Introduction
p. 7-21
Texte intégral
1Pourquoi s’intéresser à l’alimentation dans le cadre des Expositions universelles, et de surcroît des Expositions de 1889 et de 1900 en particulier ? La réponse nous est venue tout naturellement par la consultation des exemples, anecdotes, témoignages ou portraits illustrés de situations plus ou moins fictives mettant en scènes des visiteurs qui mangent ou boivent sur le site des Expositions de 1889 et de 1900 à Paris : étudier les pratiques alimentaires dans une Exposition universelle nous fait voir à quel point elle est un espace vivant. Par là, entendons un espace continuellement en mouvement, avec un quotidien parsemé d’imprévisibilités, de surprises, et d’épreuves mais aussi d’ajustements continuels et de pratiques répétées qui permettent malgré tout de maintenir un certain ordre sur le site. En d’autres termes, notre argument général est qu’une attention portée aux activités alimentaires aux Expositions universelles permet d’explorer la riche texture du quotidien de ces événements (si paradoxale que paraisse cette expression) qui sont emplis de tensions, de rencontres et d’interactions qui demeurent invisibles si l’on s’en tient à une appréciation de l’architecture et des caractéristiques physiques des sites, ou des symboles et des discours qui y sont mis de l’avant.
2En explorant le quotidien alimentaire dans toute sa complexité et ses intrications nous voulons ainsi éviter de traiter les lieux d’Expositions universelles comme des géographies mortes, où tout est déjà joué à l’avance, pour plutôt les approcher comme des espaces mouvants, en constante réorganisation avec le passage continuel du flot d’êtres humains et de marchandises, et des espaces sensibles, chargés des émotions et de la vie des visiteurs. Ceux-ci mangent et boivent, ils et elles peuvent être atterrés par la faim ou la soif, enthousiasmés par les découvertes alimentaires qui s’offrent à eux dans l’éphémère cité internationale, déçus par le contenu des cartes, outrés par les prix imposés par les restaurateurs. Ils sont en fait la principale raison pour laquelle une Exposition universelle n’est jamais la même d’un jour à l’autre.
Des corps et des organes
3Car s’ils sont splendides tous ces palais et toutes ces cérémonies – et on a certainement raison d’y consacrer des chapitres sans fin car après tout, tous ou presque sont venus pour ça – il faudra bien qu’ils et elles pensent éventuellement à casser la croûte. Voilà en fait ce qui rend l’étude des pratiques alimentaires si fascinante dans le contexte des Expositions universelles. Elles ne font pas proprement partie des « clous », de ce qu’il y a vraiment à voir, mais personne ne peut s’en passer et tous ces visiteurs qui fourmillent sur le site auront forcément faim ou soif à un moment de la journée, quand il ne sera plus question de la tour de 300 m, de la Galerie des Machines ou de la grandeur de la République, mais des caprices des bouches, des plaintes des estomacs et de bien d’autres choses encore. Reléguées dans un coin du paysage, en tant que distraction pour l’œil du curieux, les ripailles, collations et abreuvements comme les minutes de sociabilité que ces événements procurent ne semblent là que pour rajouter une étincelle de vivacité aux splendeurs architecturales du site. Les traits rapides sous lesquels prennent forme la multitude des protagonistes – ou la multitude comme protagoniste – qui mangent et boivent et qui donnent vie à l’Exposition nous laissent avec l’impression que dans l’économie des représentations, celle de l’alimentation se diffracte devant la monumentalité des palais, pavillons et autres dispositifs scénographique. Par opposition à la violence représentationnelle de l’Exposition universelle qui capture et fige le flux du monde pour le reconstituer symboliquement en lieu ordonné1, la consommation alimentaire nous conduit dans le territoire incertain des pratiques mobiles des usagers qui font vibrer et trembler l’ordre géométrique du site. Le problème est toutefois beaucoup plus complexe et ne peut se résumer à cette opposition. Après tout, le mouvement incessant des passants sur les boulevards de la ville haussmannienne qui est dépeint par les artistes de l’époque, ne s’insère-t-il pas lui-même dans une entreprise de rendre lisible la ville en train de se faire2 ?
4En outre, nous ne voulons pas nous commettre unilatéralement dans un romantisme de la créativité pratique du consommateur qui fissurerait la rationalité d’un ordre disciplinaire qui lui est imposé. Protéiforme, l’alimentation reste continuellement un phénomène difficile à encadrer et à qualifier, alors qu’elle tire la couverture des interprétations dans tous les sens et résiste aux caractérisations les plus intuitives de nos modèles sociologiques : gastrique à midi, gastronomique à 18 h ; une fois désir d’exotisme, une autre fois retour aux plats les plus traditionnels ; pique-nique les soirs de semaine, événement mondain le dimanche ; symbole identitaire aux restaurants nationaux, produits industriels au palais de l’Alimentation ; activité où les sphères du biologique, du social, du culturel, de l’économique et du politique s’excluent ou s’entrecroisent selon les circonstances. L’alimentation nous mène à la vie, au flux vivant de corps, d’âmes et de matières sans lequel on imagine mal les Expositions universelles3, mais alternativement l’objet alimentaire, par son potentiel symbolique conjoint à sa contingence physiologique, nous amène inévitablement à dépasser l’opposition classique entre les sphères du matériel et du spirituel, entre les signes et les référents, entre les qualités utilitaires et les propriétés symboliques4, ou plus généralement entre la fixité des représentations et la mobilité des pratiques5.
5D’ailleurs peut-être a-t-on fait un peu trop rapidement des Expositions universelles du xixe siècle des utopies incarnées de l’idéal saint-simonien, des lieux aseptisés, microcosmes d’un monde dans lequel tous les problèmes sont résolus symboliquement. Ces corps matériels qui les habitent et les traversent, qui se nourrissent et se dilatent, ces corps charnels qui s’entrelacent avec le monde qui les entoure n’ont-ils pas un effet sur le temps et l’espace des expositions ? Revenons aux pensées d’un philosophe de l’époque qui, malgré son caractère taciturne, a lui-même fort probablement visité les Expositions de 1889 et 1900 :
Les systèmes philosophiques ne sont pas taillés à la mesure de la réalité où nous vivons. Ils sont trop larges pour elle. Examinez tel d’entre eux, convenablement choisi : vous verrez qu’il s’appliquerait aussi bien à un monde où il n’y aurait pas de plantes ni d’animaux, rien que des hommes ; où les hommes se passeraient de boire et de manger ; où ils ne dormiraient, ne rêveraient ni ne divagueraient ; où ils naîtraient décrépits pour finir nourrissons ; où l’énergie remonterait la pente de la dégradation ; où tout irait à rebours et se tiendrait à l’envers.6
6Les expositions ne sont donc pas seulement peuplées de ces corps abstraits ou disciplinés, ces fictions régulatrices servant de modèle générateur pour l’action (bio) politique7, mais aussi, surtout, de ces corps fragiles et ambivalents aux frontières fluides, qui incorporent, fatiguent, salissent, laissent des traces, ces corps qui absorbent et rejettent des matières organiques8.
7Les exemples corroborant cette situation ne manquent pas aux Expositions universelles de 1889 et 1900. Citons-en quelques-uns. Au printemps 1889, dès l’ouverture, des visiteurs courbaturés se plaignent d’un nombre insuffisant de bancs publics sur le site9. Équipement nécessaire pour de nombreux visiteurs qui les utiliseront pour casser la croûte avec leurs baguettes, leurs saucissons et leurs litres ; l’Administration s’efforcera de remédier à la situation pour le confort corporel et économique d’une partie non négligeable du public qui apporte ses propres vivres sur le site. Mentionnons également, toujours au printemps 1889, des plaintes à propos du manque d’un autre type d’équipement, également lié de près aux pratiques alimentaires : « On signale unanimement l’absence, dans le Champ de Mars, de ces édicules tout à fait nécessaires dont sont ornés, d’ailleurs, nos boulevards et nos promenades. C’est en effet, un fâcheux oubli, et il faut espérer qu’il y sera prochainement remédié10 ». Arpentons les voies sinueuses du fait divers qui nous conduisent aux petites histoires de l’Exposition, comme celle d’un marmiton travaillant en 1889 au premier étage de la tour Eiffel qui décide de percer un trou à travers le plancher pour se débarrasser rapidement et sans trop d’effort de ses eaux grasses et autres détritus, avec les conséquences que l’on imagine11. Ou alors reportons-nous en 1900 à ce problème municipal de distribution d’eau qui frappe certains arrondissements de la capitale à la fin du printemps alors qu’on se plaint, sur le site de l’Exposition et dans les quartiers environnants, d’une eau calcaire que certains qualifient de non potable. Le journal qui traite le dossier recommande ainsi à ses lecteurs de s’abreuver d’eau minérale ou gazeuse pour se prévenir des contrariétés gastriques12. Ce sont ces considérations de bouches, d’équipements et de matières organiques qui rendent les Expositions universelles imprévisibles, animées d’une texture vivante, riches en micro-événements de toutes sortes, dont les matériaux pluriels crient leur présence au stéthoscope du chercheur. Le philosophe David Kolb rappelle à cet effet dans son essai Sprawling Places, que les paysages typiques du capitalisme contemporain, des centres commerciaux aux parcs d’amusement, qui déplient cet univers marchand, spectaculaire et aseptisé sont continuellement ramenés aux considérations les plus prosaïques quand surgissent les considérations sensorielles du public13.
La grande bouffe
8Posons cette fois le problème inversement. En tant qu’événement, l’Exposition universelle constitue un lieu spécifique, avec ses propres configurations physiques, organisationnelles, culturelles et affectives particulières, qui imprime sa marque sur la forme des pratiques alimentaires. Référons-nous encore une fois à quelques exemples qui montrent de quelle manière les différents facteurs qui déterminent la spécificité et l’envergure de l’événement ont un impact direct sur les pratiques de consommation. En 1889, quelques semaines avant le jour d’ouverture, alors que les différents établissements de réfection en sont à finaliser leur installation, le chroniqueur du Bulletin officiel de l’Exposition universelle de 1889 pressent déjà la cohue des mangeurs qui animeront et occuperont leurs tables :
Songez qu’il y aura de 80 000 à 100 000 visiteurs par jour, qu’il faudra substancer tous les estomacs et désaltérer tous les gosiers ; des légions de garçons de café rangent les tables sur les terrasses, disposent les chaises ; d’innombrables tonneaux de bière et de vin sont entassés dans les caves. On dirait les préparatifs de quelque repas pantagruélique. C’est que l’Exposition sera une immense table d’hôte, et qu’il passera, par le Champ de Mars, plus de 20 millions de visiteurs.14
9La réalité dépassera les attentes alors que la moyenne journalière du nombre de visiteurs à l’Exposition universelle de 1889 atteindra le chiffre de 174 86615 avec les conséquences qu’on imagine sur le bon déroulement des repas et que nous explorerons plus loin. Les publicitaires de l’époque sautent d’ailleurs sur les conditions atmosphériques particulières de l’Exposition pour vanter l’utilité de leurs produits :
Les brusques changements de température, la fatigue provenant des longues visites à l’Exposition, la saison des dîners qui bat son plein, autant de causes fatales aux estomacs délicats non seulement des Parisiens, mais aussi des étrangers doublement éprouvés par le changement momentané d’existence. Pour parer aux inconvénients souvent très graves de ce surmenage forcé, le plus simple est de boire, à tous ses repas, l’eau de la source Badoit, dont les qualités bienfaisantes sont affirmées par cinquante ans de succès.16
10Cette réclame de Badoit résume déjà un ensemble de facteurs physiques, physiologiques, biologiques, sociaux et culturels qui font toute la spécificité de l’Exposition universelle comme lieu et situation pour les pratiques de consommation alimentaire. Et ce qui détermine le plus « le changement momentané d’existence » qu’impose l’événement, ce n’est pas tant l’addition de chacun des facteurs énoncés, que leur pluralité qui demande aux visiteurs une adaptation à un rythme de vie qui n’est pas seulement plus effréné mais bien plutôt plus varié. L’Exposition universelle apparaît alors comme un monde multiple en perpétuel changement où, comme le dit Donna Haraway, le corps est traversé par différents systèmes de spatio-temporalités17.
11Cela nous invite à explorer le paysage des événements, frictions et autres situations problématiques qui inscrivent nécessairement leur marque, par le biais des pratiques alimentaires, dans le tableau social des grandes expositions. Les Expositions universelles ont une grande dimension créative, comme le rappelle le spécialiste Volker Barth à propos de l’événement de 1867. Par là, il n’insiste pas tant sur la création artistique, architecturale, urbanistique ou industrielle associée aux expositions, que sur la création produite dans l’expérience même des visiteurs qui perçoivent le site dans toute sa complexité18. C’est en suivant cette voie que nous pouvons développer une analyse sur la consommation alimentaire, qui tient justement compte de la dimension créative de l’action face aux problèmes et résistances rencontrées dans les situations quotidiennes. Le corps mangeant, sujet aux réactions non intentionnelles de jouissance ou de dégoût ne peut ainsi être limité, dans l’analyse des pratiques culturelles, à sa fonction instrumentale19, d’autant plus que l’Exposition universelle en tant que situation spécifique dans l’économie quotidienne des affects invite à ne pas sous-estimer la dimension du plaisir dans un acte alimentaire contextualisé dans un cadre de « sortie », de temps de sociabilité pour plusieurs, et aux consonances résolument festives.
Alimentation, corporéité, spatialité
12Notre recherche gravite autour de la rencontre de trois pôles actantiels symétriques : l’espace, l’aliment et le corps. Il est évident qu’à ce moment précis du développement, chacun de ces pôles représente une abstraction qui se donne une fausse allure de concrétude et qui tranche à grands coups de sabre dans la texture subtile du réel des Expositions universelles. L’espace, les espaces, qui ne peuvent être réduits à leurs propriétés géométriques, pour être également considérés dans leur dimension relative ou relationnelle. L’aliment, les aliments, qui ne peuvent être abstraits de leurs différentes fonctions symboliques tout autant que de leur encastrement dans les assemblages matériels nécessaires à l’acte de consommation. Le corps, les corps, ceux des visiteurs, des employés, des acteurs mis en scène, tous ces corps qui forcément mangent et boivent ne peuvent évidemment être réduits dans leur pluralité charnelle à cette variable au singulier. Ces trois variables recèlent ainsi d’une substance complexe que nous travaillerons à mettre au jour et au cours de l’analyse, à chacune de ces étapes, elles se trouveront agencées et entremêlées d’une manière ou d’une autre. À cet effet, chacun des chapitres se présentera comme un point de vue, où un montage de points de vue, dont l’articulation nous permettra de cheminer à travers plusieurs lieux où se matérialisent les pratiques alimentaires dans une Exposition universelle. Ce qui demeure cependant fondamental tout au long de notre thèse est la chose suivante : chacune de ces variables est mutuellement constitutive des autres dans la mise en place et la performance de la consommation alimentaire. Explicitons la chose en prenant à tour de rôle chacun de ces pôles actantiels comme point de départ d’une analyse.
13L’espace. Plutôt que de considérer les contingences spatiales de l’Exposition universelle en tant que cadre sous-jacent des pratiques humaines, notre approche s’oriente plutôt sur le rôle performatif de l’espace et ses frontières fluides par rapport aux corps et aux objets qui l’habitent et qui y circulent, créant ainsi des espaces hybrides d’échanges et de turbulences20. Alors que l’Exposition universelle, le monde en un lieu, se présente sous ses plans comme une répartition raisonnée de différents sites avec leurs identifications et leurs divisions fonctionnelles, qu’ils soient allées, fontaines, kiosques, pavillons nationaux et palais, le mouvement quotidien des marchandises consommables, comme de consommateurs qui usent (et abusent) du site conduit inévitablement à appréhender l’articulation des différents types d’espaces mobilisés pour la gestion commerciale, le fonctionnement et la pratique de la manducation et de la bibition sur les sites et les rythmes différentiels qui y sont associés selon leurs particularités.
14L’aliment. L’actor-network theory a lourdement insisté sur la pertinence méthodologique de mettre l’accent sur la nécessité des assemblages matériels pour garantir la fonctionnalité pratique des objets. En d’autres termes la distinction entre l’ontologie matérielle des choses et les caractéristiques physiques de l’espace qu’elles habitent s’évanouit dans les réseaux d’actants dont les liens mutuels permettent précisément une certaine stabilité et une prévisibilité nécessaire à leur existence sociale21. Les aliments consommés à l’Exposition universelle doivent ainsi être évidemment considérés à la lumière de leur charge symbolique qui a le potentiel de se multiplier dans le contexte rituel particulier de l’Exposition, qui peut être rehaussé par différentes procédures de contextualisation plurisensorielle de la consommation, de l’herbe des pique-niques à la musique traditionnelle des restaurants ethniques. Mais aussi, il est nécessaire de considérer également les aliments par rapport à leur intégration dans une constellation de pratiques matérielles (surveillance des produits, hygiène, organisation spatiale des lieux, gestion administrative et réglementation des concessions) visant à construire un cadre pour l’alimentation des visiteurs qui non seulement module la forme des pratiques mais permet aussi précisément leur déploiement quotidien soutenu.
15Le corps. La philosophe féministe Elizabeth Grosz a déjà proposé un recalibrage de l’approche spatiale des pratiques corporelles en contournant ce qu’elle considère comme deux perspectives dualistes du rapport entre le corps et l’espace, soit d’un côté le traitement du corps comme récepteur des stimuli sensoriels générés dans la ville, et de l’autre les formes urbaines comme métaphores du corps avec ses organes et ses flux de circulation. Par opposition, la perspective qu’elle défend est qu’autant les contingences physiques des lieux contribuent à modeler les activités corporelles telles que l’alimentation, autant les activités corporelles redéfinissent en même temps les lieux, de sorte que le corps et l’environnement matériel en milieu urbain sont toujours d’une manière ou d’une autre mutuellement constitutifs22. Ainsi, la problématisation du corps implique inévitablement une attention pour l’espace et la culture matérielle23 : que l’on pense simplement aux différents objets destinés à assurer le confort corporel des visiteurs dans les restaurants, des chaises aux palmiers, terrasses et parasols, comme aux rôles attribués à certaines consommations (l’éternel bock) pour la régénération du corps et des esprits au milieu des longues visites aux palais et pavillons.
16L’argument est donc en partie négatif, en ce sens qu’il ne s’efforce pas de construire une interprétation générale du phénomène de l’alimentation aux Expositions universelles parisiennes, de produire une cartographie totale des pratiques, des discours et des représentations associées à l’alimentation en attribuant définitivement des positions aux causes et aux effets. Il s’agit plutôt, d’une part, d’aller au-delà des clichés déjà ressassés à propos des Expositions universelles en explorant les arcanes des lieux de manière à mettre en exergue toute la complexité de ce qui s’y trame et de ce qui s’y déroule. Une telle démarche tient évidemment aux limites imposées par les sources historiques disponibles qui nous empêchent de déployer à notre guise notre regard dans l’hinterland des pratiques quotidiennes multipliées plusieurs millions de fois par la masse des visiteurs. « À l’Exposition, tout est représenté, tout vit devant nos yeux, tout travaille, tout mange, tout boit, tout danse24 » s’exclame un chroniqueur du Bulletin officiel de l’Exposition universelle de 1889. Constatation certes fort utile pour justifier l’intérêt de notre recherche, mais constatation tout autant problématique en l’occurrence, car l’accumulation kaléidoscopique de ces touts hausse démesurément les exigences pour un traitement soutenu des pratiques alimentaires aux Expositions universelles. De plus, les très faibles et rares mentions de l’univers gustatif des Expositions de 1889 et de 1900 nous obligent souvent à tourner autour du plat et à gratter ailleurs que dans la nourriture des éléments d’informations sur ce qui peut composer l’expérience du manger et du boire dans ces événements.
17Mais positivement, le fait qu’une grande partie ce qui a pu être mangé et bu aux Expositions universelles s’est décomposée dans les cabinets d’aisance de l’histoire nous invite à prendre au sérieux l’idée amenée par Paul Veyne que les limites de l’investigation sont précisément elles-mêmes constitutives du travail de l’historien25 et que le caractère partiel de l’analyse est non seulement inévitable mais aussi nécessaire pour un traitement objectif du phénomène26. Le modèle que nous utiliserons pour borner le territoire heuristique de notre recherche sera celui qui est employé notamment par Bruno Latour dans son livre Paris : ville invisible, soit un cheminement à travers différents points de vue, nécessairement partiels, mais dont la connexion garantit un regard pluriel permettant un traitement plus juste de la complexité et de la pluridimensionalité de notre objet de recherche27. Un grand avantage de cette perspective, ou plus précisément de l’assemblage de perspectives induit par cette démarche, est d’éviter de se confiner à un regard en surplomb sur les Expositions universelles qui ne considérerait la question que sous l’angle des administrateurs28, mais aussi de dépasser l’autre réductionnisme, celui d’un romantisme ethnographique qui associerait l’expérience individuelle des usagers au fond solide de la réalité sociale. C’est précisément ici, dans le cadre d’une étude sur un phénomène de masse, qu’une heuristique ethnologique fondée sur une recherche à l’échelle microsociale en vue d’exhumer une connaissance livrée « de l’intérieur29 » va simultanément trouver toute sa pertinence et toucher à ses écueils les plus évidents, dont notamment la caractérisation de ce qui est de l’ordre de l’intérieur et l’extérieur dans le contexte d’une Exposition universelle. Ainsi que le suggère Ian Hacking, il devient alors pertinent d’aplanir le terrain de l’enquête en se penchant à la fois sur l’archéologie des institutions qui construisent et définissent le cadre des actions sociales et l’identité des individus, de même que sur les interactions quotidiennes qui travaillent à créer et à redéfinir les rôles des acteurs30. Pour revenir au problème de l’alimentation aux Expositions universelles, il s’agit donc de considérer sur un même niveau, ou symétriquement pour emprunter un terme cher à la sociologie des sciences, le « haut », soit la planification du site, l’organisation et la gestion des lieux de consommation, et le « bas », l’expérience sensible, sociale et subjective de la consommation alimentaire telle que vécue par les visiteurs31.
18Voilà qui définit la spatialité du problème de l’alimentation aux Expositions universelles, c’est-à-dire comment des corps, des aliments et des lieux s’entremêlent de différentes manières. À cela, rajoutons maintenant le relief temporel des expositions.
19Il est difficile de contourner la spécificité historique de chacune de ces expositions et leur insertion dans les différents champs de forces de l’époque qui auront donné forme à leur manifestation. Cependant, à la lumière de ce que disent eux-mêmes les matériaux de notre recherche, le regard diachronique restera limité à l’intérieur de notre narration dans la mesure où les évolutions, ou plus simplement les différences, dans les pratiques de consommation alimentaires entre 1889 et 1900 sont rarement, ou plutôt occasionnellement, de nature très significative, d’où le parti de traiter plus souvent qu’autrement au cours de l’analyse des deux expositions en bloc et de ne souligner les caractères diachroniques que lorsque la chose est pertinente.
20C’est ce qui nous invite à porter notre attention sur l’événementialité de l’Exposition universelle. Les travaux de Carlo Ginzburg insistent incessamment sur la nécessité pour l’historien de déjouer le fétichisme du contexte, soit le court-circuit explicatif qui applique une intégration sans friction des données brutes accumulées par le travail de recherche dans les moules déjà constitués du contexte, qu’il soit social, culturel, politique ou historique, effaçant ainsi l’ontologie différentielle de la trace historique32. Une considération pour l’événementialité de l’Exposition, c’est-à-dire par exemple la rupture d’intelligibilité qu’elle implique33 et son caractère créatif, produisant de nouvelles temporalités, des actions, des interactions, des liens et des confrontations, des paroles et des émotions34, nous amène ainsi à contourner l’écueil représentationnel qui conduit à évacuer la spécificité de l’expérience vécue de l’Exposition universelle en intégrant ses différentes composantes dans une grille interprétative. Sans singulariser l’exceptionnalité du site d’une Exposition universelle en le rendant incommensurable par rapport au temps et à l’espace de la vie quotidienne, nous voulons à tout le moins explorer l’éventail de conditions qui construisent la spécificité des situations de pratiques alimentaires qui s’y tiennent35. S’il est alors essentiel de rattacher nos deux manifestations à une conjonction de lignes de force historiques, mais sans pour autant les réduire à des exemplifications qui rendraient visible un processus historique plus large à la croisée de dimensions d’ordre économique (le capitalisme industriel), social (le développement des loisirs et du temps libre), politique (le processus de démocratisation sous la IIIe République), culturel (l’essor de nouvelles formes de divertissement) et technique (le progrès dans les transports, sans parler de toutes les nouvelles inventions mises à profit pour nourrir l’industrie du divertissement). En d’autres termes, les Expositions universelles ne font pas que reproduire en concentré la symphonie historique de l’époque, elles performent aussi ces nouvelles formes culturelles de l’industrie des loisirs de même qu’elles construisent effectivement des réseaux d’échanges internationaux qui s’établissent ou se consolident à l’occasion de l’événement.
21Ce livre se divise en trois grandes parties, chacune composée de deux chapitres. Dans la première partie, nous définirons le cadre de la consommation alimentaire aux Expositions universelles parisiennes afin de mettre en exergue la spécificité des sites. Le premier chapitre montre ainsi de quelle manière une Exposition universelle qui donne lieu à l’expression de discours moraux, politiques, sociaux ou économiques, construit un nouvel environnement dans lequel doivent s’adapter les formes des pratiques alimentaires qui prennent de nouvelles significations dans cette multiplication de pratiques et de représentations. Nous voulons ainsi montrer dans ce chapitre introductif que malgré le caractère idéologique des expositions et leur discours pacifiant, le problème de l’alimentation, lié de près à celui du public qui occupera irrémédiablement l’espace démocratique, génère un ensemble de controverses au sein de cet événement qui se présente pourtant comme la résolution rituelle de l’ensemble des problèmes du monde. Le second chapitre constitue en quelque sorte le miroir du premier, car il porte sur les réponses administratives et organisationnelles des deux expositions face à toutes les incertitudes et les controverses concernant l’alimentation du public qui menacent potentiellement le bon déroulement des manifestations, ne serait-ce que parce que l’alimentation est tributaire du confort et de la santé des visiteurs. Il y est notamment montré comment l’effectivité économique du marché de la restauration sur les sites des expositions est intimement dépendante d’une complexification des règlements d’exploitation et d’une surveillance quotidienne des sites dont le rôle est de réduire l’imprévisibilité des échanges économiques.
22La seconde partie reprend un thème classique dans le traitement des Expositions universelles, soit le rapport entre pouvoir et identité, mais en insistant sur le caractère performatif plutôt que représentatif des aliments consommés, qui ne font pas que reproduire des stéréotypes et des catégories mentales déjà établies, mais contribuent également à la construction de nouvelles associations et différentiations. Le chapitre iii insiste sur la mise en valeur de la singularité des marchandises alimentaires présentées au public et montre de quelle façon cette mise en valeur se décline de différentes manières selon les types de lieux de consommation. Le chapitre iv porte sur les sections coloniales des Expositions universelles et montre comment une attention à l’alimentation, tant des visiteurs métropolitains aux restaurants ou cafés-concerts exotiques, que des « indigènes » exhibés dans les « zoos humains », nous amène vers une exploration du quotidien vivant des expositions coloniales, avec ses échanges interculturels, ses points de tension et de controverses, de même que les pratiques de distinction qui s’y produisent au sein même du public.
23La troisième partie, s’intéresse plus spécifiquement à l’expérience subjective des visiteurs qui consomment aux Expositions universelles. Le chapitre v porte sur l’importance du cadre sensoriel et du confort corporel dans la définition des pratiques de consommation alimentaire, dans la mesure où les lieux de restauration doivent être interprétés, entre autres choses, comme des lieux de restauration des forces corporelles (et spirituelles) des visiteurs parfois éreintés par la marche dans les galeries, la météo, ou la présence envahissante de la foule. Le chapitre vi porte sur le cadre social des repas à l’Exposition, mais non pas tant pour montrer comment les repas s’inscrivent dans un univers de représentations collectives que pour explorer comment les caractéristiques des lieux consommation (en faisant contraster les pique-niques dans les jardins et les repas dans les restaurants) contribuent à la distribution des rôles et des identités sociales. Nous voulons ainsi montrer comment le fait de manger et de boire à l’Exposition « fait » société, et arrive ainsi, grâce au caractère populaire de l’événement qui rassemble en son sein des individus de toutes provenances sociales ou géographiques, à performer de nouvelles configurations sociales.
Notes de bas de page
1 « Representations thus perform a certain violence by arresting the relational flux of the world ». Noel Castree et Thomas MacMillan, « Old news : representation and academic novelty », Environment and Planning A, vol. 36, no 3 (2004), p. 475.
2 T. J. Clark, The Painting of Modern Life : Paris in the Art of Manet and his Followers, Princeton, Princeton University Press, 1984.
3 « Flux : the sense that whatever is out there is not a structure with a discoverable shape, but is excessively filled with and made in heteromorphic currents, eddies, flows, vortices, unpredictable changes, stroms, and with moments of lull and calm. » John Law, After Method : Mess in Social Science Research, Londres, Routledge, 2004, p. 160.
4 Voir Webb Keane, « Semiotics and the Social Analysis of Material Things », Language & Communication, vol. 23 (2003), p. 409-425. D’autant plus que la raison pratique est en soi une notion qui est loin d’être aussi transparente et universelle qu’il n’y paraît. Voir Marshall Sahlins, Au cœur des sociétés : raison utilitaire et raison culturelle, Paris, Gallimard, 1980.
5 Voir par exemple Castree et MacMillan, op. cit.
6 Henri Bergson, La pensée et le mouvant, Paris, PUF, 2009, p. 1.
7 Voir Michel de Certeau, « Histoires de corps », Esprit, no 62 (1982), p. 179-187.
8 Robyn Longhurst, Bodies : Exploring Fluid Boundaries, Londres, Routledge, 2001.
9 « Chronique générale », La Gazette de France, 269e année, 12 mai 1889, s. p.
10 « Chronique de l’Exposition », L’Intransigeant, no 3222 (10 mai 1889), s. p.
11 Michel Mortier, « Journal de l’Exposition », L’Événement, 18e année, no 6289 (1 1889), s. p.
12 « Chronique de l’Exposition », La Souveraineté nationale, 9 mai 1900, s. p.
13 « Theme parks may try to make standing in lines part of the themed experience, but the fact of crowds and waiting cannot be ignored. Disney tries to make trash removal unobstrusive, but the staff involved are not invisible, even the machinery below the podium is ». David Kolb, Sprawling Places, Athens, University of Georgia Press, 2008, p. 131.
14 « Chronique en zig-zags », Bulletin officiel de l’Exposition universelle de 1889. Quotidien illustré, 2e série, numéro spécimen (avril 1889), p. 4.
15 Alfred Picard, Exposition universelle internationale de 1889 à Paris : Rapport général. Tome troisième : Exploitation, services divers, régime financier et bilan de l’Exposition universelle de 1889, Paris, Imprimerie nationale, 1891, p. 256.
16 « À travers Paris », Le Figaro, 46e année, no 128 (9 mai 1900), p. 1.
17 Donna Haraway et David Harvey, « Nature, Politics, and Possibilities : A Debate and Discussion with David Harvey and Donna Haraway », Environment and Planning D : Society and Space, vol. 13 (1995), p. 507-527.
18 Volker Barth, « The Micro-history of a World Event : Intention, Perception and Imagination at the Exposition universelle de 1867 », Museum and Society, vol. 6, no 1 (2008), p. 22-37.
19 Hans Joas, La créativité de l’agir, Paris, Cerf, 1999.
20 Comme le dit le géographe Nigel Thrift : « all kinds of hybrids are being continually recast by processes of circulation within and between particular spaces. The world is made up of all kinds of things brought in to relation with one another by this universe of spaces through a continuous and largely involuntary process of encounter and the often violent training that the encounter forces ». Nigel Thrift, « Space », Theory, Culture & Society, vol. 23, no 2-3 (2006), p. 139.
21 John Law, « Objects and Spaces », Theory, Culture & Society, vol. 19, no 5-6 (2002), p. 91-105.
22 Elizabeth Grosz, « Bodies-Cities » dans Heidi J. Nast et Steve Pile (dir.), Places through the Body, Londres, Routledge, 1998, p. 42-51.
23 Voir Gillian Rose, « Geography and Gender, Cartographies and Corporealities », Progress in Human Geography, vol. 19, no 4 (1995), p. 544-548.
24 F.L., « Chronique », Bulletin officiel de l’Exposition universelle de 1889. Quotidien illustré, 2e série, no 93 (16 août 1889), p. 2.
25 Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, 1978.
26 Comme le remarque la géographe féministe Gillian Rose : « In contrast to the godtrick of claiming to see the whole world while remaining distanced from it, subjugated and critical knowledges work from their situatedness to produce partial perspectives on the world. They see the world from specific locations, embodied and particular, and never innocent ; siting is intimately involved in sighting. » Gillian Rose, « Situating Knowledges : Positionality, Reflexivities and Other Tactics », Progress in Human Geography, vol. 23, no 3 (1997), p. 308. On peut évidemment se référer aussi au fameux texte de Donna Haraway sur les « savoirs situés » dans Simians, Cyborgs and Women : The Reinvention of Nature, Londres, Routledge, 1991, p. 183-201.
27 Bruno Latour, Paris : ville invisible, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 1998. À titre d’exemple proche de nos intérêts particuliers, l’auteur nous fait apprécier les changements de perspective sur une même pratique en nous faisant cheminer de l’intérieur d’un café où les consommateurs mangent, s’abreuvent et discutent à l’arrière-boutique où sont tenus les registres de comptabilité. Comme autres exemples de cette stratégie du déplacement, nous pouvons également citer les différents regards offerts sur Los Angeles par Mike Davis, City of Quartz : Los Angeles, capitale du futur, Paris, La Découverte, 2006 ou revenir aux tactiques de recherche créative proposées par Charles Wright Mills, L’imagination sociologique, Paris, La Découverte, 1997 (1959).
28 L’exemple le plus connu de cette différence qualitative d’échelles entre le regard élitiste d’en haut et l’exploration de l’ici-bas qui met en valeur une forme de « vérité de la rue » est probablement le texte de Michel de Certeau sur la marche dans la ville qui commence justement par un coup d’oeil en surplomb du haut des défuntes tours du World Trade Center. On ne peut s’empêcher d’y voir, sans que cela soit forcément critiquable, le retour d’un refoulé anthropologique qui est souvent lui-même aux fondations de la démarche ethnographique qui prend au sérieux la rationalité des acteurs étudiés : le mythe du bon sauvage. Sur le sujet, voir le chapitre de Karen Sykes, « The awkward legacy of the Noble Savage » dans son livre Arguing with Anthropology : An Introduction to Critical Theories of the Gift, Londres, Routledge, 2005, p. 19-37.
29 Tel qu’exprimé par Gérard Althabe, « Ethnologie du contemporain et enquête de terrain », Terrain, no 14 (1990), p. 126-131.
30 Ian Hacking, « Between Michel Foucault and Erving Goffman : Between Discourse in the Abstract and Face to Face Interaction », Economy and Society, vol. 33, no 3 (2004), p. 277-302.
31 Nous pourrions situer notre démarche à la suite de ce que le sociologue Nick Crossley appelle une sociologie charnelle du corps qui appelle à la conciliation d’une « sociologie du corps » orientée vers « ce qui est fait au corps » et une sociologie charnelle analysant « ce que le corps fait ». Nick Crossley, « Merleau-Ponty, the Elusive Body and Carnal Sociology », Body & Society, vol. 1, no 1 (1995), p. 43-63.
32 Carlo Ginzburg, Rapports de force : histoire, rhétorique, preuve, Paris, Gallimard, 2003. Michel de Certeau rappelle cependant que malgré tout il subsiste toujours dans l’écriture historiographique une altérité du passé « qui se marque jusque dans le travail qui la résorbe ». Michel de Certeau, Histoire et psychanalyse : entre science et fiction, Paris, Gallimard, 2002 (1987), p. 212. Pour une critique de la notion de contexte, voir Roy Dilley, « Introduction : The Problem of Context » dans Roy Dilley (dir.), The Problem of Context, New York, Berghahn, 1999, p. 1-46.
33 Alban Bensa et Didier Fassin, « Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, no 38 (2002), p. 6-20.
34 Voir Arlette Farge, « Penser et définir l’événement en histoire : Approche des situations et des acteurs sociaux », Terrain, no 38 (2002), p. 69-78.
35 Nous voulons ainsi éviter de nous enfermer dans le piège d’une opposition trop marquée entre l’ordinaire de la vie quotidienne et l’exceptionnel de l’expérience touristique. Comme le souligne Tim Edensor, les pratiques touristiques se caractérisent à la fois par une imbrication dans les conventions de la vie quotidiennes et par l’ouverture d’espaces d’improvisation et de contestation. Tim Edensor, « Performing tourism, staging tourism : (re)producing tourist space and practice », Tourist Studies, vol. 1, no 1 (2001), p. 59-81.
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