Introduction première partie
p. 29-31
Texte intégral
On peut avoir une position à la fois rationaliste et attentive aux déterminations sociales ; cette position est indispensable à la compréhension de la science comme activité de production de connaissances.
Berthelot, 2008, p. 198.
1Engager une recherche sur les thèmes de l’alimentation, de la socialisation et du plaisir apparaît à l’évidence complexe puisque celle-ci est à la rencontre de différents champs de recherche et de points de vue disciplinaires.
2Notre démarche, se voulant porteuse d’un regard croisé, nécessite une revue de la littérature, un travail de clarification théorique et d’articulations des grilles de lecture mobilisées. Cette partie théorique a été élaborée pour chacune des trois entrées – l’alimentation, la socialisation et le plaisir – dans une filiation avec plusieurs travaux et avec l’objectif d’y apporter des prolongements. L’exercice n’est pas simple car il suppose de s’adosser à de nombreuses interprétations tout en montrant les points d’inclinaison et d’inclination repérés sur et entre chacune d’elles. Notre volonté de décrire, d’articuler et d’interpréter les points de vue n’a pas l’ambition et la prétention de tout saisir du phénomène ; elle n’a pas non plus pour vocation d’unifier les diverses postures au risque d’en réduire les portées heuristiques. La démarche consiste à soumettre, plus qu’à indexer, un espace de problématisation partagé et partageable sur le plaisir dans les processus de socialisation alimentaire des enfants et des adolescents. Elle prend en compte l’actualité sociale du sujet de recherche ainsi que la dynamique de production de connaissance qui lui est immanente.
3 Un état des lieux de l’histoire des problématisations de ces trois entrées est proposé en accentuant les espaces de réflexion partagés ou, à l’inverse, les controverses et débats scientifiques les organisant. Nous nous intéresserons également à la manière dont ces interprétations ont fluctué ainsi qu’aux raisons de cette fluctuation.
4L’angle des articulations entre les postures analytiques est privilégié. Pour permettre ce travail, la modernité est un fil conducteur. En tentant de cerner « l’expérience de la modernité » à partir de quelques-uns des questionnements se posant sur les trois thèmes, il est possible de faire apparaître la prise en considération profane et savante de formes historiques, sociales et culturelles de désajustement. Ces dernières peuvent aboutir à un récit ordonnateur pouvant s’inscrire dans une logique matricielle en termes de « différenciation sociale », de « rationalisation » ou encore de « condition moderne » (Martuccelli, 1999). Ce récit peut donner lieu à des perspectives renouvelées des déclinaisons de l’être ensemble et du devenir des sociétés.
5Le premier chapitre s’emparera du thème de l’alimentation contemporaine en décrivant les mutations opérées et leurs répercussions sur les mangeurs. Le concept de modernité alimentaire aide à articuler les enjeux sociaux, culturels, économiques, politiques et médicaux et les productions sociologiques visant à les comprendre pour montrer comment les relations entre science, culture et société sont interrogées. Nous montrerons dans quelle mesure la perspective matricielle sur la modernité est pertinente pour analyser la modernité alimentaire et ses conséquences et également dépasser quelques-uns des clivages analytiques dans la compréhension de cette question. En outre, celle-ci apportera un éclairage sur certaines dimensions ayant trait à cet objet de recherche : les trois figures de désajustement dans l’expérience de la modernité alimentaire interrogent en retour la socialisation et la place qu’y occupe le plaisir.
6Le deuxième chapitre sera consacré à la problématique de la socialisation. Les principales approches sociologiques, anthropologiques et psychosociologiques sur les processus de socialisation seront présentées. Nous dresserons les évolutions de l’histoire de la pensée sur ce concept pour repérer comment l’« expérience de la modernité » reconfigure les espaces-temps de la socialisation, les institutions ainsi que les rôles et les statuts des enfants et des adolescents. Puis une réflexion sur le processus de socialisation alimentaire sera proposée à partir d’un état des lieux des travaux s’étant intéressés à la notion. Nous questionnerons les préoccupations sociales en termes de crises de la transmission alimentaire au regard de la modernité. L’ensemble des apports théoriques mobilisés tout au long de ce chapitre conduira à proposer une définition du processus de socialisation alimentaire.
7Enfin, dans un troisième chapitre, nous aborderons l’histoire de la pensée sur le plaisir à partir de plusieurs disciplines pour montrer en quoi celui-ci peut être un objet pour la sociologie et quelles sont les entrées repérées ou envisageables pour faire la sociologie du plaisir. Un inventaire des travaux en sociologie de l’alimentation et des grilles de lecture se déployant ou pouvant se décliner sur le plaisir sera proposé. Le dynamisme récent dans la production dont celui-ci est l’objet sera appréhendé au regard des effets de sa thématisation et en raison de l’importance des représentations utilitaristes dans l’univers occidental. Nous montrerons en quoi l’« expérience de la modernité » reconfigure les relations que les mangeurs, y compris les plus jeunes d’entre eux, entretiennent avec le plaisir.
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