1 Parmi ces correspondants figurent des membres de sa famille, telle sa cousine Marguerite, professeur de philosophie, des amis d’horizons très variés : Jeanne Mortier, férue de philosophie, secrétaire de Teilhard et qui recueillera les œuvres du Père jésuite pour en assurer, après la mort de celui-ci, la publication, Madame Hardt, femme d’un directeur des usines Citroën, lequel connut Teilhard en Chine, des savants, géologues, paléontologistes, biologistes, des collègues de travail, des ecclésiastiques, des philosophes, des théologiens, beaucoup de jésuites, naturellement, des laïcs aussi. Citons quelques figures de premier plan : le Père Valensin, philosophe, disciple de Maurice Blondel, grand confident de Teilhard, le Père Leroy, biologiste, le Père Henri de Lubac, des dominicains, parmi lesquels l’illustre Père Sertillanges, d’autres philosophes, Maurice Blondel, Édouard Le Roy, agrégé de mathématiques, qui occupa la chaire de philosophie moderne au Collège de France, succédant à Maurice Blondel, la brillante Léontine Zanta, spécialiste du stoïcisme. Il faut encore mentionner le minéralogiste Christophe Gaudefroy, l’abbé Breuil, préhistorien, Jean Boussac, géologue. La liste, loin d’être complète, illustre bien l’importance de la pensée du Père Teilhard de Chardin.
2 Outre les ouvrages de Teilhard de Chardin cités en note, voici ceux dont il faut tenir compte pour la présente analyse : Genèse d’une pensée, Lettres, 1914-1919, Paris, Grasset, 1961 ; Lettres de guerre inédites : Pierre Teilhard de Chardin et Jean Boussac, présentées par François Guillaumont, Paris, OEIL, 1986 ; Lettres à Édouard Le Roy, 1921-1946, Paris, Éditions Jésuites de Paris, 2008 ; Lettres à Jeanne Mortier, Paris, Le Seuil, 1984 ; Lettres de voyage, 1923-1955, Paris, Grasset, 1956 ; Lettres inédites, à l’abbé Gaudefroy et à l’abbé Breuil, Monaco, Le Rocher, 1988 ; Je m’explique, textes choisis par Jean-Pierre Demoulin, Paris, Le Seuil, 1965 ; Notes de retraites, 1919-1954, Paris, Le Seuil, 2003 ; La Place de l’homme dans la nature, Paris, Albin Michel, 1956 ; Science et Christ, Paris, Le Seuil, 1965.
À quoi on ajoutera les études suivantes : G.-H. Baudry, Dictionnaire des correspondants de Teilhard de Chardin, Lille, École d’Imprimerie Saint-Luc, 1972 ; Le Péché dit originel, Paris, Beauchesne, coll. « Théologie historique », no 113 (2000) ; C. Baumgartner, Le Dogme du péché originel, Paris, Desclée et Cie, 1969 ; G. Crespy, De la Science à la théologie, essai sur Teilhard de Chardin, Neuchâtel et Paris, Delachaux et Niestlé, 1965 ; A. Léonard, « La Foi chrétienne à l’épreuve du mal », dans Les Raisons de croire, Paris, Communio-Fayard, 1987 ; H. de Lubac, La Pensée religieuse du Père Teilhard de Chardin, Paris, Aubier-Montaigne, 1962 ; G. Minois, Les Origines du Mal : une histoire du péché originel, Paris, Fayard, 2002 ; É. Rideau, La Pensée du Père Teilhard de Chardin, Paris, Le Seuil, 1965 ; B. Sese, Petite vie de Pierre Teilhard de Chardin, Paris, Desclée de Brouwer, 2007 ; Teilhard de Chardin et la pensée catholique, Colloque de Venise (juin 1962), C. Cuenot (dir.), Paris, Le Seuil, 1965 ; N.M. Wilders, Teilhard de Chardin, Paris, Éditions Universitaires, 1960.
3 D’où l’importance que Teilhard accordait à l’épisode de la Transfiguration.
4 L’origine de la suspicion qui s’exerça à son égard se situe dans une malencontreuse indiscrétion : il avait rédigé en 1922 une note confidentielle sur le problème du péché originel, note qui circula à son insu et finit, on ne sait comment, par être connue à Rome.
5 « C’est le cas d’apprendre à dire avec saint Paul : C’est quand je me sens faible que réellement je suis fort. Il n’est pas mauvais de se sentir perdre pied : on se raccroche plus sincèrement à la main de Notre Seigneur » (25 juin 1916).
6 T. de Chardin, Écrits du temps de la guerre, Paris, Grasset, 1965.
7 C’est sous ce titre que furent publiées les lettres de cette période.
8 Il voit dans la guerre, conformément peut-être à l’idéologie de l’époque, mais selon un mode de pensée qui nous paraît aujourd’hui étrange, un point d’affrontement de deux mondes, de deux civilisations, et estime que de cet affrontement, de ce feu destructeur, qui est en même temps puissance de fusion, doit naître un monde meilleur.
9 Cette phrase montre combien les accusations de panthéisme furent injustes à l’égard de Teilhard.
10 « La Vie cosmique », dans T. de Chardin, Écrits du temps de la guerre, p. 56.
11 Loc. cit.
12 Dans T. de Chardin, Écrits du temps de la guerre, p. 151. Il ne parviendra pas sans heurts à cette sérénité : on peut constater avec quelle émotion il évoque la mort de son ami Boussac dans une lettre du 8 septembre 1916.
13 T. de Chardin, Lettres intimes, 1919-1955, Paris, Aubier-Montaigne, 1974, p. 143.
14 Une branche de la famille Teilhard descendait d’une des nièces de Voltaire, fille de la sœur de l’écrivain, et sœur de Madame Denis.
15 Parfois cette dernière idée lui semble faire son chemin : il remarque que pour la messe du Christ-Roi les textes choisis pour le nouvel office expriment souvent les grands attributs du Christ universel : « Ma prière dimanche prochain sera une intense demande faite à Notre Seigneur d’être vraiment choisi parmi ceux qui feront quelque chose, si peu que ce soit, afin de découvrir la vraie nature de sa domination universelle. »
16 Teilhard accorde à l’évolution de l’Église la même confiance qu’à l’évolution cosmique. Sa perspective est optimiste, car positivement eschatologique.
17 Nos citations du Nouveau Testament sont données dans la traduction du chanoine É. Osty, Le Nouveau Testament, Paris, Éditions Siloé, 1955.
18 « Cette noosphère possède une énergie propre, définie par l’énergie spiritualisée » : cf. G. Martelet, Teilhard de Chardin, prophète d’un Christ toujours plus grand, Bruxelles, Lessius, 2005, p. 32 ; T. de Chardin, L’Énergie humaine, Paris, Le Seuil, 1962, VI, p. 146.
19 Cf. G. Martelet, Teilhard de Chardin, prophète d’un Christ…, p. 39 : « L’Incarnation est donc d’abord une incorporation de Dieu à la réalité du monde qui commande celle même de l’homme. »
20 Ibid., p. 147.
21 « Celui qui est descendu, c’est le même qui est aussi monté par delà tous les cieux, afin de remplir l’univers […] par la pratique d’une charité sincère, nous grandirons de toute manière en nous élevant vers celui qui est la tête, le Christ, dont le corps tout entier, grâce à tous les ligaments qui le desservent, tire cohésion et unité, et par l’activité assignée à chacun de ses organes, opère sa croissance pour s’édifier lui-même dans la charité. » (Paul, Ep. 4, 10-16).
22 T. de Chardin, Hymne de l’univers, Paris, Le Seuil, 1961, p. 13-57.
23 Cf. Paul, Col 1, 24 : « Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ. »
24 Cf. Paul, Rm 8, 22 : « Nous savons en effet que présentement encore la création tout entière gémit dans les douleurs de l’enfantement ».
25 T. de Chardin, Le Milieu divin, Paris, Le Seuil, 1957, p. 77-79.
26 On lit dans un texte de 1922, celui qui valut à Teilhard ses premiers déboires, intitulé Note sur quelques représentations historiques possibles du péché originel : « La béatitude du Paradis terrestre, c’est le salut constamment offert à tous, mais refusé par beaucoup, et organisé de telle sorte que personne n’arrive en sa possession que par unification de son être en Notre Seigneur. » (T. de Chardin, Comment je crois, Paris, Le Seuil, 1969, p. 68).
27 T. de Chardin, Le Milieu divin, p. 105-106.
28 Id., Comment je crois, p. 50-51. L’éditeur de ce texte note : « En niant ici l’historicité d’“Adam”, le Père Teilhard ne nie pas pour autant l’essentiel du dogme du péché originel qui est l’universalité du péché en chaque homme et donc la nécessité universelle de la Rédemption » (p. 52).
29 La troisième solution rejetée comme trop « fantastique », c’est de considérer qu’« Adam et Ève […] ont commencé leur existence dans une sphère du Monde différente de la nôtre. Par leur Chute ils sont tombés dans une sphère inférieure, ils ont été immatérialisés, incarnés, insérés dans la série proprement animale où nous naissons aujourd’hui : ils sont re-nés, au-dessous de leur premier état. » (T. de Chardin, Comment je crois, p. 65). Cette thèse, qui permet de concilier l’explication traditionnelle avec les avancées de la science contemporaine, était celle, empruntée à certains Pères grecs, que développait à l’époque de Teilhard le Père Charles. Aujourd’hui encore elle a ses partisans, par exemple en la personne d’André Léonard, qui s’oppose sur ce point à Gustave Martelet ou à Gérard-Henry Baudry, tous deux proches en cela des idées de Teilhard.
30 Paul, Rm 5 : « […] de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, […] [de même] à bien plus forte raison, la grâce de Dieu et le don que confère la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont-ils en abondance répandus sur la multitude […] Car, de même que par la désobéissance d’un seul homme la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l’obéissance d’un seul la multitude sera constituée juste. »
31 T. de Chardin, « Chute, rédemption et géocentrie », écrit en 1920, repris dans Comment je crois, p. 47-57.
32 Nous venons de retracer synthétiquement une pensée qui en fait ne s’est élaborée que progressivement. Gustave Martelet (Teilhard de Chardin…, p. 130-158) a distingué cinq étapes dans le développement de cette théorie, dans une période qui s’étend de 1916 à 1952, c’est-à-dire sur une bonne trentaine d’années. C’est dire combien le Père jésuite n’a cessé de réfléchir à cette grave question, de chercher et de nuancer les réponses qu’il estimait pouvoir y apporter.
33 Teilhard de Chardin écrivait en 1952 : « Mon rêve : pouvoir confesser, professer ma réponse à la question [de Jésus] : “Quem dicunt esse Filium hominis ?” [Pour eux, qui est le Fils de l’Homme ? Mt 16, 3]. Réponse : le Foyer évolutif de l’ (d’un) Univers Convergent. »
34 « Béni soit le Dieu et père de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis et comblés aux cieux de toutes les bénédictions spirituelles dans le Christ. Ne nous a-t-il pas élus en Lui dès avant la fondation du monde pour être saints et sans tache à ses yeux dans l’amour ? Ne nous a-t-Il pas dans son libre vouloir destinés d’avance à être ses fils adoptifs par Jésus-Christ, à la louange de sa grâce éclatante dont Il nous a gratifiés dans le Bien-Aimé ? C’est en lui, par son sang, que nous avons la rédemption, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce que Dieu nous a prodiguée en toute sagesse et intelligence, nous faisant connaître le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’Il avait par avance arrêté en lui-même pour le réaliser dans la plénitude des temps, à savoir : rassembler toutes choses dans le Christ, ce qui est aux cieux et ce qui est sur la terre. » (Ep. 1, 3-10).
35 Cf. « La Messe sur le monde », dans T. de Chardin, Hymne de l’univers, p. 21-22 : « Puisque, une fois encore, Seigneur, non plus dans les forêts de l’Aisne, mais dans les steppes d’Asie, je n’ai ni pain, ni vin, ni autel, je m’élèverai par-dessus les symboles jusqu’à la pure majesté du Réel, et je vous offrirai, moi votre prêtre, sur l’autel de la Terre entière, le travail et la peine du Monde […] Mon calice et ma patène, ce sont les profondeurs d’une âme largement ouverte à toutes les forces qui, dans un instant, vont s’élever de tous les points du Globe et converger vers l’Esprit. »
36 Dans une lettre au Père Fontoynont, il parle d’une Ecclesia quaerens.
37 Paul VI avait créé une commission de réflexion sur la question du péché originel, commission qui n’a pas livré de conclusions. Mais G.-H. Baudry a relevé que, dans Lumen gentium, Gaudium et spes et Dei verbum, l’interprétation historicisante des récits bibliques, réduite au minimum, est écartée. Jean XXIII avait déclaré : « Autre est le dépôt lui-même de la foi, c’est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable doctrine, et autre est la forme dans laquelle ces vérités sont énoncées, en leur conservant toutefois le même sens et la même portée. »