversée des Garrigues et du Fossé d’Alès, c’est en abordant les serres de la Cévenne du schiste que les espèces les plus méditerranéennes disparaissent. L’explication climatique, une humidification progressive (fig. 10), vient ici à parts égales avec le facteur édaphique (disparition des calcaires) et le facteur anthropique : l’extension de la châtaigneraie et les incendies éliminent artificiellement une fraction de la flore méditerranéenne qui, sinon, atteindrait sans doute le pied du Lozère.
66Ce qui se passe de part et d’autre du Mont-Lozère est plus strictement lié à la modification de climat. Lorsque l’on aborde par le sud-est le grand versant du géant des Cévennes, le changement floristique, étalé sur une dizaine de kilomètres, comme le montre l’axe 1 de l’AFC, est comparable à ce qui a été dit au sujet du Haut-Languedoc. La plus forte information est associée à cette révolution. Les espèces méditerranéennes et subméditerranéennes qui subsistaient malgré tout dans le secteur des châtaigneraies disparaissent dans la montée, et une flore de caractère atlantique - selon les indications de Dupont (1990) et de Rameau et al (1989, 1993) - se met en place. Les espèces de cette flore se répartissent entre deux a facette sylvatique et asylvatique du continuum, qui alternent sur le plateau.
67L’apparition des espèces atlantiques s’expliquerait, ici encore, par l’augmentation orographique des précipitations méditerranéennes sur la façade méridionale du massif (fig. 11). Comme sur l’Espinouse, leur concurrence est fatale aux espèces méditerranéennes. La flore atlantique est installée à partir d’un seuil de l’ordre d’un mètre cinquante à un mètre soixante-dix de pluies annuelles, plus élevé qu’en Languedoc, du fait peut-être de la déperdition accrue des violentes averses et de leur écoulement rapide au sein des arènes poreuses recouvrant les granites.
68Toutefois, l’axe 3 de l’AFC révèle la présence d’un cortège propre aux hautes croupes, qui n’a pas d’équivalent sur la coupe du Haut-Languedoc. Celui-ci est lié à la facette forestière (relevés de coordonnées positives sur l’axe), qui laisse la place aux landes asylvatiques (relevés de coordonnées négatives) au sommet du plateau, et s’interpénètre avec celles-ci de part et d’autre de ce sommet. Ce cortège d’altitude mêle à quelques espèces nouvelles d’affinité atlantique, des espèces de montagne, et d’autres répandues en France du centre et de l’est. Un certain rafraîchissement du climat ne peut être étranger à son individualisation, mais on peut également y voir la marque de la régularisation simultanée du régime saisonnier des pluies, qui intervient seulement sur les hautes croupes (fig. 11, station du Bleymard). La régularité de ce régime, devenu “tempéré”, expliquerait le maintien de la flore atlantique sur les faces nord et nord-ouest du massif, sous un montant de précipitations très réduit comparativement au versant méditerranéen, de l’ordre d’un mètre annuel seulement.
69Le haut plateau du Lozère offre ainsi l’exemple du signal botanique d’un changement de régime des précipitations, et donc d’une limite climatique (limite ne signifiant pas trait, rappelons-le), qui demeure toutefois indépendante du seuil hydrique séparant flores xérophile et mésophile.
70* Nord du Portugal (Correia, 1995, Correia et Lecompte, 1997) (transect 6)
71Entre la vallée du Minho et les plateaux de Trás os Montes, de l’Alto Douro et de la Beira intérieure, à travers les serras du nord du Portugal, la géographie des paysages botaniques a subi, historiquement, une profonde désorganisation. Les landes (à ajoncs, à genêts ou à bruyères) dominent, quelques lambeaux de chênaie subsistent, et de vastes reboisements en Pin maritime ajoutent encore à l’artifice de cette physionomie.
72Par contraste avec la complexe mosaïque des paysages, l’analyse d’un long transect floristique révèle une opposition nette, soulignée par la vallée du Tua (fig. 12 A), entre les deux tiers occidentaux et le tiers oriental d’un long transect logé sur les granites. Ce contraste avait été relevé par Dupont (1962), dans une large vision chorologique. Les relevés occidentaux dénotent l’unité d’une flore “atlantique” juste rompue aux incisions des grandes vallées, remarquable en comparaison de l’hétérogénéité de la flore “continentale”. L’analyse pollinique confirme l’uniformité de la première durant la seconde moitié de l’holocène, excluant une origine purement anthropique, en dépit de la forte pression humaine inscrite dans les paysages (Ruiz Zapata et al. 1993, 1994).
73La flore mésophile atlantique est pleinement établie au nord-ouest de la retombée orientale des serras d’Alvao-Falperra, au-dessus d’un seuil de satisfaction hydrique de l’ordre de 1 500 mm de précipitations annuelles d’après la carte climatique de Daveau (1977) ; valeur qui serait sans doute sensiblement plus élevée dans le proche bassin, schisteux, du Douro. La composition de la flore atlantique échappe, passé ce seuil, aux fluctuations des pluies annuelles qui atteignent pourtant trois mètres et plus. Au-dessous du seuil, cette flore disparaît vers l’Espagne, progressivement d’abord jusqu’au Tua, puis rapidement au sud-est de celui-ci, remplacée par la flore continentale, xérophile.
74Au Portugal, comme en France méridionale, seule l’augmentation du montant des pluies permet d’expliquer la substitution de la flore mésophile à la flore xérophile, car le régime saisonnier de ces pluies demeure, quant à lui, d’allure tout à fait méditerranéenne, particulièrement à l’approche de l’océan (fig. 12 B). La révolution floristique est donc indépendante de la limite zonale, indiquant seulement une variante biologiquement adoucie du climat méditerranéen, originalité ibérique déjà soulignée (Mounier, 1979, Alcoforado et al. 1993).
75Vers l’Espagne, la raréfaction des pluies s’accompagne d’une continentalisation de leur régime, dont les maxima saisonniers se déplacent vers le début et la fin de l’été, comme cela s’observe en Afrique septentrionale (Seltzer, 1946). Cette similitude avec l’Afrique est le résultat de dynamiques atmosphériques (fig. 12 C) qui préfigurent celles de la zone tropicale aride, encore qu’elles soient davantage guidées ici par l’orographie.
76L’examen au quotidien de la dynamique du climat renouvelle les termes d’une classique discussion (Mounier, 1979) sur le caractère méditerranéen ou atlantique du climat du nord-ouest de la péninsule, qui ne renie à dire vrai ni l’un ni l’autre de ces caractères mais les reflète par le jeu croisé de deux circulations générales. La première, anticyclonique, étend à l’ensemble du Portugal, la sécheresse relative de l’été méditerranéen ; la deuxième, liée à l’activité du front polaire, confère aux pluies océanes de sa façade nord-atlantique l’abondance et la régularité spatiale que ne connaissent pas les bassins abrités de l’intérieur, plus aléatoirement arrosés (Correia et Lecompte, 1997). Une telle dualité existe aussi plus au sud, au Maroc, où l’anticyclone subtropical est toutefois plus prégnant, et où les perturbations atlantiques parviennent essoufflées sur les plaines et les versants face à l’océan (Delannoy et Lecompte, 1979). Au nord, au contraire, les deux circulations ne se recouvrent plus, la France méditerranéenne devant peu aux circulations atlantiques, et la France atlantique n’étant que marginalement intéressée par les averses méditerranéennes - tout comme, vraisemblablement, la façade septentrionale de l’Espagne.
3.3 - LIMITES SUD-MÉDITERRANÉENNES (LECOMPTE, 1986, TRANSECTS 1, 2 ET 3 ; DERRAZ, 1993, TRANSECT 4 ; EL ALAMI, 1993, TRANSECT 5)
77Les marches méridionales du domaine méditerranéen occidental présentent une image inversée de la situation européenne. L’une des trois coupes suivies par Lecompte dans le Moyen-Atlas - représentative d’une “strate de variation climatique” appuyée sur le chaînon axial du Jbel Tichoukt (2 800 m) - illustre la manière dont se fait l’entrée dans le monde aride : par une rupture remarquable au sein du continuum floristique (facteur 1, fig. 13).
78Celle-ci intervient dès le franchissement du rebord nord-ouest du plateau atlasien. La révolution floristique se produit au sein même des forêts les plus occidentales, chênaies, pinèdes et cédraies assez claires, enracinées sur un sable dolomitique, qui ne semblent donc pas avoir d’influence microclimatique sur leur cortège de sous-bois (cette influence est au contraire considérable dans le cas des cédraies denses rencontrées en d’autres lieux du Moyen-Atlas, notamment sur cendres basaltiques, Lecompte et Lepoutre, 1975, Lecompte, 1986). Là s’arrête le gros des espèces méditerranéennes, et débute une flore continentale plus xérophile. Le passage sur le haut relief du Tichoukt, qui domine pourtant si puissamment les contrées environnantes, n’apporte qu’un petit complément d’espèces “froides” d’altitude, discriminé par le facteur 2 de l’A.F.C. (fig. 13). Les révolutions floristiques observées sur les deux autres coupes de Lecompte, et sur une coupe de Derraz (1993) s’appuyant, plus au nord, sur le Jbel Bou Iblane (3 000 m) reflètent également le passage précoce à une flore aride dès la marge occidentale de l’Atlas. Toutefois, les reliefs élevés traversés par Derraz (Bou Iblane, Bou Naceur 3 200 m) constituent, différant en cela du Tichoukt, des “îles” de relative humidité, repoussant vers l’est l’installation de la flore la plus xérophile. Certains de ces changements n’avaient pas échappé à Emberger (1939).
79La disparition brutale, sur la marge atlantique de l’Atlas, de nombreuses espèces méditerranéennes et l’uniformisation de la flore établie à l’est s’expliquerait bien par le franchissement d’un seuil d’insatisfaction hydrique. Celui-ci serait à relier à l’extinction des pluies d’origine océanique sous le vent de cette marge, contrastant avec leur exaltation à son vent : leur montant annuel s’y élève à plus d’un mètre, pour s’abaisser ensuite à quelques centaines de mm, estimation malheureusement non vérifiée là où débute la flore aride. Cette dissymétrie se manifeste également dans le Rif occidental, en faveur du versant sud-ouest et de la crête, où se limite l’influence de l’océan (El Alami, 1993). Toutefois, la figure 13 montre que l’orographie n’interviendrait pas seule sur la réduction des précipitations, puisque la disparition de la flore méditerranéenne s’observe ici au milieu d’un massif horizontal (Tamrabta).
80Le régime méditerranéen des précipitations ne peut qu’être profondément altéré par l’écrêtage de celles-ci sur le bordure atlantique de l’Atlas. Le passage au climat arythmique de la zone tropicale aride, soumis à des circulations faiblement pluvieuses (fig. 14 : Midelt) d’origines différentes (Delannoy et Pédelaborde, 1958, et fig. 15 : Midelt) s’effectuerait donc, simultanément avec la chute des précipitations, dès le franchissement de cette bordure. Celle-ci constitue d’ailleurs plus généralement un secteur d’affrontement entre air océanique et air saharien (Delannoy et Lecompte, 1980), la subsidence de ce dernier expliquant l’extinction des pluies en topographie plane. Le changement de régime zonal coïncidant ici avec la diminution drastique des précipitations, le seuil d’insatisfaction hydrique de la végétation méditerranéenne se concrétiserait sur la limite climatique méditerranéenne même, qui aurait donc ici un caractère phyto-climatique.
81Une étude botanique en cours dans le haut Atlas oriental (Arezki, 2000) paraît confirmer l’existence d’un tel seuil. La brusque apparition vers le nord-ouest, à partir du milieu de la chaîne, d’un ensemble de taxons méditerranéens, rompt la monotonie de la flore aride de sa moitié tournée vers le Sahara. Là encore, une “révolution floristique”, accompagnée d’ailleurs d’une importante transformation du paysage, pourrait être synonyme du passage entre les zones aride et méditerranéenne.
82Les observations climatiques récentes (non publiées) de Baccouche en Tunisie (transect 9 sur la figure 5) permettent, grâce à un réseau nettement plus dense qu’au Maroc, de localiser avec plus de certitude le basculement du régime zonal des pluies. Celui-ci s’effectue au niveau de la dorsale atlasienne dominant la plaine de Kairouan, qui reçoit des pluies de flux opposés de nord-nord-ouest et d’est-sud-est. Comparativement au cas du Moyen-Atlas marocain, la transition zonale, du méditerranéen vers l’aride, est donc décalée vers la retombée orientale et méridionale des massifs montagneux. Cette transition ne s’accompagne d’ailleurs pas d’une baisse significative du montant annuel (faible) des précipitations, et il est donc possible qu’elle ne retentisse pas profondément sur la végétation... Point qui reste à vérifier.
4 - SEUILS HYDRIQUE ET THERMIQUE AU SEIN DES ALPES OCCIDENTALES
83L’étude de la végétation ligneuse des Alpes occidentales (Alexandre et al., 2002) entre Rhône et Pô (fig. 16) élargit les perspectives offertes par le domaine méditerranéen.
84L’état général de satisfaction hydrique de la végétation s’y manifeste par l’absence de différenciation régionale de la flore, en dépit de la diversité climatique du massif, traversé sur 180 km. La figure 17 montre que la seule variation floristique d’ensemble, exprimée par le premier facteur d’une analyse factorielle des correspondances, est altitudinale. Toutefois, même l’influence de l’altitude disparaît en basse montagne, ce qui suggère une “satisfaction physiologique” supplémentaire, d’ordre thermique. Celle-ci ressort de la stationnarité du continuum altitudinal aux altitudes inférieures à 1 300 – 1 400 m, comme le montre la figure 17 : jusqu’à ces altitudes, la flore diffère peu de celle des plaines. Au-dessus, le continuum est, au contraire, vivement accéléré, la “révolution floristique” opérant la mise en place d’une flore d’originalité croissante. Une telle influence de l’altitude est moins marquée sur nos itinéraires méditerranéens, plus chauds et, pour les transects effectués en France, beaucoup moins élevés, et où l’existence de seuils thermiques est en conséquence peu perceptible.
85Si les climats des vallées, collines et basses montagnes des Alpes franco-italiennes paraissent tout à la fois satisfaire aux exigences hydriques et thermiques d’une végétation mésophile, c’est que la période de végétation n’y est pas moins chaude que dans les plaines, et que les pluies estivales y sont partout présentes. Seules certaines situations abritées, ou des affleurements de roches arides peuvent contrarier l’épanouissement d’une telle végétation.
SYNTHÈSE ET CONCLUSION
86Les bordures montagneuses de la Méditerranée occidentale ont été un excellent terrain d’exercice pour mettre au point la “phytoclimatologie dynamique” et en tirer force conclusions.
87Sur ces hauteurs, se superpose à une variation d’échelle locale - l’habituel gradient d’altitude trivial circonscrit aux versants générateurs d’ascension forcée -, une variation d’échelle régionale, modification plus fondamentalement géographique, significative du changement de climat zonal, pas nécessairement calée sur la première. Même ici les facteurs décisifs changent de manière progressive, certes plus rapidement qu’en plaine puisque contraints par le relief. Aussi les contacts phytoclimatiques se présentent-ils comme des bandes d’une certaine épaisseur. Il n’y a que sur les planisphères que les limites entre climats s’apparentent à des lignes, suggérant l’impression d’exiguïté et de netteté des contacts. Ces limites, bande étroite dans le cas du Mont-Lozère, plus large au nord du Portugal, ne sont pas aisées à fixer. La comparaison des transects entre eux et la combinaison des méthodes de la “phytoclimatologie dynamique” permettent de les cerner au mieux et d’en comprendre la signification, d’autant plus qu’y sont associés des seuils hydriques (ou thermique pour les Alpes).
88L’existence d’effets de seuils permet d’individualiser des modifications graduelles, des changements brusques, voire des discontinuités, à partir desquels certains proposeraient des découpages de l’espace. Le couvert végétal a souvent été utilisé ainsi. Mais l’ambition de la “phytoclimatologie dynamique” a été, au sein des bordures méditerranéennes puis des Alpes, d’éclairer d’un jour nouveau les questions liées des changements de végétation et de climat : lien effectif certes mais souple. L’étude fine de transitions phytoclimatiques a permis d’être plus attentif aux modalités spatiales de ces phénomènes, de mieux en comprendre les rapports et d’en quantifier certains au sein de ces interfaces complexes, associant les dynamiques atmosphériques et les végétaux de l’un et de l’autre des domaines considérés. Aussi insistons-nous ci-après sur les trois points les plus fondamentaux des résultats.
RÉVOLUTIONS FLORISTIQUES ET SEUILS HYDRIQUES ET THERMIQUES
89Les révolutions floristiques à la périphérie ou au sein de ce qui a été désigné comme domaine phytogéographique méditerranéen suggèrent l’existence de seuils hydriques, comme il en existe de thermiques en latitude ou en altitude, intéressant les plantes en grand nombre.
90Un seuil de satisfaction hydrique est ainsi décelable au nord et à l’ouest du domaine, qu’accompagne l’installation d’une flore mésophile. Ce seuil peut s’exprimer en hauteurs de pluies, dont le montant est évidemment modulé par les autres paramètres du bilan hydrique climatique, comme le régime saisonnier de ces pluies, celui de l’évaporation potentielle, etc. Des vérifications écophysiologiques seraient en outre nécessaires pour sa validation biologique. Ceci dit, la simple expression pluviométrique du seuil hydrique apparaît étonnamment constante entre les trois transitions étudiées sur les marges du domaine méditerranéen occidental, voisine d’un mètre et demi de pluie annuelle.
91Symétrique du précédent est le seuil d’insatisfaction hydrique éprouvé par la végétation au sud du domaine méditerranéen. Son expression climatique reste malheureusement imprécise faute de données en nombre suffisant, mais il est bien souligné par une révolution floristique qui se résout finalement dans la monotonie, sur de vastes aires, de la végétation aride, au moins égale à celle de la végétation des plaines et basses montagnes tempérées.
92Rares sont ces seuils et révolutions botaniques associées, comme celles qui parachèvent, aux marges de son domaine, la longue transition méridienne de la flore méditerranéenne, et se traduisent par la mise en place presque soudaine des flores des domaines contigus. Cette soudaineté tient à l’existence des montagnes ceinturant la Méditerranée occidentale (domaine méditerranéen), qui modifient brutalement le volume des précipitations, et accélèrent plus ou moins simultanément la transformation de leur régime.
RÉVOLUTIONS FLORISTIQUES ET PAYSAGES
93Les révolutions floristiques retentissent sur la géographie des grands paysages lorsque des espèces physionomiquement dominantes sont prises dans le mouvement, ce qui n’est pas le cas pour les ubiquistes à large spectre écologique - comme le Cèdre dans le Moyen-Atlas - ou pour les protégées de l’homme - comme le Châtaignier dans les moyennes montagnes du midi français. Réciproquement, des changements marqués de la physionomie de la végétation peuvent, ou non, modifier significativement la flore. La première éventualité s’observe lorsque le changement de paysage induit un fort contraste écologique - comme, par exemple, le contraste des microclimats aux lisières des cédraies denses (conférant une forte influence au microclimat forestier). La cédraie offre aussi un exemple de l’éventualité contraire, lorsque le passage de la flore méditerranéenne à la flore aride s’effectue sous le couvert même du Cèdre. Il n’existe en somme pas de relation simple entre les changements physionomiques de la végétation et les révolutions floristiques liées aux au franchissement des seuils ; la géographie des paysages témoigne donc mal de ces derniers.
RÉVOLUTIONS FLORISTIQUES ET CLIMAT
94Par ailleurs, les révolutions botaniques, si elles peuvent être reliées à l’approche et au franchissement des seuils hydriques, ne reflètent pas toujours les changements climatiques majeurs. Des faits insignes, comme le basculement du régime zonal des précipitations peuvent en paraître indépendants : c’est le cas lorsque le seuil est déjà dépassé sous le régime le plus défavorable, du fait du seul accroissement du volume des pluies, comme nous l’avons observé en France et au Portugal. Le franchissement d’un seuil hydrique n’indique donc pas forcément une limite climatique, et ceci explique la vaine quête d’une définition phytoclimatique de l’ensemble du pourtour méditerranéen. Seuils hydriques et limites climatiques divergent ainsi légèrement dans le sud de la France, plus catégoriquement au Portugal. En revanche, ils coïncident vraisemblablement dans les Atlas marocain, du fait de l’étroite relation entre le changement de régime zonal et l’effondrement des précipitations. Dans les Cévennes, le passage du régime de précipitations méditerranéen à celui de la zone tempérée fraîche est signalé par de discrètes modifications floristiques.
95Ceci étant, il est toujours au-moins une indication botanique indirecte du changement du régime des précipitations : c’est l’ordre de grandeur de la hauteur annuelle de pluie constaté au seuil d’une végétation aux exigences données. Ainsi, tandis que l’installation de la végétation mésophile nécessite en France méditerranéenne et au nord du Portugal au moins 1 500 mm annuels, elle ne requiert plus que 800 mm à un mètre sous le régime tempéré, régulier, du sud du Massif central. L’abaissement de cette limite sous régime tempéré explique, par exemple, que la végétation des Alpes occidentales médianes, entre Rhône et Pô, paraisse en tous lieux en état de satisfaction hydrique - la satisfaction thermique n’étant assurée, quant à elle, qu’en basse montagne.
96L’analyse des champs de pluie quotidiens orientés par la circulation générale de l’atmosphère concrétise les spéculations climatiques inspirées des observations botaniques. Cette analyse fait notamment ressortir l’opposition entre les climats méditerranéens de façade atlantique, principalement bénéficiaires, en saison froide, de pluies d’origine frontales, et ceux d’abri orographique, où dominent les averses d’instabilité verticale durant les intersaisons. C’est paradoxalement à l’Atlantique que le Maroc doit de posséder une flore typiquement méditerranéenne, tandis qu’au Portugal, celle-ci ne s’installe que lorsqu’elle échappe à son influence. Au Maghreb, cette opposition est plus radicale qu’en Europe, car la zone aride s’installe, paradoxalement, à la faveur - mais en retrait - des reliefs les plus arrosés !
97Les seuils discriminés d’après l’observation des révolutions le long des continuums floristiques permettraient d’asseoir une phytogéographie plus satisfaisante, car plus conforme aux exigences de la végétation, que les classifications en vogue, abstraites et conventionnelles. Leur recherche n’est d’ailleurs pas dénuée du plaisir d’autres découvertes naturalistes, car si les gradients climatiques accompagnent les changements de la flore, ils constituent aussi le fil directeur de la distribution spatiale de maints phénomènes, comme, par exemple, ceux régissant les dynamiques de surface et la genèse des formes du relief (Alexandre et al., 2000).
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Lecompte, 1973, 1986 ; Derraz, 1993 ; El Alami, 1993 ; Lecompte et Alexandre, 1996 ; Correia et Lecompte, 1996 ; Alexandre, 1996 ; Génin, 1997 ; Alexandre et al., 1998, a et b ; Alexandre et al., 1999 ; Alexandre et al., 2000, a et b.
2 Depuis deux siècles, les classifications se succèdent, évoluant entre plusieurs concepts définis à des échelles plus ou moins explicites : formations (Grisebach, 1875), biocoenoses (Môbius, 1877), étages de végétation (Flahault et Schrôter, 1910), séries de végétation (Clements, 1916 ; Gaussen, 1938), synusies (Gams, 1918), associations végétales (Braun-Blanquet, 1928), étages bioclimatiques (Emberger, 1930), biogéocoenoses (Sukatchev, 1942), groupes phyto-écologiques (Gounot, 1958), unités de paysage (Bertrand, 1969), etc.
3 Rivas-Martinez, 1982 ; Braque, 1988 ; Gillet et al., 1991 ; Ozenda, 1994 ; Lacoste et Salanon, 1998, etc.
4 Hare, 1985 ; Choisnel et Payen, 1988 ; Lecompte, 1989, 1990.
5 Le sens classique du terme paysage sera ici conservé, à savoir : une partie de pays que la nature présente à la vue d’un observateur. Dans cette acception purement physionomique, le paysage végétal diffère donc du concept plus global mis en avant par les tenants de l’écologie du paysage, qui intègre des éléments de structure interne, de flux et de relations interspécifiques (Forman et Godron, 1986 ; Burel et Baudry, 1999). Enrichie de ce contenu, la définition du paysage est proche de celle de géosystème (Bertrand, 1969).
6 Rappelons les deux définitions (complémentaires) du concept de climat, celle de Angot (1902) : “Le climat, c’est l’état moyen de l’atmosphère en un lieu donné, défini par un certain nombre de moyennes concernant surtout la température, les précipitations et les vents” ; et la définition dynamique donnée par Max Sorre (1934) : “Le climat, c’est l’ambiance atmosphérique constituée par la série des états de l’atmosphère au-dessus d’un lieu donné dans leur succession habituelle”.
7 Voir revue bibliographique dans Thiébault, 1968, Daget et Godron, 1974.
8 Rappelons que l’étage est conçu, chez Emberger, indépendamment de l’altitude.
9 Voir définition dans Ramade (2002).
10 De nature biologique, comme le parasitisme, ou écologique, comme la constitution d’un abri microclimatique.
11 Pour le phytosociologue, la phytocénose, la partie végétale de l’écosystème, doit être définie précisément car elle est considérée comme l’expression naturelle la plus fidèle à l’ensemble des conditions du milieu. “Les groupements végétaux sont plus informatifs que les espèces”, affirme Géhu (1975). À défaut de pouvoir mesurer de façon efficace tous les facteurs du milieu physique, les phytosociologues ont considéré que le groupement végétal était un véritable détecteur de leur somme (Génin, 1997).
12 Du nom de la Station Internationale de Géobotanique Méditerranéenne et Alpine (SIGMA), dans laquelle s’alliaient les forces des botanistes de Zürich et Montpellier (Braun-Blanquet, 1928).
13 Flahault (1900) a défini la station, unité spatiale élémentaire de la mosaïque botanique et écologique, forme spatiale retenue par les phytosociologues, comme “une circonscription d’étendue quelconque, mais le plus souvent restreinte, représentant un ensemble complet et défini de conditions d’existence ; la station résume tout ce qui est nécessaire aux espèces qui l’occupent, la combinaison des facteurs édaphiques et géographiques avec les facteurs biologiques, c’est-à-dire les rapports de chaque espèce avec le sol et avec les espèces auxquelles elle est associée”.
14 “Que deux individus d’association”, écrit Guinochet (1973), “s’interpénètrent plus ou moins profondément réalisant ainsi une zone d’indétermination à l’analyse floristique, n’a rien de gênant. Il suffit de mettre provisoirement entre parenthèses ces zones de transition”.
15 En bons français, nous entendons révolution dans son sens historique, et non dans celui de Newton.
16 Le test en a été fait dans les Alpes (travaux de mémoire de maîtrise de l’Université Paris 7 -Denis Diderot, Deborah Korber, Nicolas Lambert).
17 Les indications chorologiques sont tirées de la Flore de France de Guinochet et de Vilmorin (1973-1984), de la Flore forestière française (Rameau, Mansion et Dumé, 1989-1993) et de l’Atlas partiel de la flore de France (Dupont, 1990).
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Quatre ans de recherche urbaine 2001-2004. Volume 2
Action concertée incitative Ville. Ministère de la Recherche
Émilie Bajolet, Marie-Flore Mattéi et Jean-Marc Rennes (dir.)
2006
Quatre ans de recherche urbaine 2001-2004. Volume I
Action concertée incitative Ville. Ministère de la Recherche
Émilie Bajolet, Marie-Flore Mattéi et Jean-Marc Rennes (dir.)
2006