Chapitre I
Qu’est-ce que le saké ? Définition et classification d’un mot aux sens multiples
p. 25-35
Texte intégral
1Dans l’introduction le saké a brièvement été défini comme une boisson japonaise issue de la fermentation du riz. Si la définition ainsi posée est relativement simple, l’utilisation du mot et la classification de la boisson sont néanmoins problématiques. En japonais, le terme sake a en effet plusieurs significations et son passage dans la langue française est loin d’être évident, d’autant que cette difficulté se double d’un problème de classification : issu d’une céréale et brassé comme une bière, le saké a l’apparence et la finesse du vin tout en étant la boisson alcoolique obtenue par fermentation la plus forte du monde (dans certains cas, le moût peut contenir jusqu’à 21° d’alcool).
2Cette originalité déroute et, selon les critères retenus pour effectuer le classement (technique de fabrication, apparence, origine ou ingrédients), les analogies divergent. Ce premier chapitre va commencer par poser la question de ce qu’est le saké et quelle définition proposer pour une traduction en français, avant de voir s’il peut être inclus dans une catégorie plus large.
Qu’entendre par saké ? Les difficultés de vocabulaire
Origine du mot
3Sake est un mot d’origine japonaise qui préexiste à l’adoption de l’écriture chinoise par la civilisation japonaise à partir du vie siècle. L’étymologie du caractère chinois contient le caractère yuû qui signifie « vase de fermentation ». Associé à la clef de l’eau, il rend bien compte de ce que pouvaient être les premières boissons alcooliques à base de céréales en Chine ou au Japon : des bouillies mises à fermenter dans des vases.
En japonais
4En japonais, le mot sake a plusieurs sens et signifie à la fois « boisson alcoolisée », « alcool » au sens large et « boisson issue de la fermentation du riz ». La lecture japonaise du caractère est utilisée dans le sens générique de boisson alcoolisée, tandis que sa lecture chinoise shu sert à préciser le type de boisson comme par exemple pour umeshu (liqueur de prune) ou budoushu qui désigne le vin.
5En raison de sa double définition, à la fois générique et spécifique, le mot saké prête à confusion et son acception varie selon les auteurs. Dans les ouvrages non japonais, il est tantôt employé pour désigner uniquement les boissons issues de la fermentation du riz, tantôt pour désigner les boissons japonaises ayant pour ingrédient le riz (associant ainsi les boissons distillées et fermentées), tantôt pour qualifier l’ensemble des boissons traditionnelles japonaises. Dans les ouvrages japonais, le mot est dans la plupart des cas synonyme de boisson alcoolisée qu’elle soit d’origine japonaise ou non. Pour distinguer la boisson de riz fermentée, les auteurs japonais emploient généralement le terme nihonshu que l’on peut traduire par « vin japonais », qu’ils opposent à yôshu, qui désigne les boissons d’origine étrangère1.
6Pour comprendre le double sens du mot sake en japonais, il faut tenir compte du fait que l’acception générique qui englobe tous les alcools est récente. Elle ne date en réalité que de la fin du xixe siècle. Jusqu’à cette période, qui correspond à l’ouverture du Japon au monde et à l’entrée de produits étrangers, seul le sens de boisson fermentée issue du riz était en usage pour une simple raison : le saké représentait pratiquement la seule boisson alcoolique disponible dans l’archipel. Les boissons alcoolisées à base de fruits comme l’umeshu étaient obtenues par macération dans du saké ou une autre base, tandis que les boissons distillées étaient peu produites et avaient une consommation très régionale, confinée dans le sud de Kyûshû et à Okinawa. En ce qui concerne les boissons étrangères comme le vin, la bière ou les alcools forts, elles restaient très peu connues et seuls quelques privilégiés y avaient eu accès.
7La faible part des autres types de breuvages disponibles au Japon avant son ouverture au monde à la fin du xixe siècle n’a jamais rendu nécessaire la différentiation sémantique entre le saké et les autres boissons. L’alcool était le saké et le saké était l’alcool. Le vocabulaire n’existait pratiquement que pour désigner ses catégories internes selon le degré de raffinement.
8Ce n’est donc qu’à partir du moment où les Japonais ont été en contact avec toute une gamme de boissons totalement différentes qu’ils ont alors éprouvé le besoin de nommer ce qu’ils consommaient depuis des siècles. Le choix du terme nihonshu qui s’est imposé dans les années 1920 est révélateur de l’identification culturelle des Japonais par rapport à cette boisson. Le mot est formé par les deux caractères désignant le Japon nihon et par le caractère sake utilisant la prononciation shu.
9Alors que la dénomination sake connait un réel succès au dehors des frontières du Japon, nihonshu reste peu connu. Cette identification de la boisson de riz fermenté au seul Japon met toutefois de côté au niveau du vocabulaire d’autres breuvages semblables existant en Chine, en Corée ou en Asie du Sud-Est. S’ils n’ont pas aujourd’hui la même renommée que leur cousin japonais, ils appartiennent néanmoins à une même famille pour laquelle le vocabulaire manque et sur lequel il faudra revenir.
En Français
10Si l’on en croit le Dictionnaire historique de la langue française, la première utilisation du mot saké en français date de 1667 avec pour orthographe « saqué »2. Il apparaît ensuite sans définition dans l’article sur le riz de L’Encyclopédie (1777) sous le nom de « sakki »3.
11Il faut toutefois attendre la fin du xixe siècle pour que le mot soit véritablement utilisé et commence à signifier quelque chose. Avec l’ouverture du Japon, les premières relations diplomatiques et commerciales, puis la vague du japonisme en Europe, il est de plus en plus fait mention de la boisson dans les récits de voyage comme élément de l’exotisme ou comme curiosité. L’orthographe employée hésite alors entre « saké » et « saki »4. La littérature puis le cinéma popularisent la dénomination « saké »5, mais l’hésitation sur la graphie s’est prolongée jusque dans les années 1980. Par exemple, dans le Petit Robert « saki » était l’orthographe principale du mot jusque dans l’édition de 1983.
12Le mot « saké » est aujourd’hui complètement passé dans la langue française. Il renvoie à une boisson japonaise issue du riz, même si la définition des dictionnaires n’est pas toujours très claire quant à sa véritable nature. Ainsi, pour le Littré, il s’agit d’une « boisson japonaise à base d’alcool de riz qui se boit généralement tiède en digestif. » Le Larousse 2000 va dans le même sens en proposant comme définition : « Boisson japonaise alcoolisée obtenue par la fermentation artificielle du riz », tandis que pour le Grand Robert, le saké est une « boisson alcoolisée japonaise obtenue par fermentation du riz. »
13Distillé, fermenté, artificiel ? Vin, alcool, liqueur ? Dans les quelques lignes précédentes tout a été dit et son contraire. Il ne s’agit pas ici d’incriminer les auteurs de ces ouvrages, mais simplement de montrer la méconnaissance que les Français peuvent avoir du saké. Un exercice semblable sur des dictionnaires anglais, allemands, italiens ou espagnols donnerait le même résultat et rend indispensable la formulation d’une définition claire, d’autant plus qu’une évolution récente tend à étendre le terme à toute boisson extrême-orientale ayant pour ingrédient le riz.
14Au moins pour le cas français, les restaurateurs et commerçants chinois sont particulièrement responsables de cette dérive en proposant leurs différents alcools exotiques sous la dénomination saké. Cette tendance étant également observable dans les autres pays européens et en Amérique du Nord, il semble que cet élargissement du sens soit en réalité une conséquence de la période d’expansion coloniale japonaise en Asie qui a favorisé, auprès des populations occupées, l’usage générique du mot. Les immigrants chinois ou vietnamiens venus ensuite en Europe ou en Amérique du Nord ont largement repris le terme qui a l’avantage d’avoir une prononciation relativement aisée et une profonde évocation exotique.
15L’utilisation du mot saké en français est donc complexe et nécessite une mise au point. Éliminons d’emblée une facilité. Il serait plus simple d’envisager de reprendre directement le mot japonais nihonshu en lui appliquant une définition précise et éviter ainsi les contorsions de vocabulaire. Ce choix permettrait une traduction aisée mais il faut admettre que le terme est compliqué, difficile à prononcer et ne renvoie pas à une notion claire pour un non-spécialiste du Japon. L’usage a fait que les Français ont appelé la boisson saké et, par souci de clarté, il est préférable de garder cette dénomination en lui offrant une définition la plus précise possible.
Classification du saké et définition du mot en français
16Afin d’avoir une catégorisation claire, il ne peut être question de regrouper sous une même appellation des boissons, distillées ou fermentées, ayant pour ingrédient le riz, d’origine japonaise ou situées dans le flou de l’Extrême-Orient. Pour éviter toute confusion, le sens du mot « saké » doit se limiter au sens de boisson de riz fermentée.
17La dénomination des boissons alcoolisées est généralement fonction d’une des catégories suivantes : leurs ingrédients, leur technique de fabrication ou leur origine. À partir de leurs aires d’origine, la fabrication de certaines boissons et leurs dénominations se sont parfois étendues à d’autres espaces et à d’autres langues. C’est le cas bien connu du whisky, qui est aujourd’hui produit dans de nombreux pays et en particulier au Japon. C’est aussi le cas du Cognac qui, malgré les protections juridiques qui l’entourent, est produit dans plusieurs régions du monde. Concernant les noms renvoyant à une origine géographique, ils peuvent se conjuguer à de nombreuses échelles, des zones les plus vastes (monde slave pour la vodka) aux micro-terroirs des appellations des vins de Bourgogne, en passant par des pays ou des régions (Champagne, Madère).
18Si nous appliquons ces réflexions d’ordre général au saké, au niveau du procédé de fabrication, il appartient à la catégorie des boissons fermentées, son ingrédient principal est le riz et sa délimitation géographique correspond au Japon. Élargir le mot à toute boisson de riz fermentée ne semble pas pertinent, au moins actuellement. Saké est un mot d’origine japonaise et cette distinction se doit d’être conservée.
19Pour définir le saké, nous proposons donc la définition suivante en apportant quelques précisions concernant le processus de fabrication.
Saké : boisson alcoolique japonaise issue de la fermentation du riz, dont le riz, l’eau, la moisissure kôji et les levures sont les seuls ingrédients. Le saké est issu d’un processus de fermentations multiples et parallèles effectué dans des cuves ouvertes. Sa teneur en alcool varie généralement entre 12 et 17°.
Le saké parmi les boissons traditionnelles japonaises
20Après avoir défini et circonscrit l’usage du mot en français, il est à présent nécessaire de le replacer dans le cadre japonais et de régler le problème du sens générique de boisson alcoolisée que le terme sake peut avoir dans sa langue d’origine.
21Le Japon produit aujourd’hui plusieurs boissons, soit distillées, soit fermentées, que nous pouvons qualifier de « traditionnelles » dans le sens où elles existaient avant l’importation de boissons étrangères lors de l’ouverture du pays à la fin du xixe siècle (voir fig. 1).
22Les boissons fermentées à base de riz comprennent le nigorizake, saké non filtré au taux d’alcool se situant autour de 10°, dans lequel les résidus de riz sont encore présents et le seishu, saké filtré, qui utilise des grains de riz polis et dont la teneur en alcool varie en général entre 12 et 17°.
23Les boissons distillées comprennent le shôchû, eau-de-vie issue de la distillation de divers végétaux (céréales, patates douces), qui titre entre 25 et 35°, et l’awamori, alcool de pommes de terre ou de grains des îles Ryûkyû, dont la teneur en alcool dépasse le plus souvent les 45°.
24Parmi les mélanges, le mirin, principalement utilisé en cuisine, est une boisson sucrée issue de la distillation d’une base de seishu, de levure et de riz. Il existe également une grande variété de boissons alcoolisées à base de fruits issues de macérations dans du seishu ou du shôchû.
25Ce que nous avons entendu par saké en français correspond donc aux boissons de riz fermentées, c’est-à-dire le nigorizake et le seishu. Une dernière question qui se pose est de savoir si le mot « saké » doit ou non comprendre le nigorizake. Au Japon, selon les auteurs, nihonshu est soit un synonyme de seishu, soit inclut le nigorizake. Nous prendrons le parti de cette deuxième solution pour des raisons à la fois techniques (il s’agit d’un même type de boisson) et historiques (les procédés de polissage du riz et la généralisation du filtrage ne se développent qu’à partir du xvie siècle). Restreindre la définition du saké au seishu obligerait à rechercher un autre mot pour caractériser la boisson de l’Antiquité et du Moyen Âge, ce qui serait incohérent.
Peut-on inclure le saké dans une catégorie plus large ?
26Plusieurs autres boissons issues de la fermentation du riz n’existent ailleurs qu’au Japon et il apparaît souhaitable de pouvoir disposer d’une catégorie bien définie pour les nommer. Dans cette entreprise nous faisons malheureusement face à un manque de vocabulaire immédiatement utilisable.
27En partant de critères techniques, nous pouvons observer que les boissons fermentées se décomposent en deux catégories, d’une part celles obtenues à partir de céréales et d’autre part celles obtenues à partir de fruits. Curieusement il n’existe ni en français, ni en japonais de terme générique pour nommer ces deux familles. Ainsi pour les fruits, le raisin produit le vin, la pomme le cidre, la poire le poiré, mais, dès lors que l’on s’éloigne des grands classiques, le vocabulaire vient à manquer et l’on finit le plus souvent par définir le produit comme un « vin de… ». Pour la fermentation des céréales, le vocabulaire est encore plus pauvre puisque la bière domine. Seule l’antique cervoise introduit une certaine nuance, mais pas assez nette pour être utilisée.
28L’absence de vocabulaire nous invite à utiliser les notions disponibles plutôt que d’inventer un néologisme ou de reprendre tel quel un terme technique que seuls les spécialistes seraient à même de comprendre. À quoi le saké est-il en général assimilé ? Un alcool, une liqueur, une bière, un vin. Éliminons d’emblée l’alcool et la liqueur qui impliquent une distillation et un mélange, restent la bière et le vin. Peut-on les utiliser pour nommer le saké « bière » ou « vin » de riz ?
Une bière de riz ?
29Issu de la fermentation d’une céréale, le saké devrait être logiquement défini comme une bière de riz. Son processus de fabrication associant une grande quantité d’eau peut en effet s’assimiler à un brassage. À première vue, l’analogie semble tout à fait acceptable.
30La définition de la bière obéit cependant à des critères précis : c’est une boisson alcoolique issue de la fermentation de céréales obtenue à partir d’un malt. Elle est rendue gazeuse par une re-fermentation en cuves fermées et sa teneur en alcool est relativement faible (en général moins de 10°)6. Même si le saké n’est pas élaboré à partir d’un malt et qu’il résulte d’un procédé de fermentations multiples et parallèles, il aurait été tout à fait possible d’élargir le terme bière à cette catégorie particulière de boissons.
31L’élément qui apparaît le plus gênant pour ce choix est que le résultat final du brassage du saké diffère totalement de celui de la bière. À l’apparence, le saké est translucide, non gazeux et ne mousse pas7. Au goût, il a la finesse du vin, la saveur sucrée domine et son degré d’alcool est beaucoup plus élevé (12-17°). Pour compliquer les choses, il faut le mentionner, la bière de riz, issue d’un malt germé existe aussi, produite en très petites quantités au Japon et dans quelques pays d’Asie du Sud-Est. Choisir le mot bière pour catégoriser le saké reviendrait à poser une équivalence entre ces deux boissons, ce qui n’est absolument pas souhaitable, et renforcerait encore plus les ambiguïtés concernant la véritable nature du saké.
Un vin de riz ?
32Le saké peut-il être considéré comme un vin ? En allemand ou en anglais, langues pour lesquelles le mot « vin » a une acception beaucoup plus large, le saké est souvent défini comme Reißwein ou rice-wine8. En France pourtant, beaucoup se refusent à employer le terme de vin pour d’autres boissons alcooliques que celles issues de la vigne. C’est également la définition officielle de la Communauté européenne qui définit le vin comme un « produit obtenu exclusivement par la fermentation alcoolique totale ou partielle de raisins frais, foulés ou non, ou de moût de raisin9. »
33Malgré cette tendance à vouloir, au moins en français, limiter l’usage du mot « vin » au seul produit de la vigne, l’usage démontre que bien des boissons fermentées non issues de la vigne sont dénommées « vin » par analogie. C’est le cas des vins de pêche, de noix, de myrtilles ou de groseilles et, bien sûr, du vin de palme10.
34Ainsi, plutôt que de prendre en compte dans la définition les ingrédients ou le procédé de fabrication, et, afin d’éviter les habituels malentendus sur la nature du saké, il paraît préférable de considérer le résultat final de la boisson, son apparence et son goût. Tous ces éléments rapprochent le saké du vin et les premiers Européens mis en contact avec lui l’ont d’ailleurs naturellement désigné de la sorte. Ce fut notamment le cas de Saint François-Xavier qui, dans sa correspondance de 1549, notait à propos des Japonais : « Ce sont des gens sobres dans le manger bien qu’ils soient portés sur la boisson. Ils boivent du vin de riz car il n’y a pas de vignes en ce pays11. » La sainteté du personnage invite à prendre en considération cette intuition de terminologie qui a, par la suite, largement été reprise par d’autres.
35Les boissons alcooliques issues de la fermentation du riz peuvent ainsi être définies comme des « vins de riz », et, le saké, plus spécifiquement désigné comme le « vin de riz japonais ». Cette classification et cette définition présentent l’avantage d’offrir une nouvelle catégorie qui pourra permettre des comparaisons entre les différentes boissons de même type produites en Asie. Elle permet de dépasser le caractère unique et souvent folklorique dans lequel elles sont souvent restées confinées.
36Pour catégoriser les vins de riz, la définition suivante apporte, tout comme pour le saké, des précisions concernant le processus de fabrication.
Vin de riz : boisson alcoolique issue de la fermentation du riz. Les vins de riz sont produits grâce à un ferment qui permet de convertir l’amidon du riz en sucre, puis grâce à l’action de levures qui réalisent la fermentation alcoolique.
37À partir du moment où une catégorie a été définie, les classifications internes de chaque vin de riz ainsi que les dénominations locales peuvent facilement être retenues. Ainsi, à l’intérieur du saké, il est possible d’adopter la classification japonaise en distinguant le nigorizake et le seishu, mais aussi en employant les diverses catégories, classées selon le degré de polissage des grains de riz, utilisés aujourd’hui par la législation sur la qualité.
Un vin de céréales ?
38Un dernier point doit encore être pris en considération. La technique qui permet de transformer l’amidon du riz en sucre dans le cadre d’une première transformation est également applicable à d’autres céréales. De fait, et nous le verrons par la suite, il existe dans l’ensemble de l’Asie de l’Est d’autres boissons, semblables au saké, mais issues de la fermentation d’autres céréales que le riz, comme par exemple l’avoine ou le millet. Pour catégoriser ces boissons dont le processus de fabrication est semblable dans son principe à celui des vins de riz, nous proposerons de les nommer « vins de céréales ». Cette dernière précision permet d’obtenir la définition suivante :
Vins de céréales : boissons alcooliques issues de la fermentation de céréales. Parmi les vins de céréales, ceux issus du riz sont les plus répandus, mais d’autres ingrédients peuvent être utilisés, comme l’avoine ou le millet. Les vins de céréales sont produits grâce à un ferment qui permet de convertir l’amidon des céréales en sucre, puis grâce à l’action de levures qui réalisent la fermentation alcoolique. Leur aire de distribution est principalement l’Asie orientale.
39Au terme de ce cheminement sur le vocabulaire, il apparaît donc souhaitable de limiter l’utilisation du mot « saké » en français à l’équivalent du mot japonais nihonshu. L’exercice, loin d’être purement académique, oblige à se pencher sur la véritable nature de la boisson et à la catégoriser avec précision. Pour cela, en l’absence de terme immédiatement disponible en langue française, il faut travailler par analogie et proposer une nouvelle catégorie de boisson, celle des vins de céréales. Le saké peut ainsi être défini comme le vin de riz japonais. Une définition surprenante pour qui considère le vin comme le seul produit de la vigne mais qui est certainement la moins mauvaise des analogies, puisqu’elle permet de rendre compte à la fois du caractère de boisson fermentée du saké et de son inscription culturelle dans l’aire civilisationnelle japonaise.
Notes de bas de page
1 Yôshu signifie « boisson occidentale » et utilise le caractère désignant l’ouest. Le terme comprend dans les catégories officielles bière, vin, liqueurs, whisky et brandy. Il est curieux de constater qu’il n’y a pas de dénomination pour les autres boissons asiatiques.
2 Dictionnaire historique de la langue française (2000).
3 Diderot (éd. 1969), article sur le riz.
4 Beillevaire (2001).
5 On pense notamment au célèbre film d’Ozu Yasujiro, Sanma no aji, traduit en français par Le goût du saké.
6 Lichine (1983), entrée bière.
7 Seul le nigorizake est légèrement pétillant car il est bu jeune, comme pour le vin qui frise un peu au printemps qui suit la vendange.
8 Au Japon, dans les magasins qui proposent des étiquetages en anglais, le saké est généralement présenté comme Japanese rice wine. C’est particulièrement le cas dans les boutiques hors taxe des aéroports.
9 Définition communautaire du 17 mai 1999.
10 Toutes ces appellations figurent dans le Dictionnaire des vins et alcools qui peut ici faire figure de référence en la matière. Lichine (op. cit.).
11 Saint François-Xavier (éd. 1987), « Lettre aux compagnons résidant à Goa », 5 novembre 1559, p. 330.
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