Pouvoir municipal et patriciat dans une ville de l’ouest de Louis XI à la révolution : Le Mans
p. 297-307
Texte intégral
1Ce travail s’inscrit dans la logique de l’étude des villes ligueuses qui ont constitué l’armature essentielle du mouvement révolutionnaire qui a secoué la France à la fin du xvie siècle. En effet si certaines villes se sont comportées comme de véritables républiques urbaines indépendantes, d’autres telles Le Mans donnent l’impression d’avoir été ballottées entre les clans nobiliaires et les partis nationaux sans avoir manifesté aucun souci particulier d’indépendance. Il s’agit donc de percer les tenants et les aboutissants de cette situation originale en choisissant le cas du Mans où le pouvoir municipal paraît absent1.
2La principale difficulté rencontrée vient de la destruction par le feu des registres de l’hôtel de ville en 1799, ce qui empêche l’historien d’avoir accès aux originaux et l’oblige à se contenter des copies et publications réalisées par un érudit local : T. Cauvin2.
3Grâce aux listes de membres de la municipalité et d’officiers du présidial ainsi sauvées des flammes, il est possible d’analyser les composantes du pouvoir patricien dans la ville du Mans, d’abord en regardant la mise en place des institutions municipales, puis en les comparant à celles d’autres villes, ensuite en examinant la composition sociologique et les comportements des responsables de la cité et des magistrats du présidial, enfin en nous penchant sur les structures du patriciat.
Le système municipal du Mans
4On connaît la variété des institutions municipales mises en place à la fin du Moyen Âge et à l’époque moderne. Bernard Chevalier dit en substance que l’âge d’or des « bonnes villes » se situe sous les règnes de Charles VII et Louis XI puis se continue jusqu’à la fin du siècle suivant3.
5Ainsi, dans l’ouest de la France, à Nantes, des libertés sont données puis résiliées. En 1420 un duc de Bretagne crée un conseil de bourgeoisie mais il faut attendre 1559 pour que François II institue un maire. L’opposition de la prévôté, du présidial, de la cour des comptes et du parlement va obliger les bourgeois à radicaliser leur démarche pour imposer leur pouvoir4.
6La chronologie est semblable à Orléans. En 1383, dix prud’hommes gouvernent les affaires publiques, en 1504, Louis XII, les appelle échevins mais il faut attendre 1568 pour qu’un maire soit créé5. En Limousin et en Auvergne, il faut aussi attendre Charles IX pour voir se créer des tribunaux consulaires et des consulats6.
7Au contraire, à Angers tout se passe plus tôt. En février 1474, une charte crée un maire élu pour trois ans, dix-huit échevins, trente-six conseillers, un procureur et un greffier, tous choisis à vie. Des lettres patentes de Charles VIII ramènent le mandat du premier magistrat à un an et des arrêts du parlement en 1584 et 1601 trouvent un compromis à deux ans7.
8Au Mans la situation est encore différente par rapport à tous ces modèles. En 1481, Louis XI propose à la ville un maire, six pairs et six conseillers qui auront tous la noblesse transmissible. En outre les habitants seront exempts de franc fief et d’arrière ban, privilège très intéressant dont toutes les villes sont friandes car les bourgeoisies peuvent acheter des seigneuries qui leur permettent généralement de tenir un rang honorable dans la société des notables et éventuellement d’entrer dans la noblesse de façon traditionnelle alors que l’anoblissement par les offices, le roi ou le beffroi des Hôtels de ville ont très mauvaise presse.
9Les Manceaux refuseront la noblesse transmissible. Pourtant bien d’autres villes bénéficieront de ce privilège et l’accepteront : dès le xive siècle, il avait été donné à La Rochelle et à Poitiers, au XVe, à Bourges, Niort, Paris, Saint-Jean-d’Angely, Tours, Toulouse, au XVIe à Angoulême, Lyon, Nantes.
10Les cinq critiques des notables du Mans, sont les suivantes :
- pas d’anoblissement du Maire, des conseillers, des pairs ;
- les conseillers ne pourront imposer sans le consentement des habitants sauf commandement du roi ;
- les receveurs rendront compte de leur gestion devant le maire, les pairs, les conseillers, le sénéchal, le juge ordinaire du Maine et le procureur du roi ;
- les habitants de la ville et ceux des faubourgs pourront continuer à vendre le vin de leur cru sans demander congé ;
- l’égalité des privilèges entre les faubourgs et la ville doit être maintenue.
11La première critique, le refus de l’anoblissement du maire, des pairs et conseillers se comprend facilement car la coutume du Maine pour les roturiers est l’une des plus égalitaires de France alors que celle qui concerne les nobles est une des plus inégalitaires. Il s’agit bien entendu de maintenir la propriété entre les mains de l’aîné, les cadets n’ayant que l’usufruit de leur part8. Comme les bourgeois du Mans ont obtenu l’exemption du franc fief et de l’arrière ban, ils s’estiment satisfaits et ne veulent pas d’une noblesse qui romprait l’égalité traditionnelle entre les notables et dispenserait de la taille un certain nombre d’entre eux.
12À Angers où la coutume est aussi égalitaire comme dans tous les pays de l’ouest, si l’anoblissement est accepté, un arrêt du parlement est obtenu afin que les nouveaux nobles puissent partager les biens de façon roturière, c’est-à-dire égalitaire9.
13Ce refus de l’anoblissement au Mans, comparé à l’acceptation d’autres villes, ajouté au fait que le poste de maire ne sera pas créé, mais aussi que les habitants expriment une méfiance instinctive, vis-à-vis de l’institution municipale en demandant que les conseillers ne puissent pas imposer sans le consentement des habitants, montre un désir de la population de ne pas permettre à une oligarchie de se constituer comme telle et de s’attribuer des pouvoirs trop importants. On touche là je pense à un trait anthropologique des habitants de la province : une aspiration à une égalité écrite dans la coutume en 1508 et un désir de déléguer le moins possible d’autorité.
14On retrouve ce même principe dans la troisième critique portant sur le contrôle de la gestion du receveur. Louis XI avait choisi une commission plus restreinte : le maire, les pairs, les conseillers, un officier royal de la ville, donnant ainsi plus d’autonomie à la municipalité vis-à-vis des autorités de la sénéchaussée. Les habitants ne retinrent pas le maire, puisqu’ils n’en voulaient pas mais ils ajoutèrent le sénéchal, le juge ordinaire et le procureur du roi. Évidemment on peut se demander si cette position de la ville du Mans a été prise très librement ou sous l’influence des officiers de la sénéchaussée, désireux de continuer à contrôler la vie municipale. On a vu que Nantes était dans ce cas de figure. On peut simplement noter que le sénéchal est Jehan d’Harcourt, premier chambellan de Charles d’Anjou, comte du Maine, que le juge ordinaire du Maine est Laurent de Courbefosse seigneur de la Bussonnière, maître des comptes du comté et que le procureur est Pierre Le Corvaisier. Ces trois hommes ont le mérite d’être connus des Manceaux parce qu’ils sont déjà intégrés dans les institutions du comté. Quant aux deux derniers, ils appartiennent à la notabilité de la ville.
15Il semble qu’il existe une distorsion entre les projets du roi qui souhaite faire naître des patriciats municipaux sur lesquels il pourrait s’appuyer, politiquement et fiscalement et la vision de la ville telle qu’elle est perçue par ses gestionnaires et la population. Ils craignent avant tout l’interventionnisme du pouvoir central et les excès de l’impôt. D’ailleurs quatre des cinq critiques émises traitent de l’égalité des habitants de la ville et des faubourgs, des privilèges et de la fiscalité.
16Ce qui est remarquable dans la démarche du souverain, c’est qu’il ne cherche pas à imposer son point de vue et qu’il accepte la concertation. Il nomme un commissaire pour s’occuper du problème des Manceaux et accepte toutes leurs revendications (lettres de juillet 1483 de Montils les Tours).
17Charles VIII confirme de La Flèche en septembre 1483 les lettres de son père mais modifie la composition de la municipalité. Les affaires de la ville seront gouvernées par quatre échevins (un officier royal, un avocat, un bourgeois, un marchand), un procureur, un receveur, un clerc de la ville, deux sergents. Deux hommes d’église seront nommés l’un par l’évêque, l’autre par le chapitre. Les mandats sont de deux années. Les échevins auront le droit d’assembler d’autres habitants avec eux jusqu’au nombre de vingt-quatre et faire ainsi assemblée générale. Les lettres furent vérifiées par les cours de justice qui rappelèrent que la présence d’un officier du roi était nécessaire pour chaque réunion d’une assemblée générale.
18Cette tutelle des officiers royaux ne paraît pas déranger les Manceaux qui y semblent accoutumés.
Un pouvoir concurrent : le présidial
19Les deux institutions, corps municipal et présidial sont apparemment sur un plan d’égalité et le font savoir symboliquement lors des cérémonies publiques. En effet, pour éviter que la préséance soit donnée à l’un ou à l’autre, les membres des deux assemblées marchent alignés côte à côte sur deux lignes droites. Certes périodiquement le présidial fait des tentatives restées vaines pour rompre ce bel équilibre à son avantage. Un arrêt du Conseil du roi du 7 août 1703 confirme une déclaration du 19 avril 1702 qui enjoint aux officiers du présidial de figurer un à un avec ceux de la ville dans les cérémonies publiques sous peine de désobéissance.
20Cependant on peut s’interroger à propos de cette égalité ; comme il n’y a pas de maire, c’est le lieutenant général de la sénéchaussée et du présidial qui fait fonction de maire comme « gardiateur des privilèges de la ville ». Premier magistrat du Maine, il est aussi le maître de la capitale de la province. Sa fonction a été légalisée par trois délibérations de l’Hôtel de ville en 1567,1575 et 1589, sept arrêts du parlement de Paris, entre 1574 et 1672, un arrêt du Conseil le 22 avril 1672. Néanmoins cette accumulation d’actes montre que l’affaire fait l’objet de débats. À partir de 1574, la fonction de maire du lieutenant est contestée de l’intérieur du présidial par le président de cette cour de justice. La querelle semble apaisée après 1672 et disparaît après la création de l’office de maire en 1692 et son achat par le lieutenant général Jacques Le Vayer. En 1717, la législation sur les créations d’offices étant abolie, le combat reprend de plus belle mais en 1733, la bataille semble-t-il, avait d’autres objectifs car l’opposition était menée par « sept officiers du présidial » dont on ne connaît pas les noms et par « un certain nombre d’autres habitants ». Tous veulent la liberté d’élire un maire : ils sont déboutés en 1738 et la paix va désormais régner, le lieutenant exerçant la fonction de maire jusqu’en 1764 année de la réforme Laverdy.
21En 1765, le maire choisi est le lieutenant criminel, en 1771 un avocat, en 1772, un conseiller au présidial puis son fils en 1782. On distingue donc une certaine ouverture avec l’arrivée d’un avocat et de conseillers.
22Pour ce qui concerne les échevins, on n’assiste pas à des transformations spectaculaires sur la longue durée comme dans d’autres villes.
23Ainsi on ne trouve pas comme à Angers une proportion de 75 % d’officiers de judicature et les évolutions ne sont pas comparables à celles d’Amiens ou de Nantes. Les équilibres sont à peu près respectés : certes il existe comme partout une montée officière au xviie siècle mais limitée à 6 % et un retour à la situation du xvie au xviiie (- 9 %) alors que le monde économique demeure autour de 20 %. En revanche les avocats connaissent une légère mais irrémédiable érosion de 42 à 35 %. Si on examine le détail on s’aperçoit de la chute du monde juridique et de la marchandise, de la montée des négociants, des maîtres de forge et des professions libérales (notaires et médecins).
24Si on compare le nombre des familles d’échevins et celui des conseillers au présidial, on est frappé par l’ouverture beaucoup plus grande de la municipalité. À l’époque des guerres de religion le coefficient multiplicateur est de 2,6 mais il passe à 2,1 dans la première moitié du xviie siècle car le présidial augmente sa base de recrutement de 10 familles (+ 28 %). Sous le règne de Louis XIV, le présidial retrouvera sa position du xvie alors que l’Hôtel de ville compte 14 % de familles en plus. L’écart est alors le plus important en coefficient, le nombre d’échevins étant 3,2 fois plus important que celui des magistrats du présidial. Entre 1701 et 1750, si le présidial demeure stable il n’en est pas de même de la municipalité qui est à son chiffre le plus bas des trois siècles.
25Le premier paradoxe de ces évolutions est que la plus grande ouverture corresponde au siècle de Louis XIV, c’est-à-dire celui qui est considéré comme le plus centralisateur. Le second est que pendant les deux derniers siècles qui voient l’effacement du présidial dans le corps des échevins, les magistrats occupent sans cesse la fonction de maire comme si symboliquement leur seule présence à la tête de la ville suffisait pour affirmer la supériorité de la cour de justice. D’ailleurs en fonction des mêmes apparences, le présidial héberge la municipalité car cette dernière n’a pas de local avant 1581 et se réunit dans des maisons privées. À cette date, elle occupe deux chambres dans la tour d’Angoulfer près du palais. En 1600, l’Hôtel de ville est établi dans une maison pour laquelle il est payé un loyer puis le présidial fait construire au-dessus de la salle d’audience un appartement pour servir d’hôtel de ville. Il n’est pas possible de montrer plus fortement la dépendance de la municipalité vis-à-vis de la cour de justice.
26Il est probable que cette situation s’explique par la réputation de grande valeur du présidial du Mans. L’intendant Colbert de Croissy, lors de l’enquête de 1664, conclut en écrivant : « Je n’ai pas remarqué d’abus considérables dans ce siège, toutes choses étant assez dans l’ordre. »10 D’ailleurs, le frère du grand Colbert n’évoque à aucun moment l’Hôtel de ville dans son rapport. L’historien Robert Descimon dans le livre qu’il a consacré au président Le Boindre, manceau d’origine, souligne que le présidial du Mans « constitue l’une des zones classiques du recrutement des magistrats parisiens ». Il constate aussi que le Maine « est riche de légistes » et que « les élites urbaines tendent à adopter le style de vie de la noblesse terrienne dans ses châteaux et [...] seigneuries »11. Il cite des noms célèbres : Berryer, Le Boindre, Garnier, Quélain, Le Vayer.
27Il est en effet frappant de souligner que le patriciat manceau connaît une forte évaporation vers des strates sociales plus élevées. Sur 49 familles dont nous avons étudié la généalogie, 24 % ont un destin national, parlementaire, parisien, nobiliaire, dans la haute administration ou l’armée12. On peut citer les Garnier, les Le Boindre, les Joubert, les Le Vayer au parlement de Paris, les Berryer et La Rivière dans les finances du roi, les Le Gras du Luart comme maître des requêtes. Des hommes d’affaires ont aussi réussi un beau parcours social : Véron de Forbonnais, le physiocrate descend de l’inventeur de l’étamine du Mans, Cureau grand négociant devient notaire et secrétaire du roi comme Le Prince d’Ardenay le fameux cirier. Les Cailleau marchands drapiers au Mans dans la première moitié du xviie siècle achètent des offices au grenier à sel et au présidial puis en 1747 « une savonnette à vilains ». Enfin ils accèdent aux armées.
28Il est évident que des personnalités aussi importantes du présidial vont s’imposer dans le gouvernement de la ville. Un tableau montre que le présidial est très présent dans l’échevinage à toutes les époques.
29La moitié des officiers du présidial accède à l’échevinage entre 1551 et 1600. Cette proportion monte à l’âge d’or de l’office pour retomber ensuite. Les patriciens de l’Hôtel de ville sont moins nombreux dans le présidial. Si on veut examiner la volonté de domination de l’Hôtel de ville par le présidial il faut regarder le moment de l’entrée dans chacun de ces corps. On a alors l’impression que le contrôle du présidial est quasi-total jusqu’en 1650 puis qu’il perd de sa force ensuite.
30La proportion des allers et retours entre les deux institutions montre que si une volonté indéniable de domination du présidial sur la municipalité est une réalité, il existe aussi un patriciat du Mans qui s’exprime par sa présence dans ces deux corps qui représentent bien à eux deux la notabilité.
Le patriciat manceau
31Le tableau analysé plus haut indique que si on excepte la première moitié du xviie siècle, à toutes les périodes étudiées, près de la moitié des familles considèrent qu’il existe une sorte de cursus honorum qui commence par la municipalité, le grenier à sel ou l’élection avant de s’achever par le présidial. Le problème est maintenant de savoir s’il existe des dynasties. Guy Saupin les a définies en fixant à 4 le nombre de membres d’une même famille occupant des charges dans une institution. Dans ce cas, on peut retenir qu’au Mans, il y aurait dix dynasties au présidial et huit à l’Hôtel de ville mais comme ces familles ont souvent des membres dans les deux corps, le problème est plus compliqué et on peut dire qu’au total il s’agit de vingt dynasties qui composent le patriciat de 1551 à 1789. On remarque que l’idée de ne pas aller au présidial et de privilégier l’Hôtel de ville n’a séduit que trois familles sur vingt. Le tableau résume la situation :
32Si on résume les tableaux, on voit bien que la réussite n’est pas au rendez-vous en dehors du présidial même si certaines familles ont, semble-t-il, fondé davantage d’ambitions sur l’Hôtel de ville que sur la cour de justice. Néanmoins cette tendance à se constituer en dynasties est plus importante au xviie siècle qu’au xvie et au xviiie. Enfin, ces dernières ne durent en moyenne qu’une centaine d’années.
33Il est aussi évident que certains lignages ont adopté des stratégies différentes : ainsi au xvie siècle les Garnier, les Legras du Luart ne sont pas intéressés par l’échevinage. Il peut s’agir aussi d’opportunités : d’offices libres, de mariages, de liens d’amitié, toutes choses pour lesquelles nous n’avons pas pour le moment d’informations.
34Si on utilise la cinquantaine de généalogies dont nous disposons pour essayer de comprendre les itinéraires sociaux de ce patriciat, on perçoit quelques évolutions dans le temps et notamment au xviie siècle un rôle plus important de l’économie pour entrer dans le patriciat alors que le monde juridique se maintient à deux cinquièmes. En revanche, on ne décèle pas d’origine sociale particulière qui pourrait préfigurer une orientation plus accentuée vers le présidial et la municipalité.
Conclusion
35La première observation qui frappe en regardant les institutions municipales du Mans est l’absence de maire avant 1692 et le refus de voir anoblir son corps municipal au nom, semble-t-il, de l’égalité des bourgeois et du maintien des privilèges.
36La seconde est la véritable tutelle exercée par le présidial et surtout par le lieutenant général qui fait fonction de maire et « gardiateur des privilèges ». Même si ce pouvoir est contesté il est frappant de voir que les équilibres du temps de Charles VIII ne sont pas remis véritablement en cause.
37La troisième est l’existence d’un patriciat à deux têtes, le présidial et l’Hôtel de ville. En effet, les dynasties uniquement municipales sont rares de même que celles du présidial qui ne se penchent pas sur la vie municipale. Généralement les notables fournissent à la fois des magistrats et des échevins. Néanmoins si la moitié des familles du présidial est présente à l’intérieur de la municipalité, elles ne représentent que le cinquième des responsables de la ville. Ces échevins sont deux à trois fois plus nombreux que les magistrats, ce qui est logique puisque les juges achètent leurs charges, ce qui l’est moins, c’est le poids politique d’une cour de justice sur le pouvoir municipal. On peut alors se demander si le refus des propositions de Louis XI n’a pas été opposé sous l’influence des magistrats manceaux qui refusaient de voir naître à côté d’eux un pouvoir concurrent.
38Enfin il y a une tendance lourde à privilégier les juges. On s’en aperçoit encore en 1790 lorsque Foisy est élu maire du Mans alors qu’il avait été conseiller au présidial. Son successeur quelques mois plus tard, Le Prince d’Ardenay est un négociant et un industriel mais aussi un magistrat. Ainsi de 1692 à 1791, sur dix choix de maire on compte six familles de notables issus du présidial. On peut dire que cette cour de justice est à l’époque ancienne au cœur du pouvoir dans la ville.
Notes de bas de page
1 J.-M CONSTANT, La Ligue, Paris, 1996.
Y. DURAND, « Les républiques en France à la fin du xvie siècle », Annales de la Société d’histoire et d’archéologie de l’arrondissement de St-Malo, 1990.
2 T. CAUVIN, L’administration municipale dans la province du Maine, Le Mans, 1842 ; Le Mans et ses environs, Paris, 1991.
3 B. CHEVALIER, Les bonnes villes de France du xive au xvie siècle, Paris, 1982.
4 G. SAUPIN, Nantes au xviie siècle : vie politique et vie urbaine, Rennes, 1996.
5 F. LEMAIRE (conseiller au présidial d’Orléans), Histoire des antiquités de la ville et duché d’Orléans, Orléans, 1646.
6 M. CASSAN, « Une émancipation politique tardive : les villes du Limousin et de l’Auvergne », dans Espaces et pouvoirs urbains dans le Massif central, Ussel, 1994.
7 J. MAILLARD, Le pouvoir municipal à Angers de 1657 à 1789, Rennes, 1984.
8 Travaux d’Anne Fillon qui seront publiés prochainement. Concernant le partage noble cf. L. BOURQUIN, « Partage noble et droit d’aînesse dans les coutumes du royaume de France à l’époque moderne », dans L’identité nobiliaire. Dix siècles de métamorphoses (xe-xixe siècles), Publication du laboratoire d’histoire anthropologique du Mans, Le Mans, 1997, ρ. 136-165.
9 L BOURQUIN, Servir le Prince : l’autorité nobiliaire en Anjou pendant les guerres de religion, mémoire d’habilitation, 1998 (à paraître prochainement).
10 BNF mss 500 de Colbert 277. Une partie a été publiée par P.-Y. PROST, « Le Maine vu par un intendant de Louis XIV », Sciences et Arts, 1977.
11 R. DESCIMON et O. RANUM, Débats du parlement de Paris pendant la minorité de Louis XIV, Paris, 1997,439 pages, p. 373.
12 R. de LINIÈRE, Armoriai de la Sarthe, 2 vol., Paris, 1948.
Auteur
Université du Maine
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